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Document 52011IE1176

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Aides d'État à la construction navale (supplément d'avis)

JO C 318 du 29.10.2011, p. 62–68 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/62


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aides d'État à la construction navale» (supplément d'avis)

2011/C 318/10

Rapporteur: M. KRZAKLEWSKI

Corapporteur: M. CALVET CHAMBON

Le 9 décembre 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, point A, des modalités d'application de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème

«Aides d'État à la construction navale»

(Supplément d'avis).

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 124 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen est convaincu que l'«encadrement des aides d'État à la construction navale» (ci-après l'encadrement) constitue un instrument qu'il convient de préserver, tout en entreprenant de moderniser et d'étendre certaines de ses dispositions. Dans son champ d'application, il a contribué à la réalisation des objectifs politiques et sociaux visés. S'il est justifié de le maintenir, c'est au premier chef à cause de la spécificité du secteur, que son texte actuel décrit en introduction.

1.2   Le Comité souhaite souligner que l'encadrement n'a pas pour objet de lutter immédiatement contre la crise mais découle des particularités du secteur et que l'aide octroyée en vertu de ses prescriptions ne peut servir de mesure correctrice qui compenserait la construction de navires non compétitifs ou de bâtiments à faible niveau technologique.

1.3   Le Comité estime qu'il existe un argument supplémentaire attestant de la situation particulière de la construction navale, qui nécessite le maintien et la mise à jour de l'encadrement, en l'occurrence les toute récentes informations sur la rupture, après vingt années de tractations, des négociations menées sous l'égide de l'OCDE pour dégager un accord sur l'industrie de la construction navale, qui avait pour ambition de définir des conditions équitables de concurrence sur le marché mondial.

1.4   Dans la suite du présent avis, le Comité se réfère à des questions et problématiques fondamentales, que la Commission a soumises aux parties intéressées, lors d'un processus de consultation. Par ailleurs, le Comité propose, en les justifiant, des modifications qu'il conviendrait d'introduire dans la version revue de l'encadrement.

1.5   S'agissant de l'aide à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI), telle qu'elle est prévue par l'encadrement, le Comité estime qu'elle est nécessaire car elle aide les entreprises à assumer les formes particulières de risque liées à l'innovation.

1.5.1   Le Comité estime que l'accès aux aides à l'innovation exerce une incidence positive sur l'évaluation du risque qui, dans le développement de nouveaux produits ou processus, est lié à chaque composante d'innovation. Elles offrent aux entreprises navales la possibilité de poser des jalons sur la voie de solutions nouvelles, qui accroissent les perspectives de succès sur les marchés pour les produits novateurs et, en conséquence, encouragent encore les activités de recherche, développement et innovation.

1.6   Considérant la question posée par la Commission quant à l'opportunité de ne plus autoriser l'aide aux innovations que pour celles qui sont liées aux bâtiments «verts» et d'en exclure désormais tous les autres types, le Comité adhère à la position des partenaires sociaux et estime qu'un tel choix affaiblirait considérablement l'efficacité de cet instrument. En particulier, on en arriverait alors à annihiler sa forte influence positive sur les innovations, qu'elles concernent les processus ou se présentent sous une autre forme, en rapport avec les produits, dans des domaines tels que la sécurité ou la productivité.

1.7   Le Comité affirme que les instruments de soutien dont l'objectif est d'aider les «technologies vertes» à s'imposer sur le marché représentent un outil important et qu'il convient de les intégrer dans le texte de l'encadrement. L'encadrement révisé devrait contenir des prescriptions appropriées et concrètes à ce sujet, qui s'ajouteraient aux impératifs des règles horizontales se rapportant à la protection de l'environnement. De l'avis du Comité, de telles dispositions ne serviront pas à établir un instrument supplémentaire d'aides d'État, mais simplifieront la mise en œuvre de l'encadrement et permettront de réaliser d'importants objectifs de l'UE.

1.8   Abordant l'importante problématique soulevée par la Commission quand elle demande s'il est opportun, dans la mesure où il existe également un encadrement horizontal qui s'y applique, de conserver l'aide à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI) dans l'encadrement des aides d'État à la construction navale, le Comité affirme avec force qu'eu égard à la spécificité du secteur de la construction navale, il s'impose de maintenir cette aide telle qu'elle a été prévue dans l'encadrement, étant donné que ledit encadrement horizontal n'offre pas de solutions appropriées pour appuyer l'innovation dans l'industrie navale.

1.9   Compte tenu de ce que dans le laps de temps compris entre l'instauration de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en 2004, et la crise des années 2009-2010, rien n'incitait à recourir à l'aide liée à la fermeture d'installations mais que récemment, la situation du secteur a connu une dégradation si dramatique que les carnets de commandes des chantiers navals européens ont atteint leur niveau le plus bas depuis plus de dix ans, le Comité estime qu'il y a lieu de recourir à ce type d'aide. Il conviendrait que les dispositions le régissant donnent aux chantiers navals la possibilité de procéder à une restructuration partielle sans devoir en passer par tout le processus d'habilitation prévu pour ces opérations dans les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration.

1.10   Le Comité est convaincu que les aides régionales sont également utiles pour les chantiers navals. Dans l'encadrement, elles devraient garantir la même intensité d'aide que les principes qui sont utilisés dans les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale. Le Comité estime qu'il n'est ni indiqué, ni justifié que l'encadrement limite le périmètre de l'aide aux seuls chantiers navals existants.

1.11   Dans leur fonctionnement, les dispositions restrictives que l'Europe a prises concernant l'extension des capacités de production industrielles dans le secteur ont abouti à l'effet opposé de celui qui était recherché: au lieu de réduire sa contribution à une offre globale excédentaire, elles n'ont fait que placer ses chantiers navals dans une posture défavorable par rapport à leurs concurrents mondiaux. En conséquence, il ne se justifie en aucune manière de maintenir ces mesures restrictives qui ont pour objectif de réduire au minimum l'aide à l'expansion des capacités de production.

1.12   En ce qui concerne les dispositions sur l'aide en matière d'emploi qui sont prévues dans l'encadrement, le Comité invite les États membres à recourir à ces moyens plus souvent qu'ils ne le font à l'heure actuelle, tout particulièrement afin de soutenir l'activité des chantiers dans leur pays en matière d'éducation et de formation.

1.13   Le Comité considère qu'il y a lieu que l'encadrement maintienne la disposition concernant le crédit à l'exportation. Les crédits à l'exportation qui sont accordés dans le respect de l'accord sectoriel de l'OCDE ne constituent pas des aides d'État et apportent un soutien aux entreprises et, par là-même; aux régions où elles sont implantées. Cette assistance est directement liée au maintien ou à la création d'emplois dans ce secteur et dans les entreprises qui s'y rattachent, ainsi qu'aux avantages dont bénéficient les propriétaires de navires (ils peuvent obtenir des prêts de longue durée ou des garanties de prêts pour l'achat de navires).

1.14   Le Comité est favorable à ce que la gamme de produits qui devraient être couverts par l'encadrement soit étendue, en lien avec une mise à jour des données qui touchent à l'industrie de la construction navale et à la technologie depuis 2004. Il estime qu'à cette fin, il y a lieu de tirer parti de la proposition d'actualisation présentée dans la prise de position de la Communauté des associations européennes de chantiers navals européens (CESA) concernant l'article 2 de l'encadrement (1).

1.15   Le Comité invite les États membres et l'administration de l'UE à accorder une attention particulière à la politique d'information concernant les possibilités et les conditions d'utilisation des instruments d'aide publique qui sont prévues dans l'encadrement.

2.   Introduction

Contexte de l'avis

2.1   Le 29 avril 2010, le Comité a adopté un avis d'initiative intitulé «Le secteur naval européen face à la crise actuelle».

2.2   Dans son programme de travail pour 2011, la Commission européenne a prévu de réexaminer «l'encadrement des aides d'État à la construction navale», entreprise qui pourrait permettre de mettre à jour et de proroger ce document pour la période qui s'étend après 2011. Des consultations officielles avec les parties intéressées, entre autres les partenaires sociaux et les États membres, se sont déroulées jusqu'au 6 décembre 2010.

2.2.1   L'élaboration d'un supplément d'avis du Comité sur cette question apparaît utile et d'actualité, compte tenu des conséquences économiques et sociales de ces réglementations ainsi que de leur impact significatif sur des régions spécifiques.

2.3   L'«encadrement des aides d'État à la construction navale» reprend les réglementations qui sont suivies par la Commission dans son évaluation des aides d'État à la construction navale. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2004 et était censé initialement avoir une durée d'application de trois ans. À compter de cette date, la Commission a décidé à deux reprises de le proroger: en 2006, de deux ans et, en 2008, de trois ans supplémentaires. En conséquence, sa durée d'application s'étend aujourd'hui jusqu'au 31 décembre 2011.

2.4   Le principe général de l'encadrement des aides d'État à la construction navale est que ce secteur soit éligible aux aides d'État au titre des instruments horizontaux régissant celles-ci, à l'exception des cas où s'appliquent les dispositions spécifiques dudit encadrement. Celles-ci concernent des domaines tels que les aides à la recherche, au développement et à l'innovation, les aides à la fermeture d'entreprises, à la création d'emplois, aux crédits à l'exportation, les aides au développement et à finalité régionale.

2.5   Étant donné que la construction navale remplit les conditions pour bénéficier également d'un soutien au titre des instruments horizontaux d'aides des États (ainsi que de l'UE), il convient que les consultations, ainsi que l'avis du Comité, élaboré au nom de la société civile de l'UE, contribuent avant tout à établir si les dispositions spécifiques de l'encadrement doivent encore être appliquées et à indiquer par ailleurs si, en cas de reconduction, elles doivent être modifiées et, le cas échéant, de quelle manière.

3.   Informations actualisées et succinctes sur le secteur européen de la construction navale dans le contexte mondial à la veille de la décision concernant l'encadrement

3.1   L'avis du Comité d'avril 2010 fournit une présentation globale et détaillée du secteur européen de la construction navale. Les informations ci-dessous portent sur les données et les faits marquants de l'année écoulée.

3.2   Après la première période de crise, l'on peut affirmer que la récession à touché la construction navale dans le monde entier. Des distorsions dans les échanges sont apparues avec une intensité jusqu'ici inconnue; dès lors, tous les États dotés d'une industrie navale se sont trouvés confrontés à de graves difficultés en raison d'une baisse importante de la demande. En plus de la question, qui n'est toujours pas résolue, d'un cadre concurrentiel clair pour la construction navale et la commercialisation de navires, on constate aujourd'hui que les perspectives à long terme dont l'Europe dispose dans ce secteur sont sérieusement compromises.

3.3   La production mondiale de navires est actuellement réalisée à plus de 80 % par des pays asiatiques et leurs carnets représentent jusqu'à 90 % des commandes mondiales. Leur poids croît, aux dépens des États de l'UE, dont la part dans la production mondiale a baissé aujourd'hui jusqu'à un seuil de 7 à 8 %.

3.3.1   La part de l'Europe dans le marché mondial des nouvelles commandes a accusé une baisse très importante en 2009 pour atteindre un pourcentage de 2,7 %, mais au cours des trois premiers trimestres de 2010, ce chiffre est remonté à 4,8 %. Néanmoins, lorsque l'on évoque la quantité de navires dans les carnets de commandes, l'on observe que l'indicateur au niveau mondial s'est légèrement redressé en 2010, alors que dans l'UE, il est resté au même niveau qu'en 2009, soit le plus bas de la décennie.

3.3.2   Au cours des dernières années, le volume total des nouvelles commandes a atteint 85 millions en tonnage brut compensé (TBC) en 2007, 43 millions en 2008 et 16,5 millions en 2009 mais pour les trois premiers trimestres de 2010, ce chiffre a crû pour atteindre 26,3 millions TBC (les prévisions pour la fin de l'année s'élèvent à 35 millions environ). En 2009, la mise en chantier de nombreux bâtiments qui avaient déjà fait l'objet d'un contrat de fourniture a été annulée, en raison notamment des très faibles tarifs pratiqués pour le fret et de l'impossibilité d'obtenir des crédits bancaires pour financer la construction de navires.

3.3.3   Au premier trimestre 2010, l'indice des prix exprimé en euros, (lorsque cette monnaie a atteint son plus bas niveau des dix dernières années), s'est redressé d'environ 17 %, mais les taux de change ont une incidence négative sur les prix exprimés dans les devises nationales. Bien que cet indice ait augmenté de plus de 20 % depuis l'an 2000, les prix en euros sont néanmoins restés au même niveau.

3.4   Indépendamment de la crise, les principales causes d'instabilité dans la construction navale demeurent l'interventionnisme et le protectionnisme pratiqués par les pays où cette industrie constitue ou aspire à devenir un secteur essentiel de l'économie. Les chantiers navals, qui bénéficient d'aides d'État, notamment ceux d'Extrême-Orient, sont en mesure d'offrir leurs produits et services à un prix qui ne tient pas compte de tous les types de risques, c'est-à-dire à des tarifs inférieurs à la concurrence, essentiellement européenne, qui est contrainte d'intégrer ce type de risque dans le calcul de sa tarification. Dans la mesure où il représente un des facteurs qui influent sur la compétitivité), le cours de change des devises, qui peut être géré jusqu'à un certain point à l'échelon central, par exemple, en Chine ou en Corée du Sud, constitue un autre instrument de protectionnisme.

3.5   En décembre 2010, l'OCDE a décidé de ne pas reprendre les négociations concernant l'accord sur la construction navale, qui étaient destinées à assurer des conditions de concurrence équitables sur le marché mondial. L'échec de ces tractations au terme de vingt ans de discussions fait que le marché naval mondial demeurera à l'avenir l'objet d'une lutte impitoyable. C'est une évolution négative qui incite certains États à pratiquer encore plus largement différentes formes d'intervention sur le marché. Cette situation accentue encore l'inégalité des conditions de concurrence pour la construction navale à l'échelle internationale. La responsabilité de cette situation peut être imputée à l'attitude intransigeante de certains États qui, en dehors de l'UE, possèdent des chantiers navals, à savoir la Chine et la Corée du Sud.

3.5.1   Cette évolution de la situation est perçue comme une réaction à la crise mondiale et favorise l'instauration de mesures protectionnistes. Le risque grandit que: soient construits sur le marché mondial des navires qui n'ont pas de raison d'être du point de vue économique. Le lancement de ces nouveaux bâtiments aggravera la crise du marché du fret, qui se traduit par un nombre trop important de navires en concurrence pour une même cargaison. Les partenaires sociaux européens du secteur naval ont déjà eu l'occasion de déplorer les multiples facteurs qui ont des effets négatifs sur tous les acteurs du marché (capacités de production excessives, sous-estimation des prix des chantiers navals, excédents de tonnage, tarifs d'affrètements déprimés).

3.6   Dans l'UE, le secteur de la construction a subi depuis 2008 une baisse sévère de l'emploi: 40 000 postes y ont été perdus et toutes les parties intéressées plaident en faveur du lancement d'un programme d'urgence afin de préserver une masse critique dans les chantiers navals européens (2). Cette tendance est exacerbée par la mise en œuvre récente des normes Bâle III en matière de fonds propres, définies par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, qui restreignent les conditions de financement.

3.7   Depuis le début de la crise financière, il est devenu beaucoup plus ardu, dans l'UE, d'obtenir les ressources nécessaires à la construction de navires, étant donné que certaines institutions financières de premier plan ont réduit ou annulé leur engagement dans le financement des navires, tant avant leur mise à l'eau (préfinancement) qu'après cette étape. Dans ce contexte, les dispositifs de garantie publique, y compris ceux qui concernent les crédits à l'exportation, ont beaucoup gagné en importance. La crise du crédit perdure dans le secteur de la construction navale, malgré les premiers signes positifs de changement sur le marché.

3.8   Bien qu'il traverse également des difficultés temporaires, le sous-secteur de la réparation des navires, qui est classé dans le secteur de l'industrie navale, se trouve dans une situation nettement plus favorable que les chantiers navals de production. Les chantiers de réparation exercent leur activité sur un marché distinct de celui de l'industrie de la construction navale (plus de la moitié des navires réparés sont des unités hors UE). La crise mondiale des années 2009-2010 n'a pas épargné ce sous-secteur, car les armateurs ont réduit considérablement les dépenses de réparation de leurs navires, en se limitant souvent, en la matière, aux interventions indispensables et aux réparations périodiques exigées par la réglementation de navigation.

3.8.1   Face à une forte concurrence sur le marché mondial, les chantiers navals de réparation de certains États de l'UE ont mis en œuvre des mesures de diversification de leur production en modernisant («retrofit») les navires et en effectuant des opérations plus complexes telles que l'allongement des coques ou d'autres réaménagements concernant notamment les équipements d''extraction de pétrole et de gaz sur les fonds marins et la réalisation de navires de moindre dimension.

3.8.2   À l'heure actuelle, les opérations de réparation des navires se déroulent majoritairement dans des chantiers ou ateliers situés en dehors du territoire de l'UE, dans les pays voisins. Le Comité demande aux États membres et à l'administration de l'Union d'élaborer une stratégie qui pourrait donner une impulsion au développement et à la construction de chantiers navals de ce type sur les côtes de l'UE. Il est dans l'intérêt des États membres de l'UE de maintenir un «minimum stratégique» d'installations de réparation dans l'UE pour servir le secteur de la construction navale. Ces installations pourraient réparer les navires à un prix concurrentiel, assurer une exécution des commandes dans les délais et garantir l'utilisation de méthodes de travail qui tiennent compte de la dimension environnementale, contribuant à la renaissance industrielle de certaines régions côtières de l'UE.

4.   Observations générales

4.1   L'objectif général poursuivi par le réexamen de l'encadrement relatif à la construction navale doit porter sur l'amélioration des conditions de concurrence des chantiers navals européens. Cet esprit devrait imprégner toute la réglementation dudit encadrement.

4.2   La position concurrentielle globale du secteur européen de la construction navale est soumise à une pression très forte, due aux conditions de marché très difficiles, en particulier du fait des nombreuses mesures de soutien qui existent dans les pays concurrents. N'étant pas en mesure d'être compétitive en ce qui concerne le coût du travail, l'industrie européenne doit, pour l'emporter sur ses concurrents, garantir une production de la plus haute qualité s'agissant de la sécurité des navires, du rendement et de la protection du milieu marin ainsi que des procédés innovants visant à renforcer encore l'efficacité. Il est clair que l'encadrement, dans sa version renouvelée et modernisée, permettra précisément d'assurer des incitations adaptées dans ce sens et qu'il est indispensable pour obtenir ces résultats.

4.3   L'encadrement actualisé doit absolument établir de toute urgence un système pratique de mesures incitatives de nature à faciliter les investissements dans des navires, nouvellement construits ou modernisés, qui disposent de meilleures capacités en ce qui concerne la protection de l'environnement. À défaut de mettre en œuvre ce système à brève échéance, il pourrait devenir impossible de tirer profit des avantages immédiats de nature économique provenant de la réduction des émissions d'oxydes d'azote (NOx) et de soufre (SOx), ainsi que des gaz à effet de serre. Il convient que l'encadrement contienne des dispositions prévoyant que les aides de ce type et les moyens financiers qui leurs sont alloués soient réservés aux producteurs européens.

4.4   Les aides accordées au titre de l'encadrement revêtent de l'importance pour chaque entreprise et chaque région considérées individuellement, d'où la nécessité d'instaurer de nouveaux projets d'innovation afin d'apporter la réponse la plus rapide et la meilleure possible aux besoins changeants du marché. Les projets novateurs couverts par l'aide devraient comporter des éléments relevant tant de la recherche, développement et innovation en rapport avec de nouveaux produits que des formations et de l'amélioration des qualifications pour les travailleurs engagés dans les entreprises concernées. Il convient que l'encadrement rénové prenne cet aspect en considération.

4.5   Le Comité considère qu'avant d'aborder de manière détaillée la question des aides aux crédits à l'exportation (voir les observations spécifiques) il y a lieu de clarifier que la possibilité d'accéder à des tarifs de financement de la production qui soient concurrentiels représente souvent un facteur décisif pour lancer de nouveaux projets. La participation des pouvoirs publics, des banques d'État et des autres acteurs publics au financement tant avant leur lancement (préfinancement) qu'après cette étape, a crû sensiblement au cours des dernières années, notamment en Asie. Dans une perspective à moyen et long terme l'on peut présumer qu'en Europe aussi, le financement des activités de construction navale exigera, en règle générale, un soutien sous la forme de crédits ou de garanties d'État, avec une participation des institutions financières nationales et européennes, par exemple de la Banque européenne d'investissement, lorsque des difficultés ont été observées pour le secteur (3).

4.6   Depuis la première mise en place de l'encadrement des aides d'État dans le secteur de la construction navale de l'UE, de nombreux changements structurels sont intervenus, qu'il convient de prendre en considération dans le cadre de la prochaine définition des prescriptions de l'encadrement. Ces évolutions sont les suivantes:

la spécialisation des chantiers navals européens a permis de réaliser des progrès sensibles et il y a lieu de poursuivre et de soutenir ce processus,

la part de modèles «standards» de navires dans le carnet de production de l'industrie navale européenne s'est considérablement réduite,

la concurrence mondiale se fait à présent sentir jusque dans le segment des navires plus petits, notamment des bateaux de navigation intérieure,

alors que la taille (dimension) de la plupart des chantiers navals européens n'a pas varié ou a légèrement diminué au cours des dix dernières années, en raison de la fermeture de chantiers navals en Pologne, en Croatie, au Danemark et en Espagne, l'Europe s'est trouvée confrontée à l'extension massive des chantiers navals dans les pays concurrents, notamment asiatiques,

l'importance des produits et des processus de production respectueux de l'environnement s'est résolument accrue; il convient de soutenir cette tendance principalement en prenant les mesures nécessaires pour les questions des émissions, notamment d'oxydes de soufre (SOx) et d'azote (NOx) et de gaz à effet de serre,

le développement de l'activité côtière exigera que le secteur européen de la construction navale apporte une réponse directe quant aux moyens de satisfaire la demande locale par ses propres chantiers navals.

4.7   En ce qui concerne l'utilisation des instruments de soutien prévus par l'encadrement, l'attitude des États membres revêt une grande importance: il leur appartient de fournir des informations détaillées et systématiques concernant les possibilités et les conditions d'obtention de l'aide apportée par les États (il ne s'agit pas de subventions !) telle que prévue par les dispositions de l'encadrement.

5.   Observations spécifiques

Les aides destinées à la recherche, au développement et à l'innovation

5.1   Le secteur de la construction navale doit mener des activités de recherche, développement et innovation (RDI) s'il veut améliorer les produits qu'il offre et, par là, réussir sur le marché. Une action en la matière ne peut toutefois être entreprise que dans les cas où ce même marché est prêt à accepter les formes particulières de risque inhérentes à l'innovation.

5.2   Comme le soulignent les employeurs européens, l'exposition au risque qui est liée à la production de bâtiments prototypes est élevée. À la différence de la majeure partie des autres secteurs, un contrat de vente conclu dans celui de la construction navale comporte une définition de la performance du produit qu'il n'est pas possible de soumettre à une vérification préalable au moment où il est signé. Même mineurs, des incidents en rapport avec un élément d'innovation peuvent entraîner des modifications significatives, qui réclament davantage de ressources et de temps et provoquent ainsi des perturbations dans le processus de production.

5.2.1   Eu égard à cet environnement, l'accès aux aides à l'innovation a une incidence positive sur l'évaluation du risque qui, dans le développement de nouveaux produits ou processus, est lié à chaque composante d'innovation. Elles offrent aux entreprises navales la possibilité de poser de jalons supplémentaires sur la voie de solutions nouvelles, qui accroissent les perspectives de succès sur les marchés pour les produits novateurs et, en conséquence, encouragent encore les activités de recherche, développement et innovation.

5.3   L'utilisation des aides à l'innovation produit un effet d'accélération, lequel constitue un facteur essentiel, débouchant sur un accroissement de l'efficacité et de la compétitivité qui joue un rôle clé pour préserver une position technologiquement dominante dans les catégories de navires complexes et novateurs. Le rythme de l'innovation représente une composante fondamentale de la compétitivité, surtout si l'on considère que les technologies maritimes ne disposent que de moyens limités pour protéger la propriété intellectuelle.

5.4   Les partenaires sociaux qui représentent le secteur de la construction navale affirment conjointement, en étayant cette appréciation par des exemples, que le soutien à l'innovation a clairement contribué à améliorer l'efficacité et la compétitivité de leur industrie dans l'UE: elle a facilité l'introduction et la diffusion de méthodes de production, de technologies et de produits nouveaux et a stimulé la recherche, le développement et l'innovation. Il convient dès lors de reconnaître qu'elle constitue un outil d'action pertinent pour l'UE.

5.5   En ce qui concerne les problèmes liés à l'application des règles sur les aides à l'innovation, les entrepreneurs estiment qu'il est possible de les résoudre sans procéder à des modifications dans le texte de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en effectuant les changements appropriés dans la notification du programme national pour ce qui concerne le montant du seuil limite d'exonération du blocage de l'aide pour les innovations touchant aux produits dans le cas des petits navires, ainsi que pour les innovations dans les processus.

5.6   Pour ce qui touche à la question posée par la Commission quant à l'opportunité d'autoriser l'aide aux innovations qu'à celles qui sont liées aux bâtiments «verts» et d'en exclure désormais tous les autres types, le Comité adhère à la position des partenaires sociaux et estime qu'un tel choix affaiblirait considérablement l'efficacité de cet instrument. En particulier, on en arriverait alors à annihiler sa forte influence positive sur les innovations de processus destinées à accroître la compétitivité de l'industrie européenne. En outre, cette option pourrait placer en dehors du périmètre des aides admises certaines innovations touchant aux produits, en lien, par exemple, avec l'amélioration de la sécurité, ou la protection et le confort des équipages et des passagers.

5.6.1   Les instruments de soutien dont l'objectif est d'aider les «technologies vertes» à s'imposer sur le marché représentent un outil important, qu'il conviendrait d'intégrer dans le texte de l'encadrement des aides d'État à la construction navale en tant qu'«aide à la défense de l'environnement»qui viendrait compléter l'aide à l'innovation mais en constituerait un instrument distinct.

5.7   Sur le modèle de l'encadrement des aides d'État pour la protection de l'environnement, il conviendrait d'instaurer des dispositifs qui incitent à aller au-delà des exigences réglementaires. L'intérêt pour le recours à un cadre de ce type n'a toutefois guère augmenté. En même temps que les impératifs des règles horizontales, l'encadrement des aides d'État à la construction navale devrait dès lors comporter des prescriptions appropriées et concrètes. Un moyen efficace d'y parvenir consisterait à se référer aux dispositions relatives aux aides pour la protection de l'environnement dans le cadre des principes concernant l'exemption par catégorie des exonérations du blocage des aides, en lien avec les exigences particulières relatives aux navires. Cette façon de procéder contribuerait efficacement à simplifier les réglementations européennes gouvernant les aides d'État au secteur.

5.8   Le cadre horizontal en matière de recherche, développement et innovation comprend également des dispositions relatives à l'activité d'innovation, dont «la création de prototypes et de projets pilotes […] lorsque le prototype est nécessairement le produit fini commercial et lorsqu'il est trop onéreux à produire pour être utilisé uniquement à des fins de démonstration et de validation» (4).

5.8.1   Par rapport à l'encadrement des aides d'État à la construction navale, les dispositions afférentes du cadre horizontal en matière de recherche, développement et innovation autorisent effectivement des aides d'une intensité plus élevée et prévoient un éventail plus large de coûts éligibles; tout en apportant cette restriction qu'«en cas d'usage commercial ultérieur de projets de démonstration ou de projets pilotes, toute recette provenant d'un tel usage doit être déduite des coûts admissibles» (5).

5.8.2   Si cette disposition est mise en œuvre dans la majeure partie des secteurs de production en rapport avec la production de série, où celle-ci permet d'amortir les coûts de développement en raison précisément de la quantité importante de pièces produites, ce schéma est impraticable dans le cas des prototypes de navires.

5.9   En résumé, le Comité relève qu'en raison des spécificités des différentes branches de l'industrie navale, le cadre horizontal concernant la recherche, le développement et l'innovation n'offre pas les solutions appropriées en ce qui concerne les aides à l'innovation pour la construction navale et qu'en conséquence, une solution opportune consisterait à inscrire les dispositions qui conviennent dans la version mise à jour de l'encadrement des aides d'État à ce secteur.

Aide liée à des fermetures de sites

5.10   Dans le laps de temps compris entre l'instauration de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en 2004, et le début de la crise, l'industrie navale a vécu une période où la demande était forte et, par conséquent, ne poussait pas à envisager des fermetures d'installations. La chute brutale qu'elle a connue ces deux dernières années a changé la donne et les carnets de commande du secteur naval européen ont atteint leur niveau le plus bas depuis plus de dix ans.

5.10.1   Le Comité estime donc qu'étant donné la situation qui prévaut actuellement sur le marché, il est justifié de maintenir une aide à la fermeture (6).

5.11   Il conviendrait que les dispositions régissant ce type d'aide donnent aux chantiers navals la possibilité de procéder à une restructuration partielle (7) sans devoir en passer par tout le processus prévu pour ces opérations dans les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration. Ce modèle devrait être envisagé aussitôt que la révision des lignes directrices aura été menée à bien. Dès lors que l'on aurait opté pour cette solution, il deviendrait bien évidemment inutile de maintenir des règles distinctes pour les aides à la restructuration dans le cadre de la construction navale.

Aide régionale

5.12   Si elle est maintenue, l'aide régionale doit avoir une ampleur et une intensité qui soient conformes aux règles appliquées au titre des lignes directrices pour les aides à finalité régionale. Il n'est ni indiqué, ni justifié de limiter le périmètre de l'aide aux seuls chantiers navals existants. Pour renforcer sa position concurrentielle, l'industrie européenne de la construction navale européenne a besoin d'investir dans des méthodes de production et des équipements plus efficaces. Cet impératif peut impliquer de créer de grandes unités de production afin d'exploiter plus efficacement les effets de synergie et d'économies d'échelle. Avec la réglementation actuelle, il est difficile, voire impossible, d'accorder des aides régionales pour de tels projets.

5.13   Les gros investissements consentis par les pays asiatiques ont constitué le moteur de leur développement industriel. Ils ont souvent été facilités par le soutien, direct ou indirect, de l'État. C'est à l'effet inverse qu'ont abouti les dispositions restrictives que l'Europe a prises concernant l'extension des capacités de production industrielles dans le secteur: plutôt que de réduire sa contribution à l'offre globale excédentaire, elles n'ont fait que placer ses chantiers navals dans une posture défavorable par rapport à leurs concurrents mondiaux. En conséquence, il ne se justifie en aucune manière de maintenir ces mesures restrictives qui ont pour objectif de réduire au minimum l'aide à l'expansion des capacités de production.

5.14   Les problèmes d'interprétation ou d'application des règles existantes en matière d'aides régionales à l'investissement sont pour leur part liés à l'approche restrictive que l'encadrement des aides d'État à l'industrie navale adopte vis-à-vis des dispositions horizontales. En particulier, la lecture stricte qu'il fait de la réduction des aides aux investissements dans les installations existantes a, sans justification aucune, restreint la portée de cet instrument et provoqué d'importants problèmes pour sa propre application.

Aides à l'emploi

5.15   Le Comité est convaincu que l'aide en matière d'emploi devrait être maintenue au sein de l'encadrement.

5.15.1   Le Comité considère que les États membres devraient recourir plus souvent qu'ils ne le font actuellement aux moyens prévus dans l'encadrement concernant l'aide à l'emploi, en particulier dans le but de soutenir l'action des chantiers de leur pays en matière d'éducation et de formation, dans les conjonctures de crise résultant de mouvements cycliques, d'une surproduction mondiale ou d'une concurrence déloyale de la part de producteurs hors UE.

Aides aux crédits à l'exportation et au développement

5.16   L'octroi de crédits à l'exportation par des agences étatiques ad hoc constitue une pratique répandue dans de nombreux secteurs industriels de par le monde. Les accords sectoriels conclus au niveau de l'OCDE définissent les normes internationales acceptées en la matière. Tous les États membres de l'UE appliquent pleinement ces principes qui, dans le contexte des dispositions de l'UE en matière d'aides d'État, sont considérés comme totalement compatibles avec les principes du marché commun.

5.17   Les crédits à l'exportation représentent une composante importante du financement des projets dans le secteur des chantiers navals. En Europe, ils reposent sur le principe de remboursement des frais et ne constituent donc en aucune façon une subvention. Leur disponibilité dans des conditions de libre concurrence contribue de manière significative à la compétitivité des chantiers navals européens. Si l'on tient compte plus particulièrement des importants moyens financiers mobilisés par d'autres pays pour le développement de leurs chantiers navals, notamment en Chine et en Corée, il apparaît qu'il convient d'autoriser les États membres à proposer des instruments équivalents à leurs entreprises.

5.18   Le Comité est d'avis qu'il s'impose, en exploitant les possibilités qu'offre le fonctionnement du dialogue sectoriel, de clarifier à quel point il est nécessaire et utile d'inclure dans l'encadrement une référence aux prescriptions de l'OCDE. Les partenaires sociaux du secteur européen de la construction navale considèrent que l'administration devrait se pencher sur cette question si la disponibilité des actuels crédits à l'exportation venait à être menacée.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Review of the Framework on State Aid to Shipbuilding – CESA response to the consultation paper – supplement («Révision de l'encadrement des aides d'État à la construction navale – Réponse du CESA au document de consultation – complément», 2010).

(2)  Avis du CESE JO C 18, du 19 janvier 2011, p. 35.

(3)  Voir avis du CESE JO C 18, du 19 janvier 2011, p. 35.

(4)  Règlement (CE) de la Commission no 800/2008 du 6 août 2008 (JO L 214 du 9 août 2008).

(5)  Ibid.

(6)  C'est notamment le cas en Espagne, où il est prévu de recourir à brève échéance à une «aide à la fermeture» pour quelques chantiers navals (restructuration partielle).

(7)  L'aide à la restructuration est définie dans les principes horizontaux correspondants, dont la révision est prévue en 2012 et il faut s'attendre à ce que celle-ci se penche sur l'aide à la fermeture partielle.


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