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Document 52008AE1672

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires

JO C 100 du 30.4.2009, p. 60–64 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/60


Avis du Comité économique et social européen sur le thème La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires

2009/C 100/10

Par lettre du 3 juillet 2008, la Présidence française a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème

«La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires» (avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: M. BROS).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 92 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Suite à des crises alimentaires graves, l’Union européenne s’est dotée d’un dispositif sophistiqué de sécurité sanitaire, avec l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs, ainsi que de la santé animale et végétale. Or dans un contexte d’accroissement des échanges commerciaux mondiaux de denrées agricoles et alimentaires, les risques sanitaires augmentent, et les accidents sanitaires liés aux importations sont encore fréquents dans l’UE. Ces accidents sanitaires représentent des risques pour la santé humaine, animale et végétale, et engendrent des coûts considérables pour la collectivité.

1.2.   Le CESE accueille favorablement le mémorandum appuyé par 15 États membres au Conseil Agriculture de juin 2008, et intitulé «Importation d’aliments, d’animaux et de végétaux: sécurité sanitaire et conformité aux règles communautaires» (1). À travers cet avis, le Comité souhaite contribuer à la réflexion sur les marges de perfectionnement du dispositif européen de sécurité sanitaire. L’OMC fournit un cadre juridique indispensable pour éviter les barrières au commerce non justifiées. Le CESE est attaché au respect de ces règles, tout en proposant certains ajustements.

1.3.   Considérant que les différences de pratiques entre États membres sur les contrôles à l’importation sont très nuisibles, le CESE recommande que l’harmonisation de ces pratiques soit poursuivie et mise en œuvre rapidement.

1.4.   Constatant que de nombreuses mesures efficaces de gestion sanitaire des importations concernent uniquement les produits d’origine animale, le CESE estime que certaines mériteraient d’être étendues aux produits d’origine végétale. Ceci permettrait de mieux surveiller les risques de résidus de pesticides, de contaminations par des agents toxiques, ou les maladies des plantes. En particulier, le CESE recommande d’augmenter le nombre de missions d’inspection pour les produits végétaux et de soumettre leurs importations à des listes d’établissements agréés et à des contrôles systématiques au point d’entrée.

1.5.   Le CESE estime que les décisions concernant les mesures d’importation doivent le plus possible reposer sur des données objectives. Pour cela le Comité souhaite que les principes de l’analyse de risque soient systématiquement appliqués, et que les niveaux appropriés de protection, prévus par l’accord sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), soient mieux définis.

1.6.   Les facteurs socio-économique tels que les impacts économiques d’une décision, ou son acceptabilité sociale, devraient faire l’objet d’une évaluation indépendante et aussi rigoureuse que l’évaluation du risque sanitaire. Différents pays comme le Canada et le Royaume-Uni disposent déjà d’unités d’experts socio-économiques au sein de leurs agences de sécurité sanitaire. Le CESE propose que la Commission évalue l’opportunité de mettre en place une agence indépendante d’analyse socio-économique.

1.7.   Le CESE estime que le système de traçabilité, au cœur du modèle européen de sécurité sanitaire, et qui permet d’avoir l’information sur un aliment «de la ferme à la table», devraient pouvoir s’appliquer aux produits originaires de pays tiers. Ce thème devrait être prioritaire dans les négociations bilatérales ainsi que dans les programmes d’assistance technique dans les pays les moins avancés.

1.8.   Le CESE attire l’attention sur les difficultés éprouvées par les producteurs des pays les moins avancés pour appliquer les normes sanitaires européennes. Il encourage le développement de l’assistance technique au commerce, du transfert de technologies et de l’appui à la mise en place de systèmes de traçabilité et d’alerte rapide dans ces pays.

1.9.   Les exigences qui s’appliquent aux produits agricoles et alimentaires importés sont inférieures à celles qui s’imposent aux produits issus de la communauté, dans des domaines comme la traçabilité, le bien-être animal ou plus largement les normes environnementales. Considérant que les règles internationales du commerce ne permettent pas suffisamment aujourd’hui d’invoquer ces domaines importants pour l’UE, le CESE souhaite vivement que la Commission propose une stratégie pour la défense de ces préférences collectives européennes. Le CESE considère que l’UE devrait être à l’avant garde de la défense de la prise en considération des autres facteurs légitimes dans le commerce international. Pour cela elle devrait assumer ses préférences collectives, défendre les «autres facteurs légitimes» dans les instances internationales, et relancer les débats sur le lien entre l’OMC et les autres accords internationaux.

2.   Observations générales

2.1.   À la suite des crises sanitaires qui ont frappé l’UE, une vaste refonte de la législation alimentaire a été engagée par la Commission européenne. Un nouveau cadre institutionnel et législatif très élaboré a été mis en place, représentant un réel progrès.

2.2.   Le règlement 178/2002 précise que «la Communauté a choisi un niveau élevé de protection de la santé» et ajoute que la législation s’applique «de manière non discriminatoire aux échanges tant nationaux qu'internationaux de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux» (2).

2.3.   Le modèle européen est fondé sur quelques principes forts:

la traçabilité «de la ferme à la table»: «la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d’une denrée alimentaire (3)»,

la séparation entre l’évaluation des risques et la gestion des risques,

la responsabilité juridique de tous les acteurs de la chaîne alimentaire,

un système d’alerte efficace.

2.4.   Les accidents sanitaires liés à des produits importés sont pourtant encore aujourd’hui fréquents. Dans les dernières années l’UE a connu les résidus de pesticides dans les fruits importés, les aflatoxines dans les fruits à coque et le maïs, les résidus de médicaments vétérinaires dans les produits d’origine animale, la fièvre aphteuse, etc. En 2007, 314 alertes déclenchées par le Système d’Alerte Rapide concernaient des produits originaires de pays tiers (4), soit 32 % du total. Ces problèmes récurrents révèlent certains dysfonctionnements auxquels il est nécessaire de remédier.

2.5.   Les accidents sanitaires liés aux importations constituent à la fois une menace pour la sécurité des consommateurs européens, et un coût élevé pour la collectivité. Lorsqu’une alerte est déclenchée, les opérations de rappel ou de retrait du marché d’une denrée sont lourdes pour les entreprises concernées. De même les mesures sanitaires destinées à éradiquer une maladie animale ou végétale d’une zone, comme par exemple l’obligation de vacciner les troupeaux, ou l’obligation d’appliquer des insecticides sur toute une région, ont des impacts importants, qui peuvent être durables.

3.   Mieux anticiper les risques sanitaires

3.1.   Afin de réduire la fréquence de ces accidents sanitaires, des marges de manœuvre existent pour permettre de mieux anticiper les risques sanitaires.

3.2.   L’harmonisation communautaire des pratiques de contrôle des importations est en cours et doit être une priorité. Les différences de pratiques entre États membres sur les contrôles à l’importation sont très nuisibles. Il n’est pas acceptable que des opérateurs commerciaux puissent choisir de faire entrer leurs marchandises dans le marché unique à travers le pays où ils savent que les contrôles seront moins sévères. Par exemple, il a été rapporté que les importateurs d’agrumes tendent à éviter les ports espagnols, car c’est là que se trouvent les laboratoires les plus pointus dans les maladies ou résidus liés à ces plantes.

3.3.   Bon nombre des mesures de gestion de sécurité sanitaire des importations ne s’appliquent aujourd’hui qu’aux animaux vivants et aux produits d’origine animale. Aujourd’hui, certains risques comme les résidus de pesticides, les contaminants physiques ou chimiques par des agents cancérigènes ou toxiques (ex: métaux lourds, biotoxines, colorants, etc.) ou les maladies des plantes, devraient être mieux surveillés. Des mesures efficaces mériteraient donc d’être étendues aux produits d’origine végétale.

3.4.   Tout d’abord, les missions d’inspection pourraient être accrues dans certaines catégories de produits végétaux. En effet, dans la programmation de l’Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV) pour 2008, seule une mission sur trois concerne les produits végétaux.

3.5.   D’autre part, les importations de produits d’origine végétale devraient être soumises à une liste de pays et d’établissements agréés, comme cela est fait pour une quinzaine de catégories de produits animaux.

3.6.   Les importations de produits végétaux devraient être également soumises à des contrôles systématiques dès le premier point d’entrée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pour les produits animaux les PIF (points d’inspection frontaliers) ont prouvé leur efficacité. Il conviendrait également d'améliorer la coopération entre les instances publiques de contrôle et les services de contrôle privés des importateurs. Il est de plus en plus fréquent que les importateurs fassent réaliser des analyses sur le lieu de production déjà. L'autorité de contrôle des denrées alimentaires devrait pouvoir avoir accès à ces résultats.

3.7.   Enfin, la base de données «TRACES», qui permet d’enregistrer et d’échanger les informations relatives aux échanges et importations d’animaux vivants et denrées d’origine animale, pourrait être étendue au domaine phytosanitaire, en liaison avec le système «EUROPHYT».

4.   Approfondir l’utilisation des principes de l’analyse du risque

4.1.   Les principes de l’analyse de risque sont définis par les organisations internationales reconnues par l’OMC comme un processus en trois étapes: l’évaluation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques. La réforme de la législation alimentaire européenne a constitué un premier pas vers l’application de l’analyse du risque. La création de l’AESA a permis de séparer l’évaluation des risques et la gestion des risques, ce qui est fondamental. Fondée sur des preuves scientifiques disponibles et «menée de manière indépendante, objective et transparente» (5), l’évaluation des risques menée par l’AESA permet au gestionnaire du risque, la Commission ou les États membres, de décider des mesures nécessaires.

4.2.   Cependant, les mesures à l’importation décidées par la Commission, qu’il s’agisse de suspendre un flux d’importation ou de le maintenir, sont parfois incomprises à la fois au sein de l’UE et par les pays tiers. Les vifs débats provoqués au sujet des importations de poulet chloré américain ou de bœuf brésilien en sont des exemples récents. Dans certains cas la Commission est accusée d’accorder la priorité aux intérêts commerciaux, au détriment des consommateurs. Le CESE estime que les décisions de mesures à l’importation devraient reposer plus fortement sur des données objectives.

4.3.   Mais il existe souvent des conflits d'objectifs qui doivent être bien pesés. Lorsqu'il y a arbitrage entre différents objectifs, il convient d'assurer la transparence de ce processus vis-à-vis des consommateurs.

4.4.   Le CESE encourage la Commission à appliquer plus systématiquement des principes de l’analyse du risque, en donnant les moyens à l’AESA d’en mettre en place la méthodologie.

4.5.   L’accord SPS dans son article 5.7 autorise à recourir à des mesures provisoires, lorsque les preuves scientifiques quant à l’innocuité d’un produit ou d’un procédé sont insuffisantes. Les règles internationales reconnaissent donc le principe de précaution tel que le définit le droit communautaire. L’accord SPS permet aussi d’appliquer des normes plus exigeantes que les normes internationales, à condition de définir le «niveau de protection approprié». L’UE devrait s’attacher à mieux définir ses propres niveaux de protection appropriés, afin de pouvoir y faire référence dans l’analyse du risque.

4.6.   D’autre part, comme le précise la réglementation, «l'évaluation scientifique des risques ne peut à elle seule, dans certains cas, fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion des risques doit se fonder et d'autres facteurs pertinents doivent légitimement être pris en considération» (6). Ces facteurs, également reconnus par l’accord SPS, peuvent concerner l’impact économique, l’acceptabilité sociale, ou le rapport coût bénéfice d’une décision. Ils sont aujourd’hui évalués par les études d’impact de la Commission ou les consultations.

4.7.   Or les facteurs socio-économiques devraient aussi être évalués de façon objective et indépendante, avec la même rigueur scientifique que l’évaluation du risque sanitaire, et à l’aide d’experts dans des disciplines comme l’économie, la sociologie et le droit. Différents pays comme le Canada et le Royaume-Uni disposent déjà d’unités d’experts socio-économiques au sein de leurs agences de sécurité sanitaire (7). Le CESE souhaite que la Commission évalue l’opportunité de mettre en place une agence indépendante d’expertise socio-économique.

5.   Le problème des exigences différentes pour les produits importés

5.1.   Les exigences qui s’appliquent aux produits agricoles et alimentaires importés sont, dans plusieurs domaines, inférieures à celles qui s’imposent aux produits issus de la communauté. Ce n’est pas le cas dans les normes privées que l’industrie applique à tous ses fournisseurs, mais ça l’est pour certaines exigences réglementaires. Par exemple, l’obligation de tracer les animaux dès leur naissance, de respecter des conditions de garantie du bien-être animal, ou l’interdiction d’utiliser certains pesticides ne s’appliquent pas aux produits originaires de pays tiers.

5.2.   Une réglementation européenne, comme celle sur la sécurité sanitaire, qu’on la considère fondée ou non, est le reflet d’une préférence collective de l’UE. Le processus institutionnel qui a abouti à cette règle, à travers les débats au Parlement, au Conseil, et avec la société civile, est supposé être l’expression légitime d’un choix des européens. Les mesures imposées aux producteurs sont le résultat de ce choix collectif et s’appliquent à tout le monde au sein de l’UE. Or lorsque ces mesures ne s’imposent pas aux producteurs des pays tiers, on retrouve sur le marché intérieur à la fois des produits qui ont respecté ces conditions et des produits qui ne l’ont pas fait.

5.3.   Ce problème, qui existe dans d’autres domaines (normes environnementales, droits sociaux, etc.), n’est pas acceptable pour les consommateurs. Ceux-ci peuvent acheter, sans en être conscients, des produits qui ne correspondent pas aux choix des européens. Par exemple, le consommateur peut aujourd’hui trouver sur le marché, de façon légale, des oranges originaires de pays tiers qui ont été traitées au «Lebaicid», un puissant insecticide dont la matière active est le Fention. Ce produit est pourtant interdit d’utilisation dans l’UE depuis plusieurs années pour des raisons environnementales. Les préférences collectives des européens sont ainsi en quelques sortes abusées, et les consommateurs trompés.

5.4.   Les normes européennes qui ne s’appliquent pas aux produits importés sont également source de distorsion de concurrence pour les producteurs européens. L’institut de l’élevage français a tenté d’évaluer certains de ces surcoûts. Concernant la traçabilité par exemple, d’importants efforts ont été déployés en Europe pour mettre en place l’identification des animaux. Ces investissements représenteraient pour la production bovine 0,4 EUR/100 kg de carcasse, soit près de 32 millions d’EUR pour l’UE-25. Concernant le bien-être animal, l’obligation de case collective pour les veaux de boucherie représente un coût de 4 EUR/100 kg de carcasse, soit 31 millions d’EUR pour l’UE-25.

6.   Impacts des normes européennes sur les pays en développement

6.1.   L’UE est le premier importateur des produits agroalimentaires en provenance des pays en développement (PED), notamment du fait d’importantes concessions commerciales accordées historiquement. La CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) alerte régulièrement sur les conséquences des normes sanitaires européennes sur les producteurs et les entreprises des pays les moins avancés.

6.2.   L’UE ne peut pas transiger sur la sécurité sanitaire. Cependant, conscient de cet enjeu, le CESE encourage l’assistance technique, le dialogue et la coopération avec les partenaires commerciaux les plus vulnérables. Il encourage aussi la Commission à poursuivre son initiative de soutien à la mise en place des systèmes de traçabilité et d’alerte rapide dans les PED.

7.   Principe d’équivalence et traçabilité

7.1.   Les accords SPS et OTC (obstacles techniques au commerce), constituent pour les membres de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) un cadre juridique indispensable pour éviter les restrictions aux importations injustifiées et permettre une plus grande transparence dans les conditions d’accès au marché.

7.2.   Le droit communautaire précise que les denrées importées doivent respecter la législation alimentaire européenne, «ou les conditions que la Communauté a jugées au moins équivalentes» (8). Le CESE souhaite attirer l’attention sur les risques d’une interprétation trop large par l’UE du principe d’équivalence reconnu dans les règles internationales.

7.3.   En Europe, la traçabilité des aliments est au cœur du modèle de sécurité sanitaire. Elle est mise en place «depuis la production primaire (…) jusqu'à la vente ou la livraison au consommateur» (de la ferme à la table), puisque «chaque élément peut avoir un impact potentiel sur la sécurité des denrées alimentaires» (9). Or pour la plupart des produits importés la traçabilité n’est exigée qu’à partir de l’exportateur. Malgré le rôle que peut jouer le secteur privé, le CESE doute que les pratiques dans certains pays tiers puissent être considérées comme «équivalentes» de point de vue de la sécurité. Le CESE défend une attitude offensive dans le domaine la traçabilité, en accordant la priorité à ce sujet dans les négociations bilatérales, et dans l’assistance technique aux pays les moins avancés.

8.   Autres facteurs légitimes et évolution du droit international

8.1.   Les textes du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), et les différents accords de l’OMC, prévoient la prise en compte, en plus des facteurs sanitaires, des «autres facteurs légitimes» dans la régulation du commerce international. L’évolution du droit international a cependant été bien plus lente dans ce domaine. Or les choix de l’UE ne sont pas toujours justifiables d’un point de vue strictement sanitaire. Dans le cas du poulet chloré, la Commission a des difficultés à prouver que le bain de décontamination à l’eau chlorée auxquelles les volailles sont soumises aux États-Unis peut nuire à la santé des consommateurs européens. Le fait est que la perception de la qualité des aliments est différente entre les deux continents. Dans un autre domaine, la décision d’interdire l’importation de peaux de phoques ne repose pas non plus sur des raisons sanitaires, mais de bien-être animal. La compatibilité de ces mesures avec les règles de l’OMC est un vif débat international.

8.2.   Pourtant la jurisprudence de l’Organe de Règlement de Différends montre des signes positifs. Par exemple dans le cas «tortue-crevettes» qui avait opposé les États-Unis et la Malaisie, les experts du Panel avaient donné raison aux premiers, considérant que l’interdiction d’importations de crevettes était justifiée au regard de l’accord international sur la protection de la biodiversité. Les pêcheurs malais furent contraints de modifier leurs techniques de pêche afin de ne plus capturer les tortues qui étaient protégées par ladite convention. La clarification des liens entre règles OMC et les autres accords internationaux est également un débat en cours.

8.3.   L’UE devrait être à l’avant garde des réflexions sur ces sujets. Pour cela elle devrait assumer ses préférences collectives, défendre les «autres facteurs légitimes» dans les instances internationales, et relancer les débats sur le lien entre l’OMC et les autres accords internationaux. De plus la recherche de méthodes d’objectivation des préférences collectives et des facteurs légitimes doit être promue afin de permettre leur reconnaissance internationale.

9.   Information aux consommateurs

9.1.   Les consommateurs européens souhaitent de plus en plus être informés sur les conditions de production de leurs aliments. Le secteur privé développe de nombreuses initiatives pour répondre à cela. De plus, différentes idées sont aujourd’hui débattues, comme celle d’un label UE, ou d’un étiquetage sur le bien-être animal. On pourrait proposer qu’une organisation internationale fournisse les consommateurs en informations indépendantes concernant les méthodes de production dans les différents pays. Cet organe d'information indépendant aurait également pour mission la mise à disposition d'informations dans le cadre d'un système international d'alerte précoce qui reste encore à créer.

9.2.   Cependant, l’information aux consommateurs ne peut pas être l’unique réponse aux questions soulevées dans ce rapport. Pour les produits transformés, de plus en plus à la base de l’alimentation, l’étiquetage de l’origine devient trop complexe tant pour les entreprises que pour les consommateurs. Il est donc bien de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir que l’ensemble des produits qui circulent sur le marché intérieur répondent aux choix des citoyens européens. Les consommateurs souhaitent que ces choix ne soient pas sacrifiés dans le cadre de processus politiques (par exemple: le dialogue transatlantique) qui ne servent qu'à s'assurer une meilleure visibilité ou à se gagner les faveurs de certains partenaires commerciaux.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Doc. Conseil 10698/08.

(2)  Règlement (CE) 178/2002, considérant 8.

(3)  Règlement (CE) 178/2002, art 3.

(4)  Rapport annuel 2007 du Système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

(5)  Règlement (CE) 178/2002, art. 6.

(6)  Règlement (CE) 178/2002, considérant 19.

(7)  OCDE, 2003, «Prendre en compte les aspects socio-économiques de la sécurité des aliments : un examen des démarches novatrices de certains pays».

(8)  Règlement (CE) 178/2002, article 11.

(9)  Règlement (CE) 178/2002, article 3.16, and recital 12.


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