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Document 52010AE1366

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la “Mobilisation des investissements privés et publics en vue d'une relance de l'économie et d'une transformation structurelle à long terme: développement des partenariats public-privé” » COM(2009) 615 final

JO C 51 du 17.2.2011, p. 59–66 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

17.2.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 51/59


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la “Mobilisation des investissements privés et publics en vue d'une relance de l'économie et d'une transformation structurelle à long terme: développement des partenariats public-privé”»

COM(2009) 615 final

2011/C 51/12

Rapporteur: M. HUVELIN

Le 19 novembre 2009, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mobilisation des investissements privés et publics en vue d'une relance de l'économie et d'une transformation structurelle à long terme: développement des partenariats public-privé».

COM(2009) 615 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 septembre 2010.

Compte tenu du renouvellement du mandat du Comité, l'Assemblée plénière a décidé de se prononcer sur cet avis au cours de la session plénière d'octobre et a désigné M. HUVELIN rapporteur général, conformément à l'article 20 du règlement intérieur.

Lors de sa 466e session plénière du 21 octobre 2010 le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Introduction

1.1   La Commission vient de publier une communication intitulée: «Mobilisation des investissements privés et publics en vue d’une relance de l’économie et d’une transformation structurelle à long terme: développement des partenariats public-privé» (PPP) en date du 19 novembre 2009, dans laquelle elle donne les directions de son action pour l’avenir.

Ce document représente une initiative louable et peut être considéré comme une réflexion de base intéressante sur les PPP, d'une actualité brûlante, dans un contexte où il est nécessaire de mobiliser les investisseurs publics et privés, tout particulièrement en période de crise financière, et où l'on a pu observer en 2009 une baisse importante du nombre et du volume de ces partenariats. Le document constitue à la fois un inventaire des leurs avantages et des leurs spécificités, et une analyse des raisons qui ont pu, dans les dernières années, freiner le développement de leur utilisation. Il convient toutefois de tenir compte également de certains inconvénients potentiels inhérents aux PPP et de l'expérience de certains opérations passées (l'on pense ici aux coûts de transaction, aux risques de renégociation des contrats, à l'affaiblissement à moyen ou long terme de l'intensité de la concurrence, à l'augmentation des coûts à laquelle on peut souvent s'attendre à long terme, aux clauses qui figurent, éventuellement sous forme dissimulée, dans des dispositifs contractuels compliqués et sont défavorables à long terme aux pouvoirs publics, ou encore à la disparition du contrôle démocratique) – ainsi que des problèmes, que posent, à la faveur des prescriptions d'EUROSTAT, le contournement de la déclaration des déficits budgétaires et, partant, les fausses incitations (avec les augmentations inhérentes de coûts).

La Commission y déclare, notamment, qu’elle entend «chercher de nouveaux moyens de favoriser l’essor des PPP». Sa communication devrait être complétée par des propositions visant à poursuivre l'élaboration du cadre institutionnel qui permette de circonscrire les problèmes et les inconvénients liés aux PPP.

Les arguments en faveur des PPP que mentionne la communication sont les suivants:

réduire les dépenses d’infrastructure, en tirant parti de l’efficience économique et du potentiel d’innovation offerts par un secteur privé compétitif;

répartir le coût du financement de l’infrastructure sur toute sa durée de vie;

améliorer le partage des risques entre le secteur public et le secteur privé;

stimuler les efforts consentis en matière de développement durable, d’innovation et de recherche et développement;

conférer au secteur privé la possibilité de jouer un rôle moteur et central dans l’élaboration des programmes industriels, commerciaux et d’infrastructures majeures;

enfin, d’accroître les parts de marché des entreprises de l’Union Européenne dans le domaine des marchés publics des pays tiers.

Rappelons, enfin, en tant que de besoin que, dans l’esprit de la Commission, la notion de partenariat public-privé recouvre tout aussi bien ce qui a trait aux contrats de concessions (paiements assurés par l’usager de l’ouvrage) que ce qui a trait au contrat de partenariat public-privé, avec paiement, total ou partiel, par l’autorité publique.

1.2   Les cinq objectifs affichés par la Commission pour 2010

La Commission propose dans sa communication:

de mettre en place un groupe PPP dans lequel les acteurs concernés pourront débattre des préoccupations rencontrées, définir les orientations pour aider les États membres à alléger les contraintes administratives et raccourcir les délais de mise en œuvre;

de renforcer, de concert avec la BEI, les ressources financières disponibles pour les PPP, en élaborant ou améliorant les instruments financiers dans les domaines clés de son action;

de veiller à ce qu’en cas de financements communautaires, l’allocation des fonds publics ne fasse l’objet d’aucune discrimination fondée sur le gestionnaire de projet (privé ou public);

de mettre en place un cadre plus efficace pour l’innovation, notamment la possibilité pour l’Union européenne de participer à des entités de droit privé et d’investir directement dans des projets spécifiques;

enfin, de réfléchir à la présentation d’instruments législatifs spécifiques, concernant les concessions, en se basant sur les résultats de l’analyse d’impact en cours.

1.3   L’examen du texte de la Commission conduit toutefois à considérer que quelques aspects moins positifs constatés dans le cas de certains pays ou de certains contrats, ne sont pas évoqués. Il s’agit notamment des échecs qui ont pu être rencontrés dans le déroulement de certaines opérations, et qu’il convient de mentionner, essentiellement pour en tirer des conséquences dans les propositions soutenues par le CESE. Les principales causes d’échec qui ont pu être répertoriées portent essentiellement:

la transparence insuffisante dans certains pays ou pour certains contrats, ou des analyses de rentabilité, des rapports d'efficacité etc. entre les partenaires publics et privés, y compris des contrats de sous-traitance à d'autres entreprises qui entrave le contrôle démocratique.

sur les éventuelles pressions qui peuvent s'exercer sur les décideurs politiques pour les pousser à conclure certains PPP qui subiront des hausses de coûts. En effet, dans le cadre de ceux où, en début de la période contractuelle, l'investissement en construction est financé en premier lieu avec des capitaux privés, les projets (d'infrastructure) peuvent certes être réalisés en avance – en comparaison avec une réalisation traditionnelle financée par les budgets publics – en vertu des prescriptions budgétaires actuelles d'EUROSTAT, mais dans le cas de PPP où la rémunération de l'opérateur provient du budget, le financement privé vient indirectement accroître l'endettement de l'État, étant donné que tout comme pour l'endettement public, le financement privé débouche sur engagements de paiement, qui viennent limiter les marges de manœuvre du législateur pour les exercices suivants;

sur l’absence, dans certaines situations, d’une véritable évaluation préalable permettant un choix objectif tant de la procédure de PPP que de l’attributaire du contrat.

en certaines circonstances, sur une répartition des risques entre le public et le privé sortant du principe de vrai partenariat entre les acteurs.

Enfin, dans certains cas, sur des lacunes dans le contrôle par les autorités publiques compétentes.

Tous ces points ont été pris en compte dans les propositions du CESE.

1.3.1   La proposition du CESE est ainsi orientée autour de trois idées:

1.3.2   D'abord, être conscients qu’une approche sérieuse par le CESE peut permettre d’avoir une réelle influence sur un tel sujet, important pour l’avenir des infrastructures en général (donc sur la croissance économique et la gestion publique), en n’oubliant jamais qu’il s’agit ici de contribuer – non sans conserver un regard critique – à l’élaboration d’un outil à l’usage des donneurs d’ordres publics, ceux-ci gardant naturellement dans tous les cas toute liberté de l’utiliser ou de ne pas l’utiliser.

Le CESE a l’ambition d’être un véritable moteur sur ce sujet, en contribuant à développer et à promouvoir les bonnes pratiques observées, tout en veillant à en circonscrire les fausses incitations, à mettre en lumière et à résoudre les problèmes qui en résultent en matière de contrôle démocratique et sociétal et à prendre dûment en compte les incidences des PPP, domaine où beaucoup reste à faire pour que l’outil proposé soit le meilleur possible.

1.3.3   Ensuite, il convient, en tenant compte des bonnes pratiques observées et des échecs rencontrés dans certains cas, de suggérer des additions dans le document de la Commission pour donner à cet outil qu’est le PPP une base acceptable dans tous les États membres, mais aussi pour tenir compte des résultats positifs enregistrés comme des difficultés rencontrées dans son application et mettre en place les dispositions pour les éviter dans le futur.

1.3.4   Le CESE demande à ce que l’application des dispositions contractuelles du PPP se fasse en respectant l’ensemble des lois et réglementations sociales applicables aux activités concernées (conception, construction, maintenance). Il y a lieu de reconnaître aux autorités compétentes la faculté de s'attacher à ce que le transfert du personnel permanent s'effectue aux conditions existantes. Le CESE recommande à ce propos que les collectivités concernées par les contrats de PPP intègrent ces exigences sociales dans leurs cahiers des charges et prennent en compte les réponses apportées dans les négociations avec les adjudicataires. Il devra en être de même pour tout ce qui a trait à l’accessibilité aux personnes handicapées des installations réalisées dans le cadre de PPP en application des lois et règles en vigueur dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.3.5   Puisque les projets de PPP mobilisent des fonds publics et qu'il doit s'agir là d'une libre décision des donneurs d'ordre publics, le CESE demande que:

les contrats de projets de PPP soient rendus publics;

l'on réfléchisse à la modification des règles d'EUROSTAT de manière à ce que dans le cadre du contrôle du respect des règles budgétaires pour des projets, le capital extérieur engagé dans le cadre de projets de PPP soit éventuellement pris en compte de la même manière que les financements publics réalisés de manière traditionnelle, au titre d'un financement par le budget.

2.   Place économique et arguments en faveur des PPP en Europe

Selon Business Europe, à peine 4 % des projets d’infrastructures dans le monde font aujourd’hui l’objet de PPP. Le Royaume Uni est l’État membre, en Europe, qui signe le plus de contrats de partenariat public privé (58 % du total européen), les principaux autres pays utilisateurs de l’outil PPP étant l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal.

Dans la mesure où l’OCDE estime que les coûts annuels pour les routes, les chemins de fer, l’électricité et l’eau s’élèvent, en 2030, à 2,5 % du PIB mondial, il est impératif que les pouvoirs publics mettent en œuvre toutes les formes possibles de contrats permettant de répondre aux attentes et aux besoins de services et d’infrastructures publiques: l’impact historique des contrats de concessions et de PPP est, face à ce problème, une réalité incontournable, car il démontre qu’en mobilisant les compétences, les énergies et les capitaux, les PPP peuvent soutenir fermement la croissance économique, et ce d’autant plus qu’on doit intégrer dans la réflexion la réduction attendue des budgets d’investissement dans le cadre des plans d’austérité de la quasi totalité des pays européens.

2.1   Les arguments en faveur des PPP sont largement évoqués dans le document de la Commission. Celui-ci ne souligne toutefois pas les échecs de certains projets réalisés dans le cadre de PPP, dont les causes sont les suivantes:

des projets sont réalisés au moyen de PPP alors que cette approche n'est pas adéquate; à cet égard, il convient de souligner qu'un transfert des différents niveaux de création de la valeur à des entreprises privées conjugué à une attribution des risques (des coûts) à ces entreprises ne produit pas nécessairement des gains d'efficacité. Des gains d'efficacité pourraient être possible notamment si un certain nombre de conditions sont réunies (incertitude environnementale limitée, haut potentiel d'optimisation entre les différents niveaux de création de valeur, pas de faible intensité de concurrence, savoir-faire du secteur public en matière de développement, de passation et de contrôle de marchés et autres éléments connexes);

certains PPP ont été réalisés qui donnent lieu à une augmentation des coûts; en effet, compte tenu des prescriptions budgétaires actuelles d'EUROSTAT, dans le cas de PPP pour lesquels les investissements dans les travaux sont financés essentiellement par des capitaux privés au début du contrat, les projets (d'infrastructure) peuvent être réalisés de manière précoce par rapport à des projets bénéficiant d'un financement budgétaire traditionnel. Les PPP dans le cadre desquels l'exploitant est rémunéré par des fonds issus du budget peuvent toutefois se traduire indirectement par une augmentation de la dette de l'État. En effet, comme dans le cas d'un emprunt d'État, certains PPP impliquent des obligations de paiement futures qui limitent la marge de manœuvre du législateur pour l'exercice budgétaire suivant. La réalisation de PPP qui revient à contourner le principe de base de la limitation budgétaire des emprunts publics doit être rejetée du point de vue économique. En outre, les décideurs politiques et autres acteurs concernés perdent tout intérêt pour un contrôle objectif de la rentabilité des projets en question;

la transparence de certains contrats entre les partenaires publics et privés, y compris les contrats conclus avec des entreprises sous-traitantes est insuffisante;

compte tenu du fait que la transparence des contrats, contrôles de rentabilité, rapports de performance, etc. est insuffisante, les différents problèmes d'opportunisme qui se posent avec ces contrats à long terme, complexes et prévoyant des possibilités de préfinancement ne peuvent être suffisamment maîtrisés et faire l'objet d'un contrôle démocratique;

dans certains cas l'absence d'une véritable évaluation préalable permettant un choix objectif tant de la procédure de PPP que de l’attributaire du contrat;

dans certains cas une répartition des risques entre le public et le privé sortant du principe de vrai partenariat entre les acteurs;

enfin, dans certains cas, les lacunes dans le contrôle par les autorités compétentes, en particulier concernant les conséquences sur les budgets publics et la qualité des prestations.

Afin de mieux cadrer les compléments à apporter dans son avis le CESE adopte une présentation légèrement différente, tenant compte de ce qui peut paraître comme une hiérarchie plus réaliste dans les avantages et les inconvénients de l’utilisation du PPP.

2.1.1   On a trop souvent tendance à considérer que le premier argument à prendre en compte dans le choix éventuel d’un contrat de PPP est l’argument budgétaire: sans vouloir l’occulter (nous y reviendrons plus loin), il semble qu’un examen approfondi et l’expérience acquise montrent que ce n’est pas, en regard du bilan économique général, l’élément fondamental.

Le premier argument pouvant justifier le recours au PPP est l’optimisation du facteur temps. Tous les observateurs impartiaux et attentifs des opérations de PPP constatent:

que le recours au PPP permet de lancer un équipement public beaucoup plus rapidement que ne le permettent les procédures classiques. Cet avantage de temps provoque une «utilité sociale» qu’on ne sait pas encore bien mesurer, mais qui est, de toute évidence, importante. Cette utilité sociale se traduit en général par une augmentation de l’activité économique, engendrant elle-même des recettes fiscales, qui viennent atténuer l’effort financier de la collectivité.

que l’on gagne souvent sur les délais de préparation et d’études par rapport à la commande publique classique dans la mesure où l'ensemble des choix, relevant de ses compétences, ont été faits par le client public;

enfin que l’on respecte mieux les délais de réalisation, du fait de la plus grande responsabilisation des exécutants.

Ces gains potentiels sur les délais devraient ainsi pouvoir être perçus comme l’atout majeur du contrat de PPP, même si parfois ils peuvent sembler se trouver en opposition avec les habitudes historiques des maîtres d’ouvrage, et de leur utilisation presque routinière des procédures classiques.

En particulier, en période de plans de relance et de sortie de crise, le PPP peut être un accélérateur formidable de l’exécution des décisions prises, et être un outil de premier ordre pour donner à l’effet de relance attendu, la vitesse qui en multipliera les résultats.

2.1.2   Le deuxième argument en faveur du PPP, c’est sa capacité naturelle à favoriser la cohérence d’un projet, donc l’efficacité économique maximale pour la collectivité.

Cela est dû, comme évoqué dans le texte de la Commission, à l’intégration la plus complète de la chaîne de production, de la conception à la maintenance et à l’exploitation, en passant par la réalisation proprement dite de l’infrastructure concernée.

Par nature, dans ce contexte, le concepteur sait qu’il doit optimiser les processus et la qualité de la construction, parce qu’il aura ensuite, dans la durée, à en assumer l’exploitation, et qu'il devra laisser à la collectivité, au terme de son contrat, un ouvrage en bon état de marche, dans le respect des normes et règlements de réalisation. Sa réflexion est, de ce fait, naturellement intégratrice, ce qui est beaucoup plus difficile à obtenir dans le cas, typique des marchés publics, d’une division des tâches et des responsabilités qui y sont attachées.

2.1.3   Le troisième des arguments principaux justifiant le recours aux PPP est naturellement celui du financement.

On imagine aisément le cas du décideur public, gestionnaire d’un budget, dont il connaît les limites, et qui recherche les moyens de réaliser un équipement dont la collectivité qu’il gère a besoin: il peut rechercher dans le contrat de PPP, la solution financière à un problème qu’il sait ne pas pouvoir résoudre dans le cadre de ses procédures budgétaires.

Avant de revenir plus loin sur les propositions que nous pourrions faire pour élargir les solutions financières du PPP en général, on peut s’interroger, devant ce type de situation, sur les limites – que tout le monde connaît depuis longtemps, sans oser y toucher – des règles de la comptabilité publique dans la quasi-totalité des pays européens, et notamment de l’impossibilité «comptable» d’étaler sur son temps d’utilisation normale, la prise en compte du coût d’un investissement public.

Le financement par le contrat de PPP, qui permet de répartir, pour la collectivité, cette charge sur une durée normale d’amortissement, n’est-il pas un premier pas vers une modification, souhaitée par beaucoup, de règles de comptabilité publique, qui freinent de plus en plus de décisions et qui ne reflètent jamais des réalités patrimoniales souvent évidentes?

Encourager, au travers du modèle du PPP, le lancement d’une réflexion politique sur ce thème, pourrait être une façon pour l’Union européenne de faire preuve de pragmatisme. Dans certains pays, d’ailleurs, l’introduction du PPP a été présentée comme un premier pas en direction de la nécessaire réforme de la gestion publique et des outils qu’elle utilise.

2.2   Avant que des décisions politiques importantes ne soient prises, le CESE demande que l'on effectue une étude d'impact globale et une évaluation indépendante des avantages et inconvénients que présentent les projets de PPP, et que l'on consulte et valorise les propositions des partenaires sociaux, y compris les organisations représentatives des PME. À cet égard, il conviendrait d'examiner la rapidité des processus, la question des coûts, la qualité des prestations et les conséquences sociales pour les travailleurs et les utilisateurs. Le CESE considère qu'il est important que les petites et moyennes entreprises bénéficient aussi de meilleures possibilités de participer aux PPP.

3.   Les pistes de réflexion du CESE

Elles doivent rester en harmonie avec les trois arguments développés (délai – cohérence au sein du projet – solutions financières) et s’inscrire à l’intérieur des propositions de la Commission et du contexte législatif et règlementaire existant.

Ces propositions sont regroupées en deux catégories:

ce qui a trait au financement, en général.

ce qui a trait aux structures juridiques, en essayant de distinguer ici dans ce qui existe:

ce qu’il faut garder,

ce qu’il faut modifier,

ce qu’il faut développer.

Elles doivent aussi clairement tenir compte des trois exigences fondamentales pour cette procédure particulière, comme elles le sont pour toutes les procédures de passation de contrats publics à savoir:

l’évaluation préalable, qui permet de justifier à la fois la réalisation de l’investissement projeté et le choix de la procédure retenue par le donneur d’ordre;

la transparence, dans la consultation et le choix initial ainsi que dans le déroulement de l’opération;

enfin le contrôle, tant par les autorités administratives en charge de cette fonction que par les assemblées élues, responsables des budgets en jeu.

3.1   Au plan financier

Sur ce plan quatre pistes essentielles sont mises en évidence.

3.1.1   La définition du PPP dans les procédures EUROSTAT doit être reformulée de manière à ce que les dépenses publiques liées à des projets de PPP apparaissent d'une manière similaire aux obligations de paiement dans le domaine des marchés publics classiques dans le cadre de l'endettement public.

3.1.2   Le rôle des fonds structurels a, jusqu’à présent, été peu ressenti dans le financement des PPP: n’est-ce pas paradoxal, alors qu’il y a, par nature, une parfaite concordance entre les objets en cause?

Même s’il y a déjà eu sur ce plan quelques expériences (sept pays y ont eu recours), il est probable que l’on peut faire beaucoup mieux, et sans doute en faisant davantage de pédagogie auprès des États et des collectivités publiques potentiellement concernées, pour les conduire à une perception globale de l’outil PPP, capable de s’associer à tout type de financement public, et en priorité, naturellement, ceux en provenance des autorités européennes.

3.1.3   Comme le propose la Commission, le fait de demander à la BEI de jouer, avec sa compétence, un rôle pivot dans la politique de financement des PPP en Europe, doit s’imposer comme une évidence, à la fois dans un rôle de coordination et de conseil dans les actions entreprises dans ce domaine, mais aussi dans un rôle d’accompagnement des montages financiers, qui nécessitent dans les périodes de crise actuelle, de plus en plus de compétence et de savoir faire.

La BEI a, dans ces domaines, le double avantage de la compétence technique et de la nécessaire neutralité politique. Elle pourrait ainsi jouer un rôle permanent d’interface avec les organes nationaux ou locaux de contrôle.

Cela conduit à lui demander une assistance toute particulière:

dans l’élargissement souhaitable du rôle opérationnel de l’EPEC (Organisme spécifiquement créé auprès de la BEI pour suivre les opérations de PPP en Europe), autour duquel il conviendrait de bâtir l’organisme public européen nécessaire au suivi et au pilotage de la politique commune dans le domaine du PPP, ainsi que de l’assistance pratique auprès des États membres. L’organisation et le suivi de l’aide aux collectivités de petite taille, sans moyens adéquats, devrait faire partie des missions nouvelles de l’EPEC;

dans la création et le pilotage d’un groupe d’experts privés (d’une composition équitable: représentants des employeurs, des syndicats et de la société civile, y compris des organisations représentatives des PME, financiers, juristes etc.), qui constituerait une intéressante interface avec les experts publics qui constituent l’EPEC, dans une approche consultative;

dans le suivi systématique de l’ensemble des contrats de PPP au niveau européen;

enfin, dans la mise sur pied des mécanismes de refinancement des PPP, au-delà de leur période de construction, notamment en mobilisant le marché obligataire, comme proposé au joint 3.1.4 ci-dessous.

3.1.4   L’examen du PPP montre qu’au plan financier, ses caractéristiques de base (durée longue – signatures publiques de première qualité) en font un outil potentiel exceptionnel pour la collecte de l’épargne sur le marché, y compris de celle qui est liée à la préparation des retraites.

Certains pays travaillent déjà activement pour créer un ou plusieurs fonds spécialisés, ayant accès au marché financier et voué, au-delà de la période de construction (et donc des risques délai et coût qui peuvent y être attachés) au refinancement des opérations de PPP. La création, au niveau européen d’un tel outil pourrait être appréciable, sa gestion technique pouvant être assurée, au moins dans une phase de lancement par la BEI.

Dans le même temps, le Comité fait toutefois observer que de nombreux projets de PPP consistent en services d'intérêt (économique) général). Dans ce cas, il convient, au-delà des critères purement financiers, de veiller à ce que ses prestations soient de bonne qualité, accessibles et d'un prix abordable.

3.2   Au plan juridique et réglementaire

Le CESE entend exercer une influence durable pour qu'il ne soit fait recours aux PPP qu'au seul cas où, si on les considère sur le long terme et que l'on prend dûment en compte les coûts de transaction, les problèmes de renégociation, etc., ils sont susceptibles de déboucher sur une réduction des coûts, dans le respect de certaines conditions générales fixées par le politique (normes sociales, qualité des prestations, etc.). Dans le même temps, il y a lieu d'éliminer les incitations au préfinancement, qui soulignent l'urgence d'une réflexion sur la réforme des critères d'Eurostat. L'examen des PPP montre que la complexité qui les caractérise, combinée dans certains pays ou pour certains contrats avec un manque de transparence (en matière de contrats, d'analyses de rentabilité, etc.), les soustrait pour certains d'entre eux à un contrôle démocratique. En conséquence, la Commission est instamment invitée à sensibiliser les États membres aux problèmes inhérents à une telle situation.

Nous présentons la situation existante ci-dessous en trois rubriques: dans ce qui existe,

Que faut-il garder en l’état?

Que faut-il modifier?

Que faut-il développer?

3.2.1   Que garder des textes actuels?

Sur ce plan des textes et du droit, on ne trouve, en fait, aucune définition précise de ce qu’est un PPP au regard de l’ensemble des dispositions qui règlent les marchés publics, les concessions et tout ce qui relève de la réalisation des infrastructures.

À l’examen, et compte tenu de l’expérience acquise dans les nombreux pays déjà utilisateurs de PPP, il semblerait que cette absence de définition étroite au niveau européen, ne soit en rien une gêne tant pour le développement des opérations que pour leur suivi par les autorités européennes.

Si l’on déduit du silence de la Commission qu’elle ne ressent pas le besoin d’une définition plus précise il semble que le CESE peut et doit partager ce point de vue, qui laisse les États membres garder la maîtrise d’une définition adaptée à leur contexte particulier et à leurs habitudes.

Ce point de vue laisse ainsi ouverte la question du maintien en l’état de certains textes actuellement en vigueur, en rappelant qu’un vote récent du Parlement européen recommande dans le domaine des marchés publics, d’utiliser d’abord les textes existants plutôt que de rechercher à en élaborer de nouveaux.

Vu ce contexte, le CESE recommande que l'on conserve la directive 2004/18 qui traite de la seule concession de travaux, pour ce qui est de la procédure de passation des dites concessions de travaux, sans la compléter par une définition des PPP, dont la réglementation reste de la compétence des pouvoirs publics de chaque État membre de l'UE. On y définit, sur ce plan, la concession de travaux comme suit: «la concession de travaux publics est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux, à l'exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix».

La définition de la concession de services est donnée de façon identique (le mot service remplaçant le mot travaux), mais la directive ne prévoit rien pour ce qui concerne la condition de son attribution, alors qu’elle y consacre un chapitre aux procédures de passation des concessions de travaux.

Les définitions ci-dessus ne rentrent volontairement pas dans des détails de précisions jugées nationales et qui rendraient, dans les faits, impossible toute convergence dans un texte commun.

Sur la base de constats pragmatiques, le CESE considère qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’une définition plus détaillée de la notion de concession (à savoir un contrat de long terme incluant la conception, la construction, le financement, la gestion et/ou la maintenance d’un ouvrage ou d’un service public), car la situation actuelle joue un efficace rôle de couverture de tous les types de contrats publics, différents des marchés publics classiques, en les soumettant à un minimum de règles européennes de passation.

Le CESE pense qu’il vaut mieux éviter de légiférer dans ce domaine qui peut vite devenir d’une extrême complexité, alors même qu’actuellement les acteurs disposent dans tous les États membres, et selon leurs traditions nationales, de contrats de PPP au sens large (concessions à paiement privé par l’usager, contrats de partenariats à paiement public, autres contrats de partenariat public-privé), qui répondent correctement aux problèmes posés.

3.2.2   Que faut-il modifier?

Pour ce qui concerne la directive 2004/18, cependant, le CESE, dans un souci de cohérence des textes utilisés, propose que l'on réfléchisse à l'occasion de cet avis sur les PPP, à une clarification des conditions d'attribution des concessions de services, oubliés dans la dite directive, qui pourtant définit clairement les concessions de services.

Dans ce contexte le CESE en profite pour clarifier le délicat problème du partenariat public privé institutionnel (PPPI), partiellement traité par une communication interprétative de 2008 qui entendait rappeler le respect des règles de concurrence par les personnes publiques recourant à des entités parapubliques.

En réalité cette communication est inconnue des personnes publiques qui l’ignorent volontairement ou involontairement. Si la Commission entendait poursuivre dans la voie d’une législation spécifique aux concessions il conviendrait d’inclure expressément la réglementation de la création et du renouvellement d’activité des PPPI dans celle-ci et ce dans un sens d'amélioration de la législation afin d’éviter les abus dont la jurisprudence européenne nous offre un vaste panorama, et qui vont parfois à l’encontre de la transparence recherchée.

3.2.3   Que faut-il développer?

Dans l’application des procédures, le CESE recommande que soient mieux cadrées trois démarches inhérentes aux PPP en général, à savoir:

l’évaluation préalable qui est très utilisée pour mesurer l’impact en coût global du PPP par rapport à la commande publique classique; «le comparateur secteur public» est également un bon outil;

le dialogue compétitif qui est parfois l’objet de dérives en termes d’éthique, de délais et d’exigences auprès des entreprises privées;

Le suivi des opérations de PPP pour en mesurer aussi précisément que possible l’intérêt et ainsi améliorer l’évaluation préalable des opérations ultérieures.

3.2.3.1   L’évaluation préalable

Cette analyse initiale qui, en principe, doit permettre de justifier le recours à telle procédure plutôt qu’à telle autre, devrait devenir la règle impérative pour tout ce qui concerne la passation de marchés publics.

Quel meilleur moyen, en effet, pour l’autorité adjudicatrice, de mesurer l’impact – ou plutôt les impacts – de la décision qu’elle est en train de préparer? Le caractère rendu obligatoire de la publication des résultats de cette évaluation préalable, serait dans bien des cas, un grand pas vers la transparence, si nécessaire lorsqu’on cherche des solutions optimisées et une plus grande rigueur dans la concurrence.

Ce doit être aussi l’occasion de bien mesurer, à l’intérieur de la notion de coût global, l’incidence des éventuels écarts dans les financements, entre le taux applicable par les marchés aux emprunteurs publics et celui applicable au projet PPP, en notant que cet aspect de l’évaluation préalable est déjà obligatoire dans les pays les plus avancés dans le domaine du PPP.

En France l’évaluation préalable se fait autour de 4 critères: le coût global, le transfert des risques, le développement durable et la performance apportée par le contrat. Le CESE propose de systématiser ces critères en y rajoutant la publication des contrats et l’application stricte des lois sociales des pays concernés comme rappelé ci dessus (1.3.4).

3.2.3.2   Le dialogue compétitif

Cette démarche, différente de la simple négociation bilatérale utilisée pour finaliser les procédures classiques, est actuellement largement utilisée – et même obligatoire dans certains pays – pour l’attribution des contrats de PPP, au sens large. Elle consiste après un premier choix préliminaire fait par le client, de mettre au point le contrat final, en dialogue avec le ou les deux partenaires sélectionnés, par itération et amélioration successives des données du contrat.

L’examen exhaustif, toutefois, de l’usage qui en est actuellement fait, révèle plusieurs faits:

peu habituées certaines personnes publiques ont entamé des dialogues compétitifs mal préparés aboutissant à de sévères remises en cause des éléments du contrat en cours de dialogue, à des délais excessivement longs et à des demandes parfois exagérées de détails aux entreprise en phase finale;

les maîtres d’ouvrages publics restent parfois tentés de dévoyer l’utilisation de cette procédure pour ne pas respecter les droits normaux de la propriété intellectuelle et de la protection des idées innovantes;

Certes, les idées émises sont censées être protégées par la confidentialité des offres, mais l’usage montre, dans les faits concrets, qu’il n’en est rien et que l’on peut mettre aisément sur le dos de «fuites» indétectables, ce qui n’est en fait qu’une manœuvre contraire à l’éthique.

Une certaine mise en harmonie du cadre contractuel communautaire devrait prendre en compte les moyens de protéger la propriété intellectuelle, garante en elle-même des progrès de l’innovation.

3.2.3.3   Le suivi des opérations de PPP

Pour respecter la transparence et les exigences de contrôle, il est nécessaire de systématiser un recensement des opérations de PPP et un suivi de leur exécution à l’échelon national et européen. Cette mission, au delà de celle déjà évoquée pour la BEI et de l'EPEC, doit être confiée à un organisme neutre, dont les évaluations ne témoignent pas d'un penchant systématique à privilégier les PPP ou à les récuser et pourrait être octroyée au groupe d'experts.

4.   Conclusions

La communication de la Commission est un texte intéressant et d'une grande actualité dans un contexte où il est nécessaire de mobiliser les investissements publics et privés et surtout dans la période de crise financière que nous connaissons. Il convient de poursuivre le développement du cadre institutionnel afin d'améliorer les PPP et d'exploiter les possibilités et les avantages qu'ils comportent, mais également en vue d'atténuer les problèmes que connaissent plusieurs PPP tels qu'évoqués plus haut dans l'avis (problèmes de préfinancement et des augmentations de coûts sur lesquelles il faut souvent tabler dans les relations contractuelles à longue échéance auxquelles ils donnent lieu).

On doit simplement ne pas négliger les possibilités offertes par le PPP pour contribuer au développement des infrastructures publiques (grandes et petites) et, par là même, au progrès économique de l’Union européenne.

S'agissant des PPP, l’Europe devrait se doter des moyens de tirer les leçons des difficultés rencontrées parfois dans le passé en améliorant les dispositifs de contrôle existant et en effectuant un relevé systématique des résultats finaux des opérations. Le CESE estime qu'il est important que les petites et moyennes entreprises bénéficient elles aussi de meilleures possibilités de participer aux PPP.

Beaucoup d’outils juridiques communautaires et nationaux existent: le CESE considère qu’il n’est pas nécessaire de reprendre tout à zéro, pour bâtir un cadre unique et théoriquement parfait. Nous y perdrions beaucoup de temps pour un bénéfice limité voire même contre performant. Les acteurs œuvrent quotidiennement en fonction de ces cadres juridiques et toute remise en cause aboutirait à ralentir la commande publique voire à déstabiliser lourdement l’outil PPP. Les définitions actuelles données par la directive 2004/18 ne doivent pas être modifiées ni complétées; chaque État membre est ainsi libre d'adopter une définition juridique du PPP plus adaptée à son contexte spécifique et aux bonnes pratiques enregistrées.

Optimisons donc les moyens existants, en précisant et améliorant quelques points, et en utilisant des compétences existantes, notamment la plateforme BEI dans le domaine du financement en renforçant le rôle de l’EPEC et du groupe d'experts qui contribuerait encore plus fortement à populariser les méthodes contractuelles à collecter, promouvoir et valoriser les bonnes pratiques et à dialoguer avec le secteur privé au niveau européen en créant un groupe «miroir» d’experts privés.

Le développement de la transparence, de l’évaluation préalable basée sur le coût global, des analyses des succès et des échecs, le respect des législations constituent des pistes d’études futures.

Réfléchissons à mettre sur pied un mécanisme de refinancement des PPP au delà de leur période de construction afin de mobiliser le marché obligataire qui est trop peu sollicité à cet égard.

Bruxelles, le 21 octobre 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


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