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Document 52021AE4708

    Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union et mettant en œuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial [COM(2021) 552 final]

    EESC 2021/04708

    JO C 152 du 6.4.2022, p. 152–157 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    6.4.2022   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 152/152


    Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union et mettant en œuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial

    [COM(2021) 552 final]

    (2022/C 152/25)

    Rapporteur général:

    Dumitru FORNEA

    Consultation

    Conseil de l’Union européenne, 20.9.2021

    Parlement européen, 13.9.2021

    Base juridique

    Article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

    Compétence

    Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

    Adoption en section

    9.11.2021

    Adoption en session plénière

    8.12.2021

    Session plénière no

    565

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    209/3/5

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    L’initiative de la Commission modifiant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (1) en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union est une mesure bienvenue en vue de réduire l’incidence du secteur de l’aviation sur le climat. Nous soutenons les modifications proposées, mais soulignons la nécessité de maintenir des conditions de concurrence équitables et de protéger les droits sociaux et les droits du travail. Bien que l’aviation ne soit pas le plus gros émetteur d’émissions dans la société, ni d’ailleurs dans les transports, ce secteur et toutes ses parties prenantes ont un rôle à jouer pour nous aider à garantir sa durabilité. Seuls le dialogue social et la concertation avec les syndicats du secteur, qui sont un élément essentiel de la transition climatique, permettront d’y parvenir.

    1.2.

    D’une manière générale, nous sommes opposés à l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (SEQE), sauf si l’objectif est de garantir une concurrence loyale. Si les risques de fausser la concurrence sont moindres dans le cas des vols à l’intérieur de l’Espace économique européen (EEE), nous devons rester attentifs aux fuites de carbone, en particulier dans le trafic loisirs et long-courrier. Par conséquent, nous sommes favorables au maintien de la date proposée de 2027 pour la suppression totale des quotas gratuits et, dans l’intervalle, à leur adaptation axée sur une concurrence loyale. Ce faisant, nous pouvons mettre en œuvre le SEQE, améliorer l’utilisation des carburants d’aviation durables (CAD) et réduire le niveau des quotas gratuits, tout en évitant de fausser la concurrence sur le marché.

    1.3.

    Il est impératif que la proposition vise à préserver des conditions de concurrence équitables afin de soutenir les entreprises qui offrent un travail décent et respectent les normes sociales. Il importe également d’éviter les effets négatifs à long terme sur les conditions de travail dus à la concurrence déloyale des entreprises qui n’exercent pas leurs activités dans le cadre du SEQE. À cet égard, nous recommandons de lancer une «analyse d’impact social» qui tiendrait compte du lien entre l’application du SEQE, la concurrence loyale et les dommages sociaux pouvant être causés par les fuites de carbone. En outre, nous proposons deux évaluations à mi-parcours qui analyseraient l’impact social, environnemental et économique du SEQE modifié. Celles-ci seraient effectuées respectivement deux et quatre ans après l’entrée en vigueur du SEQE modifié et devraient donner à toutes les parties prenantes la possibilité de réexaminer l’application du SEQE et les objectifs du programme. Ces évaluations seront également l’occasion de vérifier si la reprise de l’industrie est conforme aux objectifs du SEQE.

    1.4.

    Les intermédiaires financiers devraient être exclus du SEQE de l’UE, de sorte que seules les installations émettant du dioxyde de carbone lors de leurs processus de production soient autorisées à échanger des quotas d’émission. Cette approche permet d’éliminer tout risque de spéculation et est similaire à celle adoptée par la Chine, qui a interdit aux établissements financiers de participer à son système d’échange de quotas.

    1.5.

    La majeure partie du trafic hors EEE passe par des plateformes de correspondance aéroportuaire, ou hubs, situés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’EEE. À l’heure actuelle, la plupart des passagers disposent d’un certain nombre d’options pour leur vol hors EEE, passant par des hubs internes ou externes. Toutefois, compte tenu de l’augmentation du coût du SEQE, il existe un risque important de voir la compétitivité des opérateurs de l’EEE menacée par des opérations moins coûteuses basées sur des hubs situés en dehors de l’EEE. Pour contrer cette évolution, il convient de remplacer l’allocation gratuite de quotas du SEQE par un mécanisme ciblé contre les désavantages concurrentiels afin de protéger les compagnies aériennes européennes et les plateformes aéroportuaires européennes.

    1.6.

    L’UE doit promouvoir une réglementation mondiale plus ambitieuse et uniforme en matière de tarification du carbone, et disposer d’un mandat pour négocier à cet effet au niveau mondial. En outre, afin de garantir une mise en œuvre équitable et durable du SEQE et d’encourager son application plus large à court terme, nous proposons le recours à l’un des deux mécanismes suivants:

    a)

    établissement d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières;

    b)

    remplacement du système d’allocation de quotas à titre gratuit par une protection ciblée contre la concurrence déloyale.

    1.7.

    Le SEQE devrait favoriser une transition vers des modes de transport plus durables, y compris dans le secteur de l’aviation, et devrait donc encourager un recours moindre à l’aviation d’affaires. Le SEQE devrait inciter à recourir au transport de masse durable et, par conséquent, contraindre les utilisateurs d’avions d’affaires à payer des redevances plus élevées.

    1.8.

    Les recettes du SEQE devraient être investies dans des projets de développement qui réduiront encore l’impact environnemental de l’aviation, en soutenant une diminution des coûts et une utilisation accrue des CAD. Le SEQE devrait également appuyer la transition des aéroports, des ravitailleurs et des prestataires de services au sol vers les nouvelles réglementations imposées par la proposition ReFuelEU relative à l’utilisation des CAD dans les aéroports européens. Les recettes doivent en outre soutenir une transition juste pour les travailleurs du secteur de l’aviation qui ont subi les conséquences négatives du changement climatique. À cette fin, il conviendrait de créer un fonds social dans le domaine de l’aviation pour permettre la formation et la transition des travailleurs du secteur. Un tel fonds pourrait être géré par la Commission européenne, avec le soutien des employeurs et des syndicats.

    1.9.

    Par l’intermédiaire du SEQE, la proposition devrait inciter les opérateurs à développer des réseaux de transport intermodaux dans leurs principaux hubs afin d’étendre leur réseau de destinations, tout en réduisant les vols ultra-court-courriers inutiles. Pour ce faire, le niveau des quotas gratuits octroyés ailleurs dans le réseau de la compagnie aérienne pourrait être augmenté dans les zones ne disposant pas de connexions ferroviaires pratiques.

    1.10.

    L’UE devrait dialoguer avec les comités d’entreprise européens (CEE), les comités de dialogue social sectoriel et d’autres forums conjoints, tels que la table ronde sur l’aviation, sur les effets persistants du SEQE révisé tout au long de sa mise en œuvre. Il conviendrait d’accorder une attention particulière au dialogue social avec les travailleurs et de chercher à comprendre leurs besoins et leurs préoccupations en matière d’aviation durable.

    1.11.

    Le statut particulier des régions ultrapériphériques de l’Union devrait être maintenu et ces régions devraient être exemptées du SEQE conformément à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des dérogations à l’application du droit de l’Union dans ces régions.

    2.   Observations générales

    2.1.

    Nous saluons l’initiative de la Commission modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union. Bien que l’aviation ne soit pas le plus gros émetteur d’émissions dans la société, ni d’ailleurs dans les transports, ce secteur et toutes ses parties prenantes ont un rôle à jouer pour nous aider à améliorer sa durabilité et atteindre nos objectifs climatiques, tels que définis dans l’accord de Paris et le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55».

    2.2.

    Ces initiatives, la participation des parties prenantes et le dialogue social permettent d’atténuer bon nombre des menaces sociales et économiques pesant sur les travailleurs du secteur de l’aviation, et nous nous réjouissons des efforts déployés par la Commission pour faire en sorte que toutes les parties prenantes, en particulier les syndicats et les comités d’entreprise européens, soient associées au débat sur les thèmes du changement climatique et de la transition juste tout au long du processus d’adoption de la proposition à l’examen, ainsi qu’à tous les futurs travaux sur l’aviation durable.

    3.   Observations particulières

    3.1.   Prise en compte des effets de la pandémie de COVID-19

    3.1.1.

    Le secteur de l’aviation ayant été l’un des plus durement touchés tout au long de la récente pandémie de COVID-19, la proposition à l’examen doit laisser à l’industrie aéronautique l’espace et le temps dont elle a besoin pour se rétablir. Toutefois, il est apparu clairement que le secteur de l’aviation présente un problème de durabilité intrinsèque, sur le plan social comme environnemental, et que toute mesure de relance, y compris le soutien apporté au secteur, doit tenir compte des efforts déployés pour le rendre plus durable à long terme.

    3.1.2.

    Les données publiées par Eurocontrol montrent que le secteur de l’aviation est encore loin d’avoir retrouvé les niveaux de trafic de 2019. Au cours de l’été 2021, les niveaux de trafic ont atteint à peine 70 % de ceux de 2019 (2), et Eurocontrol s’attend globalement à ce que le trafic ne retrouve pas ses niveaux de 2019 avant 2023 (3). Compte tenu de ce qui précède, il est clair que le niveau de trafic aérien est actuellement réduit et le restera au moins jusqu’en 2023 au plus tôt. En outre, les travailleurs ont été touchés proportionnellement par cette baisse du trafic. Bien qu’il reste difficile de trouver des informations à ce sujet, la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) estime qu’environ 60 % du personnel au sol était sans emploi pendant la pandémie (4). La mise en place de mesures susceptibles de fausser la concurrence au cours de cette période de reprise pourrait avoir des conséquences négatives tant pour les travailleurs que pour l’industrie dans son ensemble.

    3.1.3.

    Néanmoins, nous ne sommes favorables à l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du SEQE que pour éviter une distorsion de la concurrence ou une fuite de carbone. Il convient de tenir compte des risques de fuite de carbone qui pourraient découler du fait que les compagnies aériennes optent pour des destinations moins chères, en particulier sur le marché des vols de loisirs. Il subsiste un risque que de nombreuses destinations de loisirs traditionnelles soient négligées en faveur de destinations situées en dehors de l’EEE, qui imposent des redevances d’émission moins élevées que leurs homologues dans l’EEE. En ce qui concerne les vols hors EEE, il convient de tenir davantage compte de la menace que représentent les opérateurs de pays tiers qui exploitent le SEQE et faussent la concurrence.

    3.1.4.

    Dans ce contexte, nous estimons que, si la date de suppression des quotas gratuits devrait rester fixée à 2027, les quotas gratuits ne devraient être octroyés que pour garantir une concurrence loyale. Ce faisant, la proposition à l’examen peut atteindre ses objectifs et préserver des conditions de concurrence équitables pendant que le secteur tente de se redresser et de faire face à la concurrence dans le cadre du nouveau SEQE.

    3.2.   Concurrence loyale et fuite de carbone

    3.2.1.

    L’aviation est un secteur très mobile et fortement libéralisé à l’échelle mondiale. Il est par conséquent exposé à une concurrence importante, dont une grande partie entraîne, ou est susceptible d’entraîner, des distorsions sur le marché. Cela transparaît clairement dans les problèmes sociaux associés au marché de l’aviation, où les entreprises ont eu recours à des conditions sociales favorables au sein de l’EEE et dans les pays tiers pour exploiter les travailleurs et réduire les coûts de la main-d’œuvre. Cette pratique est désormais courante dans le secteur de l’aviation et nous incite à la prudence lors de l’examen des coûts environnementaux. À cet égard, une législation forte est nécessaire pour garantir l’absence de fuite de carbone ou d’exploitation du SEQE par des pays ou des entreprises, en particulier ceux qui n’en font pas partie. Cela est d’autant plus pertinent lorsque l’on considère le trafic intercontinental, par exemple les passagers qui transitent par l’EEE plutôt que d’en partir ou d’y arriver, ou ceux dont le point de départ ou la destination se trouvent dans l’EEE, mais qui transitent par des hubs situés en dehors de l’EEE.

    3.2.2.

    Nous nous réjouissons de la proposition d’intégrer la pleine application du SEQE à tous les vols intra-EEE, car cela contribuera à maintenir des conditions de concurrence équitables sur le marché. Nous saluons également l’intention d’éliminer les quotas gratuits, mais soulignons que ceux-ci ne devraient être octroyés que pour préserver une concurrence loyale. L’application du SEQE ne devrait pas se limiter à la concurrence entre compagnies aériennes, mais devrait être étendue afin de garantir une concurrence loyale entre les hubs de l’EEE et ceux de pays tiers, ainsi qu’entre les destinations de loisirs et des destinations situées en dehors de l’EEE.

    3.2.3.

    En ce qui concerne le trafic long-courrier, les principaux transporteurs et hubs de l’EEE sont confrontés à une concurrence importante de la part des transporteurs aériens et hubs du Moyen-Orient. Cette concurrence est la plus palpable lorsque des passagers n’arrivent pas dans l’EEE, mais y transitent au cours d’un voyage intercontinental, ou lorsque leur point de départ ou leur destination se trouvent dans l’EEE, mais qu’ils prennent une correspondance dans un hub situé en dehors de l’EEE. Compte tenu de la proximité d’autres grandes plateformes aéroportuaires en dehors de l’EEE, nous devons veiller à ce que les compagnies aériennes puissent rester compétitives sur ce marché. Les transporteurs historiques présents sur ce marché offrent des normes sociales élevées et du travail décent. Dans d’autres régions, en particulier la région du Golfe, les droits fondamentaux des travailleurs, tels que la liberté d’association, ne sont pas respectés, et il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les transporteurs établis dans ces pays ne prospèrent pas aux dépens des entreprises et des travailleurs de l’Union européenne. Par conséquent, des mécanismes de protection ciblés sont indispensables pour mettre un terme aux désavantages concurrentiels.

    3.2.4.

    Le prix des quotas européens d’émission a augmenté depuis janvier 2020, passant d’environ 20 EUR/tonne à plus de 70 EUR/tonne. Du côté de la demande, les installations, c’est-à-dire les entreprises qui ont besoin de quotas car elles émettent du CO2 au cours de leur processus de production, sont en concurrence avec les institutions et les intermédiaires financiers, qui sont tout à fait conscients du fait que les entreprises ont besoin de quotas pour mener leurs activités. Il n’existe en outre pas de plafond du marché pour le prix, étant donné que la pénalité en cas d’émission sans quota ne décharge pas de l’obligation d’acheter un tel quota (5).

    3.2.5.

    Il est impératif que la proposition préserve des conditions de concurrence équitables entre ces transporteurs, et il convient de veiller à ce que la concurrence déloyale des entreprises qui n’exercent pas leurs activités dans le cadre du SEQE n’entraîne pas d’effets négatifs à long terme sur les conditions sociales des travailleurs. Afin d’analyser ces enjeux de manière exhaustive, nous recommandons de lancer une «analyse d’impact social» qui tiendrait compte du lien entre l’application du SEQE, la concurrence loyale et les dommages sociaux pouvant être causés par les fuites de carbone. En outre, nous proposons deux évaluations à mi-parcours qui analyseraient l’impact social, environnemental et économique du SEQE modifié. Celles-ci seraient effectuées respectivement deux et quatre ans après l’entrée en vigueur du SEQE modifié et devraient donner à toutes les parties prenantes la possibilité de réexaminer l’application du SEQE et les objectifs du programme. Ces évaluations seront également l’occasion de vérifier si la reprise de l’industrie est conforme aux objectifs du SEQE.

    3.2.6.

    Pour que la proposition soit plus équitable, nous suggérons d’y examiner deux éléments supplémentaires:

    a)

    Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)

    L’application d’un MACF limitera les fuites de carbone et encouragera les acteurs non membres de l’UE à améliorer leur propre empreinte environnementale. Le secteur de l’aviation ne connaissant pas de frontières, et il est difficile de légiférer sur le territoire de l’UE, étant donné qu’une grande partie du trafic aérien s’effectuera à l’extérieur. Comme indiqué précédemment, il y a lieu d’accorder la priorité à la protection des niveaux plus élevés de normes sociales dans le secteur de l’aviation de l’UE, ce qui sera facilité par le MACF. Étant donné que la Commission soutient la croissance du secteur de l’aviation en concluant des accords globaux sur les services aériens avec des pays tiers, elle devrait envisager d’appliquer un MACF aux vols de correspondance provenant de hubs situés en dehors de l’UE, ou considérer d’autres moyens de soutenir la croissance durable des activités hors EEE.

    b)

    Autres mesures visant à préserver des conditions de concurrence équitables

    La révision du SEQE de l’UE doit tenir compte du risque de fuite de carbone. La fuite de carbone constitue une menace importante pour le marché de l’aviation de l’EEE, étant donné sa proximité avec un certain nombre de hubs qui gèrent un volume important de trafic hors EEE. À l’heure actuelle, la plupart des passagers disposent d’un certain nombre d’options pour leur vol hors EEE, passant par des hubs internes ou externes. Toutefois, compte tenu de l’augmentation du coût du SEQE, il existe un risque important de voir la compétitivité des compagnies aériennes de l’EEE menacée par des opérations moins coûteuses basées sur des hubs situés en dehors de l’EEE. Pour contrer cette évolution, il convient de remplacer l’allocation gratuite de quotas par un mécanisme ciblé contre les désavantages concurrentiels afin de protéger les compagnies aériennes et les plateformes aéroportuaires européennes.

    3.3.   Possibilité de modulation des prix en fonction de la capacité des aéronefs

    3.3.1.

    Il convient d’envisager plus largement la possibilité d’appliquer un système de tarification modulaire pour les quotas du SEQE qui respecte le principe du «pollueur-payeur» et favorise le transport de masse plutôt que le transport privé. En septembre 2021, l’aviation d’affaires avait augmenté de 27 % par rapport aux niveaux de 2019 (6), probablement en raison de la réduction des capacités dans le secteur du transport aérien de passagers. Contrairement aux avions de ligne, les avions d’affaires ont une capacité de transport de passagers nettement plus faible. Malgré cela, ils sont traités de la même manière que les avions dont la capacité de transport est beaucoup plus élevée.

    3.3.2.

    Le SEQE devrait favoriser une transition vers des modes de transport plus durables, y compris dans le secteur de l’aviation, et devrait donc encourager un recours moindre à l’aviation d’affaires. Il devrait respecter le principe du «pollueur-payeur» et, par conséquent, contraindre les utilisateurs d’avions d’affaires à payer des redevances plus élevées. Des mesures opérationnelles pourraient également être envisagées pour décourager l’utilisation des avions d’affaires, en donnant la priorité au trafic régulier de passagers par d’autres moyens, par exemple en ce qui concerne les redevances de réseau et les créneaux aéroportuaires.

    3.4.   Réinvestissement des recettes du SEQE

    3.4.1.

    Les recettes tirées du SEQE doivent être investies dans le secteur afin de soutenir sa durabilité sociale et environnementale ainsi qu’une transition juste. Il est notoire que la transition du secteur de l’aviation vers la neutralité carbone nécessitera des investissements importants, auxquels le SEQE permettra de contribuer. Ces investissements devraient être axés sur une disponibilité et une utilisation accrue des CAD, tout en faisant baisser leurs coûts afin que les utilisateurs puissent conserver leur rentabilité tout en décarbonant le secteur.

    3.4.2.

    Nous saluons l’ambition générale de la Commission en ce qui concerne les aspects liés à l’aviation dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» et soutenons le développement continu de mesures durables dans le domaine de l’aviation, tant dans le cadre de la révision de la directive SEQE que dans la proposition de règlement visant à garantir des conditions de concurrence équitables pour un transport aérien durable. Ces deux propositions étant complémentaires, les recettes tirées du SEQE devraient servir leurs objectifs. Par conséquent, les recettes du SEQE devraient être utilisées pour promouvoir l’accès aux CAD et réduire leur coût dans l’ensemble de l’EEE. Par ailleurs, le SEQE pourrait fournir une aide financière aux aéroports, ravitailleurs et prestataires de services au sol pour leur permettre de se conformer aux nouvelles exigences en matière de disponibilité des CAD dans les aérodromes.

    3.4.3.

    Les recettes devraient également être réinvesties dans des projets de développement qui réduiront encore l’impact environnemental de l’aviation. Les technologies telles que l’hydrogène représentent une solution permettant de réduire l’impact de l’aviation à long terme. Toutefois, le coût de cette technologie est prohibitif et elle est toujours loin de pouvoir être appliquée sur le marché, même si les investissements dans des projets relatifs à l’hydrogène et à d’autres carburants de substitution favoriseront la réduction des coûts et un recours accru à ces technologies au fil du temps.

    3.4.4.

    Les recettes doivent en outre soutenir une transition juste pour les travailleurs du secteur de l’aviation qui ont subi les conséquences négatives du changement climatique. Certaines infrastructures aéronautiques devraient devenir caduques au fil du temps, à mesure que la technologie évoluera. Les travailleurs pourraient se retrouver sans emploi, et il convient de leur offrir des possibilités de reconversion et de perfectionnement professionnels pour leur permettre de passer à de nouveaux emplois verts et durables. À cette fin, un fonds social pourrait être créé dans le domaine de l’aviation pour permettre la formation et la transition des travailleurs du secteur. Un tel fonds pourrait être géré par la Commission européenne, avec le soutien des employeurs et des syndicats.

    3.4.5.

    La Commission devrait en outre dialoguer avec les comités d’entreprise européens, les comités de dialogue social sectoriel et d’autres forums conjoints, tels que la table ronde sur l’aviation, sur les effets persistants du SEQE révisé tout au long de sa mise en œuvre. Il conviendrait d’accorder une attention particulière au dialogue social avec les travailleurs et de chercher à comprendre leurs besoins et leurs préoccupations en matière d’aviation durable et de transition juste dans le secteur.

    3.5.   Expansion du transport intermodal

    3.5.1.

    Le transport intermodal est un moyen facile et rentable de réduire rapidement l’incidence des transports sur le climat. Aujourd’hui, de nombreuses compagnies aériennes permettent déjà aux passagers d’acheter des billets intermodaux, notamment dans le cadre d’accords avec des opérateurs ferroviaires. De tels accords permettent une réduction globale des vols, mais encouragent également le recours à des transports de masse durables en toute efficacité.

    3.5.2.

    La proposition devrait inciter les opérateurs à développer des réseaux de transport intermodaux dans leurs bases principales afin d’étendre leur réseau tout en réduisant les vols ultra-court-courriers inutiles. Pour les y encourager, le niveau des quotas gratuits octroyés ailleurs dans le réseau de la compagnie aérienne pourrait être augmenté dans les zones ne disposant pas de connexions ferroviaires pratiques lorsque la compagnie déplace certaines liaisons vers des modes de transport autres que l’avion.

    3.6.   Connectivité régionale

    3.6.1.

    En l’absence d’un autre mode de transport, le SEQE risque d’entraîner une réduction de la connectivité vers les régions reculées d’Europe. Il est essentiel qu’aucune des mesures prises ne menace la connectivité avec les régions périphériques européennes et les États membres.

    3.6.2.

    Les régions périphériques dépendent de l’aviation pour assurer leur connectivité et leur développement économique. En effet, en raison de leur éloignement, de leur faible superficie et de leur insularité, elles ont besoin d’être reliées au continent pour les marchandises, l’accès aux services, la connectivité avec d’autre régions et la cohésion territoriale.

    3.6.3.

    En outre, le PIB de ces régions compte parmi les plus bas d’Europe, et elles doivent être protégées et soutenues. Nous proposons dès lors que le statut particulier des régions ultrapériphériques de l’Union (Guadeloupe, Guyane française, Martinique, Mayotte, île de La Réunion, Saint-Martin, Açores, Madère et îles Canaries) soit maintenu et qu’elles soient exemptées du SEQE conformément à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des dérogations à l’application du droit de l’Union dans ces régions.

    Bruxelles, le 8 décembre 2021.

    La présidente du Comité économique et social européen

    Christa SCHWENG


    (1)  Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).

    (2)  https://www.eurocontrol.int/publication/eurocontrol-data-snapshot-16-recovery-wide-variations

    (3)  https://www.eurocontrol.int/publication/eurocontrol-forecast-update-2021-2027

    (4)  https://www.etf-europe.org/ground-handling-sector-fights-for-its-survival-as-more-than-half-of-airport-based-workers-are-out-of-work/

    (5)  https://zpp.net.pl/en/press-release-new-eu-emissions-trading-scheme-how-to-mitigate-the-risks-for-european-consumers-and-smes/

    (6)  https://www.eurocontrol.int/sites/default/files/2021-09/covid19-eurocontrol-comprehensive-air-traffic-assessment-30092021.pdf


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