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Document 52011IE1170

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Éducation financière et consommation responsable de produits financiers (avis d’initiative)

JO C 318 du 29.10.2011, p. 24–31 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/24


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation financière et consommation responsable de produits financiers» (avis d’initiative)

2011/C 318/04

Rapporteur: M. TRIAS PINTÓ

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur

«Éducation financière et consommation responsable de produits financiers».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   La complexité et l’opacité croissantes du système financier ont ces dernières années rendu la compréhension des produits financiers encore plus difficile.

1.1.1   Face à cette situation, le CESE apprécie les différentes initiatives mises en œuvre par la Commission européenne et l’OCDE afin de pallier les carences du système financier; de même, il invite le secteur financier à dûment appliquer la nouvelle réglementation et à faire preuve d’autorégulation pour favoriser des pratiques appropriées et honnêtes, qui corrigent le comportement antérieur de certaines entités et qui facilitent l’accès à des produits financiers transparents, permettant aux consommateurs de savoir ce qu’ils souscrivent et de comparer les différentes offres du marché.

1.2   L’amélioration indispensable de la régulation, de la surveillance et de la transparence du système financier pour augmenter la protection du consommateur et de l’investisseur de produits financiers n’exonère pas le citoyen de l’engagement à développer ses aptitudes financières tout au long de son existence, dans le souci d’exercer une consommation responsable de produits financiers en prenant des décisions bien informées et parfaitement mûries. Il s’agit en définitive, de tracer un triangle vertueux entre l’éducation financière, la régulation des marchés et la protection du consommateur.

1.3   L’éducation financière doit être conçue comme une politique holistique, fondée sur la collaboration de tous les acteurs concernés: administrations publiques, secteur financier, entreprises, organisations syndicales, associations de consommateurs, système éducatif, et plus globalement, ensemble des citoyens en tant que consommateurs de produits financiers. L’éducation et la formation devraient toutefois être dispensées par des organismes libres de tout conflit d’intérêt.

1.4   Dans le cadre d’un système éducatif qui incite le citoyen européen à développer son esprit critique, l’éducation financière doit être présente tout au long du cycle de vie des personnes. Le CESE demande qu’elle soit intégrée dans les programmes d’enseignement à titre de matière obligatoire et, en prolongement, dans les plans de renforcement des aptitudes et de recyclage des travailleurs. Cette matière aura pour objectif, entre autres, de promouvoir la gestion consciente des questions financières (épargne, utilisation des cartes de crédit, emprunts, etc.), en mettant en valeur les produits financiers socialement responsables. Le CESE soutient les mesures de régulation des marchés financiers de produits de base qui ont été adoptées par la Commission européenne pour accroître la transparence et améliorer la qualité de l’information et les mécanismes de surveillance.

1.5   Une éducation financière pleinement accessible est bénéfique pour l’ensemble de la société. Les projets de développement des aptitudes financières doivent être destinés prioritairement aux segments de la population qui courent un risque d’exclusion financière, et le secteur financier doit de son côté s’engager activement dans une double action conjuguant microfinancements et éducation et faciliter l’accès à des services financiers de base.

1.6   Le CESE met en évidence l’impact limité des programmes actuels d’éducation financière, et souligne en même temps qu’évaluer le caractère approprié des différents programmes éducatifs et l’efficacité des canaux d’accès utilisés est aussi important que d’identifier les besoins de formation des consommateurs de produits financiers et de concevoir des propositions ad hoc. Il faut à cette fin la participation des parties intéressées.

1.7   L’éducation financière est en définitive un élément clé pour maintenir la confiance envers le système financier et exercer une consommation responsable de produits financiers. Ainsi, dans une perspective d’avenir, il est indispensable que les institutions (publiques et privées) les plus pertinentes et les parties prenantes unissent leurs forces pour doter l’éducation financière des stratégies et des ressources qu’elle mérite et remédier au manque de coordination et à l’insuffisance de synergies entre les nombreuses initiatives existantes (à l’échelle internationale, européenne et des États membres).

1.8   Le CESE est conscient du fait que les compétences de la Commission en matière d’éduction sont limitées mais cela étant, il fait valoir que l’éducation financière dépasse le cadre de l’éducation en soi dès lors qu’elle concerne également le renforcement de la capacité d’action des personnes, traite le problème de l’exclusion sociale et promeut une consommation responsable.

1.9   Enfin, le CESE insiste sur la nécessité d’inscrire les besoins des consommateurs de produits financiers parmi les thèmes prioritaires des réunions internationales à haut niveau, en particulier le sommet du G20. A cet égard, il demande la constitution d’un groupe d’experts en protection financière du consommateur.

2.   La culture financière et le rôle des consommateurs

2.1   La culture de la dérégulation et de l’autorégulation financières, la créativité en matière de finances, la sophistication des nouveaux instruments financiers et l’opacité du système constituent non seulement la cause principale de la crise majeure à laquelle nous sommes confrontés, mais empêchent également les citoyens de pénétrer les arcanes du fonctionnement d’un marché déjà complexe en soi et mondialisé, inondé de produits financiers d’une diversité considérable.

2.2   Dans «la société de la connaissance», qui doit tirer parti d’un système éducatif capable de stimuler l’esprit critique de ses citoyens, l’éducation financière constitue un instrument stratégique devant accompagner la nouvelle régulation du système financier. En effet, il n’est pas possible de construire un système financier plus solide, plus sûr et plus transparent sans avoir l’appui de consommateurs responsables et engagés en faveur du développement de leurs capacités financières.

2.3   De fait, le concept de «consommation responsable de produits financiers», qui invite à dissocier désir et besoin, est en plein essor. De même, «l’épargne consciente» fait de plus en plus d’adeptes. Il s’agit d’un concept qui, dans une perspective de long terme, fait la promotion de produits socialement responsables (1), c’est-à-dire qui attestent d’un meilleur comportement en matière environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises (critères ESG).

2.4   L’objectif ne doit pas être simplement de transmettre des connaissances et des attitudes (éducation financière), mais aussi de parvenir à une capacité de jugement bien informé (alphabétisation financière) afin que les citoyens puissent, dans la réalité concrète, prendre des décisions appropriées lorsqu’ils gèrent leurs économies à titre individuel (renforcement des aptitudes financières).

2.5   En définitive, une partie importante des décisions qu’une personne doit prendre durant sa vie, depuis la recherche de financement pour les études jusqu’à la planification de la pension de retraite, sont associées à un comportement financier, qui a une incidence directe sur l’entourage personnel et familial du citoyen (2).

2.6   De plus, si l’on prend en compte le contexte de crise économique internationale, l’intérêt croissant des citoyens pour le développement durable et le comportement du monde des entreprises envers les dimensions environnementale, sociale et de gouvernance de l’entreprise (critères ESG), il semble important de favoriser une meilleure information sur la manière d’intégrer ces critères dans les décisions financières des consommateurs individuels.

2.7   Par conséquent, le Comité estime qu’il est fondamental d’assurer une culture financière suffisante à l’ensemble des catégories de la population durant toute leur existence, afin de préserver leur confiance envers un système financier bien régulé et garantir le développement et la stabilité de celui-ci, en favorisant une consommation intelligente de produits financiers, fondée sur des décisions bien informées et parfaitement mûries. Cette question devient en fait actuellement un objectif commun pour les gouvernements et les organismes régulateurs et de surveillance.

2.8   Les entités financières ont également un rôle important à jouer. Pour ce faire, la société doit pourvoir compter sur l’engagement d’une industrie financière qui soit garante de pratiques honnêtes et transparentes dans la prestation de services aux clients et se mette clairement au service de l’intérêt des personnes.

3.   Actions en matière d’éducation financière

3.1   Par «éducation financière», on entend le processus par lequel les consommateurs améliorent leur compréhension des produits financiers et acquièrent des connaissances plus larges sur les risques financiers et les possibilités que présente le marché, devenant ainsi aptes à prendre des décisions d’ordre économique à partir d’informations appropriées. Une éducation financière pleinement accessible profite à l’ensemble de la société, en réduisant les risques d’exclusion financière et en encourageant les consommateurs à planifier et à épargner, ce qui contribue également à éviter le surendettement.

3.2   Pour promouvoir la culture financière des consommateurs, les organismes régulateurs, les entités financières et les autres acteurs de la société civile ont lancé diverses initiatives sous l’intitulé «Plans d’éducation financière».

3.3   Ce thème n’est pas une nouveauté: il a été abordé par le passé par l’OCDE (3), la Commission européenne (4) et le Conseil ECOFIN (5).

3.4   Les initiatives institutionnelles les plus significatives menées en la matière au niveau européen ont été la mise en place d’un large volet sur l’éducation financière dans le cadre du projet d’éducation à la consommation intitulé DOLCETA (Development of On Line Consumer Education Tools for Adults – développement d’outils en ligne pour l’éducation continue à la consommation) et la création par la Commission en octobre 2008 du Groupe d’experts sur l’éducation financière (GEEF) qui depuis se réunit périodiquement en vue d’analyser les différentes stratégies de développement des programmes d’éducation financière, en encourageant la coopération public-privé afin de favoriser une meilleure mise en œuvre.

3.5   La nécessité d’améliorer l’éducation financière se justifie par des facteurs tels que la complexité des nouveaux instruments financiers, les changements démographiques (6) et le nouveau cadre réglementaire européen (7).

3.6   S’ajoute à cela le fait que la population est en général dotée d’une culture financière insuffisante. Pour être atteint, cet objectif exige comme préalable que les citoyens prennent conscience de la nécessité d’améliorer leur formation financière. À cet égard, le CESE demande que soient réalisées, au niveau national, davantage de campagnes de vulgarisation sur le thème des finances.

3.7   Le CESE est favorable à ce que tous les citoyens (enfants, jeunes, personnes âgées, personnes handicapées ou autres groupes) se voient offrir un accès effectif aux programmes de renforcement des aptitudes financières correspondant à la thématique propre à chaque étape de la vie, en prenant en considération les objectifs et les intérêts de chaque groupe. Parallèlement aux contenus essentiels de la formation (planification financière, épargne, endettement, assurances et retraites, etc.) et à la méthodologie spécifique de sa mise en œuvre, il convient de prévoir des canaux efficaces permettant de toucher les différents segments de la population: établissements scolaires, lieux de travail, associations de consommateurs, sites Internet, publications spécialisées, moyens de communication, etc.

3.8   Les enfants et les jeunes sont le public prioritaire de ces programmes, mais l’éducation financière ne fait partie du cursus, c’est-à-dire n’est intégrée aux programmes scolaires, que dans un nombre restreint de pays (8). Le CESE insiste sur le fait que tant que ce sera le cas, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs souhaitables en matière d’acquisition de compétences financières.

3.9   De même, le CESE encourage la Commission européenne et les autres institutions à améliorer l’information et la sensibilisation à l’investissement socialement responsable (ISR) dans les différents États membres, dans le cadre des initiatives menées actuellement en matière d’éducation financière.

3.10   Les programmes d’éducation financière qui fonctionnent actuellement, dans des pays tels que le Royaume-Uni (programme de conseils d’ordre général), la France (Institut pour l’éducation financière), l’Espagne (plan d’éducation financière 2008-2012), l’Autriche («Initiative Finanz Wissen» [initiative en matière d’éducation financière]), etc., sont correctement conçus, mais souffrent d’un manque de stratégies de réalisation d’une portée suffisante, de même que d’une connaissance lacunaire de la part des citoyens des ressources en formation de ces institutions.

3.11   Le CESE estime qu’il est nécessaire d’intensifier les études destinées à évaluer le caractère approprié des contenus formatifs et des canaux d’accès utilisés et, partant, de mesurer l’amélioration des aptitudes financières dans une perspective à long terme; en particulier en ce qui concerne l’impact de cette discipline sur la formation des enfants et des jeunes.

4.   Nouveaux comportements financiers des consommateurs

4.1   Les facteurs démographiques, socioculturels et technologiques qui entourent les consommateurs induisent chez eux de nouveaux comportements financiers. Concrètement, ils cherchent de nos jours des produits sur mesure, un traitement plus professionnel, demandent davantage d’informations, s’intéressent à la destination de leurs investissements (9), et adoptent une attitude critique.

4.2   Dans ce contexte, la relation étroite qui unissait les clients à leurs entités financières se délite peu à peu: ils travaillent avec des entités diverses, désirent que leur établissement bancaire soit à proximité, ou à défaut travaillent avec une banque électronique, et recherchent l’efficacité du service et la rentabilité de leurs actifs.

4.3   Pour fidéliser les clients, la clé de la réussite se trouve dans une gestion correcte de l’information, afin d’analyser leurs habitudes de consommation et, en accord avec la définition de leur profil, de fournir l’information adéquate. Compte tenu de ce qui précède, le consommateur doit comparer les informations qu’il reçoit et parfaitement analyser les services qu’il souscrit.

4.4   Du point de vue des associations de consommateurs, il est recommandé d’adopter un certain nombre de règles dans les relations avec les entités financières (service personnalisé, qualité de service, degré de spécialisation pour certains produits) avant de se jeter dans le tourbillon de la meilleure rentabilité possible. À cet égard, l’éducation financière permettra au consommateur de détecter le danger des «pseudo-cabinets financiers».

5.   Encourager la transparence pour renforcer la protection et regagner la confiance des consommateurs

5.1   Les actions menées en matière d’éducation financière doivent être complémentaires d’une régulation complète des marchés financiers et d’un renforcement effectif de la protection du consommateur de produits financiers. Cela étant, la régulation financière n’exonère pas le citoyen de la nécessité de s’engager à développer ses capacités financières tout au long de sa vie.

5.2   La transparence est un critère indispensable dans la relation avec l’utilisateur, et un atout fondamental pour regagner la confiance du consommateur dans le secteur des services financiers.

5.3   La transparence de l’information peut être obtenue au moyen d’outils tels que les rapports et les publications, des services de conseil responsable, les prospectus informatifs, les fiches et les guides, les nouveaux canaux de consultation, les présentations de produits et de services financiers, etc. Les annotations en petits caractères, les clauses abusives dans les contrats et la publicité trompeuse doivent être supprimées.

5.4   D’une manière générale, les entités financières sont source de préoccupation pour le client; cela est dû au manque de communication, aux critères présidant à l’accueil des clients par les employés au guichet et aux documents mêmes, qui sont le plus souvent incompréhensibles pour les non-experts. Pour faire face à cette situation, les entités financières doivent engager du personnel qualifié capable de tenir les clients informés, de nouer le contact avec eux et d’utiliser leur langage.

5.5   En ce qui concerne la commercialisation de produits et de services financiers, les exigences d’information sont renforcées par le devoir de communiquer réellement au consommateur les conditions contractuelles et leurs implications respectives, avec un délai suffisant préalablement à l’acceptation de l’offre.

5.6   En particulier, il est indispensable de préciser les risques liés à chaque opération et de tenter d’équilibrer la prise de risque, étant donné que l’on a pu dernièrement constater un déplacement du risque que comporte le produit financier vers le consommateur. Dans le cas de la banque en ligne, il faut garantir l’accès complet à l’information la plus pertinente à cet égard.

5.7   Concrètement, la directive européenne 2007/64/CE sur les services de paiement impose de fournir un meilleur accès à l’information. De son côté, la directive MIFID (10) établit les informations qui sont nécessaires pour la prestation de services d’investissement, applicables à toutes les étapes de la négociation d’un contrat, c’est-à-dire les informations à fournir avant, au moment et après la conclusion d’un contrat. Elle exige par ailleurs des entités financières qu’elles renforcent la protection des investisseurs et offrent à leurs clients les produits les mieux adaptés, en fonction de leurs profils de risque et socioculturels.

5.8   Un autre instrument de protection des droits des consommateurs est la directive communautaire 2008/48/CE de crédit à la consommation, qui énonce le principe de «prêt responsable», le prêteur devant assumer l’obligation de conseil et d’évaluation de la solvabilité présente et future du consommateur à partir des informations fournies par ce dernier et de celles qui ressortent de la consultation de la base de données appropriée.

5.9   À l’avenir, un outil important de l’Union européenne pour renforcer la confiance des consommateurs sera l’Acte pour le marché unique (11), qui comporte un chapitre sur un train de mesures destinées à la protection des consommateurs de produits financiers de détail, et accorde une attention particulière à la transparence des frais bancaires et au manque actuel de protection des consommateurs de prêts hypothécaires.

6.   Promouvoir les meilleures pratiques bancaires

6.1   La déréglementation financière des dernières décennies a encouragé l’interconnexion entre le marché bancaire et le marché des capitaux, accentuant de la sorte la vulnérabilité des droits des clients de la banque commerciale.

6.2   Ainsi, les consommateurs ont-ils dénoncé l’insuffisance d’information dans la commercialisation des produits financiers, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de produits sophistiqués nouvellement créés.

6.3   Concrètement, la Commission européenne (12) souligne que les problèmes fondamentaux de relation du consommateur avec la banque sont les suivants: information précontractuelle déficiente, conseil non fiable, manque de transparence au niveau des commissions bancaires et difficultés pour changer d’entité.

6.4   Pour lutter contre ces dysfonctionnements, la Commission européenne a lancé à destination du secteur bancaire une initiative sur l’autorégulation, visant à améliorer l’accès aux informations sur les tarifs bancaires et à garantir une meilleure compréhension et une meilleure comparabilité de ceux-ci. Le CESE se félicite de cet important projet d’harmonisation, qui devra conduire à un système plus standardisé, facilitant la comparaison entre différentes offres. IL insiste à son tour sur la nécessité de faire participer les organisations de consommateurs à ce processus afin d’en garantir le succès.

6.5   D’autre part, il y a lieu de mettre en évidence la réticence affichée par les institutions financières à placer chez leurs clients des produits d’autres entités lorsqu’ils sont moins rentables pour elles. De plus, parmi les erreurs commises dans le domaine de l’investissement collectif, figure le lancement de nouveaux produits indépendamment de la demande.

6.6   En somme, l’inadéquation entre les besoins du client et le produit auquel il souscrit est une réalité qui relève d’un modèle de gestion où l’offre entraîne la demande en profitant d’un écart de connaissances croissant, compte tenu de l’asymétrie d’information entre les vendeurs et acheteurs de produits financiers. À cet égard, le CESE propose d’établir des «codes de conduite» stricts, contraignants pour le personnel des entités financières, qui permettent de réduire les possibilités de conflits d’intérêt entre le conseil et la commercialisation. Les entités financières devraient apporter la preuve qu’elles respectent ces codes de conduite.

6.7   Par conséquent, les intermédiaires financiers (pas uniquement bancaires, mais également les agents d’assurances, les courtiers en bourse, etc.) doivent, sans préjudice de la stricte application de la réglementation en vigueur, adopter les «meilleures pratiques» pour protéger le consommateur de services financiers en instaurant des mesures d’amélioration de la qualité de l’information (claire, précise, répondant aux besoins du client, compréhensible, et permettant de faire une comparaison avec d’autres offres), des politiques qui favorisent l’éducation financière des épargnants et des investisseurs, des conseils professionnels (fiables et honnêtes) qui facilitent le choix de l’utilisateur et une entité indépendante qui défende et protège les droits et les intérêts des clients de produits financiers (médiateur).

6.8   Pour consolider ce nouveau scénario, le CESE souligne la nécessité d’améliorer la qualification des intermédiaires financiers de telle sorte qu’ils puissent accomplir cette tâche pédagogique essentielle. Le défi pour les intermédiaires financiers est double: d’une part, mieux connaître les produits qu’ils commercialisent et, d’autre part, savoir transmettre efficacement l’information à l’usager.

7.   Encourager l’inclusion financière

7.1   Le CESE est conscient que l’inclusion financière doit s’inscrire dans le contexte de la pleine inclusion sociale des personnes. Il est à cet égard évident que les garanties en matière d’emploi, de protection sociale, etc. ne feront que rendre plus viables les initiatives d’éducation financière.

7.2   Différentes études (13) constatent l’insuffisance du niveau d’éducation financière et sa corrélation avec le niveau culturel et le statut socio-économique des personnes. Ainsi, nombre d’individus éprouvent des difficultés à gérer leur situation financière et à évaluer les risques que comportent leurs investissements. L’on a également pu observer que parmi ces personnes, rares sont celles qui envisagent des plans de secours pour faire face au changement de leur situation personnelle suite à des circonstances imprévues (chômage, accident, divorce, décès du conjoint, etc.).

7.3   Dans de nombreux pays, à peine 30 % de la population adulte est capable de calculer un intérêt simple et à peine 44 % ont des connaissances de base sur le fonctionnement du système des pensions (14).

7.4   Environ 80 millions de citoyens européens, soit 16 % de la population totale, sont menacés de pauvreté. Parmi les objectifs fixés par l’Union européenne pour «l’Année européenne de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale», en 2010, figure la promotion du soutien social aux politiques d’inclusion, en soulignant la responsabilité collective et individuelle.

7.5   L’inclusion financière soutient les processus d’intégration sociale. Ainsi, il est important de valoriser les initiatives qui favorisent l’intégration financière de groupes présentant un risque élevé d’exclusion (femmes, chômeurs, personnes handicapées, personnes âgées, personnes sans ressources, etc.), dans une perspective d’accessibilité universelle, en développant des produits et services financiers adaptés à ces groupes.

7.6   Dans le contexte économique et social actuel, il est indispensable de mettre l’accent sur l’éducation financière orientée vers la planification de la retraite, étant donné la tendance lourde à s’orienter vers des régimes publics de pensions contributives, dont les prestations sont fonction des contributions versées («earnings-related benefits»). De même, il faut, en vue de favoriser l’émancipation de la femme active, assortir son inclusion dans le marché du travail de programmes spécifiques de renforcement de ses aptitudes financières.

7.7   En définitive, les mesures d’amélioration de la culture financière des consommateurs doivent cibler en priorité les segments de la population les plus vulnérables et qui sont menacés d’exclusion financière ou risquent de faire les frais de certaines opérations spéculatives abusives.

7.8   Le CESE souligne que les entités financières doivent, entre autres fonctions, faciliter l’accès des personnes sans ressources aux services bancaires, afin d’éviter leur exclusion financière. Ainsi, les programmes d’octroi de microcrédits (15) doivent faire partie intégrante des formules offertes par les entités financières. Les personnes au chômage, les jeunes qui terminent leurs études et ont besoin de cautions, les entrepreneurs, les immigrants, les personnes handicapées, etc. (16), sont les catégories de personnes visées par le microcrédit et il importe de leur en garantir l’accès.

7.9   L’action conjuguée des micro-financements et de l’éducation dans certains programmes offre d’excellents résultats, l’éducation apportant un avantage concurrentiel par rapport à d’autres initiatives exclusivement axées sur les micro-financements.

8.   Perspectives de l’éducation financière

8.1   Le CESE est pleinement conscient du fait que les compétences de la Commission en matière d’éduction sont limitées (17) mais cela étant, il fait valoir que l’éducation financière dépasse le cadre de l’éducation en soi dès lors qu’elle concerne également le renforcement de la capacité d’action des personnes, traite le problème de l’exclusion sociale et promeut une consommation responsable.

8.2   Le CESE exhorte la Commission à envisager sérieusement l’élaboration de mesures législatives qui obligent les États membres à promouvoir activement l’éducation financière.

8.3   Dans une perspective d’avenir, il existe un vaste consensus entre organismes et institutions (dont les plus intéressants en matière d’éducation financière sont probablement le réseau international sur l’éducation financière (INFE) de l’OCDE, et le groupe d’experts sur l’éducation financière (GEEF) de la Commission européenne) concernant les contenus et pratiques les plus pertinents qu’il y a lieu de considérer en matière d’éducation financière. À cet égard, le CESE rejoint pleinement ces orientations et appelle par conséquent les gouvernements et les entités financières à fournir des moyens suffisants pour promouvoir leurs initiatives:

Application d’une méthodologie commune pour évaluer le niveau de familiarité avec les questions financières et le degré d’inclusion de la population.

Inclusion accrue de l’éducation financière dans les programmes scolaires. Application d’une méthodologie internationale visant à évaluer l’efficience et l’efficacité des programmes dans les écoles.

Conception de stratégies nationales d’éducation financière, incluant des systèmes adéquats de suivi et d’évaluation d’impact.

Renforcement des stratégies d’inclusion financière. Redoublement d’efforts auprès de groupes spécifiques (jeunes, femmes, immigrés, personnes à faibles revenus).

Protection des droits des consommateurs de produits financiers.

Renforcement de la coopération entre la Commission européenne, l’OCDE et les gouvernements nationaux pour exploiter les synergies potentielles et éviter les doubles emplois.

Organisation d’une journée européenne de l’éducation financière, par exemple sous les auspices de la présidence tournante de l’Union européenne.

Promotion de l’organisation d’une conférence annuelle en faveur de l’éducation financière, avec la participation d’experts reconnus.

Création d’un système de reconnaissance publique à l’échelle européenne (par exemple un prix) récompensant les meilleures initiatives d’éducation et les meilleures pratiques.

Promotion du «permis de conduire financier».

Tenue de réunions périodiques entre gouvernements des États membres sur les programmes d’éducation financière en cours et inclusion de ces considérations dans l’agenda politique national (ces réunions doivent non seulement permettre de présenter les actions en cours mais également d’analyser l’impact de ces actions).

8.4   Le CESE souhaite ajouter les propositions suivantes, qui associent des initiatives destinées à améliorer les aptitudes financières des citoyens et différentes mesures visant à renforcer les niveaux de protection du consommateur individuel de produits financiers:

Création d’un organe indépendant, pour conseiller gratuitement les consommateurs de produits financiers et leur donner les moyens d’intégrer des critères ESG dans leurs décisions financières: ces conseils pourraient être dispensés dans le cadre d’un contact direct ou d’un service téléphonique spécial.

Régulation du rôle des intermédiaires financiers et des officiers publics dans l’éducation financière, pour faciliter un accès élargi aux informations financières et en améliorer la compréhension (18). Il conviendrait d’établir des mécanismes de surveillance à même de garantir l’impartialité de leurs opérations.

Création d’une agence européenne de protection des consommateurs individuels de produits financiers, afin de surveiller les pratiques bancaires (notamment en matière d’accessibilité, de transparence et de comparabilité des produits financiers) et de combattre la fraude. Cette institution devra être habilitée à prendre des sanctions.

Obliger le secteur financier à incorporer des supports physiques pour informer les clients de produits financiers sur leurs droits et sur les étapes à suivre en cas de non-conformité d’une proposition ou d’une décision de l’entité financière.

Faire apparaître sur les supports d’information sur les produits financiers (comme c’est le cas pour les médicaments) des avertissements sur les contre-indications et effets secondaires potentiels de chaque produit, ainsi que les éléments relatifs aux conditions des contrats.

Créer un GEEF dans chaque État membre qui dispose d’une stratégie d’éducation financière, de manière à renforcer les plans prévus, en impliquant de manière équilibrée les principaux acteurs de la société civile organisée.

Soutien de la Commission européenne à la définition d’une stratégie cohérente sur l’éducation financière (auprès des pouvoirs publics nationaux des États membres qui ne l’ont pas encore mise en œuvre), en prenant comme référence les pays ayant progressé de la manière la plus satisfaisante dans ce domaine.

Prévoir un plan budgétaire pour chaque stratégie nationale d’éducation financière, précisant qui financera les programmes d’éducation financière et avec quelles ressources.

Renforcer le parrainage par la Commission européenne des actions menées en matière d’éducation financière dans les États membres, sur la base des meilleures pratiques enregistrées.

Encourager la généralisation des comptes nationaux de sécurité sociale de telle sorte que tous les travailleurs soient informés, une fois par an, des pensions auxquelles ils auront droit au moment de leur départ à la retraite.

Encourager les produits financiers spécifiques pour les jeunes (à partir de 14 ans, âge qui précède l’émancipation et l’entrée dans la vie active) et leur envoyer des informations périodiques sur leurs caractéristiques et leur fonctionnement.

Inciter l’industrie du jouet à développer des jeux qui incluent des notions financières dans un but didactique.

Émettre des programmes de télévision et de radio de courte durée, 10 ou 15 minutes, sur des questions financières de base (crédits, hypothèques, assurances, etc. ainsi que des concepts de base tels que la rentabilité ou le risque), lancer des initiatives multimédias et promouvoir l’éducation financière sur les réseaux sociaux.

Recourir davantage aux organisations de consommateurs et à d’autres organisations indépendantes de la société civile organisée pour diffuser et mettre en œuvre les initiatives des gouvernements en matière d’éducation financière.

8.5   Enfin, le CESE souligne que les besoins des consommateurs de produits financiers doivent occuper une place prioritaire dans l’ordre du jour des réunions internationales de haut niveau, en particulier, les sommets du G-20. À cet égard, Consumers International (19) appelle à la création d’un groupe d’experts en protection financière du consommateur, qui rende compte au G-20, afin de garantir l’accès à des services financiers stables, justes et compétitifs.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème «Produits financiers socialement responsables», JO C 21 du 21.1.2011, p. 33.

(2)  Voir à ce sujet le document de la Commission: Livre vert - Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe, COM(2010) 365 final.

(3)  En juillet 2005. Il faut aussi souligner le projet de l’OCDE de 2009 sur l’éducation financière.

(4)  La Commission européenne a publié «Huit principes de base pour des programmes d’éducation financière de qualité», COM(2007) 808 final.

(5)  Dans ses conclusions de mai 2008.

(6)  Le facteur le plus déterminant à cet égard est l’augmentation de l’espérance de vie, qui rend nécessaire de familiariser les personnes âgées avec les nouveaux instruments financiers et oblige les adultes à mieux planifier l’avenir.

(7)  Établi à partir du Plan d’action pour les services financiers, lancé par la Commission européenne à la fin des années 1990.

(8)  En 2012, le rapport Pisa évaluera pour la première fois les compétences financières des élèves de 15 ans dans 19 pays.

(9)  Ces dernières années ont vu augmenter la demande de produits financiers socialement responsables, qui appliquent des principes de responsabilité sociale dans la sélection des investissements.

(10)  Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, JO L 145 du 30.4.2004, p. 1–44.

(11)  COM(2011) 206 final.

(12)  Commission européenne «Data Collection for prices of current accounts provided to consumers» (Rassemblement de données sur les tarifs de comptes courants proposés aux consommateurs), Bruxelles 2009.

(13)  Voir: Braunstein & Welch, 2002, Mandell, 2008, FINRA Investor Education Foundation, 2009.

(14)  Conformément à l’article de Ma José Gómez Yubero «Financial education: from information to knowledge and informed financial decision-making».

(15)  L’Assemblée générale des Nations Unies a décrété 2005 «Année internationale du microcrédit».

(16)  Comme en France, le microcrédit doit être un outil de réponse aux besoins des personnes disposant de peu de ressources et pas uniquement de soutien à l’entreprise.

(17)  Selon l’article 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, seuls les États membres peuvent légiférer dans le domaine de l’éducation.

(18)  Sans préjudice des fonctions de formation à proprement parler qui incombent au système éducatif.

(19)  Représente 220 organisations de consommateurs dans 115 pays.


ANNEXE I

Contenus de l’éducation financière  (1)

Produits

Domaines et publics cibles

Canaux

Épargne ou passif

(comptes d’épargne; feuilles de paie)

Investissements ou actifs

(crédits à la consommation ou hypothécaires)

Moyens de paiement

(cartes de débit ou de crédit)

Produits parafinanciers

(assurances, plans de retraite)

Services

(virements, conseils, tarifs)

Apprendre à épargner (enfants et jeunes)

Commencer à travailler (jeunes)

Commencer une vie indépendante (jeunes)

Fonder une famille (adultes)

Préparer la retraite (personnes âgées)

Gestion financière d’une microentreprise (entrepreneurs)

Établissements scolaires

Lieux de travail

Maisons de retraite

Associations professionnelles ou syndicales

Associations de consommateurs et ONG

Médias

Internet


(1)  À titre d’illustration, sans caractère exhaustif ni limitatif.


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