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Document 32005D0941

    2005/941/CE: Décision de la Commission du 1 er décembre 2004 concernant l’aide d’État que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la société Bull [notifiée sous le numéro C(2004) 4514] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    JO L 342 du 24.12.2005, p. 81–91 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    Legal status of the document In force

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2005/941/oj

    24.12.2005   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    L 342/81


    DÉCISION DE LA COMMISSION

    du 1er décembre 2004

    concernant l’aide d’État que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la société Bull

    [notifiée sous le numéro C(2004) 4514]

    (Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    (2005/941/CE)

    LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

    vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

    vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

    après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,

    considérant ce qui suit:

    I.   PROCÉDURE

    (1)

    Le 13 novembre 2002, la Commission a clôturé la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité à l’encontre de l’avance de trésorerie de 450 millions EUR accordée par la France à Bull par sa décision 2003/599/CE (2), décision positive subordonnée à la condition que l’aide soit remboursée au plus tard le 17 juin 2003. Le 26 novembre 2003, la Commission a saisi la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect de ladite décision par la France (3). Fin 2003 et début 2004, plusieurs réunions ont eu lieu au cours desquelles les autorités françaises et la société Bull ont expliqué le contenu du plan de restructuration de Bull, et en particulier sa troisième étape, celle de la recapitalisation. La France a notifié le projet d’aide, objet de la présente décision, par courrier du 20 février 2004.

    (2)

    Par lettre du 16 mars 2004, la Commission a informé la France de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité à l’encontre de cette aide.

    (3)

    La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (4). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l’aide en cause.

    (4)

    La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des représentants des employés de la société Bull. Une réunion entre une délégation de ces représentants et la Commission a eu lieu le 8 juin 2004, à l’issue de laquelle les premiers ont transmis à la Commission des informations complémentaires. La Commission les a transmises à la France pour commentaire, posant en même temps des questions sur plusieurs aspects du cas. Elle a reçu les commentaires et réponses de la France par lettres du 28 mai 2004 et 29 juillet 2004. Une réunion entre la Commission, les autorités françaises et Bull a eu lieu le 10 septembre 2004.

    II.   DESCRIPTION

    1.   Le bénéficiaire

    (5)

    Bull est un groupe informatique international, basé en Europe et effectuant des opérations dans plus de cent pays (5). Le groupe Bull est principalement actif dans deux domaines:

    les serveurs informatiques professionnels haut de gamme: Bull conçoit et offre une gamme de grands serveurs à usage professionnel et des services de maintenance directement liés aux serveurs. La part de marché de Bull au niveau de la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004 (ci-après «Communauté à quinze») s’élève à environ 3 % (environ 5 % pour les serveurs moyens et haut de gamme). Ses principaux concurrents en la matière sont IBM (34,3 % de parts de marché), Hewlett Packard (HP), qui a racheté Compaq en 2001 (29,4 %), Sun (12,6 %) et Fujitsu/Siemens (8,9 %), et

    les services spécialisés en ingénierie informatique: Bull développe et intègre différentes applications, construit des architectures logicielles, etc. Suite à la vente de sa division Integris à Steria, l’activité de Bull sur ce marché est concentrée surtout sur la France et l’Italie. Dans ce domaine, les principaux concurrents de Bull sont IBM et HP. La part de marché de Bull au niveau de la Communauté à quinze est inférieure à 1 %.

    (6)

    Le chiffre d’affaires de Bull en 2003 a atteint 1 265 millions EUR, qui se répartissent comme suit: produits 46 %, maintenance associée 27 % et services 27 %.

    (7)

    Bull est une société anonyme de droit français. Ses actionnaires, après la recapitalisation de juillet 2004 et après l’exercice des bons de souscription d’actions par les porteurs obligataires antérieurs, comprennent France Télécom et NEC, chacun pour 10,1 %, Axa Private Equity et Artemis pour 8,6 %, les cadres dirigeants de Bull pour 5,1 %, Motorola pour 3,0 % et Debeka pour 2,9 %. L’État français ne détient plus que 2,9 %; les 57,3 % restants sont constitués par de l’actionnariat flottant.

    (8)

    Depuis 1994, pour résoudre les difficultés rencontrées au début des années 90, Bull a mis en œuvre les mesures prévues par un précédent plan de restructuration, conformément aux engagements pris par la France et dont la Commission a pris note dans sa décision 94/1073/CE du 12 octobre 1994 concernant une aide d’État de la France au groupe Bull sous la forme d’une augmentation de capital non notifiée (6). En particulier, Zenith Data Systems a été cédée et la division OSS («open systems and software») a été fermée. En outre, la France a procédé à la privatisation de Bull en ouvrant son capital. À partir de 1999, de nouveau, Bull a été contrainte de céder des actifs et de licencier du personnel. En 2000, un plan a conduit à un recentrage stratégique, à la cession des actifs non stratégiques, ainsi qu’à une réduction des coûts. Fin 2001, Bull n’employait plus qu’environ 9 500 personnes dans toute l’Europe, au lieu de 11 500 en 1999.

    2.   Les difficultés de Bull avant le plan de restructuration objet de la présente décision

    (9)

    Malgré les mesures exposées au considérant 8, le plan a échoué en 2001. D’une part, la crise boursière des valeurs technologiques a empêché Bull de céder sa division Integris, fortement déficitaire, à des tiers. D’autre part, la crise du secteur de l’internet a lourdement pénalisé les activités de technologies liées à l’internet. L’effondrement du marché des télécommunications et l’éclatement de la bulle internet, la forte réduction des marges des entreprises et les tensions internationales ont conduit à une contraction de la demande. Les dépenses des entreprises dans les ordinateurs ont fortement chuté en 2002 (– 25 % pour les serveurs moyens et haut de gamme). Le marché des services a connu un repli drastique par rapport à la hausse précédente du fait du problème de passage à l’an 2000 et de la transition vers l’euro. La dégradation de la situation économique suite aux événements du 11 septembre 2001 a encore aggravé la situation de Bull.

    (10)

    Bull avait depuis plusieurs années fortement investi dans les technologies de l’internet, en axant son offre commerciale sur les concepts de e-services et de net-infrastructure. La crise du secteur de l’internet a démontré que Bull a, dans ce contexte, fait de mauvais choix technologiques et s’est concentrée sur des marchés où elle n’a pas obtenu de succès. Par ailleurs, Bull a fait preuve d’un manque important de cohérence entre ses ambitions en termes de marchés ciblés et de produits offerts, d’une part, et les investissements de développement technologique et les dépenses commerciales et administratives réalisées, d’autre part.

    (11)

    Le groupe a en outre subi le contrecoup de charges très élevées liées aux systèmes de retraite de ses employés aux États-Unis. Conformément aux normes américaines, l’actif du bilan consolidé comprenait le coût des retraites à payer, qui représentait l’excédent de valeur des actifs du fonds de pension (valeur de marché actuelle) comparé à la dette actualisée des droits de retraites projetés. En 2002, Bull a pris la décision de transférer la totalité de ses obligations en matière de retraite aux compagnies d’assurance. En combinaison avec la chute des valeurs boursières, cette décision s'est traduite par une perte financière de 87 millions EUR pour l’ensemble des années 2002 et 2003.

    (12)

    L’incertitude sur la capacité financière de l'entreprise a mené à une certaine réticence de la part des clients pour la réalisation de grands projets, lesdits clients n'étant plus assurés que l'entreprise puisse remplir ses obligations dans les années à venir. Les fournisseurs ont imposé des conditions de paiement plus rigoureuses alors même que Bull n’avait guère accès aux garanties bancaires.

    3.   Plan de restructuration

    (13)

    Le 2 décembre 2001, un nouveau président a été nommé à la tête de Bull. Son plan de restructuration, adopté par le conseil d’administration en mars 2002, comprend une réduction massive des frais généraux et des effectifs et un recentrage sur les points forts de l’entreprise via d’importantes cessions d’actifs industriels. La stratégie de développement est fondée sur trois axes majeurs:

    valoriser le parc de grands serveurs d’entreprises en assurant la pérennité des solutions utilisées par les clients tout en leur apportant une évolution technologique compétitive,

    se positionner comme le leader européen des solutions à base d’architecture Intel 64 bits et de logiciels open source sur des marchés ciblés,

    poursuivre le développement des activités de services dans les domaines où Bull se différencie, en particulier par la fourniture de solutions complètes (matériel + middleware + applications) à des secteurs prioritaires, tels que le secteur public (impôts et douanes, systèmes sociaux, e-gouvernement), la défense et la sécurité, ainsi que les opérateurs de télécommunications (7).

    (14)

    Les principes directeurs du volet financier sont les suivants:

    une réduction de l’ordre de 90 % de la dette de 204 millions EUR envers les porteurs d’océanes (obligations convertibles), en combinaison avec une offre de conversion de leurs titres en actions ou en actions assorties de bons de souscription d’actions. Ceci se traduit par un report de l’échéance de leurs obligations, une réduction du coupon annuel et une suppression de la prime de remboursement. Les conditions de l’offre d’échange de leurs obligations sont soit à titre principal 20 actions nouvelles pour une obligation, soit à titre subsidiaire 16 actions plus 16 bons de souscription d’actions, dont la date limite d’exercice est le 15 décembre 2004. La grande majorité ayant choisi l’offre subsidiaire et dans l’hypothèse où ils exerceraient systématiquement leurs bons de souscription, les porteurs d’océanes apporteront par cette voie 17,2 millions EUR,

    une augmentation de capital lancée sur le marché et garantie à hauteur de 33 millions EUR par un groupe d’investisseurs: NEC et France Télécom (actionnaires historiques de Bull) pour 7,5 millions EUR chacun, Debeka (compagnie d’assurances allemande et client important de Bull) pour 3 millions EUR, les fonds d’investissements Axa Private Equity et Artemis pour respectivement 7 millions EUR et 2 millions EUR et, enfin, 350 cadres dirigeants du groupe Bull pour 6 millions EUR. En réalité, le public a apporté 13,8 millions EUR. Par conséquent, les contributions des investisseurs n’atteignent qu’un niveau d’environ 90 % des montants garantis. L’augmentation totale atteint 44,2 millions EUR,

    l’aide décrite à la section 2.4, qui consiste en un versement de 517 millions EUR, accompagné d’une clause de retour à meilleure fortune.

    (15)

    Après la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, les capitaux propres du Groupe Bull devraient atteindre 59,2 millions EUR. Les projections financières associées au plan figurent au tableau 1.

    Tableau

    (en millions d’euros)

     

    2004

    2005

    2006

    2007

    Chiffre d’affaires

    […] (8)

    […]*

    […]*

    […]*

    EBIT (9)

    […]*

    […]*

    […]*

    […]*

    Résultat net

    […]*

    […]*

    […]*

    […]*

    4.   Description de l’aide

    (16)

    L’aide notifiée prendra la forme d’un versement par l’État français de 517 millions EUR, qui sera effectué au plus tôt le 31 décembre 2004. Ce montant équivaut à l’aide au sauvetage autorisée par la décision 2003/599/CE, y inclus les intérêts depuis son versement en décembre 2001 et juin 2002. La nouvelle aide ne sera effectivement versée qu’après le remboursement par Bull de cette aide au sauvetage. En échange, l’État impose une clause de retour à meilleure fortune, structurée sous la forme du versement à l’État par la société Bull de 23,5 % de son résultat courant avant impôts sur une base consolidée pendant une période de huit ans à compter de l’exercice clos au 31 décembre 2005.

    (17)

    Selon les autorités françaises, cette clause représente une valeur actualisée comprise entre 50 et 60 millions EUR. L’aide maximale, par conséquent, s’élèverait à 467 millions EUR, soit environ 90 % de la créance existante. De cette façon, les autorités françaises cherchent à assurer un traitement similaire à celui des porteurs d’océanes qui, eux aussi, renoncent à environ 90 % de leurs créances.

    III.   MOTIFS DE L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE A L’ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ

    (18)

    La décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité inclut une évaluation préliminaire de la mesure d’aide, notamment à la lumière des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (10) (ci-après «lignes directrices»). Dans ladite décision, la Commission doutait que le plan garantisse le retour à la viabilité. Les derniers chiffres financiers démontreraient un retour à la viabilité dans le cas où le bilan serait assaini, mais la Commission estimait que la durée d’une année était trop restreinte pour prouver le retour à la viabilité. Les prévisions pour les marchés en cause n’étaient pas très détaillées, elles apparaissaient inégales et il semblait que plusieurs marchés allaient rester difficiles, surtout à court terme. Plus fondamentalement, l’information fournie par les autorités françaises ne permettait pas d’évaluer si Bull serait capable de tirer avantage d’une éventuelle croissance des marchés, comme les activités industrielles restantes du groupe reposaient largement sur la fabrication des systèmes sur lesquels la concurrence était vive. De plus, le projet de recapitalisation n’impliquait aucun nouveau partenaire au-delà des acteurs déjà présents, qui étaient France Télécom et NEC.

    (19)

    Vu le montant élevé de l’aide, la Commission craignait également que ne se produisent des distorsions de concurrence indues, que l’aide ne soit pas limitée au minimum nécessaire et qu’elle conduise l’entreprise à disposer de liquidités excédentaires qu’elle pourrait consacrer à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché et qui ne seraient pas liées au processus de restructuration. Par exemple, il n’était pas clair quels seraient les ratios de solvabilité et de liquidité après le versement de l’aide et comment ceux-ci se situeraient en comparaison avec ceux des concurrents sur les marchés concernés.

    IV.   OBSERVATIONS DES TIERS ET COMMENTAIRES DE LA FRANCE

    (20)

    La France a transmis des projections actualisées pour les marchés en cause, des précisions sur les principaux concurrents, sur les données financières et sur les événements au cours des derniers mois, notamment le succès de la recapitalisation.

    (21)

    La France souligne que l’aide est accompagnée d’engagements financiers importants de la part de certains actionnaires et de créanciers privés. Du point de vue de la concurrence, la pérennisation de Bull paraît plus de nature à favoriser la concurrence sur le marché européen qu’à l’entraver. La part de marché de Bull ne lui permettrait pas de jouer un rôle de price leader; il jouerait plutôt le rôle d’outsider utile à l’animation de la concurrence. La mise en œuvre de la stratégie de Bull fondée sur Itanium et l’open source renforcerait ce rôle dans l’avenir.

    (22)

    La France constate que l’amélioration des résultats de l’entreprise s’est confirmée tout au long de l’année 2003 dans une conjoncture dégradée. Les prévisions pour 2004, qui s’inscrivent encore dans un environnement difficile, font apparaître un résultat opérationnel similaire à celui dégagé en 2003: un EBIT de 17 millions EUR et un résultat net de 2 millions EUR pour le premier semestre de 2004. Ceci démontrerait que l’entreprise est parvenue à abaisser sensiblement son point mort. Dans ces conditions, l’amélioration du chiffre d’affaires escomptée à compter de l’année prochaine en raison d’une reprise des marchés espérée pour 2005, du décollage des nouvelles offres de Bull et d’une situation financière rétablie, se traduirait mécaniquement par une progression supplémentaire de la profitabilité. Le plan d’affaires pour la période 2004-2007 démontrerait également que le retour à la viabilité de l’entreprise serait durable.

    (23)

    En fondant également son développement sur les serveurs à base d’architecture Intel 64 bits, Bull a pris des options technologiques correspondant aux besoins des clients pour les années à venir. En outre, l’utilisation de cette technologie sur les serveurs Bull ouvre de nouveaux axes de croissance, en particulier dans le domaine du calcul scientifique.

    (24)

    En matière de services, la stratégie de Bull s’inscrit à la croisée de trois compétences distinctes et de trois secteurs prioritaires. Les domaines de compétences sont les suivants: 1) l’intégration et le déploiement d’infrastructures ouvertes; 2) la sécurité des systèmes d’information; et 3) l’infogérance de systèmes distribués. Les secteurs prioritaires sont ceux auxquels appartiennent les clients les plus fidèles de Bull: les administrations, les opérateurs de télécommunications et les services publics (utilities).

    (25)

    Ces compétences et ces choix sectoriels sont parfaitement en phase avec les tendances lourdes du marché qui ressortent des analyses des experts: optimisation et réduction de coûts des infrastructures (qui génèrent des besoins en déploiement d’infrastructures ouvertes), urbanisation et consolidation des systèmes d’information (domaines d’excellence de Bull), administration et sécurisation (dans lesquelles Bull intervient à divers titres: équipementier en cryptographie, éditeur de logiciel et intégrateur). Bull s’est également très vite positionnée sur certains marchés en émergence: plateformes mobiles, administration électronique, généralisation de l’identité et de la signature électroniques.

    (26)

    Comme le poids de Bull est très relatif et que la concentration sur le marché pertinent est très forte, l’aide à Bull ne serait pas de nature à entraîner des distorsions de concurrence indues. Sur certains marchés spécifiques, l’offre de Bull serait la seule alternative crédible à IBM. En outre, la stratégie de Bull tournée vers l’open source serait de nature à dynamiser la concurrence sur le marché des serveurs dans les années à venir.

    (27)

    L’aide serait limitée au minimum. La viabilité de l’entreprise passe précisément par la reconstitution des capitaux propres, dont l’aide et le désendettement constituent des facteurs essentiels. Les différents investisseurs n’auraient pas accepté d’investir si une partie du financement nécessaire à la restauration de la viabilité de l’entreprise avait été assurée par emprunt.

    (28)

    Bull ne devrait pas disposer de liquidités excédentaires après le versement de l’aide. Celle-ci permettrait de rétablir les capitaux propres à un niveau adéquat, mais loin d’être excessif, ce que confirmeraient le ratio dette sur fonds propres et le ratio de couverture de dettes à court terme par l’actif circulant comparés aux mêmes ratios des concurrents principaux.

    (29)

    Pour la contribution privée au plan de restructuration, il conviendrait de cumuler trois éléments: les efforts accomplis par l’entreprise elle-même en 2002-2003, l’augmentation de capital et la contribution des porteurs d’océanes.

    (30)

    La France rappelle que, aux considérants 60 et 70 de la décision 2003/599/CE, autorisant le versement d’une aide au sauvetage à Bull, la Commission a expressément indiqué que la France ne devra pas accorder d’aide à la restructuration de Bull avant le 31 décembre 2004.

    (31)

    Les représentants des employés de Bull soutiennent le plan de restructuration et soulignent l’importance de l’aide pour la pérennisation de la société et les emplois existants. Ils soutiennent les éléments apportés par les autorités françaises et ont transmis des informations et références complémentaires concernant en particulier la viabilité et la situation compétitive de l’entreprise. Leurs commentaires ont été communiqués aux autorités françaises qui se sont déclarés en accord avec eux.

    V.   APPRÉCIATION DE L’AIDE

    1.   Existence d’une aide

    (32)

    L’article 87, paragraphe 1, du traité déclare «incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

    (33)

    La mesure notifiée par la France constitue bien une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité. Accordée par l’État, elle sera financée par des ressources de l’État au bénéfice d’une entreprise précise, Bull. Elle n’est pas conforme au principe de l’investisseur privé en économie de marché. En particulier, on ne saurait soutenir que l’État intervient au même titre et dans les mêmes conditions que les porteurs d’océanes, parce que la créance de la France porte sur une aide d’État au sauvetage dont le délai de remboursement est échu et que l’abandon d’une telle créance, ou l’octroi d’une nouvelle aide d’un montant équivalent à celui de l’aide à rembourser, ne relèvent pas du comportement d’un investisseur et ne peuvent donc être appréciés conformément au principe de l’investisseur privé. De plus, la mesure notifiée diffère dans sa forme et dans ses conditions des mesures financières prises par les actionnaires et les porteurs d’océanes. En tout état de cause, la mesure notifiée n’est pas accompagnée d’engagements financiers comparables de la part des autres actionnaires. L’aide affecte les échanges entre États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence en raison du fait que Bull est une société internationale, et que ses produits font l’objet d’échanges internationaux. En outre, Bull a des concurrents sur le marché commun, tels que IBM, Fujitsu/Siemens, Sun et HP. Les autorités françaises ne remettent pas en cause cette appréciation.

    2.   La compatibilité de l’aide

    (34)

    La mesure notifiée doit être appréciée en tant qu'aide d'État ad hoc. L'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité prévoit des dérogations à l'incompatibilité générale visée au paragraphe 1 dudit article.

    (35)

    L'article 87, paragraphe 3, point c), du traité prévoit la compatibilité avec le marché commun des aides d'État destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Sur cette base, la Commission a adopté des lignes directrices spécifiques pour apprécier les aides au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (11). Au vu des chiffres concernant ses fonds propres, il est évident que la société Bull doit être considérée comme en difficulté au sens du point 5 a) des lignes directrices et que l’ensemble du groupe est également en difficulté au sens des points 4 à 8 desdites lignes directrices (12). Après examen, la Commission considère qu'aucun autre encadrement communautaire ou aucune autre disposition ne permettraient en l’espèce de déclarer l’aide compatible avec le marché commun. La France n'a d'ailleurs invoqué aucune autre dérogation du traité et s'est exclusivement fondée sur les lignes directrices pour défendre la compatibilité de l’aide en question. La Commission a donc apprécié l’aide à la lumière des lignes directrices.

    (36)

    Les lignes directrices prévoient quatre conditions cumulatives pour autoriser une aide à la restructuration: un plan garantissant la viabilité à long terme, la prévention des distorsions de concurrence, des aides limitées au minimum et la mise en œuvre complète du plan de restructuration. De plus, les principes de «l’aide unique» (one time, last time) et celui issu de la jurisprudence «Deggendorf» (13) sont applicables.

    (37)

    Conformément aux lignes directrices, l'octroi de l'aide est conditionné à la mise en œuvre du plan de restructuration qui aura été, pour toutes les aides individuelles, validé par la Commission. Le plan de restructuration, dont la durée doit être aussi limitée que possible, doit permettre de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité à long terme de l'entreprise, sur la base d'hypothèses réalistes concernant les conditions d'exploitation future. L'aide à la restructuration doit donc être liée à un plan viable de restructuration sur lequel l'État membre s'engage.

    (38)

    L’aide en cause est liée au plan de restructuration de mars 2002 et à son volet financier qui à été précisé lors de la notification de l’aide. Ce plan concerne la période allant jusqu’à fin 2007, à la suite de laquelle la situation financière doit être rétablie et la nouvelle structure mise en place. La plupart des mesures ont déjà été mises en oeuvre et la recapitalisation est déjà achevée. Cependant, la période allant jusqu’à fin 2007 peut être considérée comme un délai raisonnable et nécessaire pour restructurer l’offre de l’entreprise et pour adapter ses activités aux développements sur les marchés concernés.

    (39)

    Le plan semble se baser sur des hypothèses réalistes concernant les conditions d’exploitation futures. Il prend en compte la reprise lente des marchés et n’apparaît pas exagérément optimiste. Le plan présente trois scénarios quant aux résultats de la recapitalisation, dont le plus optimiste est le plus proche du résultat actuel. Le plan souligne le rétablissement d’une cohérence entre la stratégie de l’entreprise, ses points forts, les besoins des clients et les développements technologiques. Compte tenu des incertitudes technologiques et commerciales, le plan apparaît comme suffisamment précis eu égard aux informations additionnelles envoyées par les autorités françaises.

    (40)

    L’amélioration de la viabilité résulte principalement de mesures internes, en particulier la cessation des activités non-core business, la restructuration de l’offre et la réduction des frais généraux.

    (41)

    Les difficultés de l’entreprise ont été entraînées surtout par de mauvais choix technologiques et par la concentration sur des marchés où Bull n’a pas obtenu de succès. Ces activités ont été abandonnées, y inclus le réseau de services dans plusieurs pays européens. Plusieurs raisons à l’origine de pertes spécifiques, comme celles liées aux systèmes de retraites, ne sont pas de nature à se répéter. La plupart des hauts dirigeants ont été remplacés. Bull s’est recentré sur ses points forts.

    (42)

    Pour les années 2000 à 2002, la marge brute sur le chiffre d’affaires se situait entre 21 % et 25 %. Cependant l’ensemble des frais de recherche et développement, des frais commerciaux et des frais administratifs dépassait la marge brute d’un montant d’environ 100 millions EUR chaque année. Le plan de restructuration prévoit un redressement de ce déséquilibre: les frais de recherche et développement tombent de 160 millions EUR en 2000 à […]* millions EUR prévus pour les années 2005-2007. Les frais commerciaux et administratifs tombent de 706 millions EUR en 2000 à […]* millions EUR prévus pour les années 2006-2007. Les projections prennent en compte des provisions liées à d’éventuelles décisions de justice (contingency). Cette ligne augmente jusqu’à atteindre […]* % du chiffre d'affaires en 2007. Sur la base de ces projections, l’EBIT futur est estimé à […]* % après contingency. Les frais actuels pour 2003 et le premier semestre de 2004 viennent à l’appui des projections. De ce point de vue, la Commission considère que le plan de restructuration permet une performance opérationnelle satisfaisante.

    (43)

    Pour l’avenir, la reprise de la demande est prévue à un rythme plus modéré que lors de la décennie précédente, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs: la diminution des tarifs de communication, le développement des réseaux à haut débit, l’essor des téléprocédures dans le secteur public, la montée en puissance des partages d’application via internet, le développement de la mobilité et la prise en compte croissante des contraintes de sécurité et enfin la généralisation des technologies numériques qui remplacent partout les outils analogiques préexistants. Selon les dernières prévisions d’IDC (International Data Corporation) pour les années 2003 à 2007, le marché européen des serveurs devrait croître en volume de 44 % et celui des serveurs moyens et haut de gamme de 39 %. Le marché des serveurs à base de composants Intel 64 bits, qui constitue un axe majeur de développement de Bull, devrait connaître une percée considérable. En effet, le marché est estimé à près de 2,4 milliards de dollars américains en 2007, ce qui représenterait 16 % du marché des serveurs (contre moins de 1 % en 2003).

    (44)

    Ainsi, IDC, dans une étude datant de décembre 2002, prévoit en Europe de l’Ouest une progression de 30 % des dépenses des entreprises dans les services et de près de 20 % dans les serveurs d’ici 2006. Les prévisions plus récentes de Gartner (novembre 2003) pour les services en Europe de l’Ouest sont de + 3 % en 2004 et un taux de croissance moyen annuel de 6,2 % entre 2002 et 2007. Pour les serveurs, la croissance sera surtout différenciée en fonction des technologies employées; en particulier, les composants Intel Itanium, qui constituent la base de la nouvelle offre de serveurs de Bull et qui ont commencé à être utilisés en 2003, devraient atteindre 8 milliards EUR de chiffre d’affaires en 2008. Le marché de services est très dispersé, très concurrentiel et en restructuration permanente, mais à moyen/long terme la croissance sera plus rapide que celle du marché de produits. En conclusion, les conditions des marchés concernés ne sont pas de nature à remettre en cause le retour à la viabilité et rendent possible l’augmentation de la part des services dans les ventes totales et la marge brute, comme prévue au plan de restructuration.

    (45)

    Plusieurs études confirment les projections de croissance dans les niches ciblées par Bull et les opportunités dans les technologies choisies (14).

    (46)

    Le parc de grands serveurs, les «GCOS», auprès des clients actuels constitue une importante «vache à lait». Cependant, après […]*, le remplacement des GCOS sera largement achevé et Bull devra faire face à ses concurrents et réaliser ses ambitions, mêmes modestes, dans d'autres conditions. Dans ce contexte, la Commission a noté, en particulier, ce qui suit aux considérants 47 à 54.

    (47)

    Avec le choix pour les solutions à base d’architecture Intel 64 bits, pour des logiciels open source et pour tirer avantage de la standardisation des composants (commoditisation), il apparaît que Bull prend le virage technologique correct, correspondant aux développements sur le marché et aux besoins de ses clients. Ces développements vont augmenter l’intensité de la concurrence sur les marchés des serveurs et sur les marchés de services, mais grâce à sa taille, Bull est capable d’investir des montants non négligeables dans la R&D et d’offrir une gamme plus large et cohérente que des start-ups et des petites entreprises plus spécialisées. Sa taille pourrait lui procurer également une certaine fiabilité auprès des clients qui attachent une importance stratégique au choix de leur fournisseur de serveurs. Les géants comme IBM, HP et Dell, par contre, sont plutôt spécialisés dans les produits de grande série dont le champ d’application est plus répandu et où les clients n’ont pas le même besoin de produits sur mesure.

    (48)

    Le plan cible les secteurs où les clients sont les plus fidèles: le secteur public, la défense et la sécurité, ainsi que les opérateurs de télécommunications. Bull n’a pas d’ambitions au-delà de celles d’un niche player.

    (49)

    L’introduction sur le marché de la nouvelle gamme de serveurs NovaScale, visant le remplacement des systèmes GCOS, a été évaluée de façon positive par des experts indépendants (15). Bull y a notamment réalisé des ventes de référence importantes et cette ligne de produits est censée se différencier des produits concurrents en termes de coûts, fiabilité, facilité d'usage et adaptabilité de taille.

    (50)

    La restructuration de Bull lui permet de rétablir une cohérence entre son savoir-faire, son offre, son organisation et ses objectifs à court terme. Une cause importante des difficultés de l’entreprise était précisément l’absence d’une telle cohérence. Le rajeunissement de son personnel, largement réalisé en 2002, et la gamme substantielle de partenariats stratégiques devraient assurer les atouts technologiques futurs.

    (51)

    Le rôle prévu pour la nouvelle ligne de serveurs à base de processeurs Intel, surtout le processeur 64 bits, est très important: en 2007, le chiffre d’affaires devrait atteindre […]* % des ventes totales, avec une marge brute de […]* %. Comme il ne s’agit plus d’une technologie «propriétaire», il est logique que cette marge n’atteigne pas le niveau des marges sur les anciens serveurs, les GCOS. Les serveurs à 64 bits permettent de supporter des systèmes plus complexes et plus larges, mais sont évidemment plus chers que les serveurs «standard» à 32 bits. Bull essayera de gagner la confiance de ses clients par la qualité technique de ses serveurs à 64 bits, en ajoutant son offre de services, dont les compétences spécialisées sont reconnues, autour de ces produits. Elle établira une coopération entre ses propres équipes et celles de ses clients. La Commission reconnaît que cette stratégie est cohérente avec la concentration de Bull sur certains secteurs.

    (52)

    Sur le segment des services, il y a lieu de faire mention de quelques conclusions du rapport de Forrester déjà mentionné (16). Concernant les services open source, l’expertise de Bull est considérée comme surpassant celle des autres généralistes globaux comme IBM. Parmi les généralistes globaux et ceux de taille moyenne, Bull est le seul qui possède une couverture technologique complète. Le rapport ne mentionne qu’un seul petit spécialiste d’open source ayant la même couverture.

    (53)

    Le projet de recapitalisation n’implique aucun nouveau partenaire industriel au-delà des acteurs déjà présents, qui sont France Télécom et NEC. Cependant, la participation de Debeka, entreprise d’assurances, vient à l’appui de la stratégie de focalisation sur un nombre de secteurs réduit. Par ailleurs, Bull dispose de plusieurs partenariats et est engagée dans plusieurs projets de développement de technologies clés pour les activités futures. Enfin, à titre d’exemple, il doit être fait mention de la signature d’un premier contrat «Original Equipment Manufacturer» avec Kraftway, le constructeur russe leader sur les serveurs à base Intel. Un autre accord concerne la distribution de serveurs en Chine.

    (54)

    En conclusion, la Commission considère que le plan de restructuration permet à Bull de se positionner de manière satisfaisante. Nonobstant les risques technologiques et commerciaux inhérents aux marchés concernés, la Commission considère que le retour à la viabilité est suffisamment garanti.

    (55)

    Les aides à la restructuration, pour être autorisées par la Commission, doivent remplir une seconde condition, qui consiste en ce que des mesures doivent être prises pour atténuer, autant que possible, les éventuels effets négatifs que les aides pourraient avoir sur les concurrents.

    (56)

    Comme il a été souligné par la France, les parts de marché de Bull dans le domaine des services et dans le domaine des serveurs sont très faibles. Dans le domaine des serveurs, le marché géographique en cause doit être considéré comme mondial ou au moins européen. En 2002, sur l’ensemble du marché des serveurs de la Communauté à quinze, Bull détenait une part de marché de l’ordre de 3 %. Sur le segment des serveurs moyens et haut de gamme, Bull avait conservé une position évaluée à 5 % environ, loin derrière les principaux concurrents que sont IBM (40 %), HP-Compaq (24 %), Sun (17 %) et Fujitsu (9 %). Sur le segment haut de gamme, la part de marché sera plus élevée. En effet, Bull veut se positionner comme le leader européen des solutions à base d’architecture Intel 64 bits et de logiciels open source sur des marchés ciblés. Le marché des serveurs à base d’architecture Intel 64 bits est estimé à près de 2,4 milliards de dollars américains en 2007, ce qui représenterait 16 % du marché des serveurs (contre moins de 1 % en 2003).

    (57)

    Dans le domaine des services, il y a des indications selon lesquelles le marché géographique en cause doit être considéré comme européen, bien que l’existence de marchés régionaux ou nationaux ne puisse être exclue. Sur le marché des services de la Communauté à quinze, Bull détenait en 2002 une part de marché d’environ 0,4 % et depuis 2002, Bull s’est encore plus recentrée sur les services d’infrastructure et ses autres spécificités, subissant de fortes réductions de son chiffre d’affaires dans les services. Dans une étude de septembre 2003, publiée par l’Institut Gartner, Bull ne figure pas parmi les dix premiers concurrents sur le marché mondial des services informatiques et n’occupe en 2002 que la vingt-deuxième place sur le marché européen. Ce marché est en outre très concurrentiel, ce qui a permis, à titre d’illustration, l’autorisation par la Commission des opérations de concentration concernant plusieurs concurrents de Bull [HP-Compaq (17), Cap Gemini-Transiciel (18), ATOS Origin-SEMA (19)] en faisant valoir que ces concentrations ne porteraient pas atteinte aux conditions de concurrence sur les marchés de services informatiques.

    (58)

    Évidemment, la présence de l’entreprise est plus importante sur certaines aires géographiques, notamment en France. Mais la concurrence reste importante, y compris au niveau de ces aires géographiques.

    (59)

    Pour certains segments de marché de serveurs en Europe, la pérennisation de Bull est plutôt de nature à dynamiser la concurrence sur le marché, notamment sur les segments où la position d’IBM est prépondérante. Sur le segment des systèmes à haute intensité transactionnelle, par exemple, l’offre de Bull semble constituer la seule alternative à IBM pour tous les clients ne pouvant pas migrer facilement vers des solutions Sun, HP ou Wintel (banques, assurances, organismes sociaux, administrations sociales, etc.). […]* montre que ce type de clients souhaite préserver la pérennité de l’offre de Bull. Il s’agit, cependant, de marchés-niches très spécifiques et la pérennisation de Bull a peu d’incidence pour la concurrence sur le segment des serveurs haut de gamme dans leur ensemble.

    (60)

    La Commission prend en compte également le fait que la stratégie de Bull est tournée vers l’open source. Par ailleurs, la majorité des concurrents sont en même temps partenaires dans plusieurs projets de développement. Aucun concurrent ne s’est exprimé sur des distorsions de concurrence lors de l’ouverture de la procédure.

    (61)

    Aucune opération de croissance externe n'est prévue, si ce n'est l'acquisition de «matière grise», ce qui correspond aux pratiques fréquentes dans le secteur. Bull considère que tout achat important va à l’encontre de la stratégie du plan de restructuration et poserait des problèmes d’intégration.

    (62)

    Bull a cédé d’importants actifs. Sur le segment des produits, Bull a cédé l’ensemble des activités concernant les automates bancaires, les terminaux de paiement, les cartes à puces et une bonne partie de ses logiciels de middleware. Sur le marché des services, Bull a cédé la majeure partie de son réseau commercial hors de France et d’Italie par la vente de sa division Integris à Steria. Le plan de restructuration prévoit un recentrage autour des métiers de base. Ceci limite également l’impact négatif de l’aide sur la concurrence entre États-membres. Dans ce contexte, il est important que cette stratégie, prévue au plan de restructuration, soit effectivement suivie.

    (63)

    Au vu de ce qui précède, la Commission estime que des distorsions de concurrence indues sont évitées. La position de Bull sur les marchés concernés, alliée au respect du plan de restructuration et au recentrage effectué, ne rendent pas nécessaires des contreparties additionnelles.

    (64)

    Pour que l'aide puisse être autorisée, il convient qu'une troisième condition soit remplie, qui consiste en ce que le montant et l'intensité de l'aide soient limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration en fonction des disponibilités financières de l'entreprise, de ses actionnaires ou du groupe dont elle fait partie. Les bénéficiaires de l'aide doivent contribuer substantiellement au plan de restructuration en puisant dans leurs ressources propres. En tout état de cause, il y a lieu de démontrer à la Commission que l'aide sera utilisée uniquement pour restaurer la viabilité de l'entreprise et qu'elle ne permettra pas à son destinataire d'augmenter sa capacité de production durant la mise en œuvre du plan de restructuration.

    (65)

    La contribution du bénéficiaire et de ses actionnaires est substantielle. Depuis le 31 décembre 2001, Bull a contribué à hauteur de 160 millions EUR à la restructuration, provenant de cessions d’actifs non-core business en 2002 et durant le premier semestre de 2003. En plus, elle avait réservé pour les actions de restructuration 94 millions EUR provenant de sa trésorerie disponible au 31 décembre 2001 (20). Les actionnaires existants et nouveaux ont contribué à la recapitalisation à hauteur de 44,2 millions EUR, ce qui constitue une contribution substantielle. Le fait que la souscription au capital d’investisseurs provienne partiellement d’entreprises ayant des partenariats avec Bull (France Télécom, NEC), de clients (Debeka), et de cadres dirigeants du groupe Bull, n’ôte rien à ce constat. La Commission peut prendre en compte également le capital apporté lors de l’exercice des bons de souscription d’action à hauteur de 17 millions EUR, puisque les anciens porteurs d’océanes n’étaient pas obligés de choisir cette option.

    (66)

    Les ratios de solvabilité et de liquidité, après le versement de l’aide et en considérant l'aide comme une dette, se situent à des niveaux comparables à ceux des concurrents. Le rétablissement financier permettra avant tout d’obtenir des garanties bancaires pour les activités courantes. En effet, il est prévu que Bull continue à recourir au financement externe à court terme fondé sur la titrisation de ses créances, pour un volume de l’ordre de […]* à […]* millions EUR. Compte tenu des risques inhérents aux marchés et la stratégie de Bull étant celle d’un niche player, il semble peu vraisemblable que des institutions financières se montrent prêtes à concéder de nouvelles lignes de crédit pour des activités agressives qui ne seraient pas liées au processus de restructuration.

    (67)

    Selon les autorités françaises, avec une aide plus réduite, les autres partenaires n’auraient pas accepté d'investir et les porteurs d’océanes n’auraient pas accepté l’échange de leurs créances contre de nouveaux titres. En ce qui concerne la principale alternative proposée par un fonds d’investissement américain, qui n’a pas été retenue, les autorités françaises ont expliqué de manière satisfaisante que celle-ci n’aurait pas conduit à une aide moins élevée. Ce fonds prévoyait une injection de capitaux plus élevée que celle de 33 millions EUR prévue par le groupe d’investisseurs, mais la garantie à hauteur de 11 millions EUR par les porteurs d’océanes couvre la différence.

    (68)

    En conclusion, la Commission estime que l’aide ne conduit pas l’entreprise à disposer de liquidités excédentaires qu’elle pourrait consacrer à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché et qui ne seraient pas liées au processus de restructuration.

    (69)

    Afin d’éviter tout soutien abusif, le point 48 des lignes directrices précise que les aides à la restructuration ne doivent être accordées qu’une seule fois. Si l’entreprise a déjà bénéficié dans le passé d’une aide à la restructuration et si la période de restructuration s’est achevée depuis moins de dix ans, alors la Commission n’autorisera normalement pas l’octroi d’une nouvelle aide à la restructuration, sauf circonstances exceptionnelles, imprévisibles et non imputables à l’entreprise. Les aides notifiées dans le cas d’espèce seront payées au plus tôt le 31 décembre 2004. En 1993 et 1994, l’État français a accordé des aides à la restructuration de Bull, qui ont été approuvées par la Commission fin 1994. Le plan de restructuration en cause, cependant, concernait une période allant jusqu’à fin 1995. La décision 2003/599/CE de la Commission (21), par laquelle celle-ci a approuvé l’aide au sauvetage et qui, à son considérant 60, fait référence à la date du 31 décembre 2004 comme date à partir de laquelle une nouvelle aide à la restructuration peut être octroyée, est erronée sur ce point. Le délai de dix ans n’est donc pas atteint dans le cas d’espèce.

    (70)

    Toutefois, le principe de l’aide unique ne saurait être appliqué de manière absolue. Comme la Cour l’a jugé (22), certes dans le cadre du traité CECA, mais cela est d’autant plus vrai dans le cadre du traité CE, les dispositions en matière d’aides visent à donner compétence à la Commission afin de lui permettre de faire face à des situations imprévues, en prenant en considération le caractère évolutif des conditions du marché. Dans ces conditions, l’application indiscriminée du principe de l’aide unique limiterait de manière excessive la catégorie des aides susceptibles d’être considérées comme nécessaires et ne permettrait pas à la Commission d’examiner, dans chaque cas particulier, si un projet d’aide à la restructuration est indispensable à la réalisation des objectifs du traité. De même, la Commission ne saurait en principe se fonder exclusivement sur l’existence d’une décision précédente pour refuser une aide ultérieure au même bénéficiaire (23).

    (71)

    C’est dans ce contexte que les lignes directrices précisent la possibilité de déroger au principe de l’aide unique dans le cadre de circonstances exceptionnelles, imprévisibles et non imputables à l’entreprise. A cet égard, il convient de relever que, bien que la crise dans le secteur des technologies de l’information et de la communication en 2001 n’ait été ni exceptionnelle ni imprévisible, son ampleur, surtout pour le segment des technologies liées à l’internet et aux télécommunications, était exceptionnelle, imprévisible et non imputable à Bull. Une autre considération à prendre en compte dans le cas d'espèce est la très grande rapidité des développements technologiques dans le secteur concerné.

    (72)

    Par ailleurs, il y a lieu de souligner dans ce contexte que Bull et l’État français avaient scrupuleusement respecté le plan de restructuration antérieur, notamment la privatisation, le partenariat avec NEC et France Télécom et la cession de plusieurs actifs, tel que proposé par un expert indépendant et repris à son compte par la Commission, et que ledit plan ne pouvait prévenir les difficultés actuelles. En effet, à l’époque, les difficultés financières étaient largement liées à des divisions et filiales qui ont été cédés dans le cadre du plan de restructuration, notamment Zenith Data Systems dans le secteur des micro-ordinateurs et la division OSS. Une première restructuration de Bull a bien eu lieu, dans le contexte de laquelle l’entreprise a tenté de s’adapter à son environnement. La diminution des effectifs de l’entreprise reflète ce changement radical: de 44 500 en 1990, ils sont passés à 24 000 en 1995 et à 11 500 en 1999. Les difficultés actuelles, telles que décrites aux considérants 9 à 12, diffèrent dans leur nature de celles qui ont conduit aux restructurations en 1993-1995.

    (73)

    Il s’ensuit que dans le cas d’espèce, la philosophie qui préside au principe de l’aide unique, à savoir empêcher tout soutien abusif, est respectée. L’État n’a pas maintenu Bull artificiellement en vie, alors même que ses difficultés auraient un caractère récurrent; au contraire, l’aide qui fait l’objet de la présente décision visait à faire face à des difficultés ayant un caractère nouveau.

    (74)

    À titre surabondant, on ajoutera d’ailleurs que le délai de dix ans est presque atteint.

    (75)

    En conclusion, dans les circonstances du cas d’espèce, la Commission considère que le critère de l’aide unique ne s’oppose pas à l’autorisation de l’aide notifiée.

    (76)

    Selon la jurisprudence «Deggendorf» de la Cour (24), lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, et notamment l’éventuel effet cumulé de cette aide et d’autres aides qui n’ont pas été remboursées. Dans le cas d’espèce, Bull dispose de l’aide au sauvetage dont l’autorisation était subordonnée à son remboursement par Bull le 17 juin 2003 au plus tard. Selon les autorités françaises, l’aide notifiée ne sera toutefois payée qu’après le remboursement de l’aide au sauvetage. Dans ces conditions, le principe «Deggendorf» est respecté, mais la Commission doit toutefois s’assurer que tel sera le cas.

    (77)

    Conformément au point 43 des lignes directrices, le plan de restructuration communiqué à la Commission, tel que précisé et complété, doit être intégralement respecté.

    (78)

    Conformément aux points 45 et 46 des lignes directrices, des rapports annuels doivent être communiqués à la Commission.

    VI.   CONCLUSION

    (79)

    La Commission estime que l’aide à la restructuration en faveur de la société Bull notifiée par la France peut être déclarée compatible avec le marché commun pourvu que tous les engagements pris par la France et toutes les conditions imposées soient remplis,

    A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

    Article premier

    L’aide d'État que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la société Bull, qui consiste en un versement de 517 millions EUR, accompagné d’une clause de retour à meilleure fortune, est compatible avec le marché commun sous réserve des conditions prévues à l'article 2.

    Article 2

    1.   Le plan de restructuration de Bull, tel que communiqué à la Commission par la France, est exécuté intégralement.

    2.   L’aide visée à l’article 1er ne sera pas versée avant le remboursement de l’aide au sauvetage approuvée par la décision 2003/599/CE. Elle sera versée au plus tôt le 31 décembre 2004.

    3.   La France soumet à la Commission un rapport annuel sur la mise en œuvre du plan de restructuration pour la période allant jusqu’à fin 2007.

    Article 3

    La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

    Article 4

    La République française est destinataire de la présente décision.

    Fait à Bruxelles, le 1er décembre 2004.

    Par la Commission

    Neelie KROES

    Membre de la Commission


    (1)  JO C 102 du 28.4.2004, p. 12.

    (2)  JO L 209 du 19.8.2003, p. 1.

    (3)  Affaire enregistrée sous le numéro C-504/03.

    (4)  Voir la note 1 de bas de page.

    (5)  http://www.bull.com

    (6)  JO L 386 du 31.12.1994, p. 1.

    (7)  Voir la décision 2003/599/CE pour davantage de détails sur le plan de restructuration.

    (8)  Certains passages du présent document ont été supprimés afin de ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.

    (9)  Revenu avant intérêts et impôts (Earnings before interest and taxes).

    (10)  JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.

    (11)  Une nouvelle version des lignes directrices a été récemment publiée (JO C 244 du 1.10.2004, p. 2). Conformément au point 103 de cette nouvelle version, l’aide en l’espèce doit être examinée au regard des critères en vigueur au moment de la notification de l’aide, c’est-à-dire au regard des lignes directrices de 1999.

    (12)  Depuis 2001, les capitaux propres sont négatifs, s’élevant à – 726 millions EUR fin 2003. Les pertes en 2000, 2001 et 2002 s’élevaient à 243 millions EUR, 253 millions EUR et 548 millions EUR.

    (13)  Arrêt de la Cour du 15 mai 1997, dans l’affaire C-355/95, Textilwerke Deggendorf GmbH contre Commission des Communautés européennes et République fédérale d’Allemagne, Rec. 1997, p. I-2549.

    (14)  Par exemple, Forrester, Market overview. Exploiting open source in Europe, 22.6.2004.

    (15)  Voir The Clipper Group Navigator, Bull transitions GCOS 8 to Open Systems — Novascale 9000 to the Rescue,15.10.2003 et IDC, Vendor needs and Strategies, Bull fills out Novascale line — targets commercial and High-Performance Computing (HPC) Customers in 2004, 4.2004. IDC, par exemple, conclut: «L'introduction des serveurs NovaScale par Bull en 2003 permettait à l'entreprise d'améliorer son approche du marché du calcul haute performance — un marché qu’elle avait abordé antérieurement. Pendant la dernière année, elle a conquis un nombre considérable de clients de référence dans ce secteur. […] L’addition du système d'exploitation pour le serveur Microsoft Windows 2003 et du serveur SQL, ainsi que le nouveau logiciel ISV — en particulier de la part d'Oracle, SAP et BEA — lui permettra de répondre à une croissance attendue de la demande d’applications commerciales haut de gamme dans un marché européen en cours de redressement.».

    (16)  Voir note 12 de bas de page.

    (17)  Décision de la Commission du 31 janvier 2002 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (affaire N IV/M.2609 — HP-Compaq) sur la base du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil (JO C 39 du 13.2.2002, p. 23).

    (18)  Décision de la Commission du 24 novembre 2003 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (affaire N IV/M.3307 — Cap Gemini-Transiciel) sur la base du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil (JO C 295 du 5.12.2003, p. 16).

    (19)  Décision de la Commission du 10 novembre 2003 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (affaire N IV/M.3295 — ATOS Origin-SEMA Group) sur la base du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil (JO C 295 du 5.12.2003, p. 16).

    (20)  Ce montant n’inclut pas l’avance de l’État accordée fin décembre 2001, ni les ressources que Bull a pu générer grâce à cette avance.

    (21)  Voir note 7 de bas de page.

    (22)  Arrêt de la Cour du 23 novembre 2000, dans l’affaire C-441/97 P, Wirtschaftsvereinigung Stahl, Thyssen Stahl AG, Preussag Stahl AG et Hoogovens Staal BV, auparavant Hoogovens Groep BV contre Commission des Communautés européennes, Rec. 2000, p. I-10293, point 55.

    (23)  Conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire C-110/02, Commission contre Conseil, point 43 (non encore publiées au Recueil).

    (24)  Voir la note 11 de bas de page.


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