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Document 52013IE6859

    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Relocaliser les industries de l’UE dans le cadre de la réindustrialisation»

    JO C 311 du 12.9.2014, p. 15–24 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    12.9.2014   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 311/15


    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Relocaliser les industries de l’UE dans le cadre de la réindustrialisation»

    2014/C 311/03

    Rapporteur: M. IOZIA

    Corapporteur: M. LEIRIÃO

    Le 19 septembre 2013, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

    «Relocaliser les industries de l'UE dans le cadre de la réindustrialisation».

    La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 avril 2014.

    Lors de sa 498e session plénière des 29 et 30 avril 2014 (séance du 29 avril 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour et 4 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le CESE est convaincu que pour endiguer le déclin économique de l'Union, il convient de revitaliser l'industrie, et plus particulièrement l'industrie manufacturière, qui est la clé de voûte de la structure productive. Avec cet avis d'initiative, le CESE se propose de définir un certain nombre d'outils utiles pour appuyer l'initiative de la Commission visant à réindustrialiser l'Union européenne, dans le cadre de laquelle s'inscrit le rapatriement des entreprises qui ont transféré leurs activités ailleurs. La Commission européenne a elle aussi engagé un processus d'analyse sur la question du rapatriement. Le CESE se félicite que, parallèlement à l'élaboration du présent avis, Eurofound ait été chargé de rassembler un ensemble de données nécessaires pour comprendre l'ampleur du phénomène de rapatriement et des solutions possibles.

    1.2

    Le CESE appuie le projet du vice-président de la Commission, M. Tajani, qui consiste à définir une politique de réindustrialisation européenne et à porter la part de l'industrie dans le PIB de l'UE, qui est de 15,1 % aujourd'hui, à 20 % au moins. Le Comité propose par ailleurs d'étendre le projet et de le renforcer, en y incluant l'objectif d'adopter «un pacte social européen pour une nouvelle industrie durable et compétitive». Dans sa récente communication (1), la Commission a défini plusieurs priorités, notamment:

    approfondir l’intégration du soutien de la compétitivité industrielle, avec une attention particulière à l’accroissement de la productivité dans les services aux entreprises, en vue d’améliorer la compétitivité industrielle et la compétitivité de l’économie de l’UE en général;

    optimiser le potentiel du marché intérieur en développant les infrastructures nécessaires, en proposant un cadre réglementaire stable et simplifié;

    mettre en œuvre de manière résolue les instruments de développement régional en synergie avec les instruments nationaux et de l'UE destinés à soutenir l'innovation, les compétences et l'esprit d'entreprise;

    1.3

    Le CESE appelle l'UE à établir un plan d'action européen dans ces matières et formule les recommandations spécifiques suivantes:

    définir des politiques visant à accélérer l'innovation et la productivité afin de créer un avantage compétitif;

    définir de nouveaux instruments bancaires afin de faciliter l'accès aux financements et accélérer les investissements requis;

    promouvoir des actions visant à garantir la participation des industries manufacturières européennes à toutes les étapes de la chaîne de valeur;

    intégrer la réindustrialisation et le rapatriement dans une politique industrielle européenne durable axée sur les investissements, les technologies, l'entrepreneuriat, l'éducation, l'innovation, la recherche, les prix de l'énergie, les infrastructures, le commerce, etc.;

    répondre au besoin d'une réglementation cohérente, stable et sûre;

    garantir le fonctionnement effectif du marché intérieur;

    adopter une législation en matière d'environnement cohérente avec les cycles de compétitivité et d'investissement de l'industrie européenne;

    moderniser les infrastructures;

    financer les besoins des entreprises;

    soutenir la politique énergétique européenne;

    garantir des emplois qualifiés sur le marché européen;

    lutter contre le manque de capacités et la pénurie de compétences dans l'industrie manufacturière;

    élaborer un système de gestion efficace des ressources humaines, qui stimule l'activité et les compétences professionnelles ainsi que l'esprit d'innovation et exploite en particulier le potentiel créatif d'acteurs de la société civile tels que les associations nationales et européennes réunissant les cadres du domaine de l'ingénierie et des sciences.

    Le CESE appelle les États membres à:

    créer de nouvelles zones et installations industrielles ou revitaliser celles qui ont réduit leurs activités à la suite de la délocalisation de l'industrie manufacturière;

    moderniser ou rénover les outils et processus de production afin de les mettre en conformité avec les nouvelles exigences en matière de développement durable;

    prévoir un système de taxation plus équilibré et stable afin de promouvoir la consommation domestique et d'attirer les investissements directs étrangers (IDE);

    mettre en place des centres d'information spécifiques concernant les opérations de délocalisation et de rapatriement;

    1.4

    Le CESE estime qu'il est fondamental de disposer d'une politique industrielle intégrée et dotée d'objectifs plus clairs aux niveaux européen, national, régional et local, qui soit en mesure d'attirer les investissements dans tous les secteurs manufacturiers (qu'ils fassent appel à des technologies de pointe ou peu avancées). Cette politique devrait être axée sur la chaîne de valeur globale et englober les activités de recherche, d'innovation et de développement.

    1.5

    S'agissant de la réindustrialisation de l'Europe, le CESE est convaincu qu'il est indispensable de fixer des objectifs ambitieux, mais néanmoins réalistes, à l'horizon 2020. À cet égard, des politiques favorisant le rapatriement des activités de production qui ont été délocalisées peuvent contribuer à la réalisation des objectifs proposés.

    1.6

    Les principales raisons du rapatriement de la Chine vers l'Occident peuvent être résumées de la manière suivante:

    les coûts des opérations à l'étranger plus élevés que prévu;

    l'augmentation de la productivité, la réduction des coûts et l'amélioration des capacités auxquelles sont parvenues de nombreuses entreprises nationales dans les pays occidentaux grâce à des programmes d'amélioration continue;

    le souhait de localiser la production et la prévision d'une meilleure collaboration au niveau national;

    la complexité croissante des produits et la nécessité de modifier les emballages pour satisfaire les préférences des clients;

    la réduction des coûts de l'énergie aux États-Unis;

    les initiatives de croissance du gouvernement plus fortes aux États-Unis;

    la nécessité de surproduire pour remplir les conteneurs;

    le délai d'attente des produits en raison de livraisons incertaines, de la qualité irrégulière et des pratiques douanières;

    l'augmentation des coûts de transport à cause des navires à moitié vides;

    le niveau élevé des stocks pour tenir compte du transit des marchandises, des cycles, du stock de sécurité, du délai incertain de livraison et des contrôles de qualité;

    l'augmentation des coûts extraordinaires;

    les défauts beaucoup plus nombreux par rapport aux sources locales d'approvisionnement, les inspections supplémentaires des produits et les tolérances, les clients moins satisfaits;

    la réduction de l'écart des coûts entre le pays d'accueil et le pays d'origine (coûts de la main-d'œuvre et du transport);

    les éléments opérationnels suivants: souplesse d'exploitation réduite, commandes, rigidité quant au lieu de livraison; pénalités pour les commandes en retard;

    les commandes doivent prévoir une quantité minimale à cause de la taille des conteneurs;

    la réponse limitée aux demandes des clients en raison de la séparation physique entre le lieu de production et les centres de développement;

    la production et livraison: incidence sur la durée du cycle de vie du produit;

    les coûts plus élevés de la coordination de la chaîne d'approvisionnement;

    les problèmes de qualité (qualité limitée du produit);

    la disponibilité des compétences (manque de techniciens bien formés et de travailleurs qualifiés dans le pays d'accueil);

    les taux élevés de chômage dans le pays d'origine;

    les risques de change.

    1.7

    Si elles veulent être compétitives sur les marchés d'aujourd'hui, les industries manufacturières doivent pouvoir compter sur un approvisionnement solide et souple. Le rapatriement de la production est l'une des solutions que peuvent adopter les entreprises pour répondre à ces besoins. Le CESE considère que les politiques clés visant à soutenir les industries manufacturières qui choisissent de relocaliser et/ou d'étendre leurs activités en Europe doivent proposer un environnement propice aux entreprises qui investissent, des compétences professionnelles, des coûts énergétiques compétitifs et l'accès aux financements ainsi qu'aux marchés.

    1.8

    La Commission a révélé que «dans l’UE, les prix de détail facturés à l’industrie ont progressé en moyenne de 3,5 % pour l’électricité et 1 % pour le gaz durant la période 2008-2012. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, les prix de l’électricité industrielle dans l’UE sont deux fois plus élevés qu’aux États-Unis ou en Russie, et plus chers de 20 % qu’en Chine (2). L’écart de prix est plus marqué dans le cas du gaz: celui-ci est de trois à quatre fois plus cher pour l’industrie de l’UE que pour ses concurrents aux États-Unis, en Russie et en Inde, 12 % plus cher qu’en Chine, mais meilleur marché qu’au Japon. Toutefois, les prix effectivement acquittés par les utilisateurs industriels peuvent varier d’un État membre à l’autre.» (3)

    1.9

    Le CESE a examiné la question des industries à forte intensité énergétique en Europe (4) et a proposé une série de mesures et de recommandations pour leur permettre de continuer à produire en Europe. À cette occasion, également, il demande aux institutions européennes de mettre en place une politique commune de l'énergie pour s'attaquer au problème de la compétitivité du capital et de l'énergie en tant que facteurs de production. Il appelle les partenaires sociaux à renforcer leur coopération dans le cadre d'un pacte de développement qui prenne en compte les caractéristiques et la préservation du modèle social européen, qui garantit la réalisation des objectifs du traité de Lisbonne en matière d'économie sociale de marché.

    1.10

    La cohérence entre politiques a des conséquences importantes. En premier lieu, le développement futur réside dans la transition vers une économie à basses émissions de carbone, ce qui demande une certaine cohérence entre recherche, réglementation et programmes d'aide. La deuxième conséquence a trait au développement durable sur le plan social, et partant, à la relation entre compétitivité et travail, à savoir des emplois qualifiés et inclusifs pour tous, qui permettront à leur tour de générer un développement de qualité et donc de la valeur ajoutée en termes de compétitivité.

    1.11

    Le CESE estime que l'amélioration des relations entre les entreprises et les banques qui se concentrent sur l'économie réelle contribue à créer des synergies fructueuses et à valoriser les avantages compétitifs liés à leur présence sur les marchés étrangers.

    1.12

    Les entreprises européennes devraient avant tout être compétitives du point de vue de la qualité, de la fiabilité, de l'efficacité et de la fonctionnalité de leurs produits. Elles doivent qualifier leur «empreinte» écologique et, enfin, appliquer le principe de la responsabilité sociale d'entreprise à leurs systèmes de production. Toutefois, pour que les entreprises restent compétitives, il est également essentiel de garder sous contrôle les facteurs de coût, en particulier ceux des salaires et de l'énergie, et de prendre les mesures qui s'imposent à cette fin.

    1.13

    La transition de nos modes de production, infrastructures et économies vers le développement durable ainsi que les changements démographiques, la formation des nouvelles générations et l'adaptation de la main-d'œuvre à la division internationale du travail sont autant d'aspects qui exigent des investissements massifs si l'on veut qu'ils soient cohérents et coordonnés à l'échelle européenne.

    1.14

    Il est important de maintenir une base manufacturière large et diversifiée en Europe afin de sauvegarder des compétences qu'il est difficile de développer à nouveau lorsqu'on les a perdues. Dans un contexte plus large, des compétences spécifiques à certaines industries manufacturières pourraient contribuer de façon importante au développement de nouveaux produits.

    1.15

    Il convient de préserver et de renforcer la capacité de l'Europe en matière de recherche et d'innovation afin de garantir un développement stable et durable; à cette fin, il y a lieu d'élaborer des réglementations intelligentes, efficaces et efficientes pour créer les meilleures conditions, assumer une position de leader sur le plan technologique, effectuer des travaux de qualité en matière de recherche, d'investissements et de fabrication et promouvoir la sécurité et le développement durable (5).

    Les entreprises qui envisagent de délocaliser devraient savoir ce qu'elles recherchent et comment elles peuvent l'obtenir sur le territoire de l'UE. Elles doivent pouvoir accéder à des données fiables ainsi qu'à des informations et des conseils afin de connaître les avantages et les inconvénients d'une délocalisation, y compris son coût réel. Les représentations de l'UE et des États membres implantées dans les grands pays devraient renforcer l'assistance qu'elles offrent, tout comme devraient le faire les collectivités locales et régionales. Cette approche permettrait aux entreprises de vérifier si elles peuvent atteindre le même objectif au sein de l'Union.

    1.16

    Les principales raisons qui incitent au rapatriement d'activités sont présentées au paragraphe 1.6.

    1.17

    Le CESE se félicite que la Commission européenne intègre dans l'agenda industriel le rapatriement des entreprises afin d'accélérer l'activité industrielle, de créer de nouveaux emplois et de faire du secteur manufacturier le moteur de l'avenir de l'Europe. L'accord conclu récemment avec Eurofound apparaît comme un premier petit pas dans la bonne direction.

    2.   Introduction

    2.1

    «Nous ne pouvons pas continuer à assister à la délocalisation de notre industrie hors d'Europe. Les chiffres dont nous disposons sont éloquents: l’industrie européenne est en mesure de produire de la croissance et de créer de l’emploi. Nous avons présenté aujourd’hui les conditions indispensables à la réindustrialisation durable de l’Europe, au développement des investissements nécessaires dans les nouvelles technologies, à la restauration d’un climat de confiance et au rétablissement de l’esprit d’entreprise. En travaillant ensemble et en ravivant la confiance, nous pouvons ramener l’industrie en Europe (6)

    2.2

    Ces dernières années, l'on a assisté à une délocalisation progressive des activités manufacturières d'Europe vers des pays tiers et à une désindustrialisation graduelle qui a débouché sur une baisse importante de la part de ces activités dans le PIB européen, puisqu'elle est tombée en quelques années à peine de 20 à 15 %. Depuis 2008, 3,5 millions d'emplois ont été supprimés dans le secteur manufacturier européen.

    2.3

    Depuis les années soixante-dix au moins, la délocalisation, c'est-à-dire la décision d'implanter leur production dans des pays tiers, est l'une des stratégies les plus répandues des entreprises manufacturières des principaux pays industrialisés occidentaux. Ce choix de gestion a souvent été conjugué à celui d'externaliser les activités manufacturières, ce qui a contribué à créer des concepts économiques tels que l'«usine mondiale», la «chaîne d'approvisionnement internationale» et les «chaînes globales de commodité», rebaptisées par la suite «chaînes globales de valeur» (7).

    2.4

    Le processus qui consiste à déplacer la richesse des pays de l'OCDE vers les grands pays à revenus intermédiaires très peuplés a été mené pour l'essentiel par la Chine et l'Inde, mais d'autres pays y contribuent aussi, y compris le Brésil et l'Afrique du Sud. Au niveau international, les 20 principaux producteurs, dont les États-Unis et l'UE (Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni, Espagne et Pays-Bas), ont enregistré une baisse considérable de leurs activités industrielles manufacturières depuis 1990. Aux États-Unis, depuis 1987, l'emploi privé dans l'industrie manufacturière a chuté de 21 % à moins de 11 % (8).

    2.5

    «Les politiques anti-crise menées par les pays de la zone euro doivent être revues dans la mesure où elles risquent de compliquer encore la situation». «Si la cause de cette crise réside dans les disparités croissantes entre les différentes économies de la zone euro, alors nous devons corriger notre politique d'austérité. Cette politique ne peut à elle seule résoudre le problème du manque de compétitivité européenne; au contraire, elle risque d'aggraver la situation» (9)

    2.6

    La persistance de la crise économique et de la dette souveraine dans certains pays à forte vocation manufacturière a provoqué une poursuite de la réduction des activités industrielles secondaires. Le coût élevé de l'énergie, en particulier pour les secteurs très énergivores (p.ex. les aciéries), a découragé les investissements et parfois suscité des délocalisations.

    2.7

    L'Union européenne devrait miser sur l'utilisation des technologies clés génériques (TCG) et l'automatisation. D'autres facteurs, tels que les technologies de fabrication propres et avancées, les investissements dans des réseaux intelligents, ainsi que l'efficacité énergétique et la mobilité durable, jouent un rôle important dans la future industrie européenne, en ce qu'ils permettent de créer de nouveaux emplois à court terme.

    3.   Politique industrielle européenne et réindustrialisation

    3.1

    La politique industrielle menée actuellement par l'Union européenne vise à améliorer le cadre législatif en vigueur et à rendre les entreprises plus compétitives pour leur permettre de conserver leur rôle de moteur de la croissance durable et de l'emploi en Europe. L'article 173 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) en constitue le fondement juridique.

    La réindustrialisation englobe une série d'initiatives et de programmes visant à soutenir le développement économique et de la production dans des territoires touchés par les crises industrielle, socio-économique et environnementale. Plus que jamais, l'Europe a besoin que son économie réelle soutienne la reprise de la croissance et de l'emploi au moyen d'une nouvelle phase de réindustrialisation. L'industrie a un effet d'entraînement important. En effet, l'on estime que pour cent emplois créés dans le secteur industriel, un nombre équivalent d'emplois sera créé dans d'autres secteurs de l'économie (10). Dans sa communication «Pour une renaissance industrielle européenne», adoptée le 22 janvier 2014, la Commission européenne invite les États membres à reconnaître l'importance centrale que l'industrie revêt pour la création d'emplois et la croissance et à intégrer de manière plus systématique les thématiques liées à la compétitivité dans l'ensemble des domaines politiques (11).

    3.2

    En 2012, la Commission a approuvé une stratégie pour la réindustrialisation de l'Europe, dont l'objectif est d'augmenter la part du secteur manufacturier dans l'économie européenne en la faisant passer de 15 à 20 % du PIB à l'horizon 2020. Cette initiative repose sur quatre piliers: des investissements accrus dans l'innovation, une formation étroitement liée aux besoins des entreprises, un meilleur accès aux financements et aux marchés (12).

    3.3

    Le CESE considère que l'Union doit élaborer une stratégie commune: une politique industrielle européenne qui répertorie les secteurs stratégiques dans le but de renforcer l'ensemble de la chaîne des activités manufacturières, tant pour les produits finis que semi-finis. Le CESE a élaboré un avis (13) sur la communication de la Commission relative au plan d'action pour la sidérurgie (14), dans lequel il définit des mesures concrètes et urgentes visant à soutenir l'un des piliers de l'industrie manufacturière: les produits de base de qualité élevée, qui constituent une véritable valeur ajoutée pour les industries en aval, en particulier pour les industries mécanique, électronique et l'ingénierie, la mécanique fine, l'industrie automobile, l'industrie de la construction et celle de la construction navale, pour ne citer que les plus importantes.

    3.4

    Dans nombre de ses avis consacrés aux mutations industrielles, le CESE a proposé des solutions et défini des approches visant à relocaliser l'industrie européenne et à faire en sorte qu'elle occupe la place qui lui revient. Le CESE est fermement convaincu que la revitalisation de l'industrie est fondamentale pour le développement économique, la croissance et la prospérité, qui constituent la base du modèle européen.

    3.5

    «Le secteur manufacturier reste la “salle des machines” de la croissance économique: dans les régions où le poids relatif de l'industrie s'est accru, le PIB a augmenté davantage. Cela s'explique notamment par le fait que l'innovation appliquée aux produits et aux processus permet au secteur manufacturier d'augmenter sa productivité, mais aussi celle des autres secteurs: l'informatisation des services n'aurait jamais eu lieu sans le produit manufacturé qu'est l'ordinateur. D'autant que c'est dans ce secteur que se concentrent la recherche et le développement qui forment le socle de l'innovation» (15)  (16).

    3.6

    Les fonds européens disponibles ont été augmentés. La dotation du programme de recherche, de développement et d'innovation «Horizon 2020» a été portée de 54 à 80 milliards d'euros. Les Fonds structurels et d’investissement européens («fonds ESI») sont à la disposition des États membres pour un montant d'au moins 100 milliards d’euros pour le financement des investissements dans l’innovation, suivant en cela les priorités de la politique industrielle. COSME, un programme européen pour la compétitivité des entreprises et des PME qui couvre la période 2014 à 2020, dispose d'une enveloppe budgétaire de 2,3 milliards d'euros. SPIRE (Sustainable Process Industry through Resource and Energy Efficiency — Ressources et efficacité énergétique dans l’industrie de transformation durable) est le nouveau partenariat public-privé (PPP) signé en décembre 2013, qui fait partie du programme Horizon 2020 et dispose d'un budget européen d'un montant total de 900 millions d'euros pour les sept années à venir (17).

    3.7

    «Les nanotechnologies, la micro- et la nanoélectronique, notamment dans le domaine des semi-conducteurs, les matériaux avancés, les biotechnologies, la photonique, la robotisation et l'impression 3D sont autant de secteurs qui connaissent une croissance spectaculaire dans l'Union. Maîtriser ces technologies permet de gérer la transition vers une économie fondée sur la connaissance et caractérisée par de faibles émissions de dioxyde de carbone (18)».

    3.8

    Dans le projet de rapport sur la réindustrialisation visant à promouvoir la compétitivité et la durabilité (19), le Parlement souligne que la «puissance industrielle future de l'Europe dépend d'une stratégie de renaissance de l'industrie pour une Europe durable (“Renaissance of Industry for a Sustainable Europe” — RISE), qui encourage l'innovation technologique, commerciale et sociale en vue de lancer une révolution industrielle incluant un mouvement de modernisation visant à réduire les émissions de CO2».

    3.9

    L'avenir commun est celui d'une «Europe, région industrielle moderne», mais cela exige de mener une véritable offensive de modernisation dans au moins cinq domaines: le renforcement de l'innovation technologique et de la productivité en investissant dans la recherche et la compétitivité; la réduction des retards, de l'opacité et de la lourdeur de l'administration publique; la simplification de la vie des PME; la relance des infrastructures informatiques et routières adéquates (Mécanisme pour l'interconnexion en Europe; RTE-T, RTE-E et la stratégie numérique); une circulation des capitaux accessible constitue un levier pour solliciter et attirer des fonds privés et poursuive aussi des objectifs en matière d'investissements à moyen terme.

    4.   Le rapatriement

    4.1

    Le rapatriement est une stratégie volontaire des entreprises qui consiste à ramener en tout ou en partie dans la région ou le pays d'origine une production qui avait été précédemment délocalisée (au sein de la société ou auprès d'un sous-traitant) (20). La délocalisation consiste de la part d'une société à déplacer sa production ou une partie de celle-ci d'un pays européen vers un pays étranger.

    4.2

    Ces dernières années, de très nombreuses entreprises ont décidé de délocaliser une partie de leur chaîne de production à l'extérieur de l'Union, d'abord désireuses de se rapprocher des marchés émergents, et ensuite attirées pour la plupart par une main-d'œuvre bon marché et la proximité des ressources. Cette évolution a conduit à la situation actuelle où le marché européen, fort de ses 500 millions d'habitants, consomme énormément de produits industriels non-européens. Quels facteurs pourraient-ils avoir une influence sur le rapatriement de ces entreprises? Aux niveaux national et européen, le rapatriement d'une partie de ces entreprises présenterait des avantages qu'il ne faut pas sous-estimer, comme la création de nouveaux emplois, la diminution de la perte de savoir-faire et le renforcement de la marque «fabriqué en». Compte tenu des multiples dynamiques et facteurs clés qui influencent le choix de la délocalisation et/ou du rapatriement, il est opportun de réaliser une analyse détaillée des avantages et inconvénients de ces opérations, tant au niveau national que de chaque entreprise.

    4.3

    Le processus de délocalisation d'Europe vers l'Asie se poursuit. Entre 2007 et 2009, environ 40 % des entreprises employant plus de 50 personnes ont délocalisé leurs productions dans une certaine mesure, en particulier les productions énergivores. En revanche, un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale ont conservé un pourcentage non négligeable de leurs activités manufacturières.

    4.4

    En raison de la persistance de la crise, les entreprises européennes se montrent beaucoup plus prudentes et évitent de planifier de nouveaux investissements ou de changer de fournisseurs.

    4.5

    Divers facteurs présents dans l'Union européenne exercent une influence négative sur le processus de rapatriement:

    euro très fort,

    faible productivité,

    coûts sociaux plus élevés par rapport à d'autres pays dont le coût du travail est plus faible et qui n'ont pas de protection sociale,

    croissance des coûts de l'énergie,

    absence de solutions positives.

    Une solution pourrait être la mise sur pied d'initiatives spécifiques pour le rapatriement dans des territoires majoritairement défavorisés.

    4.6

    La tendance à la relocalisation aux États-Unis

    4.6.1

    Les entreprises américaines sont en train de rapatrier progressivement leur production. Cette évolution montre que la Chine perd son avantage compétitif en tant que centre de production à bas coût après des années marquées par une augmentation rapide des salaires et un grand nombre d'autres facteurs. L'un des éléments qui a favorisé le rapatriement a été déterminé par la réduction des prix de l'énergie aux États-Unis.

    4.6.2

    En Chine, cette tendance récente s'explique par une augmentation du coût du travail et des prix de l'énergie, par l'impact sur l'innovation, le vol de la propriété intellectuelle et l'utilisation accrue de la technique d'analyse du coût total qui prend en compte et calcule l'ensemble des coûts et des risques. En recourant au CTP (coût total de possession), les sociétés d'analyse contribuent à déterminer ce que coûte réellement la délocalisation.

    4.6.3

    Les secteurs industriels concernés par ce rapatriement sont ceux de l'outillage, de l'automobile, de la métallurgie de base, des machines, des produits métalliques, de la robotique, des instruments médicaux et scientifiques, de la santé, de l'informatique et de l'électronique, des produits chimiques, des plastiques, des emballages, etc.

    4.6.4

    La logique du rapatriement s'applique aux décisions de toutes les entreprises manufacturières. Étant donné que les entreprises adoptent une analyse du coût total plus globale, elles découvrent que l'augmentation du coût du travail conjuguée aux «coûts cachés» de la délocalisation réduisent souvent à néant l'avantage compétitif.

    4.6.5

    Il existe un mouvement dans le cadre duquel le gouvernement américain et différentes associations participent à la création de la nouvelle marque «Made in America, Again», dont le but est d'inciter les clients à acheter des produits et équipements américains. «Reshore now» (Relocalisez maintenant) est une autre initiative menée au niveau national dans le but de faire revenir les entreprises aux États-Unis (21).

    4.6.6

    Les entreprises relocalisées parviennent habituellement à diminuer leurs stocks de 50 %; dans certains cas, cette réduction présente un facteur de trois et six. Les stocks peuvent être réduits pour les raisons suivantes: meilleures conditions de paiement, volume des stocks moins important, délais de livraison plus courts et plus sûrs.

    4.6.7

    Dans le cadre de son enquête, le MIT a par ailleurs demandé aux entreprises quelles mesures gouvernementales pourraient faire la différence. Les cinq premières mesures que le gouvernement des États-Unis peut prendre pour encourager la relocalisation des entreprises américaines sont, par ordre d'importance:

    1.

    réduire la taxation (68,3 %);

    2.

    accorder des crédits d'impôts (65,9 %);

    3.

    octroyer des aides en matière de R&D (60,0 %);

    4.

    offrir une meilleure éducation/formation s'agissant des compétences requises (43,8 %);

    5.

    améliorer les infrastructures (38,0 %).

    4.6.8

    Selon le Boston Consulting Group, les trois premiers facteurs qui influencent la décision de relocaliser sont: i) le coût du travail, ii) la proximité par rapport aux clients, iii) la qualité du produit. D'autres facteurs englobent l'accès à une main-d'œuvre qualifiée, les coûts de transport, les délais de livraison, la facilité de faire des affaires. Les indicateurs montrent en outre que les États-Unis sont en train de devenir le producteur à bas coût du monde développé et que leur attrait ne cesse dès lors de croître.

    4.7

    Quelles sont les conclusions d'études ou d'enquêtes menées sur le processus de relocalisation dans l'UE? Il existe très peu d'enquêtes ou d'études sur la relocalisation dans l'Union européenne. Selon une étude menée sur la délocalisation d'entreprises allemandes, un quart à un sixième de ces entreprises ont été rapatriées en l'espace de 4 ans; des entreprises françaises actives dans le secteur des technologies de l'information qui avaient délocalisé leurs activités en la matière se sont plaintes des coûts imprévus, de la qualité et de problèmes de logistique. Une étude sur les entreprises britanniques ayant délocalisé leur production en 2008-2009 révèle que 14 % de ces entreprises ont déjà rapatrié leurs activités (22). Dans sa communication COM(2010) 614 intitulée «Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation. Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène», la Commission évoque cette idée, sans toutefois mentionner le terme de relocalisation.

    5.   Les résultats de l'audition publique à Bruxelles et à Bergame.

    5.1

    Lors des auditions publiques organisées par le CESE à Bruxelles et à Bergame, des expériences en matière de délocalisation et de rapatriement ont été présentées, ainsi que différents scénarios susceptibles de se produire à l'avenir dans divers secteurs de l'industrie manufacturière dans le cadre de la réindustrialisation de l'Europe.

    5.2

    L'économie mondiale est essentiellement régie par les forces du marché qui influent de manière déterminante sur la décision d'une entreprise de délocaliser et/ou de rapatrier ses activités de production.

    5.3

    L'étude menée au Royaume-Uni montre que le fait de délocaliser dans des pays où la main-d'œuvre est bon marché n'est pas toujours une garantie de réussite. La structure de la chaîne de valeur et de la chaîne d'approvisionnement est un élément à part entière de celle-ci. Même si le coût reste l'élément central, il n'est pas seulement déterminé par le coût du travail, mais aussi par celui de la logistique et de la gestion. L'étude confirme que les trois facteurs essentiels qui ont incité les entreprises à revenir sont des économies sur les coûts inférieures aux attentes (50 %), des problèmes de qualité (43 %) et la proximité du marché (36 %). Parmi les autres raisons figurent la capacité de respecter des délais de livraison serrés, la visibilité et la stabilité des fournisseurs ainsi que la protection de la propriété intellectuelle.

    5.4

    L'accès au marché et aux clients est — et restera — l'un des facteurs décisifs à cet égard. Certains secteurs se heurtent à des obstacles géographiques lorsqu'il s'agit de pénétrer des marchés étrangers, notamment les exigences locales; ils doivent donc adopter une stratégie de délocalisation de leur production et être présents sur le marché local.

    5.5

    L'accès aux infrastructures, à l'énergie et aux transports revêt une importance fondamentale pour les entreprises. Un certain nombre de pays disposent aujourd'hui d'infrastructures modernes et accessibles à même de rivaliser avec les infrastructures européennes. Il convient dès lors d'envisager sérieusement d'investir à l'avenir dans ce secteur.

    5.6

    L'éducation et la formation professionnelle jouent un rôle très important, qu'il ne faut pas sous-estimer. Les pays en développement ont investi — et continuent à investir — énormément dans l'éducation de leur jeunesse, ce qui crée une concurrence avec la nôtre. Les jeunes Européens n'ont pas suffisamment d'opportunités de décrocher un emploi qualifié en Europe et s'expatrient. Le CESE élabore en ce moment un avis sur les liens entre l'éducation, la formation professionnelle et l'entreprise.

    5.7

    Le 7 novembre 2013, la CES (Confédération européenne des syndicats) a adopté son «plan pour l'investissement, une croissance durable et des emplois de qualité», dont l'objectif est de relancer la croissance sur le continent, créer jusqu'à 11 millions d'emplois et inciter les multinationales à délocaliser en Europe compte tenu du dynamisme de la demande.

    5.8

    Les PME ont été touchées indirectement par la délocalisation des grandes industries, dans la mesure où les commandes relatives à la production de composants ont diminué. Le secteur automobile, par exemple, a déplacé sa production dans des pays émergents essentiellement en raison de la demande croissante constatée sur ces marchés. Le secteur automobile s'attend à une perte de quelque 70  000 à 85  000 emplois.

    5.9

    Le secteur de la métallurgie prévoit une forte demande dont pratiquement deux tiers proviendront des pays émergents à l'horizon 2025. Le secteur doit donc mettre en place un réseau de contacts mondiaux et garantir sa présence sur le marché. Les industries européennes du secteur de la métallurgie et de l'ingénierie délocalisent vers des marchés en développement, non seulement pour des raisons de coûts mais aussi afin de répondre à la demande en appliquant une stratégie «in country for country» (produire dans le pays ce que le pays achète), et de garantir la fourniture de produits et services aux industries manufacturières et aux consommateurs locaux.

    5.10

    Les conclusions de l'audition publique à Bergame ont été synthétisées de la manière suivante (23):

    la délocalisation n'est pas un phénomène révolu;

    le rapatriement et le rapprochement de la production sont deux possibilités, mais pas les seules;

    les activités rapatriées ne sont pas toujours les mêmes que celles qui ont été délocalisées (nombres et types d'activités différents);

    les entrepreneurs doivent prendre en considération le coût total d'approvisionnement au lieu tenir compte uniquement du coût du travail (investissements dans le capital de travail, revoir les parties défaillantes);

    les syndicats doivent prendre en considération le «coût unitaire de main-d'œuvre» au lieu du «coût par heure de travail» (innovation du produit/processus, organisation du travail);

    les responsables politiques doivent prendre en compte tous les éléments qui influencent les «affaires».

    Bruxelles, le 29 avril 2014.

    Le Président du Comité économique et social européen

    Henri MALOSSE


    (1)  COM(2014) 14 final.

    (2)  Ces prix ne sont pas corrigés par des différences de qualité, car l’approvisionnement en électricité dans l’Union est plus fiable et moins sujet à des coupures que dans ces pays.

    (3)  COM(2014) 14 final.

    (4)  Ces1857-2011_ac_fr.do.

    (5)  INT/451 La recherche et le développement: un appui pour la compétitivité, JO C 277, 17.11.2009, p.1.

    (6)  Grâce à la révolution industrielle, l'industrie fait son retour en Europe (10 décembre 2012). Commissaire Tajani.

    (7)  Rapport du centre européen de recherche sur le thème de l'internalisation, no 3/2013, p. 57.

    (8)  The Mechanics Behind Manufacturing Job Losses, William T. Gavin in Economic Synopses, 2013, no 20.

    (9)  Lectio Magistralis. London school of Economics. 3 décembre 2013.

    (10)  http://www.labanconota.it/finanza/globalizzazione-delocalizzazione-reindustrializzazione.html.

    (11)  http://ec.europa.eu/enterprise/initiatives/mission-growth/index_en.html.

    (12)  Une industrie européenne plus forte au service de la croissance et de la relance économique. Mise à jour de la communication sur la politique industrielle (COM(2012) 582 final) du 10 octobre 2012.

    (13)  En cours d'adoption. CCMI 117 Plan d'action pour l'industrie sidérurgique européenne.

    (14)  COM(2013) 407 final.

    (15)  L'industrie, un moteur de richesse? La réponse positive des régions européennes (Scénarios industriels — Centre d'étude de la Cofindustria, juin 2011).

    (16)  Chapitre 4, Un «impératif manufacturier» dans l'UE: le rôle de la politique industrielle. Rapport sur la compétitivité européenne 2013: Vers une réindustrialisation basée sur la connaissance.

    (17)  http://ec.europa.eu/research/press/2013/pdf/ppp/spire_factsheet.pdf.

    (18)  Chapitre 5. Produits et échanges de l'UE fondés sur les technologies clés génériques. Rapport sur la compétitivité européenne 2013: Vers une réindustrialisation basée sur la connaissance.

    (19)  Rapporteur: Reinhard Bütikofer PR\936863IT.doc PE510.843v01-00 2013/2006(INI).

    (20)  Uni-Club MoRe Back-reshoring Research Group.

    (21)  http://www.reshorenow.org

    (22)  Leibl, P., Morefield, R. et Pfeiffer, R. (2011), «A study of the effects of backshoring in the EU», Proceedings of the 13th International Conference of American Society of Business and Behavioural Sciences http://asbbs.org/files/2010/ASBBS_%20Proceedings_13th_Intl_Meeting.pdf.

    (23)  Uni-Club MoRe Back-reshoring Research Group.


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