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Document 52016AE0030

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur» [COM(2015) 626 final]

JO C 264 du 20.7.2016, p. 51–56 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

20.7.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 264/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur»

[COM(2015) 626 final]

(2016/C 264/06)

Rapporteur:

M. Denis MEYNENT

Le 22 décembre 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur»

[COM(2015) 626 final].

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 avril 2016.

Lors de sa 516e session plénière des 27 et 28 avril 2016 (séance du 27 avril 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 216 voix pour, 3 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) regrette que dans la communication à l’examen, la Commission ne fasse pas de propositions plus concrètes et se contente de lister des pistes sans se prononcer, ce qui est préjudiciable à la bonne structuration du débat.

1.2

Le droit d’auteur reste un moyen fondamental de protection et de juste rémunération des auteurs et participants à la diffusion d’œuvres et de spectacles par les réseaux numériques interconnectés.

1.3

Le Comité appelle à la ratification rapide du traité de Marrakech; les exceptions en matière d’enseignement, de recherche scientifique et de partage des connaissances devraient aussi être prioritaires; il se prononce également en faveur de la numérisation des œuvres orphelines.

1.4

Le CESE considère qu’une unification européenne en matière de copie privée est possible et souhaitable. Une partie conséquente des ressources tirées de la rémunération pour copie privée devrait logiquement être orientée vers le financement de la création littéraire et artistique et la promotion de la diversité culturelle, et vers les communs en matière d’éducation et de recherche, par exemple.

1.5

Le CESE préconise la mise en place d’un contexte juridique qui favorise tout à la fois la création d’œuvres protégées par le droit d’auteur et la participation de nouveaux modèles de licences et de nouveaux modèles commerciaux à la construction du marché unique européen, tout en préservant la liberté contractuelle et le droit des auteurs et des créateurs à bénéficier pleinement des fruits de leur création.

1.6

Le CESE considère que le règlement constitue l’instrument privilégié de la construction du marché unique numérique; il conviendrait également de consolider le droit existant.

1.7

Le CESE encourage la Commission à mener des études et des recherches approfondies sur les modèles commerciaux liés aux licences libres, sur leur importance économique actuelle et potentielle, sur les revenus et les emplois qu’elles pourraient générer dans les divers domaines, ainsi que sur les éventuelles propositions juridiques qui seraient utiles à leur promotion et utilisation.

1.8

Le CESE estime que la diversité culturelle de l’Europe est au cœur de l’identité européenne et qu’elle devrait être encouragée et promue entre les États membres.

1.9

Dans la lutte contre les infractions au droit d’auteur, il convient de mettre fin et de sanctionner prioritairement les violations à une échelle commerciale; la coopération et l’échange d’informations entre services répressifs et administrations judiciaires des États membres sont indispensables à cette fin.

1.10

Il y a lieu de s’attaquer au problème du transfert de valeur dans l’environnement en ligne, qui bénéficie actuellement à des intermédiaires autoproclamés évitant le consentement et la rémunération des créateurs.

2.   Propositions de la Commission

2.1

Le plan d’action à l’examen vise à moderniser les règles européennes du droit d’auteur. Dans sa communication, la Commission expose les éléments essentiels en vue de concrétiser sa stratégie pour un marché unique numérique: élargir l’accès aux contenus dans toute l’Union, prévoir des exceptions au droit d’auteur, créer un marché plus juste et lutter contre le piratage commercial tout en encourageant une unification à long terme du droit d’auteur.

2.2

La communication présente notamment une proposition de règlement sur la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne (1) qui constituerait un nouveau droit pour les consommateurs européens et qui devrait devenir une réalité en 2017, année où seront également abolis les frais d’itinérance (ou de roaming) dans l’Union.

3.   Introduction

3.1

Les mouvements numériques entre États européens sont très faibles (4 % du total), alors que la majorité des services numériques sont situés aux États-Unis et que le reste des mouvements est intrafrontalier. Pour l’instant, le marché unique numérique européen est très peu développé. Les barrières subsistent et font en particulier obstacle aux échanges culturels pour de nombreuses minorités linguistiques européennes, réparties de part et d’autre de plusieurs frontières nationales.

3.2

Dans son programme «Un nouvel élan pour l’Europe» (2), le président de la Commission a fait une priorité de la réalisation d’un grand marché numérique connecté pour tous les États de l’Union européenne, et cela sans discriminations nationales.

3.3

Le droit d’auteur constitue le pilier juridique de la création et la base de la rémunération des auteurs, créateurs, interprètes et autres détenteurs de droit, et, plus généralement, de l’écosystème des activités et industries culturelles et créatives. Le droit d’auteur est un droit territorial, différent d’un État membre à l’autre. Il confère partout des droits exclusifs et substantiels aux titulaires du droit, qui perçoivent des revenus non seulement des licences mais encore de la simple éventualité que l’œuvre pourrait être copiée sur d’autres supports ou donnée à un tiers par l’acquéreur d’une licence, sans qu’il soit besoin de prouver qu’une telle copie ait été réellement effectuée (redevance pour copie privée et taxation des supports vierges susceptibles d’utilisation pour une copie illégale); il existe même des qualifications pénales pour des actes pourtant commis de bonne foi et honnêtes de la part des utilisateurs, contrairement à d’autres États où de tels actes sont admis.

3.4

Les exclusions et limitations au droit d’auteur sont minimales dans tous les États. Conçu au temps de l’imprimerie sur papier, et pour les technologies de l’époque, en premier lieu l’édition de livres et ensuite la publication de journaux et revues et l’impression musicale, le droit d’auteur n’est plus entièrement en phase avec la civilisation du numérique et des réseaux interconnectés à haut débit, en évolution permanente, et doit être précisé. Dans d’autres domaines tels que les nouvelles pratiques d’accès à la musique et aux créations audiovisuelles, la complexité de la gestion des droits s’est accrue, en raison de la fragmentation du répertoire, qui devrait être résolue par la nouvelle directive sur la gestion collective du droit d’auteur (3). Du disque de cire au DVD, peu de choses avaient changé, notamment en matière de distribution ou de prêt des œuvres. Les technologies nouvelles ont complètement transformé le modèle, et la presque totalité des magasins de vente de disques et de DVD a disparu au profit de nouvelles formes de distribution ou de prêt numérique en ligne. Il en va de même pour le cinéma, la télévision et tous les arts susceptibles d’être mis en ligne.

3.5

L’absence d’évolution significative du droit applicable empêche d’exploiter complètement l’ensemble des potentialités ouvertes par la numérisation des œuvres et les créations immatérielles, puis leur circulation, dans un internet qui se développe et s’universalise très rapidement.

4.   Observations générales

4.1

Le CESE regrette que dans la communication à l’examen, la Commission ne fasse pas de propositions plus concrètes et se contente de lister des pistes sans se prononcer, ce qui est préjudiciable à la bonne structuration du débat.

4.2

Dans son avis du 26 octobre 2006 (4), le CESE appelait notamment la Commission à formuler des propositions pour la promotion et la protection des licences libres, notamment la LGPL pour la documentation technique ou la Creative Commons pour les œuvres littéraires et artistiques. Mais malgré l’importance de cette question — la très grande majorité des serveurs et des fermes de serveurs dans le monde fonctionnent sous licences libres comme Debian, ou GPL pour GNU/Linux — force est de constater qu’aucune proposition en ce sens n’a été avancée par la Commission depuis lors.

4.3

Cela est dommageable au développement des mouvements de données et de services extrafrontaliers dans le marché unique européen. Les Creative Commons et le domaine public constituent en effet de nouveaux territoires universels apportés par la numérisation et le réseau interconnecté alors que la fragmentation du droit dresse autant d’obstacles que de barrières frontalières aux échanges transfrontaliers.

4.4

Le droit doit permettre de libérer les potentialités fabuleuses de l’internet pour les auteurs et créateurs d’une part et les utilisateurs d’autre part, plutôt que de les contraindre et les corseter. La législation européenne devrait permettre de lever un maximum d’obstacles sur la voie des échanges transfrontaliers concernant les langues minoritaires au sein de l’Union européenne et pour un accès facilité aux services et aux œuvres.

4.5

Au lieu de craindre de tels développements, les titulaires de droits devraient plutôt en saisir les opportunités. Libre ne veut pas dire automatiquement gratuit, et les logiciels libres par exemple permettent un business model différent, fondé sur le service et créateur d’emplois, à la différence de certaines pratiques actuelles qui privilégient la rente du propriétaire et sa protection juridique.

4.6

Le CESE encourage encore une fois la Commission à mener des études et des recherches approfondies sur les modèles commerciaux liés aux licences libres, sur leur importance économique actuelle et potentielle, sur les revenus et les emplois qu’elles pourraient générer dans les divers domaines, ainsi que sur les éventuelles propositions juridiques qui seraient utiles à leur promotion et utilisation.

4.7

Les expériences telles que la mise en ligne sous licences libres de publications scientifiques, de comptes rendus de recherches effectuées avec la contribution de subventions publiques, de séries de cours universitaires pour compenser le coût disproportionné des études supérieures dans certains États, comme l’ensemble des cours offerts par le MIT, méritent une grande attention et doivent être étudiées en vue de leur possible applicabilité dans l’Union européenne (MOOC). Dans cette perspective, l’éducation supérieure et la culture deviennent des biens communs qui favorisent la réalisation de la société de la connaissance dont nous souhaitons le développement dans l’Union européenne.

4.8

Le mode de production change et les biens et services immatériels distribués par les réseaux interconnectés constituent un nouvel horizon du développement économique et de la création d’emplois et d’entreprises innovantes. Les modes de consommation ont commencé à changer et ces nouveaux modes s’imposent rapidement, mais il faut être lucide: malgré cela, le marché unique européen n’existe pas encore par rapport aux fournisseurs de services immatériels actuels. Cela tient d’abord aux préférences et pratiques culturelles différentes selon les États membres, à la langue parlée par les consommateurs et aussi à la fragmentation du droit d’auteur qui ne facilite pas le développement du marché européen ni la création de licences multiterritoriales, voire européennes.

4.9

Le CESE préconise la mise en place d’un contexte juridique qui favorise tout à la fois la création d’œuvres protégées par le droit d’auteur et la participation de nouveaux modèles de licences et de nouveaux modèles commerciaux à la construction du marché unique européen, tout en préservant la liberté contractuelle et le droit des auteurs et des créateurs à bénéficier pleinement des fruits de leur création. Ces nouveaux modèles peuvent être développés en parallèle des modèles contenus dans les traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Cette question devrait faire partie intégrante de la stratégie numérique que la Commission a annoncée en mai 2015 et du plan de modernisation du droit d’auteur à l’examen.

4.10

Une autre barrière est celle des exceptions; le CESE appelle les États membres à ratifier le plus rapidement possible le traité de Marrakech qui instaure une exception pour les personnes atteintes de cécité ou malvoyantes. L’Union européenne a signé ce traité, mais seuls les États membres peuvent le ratifier individuellement en vue de son entrée en application. Le CESE recommande à la Commission de suivre l’avis du Parlement européen du 9 juillet 2015 et d’inciter les États membres à ratifier au plus vite ce traité important, qu’il a été très difficile de négocier face aux attitudes conservatrices de certaines parties prenantes. En outre, le Comité presse le Conseil européen de tout faire pour accélérer le processus de ratification.

4.11

Il convient aussi de renforcer la production d’œuvres accessibles aux personnes atteintes de cécité ou malvoyantes, alors que plus de 95 % des livres ne leur sont actuellement pas accessibles.

4.12

D’autres exceptions liées à l’ère du numérique et des réseaux devraient être prises en considération, en particulier en ce qui concerne la recherche publique, la numérisation par les bibliothèques universitaires et publiques des œuvres littéraires qui relèvent du domaine public ou qui sont orphelines, le prêt de livres numériques et de supports audio et vidéo, compte tenu de la croissance rapide des liseuses numériques et d’une grande diversité de nouveaux supports. Dans le même temps, il importe de noter que certaines industries technologiques tentent de protéger à nouveau ce qui se trouve déjà dans le domaine public, et en restreignent ainsi l’accès à des fins de stratégies commerciales.

4.13

Le zonage géographique fait aussi obstacle à la diffusion des œuvres. Cela affecte tous les utilisateurs potentiels, mais particulièrement les minorités linguistiques si nombreuses dans l’Union européenne, du fait des différences entre la carte politique et la carte linguistique de l’Europe, héritage de l’histoire et conséquence des guerres des XIXe et XXe siècles. La montée des discours populistes et nationalistes donne une dimension politique urgente à la solution du problème. La Charte européenne des langues régionales a été largement ratifiée mais, par exemple, l’impact culturel d’émissions télévisées en langues régionales est fortement diminué par les barrières actuelles.

4.14

Le CESE estime que la diversité culturelle de l’Europe est au cœur de l’identité européenne et qu’elle devrait être encouragée et promue entre les États membres.

4.15

Ces questions sont prioritaires aux yeux du CESE, qui encourage la Commission à prendre en considération ses propositions, qui n’entrent pas en contradiction avec les traités internationaux relatifs au droit d’auteur et peuvent ouvrir des espaces nouveaux pour la réalisation du marché unique numérique de l’Union européenne.

5.   Observations spécifiques

5.1

Des changements conséquents seront nécessaires dans un futur très proche, se référant à la stratégie en seize initiatives publiée en mai 2015 et aux remarques générales précédentes qui proposent une nouvelle grande initiative pour promouvoir les biens communs, l’interopérabilité et les relations transfrontalières et les licences libres. Dans ses avis sur les droits des contrats numériques (INT/775) et sur l’économie du partage et l’autorégulation (INT/779), le CESE reconnaît l’importance du droit d’auteur pour la bonne définition des droits des parties prenantes dans la fourniture de contrats numériques et l’économie du partage.

5.2

Le CESE relève avec intérêt que la Commission précise clairement que les règles du droit d’auteur de l’Union doivent être adaptées, afin que tous les acteurs du marché et tous les citoyens puissent profiter du potentiel qu’offre ce nouvel environnement, et qu’un cadre juridique plus européen est nécessaire pour surmonter la fragmentation et les frictions au sein d’un marché unique fonctionnel. Le Comité partage cet objectif mais note que les gouvernements se positionnent sur une défense de la territorialité comme seul moyen de garantir le financement de la création. D’autres moyens existent et doivent être explorés, et les portes ne devraient pas être fermées avant au moins que les alternatives puissent être objectivement étudiées.

5.3

Le Comité ne croit pas que l’immobilisme et le refus du changement en matière de droit d’auteur répondent aux changements technologiques rapides et aux innovations en matière de services et de distribution qui apparaissent et se développent nécessairement avec le développement de l’internet et des réseaux ainsi que du haut débit. Il partage l’opinion de la Commission selon laquelle il conviendra «le cas échéant, d’adapter les règles du droit d’auteur aux nouvelles réalités technologiques de façon que ces règles continuent à satisfaire à leur finalité».

5.4

Une grande variabilité se manifeste et peut davantage se manifester à l’avenir en ce qui concerne les exceptions qui sont étroitement liées à l’enseignement, à la recherche et à l’accès aux connaissances. Cela peut aller du simple usage à des fins d’exemple ou d’illustration jusqu’à — en pratique sinon en droit — la mise à disposition sans limitation d’œuvres, de livres ou de cours à des fins d’enseignement.

5.5

La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil (5) sur le droit d’auteur comporte une liste des exceptions. La mise en œuvre des éléments de cette liste et leur évolution devraient être débattues selon les pratiques de la démocratie participative, afin de faire progresser les opinions individuelles et collectives, et pour obtenir un droit européen cohérent et unifié des exceptions, lesquelles devront être bien précisées et définies pour être plus aisément applicables. Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les exceptions en matière d’enseignement, de recherche scientifique et de partage des connaissances devraient être prioritaires; dans le même temps, l’étude d’autres biens communs devrait être entreprise pour préparer l’avenir.

5.6

Le CESE considère qu’une unification européenne en matière de copie privée est possible et souhaitable. Il soutiendra l’action de la Commission à cet égard, ceci dans les meilleurs délais, car les différences nationales constituent un obstacle considérable au marché unique des biens électroniques, alors même que de nouveaux supports sont apparus. La cohérence est indispensable à la libre circulation des biens comportant de tels supports. La distribution des recettes issues de la redevance sur les supports devrait prendre en compte le fait que la plupart de ces supports ne sont pas destinés à la copie d’œuvres protégées par un copyright; une partie conséquente des ressources devrait donc logiquement être orientée vers le financement de la création et la promotion de la diversité culturelle, comme c’est déjà le cas dans certains États, et vers les communs en matière d’éducation et de recherche, par exemple.

5.7

Le Comité est convaincu que le principe de neutralité doit rester consubstantiel à l’internet afin de garantir l’égalité stricte des consommateurs indépendamment de leur pouvoir économique. La neutralité du net est un principe fondateur de l’internet qui garantit que les opérateurs télécoms ne discriminent pas les communications de leurs utilisateurs, mais demeurent de simples transmetteurs d’information. Ce principe permet à tous les utilisateurs, quelles que soient leurs ressources, d’accéder au même réseau dans son entier. Cette définition et l’affirmation de la protection de cette neutralité devraient figurer clairement dans la législation européenne.

5.8

Dans la lutte contre les infractions au droit d’auteur, il convient de mettre fin et de sanctionner les violations à une échelle commerciale qui prive les auteurs d’une grande partie de leurs revenus. Le Comité s’est déjà prononcé à maintes reprises sur les problèmes de la lutte contre la contrefaçon de biens et toutes les formes de violation du droit d’auteur et des droits voisins; il renvoie donc à ses précédents avis en considérant qu’ils restent pleinement valides (6).

5.9

Le droit d’auteur reste un moyen fondamental de protection des auteurs et participants à la diffusion d’œuvres et de spectacles par les réseaux numériques interconnectés. Pour s’adapter aux très rapides bouleversements technologiques et aux innovations en matière de distribution et de services, le droit d’auteur doit évoluer. Cette modernisation doit se faire dans un cadre qui permette de garantir les droits des créateurs et interprètes, la juste rémunération de leur effort créatif, leur association au succès commercial des œuvres et le maintien d’un haut niveau de protection et de financement des œuvres. Il convient en particulier de réexaminer le statut juridique des plateformes de services en ligne s’agissant du droit d’auteur. Bien qu’étant aujourd’hui le principal moyen, pour les utilisateurs, d’accéder à du contenu en ligne, les plateformes de services affirment être de simples intermédiaires techniques et refusent donc de rémunérer les créateurs de contenu. Cette situation nuit à l’efficacité du marché, fausse la concurrence et fait baisser la valeur globale du contenu culturel en ligne.

5.10

Le refus des adaptations à la nature globale de l’internet, au haut débit et aux attentes nouvelles des consommateurs risque de dévaloriser un droit utile au progrès des œuvres de l’esprit et à leur diffusion. Il faudra cependant accepter des exceptions justifiées par les droits d’autres intéressés, dont les besoins sociaux sont en évolution, comme les personnes handicapées, les étudiants ou les bibliothèques publiques. D’autres évolutions pour «l’européanisation» continue du droit d’auteur et des droits voisins seront nécessaires de la part des États membres, qui tiennent en fait les principales clés d’accès juridiques aux changements à venir.

5.11

Le CESE considère que le règlement constitue l’instrument privilégié de la construction du marché unique numérique, car la diversité des droits nationaux démontre sans conteste le blocage presque total qu’elle constitue et qu’il faudra surmonter par le dialogue entre tous les intéressés sans discriminations, y compris les représentants des licences de logiciels et contenus libres et des nouveaux services et modèles commerciaux qui en découlent. L’analyse des obstacles aux licences multiterritoriales et les moyens de les surmonter doivent aussi être approfondis.

5.12

La force des intérêts divers et des préjugés en matière de droit d’auteur est telle qu’il ne sera peut-être possible de progresser que pas à pas, sur la base d’une évaluation rigoureuse et de réponses proportionnées, mais tout doit être fait pour entrer véritablement dans la société de la connaissance et de l’information, seule capable de sortir l’Europe du marasme et de la crise qui mettent en danger les bases mêmes de l’idéal européen. L’intérêt général devrait prévaloir sur certains intérêts particuliers dans une économie sociale de marché dynamique.

Bruxelles, le 27 avril 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2015) 627 final (voir page 86 du présent Journal officiel).

(2)  http://ec.europa.eu/priorities/sites/beta-political/files/pg_fr_0.pdf

(3)  JO L 84 du 20.3.2014, p. 72; JO C 44 du 15.2.2013, p. 104.

(4)  JO C 324 du 30.12.2006, p. 8.

(5)  JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.

(6)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 72; JO C 44 du 15.2.2013, p. 104; JO C 68 du 6.3.2012, p. 28; JO C 376 du 22.12.2011, p. 66; JO C 376 du 22.12.2011, p. 62; JO C 18 du 19.1.2011, p. 105; JO C 228 du 22.9.2009, p. 52; JO C 306 du 16.12.2009, p. 7; JO C 182 du 4.8.2009, p. 36; JO C 318 du 29.10.2011, p. 32; JO C 324 du 30.12.2006, p. 8; JO C 324 du 30.12.2006, p. 7; JO C 256 du 27.10.2007, p. 3; JO C 32 du 5.2.2004, p. 15.


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