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Document 52014AE1656

    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir» — [COM(2014) 72 final]

    JO C 451 du 16.12.2014, p. 145–151 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    16.12.2014   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 451/145


    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir»

    [COM(2014) 72 final]

    (2014/C 451/24)

    Rapporteur:

    M. LONGO

    Le 7 mars 2014, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

    «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir»

    COM(2014) 72 final.

    La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juin 2014.

    Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 180 voix pour, 8 voix contre et 13 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le CESE réitère avant tout ce qu'il a affirmé dans de nombreux avis élaborés au cours des dernières années sur l'importance que revêt l'internet en tant que condition essentielle du développement économique et de l'emploi, de l'innovation technologique et de l'inclusion sociale.

    1.2

    Le CESE approuve sans réserve la volonté de la Commission de réaffirmer avec force la défense et la promotion des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques, ainsi que le concept juridique de réseau unique, soumis à des règles communautaires homogènes à l'instar d'autres secteurs et non morcelé en raison de réglementations différentes et potentiellement en conflit les unes avec les autres.

    1.3

    Il importe de placer au centre de la future gouvernance de l'internet la valeur fondamentale qui réside dans son architecture ouverte, distribuée, et dans son caractère neutre et accessible à tous, avec des obstacles minimes à l'entrée. Le CESE observe néanmoins que la communication ne définit pas de manière suffisante le concept de gouvernance coopérative à laquelle l'UE devrait contribuer, non plus que les instruments et les modalités susceptibles d'assurer les processus multipartenaires de décisions dans le domaine de l'internet. En particulier, il conviendrait de clarifier à qui revient le rôle d'effectuer les contrôles sur la gouvernance de l'internet.

    1.4

    S'agissant du rôle dévolu jusque-là à l'ICANN (société pour l'attribution de noms de domaine et des numéros sur l'internet) et des fonctions de IANA (Internet Assigned Numbers Authority — organisme gérant l'attribution des adresses numériques sur l'internet), le CESE estime opportun que la Commission prenne une décision claire quant au rôle de l'Union européenne dans le futur organisme transnational.

    1.5

    Il est certain que l'Habeas Corpus numérique, que le Parlement européen a décidé d'instaurer, et la mise en œuvre des mesures prévues dans le «paquet Télécom» visant la mise en place d'un marché unique européen des télécommunications contribueront à renforcer la confiance dans l'internet.

    1.6

    Le choix des normes techniques peut avoir une incidence importante sur les droits des citoyens, et notamment ceux relatifs à la liberté d'expression, à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité des utilisateurs, sans oublier les droits d'accès aux contenus. Depuis sa création, le projet de l'internet a toujours pleinement défendu les droits des citoyens. Les éléments qui ont menacé ces droits ont été le fait de gouvernements et d'opérateurs de sites internet, dont le contrôle est indépendant du réseau. Pour autant, il y a encore lieu de formuler des recommandations garantissant la compatibilité des solutions techniques retenues avec les droits de l'homme.

    1.7

    Pour ce qui concerne les aspects juridiques de l'internet, le CESE souscrit à la volonté exprimée par la Commission de procéder à un réexamen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions, souvent aggravés par les règlements émanant individuellement des Autorités indépendantes de réglementation.

    1.8

    Le CESE note que la communication ne fait aucune référence à plusieurs problèmes techniques et opérationnels qui sont pour lui des sujets de préoccupation. Les principaux aspects sont les suivants:

    la capacité de l'internet à l'avenir, étant donné la croissance exponentielle du trafic et l'absence de planification organisée des capacités;

    la neutralité du réseau, qui est une caractéristique reconnue comme essentielle par la stratégie numérique;

    la méthodologie des moteurs de recherche et la présentation des résultats obtenus, qui sont une source de préoccupation majeure.

    1.9

    Le CESE souligne l'importance de l'inclusion. La contribution de l'Union européenne à une gouvernance mondiale de l'internet ne saurait se faire sans la promotion de politiques d'inclusion en matière de TIC, afin de créer les conditions préalables à une société véritablement inclusive (voir à ce sujet la Charte de Riga (2006), élaborée en marge de la Conférence ministérielle sur les TIC pour une société inclusive, qui prévoit une série d'engagements à assurer la mise en œuvre de solutions TIC en faveur des personnes âgées et en matière d'accessibilité numérique dans l'UE). L'internet est, dans sa conception même, inclusif, et ce principe est consacré dans la charte de l'ICANN. L'accès à internet est effectivement contrôlé par les fournisseurs de services de communications et les fournisseurs de services internet (FSI), qui sont soumis à l'autorité des administrations nationales. La responsabilité en matière d'inclusivité incombe à ces instances de réglementation et, dans l'UE, à la Commission européenne.

    1.10

    Enfin, le CESE espère que l'IGF s'affirmera de plus en plus comme un lieu de rencontre pour tous les acteurs de l'internet. L'UE doit jouer un rôle de premier plan dans le prochain IGF qui se tiendra à Istanbul, à travers une action conjointe de la Commission, des États membres et de la société civile.

    2.   Introduction

    2.1

    L'internet est un phénomène pluridimensionnel, pour lequel il n'existe pas de contrôle global. En voici les principaux éléments:

    a)

    l'internet est par définition le réseau des réseaux. Chaque réseau est autonome et nombre d'entre eux sont des entreprises publiques. En l'absence de planification globale pour s'adapter à la croissance exponentielle du trafic internet, les réseaux physiques sont probablement le principal point de vulnérabilité de l'internet, avec des répercussions profondes pour le développement de la société mondialisée.

    b)

    l'administration et l'enregistrement des noms de domaine (.com) et des adresses IP sont gérées de manière décentralisée par l'ICANN (société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur l'internet), située en Californie. La communication de la Commission porte essentiellement sur l'intervention de cette dernière dans la gestion de l'ICANN.

    c)

    les normes et protocoles du World Wide Web sont développés par le Consortium World Wide Web (W3C) tandis que l'Internet Engineering Task Force (IETF) fait la même chose pour l'internet.

    d)

    les fournisseurs d'accès à l'internet enregistrent les utilisateurs et leur fournissent l'accès à l’internet.

    e)

    les navigateurs tels qu'Internet Explorer et les moteurs de recherche tels que Google permettent d'utiliser internet. Certains de ces services sont très controversés.

    f)

    les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter ont joué un rôle manifeste dans les troubles publics et la lutte pour les libertés civiles dans de nombreux pays.

    g)

    les services d'informatique en nuage et de médias d'émission en continu stimulent la croissance du trafic internet. Netflix (vidéo à la demande) qui nécessite des vitesses de téléchargement élevées a provoqué le débat sur la neutralité du réseau aux États-Unis.

    h)

    les actions nécessaires pour optimiser les avantages de l'internet et en atténuer les désavantages constituent la base de la stratégie numérique de l'UE. Il s'agit non seulement de faire progresser l'économie européenne sur l'internet, mais aussi d'aborder les questions de cybersécurité, de cybercriminalité, de protection des données, de fracture numérique, de soutien aux personnes handicapées ou défavorisées, etc. À bien des égards, la stratégie numérique pour l’Europe est plus un exercice de gouvernance de l'UE qu'un exercice de gouvernance de l'internet, même si elle rassemble les mesures les plus importantes nécessaires pour tirer le meilleur parti de l'internet.

    3.   Le contenu de la communication

    3.1

    La Commission a élaboré une série d'orientations destinées à jeter les bases d'une vision européenne commune de la gouvernance de l'internet, afin de renforcer le rôle de l'Europe dans le développement de l'internet, en tant que pierre angulaire du marché unique du numérique et moteur de l'innovation, de la croissance économique, de la démocratie et des droits de l'homme. La Commission entend confirmer les orientations qu'elle a déjà exposées dans sa précédente communication de 2009 (1) sur le même sujet, en particulier en ce qui concerne le renforcement du modèle multipartenaire.

    3.2

    Pour compenser l'absence de contrôle global, un forum sur la gouvernance de l'internet (IGF) a été créé sous les auspices des Nations unies. La suite à donner à ce forum est le deuxième thème de la communication de la Commission. Étant donné l'attention que porte la Commission à l'IGF et l'ambition qu'elle affiche de participer au contrôle de l'ICANN, il est difficile de ne pas en conclure que la communication porte sur le contrôle politique de l'internet. Le CESE est d’avis qu'il faudrait également proposer une orientation et des mesures pour résoudre les questions liées à la gouvernance technique et opérationnelle de l'internet, telles que celles mises en évidence aux points (a), (e) et (g) ci-avant.

    3.3

    Cette vision européenne se fonde sur une série de principes communs au niveau européen tels que la défense des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques (qui sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention européenne des droits de l'homme et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), et la promotion d'un réseau unique et non morcelé, dans lequel les décisions sont adoptées conformément à des principes comprenant notamment la transparence, la responsabilisation et la participation de toutes les parties prenantes concernées. La communication rappelle que les instances avec lesquelles il faut un niveau élevé de collaboration sont notamment le forum sur la gouvernance de l'internet (IGF) (organisme créé après le sommet mondial sur la société de l'information (World Summit on the information Society, WSIS) et promu par la résolution 56/183 des Nations unies (21 décembre 2001)), l'ICANN et l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority).

    3.4

    La Commission prône une approche résumée par l'acronyme COMPACT: envisager l’internet comme un espace Civiquement responsable, Organisé comme un ensemble unifié régi par une approche Multipartenaire, visant à Promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, fondé sur une Architecture qui inspire Confiance et facilite l'établissement d'une gouvernance Transparente, pour l'infrastructure sous-jacente de l'internet comme pour les services fournis par son intermédiaire. Cette approche s'inspire de l'Agenda de Tunis pour la société de l’information (18 novembre 2005), dont les principes ne semblent malheureusement pas être soutenus à l'échelle mondiale, mais uniquement par un nombre limité de partenaires et n'ont qu'une portée géographique restreinte (par exemple, la recommandation du Conseil de l'OCDE sur les principes pour l'élaboration des politiques de l'internet (2011) et la déclaration du G 8 de Deauville (2011)).

    3.5

    La Commission propose notamment:

    de définir un ensemble cohérent de principes applicables à la gouvernance d'internet, en accord avec toutes les parties prenantes;

    de soutenir l'IGF, en définissant clairement le rôle des autorités publiques;

    de donner à l'ICANN une dimension mondiale, en fixant un calendrier précis, et de mondialiser les fonctions de l'IANA, en garantissant la sécurité et la stabilité du système des noms de domaine;

    de commencer, en 2014, les activités de l'Observatoire mondial de la politique de l'internet, en tant que ressource pour la communauté mondiale;

    de lancer une vaste consultation publique sur la participation de toutes les parties prenantes à la formulation de la future politique européenne de gouvernance de l'internet;

    de créer des mécanismes structurés permettant la participation aux décisions techniques, avec pour objectif de garantir qu'elles soient compatibles avec le respect des droits de l'homme;

    de renforcer la confiance du public dans les activités en ligne, s'agissant notamment de la protection des données et de la sécurité des réseaux et de l'information;

    de lancer un examen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions survenant sur l'internet.

    4.   Évaluations et observations

    4.1

    La Commission propose de définir une vision européenne commune pour la gouvernance de l'internet, qui permette à l'UE de jouer un rôle important dans un secteur qui est fondamental pour l'avenir, tant sur le plan économique que politique et social. C'est un choix primordial pour donner une forte impulsion au développement économique des États membres, tout en veillant au renforcement des principes de démocratie et des droits de l'homme.

    4.2

    Une gouvernance durable du réseau doit se fonder sur un système multipartenaire, tel que défini dans l'agenda de Tunis: gouvernements, secteur privé, société civile, organisations intergouvernementales et internationales, milieux universitaires et techniques.

    4.3   Une approche fondée sur des principes

    4.3.1

    Le CESE réitère avant tout ce qu'il a affirmé dans de nombreux avis élaborés au cours des dernières années sur l'importance que revêt l'internet en tant que condition essentielle du développement économique et de l'emploi, de l'innovation technologique et de l'insertion sociale. Le soutien apporté par le CESE à la société de l'information, à la stratégie Europe 2020 et à la stratégie numérique a toujours été plein et entier, et a eu comme corollaire de nombreuses propositions et parfois des remarques critiques.

    4.3.2

    L’objectif doit être de favoriser le rôle moteur de l'UE dans le développement des infrastructures numériques, et notamment du haut débit rapide et garanti à tous les citoyens; dans la création d'un marché unique du numérique disposant de contenus européens divers et qui ait un caractère intégrateur; dans la réduction de la fracture numérique, par la diffusion d'une culture numérique; dans la conception d'une informatique en nuage européenne (2); dans la définition de réglementations appropriées de protection contre la cybercriminalité, l'intrusion dans la vie privée, l'utilisation illicite d'identité, les dangers pour les enfants, et pour la protection du droit à l'oubli.

    4.3.3

    Le CESE approuve sans réserve la volonté de la Commission de réaffirmer avec force la défense et la promotion des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques, ainsi que le concept juridique de réseau unique, soumis à des règles communautaires homogènes à l'instar d'autres secteurs et non morcelé en raison de réglementations nationales différentes et potentiellement en conflit les unes avec les autres. L'on estime ce choix nécessaire afin de créer un espace européen unique accessible, rapide et durable pour les gouvernements locaux, les citoyens, les entreprises, et le secteur non marchand (3).

    4.3.4

    À cet égard, le Comité souscrit aux inquiétudes exprimées par la Commission sur des cas de violation de la liberté d'expression par le blocage des réseaux sociaux, effectué par l'Agence turque pour l'information, la technologie et les communications, ainsi que par les mesures relatives à la liberté d'expression contenues dans le récent paquet de mesures antiterroristes approuvées par le Parlement russe.

    4.4   Un cadre de gouvernance coopérative

    4.4.1

    Le CESE observe que la communication ne définit pas de manière suffisante le concept de gouvernance à laquelle l'UE devrait contribuer, non plus que les instruments susceptibles d'assurer les processus multipartenaires de décisions dans le domaine de l'internet, comme cela avait déjà été le cas pour les propositions d'actions contenues dans la communication intitulée «Une stratégie numérique pour l'Europe  (4) ». Dans le cadre d'une gouvernance globale et partagée, il est possible de définir plus précisément les niveaux et les modalités.

    4.4.2

    À l'évocation de certaines expériences positives d'États membres et d'autres pays non européens, la Commission juxtapose en tant qu'initiative unique, importante et utile, la mise en place de la plateforme dénommée Observatoire mondial de la politique de l'internet (acronyme anglais GIPO), tout en se réservant la possibilité de formuler d'autres propositions opérationnelles, au terme d'une prochaine consultation publique. Mais une vaste consultation avait déjà été engagée dans la perspective de cette communication, consultation qui, non seulement, n'a pas débouché sur une approche plus concrète des propositions contenues dans ladite communication, mais surtout a révélé un intérêt insuffisant des institutions et des acteurs concernés.

    4.4.2.1

    La Commission doit exposer plus clairement quel rôle spécifique elle assigne à l'UE et quelle est la valeur ajoutée de celle-ci en la matière, ainsi que ce qui est demandé à chaque État, y compris à la lumière de la stratégie numérique pour l'Europe; elle doit aussi définir quelles sont les compétences exclusives et les compétences partagées, afin d'éviter également les chevauchements et les conflits potentiels.

    4.4.3

    Le CESE se dit inquiet de voir que les États membres et l'ensemble des acteurs concernés manquent d'intérêt vis-à-vis d'un sujet revêtant une importance fondamentale pour l'avenir économique et social de l'Union et le sous-estiment gravement. Le CESE demande à la Commission de mettre en œuvre des actions destinées à solliciter directement les gouvernements, le monde des entreprises et les ONG actives dans le domaine de la protection des droits des citoyens et notamment les associations des consommateurs, qui ne sont pas mentionnées dans la communication.

    4.4.4

    Ces dernières années, le CESE a élaboré de nombreux avis sur l'internet, et plus particulièrement sur la stratégie numérique; à ce titre, il doit être associé à ces actions.

    4.5   La mondialisation des décisions fondamentales pour l'internet

    4.5.1

    Un autre aspect important concerne les actions que l'UE dans son ensemble devrait mettre en œuvre à l'échelon international, relatives à la gouvernance de toutes les communications électroniques, et les droits des citoyens. Dans la communication, il manque des indications spécifiques sur la manière de diffuser de telles initiatives au niveau international.

    4.5.2

    Ce fait est d'autant plus important qu'à l'occasion du scandale du Datagate, la faiblesse de l'UE est apparue; et que lors du Sommet d'octobre 2013 à Bruxelles, elle n'a pas été capable d'apporter une réponse collective forte et est intervenue sur la scène internationale en ordre dispersé.

    4.6   Processus multipartenaires: la mondialisation de l'ICANN

    4.6.1

    Le CESE observe qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre stratégique. S'il n'est pas souhaitable que la gouvernance du réseau reste aux mains du gouvernement américain, il convient aussi de déterminer avec précision un régime «multipartenaire», de telle sorte que cette gouvernance soit vraiment représentative. Il convient de trouver un juste équilibre entre les instances de gouvernance, les grandes entreprises qui répondent aux intérêts de leurs actionnaires, et les ONG qui représentent directement les citoyens.

    4.6.1.1

    La création d'instruments informatiques innovants tels que le GIPO est soutenue par le CESE car il s'agit d'une ressource importante mise à disposition de la communauté internationale pour suivre les politiques réglementaires en matière d'Internet et de nouvelles technologies, en facilitant les échanges entre les différents forums. Cela favorise surtout les éléments de la société civile qui ont des ressources limitées.

    4.6.2

    Pour ce qui concerne l'ICANN et l'IANA, l'organisme technique a enfin annoncé le lancement d'un processus de gestion globale et multipartite des fonctions techniques qui lui ont été attribuées à partir de septembre 2015, date d'expiration du contrat avec le gouvernement des États-Unis d'Amérique relatif à la gestion des domaines nationaux de premier niveau. Le CESE demande que la Commission détermine clairement quel devrait être le rôle de l'Union européenne dans le futur organisme transnational et réclame que le conseil de direction du nouvel ICANN comprenne un représentant technique et un représentant politique.

    4.6.3

    Il importe également que la Commission soutienne le renforcement de l'IGF en tant que lieu de rencontre pour tous les acteurs de l'internet. Le CESE attend que l'UE joue un rôle de premier plan dans l'IGF qui se tiendra à Istanbul en septembre 2014, à travers une action conjointe résolue de la Commission, des États membres et de la société civile, et qu'elle y fasse valoir le contenu de la communication.

    4.7   Instaurer un climat de confiance

    4.7.1

    À l'échelon intracommunautaire, il importe que la Commission souligne de manière appropriée dans sa communication la nécessité d'instaurer un climat de confiance sur l'internet en appliquant des instruments réglementaires qui renforceraient sa sécurité, sa stabilité et sa résilience, à l'instar de ce qu'ont permis la réforme du cadre réglementaire relatif à la protection des données personnelles et la directive sur la sécurité des réseaux et de l'information.

    4.7.2

    Faisant suite au rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, élaboré dans le sillage de l'affaire Datagate, le Parlement européen a de manière opportune décidé d'instaurer un «Habeas Corpus numérique européen protégeant les droits fondamentaux à l'ère numérique», par le bais d'actions spécifiques rentrant dans un programme prioritaire de la prochaine législature.

    4.7.3

    Le CESE suivra avec grande attention le lancement de ces actions et la mise en œuvre des mesures prévues dans le cadre du paquet Télécom relatif à la mise en place d'un marché unique des télécommunications (5).

    4.8   Les normes techniques qui définissent l'internet

    4.8.1

    Un autre aspect capital concerne les normes techniques. Le caractère ouvert et transnational de l'internet implique que la fixation des normes techniques intervienne indépendamment des considérations de politique publique définies au niveau de chaque État ou de structures intergouvernementales régionales, mais par un processus d'autoréglementation de la communauté technique qui n'est appelée à se concerter avec les institutions que dans des cas précis. L'incidence que ces processus peuvent exercer sur les droits des citoyens, et notamment ceux relatifs à la liberté d'expression, à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité des utilisateurs (y compris le droit à l'oubli), ainsi que les droits d'accès aux contenus, impose d'effectuer des choix précis et de formuler des recommandations garantissant la compatibilité des solutions techniques retenues avec les droits de l'homme.

    4.8.2

    Le CESE est favorable à la proposition de la Commission d'organiser des séminaires avec des experts internationaux dans différents domaines (juridique, social, économique et technique), pour assurer la cohérence entre les cadres réglementaires existants et de nouvelles formes de définition liées à l'internet.

    4.8.3

    Sur le plan de la concurrence et du libre marché, il convient aussi de poser le problème d'une situation où un petit nombre d'algorithmes privés exercent un contrôle exclusif des données à caractère personnel, des métadonnées et des recettes de publicité ou de copyright (6).

    4.9   Conflits de lois et de juridictions

    4.9.1

    En ce qui concerne les aspects juridiques de l'internet, la création d'un marché unique numérique d'ici 2015 a été réitérée vigoureusement par la Commission et évidemment cette démarche ne peut faire abstraction des réglementations nationales et internationales appliquées aux transactions exécutées en ligne. Nous souscrivons à la volonté exprimée par la Commission de procéder à un réexamen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions, souvent aggravés par les règlements émanant individuellement des Autorités indépendantes de réglementation.

    4.9.2

    Le CESE note que la communication ne fait aucune référence à la neutralité du réseau, qui pourtant est une caractéristique ayant été reconnue comme essentielle par la stratégie numérique. Le Comité réitère ce qu'il a déjà affirmé dans divers avis, se dit inquiet des initiatives réglementaires actuellement en discussion aux États-Unis, et «recommande fortement de consacrer formellement et sans délai les principes d'internet ouvert et de neutralité d'internet dans le droit européen, tout en gardant toujours à l'esprit l'évolution des technologies (“l'état de la technique”) dans ce domaine (7)».

    4.10   Un internet inclusif

    4.10.1

    Pour finir, le CESE souligne l'importance d'un aspect fondamental: l'inclusivité. La contribution de l'Union européenne à une gouvernance mondiale de l'internet ne saurait se faire sans la promotion de politiques d'inclusion en matière de TIC, afin de créer les conditions préalables à une société véritablement inclusive (en 2006, les ministres des États membres de l'Union européenne, des pays en voie d'adhésion, des pays de l'AELE (Espace européen de libre-échange) et des autres pays responsables de la politique d'inclusion numérique ont signé la «Charte de Riga» en marge de la Conférence ministérielle sur «Les TIC pour une société inclusive». Cette charte énumère une série d'engagements visant à assurer la mise en œuvre de solutions TIC en faveur des personnes âgées et en matière d'accessibilité numérique dans l'UE). Le CESE estime qu'il serait approprié d'inclure dans la communication le principe suivant lequel des TIC accessibles et faciles à utiliser doivent être reconnues comme des instruments essentiels pour les personnes handicapées, leur permettant l'accessibilité et la possibilité de jouir complètement et efficacement, sur la base de l'égalité, de toutes les possibilités offertes.

    Bruxelles, le 10 juillet 2014.

    Le Président du Comité économique et social européen

    Henri MALOSSE


    (1)  COM(2009) 277 final.

    (2)  JO C 107 du 6.4.2011, pp. 53-57; JO C 318 du 29.10.2011, p. 9; JO C 229 du 31.7.2012, p. 1; JO C 161 du 6.6.2013, p. 8; JO C 76 du 14.3.2013, pp. 59-65.

    (3)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 137.

    (4)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

    (5)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 64.

    (6)  COM(2012) 573.

    (7)  JO C 24 du 28.1.2012, pp. 139-145.


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