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Document 52018PC0324

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre

COM/2018/324 final - 2018/0136 (COD)

Bruxelles, le2.5.2018

COM(2018) 324 final

2018/0136(COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Justification et objectifs

Comme l’explique la Commission dans sa communication de février 2018 intitulée «Un cadre financier pluriannuel nouveau et moderne pour une Union européenne qui met en œuvre ses priorités avec efficience au-delà de 2020» 1 , l’Union est une communauté de droit et ses valeurs constituent le fondement même de son existence. Celles-ci sont omniprésentes dans l’ensemble de sa structure juridique et institutionnelle, de ses politiques et programmes. Le respect de ces valeurs doit donc être assuré dans toutes les politiques de l’Union. Cela vaut également pour le budget de l’UE, le respect des valeurs fondamentales étant une condition indispensable pour assurer une gestion financière saine et efficace des financements de l’UE. Le respect de l’état de droit est important pour les citoyens européens, mais aussi pour les initiatives commerciales, l’innovation et l’investissement. C'est dans un cadre juridique et institutionnel qui respecte pleinement les valeurs communes de l’Union que l’économie européenne est la plus prospère.

Le potentiel du budget de l’Union ne pourra être pleinement libéré que si l’environnement économique, réglementaire et administratif dans les États membres y est propice. Dans l’actuel cadre financier pluriannuel, l’ensemble des États membres et des bénéficiaires sont déjà tenus de démontrer que le cadre réglementaire pour la gestion financière est robuste, que la réglementation applicable de l’UE est correctement mise en œuvre et que les capacités institutionnelles et administratives nécessaires existent pour que les financements de l’UE soient une réussite. En outre, l’imposition de conditions quant aux politiques à mettre en œuvre peut favoriser la coopération entre États membres dans les domaines dans lesquels les économies d’échelle ou les externalités sont importantes. De nouvelles dispositions ont également été introduites au titre du cadre financier pluriannuel 2014-2020 pour éviter que des politiques économiques et budgétaires inappropriées ne portent atteinte à l’efficacité du financement européen.

Le respect effectif de l’état de droit est une condition indispensable à l'assurance que les dépenses de l’Union dans les États membres sont suffisamment protégées. Comme l’explique la Commission dans sa communication de 2014 intitulée «Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit» 2 , l’état de droit est la clé de voûte de toute démocratie constitutionnelle moderne. Il s’agit de l’un des principes fondateurs découlant des traditions constitutionnelles communes à tous les États membres de l’Union européenne. En tant que tel, il est l’une des valeurs premières sur lesquelles repose l’Union, ainsi que le rappellent l’article 2 du traité sur l’Union européenne et les préambules du traité et de la Charte des droits fondamentaux. L’état de droit garantit que les actions menées par l’État se déroulent dans un cadre juridique efficace et fiable, qu’elles peuvent être examinées et contestées si nécessaire, et que des voies de recours effectives existent.

Les constitutions et systèmes de justice respectifs des États membres de l’UE sont en principe bien conçus pour garantir l’état de droit et bien pourvus pour protéger les citoyens de toute menace contre l’état de droit. Toutefois, plusieurs événements récents ont mis au jour des faiblesses généralisées dans l’équilibre des pouvoirs de certains États membres et ont montré en quoi le mépris de l’état de droit peut devenir un sujet commun de vive préoccupation au sein de l’Union européenne. Des institutions telles que le Parlement européen, ainsi que les citoyens se sont clairement exprimés en faveur d'une intervention de l’UE pour qu’elle protège l’état de droit.

Des mesures ont été prises au moyen des instruments disponibles et des résultats ont été obtenus. Toutefois, étant donné le lien entre le respect de l’état de droit, d'une part, et la confiance mutuelle et la solidarité financière entre les États membres de l’Union européenne d’autre part, et le fait que des mécanismes de contrôle ne peuvent fonctionner que s’ils se doublent d'une application effective de contrôles administratifs et juridiques et de moyens de recours en cas d’irrégularités, les obligations existantes de garantir des systèmes de contrôle efficaces devraient être complétées par des mesures visant à garantir le respect de l’état de droit.

Afin de protéger les intérêts financiers de l’Union contre le risque de perte financière causé par des défaillances généralisées de l’état de droit dans un État membre, l’Union européenne devrait se voir accorder la possibilité d’adopter des mesures appropriées en pareils cas. Ces mesures devraient reposer sur une décision du Conseil adoptée sur proposition de la Commission. La décision est réputée adoptée par le Conseil, sauf si celui-ci décide, à la majorité qualifiée, de rejeter la proposition de la Commission dans un délai d’un mois à compter de son adoption par la Commission. Le Parlement européen devrait, lui aussi, être pleinement associé à tous les stades.

Les mesures doivent être adoptées dans le strict respect des principes de transparence et de proportionnalité. Il importe également de veiller à ce que leurs conséquences aient un lien suffisant avec l’objectif du financement. Il faut par ailleurs garantir que les responsables des lacunes constatées assument ces conséquences. Les bénéficiaires individuels des fonds de l’UE, tels que les étudiants Erasmus, les chercheurs ou les organisations de la société civile, ne peuvent donc pas être considérés comme responsables de ces violations.

La présente proposition établit les règles nécessaires à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre. Elle pourrait être intégrée dans le règlement financier, qui repose sur la même base juridique, à l'occasion de sa future révision.

Cohérence avec les dispositions en vigueur dans le domaine d'action

La proposition contribuera à garantir le respect de l’état de droit dans tous les États membres, conformément à l’article 2 du TUE, et à protéger le budget de l’Union.

Cohérence avec les autres politiques de l’Union

En contribuant à garantir le respect de l’état de droit et la bonne exécution du budget de l’Union, la présente proposition viendra appuyer toutes les autres politiques de l’Union, notamment lorsque l'utilisation des fonds de l’Union est concernée.

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

La proposition est fondée sur l’article 322, paragraphe 1, point a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et sur l’article 106 bis du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

Les règles financières régissant le budget de l’Union visées à l’article 322 du traité sur le fonctionnement de l’Union ne pourraient pas être adoptées au niveau des États membres.

Proportionnalité

La proposition prévoit des mesures proportionnées aux défaillances généralisées de l’état de droit, y compris la suspension ou la réduction du financement au titre d'engagements existants, ou l’interdiction de conclure de nouveaux engagements avec des catégories spécifiques de destinataires. La proportionnalité sera assurée, notamment, par la prise en compte de la gravité de la situation, du temps écoulé depuis le début de la conduite en cause, de sa durée et de sa répétition éventuelle, de l’intention de l’État membre de mettre un terme à la violation de l’état de droit et de son degré de coopération en ce sens ainsi que des effets de cette défaillance sur les fonds de l’Union.

Choix de l’instrument

Considérant que l’objectif est de contribuer à la bonne exécution du budget général de l’Union, la proposition prend la forme d’un règlement autonome fondé sur l’article 322 du TFUE, soit la même base juridique que le règlement financier 3 .

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS RÉTROSPECTIVES, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT

Évaluations rétrospectives/bilans de qualité de la législation existante

Il n’existe pas de programme en vigueur comparable. Une certaine expérience a toutefois été acquise dans le cadre des questions relatives à l’état de droit dans les États membres qui ont été traitées au niveau de l’Union européenne. Cette expérience a montré que, même si des instruments existent, ils ne sont pas spécifiquement conçus pour faire face à des situations dans lesquelles l’exécution de fonds de l’Union pourrait être mise en péril par une défaillance de l’état de droit.

Consultation des parties intéressées

Aucune consultation particulière des parties intéressées n’a été réalisée, mais le sujet a été largement débattu, notamment au Parlement européen et au Conseil.

Expertise externe

Des sources externes, notamment le Conseil de l’Europe, ont été consultées lors de l’élaboration des règles actuelles. Il est également envisagé de recourir à l’expertise externe du Conseil de l’Europe, le cas échéant, lors de la mise en œuvre des mesures proposées.

Analyse d'impact

Aucune analyse d’impact n’a été réalisée, la mesure ayant pour seul objectif d’éviter que le budget de l’Union ne soit affecté par des situations dans lesquelles une défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre nuit ou risque de nuire à la bonne gestion financière et à la protection des intérêts financiers de l’Union. Les options envisagées consistaient donc soit à maintenir le statu quo, sans procédure financière spécifique en cas de problèmes liés à l’état de droit et pouvant avoir des répercussions négatives sur la bonne gestion des fonds de l’Union, soit à instaurer une telle procédure.

Droits fondamentaux

En relevant le niveau actuel de protection contre les défaillances de l’état de droit, la proposition aura une incidence positive sur les droits fondamentaux.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

En renforçant la protection contre les éventuelles pratiques, omissions ou mesures d’autorités publiques qui portent atteinte à l’état de droit dans l’État membre concerné et qui nuisent ou risquent de nuire à sa capacité d’exécuter ses obligations budgétaires, la proposition aura un effet positif sur la bonne gestion financière du budget général de l’Union.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d'évaluation et d'information

La Commission évaluera la situation dans l’État membre concerné afin de décider si une levée des mesures peut être proposée.

Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

La proposition se fonde sur la communication de la Commission de 2014 intitulée «Un nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’état de droit» 4 , sur la communication de la Commission de février 2018 intitulée «Un cadre financier pluriannuel nouveau et moderne pour une Union européenne qui met en œuvre ses priorités avec efficience au-delà de 2020» 5 , ainsi que sur les normes et principes élaborés par le Conseil de l’Europe.

L’article premier précise l’objet et la nécessité de protéger le budget de l’Union contre les défaillances généralisées de l’état de droit dans un État membre qui pourraient affecter ou risquer d’affecter la bonne gestion financière et la protection des intérêts financiers de l’Union.

L’article 2 énonce les définitions.

L’article 3 décrit les mesures à prendre pour faire face à une situation de défaillance généralisée de l’état de droit. Il explique quelles fonctions particulières de l’État pourraient être touchées et nuire à la bonne gestion financière des fonds de l’Union.

L’article 4 énumère le type de mesures qui peuvent être prises et précise que les États membres bénéficiaires des fonds de l’Union devraient en être destinataires.

L’article 5 définit les procédures que la Commission devrait suivre lorsqu’elle propose des mesures au Conseil, lequel devrait se prononcer conformément à un vote à la majorité qualifiée inversée.

L’article 6 définit la procédure de levée des mesures, lorsque celles-ci ont permis de remédier à la situation visée dans un État membre donné, ainsi que les conséquences de cette levée sur le plan budgétaire.

L’article 7 concerne les informations fournies au Parlement européen.

L’article 8 contient les dispositions finales.


2017/ (COD)

2018/0136 (COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 322, paragraphe 1, point a),

vu le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, et notamment son article 106 bis,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,

vu l’avis de la Cour des comptes 6 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)L’état de droit est l'une des valeurs essentielles sur lesquelles l’Union est fondée. Ainsi que le rappelle l’article 2 du traité sur l’Union européenne, ces valeurs sont communes aux États membres.

(2)L’état de droit exige que toutes les autorités publiques agissent dans les limites fixées par la loi, conformément aux valeurs que sont la démocratie et les droits fondamentaux, et sous le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales. Il requiert notamment que les principes de légalité 7 , de sécurité juridique 8 , d’interdiction de l'arbitraire du pouvoir exécutif 9 , de séparation des pouvoirs 10 , et d'une protection juridictionnelle effective par des juridictions indépendantes 11 soient respectés 12 .

(3)L’état de droit est une condition indispensable à la protection des autres valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée, telles que la liberté, la démocratie, l’égalité et le respect des droits de l’homme. Le respect de l'état de droit est intrinsèquement lié à celui de la démocratie et des droits fondamentaux: les seconds ne sauraient exister sans le premier, et vice-versa.

(4)Chaque fois que les États membres exécutent le budget de l’Union, et quelle que soit la méthode d’exécution utilisée, le respect de l’état de droit est une condition essentielle à celui des principes de bonne gestion financière consacrés par l’article 317 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(5)Les États membres ne peuvent garantir une bonne gestion financière que si les autorités publiques agissent en conformité avec le droit et si les violations de celui-ci donnent effectivement lieu à des enquêtes et des poursuites par les services répressifs et si les décisions des autorités publiques peuvent faire l’objet d'un contrôle juridictionnel effectif par des tribunaux indépendants et par la Cour de justice de l’Union européenne.

(6)Les organes judiciaires devraient agir en toute indépendance et en toute impartialité tandis que les services chargés des enquêtes et des poursuites devraient être en mesure de remplir correctement leurs fonctions. Ils devraient pouvoir compter sur des ressources suffisantes et des procédures leur permettant d’agir de manière efficace et dans le strict respect du droit d'accéder à un tribunal impartial. Ces conditions sont requises à titre de garantie minimale contre les décisions arbitraires et illégales d’autorités publiques susceptibles de léser les intérêts financiers de l’Union.

(7)L’indépendance du pouvoir judiciaire suppose, notamment, que l’instance concernée exerce ses fonctions juridictionnelles en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, et qu’elle soit ainsi protégée d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions. Les garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent.

(8)Le respect de l’état de droit est important non seulement pour les citoyens de l’Union, mais aussi pour les initiatives commerciales, l’innovation et l’investissement et pour le bon fonctionnement du marché intérieur, qui ont besoin d’un cadre juridique et institutionnel solide pour prospérer pleinement.

(9)L’article 19 du TUE, qui concrétise la valeur de l’état de droit affirmée à l’article 2 du TUE, impose aux États membres de prévoir une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, y compris ceux concernant l’exécution du budget de l’Union. L’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit et exige des juridictions indépendantes 13 . La préservation de l’indépendance des juridictions est primordiale, ainsi que le confirme l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 14 . Cette exigence vaut, en particulier, pour le contrôle juridictionnel de la régularité des actes, contrats ou autres instruments générateurs de dépenses ou de dettes publiques, notamment dans le cadre des procédures de passation de marchés publics dont les juridictions peuvent être également saisies.

(10)Il existe, dès lors, un lien manifeste entre le respect de l’état de droit et une exécution efficace du budget de l’Union, conformément aux principes de bonne gestion financière.

(11)Les défaillances généralisées de l’état de droit dans les États membres, qui affectent en particulier le bon fonctionnement des autorités publiques et le caractère effectif du contrôle juridictionnel, peuvent gravement nuire aux intérêts financiers de l’Union.

(12)La détection d’une défaillance généralisée exige de la Commission qu’elle procède à une évaluation qualitative. Cette évaluation pourrait reposer sur les informations provenant de toutes les sources disponibles et d’institutions reconnues, dont les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, les rapports de la Cour des comptes ainsi que les conclusions et recommandations formulées par les organisations et réseaux internationaux concernés, tels que les organes du Conseil de l’Europe et le réseau européen des présidents des cours suprêmes judiciaires et celui des conseils de la justice.

(13)Les éventuelles mesures à adopter en cas de défaillance généralisée et la procédure à suivre en vue de leur adoption devraient être définies. Parmi ces mesures devraient figurer la suspension de paiements et d’engagements, une réduction du financement au titre d’engagements existants et une interdiction de souscrire de nouveaux engagements avec des destinataires.

(14)Le principe de proportionnalité devrait s’appliquer lors de la détermination des mesures à adopter, notamment par la prise en considération de la gravité de la situation, du temps écoulé depuis le début de la conduite en cause, de sa durée et de sa répétition éventuelle, de l’intention de l’État membre concerné de mettre un terme à la défaillance généralisée de l’état de droit et du degré de sa coopération en ce sens, ainsi que des effets de cette défaillance sur les fonds de l’Union.

(15)Afin d’assurer la mise en œuvre uniforme du présent règlement, et compte tenu de l’importance des incidences financières des mesures imposées par application de celui-ci, il conviendrait de conférer des compétences d’exécution au Conseil, qui devrait agir sur le fondement d’une proposition de la Commission. Afin de faciliter l’adoption des décisions qui s’imposent pour protéger les intérêts financiers de l’Union, il conviendrait de recourir au vote à la majorité qualifiée inversée.

(16)Avant de proposer l’adoption de toute mesure en vertu du présent règlement, la Commission devrait informer l’État membre concerné des raisons pour lesquelles elle considère qu’une défaillance généralisée de l’état de droit pourrait exister dans cet État membre. Celui-ci devrait être autorisé à présenter ses observations. La Commission et le Conseil devraient tenir compte de ces observations.

(17)Le Conseil devrait, sur proposition de la Commission, lever les mesures ayant un effet suspensif, s’il a été remédié de façon suffisante à la situation ayant conduit à l’imposition de ces mesures.

(18)La Commission devrait tenir le Parlement européen informé de toutes les mesures proposées et adoptées en application du présent règlement,

ONT ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier
Objet

Le présent règlement établit les règles nécessaires à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre.

Article 2
Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:

(a)«état de droit», la valeur de l’Union consacrée à l’article 2 du traité sur l’Union européenne qui recouvre le principe de légalité, lequel suppose l’existence d’une procédure d'adoption des textes de loi transparente, responsable, démocratique et pluraliste, et les principes !e sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective assurée par des juridictions indépendantes, y compris celle des droits fondamentaux, de la séparation des pouvoirs et d’égalité devant la loi;

(b)«défaillance généralisée de l’état de droit», une pratique ou omission répandue ou récurrente, ou une mesure des autorités publiques, qui porte atteinte à l’état de droit;

(c)«entité publique», toute autorité publique à tous les niveaux de gouvernement, notamment les autorités nationales, régionales et locales, ainsi que les organismes des États membres au sens de [l’article 2, point 42,] du règlement (UE, Euratom) n° [...] (ci-après le «règlement financier»).

Article 3
Mesures

1.Des mesures appropriées sont prises lorsqu’une défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre porte atteinte ou risque de porter atteinte aux principes de bonne gestion financière ou à la protection des intérêts financiers de l’Union, en particulier:

(a)au bon fonctionnement des autorités de cet État membre exécutant le budget de l’Union, notamment dans le cadre des procédures de passation de marchés publics ou d’octroi de subventions, et lorsqu’elles procèdent au suivi et aux contrôles;

(b)au bon fonctionnement des services chargés des enquêtes et du ministère public dans le cadre de la répression de la fraude, de la corruption ou d’autres infractions au droit de l’Union relatif à l’exécution du budget de l’Union;

(c)au contrôle juridictionnel effectif par des juridictions indépendantes d’actes ou d’omissions des autorités mentionnées aux points a) et b);

(d)à la prévention et à la sanction de la fraude, de la corruption ou d’autres infractions au droit de l’Union relatif à l’exécution du budget de l’Union, ainsi qu’à l’imposition de sanctions effectives et dissuasives aux destinataires par les juridictions nationales ou par les autorités administratives;

(e)au recouvrement de fonds indûment versés;

(f)à la coopération effective et en temps utile avec l’Office européen de lutte antifraude et le Parquet européen à leurs enquêtes ou poursuites en application de leurs actes juridiques respectifs et conformément au principe de coopération loyale.

2.Peuvent, en particulier, être considérés comme des défaillances généralisées de l’état de droit:

(a)la mise en péril de l’indépendance du pouvoir judiciaire;

(b)le fait de ne pas prévenir, corriger et sanctionner les décisions arbitraires ou illégales des autorités publiques, y compris des autorités répressives, le retrait de ressources financières et humaines perturbant leur bon fonctionnement ou le fait de ne pas veiller à l’absence de conflits d’intérêts;

(c)la limitation de la disponibilité et de l’efficacité des voies de recours, notamment sous l’effet de règles de procédure restrictives, l’inexécution des décisions de justice ou la limitation de l’efficacité des enquêtes, des poursuites ou des sanctions relatives à des violations du droit.

Article 4
Contenu des mesures

3.Une ou plusieurs des mesures appropriées suivantes peuvent être adoptées

(d)lorsque la Commission exécute le budget de l’Union en gestion directe ou indirecte, en application de l’article 62, points a) et c), du règlement financier, et lorsqu’une entité publique est le destinataire:

(1)une suspension des paiements ou de l’exécution de l’engagement juridique ou une résiliation de l’engagement juridique conformément à l’article [131, paragraphe 3], du règlement financier;

(2)une interdiction de contracter de nouveaux engagements juridiques;

(e)lorsque la Commission exécute le budget de l’Union en gestion partagée, en application de [l’article 62, point b),] du règlement financier:

(1)une suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes ou de leur modification;

(2)une suspension des engagements;

(3)une réduction des engagements, notamment au moyen de corrections financières ou de transferts vers d’autres programmes de dépenses;

(4)une réduction du préfinancement;

(5)une interruption des délais de paiement;

(6)une suspension des paiements.    

4.Sauf disposition contraire de la décision portant adoption des mesures, l’imposition de mesures appropriées ne remet pas en cause l’obligation des entités publiques visées au paragraphe 1, point a), ou des États membres visés au paragraphe 1, point b) d’exécuter le programme ou le Fonds affecté par la mesure, et notamment l’obligation d’effectuer les paiements aux destinataires ou bénéficiaires finaux.

5.Les mesures prises sont proportionnées à la nature, à la gravité et à la portée de la défaillance généralisée de l’état de droit. Elles ciblent, dans la mesure du possible, les actions de l’Union auxquelles cette défaillance porte atteinte ou risque de porter atteinte.

Article 5
Procédure

6.Lorsque la Commission constate qu’il existe des motifs raisonnables de penser que les conditions énoncées à l’article 3 sont remplies, elle adresse une notification écrite à l’État membre concerné, exposant les motifs sur lesquels repose sa constatation.

7.La Commission peut prendre en compte toutes informations pertinentes, dont les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, les rapports de la Cour des comptes et les conclusions et recommandations formulées par les organisations internationales concernées.

8.La Commission peut demander toute information supplémentaire nécessaire à son évaluation, tant avant qu’après avoir effectué une constatation conformément au paragraphe 1.

9.L’État membre concerné fournit toutes les informations nécessaires et peut formuler des observations dans un délai fixé par la Commission, qui ne doit pas être inférieur à un mois à compter de la date de la notification de la constatation. Dans ses observations, l’État membre peut proposer l’adoption de mesures correctives.

10.La Commission tient compte des informations reçues et des éventuelles observations formulées par l’État membre concerné, ainsi que du caractère adéquat des éventuelles mesures correctives proposées, lorsqu’elle décide de soumettre, ou non, une proposition de décision arrêtant des mesures appropriées.

11.Lorsque la Commission considère que la défaillance généralisée de l’état de droit est établie, elle soumet au Conseil une proposition d’acte d’exécution arrêtant les mesures appropriées.

12.La décision est réputée adoptée par le Conseil, sauf si celui-ci décide, à la majorité qualifiée, de rejeter la proposition de la Commission dans un délai d’un mois à compter de son adoption par celle-ci.

13.Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut modifier la proposition de la Commission et adopter, à titre de décision du Conseil, le texte ainsi modifié.

Article 6
Levée des mesures

14.L’État membre concerné peut, à tout moment, soumettre à la Commission des éléments en vue de démontrer qu’il a remédié à la défaillance généralisée de l’état de droit ou que celle-ci n’existe plus.

15.La Commission évalue la situation dans l’État membre concerné. Lorsque la défaillance généralisée de l’état de droit qui a fondé l’adoption des mesures appropriées, a complètement ou partiellement disparu, la Commission soumet au Conseil une proposition de décision portant levée totale ou partielle de ces mesures. La procédure prévue par l’article 5, paragraphes 2, 4, 5, 6 et 7 est applicable.

16.Lorsque les mesures concernant la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes ou de leur modification visée à l’article 4, paragraphe 2, point b) i), ou concernant la suspension des engagements visée à l’article 4, paragraphe 2, point b) ii), sont levées, les montants correspondant aux engagements suspendus sont inscrits au budget, sous réserve de l’article 7 du règlement (UE, Euratom) n° XXXX du Conseil (règlement CFP). Les engagements suspendus de l’exercice n ne peuvent pas être inscrits au budget au-delà de l’exercice n + 2.

Article 7
Information du Parlement européen

La Commission informe immédiatement le Parlement européen de toute mesure proposée ou adoptée en application des articles 4 et 5.

Article 8
Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Il est applicable à partir du 1er janvier 2021.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le

Par le Parlement européen    Par le Conseil

Le Président    Le Président

(1)    COM(2018) 98 final.
(2)    COM(2014) 158 final.
(3)    Règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, JO L 298 du 26.10.2012, p. 1.
(4)    COM(2014) 158 final.
(5)    COM(2018) 98 final.
(6)    […]
(7)    Arrêt de la Cour du 29 avril 2004, CAS Succhi di Frutta, C-496/99, PECLI:EU:C:2004:236, point 63.
(8)    Arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 1981, Amministrazione delle finanze dello Stato/Srl Meridionale Industria Salumi et autres; Ditta Italo Orlandi & Figlio et Ditta Vincenzo Divella/Amministrazione delle finanze dello Stato. Affaires jointes 212 à 217/80, ECLI:EU:C:1981:270, point 10.
(9)    Arrêt de la Cour de justice du 21 septembre 1989, Hoechst, affaires jointes 46/87 et 227/88, ECLI:EU:C:1989:337, point 19.
(10)    Arrêt de la Cour du 10 novembre 2016, Kovalkovas, C-477/16, ECLI:EU:C:2016:861, point 36; arrêt de la Cour du 10 novembre 2016, PPU Poltorak, C-452/16, ECLI:EU:C:2016:858, point 35; et arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, DEB, C-279/09, ECLI:EU:C:2010:811, point 58.
(11)    Arrêt de la Cour du 27 février 2018, Associação Associação Sindical dos Juízes Portugueses/Tribunal de Contas, C-64/16, ECLI:EU:C:2018:117, points 31, 40 et 41.
(12)    Communication de la Commission «Un nouveau cadre de l’Union pour renforcer l’état de droit», COM(2014) 158 final, annexe I.
(13)    Affaire C-64/16, points 32 à 36.
(14)    Affaire C-64/16, points 40 et 41.
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