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Document 52010IE1363

    Avis du Comité économique et social européen sur «La rénovation de la méthode communautaire (lignes directrices)» (avis d'initiative)

    JO C 51 du 17.2.2011, p. 29–34 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    17.2.2011   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 51/29


    Avis du Comité économique et social européen sur «La rénovation de la méthode communautaire (lignes directrices)» (avis d'initiative)

    2011/C 51/05

    Rapporteur général: M. Henri MALOSSE

    Corapporteur: M. Georges DASSIS

    Le 17 décembre 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

    «La rénovation de la méthode communautaire (lignes directrices)».

    Le sous-comité «Rénovation de la méthode communautaire», chargé de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 mai 2010 (rapporteur: M. Henri MALOSSE, corapporteur: M. Georges DASSIS).

    Compte tenu du renouvellement du mandat du Comité, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 466e session plénière des 19, 20 et 21 octobre 2010 (séance du 21 octobre 2010) de désigner M. MALOSSE rapporteur générall et a adopté le présent avis par 187 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1   L'Union européenne, malgré des réussites marquantes et un rayonnement grandissant, n'en finit pas de douter et de faire douter d’elle-même. L'Union économique et monétaire, pourtant auréolée du succès de l'euro, est aujourd’hui durement secouée par la crise financière, plus que nulle part ailleurs dans le monde. La stratégie de Lisbonne n'a pas permis à l'Union de se positionner en leader mondial dans l'économie de la connaissance. Face à ces difficultés, les citoyens s'impatientent de plus et plus et sont nombreux à se demander si l'Union se révélera capable de relever les grands défis de notre temps: la mondialisation, le changement climatique, la sortie de crise économique et financière.

    1.2   Dans les moments de doute, il est toujours bon de s'en remettre aux «fondamentaux» de la construction européenne. La méthode communautaire qui a fait les «beaux jours» de l'Union européenne doit être rénovée et relancée.

    1.3   Le CESE préconise d'appliquer la méthode communautaire aux domaines qui suscitent aujourd'hui les attentes des citoyens: relance de l'économie européenne, dynamisation de nos systèmes d'éducation, d'innovation et de recherche, sécurité des approvisionnements énergétiques, développement durable et lutte contre les fléaux climatiques, promotion de l'égalité des chances et de l'esprit d’entreprise, liberté de circulation et mobilité des personnes dans le respect des droits sociaux, développement de services d'intérêt général de dimension européenne notamment en matière de communications, d'environnement, de santé, de sécurité et de protection civile.

    1.4   Cette relance de la méthode communautaire ne pourra s'avérer efficace que si elle s'accompagne des moyens adéquats tels qu'un accroissement conséquent du budget européen, le développement de partenariats publics/privés, une meilleure coordination entre budgets nationaux et européens, la consolidation d'un Fonds monétaire européen.

    1.5   Le CESE estime enfin que la méthode communautaire des années 2010 ne peut être celle des années 60 ou 80. Il faut aujourd'hui impliquer et faire participer les citoyens, notamment au travers de la démocratie participative et des acteurs de la société civile. Le CESE revendique ainsi un rôle grandissant pour la société civile européenne dans l'initiative des politiques européennes, mais aussi au niveau de l'évaluation de leur impact afin d'assurer leur mise en œuvre effective ou d'en corriger les effets néfastes.

    1.6   Ainsi appliquée aux défis du temps présent et aux attentes des citoyens, dotée des moyens effectifs de mise en œuvre et rénovée par une meilleure participation de la société civile, la méthode communautaire peut et doit redevenir le levier de la relance de l'intégration européenne.

    2.   Pourquoi rénover la méthode communautaire

    2.1   Depuis les débuts de l'aventure européenne, la méthode communautaire a fait l'originalité et le succès de la construction européenne qui a conduit à l'Union européenne d'aujourd'hui. Elle se caractérise par:

    des moyens communs mis au service d'objectifs communs,

    des projets marqués du sceau de l'intérêt général,

    des débats ouverts et démocratiques associant la société civile,

    des décisions prises à la majorité dans le respect du droit,

    un contrôle administratif et juridictionnel effectif de leur mise en œuvre,

    un impact et un relais directs dans les milieux économiques et sociaux.

    C'est en s'appuyant sur cette méthode communautaire que l'essentiel des progrès européens a été assuré.

    2.2   Les États membres ont conservé des compétences largement dominantes voire autonomes dans les domaines non directement régis par les traités, allant de questions traditionnellement régaliennes touchant la défense, la police, jusqu'à d'autres questions marquées par des caractéristiques politiques, culturelles et historiques spécifiques comme la fiscalité ou les relations sociales. La coopération intergouvernementale en de tels domaines est elle-même un aspect important de la construction européenne qui mériterait aussi d'être analysé pour mesurer son impact réel et évaluer son adaptation aux réalités et enjeux de l'Union européenne d'aujourd'hui.

    2.3   La réussite de l'approche communautaire sur les principaux objectifs communs est allée de pair avec le développement économique et l'approfondissement politique du processus d'intégration européenne. Ces réalisations lui ont également assuré une force d'attraction puissante qui s'est révélée sans alternative sur le continent européen avec des élargissements successifs, d'abord à l'ouest tant au nord qu'au sud, puis à l'est avec la chute du rideau de fer.

    2.4   Au cours des dernières années, la méthode communautaire a toutefois perdu de sa vigueur et de sa force d'entraînement. La Commission européenne n'a pas toujours semblé avoir ni les moyens ni la volonté de prendre des initiatives à la hauteur des enjeux et des attentes. Aujourd'hui cependant, l'Union européenne est confrontée à de nouveaux défis avec une mondialisation sans cesse plus impitoyable et une crise financière et économique qui met en difficulté de nombreuses entreprises, notamment les PME, et accroît les disparités sociales au détriment d'un nombre croissant de personnes qui sont en situation d'exclusion ou, à tout le moins, en grande difficulté. Les citoyens européens sont rendus de plus en plus méfiants face à une construction européenne dont ils ont l'impression qu'elle leur crée plus de problèmes qu'elle ne leur apporte de solutions.

    2.5   Le manque d'impact européen au sommet mondial de Copenhague de 2009 sur le changement climatique et l'incapacité de l'Union à réagir seule face aux difficultés financières d'un des États membres de la zone Euro ont aggravé cette impression de malaise qui a aussi agité les milieux financiers.

    2.6   Face à l'accélération du mouvement de mondialisation, l'Union européenne apparaît bien lente et empêtrée dans ses contradictions, ses complexités et ses lenteurs. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le CESE préconise de rénover la méthode communautaire pour réussir une relance indispensable afin que l'Europe trouve sa place sur la scène économique et politique mondiale. Les recommandations du CESE portent notamment sur les questions principales suivantes:

    la mise en valeur de l'identité et de l'intérêt général européens;

    l'adéquation des objectifs et des moyens;

    l'engagement de la société civile.

    3.   Mettre en valeur l'identité et l'intérêt général européens

    3.1   On ne relancera pas la méthode communautaire sans affirmer davantage l'identité commune européenne pour la promouvoir par delà les intérêts nationaux et les diversités. Ainsi, il ne sert à rien de multiplier les prescriptions juridiques pour l'ouverture des marchés publics si les États membres et leurs administrations nationales n'ont aucun incitatif réel à acheter européen, compte tenu des sensibilités de «leurs» contribuables et de la pression de «leurs» entreprises, dès lors que le concept d'«européen» reste assimilé à celui d'«étranger». Pourtant, face à la globalisation, seule une Europe ressoudée sur ses objectifs communs essentiels sera en mesure d'atteindre ceux-ci.

    3.2   Ceci suppose notamment la détermination d'un intérêt général communautaire. La Commission devrait davantage stimuler le débat en ce domaine, et ne pas rester en retrait comme on l'a vu encore récemment face à la crise financière et aux difficultés d'un des États membres de la zone euro. Elle paraît trop souvent ménager les susceptibilités immédiates des États membres et des administrations nationales alors que l'intérêt commun bien compris de tous aurait souvent nécessité des solutions qui font appel à la solidarité et à la notion de communauté d'intérêts.

    3.3   Il semble de plus en plus difficile pour la Commission européenne de définir et de représenter cet intérêt général européen. C'est pourtant bien là son rôle. Il faut qu'elle retrouve l'élan des années 60 et des années 80. Elle n'est plus seule aujourd'hui et la mise en place d'un nouveau triangle institutionnel avec un Parlement renforcé et un Président désigné du Conseil européen devrait l'encourager à jouer pleinement son rôle d'organe de proposition et de contrôle.

    3.4   Le Parlement européen doit jouer désormais un rôle prépondérant dans la détermination de l'intérêt général européen car il représente les citoyens. À ses côtés, les deux Comités consultatifs (CESE et CdR) devraient pouvoir jouer un rôle de levier pour stimuler et conforter les initiatives de la Commission européenne, sans négliger non plus le droit d'initiative citoyenne, ainsi que tous les autres relais de la société civile.

    3.5   La rénovation de la méthode communautaire n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une révision de la notion de «subsidiarité» qui n'a été interprétée qu'à sens unique, c'est-à-dire comme un instrument pour freiner l'application de cette méthode communautaire et la mise en place de nouvelles politiques communautaires. Une nouvelle approche plus dynamique de ce concept, fondée sur le principe que, pour des raisons d'efficacité et d'économie d'échelle, il va s'avérer de plus en plus souvent qu'il est préférable de transférer au niveau européen ce qui demande des moyens importants: infrastructures, recherche et développement, politique industrielle, défense, politique étrangère, sécurité, lutte contre les fléaux de santé, etc. Les citoyens européens sont à même de le comprendre, à condition que leurs leaders politiques nationaux cessent de leur cacher la vérité.

    3.6   Face au fossé grandissant entre citoyens et institutions européennes, il importe que l'Union détermine de nouveaux domaines d'application de la méthode communautaire correspondant à des attentes fortes des citoyens:

    3.6.1   Le temps est ainsi venu de développer des services européens d'intérêt général dans les domaines où l'évolution des situations et des enjeux les rend désormais nécessaires: protection civile, aide d'urgence internationale, services de douanes, transports, centres de recherches, réseaux à haut débits, etc. Sur ces nouvelles bases, on pourrait promouvoir des concessions européennes d'intérêt général à travers des partenariats public/privé pour développer les réseaux transeuropéens (transports, énergie, télécommunications) renforçant ainsi la cohésion et la compétitivité de l'Union européenne.

    3.6.2   Pour faciliter la vie des citoyens et des entreprises et leur faire prendre conscience de la réalité du marché unique, un certain nombre d’initiatives dont l’utilité d’intérêt général a déjà été identifiée depuis longtemps devraient être enfin prises sans délai: une politique industrielle européenne marquée par des synergies pour faire face à la mondialisation, un statut européen pour les PME, pour les fondations et les associations, un guichet fiscal unique pour les activités transfrontalières des PME, un brevet communautaire. Il faudra également développer une série d'instruments législatifs pour garantir la libre circulation des personnes dans le respect des droits sociaux et des conventions collectives. D'autres initiatives pourraient aussi voir le jour suite à des initiatives citoyennes, relayées notamment par le Parlement et le CESE, notamment en matière de sécurité d'approvisionnement énergétique, de développement durable et de protection des consommateurs.

    3.6.3   Comme le CESE l'a souligné à maintes reprises, le choix des directives dans le domaine crucial des marchés publics s'est soldé par un échec très lourd, sans doute le plus grave dans la réalisation du marché unique. Plus de 30 ans après l'acte unique européen, les marchés publics sont encore trop fragmentés. L'empilement de directives européennes très détaillées et de législations nationales additionnelles, ainsi que de multiples dérogations, ont abouti, faute d'esprit communautaire, au maintien du cloisonnement de ce qui représente 15 % du PIB européen. Dans ce domaine, comme dans d'autres où cela s'avèrerait pertinent, la Commission européenne devrait privilégier le règlement d'application directe par rapport à la directive dont la mise en œuvre implique une transposition au plan national.

    3.6.4   L'Union européenne doit investir davantage sur le «triangle de la connaissance»: éducation, recherche et innovation. L'éducation, dont on sait qu'elle est un élément clé pour le redressement de l'Europe, ne peut rester étrangère à l'Union européenne. Sur la base du succès de l'initiative Erasmus, des programmes plus ambitieux de mobilité, des échanges soutenus au travers d'un réseau européen d'universités, des initiatives particulières visant à promouvoir des compétences clés, à développer l'esprit d'entreprise et des actions en faveur des publics cibles devraient voir le jour sur le plan européen à travers une nouvelle approche d'intérêt général. En matière de recherche et d'innovation, le 8e programme cadre européen doit devenir le symbole de la nouvelle Europe et se concentrer sur des domaines tels que les nanotechnologies avec des centres de recherche communautaires, un véritable projet industriel européen et des moyens humains et financiers adéquats.

    3.6.5   L'union économique et monétaire devrait s'affirmer comme le noyau central de l'identité et de la cohésion européennes. C'est aujourd'hui loin d'être le cas, comme la dispersion des politiques nationales des pays de l'UE membres de la zone Euro face à la crise économique et financière l'a bien montré. Les membres de la zone euro devraient devenir un laboratoire avancé de l'intégration économique et financière, en développant entre eux des coopérations renforcées créant un effet d'entraînement positif pour le dynamisme et l'efficacité de l’ensemble de l’Union. Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à instaurer un «monitorage» des politiques économiques des États Membres. Selon lui ce rôle doit dépasser de très loin un rôle purement comptable de type OCDE et prendre en compte les priorités politiques des citoyens de l'Union, notamment en termes de cohésion sociale, de lutte contre l'exclusion, de création d'emplois et de développement de la créativité et de l'esprit d'entreprise.

    3.6.6   L'Union européenne, forte de sa monnaie unique, doit parler également d'une voix unique dans le cadre des concertations économiques et financières internationales, notamment celui du G20 et consolider au niveau européen ses participations au FMI et à la Banque mondiale.

    3.6.7   Le renforcement de la politique extérieure européenne est un élément clé du traité de Lisbonne. Il comporte notamment la création d'un service diplomatique, d'un poste de haut représentant (cumulé avec la fonction de vice-président de la Commission) et la création de délégations de l'Union européenne dans les pays tiers remplaçant les délégations de la Commission européenne. Il importe de mettre en œuvre de manière ambitieuse le traité afin que l'Europe parle effectivement d'une seule voix, ait un discours à l'extérieur plus ferme et plus cohérent et, dans le même temps, organise d'une manière structurée sur les plans politique, économique, culturel, scientifique et commercial, une véritable coordination des actions extérieures en lieu et place des petites rivalités qui ne font qu'affaiblir la position de l'Union.

    4.   Assurer l'adéquation des objectifs et des moyens

    4.1   Si beaucoup d'objectifs communautaires n'ont été que partiellement réalisés, c'est souvent faute de détermination quant à leur pleine réalisation, ainsi que d'y avoir consacré les moyens communs nécessaires.

    4.1.1   Ainsi, concernant la relance du marché intérieur, le rapport de Mario Monti (1) émet des suggestions très pertinentes pour assurer enfin sa réalisation effective: dynamisation du réseau SOLVIT, évaluation de la mise en œuvre des directives, implication des administrations nationales, des parlements nationaux et de la société civile, suppression des derniers goulets d’étranglement notamment en ce qui concerne la mobilité des personnes. Le CESE recommande donc que ce rapport, après une consultation adéquate des composantes de la société civile, soit suivi d’un plan d’action précis avec un calendrier de mise en œuvre.

    4.1.2   Un appui budgétaire de l'Union, sous la forme appropriée (dotations budgétaires, prêts, partenariats public/privé, etc.), sera nécessaire pour répondre aux nouveaux domaines d'application de la méthode communautaire. Le succès de la CECA en 1951 a été fondé sur une adéquation des moyens par rapport aux objectifs. Le budget actuel de l'Union (moins de 1 % du PIB) est bien trop faible pour réaliser les objectifs attendus par les citoyens dans tous les domaines où celle-ci devrait intervenir par souci d'une meilleure efficacité. Une croissance régulière du budget entre 2013 et 2020 vers un objectif de 2 % du PIB parait un objectif atteignable et nullement opposable, compte tenu des économies d'échelle, aux exigences de réduction des dettes publiques des États membres – dans la mesure également où le principe de transferts budgétaires du niveau national vers le niveau européen sera compris par les gouvernements et bien expliqué aux citoyens. Il permettrait notamment de financer les besoins en investissements et en grands réseaux, de soutenir le triangle de la connaissance (éducation, recherche, innovation), de renforcer la politique de cohésion et de donner à l'Union les moyens humains et financiers de sa politique extérieure.

    4.1.3   Pour financer cet effort d'ici 2020, l'UE aura besoin de ressources propres, ainsi que d'une meilleure coordination entre budgets nationaux et budget européen. Face au déficits grandissants des finances publiques après la crise financière de 2008, il sera facile de démontrer qu'on réduira plus vite la dette, sans pour autant pénaliser la croissance, en mettant en commun ses ressources pour financer des dépenses publiques comme la défense, la sécurité aux frontières, les aides extérieures, la recherche, la politique industrielle, etc. Les États membres doivent manifester leur volonté politique de s'engager sur cette voie.

    4.1.4   Face à la crise financière, un premier pas significatif aurait été de créer un véritable Fonds monétaire européen d'intervention et de stabilisation de la zone euro (une sorte de Réserve fédérale européenne) permettant d'affronter de façon solidaire les difficultés rencontrées par l'un des membres de celle-ci. Il aura fallu la chute de l'euro et l'aggravation de la crise dans un État membre, pour que ces États établissent l'embryon d'un tel Fonds et se décident à intervenir, non plus sur un plan bilatéral, mais de manière collective - tout en continuant par ailleurs de requérir l'aide additionnelle du FMI.

    4.1.5   De plus, il apparaît clairement que la réalisation des objectifs d'intégration et de cohésion nécessiterait une meilleure allocation des moyens européens pour appuyer davantage les programmes transfrontaliers, auxquels seul 1 % du budget est consacré, alors qu’ils constituent des points de soudure indispensables au bon fonctionnement du marché unique. La réussite de la stratégie 2020 repose tant sur la question des moyens que sur une adhésion effective des citoyens à ses objectifs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

    4.2   L'Europe des 27 ne peut plus se gouverner comme l'Europe des 6. Le triangle institutionnel réserve à juste titre une place plus importante au Parlement européen. Il convient aussi que les institutions et la pratique donnent au plus vite de la consistance au droit d'initiative citoyenne qui doit devenir un véritable instrument de démocratie.

    4.2.1   L'extension des compétences communautaires est allée de pair avec l'extension de la procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil. Par contre, les traités successifs qui ont organisé ces nouvelles règles n'ont guère adapté en conséquence les procédures de consultation. Le CESE est aujourd'hui saisi de projets de la Commission lorsque débute la procédure de codécision, alors qu'il devrait l'être bien en amont de celle-ci.

    4.2.2   Le CESE assurerait plus efficacement son rôle consultatif en étant saisi avant les codécideurs, dès que l'analyse préalable d'impact a été élaborée. Le concept d'avis exploratoire prendrait alors tout son sens. L'avis du Comité pourrait ainsi être joint avec l'analyse d'impact à la proposition de la Commission transmise aux codécideurs. Le rapporteur du CESE devrait également pouvoir être entendu par la commission compétente du Parlement européen.

    4.2.3   La Commission devrait également assurer des consultations appropriées lorsqu'elle envisage le retrait d'une proposition précédemment faite, tout particulièrement lorsque celle-ci concerne directement les acteurs de la société civile. Ainsi, la Commission n'aurait pas du retirer sans consultation le projet de statut européen des associations.

    4.2.4   En matière de gouvernance, l'Union doit assurer de façon plus active le principe d'égalité entre hommes et femmes en permettant à celles-ci d'accéder en position d'égalité aux centres de décision et de consultation.

    4.3   Le traité de Lisbonne a de nouveau étendu le champ des décisions prises à la majorité qualifiée, qui deviennent ainsi la règle du fonctionnement de l'Europe à 27. L'unanimité n'en demeure pas moins encore requise en certains domaines pourtant très liés aux affaires communautaires, comme par exemple la fiscalité. L'expérience indique clairement qu'une telle exigence bloque facilement le fonctionnement de l'Union dans les domaines où l'unanimité existe encore. Il est ainsi pour le moins paradoxal que l'Union n'ait pas réussi, malgré les intentions maintes fois réitérées du Conseil européen, à débloquer l'adoption du brevet communautaire, toujours soumise à l'unanimité, alors même qu'elle ambitionnait de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde !

    4.3.1   Plusieurs précédents indiquent pourtant que la méthode communautaire a parfois permis de trouver, quand il le fallait, des moyens pour contourner l'obstacle de l'unanimité. Ainsi, le protocole social et la charte des droits sociaux fondamentaux ont-ils pu être déjà engagés à 11, le Royaume-Uni n'ayant rejoint les autres qu'ultérieurement. Ne pourrait-on s'inspirer d'une telle flexibilité dans d'autres domaines où le problème d'un blocage se pose aujourd'hui, comme le brevet communautaire ou l'harmonisation de l'assiette fiscale des sociétés?

    4.3.2   L'UEM est sans doute un bon exemple d'une coopération renforcée réussie, qui a démarré autour d'un groupe limité de pays tout en étant ouverte à ceux qui ont la capacité de s'y intégrer. Mais l'Eurogroupe n'est toujours pas parvenu, face à une Banque centrale européenne à caractère fédéral, à développer une gouvernance économique commune à la hauteur de l'union monétaire. Le retard engrangé au cours des années 2000 est aujourd'hui préoccupant. À défaut d'être progressivement résorbé au cours de la nouvelle décennie 2010, il met en danger la cohésion, la compétitivité et les emplois de la zone euro, sans oublier bien sûr la pérennité même de l'euro. Pour y remédier, il faudrait impérativement revoir le fonctionnement de l'Eurogroupe dans un sens d'efficacité et de transparence, notamment en faisant en sorte que les chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro se réunissent régulièrement (et pas seulement en situation de crise) et en élargissant les réunions aux autres ministres concernés par la tenue de l'euro: affaires sociales, industrie, etc.

    4.4   Avec une Europe de 27 États membres, la question de la transposition correcte des directives et de l'euro-compatibilité des politiques nationales prend bien sûr une dimension clé. Rien ne sert de faciliter l'adoption des directives si les États membres renâclent à les mettre en œuvre dans les délais prescrits ou surajoutent des dispositions nationales superfétatoires.

    4.4.1   La Commission devrait développer ses tableaux d'affichage de la transposition des directives qui permettent une pression souvent efficace sur les États membres en situation fautive. Les différentes composantes de la société civile organisée devraient être consultées sur ces situations.

    4.4.2   Les aides communautaires devraient davantage se focaliser, lorsque cela s'avère nécessaire, sur l'amélioration des conditions dans lesquelles les États membres transposent et appliquent la réglementation commune et la levée des obstacles et frictions qui existent encore en ces domaines.

    5.   Promouvoir l'engagement de la société civile

    5.1   On a trop eu tendance à oublier l'objectif de la construction européenne énoncé par Jean Monnet: «nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes». La défiance manifestée par les électeurs lors des consultations menées ces dernières années sur le devenir de l'Europe doit conduire à s'interroger sur les modes de participation de la société civile, aujourd'hui clairement insuffisants.

    5.2   La réglementation communautaire reste élaborée dans des conditions trop éloignées des citoyens. Leurs attentes justifiées en termes de libertés, de sécurité et de simplification sont trop souvent déçues par les blocages ou les compromis, trop au rabais, des États membres et de leurs administrations nationales. C'est pourquoi il faudrait développer la participation de représentants de la société civile, notamment des usagers, dans les comités de réglementation, à l'instar des méthodes expérimentées par les projets de simplification SLIM mais cette fois en amont, lors du processus d'élaboration de la réglementation, plutôt qu'en aval, quand celle-ci a déjà été adoptée et qu'on s'avise de vouloir en corriger les défauts les plus mal ressentis par ces usagers !

    5.3   Il est également impératif de reconnaître aux acteurs de la société civile des espaces européens de liberté et de responsabilité leur permettant de définir des règles communes qui les concernent, par des pratiques autonomes d'autorégulation, ou de préciser certains aspects de la réglementation publique en leur domaine, par des invitations du législateur à élaborer des corégulations. L'autonomie contractuelle des partenaires sociaux européens leur a été reconnue par le traité de Maastricht, à leur demande expresse. Sans que le traité l'ait explicitement prévu, de telles approches se sont également développées dans d'autres domaines: normalisation technique, reconnaissances professionnelles, prestation de services, commerce, et notamment le e-commerce, sécurité des livraisons et des paiements, droits des consommateurs, énergie, environnement. Le Comité les a recensées et appuyées dans un rapport d'information. Un accord interinstitutionnel européen de 2003 en a encadré les modalités. Il faut à présent que le législateur européen aménage dans sa réglementation des espaces de liberté encourageant ces pratiques, sous son contrôle et en complémentarité avec lui. Cet appui devrait également concerner les modes alternatifs de règlement des conflits, telles que conciliations et médiations.

    5.4   On ne fera pas progresser l'Europe si on n'encourage pas les Européens à se ressentir et à agir comme tels. Ceci suppose de leur donner les outils communs qui leur manquent encore: des droits économiques et sociaux plus clairs, des procédures plus simples, des moyens juridiques plus autonomes, de véritables statuts communs (cf. associations, sociétés, fondations). C'est d'abord au niveau local (des citoyens, des associations, des élus locaux) que l'Europe doit être ressentie comme une nécessité et devenir une ambition et une fierté commune.

    5.5   Il faut donc engager un programme pluriannuel, avec un calendrier précis couvrant toute la décennie 2010, pour donner aux Européens eux-mêmes les moyens de jouer ensemble un rôle moteur, sans lequel il n'y aura pas de rénovation possible de la méthode communautaire.

    5.6   Le CESE, le CdR et les grandes organisations européennes de la société civile qui sont liées aux trois Groupes du Comité («Employeurs», «Travailleurs salariés» et «Activités diverses»), pourraient, avec l'appui indispensable du Parlement européen, imaginer de lancer une vaste consultation sur les thèmes majeurs d'intérêt général pour la prochaine décennie susceptibles de bénéficier d'une relance de la méthode communautaire, c'est-à-dire en fait de nouvelles politiques communes.

    Bruxelles, le 21 octobre 2010.

    Le président du Comité économique et social européen

    Staffan NILSSON


    (1)  Une nouvelle stratégie pour le marché unique au service de l'économie et de la société européenne – Rapport au Président de la Commission européenne présenté par Mario Monti le 9 mai 2010.


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