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Document 52017AE1811

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur [COM(2017) 142 final — 2017/0063 (COD)]

    JO C 345 du 13.10.2017, p. 70–75 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    13.10.2017   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 345/70


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur

    [COM(2017) 142 final — 2017/0063 (COD)]

    (2017/C 345/11)

    Rapporteur:

    Juan MENDOZA CASTRO

    Consultation

    Parlement européen, 26 avril 2017

    Conseil, 27 mars 2017

    Base juridique

    Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

     

     

    Compétence

    Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

    Adoption en session plénière

    5 juillet 2017

    Session plénière no

    527

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    130/0/2

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, qu’il considère comme une mesure indispensable à la mise en œuvre efficace du règlement (CE) no 1/2003.

    1.2.

    Malgré la persistance de différences, grâce à une harmonisation volontaire, il y a eu une forte convergence entre les systèmes des différents États membres, en prenant comme référence les normes de l’Union européenne.

    1.3.

    Le système d’engagement de procédures (attribution des affaires) dans le cadre du réseau européen de la concurrence (REC) devrait éviter toute duplication des interventions de différents États membres.

    1.4.

    Le CESE propose d’envisager de réglementer à l’avenir les contenus de droit civil et administratif au moyen d’un règlement.

    1.5.

    La politique de concurrence doit garantir l’égalité des chances. Le CESE souligne qu’il importe que les autorités nationales de concurrence (ANC) disposent de moyens et instruments légaux pour lutter contre les ententes secrètes et insiste sur les graves préjudices que causent les abus de position dominante.

    1.6.

    Le respect des droits fondamentaux de ceux qui font l’objet d’une enquête doit être compatible avec la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 du TFUE.

    1.7.

    Le CESE est préoccupé par le grave manque d’indépendance et de ressources des ANC, que l’on constate actuellement dans de nombreux États membres. Il est essentiel que les ANC disposent d’une réelle indépendance vis à vis des autorités et partant, que les hauts responsables des ANC soient des experts indépendants ayant une expérience professionnelle reconnue et que le personnel soit quant à lui stable et doté d’une formation professionnelle appropriée.

    1.8.

    Étant donné qu’il est difficile voire impossible, dans de nombreux cas, de réparer les dommages causés par les agissements anticoncurrentiels, le CESE préconise que les pouvoirs conférés aux ANC puissent également être exercés dans le cadre d’actions préventives.

    1.9.

    Le CESE a déjà fait valoir «que le montant des sanctions doit être dissuasif et que les sanctions doivent être aggravées en cas de récidive» et reconnaît que le pouvoir de sanction de l’autorité de mise en œuvre est un élément clé de la politique de concurrence.

    1.10.

    L’expérience de la Commission, qui applique habituellement des mesures de clémence, peut être considérée comme positive et leur application uniforme par les ANC est importante pour l’existence d’un droit européen de la concurrence. Toutefois, la clémence ne doit pas empêcher les parties lésées (y compris les consommateurs) d’obtenir réparation pour les dommages subis, au moyen d’actions collectives.

    1.11.

    Le caractère transnational des actions des ANC rend indispensable l’assistance mutuelle entre elles.

    1.12.

    Lors de la transposition de la directive, la suspension des délais de prescription doit se conformer aux règles générales de prescription des États membres.

    1.13.

    Il convient de reconnaître aux ANC le pouvoir d’ester en justice de plein droit, à défaut, leur efficacité dans certains États membres s’en trouverait entravée.

    1.14.

    Le CESE souligne qu’il importe que les ANC puissent utiliser tout type de preuve, indépendamment du support sur lequel sont stockées.

    1.15.

    Les campagnes d’information sont nécessaires compte tenu de la méconnaissance des règles de concurrence de la plus grande partie du public.

    2.   La proposition de la Commission

    2.1.

    Les États membres de l’Union européenne sont des partenaires essentiels de la Commission européenne en matière de mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne. Depuis 2004, les ANC des États membres sont habilitées par le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil à appliquer les règles de concurrence de l’Union européenne aux côtés de la Commission. Depuis plus d’une décennie, la Commission et les ANC mettent en œuvre les règles de concurrence de l’Union européenne en collaborant étroitement au sein du réseau européen de la concurrence (REC). Le REC a été créé en 2004 expressément à cette fin.

    2.2.

    La mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne par la Commission et les ANC constitue un élément essentiel pour la création d’un marché intérieur ouvert, concurrentiel et innovant; elle est de plus indispensable à la création d’emplois et à la croissance dans des secteurs importants de l’économie, notamment dans ceux de l’énergie, des télécommunications, du numérique et des transports.

    2.3.

    Les règles de concurrence de l’Union européenne sont l’un des traits distinctifs du marché intérieur: ce dernier ne peut pas réaliser pleinement son potentiel et créer les conditions propices à une croissance économique soutenue lorsque la concurrence est faussée. Pour rendre le marché intérieur plus intégré et plus équitable, il est essentiel de veiller à ce que ses règles soient effectivement mises en œuvre, de sorte qu’elles produisent leurs effets au plus près des citoyens.

    2.4.

    La mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne est aujourd’hui assurée à une échelle que la Commission n’aurait jamais pu atteindre à elle seule. La Commission enquête généralement sur les pratiques ou accords anticoncurrentiels qui affectent la concurrence dans au moins trois États membres ou lorsqu’il est utile de créer un précédent au niveau européen. Les ANC sont généralement les instances indiquées pour agir lorsque la concurrence est substantiellement affectée sur leur territoire, étant donné qu’elles connaissent le fonctionnement des marchés dans leur propre État membre, et cette connaissance est très précieuse pour faire respecter les règles de concurrence.

    2.5.

    Il existe une marge inexploitée pour rendre la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union européenne par les ANC plus efficace. Le règlement (CE) no 1/2003 ne s’est pas intéressé aux moyens ni aux instruments dont les ANC disposent pour appliquer les règles de concurrence de l’Union européenne et nombreuses sont les autorités qui ne sont pas dotées de tous les moyens et instruments nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les articles 101 et 102 du TFUE:

    2.6.

    En raison de ces lacunes et de ces limites qui affectent les outils et les garanties dont disposent les ANC, les procédures engagées contre les entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles peuvent déboucher sur des résultats très différents selon l’État membre dans lesquelles ces entreprises opèrent: la mise en œuvre des articles 101 ou 102 du TFUE peut se révéler totalement inexistante ou inefficace, par exemple parce que les preuves permettant de constater les pratiques anticoncurrentielles sont impossibles à recueillir ou parce que les entreprises ont la possibilité de se soustraire à l’obligation de payer une amende. La mise en œuvre inégale des règles de concurrence de l’Union européenne fausse la concurrence dans le marché intérieur et nuit au système de mise en œuvre décentralisée mis en place par le règlement (CE) no 1/2003.

    2.7.

    Par conséquent, la Commission considère nécessaire de présenter une proposition législative dotée d’un double objectif stratégique:

    la base juridique de l’article 103 du TFUE a pour but de permettre aux ANC de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence de l’Union européenne, en leur attribuant les nécessaires garanties d’indépendance, de ressources et de compétences,

    prenant pour base juridique l’article 114 du TFUE, l’on vise à renforcer le marché intérieur en éliminant les obstacles nationaux qui empêchent les ANC de mettre efficacement en œuvre les règles de concurrence de l’Union européenne et de parvenir à une application plus homogène des règles, et ce au bénéfice des consommateurs et des entreprises.

    2.8.

    Par ailleurs, si les ANC peuvent se fournir une assistance mutuelle effective, il en résultera des conditions plus équitables pour tous et le maintien d’une coopération étroite au sein du REC.

    3.   Observations générales

    3.1.

    Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, qu’il considère comme une mesure indispensable à la mise en œuvre effective du règlement (CE) no 1/2003. La mise en place d’un système européen de concurrence nécessite d’éliminer les obstacles et les lacunes observés dans certains États membres en vue de la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 du TFUE.

    3.2.

    La décentralisation de l’application des règles de concurrence découlant du règlement (CE) no 1/2003 n’a pas entraîné, comme on le craignait, la fragmentation des pouvoirs de mise en œuvre de la politique de concurrence. Malgré la persistance de différences, grâce à une harmonisation volontaire, il y a eu une forte convergence entre les systèmes des différents États membres, en prenant comme référence les normes de l’Union européenne (1).

    3.3.

    Le CESE souligne que l’existence de compétences parallèles, au niveau de l’Union européenne et des États membre, impose dans certains cas un effort d’adaptation des lois et institutions nationales. Le système d’ouverture de procédures (attribution des affaires) dans le cadre du réseau européen de la concurrence doit, en tout état de cause, éviter une éventuelle duplication des interventions dans différents États membres.

    3.4.

    La Commission est d’avis qu’une directive est l’instrument approprié, car elle tient compte «des traditions juridiques et des spécificités institutionnelles des États membres». L’objectif d’une application uniforme et cohérente des règles par les ANC, notamment en ce qui concerne le catalogue des sanctions (chapitre V) et l’immunité ainsi que la réduction d’amendes (chapitre VI), nécessite de surmonter la grande diversité des dispositions actuelles. Le CESE propose par conséquent d’envisager de réglementer à l’avenir les contenus de droit civil et administratif au travers d’un règlement, tout en préservant la pleine autonomie des États membres en ce qui concerne la législation pénale.

    3.5.

    La politique de concurrence doit garantir l’égalité des chances. Le CESE souligne qu’il importe que les ANC disposent des moyens et instruments légaux nécessaires pour lutter contre les ententes secrètes (définies à l’article 2, point 9, de la proposition) et met également l’accent sur les graves préjudices que les abus de position dominante, généralement commis par de grandes entreprises ou groupements d’entreprises, causent à d’autres entreprises (notamment les PME), aux consommateurs et aux utilisateurs.

    3.6.

    Les États membres devraient envisager de mener des campagnes d’information eu égard à la connaissance insuffisante des règles de concurrence de la plus grande partie du public.

    4.   Observations particulières

    4.1.    Droits fondamentaux

    4.1.1.

    La proposition de la Commission mentionne les principes généraux du droit de l’Union et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2), à titre de garantie dès lors qu’ils incluent le respect des droits de la défense des entreprises: la liberté d’entreprise, le droit de propriété, le droit à une bonne administration et le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial (articles 16, 17, 41 et 47 de la charte).

    4.1.2.

    Le CESE rappelle que la reconnaissance des larges pouvoirs dont doivent disposer les ANC pour exercer leurs fonctions implique la mise en place de sauvegardes et de garanties des droits des opérateurs faisant l’objet d’une enquête, tout en veillant à leur compatibilité avec la mise en œuvre intégrale des articles 101 et 102 TFUE. Les ANC et, le cas échéant, les juridictions nationales, doivent veiller à la mise en œuvre de ces garanties. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union (article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux) que les États membres doivent respecter lors de l’application du droit de la concurrence (3). Pour sa part, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé l’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable) (4) et s’est prononcée sur la légitimité de la Commission (5) et le principe «ne bis in idem» (6) dans les procédures en matière de concurrence.

    4.2.    Indépendance et ressources

    4.2.1.

    La garantie d’indépendance implique que les ANC «exercent leurs pouvoirs en toute impartialité et dans l’intérêt d’une application effective et uniforme de ces dispositions» (article 4, paragraphe 1).

    4.2.2.

    Les États membres ont obligation de veiller à ce que le personnel et les membres de l’organe décisionnel des ANC puissent s’acquitter de leurs fonctions (article 4, paragraphe 2):

    en toute indépendance à l’égard de toute influence extérieure, politique ou autre,

    sans solliciter ni accepter aucune instruction d’un gouvernement ou de toute autre entité publique ou privée,

    en s’abstenant de toute action incompatible avec l’exécution de leurs fonctions,

    en outre:

    ils ne peuvent être révoqués que s’ils ne remplissent plus les conditions requises pour exercer leurs fonctions ou s’ils ont commis une faute grave selon le droit national,

    il convient de fixer préalablement dans le droit national les motifs de leur révocation,

    ils ne sont pas révoqués pour des raisons liées à l’exécution de leurs fonctions et à l’exercice de leurs pouvoirs.

    4.2.3.

    Le CESE est préoccupé par les graves lacunes en la matière que, selon la Commission, l’on constate actuellement dans de nombreux États membres. Des ressources humaines, financières et techniques adaptées (article 5) sont essentielles pour que les ANC puissent remplir leurs fonctions. L’indépendance implique une autonomie considérable dans la structure de l’État (7) qui n’exclut pas:

    le contrôle juridictionnel,

    la fourniture d’informations au Parlement,

    les rapports périodiques d’activité, et

    le suivi de leurs enveloppes budgétaires.

    4.2.4.

    Le CESE estime qu’il est essentiel que les ANC disposent d’une réelle indépendance vis-à-vis des autorités. Pour ce faire, les hauts responsables des ANC doivent être des experts indépendants ayant une expérience professionnelle reconnue et le personnel doit quant à lui être stable et doté d’une formation professionnelle appropriée.

    4.3.    Pouvoirs

    4.3.1.

    Les pouvoirs dont doivent disposer les ANC (articles 6 à 11) incluent:

    Inspection de locaux commerciaux sans notification préalable et avec ou sans décision de justice, en fonction de ce que prévoit la législation de l’État membre: cela implique au moins le droit d’«accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises»; de contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel; de prendre ou d’obtenir «sous quelque forme que ce soit» copie ou extrait de ces livres ou documents; d’«apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents» et de demander des explications. Lorsqu’une entreprise s’oppose à une inspection administrative ou judiciaire, «les autorités nationales de concurrence peuvent obtenir l’assistance nécessaire de la force publique ou d’une autorité disposant d’un pouvoir de contrainte équivalent», «cette aide peut également être demandée à titre préventif».

    Inspection d’autres locaux sans notification préalable: celle-ci s’applique en présence d’un «soupçon raisonnable» que des éléments qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 101 ou de l’article 102 du TFUE existent.

    Demandes de renseignements

    Ordre de cessation d’une infraction constatée

    Imposition de mesures provisoires: celle-ci s’applique «dans les cas d’urgence justifiée par le fait qu’un préjudice grave et irréparable risque d’être causé à la concurrence»«et sur la base d’un constat prima fascie d’infraction». La mesure doit avoir une durée déterminée, qui peut être renouvelée.

    Établir le caractère obligatoire des engagements pris par les entreprises.

    4.3.2.

    Étant donné qu’il est difficile voire impossible, dans de nombreux cas, de réparer les dommages causés par les agissements anticoncurrentiels, le CESE préconise que les pouvoirs conférés aux ANC puissent également être exercés dans le cadre d’actions préventives.

    4.4.    Amendes et astreintes

    4.4.1.

    Des amendes«effectives, proportionnées et dissuasives» peuvent être infligées «lorsque, de propos délibéré ou par négligence» certains comportements se produisent: refus de se soumettre à une inspection; des scellés ont été brisés; des réponses incorrectes ou dénaturées ont été fournies; et des mesures provisoires ont été enfreintes. Les astreintes s’appliquent notamment en cas de refus de se soumettre à une inspection (articles 12 et 15).

    4.4.2.

    Selon le critère usuel en droit pénal, il est tenu compte, pour calculer le montant des amendes infligées par les États membres, «outre la gravité de l’infraction, de la durée de celle-ci» et leur montant maximal ne doit pas être «fixé à un niveau inférieur à 10 % du chiffre d’affaires mondial total réalisé au cours de l’exercice social précédant la décision» (articles 13, paragraphe 1, et article 14). Pour les associations d’entreprises différentes scénarios sont prévus afin de déterminer qui est responsable du paiement des amendes (article 13, paragraphe 2).

    4.4.3.

    Il convient de souligner que l’extension de la responsabilité pour l’acquittement solidaire des amendes à tous les membres des associations ou groupes de sociétés (article 13, paragraphe 2) comble une lacune de la législation en vigueur (8).

    4.4.4.

    Le champ d’application de la proposition ne couvre que les entreprises auxquelles il est possible d’appliquer des sanctions administratives. Les comportements qui constitueraient éventuellement une infraction pénale relèvent de la compétence des États membres. La Cour de justice de l’Union européenne s’est déjà prononcée sur la compatibilité des sanctions administratives et pénales (9).

    4.4.5.

    Le Comité, qui a déclaré «que le montant des sanctions doit être dissuasif et que les sanctions doivent être aggravées en cas de récidive» (10), reconnaît que le pouvoir de sanction de l’autorité de mise en œuvre est un élément clé de la politique de concurrence. Il fait part en outre de son inquiétude quant au fait que la grande disparité des législations et des structures des ANC conduit actuellement à une «sous-application» du droit de la concurrence.

    4.5.    Immunité ou réduction d’amendes (clémence)

    4.5.1.

    L’on attribue aux États membres la compétence d’établir les causes et les procédures pour l’immunité ou la réduction d’amendes, mais ce à l’intérieur d’un cadre exposé dans le détail et qui comprend:

    les exigences relatives à l’immunité (article 16) et à la réduction des amendes (article 17),

    les conditions pour appliquer ces mesures de clémence (article 18),

    les formes de demande (article 9),

    un marqueur de demande formelle d’immunité (article 20),

    les demandes sommaires lorsqu’elles sont présentées simultanément à la Commission et à une ANC (article 21), et

    les garanties pour ceux qui demandent l’immunité (article 22).

    4.5.2.

    La justification de la proposition réside dans le fait que s’agissant de détecter les ententes secrètes, les grandes différences qui existent entre les législations nationales et leur application effective revêtent une importance capitale en ce qu’elles sont source d’insécurité juridique, n’encouragent pas à respecter les règles et conduisent à l’inefficacité de la politique de concurrence dans l’Union européenne. Par ailleurs, le CESE estime que les États membres ne mettent pas en œuvre le programme modèle du REC (11), dont les aspects fondamentaux sont intégrés dans la nouvelle réglementation.

    4.5.3.

    Le CESE juge importante la mise en œuvre uniforme par les ANC des mesures de clémence pour l’existence d’un vrai droit européen de la concurrence et l’expérience de la Commission qui met en œuvre ce type de mesures (12) peut être considérée comme positive. Toutefois, la clémence ne doit pas empêcher les parties lésées (y compris les consommateurs) d’obtenir réparation pour les dommages subis, au moyen d’actions collectives.

    4.6.    Assistance mutuelle

    4.6.1.

    La coopération entre les ANC suppose, eu égard aux nouveaux pouvoirs que cette proposition leur confère, qu’elles se portent mutuellement assistance dans les procédures d’inspection (article 23), ce qui impose aux États membres de veiller à ce que les griefs préliminaires soient effectivement notifiés (article 24) et à ce qu’il soit bien donné suite aux demandes d’exécution de décisions (article 25). Les compétences en matière de litiges sont définies (article 26).

    4.6.2.

    Le CESE juge nécessaire d’imposer ces obligations étant donné le caractère transnational de la politique de concurrence.

    4.7.    Suspension des délais de prescription applicables à l’imposition de sanctions

    4.7.1.

    La proposition de la Commission envisage deux cas particuliers de suspension de tels délais: «pendant la durée des procédures engagées devant les autorités nationales de concurrence d’autres États membres ou la Commission pour une infraction concernant le même accord, la même décision d’une association d’entreprises ou la même pratique concertée» (article 27, paragraphe 1) et lorsqu’il existe une procédure judiciaire (article 27, paragraphe 2).

    4.7.2.

    Le CESE fait observer qu’il convient d’aborder, s’agissant de la transposition de la directive, le risque de contradiction avec les ordres juridiques prévoyant également les cas d’interruption des délais lorsqu’une procédure judiciaire a été engagée.

    4.8.    Capacité des ANC d’ester en justice de plein droit

    4.8.1.

    Selon la proposition, les ANC devraient avoir le droit d’ester en justice pour contester directement un recours devant l’autorité judiciaire et devraient être pleinement autorisées à prendre part à ces procédures en qualité de procureur ou de partie défenderesse et jouir des mêmes droits que ceux de telles parties dans ce type de procédure (article 28).

    4.8.2.

    Le CESE estime qu’à l’heure actuelle, le fait qu’elles n’aient pas cette faculté complique leur action dans certains États membres (13), raison pour laquelle il est indispensable de prévoir désormais qu’elles aient cette capacité juridique pour répondre aux obligations qui leur incombent en vertu de la politique de concurrence de l’Union européenne.

    4.9.    Recevabilité des preuves devant les autorités nationales de concurrence  (14)

    4.9.1.

    Le CESE souligne qu’il est important que les ANC puissent utiliser comme preuves «les documents, les déclarations orales, les enregistrements et tout autre élément contenant des informations, quel qu’en soit le support» (article 30).

    Bruxelles, le 5 juillet 2017.

    Le président du Comité économique et social européen

    Georges DASSIS


    (1)  «An Academic View on the Role and Powers of National Competition Authorities», Parlement européen, 2016.

    (2)  Arrêt Karlsson e. a. dans l’affaire C-292/97, point 37.

    (3)  Arrêts dans les affaires Eturas, C-74/14, point 38, et E.ON Énergie/Commission (C-89/11 P, point 72) et VEBIC (C-439/08, point 63).

    (4)  Affaire Menarini Diagnostics SRL/Italie.

    (5)  C-12/03 P Commission/Tetra Laval (2005).

    (6)  Affaire Menarini Diagnostics SRL/Italie.

    (7)  «L’indépendance et la responsabilité des autorités chargées des questions de concurrence», Cnuced 2008.

    (8)  Arrêt dans l’affaire Akzo Nobel NV/Commission, C-97/08 P, points 45 et 77.

    (9)  Arrêt du 26.2.2013 — affaire C-617/10 Åkerberg Fransson.

    (10)  Avis du CESE sur le «Rapport sur la politique de concurrence 2014» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 33).

    (11)  Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 298 du 8.12.2006, p. 17).

    (12)  Voir: «Cartel leniency in EU: overview», Thompson Reuters. Exemples de réduction et d’allégement d’amendes appliquées par la Commission: Riberebro 50 % (JO C 298 du 8.12.2006, p. 17); Hitachi 30 %, e. a.; Philipps, allégement; Hitachi 50 %; Schenker e.a 55 % — 40 %; DHL, immunité (C-428/14, DHL/AGCM); Eberspächer 45 % et Webasto, immunité.

    (13)  Dans sa réponse au questionnaire de la Commission, l’ANC allemande («Bundeskartellami») a cité cette lacune comme l’une des causes du «grave dysfonctionnement» du système.

    (14)  Limites à l’utilisation des informations (article 29, paragraphe 1). La Commission annonce la révision éventuelle de la rédaction de cet article.


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