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Document 52006IE1159

    Avis du Comité économique et social européen sur le thème Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)

    JO C 318 du 23.12.2006, p. 93–101 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    23.12.2006   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 318/93


    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)»

    (2006/C 318/16)

    Le 19 janvier 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur«Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)».

    La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (corapporteurs: MM. Bros et Caball i Subirana).

    Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 173 voix pour, 6 voix contre et 16 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le CESE est d'avis que l'existence de zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, ultrapériphériques et en particulier insulaires) doit faire l'objet d'une reconnaissance publique et politique afin de permettre l'élaboration de politiques spécifiques, qui soient cohérentes avec les nécessités de ces régions.

    1.2

    Alors que les programmes de développement rural et les programmes régionaux sur la compétitivité sont en négociation entre les régions ou les États membres et la Commission européenne, le Comité économique et social européen a souhaité souligner l'importance et les besoins de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques).

    1.3

    Constatant ces handicaps, le Comité demande à la Commission européenne de proposer de véritables politiques spécifiques en faveur de ces zones, de façon à coordonner les différentes politiques qui s'y appliquent et à développer une synergie entre les actions existantes.

    1.4

    Alors que le second pilier de la PAC, le développement rural, est indispensable et constitue donc une priorité politique essentielle, force est de constater qu'il a été l'une des principales variables d'ajustement permettant d'aboutir à un accord sur les perspectives financières. Constatant ces réductions de moyen budgétaire, le Comité demande à la Commission et au Conseil de concentrer en priorité les crédits du développement rural dans les zones les plus fragiles qui en ont le plus besoin, c'est à dire les zones à handicaps naturels permanents.

    1.5

    Dans l'élaboration des programmes de développement rural et des programmes régionaux des Fonds structurels, le Comité demande à la Commission et aux États membres de s'assurer de la complémentarité et de la cohérence de ces programmes dans les zones à handicaps naturels.

    1.6

    Le CESE propose qu'à l'instar des plates-formes actuelles visant la promotion de régions de montagne, telles que la plate-forme EUROMONTANA, il faudrait encourager la mise en œuvre d'initiatives de coopération dans les régions insulaires et ultrapériphériques, principalement axées sur des questions de politique agricole et bénéficiant d'une participation active de la société civile.

    1.7

    En raison de la fragilité de l'agriculture et de l'importance qu'elle revêt dans ces régions, le CESE considère qu'il est essentiel de créer un observatoire européen pour ces zones (montagnes, îles et régions ultrapériphériques). Il s'agit de développer une vision européenne de l'agriculture dans ces régions qui serve à la fois de point de référence pour le suivi, l'analyse et la diffusion de la situation de l'agriculture dans ces zones, mais aussi de point de rencontre, de réflexion et de dialogue entre les administrations, la société civile et les différents organismes européens et qui présente des initiatives européennes pour la préservation et le développement de l'agriculture dans ces régions.

    1.8

    Le CESE tient néanmoins à souligner qu'hormis les régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques évoquées dans le présent avis, de nombreuses autres zones souffrent elles aussi de handicaps comparables pour l'exercice d'une activité agricole, à savoir les caractéristiques de la localisation des exploitations, les coûts de production et les conditions climatiques. C'est notamment le cas des «autres zones à handicaps» et des «zones à handicaps spécifiques». Le CESE traitera de ces régions dans un prochain avis.

    1.9

    La délimitation des autres zones à handicaps doit elle aussi s'opérer essentiellement en fonction des inconvénients objectifs qu'y présente l'exercice d'une activité agricole. Mais il faut également tenir suffisamment compte des spécificités régionales.

    2.   Motivation

    2.1

    Antécédents de l'avis

    Avis du CESE sur «L'avenir des territoires de montagne dans l'Union européenne» (1).

    Avis du CESE sur le développement rural (2).

    Résolution du Parlement européen du 6 septembre 2001 sur «Les 25 ans d'application de la réglementation communautaire en faveur de l'agriculture de montagne» (3).

    Avis du CESE sur les régions ultrapériphériques (4).

    Avis du CESE sur la stratégie pour les régions ultrapériphériques (5).

    Avis du CESE sur les problèmes de l'agriculture dans les régions et îles ultrapériphériques de l'Union européenne (6).

    3.   Partie commune: les zones à handicaps naturels permanents

    3.1

    Les règlements relatifs au développement rural et aux politiques régionales sont aujourd'hui adoptés. Les répartitions financières ont été difficiles à cause des montants réduits alloués à ces politiques. L'accord sur les perspectives financières 2007-2013 conduit à une réduction des montants alloués au développement rural dans les anciens États membres et à une plus grande dispersion des fonds de la politique régionale.

    3.2

    Après de nombreuses années, certaines zones de montagne et ultrapériphériques, à handicaps naturels permanents ont été reconnues au niveau de la politique agricole commune et de la politique régionale, tandis que les régions insulaires ne bénéficient pas de cette reconnaissance.

    3.2.1

    Les zones de montagne se révèlent importantes dans le contexte européen: elles couvrent un tiers du territoire et quelque 18 % de la population de l'Union européenne à 25 États membres y vivent. L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie apportera dans l'Union européenne des zones de montagne étendues. Les zones de montagne européennes sont extrêmement variées aussi bien par leurs caractéristiques physiques comme la topographie et le climat, que par leurs caractéristiques socio-économiques comme la démographie, l'accessibilité et les liens avec les zones voisines. Elles diffèrent en termes d'utilisation des terres, de rôle de l'agriculture, de cohésion sociale et, plus important encore, de degré de développement économique.

    3.2.2

    Les cinq critères utilisés par EUROSTAT pour définir une région insulaire sont: superficie minimale de 1 km2, distance minimale de 1 km par rapport au continent, population permanente minimale de 50 habitants, absence de structures permanentes reliant le continent au territoire concerné et absence de capitale de l'UE sur le territoire concerné.

    3.2.3

    Toute île abritant une capitale de l'UE n'entre pas dans le champ de la définition d'EUROSTAT. Ainsi, avant l'élargissement, le Royaume-Uni et l'Irlande en étaient exclues. En revanche, depuis mai 2004, deux îles relativement petites, Chypre et Malte, ont adhéré à l'UE. Aussi, le CESE suggère-t-il que l'on reconsidère les termes de la définition précitée de telle sorte que ces deux États membres puissent y être inclus. Ceci a été reconnu par l'UE dans sa proposition sur les nouveaux Fonds structurels et de cohésion, ainsi que dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe qui inclut une référence à cet égard.

    3.2.4

    Les régions ultrapériphériques, à savoir les départements français d'outre-mer, les Açores, Madère et les îles Canaries, font partie de plein droit de l'UE tout en étant caractérisées par une réalité singulière. Il s'agit de régions qui partagent une réalité similaire, caractérisée par un ensemble de facteurs géographiques, physiques et historiques qui déterminent en grande partie leur développement économique et social.

    3.2.5

    D'autres zones spécifiques moins étendues, comme les zones périurbaines (7), les zones humides, les polders, etc., peuvent faire face à des handicaps particuliers, qui devraient faire l'objet d'une attention particulière dans un cadre plus déconcentré de mise en œuvre des politiques européennes. Le Comité pourrait traiter ces questions dans un avis ultérieur.

    3.3

    Ces zones font face à des handicaps naturels permanents, comme l'isolement engendrant des surcoûts de commercialisation, d'approvisionnement et de services et des difficultés d'accès aux marchés. De plus, les coûts des infrastructures, des transports, et de l'énergie sont plus élevés.

    3.4

    C'est pourquoi, il est particulièrement important d'assurer la présence de l'activité agricole dans ces zones à handicap pour le développement économique, la vie sociale, le patrimoine culturel (pourcentage élevé de population agricole dans ces zones), l'équilibre territorial et l'environnement.

    3.5

    Les évolutions récentes de la PAC sont nombreuses et profondes et affecteront nécessairement le développement durable des territoires européens et en particulier les zones à handicaps naturels spécifiques, notamment en raison de l'affaiblissement du second pilier pour les anciens États membres. On peut voir dans ces évolutions une double tendance: d'une part une réponse européenne aux négociations de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et une recherche de compétitivité sur les marchés internationaux et, d'autre part, une tendance au renforcement souhaitable mais non réel des soutiens pour la protection de l'environnement, pour le bien-être animal et pour le milieu rural.

    3.6

    La réforme de la PAC de 2003 a pour objectif théorique d'améliorer la compétitivité et d'orienter la production agricole en fonction des marchés. Or les seules forces du marché conduiraient à la disparition de l'agriculture des zones à handicap. Il est donc nécessaire d'avoir une politique volontariste pour maintenir l'activité agricole dans ces zones difficiles.

    3.7

    L'impact de la réforme du «premier pilier» adoptée le 29 septembre 2003, avec le découplage, la conditionnalité et la modulation, est difficile à estimer puisque les États et les régions sont intervenus dans des choix stratégiques de façon différente. Mais il apparaît que la réforme comprend des risques d'abandon et/ou de délocalisation des productions (puisque la production n'est pas obligatoire pour recevoir les aides directes) par exemple en matière de production animale et de finition des animaux.

    3.8

    Alors que la Commission négocie avec les régions européennes et les États membres les programmes de développement rural et de politique régionale, il est indispensable que les territoires à handicaps naturels permanents fassent l'objet d'une attention toute particulière en vue d'assurer la cohésion territoriale, nécessaire au succès de la stratégie de Lisbonne. Axer uniquement les politiques publiques sur des stratégies de compétitivité, irait, en ce sens, à l'inverse des objectifs recherchés. Or c'est dans cette direction que certains pays de l'Union semblent vouloir s'engager.

    3.9

    L'agriculture doit demeurer une activité économique basée sur la volonté d'entreprendre des agriculteurs. Il ne s'agit pas de faire des zones à handicap des conservatoires de pratiques agricoles révolues; ni des zones à enjeux environnementaux dominants ou exclusifs. Le secteur agricole a su se développer et se moderniser de façon à répondre aux attentes des consommateurs et des citoyens. Cette dynamique doit être poursuivie de façon à valoriser les capacités d'innovation et d'entreprise des agriculteurs. L'agriculture des zones à handicap doit continuer dans cette voie et permettre à un secteur agro-alimentaire de se développer sur la base de leur production afin d'assurer la vitalité économique de ces zones. Les aides d'État à finalité régionale doivent en particulier y contribuer.

    4.   Régions de montagne

    4.1

    Introduction: les spécificités de l'agriculture de montagne et les enjeux du développement rural.

    4.1.1

    L'agriculture de montagne en Europe répond à un certain nombre de caractéristiques spécifiques. Même si les zones de montagne ne sont pas uniformes en Europe, ni d'un point de vue environnemental, pédologique et climatique, ni d'un point de vue économique et social, elles ont en commun des restrictions (ou handicaps) dans l'exercice agricole en raison des pentes, des reliefs accidentés, et des climats le plus souvent défavorables. Ces restrictions limitent les choix de production à l'herbe et aux productions animales. Elles rendent l'agriculture moins facilement adaptable aux conditions de concurrence et engendrent des surcoûts qui ne lui permettent pas de produire des produits très compétitifs à bas prix. En revanche, cette agriculture a de nombreux atouts pour le développement durable des territoires de montagne.

    4.1.2

    Les enjeux de développement rural en montagne sont essentiellement liés à la rareté du foncier exploitable, à la concurrence avec d'autres activités comme la forêt ou l'urbanisation, à la déprise agricole, à la fermeture des paysages, au développement du tourisme, à l'accessibilité (ou l'isolement), aux services d'intérêt général, à la gestion de l'eau, des ressources naturelles et en particulier à la préservation de la biodiversité. Ils tiennent enfin à la sécurité des biens et des personnes grâce aux rôles positifs joués par l'agriculture et la forêt en matière de lute contre les risques naturels comme les éboulements, les crues torrentielles, les avalanches ou les incendies.

    4.2   La nécessité d'une définition harmonisée dans l'Union européenne

    Rappel position avis du CESE sur «L'avenir des territoires de montagne dans l'Union européenne»  (8):

    On constate ainsi d'importantes disparités [dans le zonage des montagnes] d'un État membre à l'autre. Tout en maintenant une certaine subsidiarité dans la désignation finale des territoires concernés, il conviendrait donc d'harmoniser la réalité de la montagne européenne en adaptant en conséquence la définition communautaire actuelle par l'indication d'une fourchette pour chacun des trois critères (pente, altitude, climat).

    4.2.1

    Suite au rapport de la Cour des comptes européenne et à l'étude commanditée par la Commission européenne intitulée: «Zones de montagne en Europe: analyse des régions de montagne dans les États membres actuels, les nouveaux États membres et d'autres pays européens», qui a été publiée en janvier 2004 sur Internet à l'adresse http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/study_fr.htm, donne les moyens à la Commission de parvenir à une définition harmonisée du territoire de montagne.

    4.3   L'Union européenne doit avoir une politique spécifique en faveur des zones de montagnes

    4.3.1

    L'agriculture de montagne a des effets irremplaçables sur l'environnement et les territoires. Pour l'économie locale, l'environnement et l'ensemble de la société, les agriculteurs jouent un rôle positif.

    Il s'agit de ses «externalités positives» ou de son caractère «multifonctionnel». En effet, l'agriculture constitue un relais efficace d'aménagement de l'espace, de gestion des ressources naturelles, et elle est l'élément clé de la construction des paysages. Or ces éléments sont particulièrement précieux en montagne, en raison des importantes ressources en eau, de la biodiversité spécifique à la montagne, et de l'enjeu touristique de presque tous les territoires de montagne. Par ailleurs, cette agriculture contribue au maintien de certaines espèces animales et végétales, que ce soit par leur exploitation directe (races bovines ou ovines exportées dans le monde entier en raison notamment de leur rusticité ou espèces végétales spécifiques comme les plantes à parfum ou certaines céréales redécouvertes aujourd'hui par les consommateurs) ou par l'effet de l'activité agricole (entretien des alpages, etc.). Elle contribue aussi à une diversité des productions agricoles et alimentaires sur les marchés, notamment parce qu'elle fournit souvent des produits originaux et dotés d'une grande notoriété pour lesquels il y a moins de concurrence, ce qui permet aussi de préserver des savoir-faire traditionnels. Enfin, cette agriculture contribue à l'emploi rural, et est étroitement liée aux activités rurales non agricoles avec une proportion importante de pluri-actifs dans beaucoup de régions.

    4.3.2

    À moins d'imaginer que ces externalités positives puissent faire l'objet d'une facturation de services rendus, ce qui, en règle générale, n'est pas le cas pour l'instant, une diminution globale du soutien aux agriculteurs de montagne aurait des impacts immédiats sur celles-ci, en accélérant la disparition des exploitations et, par voie de conséquence, de leur fonction d'entretien de l'espace. Il s'agit là d'une question d'intérêt général qui concerne l'ensemble des décideurs publics et de la société. Elle ne peut être ignorée si l'on veut réellement privilégier les voies et moyens d'un développement durable.

    4.3.3

    La nécessité de conserver une activité agricole productive en zone de montagne est particulièrement forte pour l'économie rurale, afin de permettre la transformation et donc la création de valeur ajoutée dans ces zones, synonymes d'emploi, de croissance, etc. De plus, les produits de montagne sont souvent à la base d'un patrimoine culturel particulièrement riche en montagne dont la survie dépend des produits locaux, comme par exemple l'artisou de Margeride (9) à l'origine de la fête des artisous, le fromage de Mahon ou de l'anis à Rute, etc.

    4.3.4

    L'agriculture de montagne souffre de contraintes spécifiques et permanentes. Du fait de la mise en place du premier pilier de la PAC, basée historiquement sur les niveaux de production des systèmes agricoles, les zones de montagne ont en conséquence un niveau de soutien du premier pilier inférieur à celui des plaines. Les aides du second pilier ont de fait, une importance équivalente à celle du premier pilier dans ces zones. Une politique spécifique en faveur des zones de montagne doit permettre une prise en compte globale et cohérente des problèmes spécifiques que rencontrent les exploitations montagnardes, qu'elles soient agricoles ou pastorales. Cette politique témoigne du fait que la société se donne les moyens de promouvoir une agriculture dynamique en montagne, capable d'assurer les fonctions de production agricole et d'entretien des paysages jugés indispensables pour l'aménagement et le développement futur de ces territoires.

    4.3.5

    Dans le cadre du réseau européen de développement rural, le Comité demande à la Commission la mise en place d'un groupe de travail thématique sur les questions relatives aux montagnes.

    4.3.6

    Les montagnes méditerranéennes cumulent à la fois les handicaps de la montagne et ceux du climat méditerranéen (sécheresse, incendie, orage…). Cette spécificité devrait être prise en compte au niveau européen pour permettre une adaptation des politiques au niveau régional.

    4.4   Privilégier les zones de montagnes dans l'affectation des crédits du second pilier

    4.4.1

    Alors que les budgets du développement rural diminuent ou stagnent dans les anciens États membres et que les nouveaux États membres sont tentés d'affecter les crédits dans les zones les plus productives à court terme, la Commission européenne doit veiller à ce que les crédits européens soient affectés en priorité dans les zones à handicapes naturels permanents, qui en ont besoin de façon récurrente.

    4.5   La consolidation des mesures d'indemnités aux agriculteurs de montagne est essentielle

    4.5.1

    La compensation des handicaps naturels et, par voie de conséquence, des surcoûts de production, représente la mesure la plus importante pour le soutien à l'agriculture de montagne. Cette mesure n'est aujourd'hui remise en cause par personne, même si elle ne dispose pas de moyens suffisants pour satisfaire ses objectifs.

    4.5.2

    Les conditions de production agricole en montagne se caractérisent essentiellement par des contraintes fortes liées à l'altitude, à la pente, à l'enneigement et aux difficultés de communication. Ces contraintes ont des conséquences de deux ordres. Elles entraînent des surcoûts d'équipement (bâtiments et matériels) et de transport et réduisent la productivité des facteurs (foncier, capital, travail) dans des proportions plus ou moins élevées selon les systèmes de production pratiqués et le degré des handicaps.

    4.5.3

    La productivité plus faible des facteurs de production agricole en montagne est liée à la réduction de la durée de la végétation active qui passe de huit mois en plaine à moins de six mois à 1 000 m d'altitude. Cela signifie qu'il faut récolter au moins un tiers de fourrage supplémentaire pour nourrir un animal, et ce, sur des surfaces moins productives en unités fourragères.

    4.5.4

    L'indemnité compensatrice de handicaps naturels (ICHN) est le premier outil de soutien qui intègre ces objectifs. Son plafonnement est souhaitable pour limiter l'agrandissement des exploitations qui sont déjà moyennes à grandes, en vue de maintenir un nombre suffisant d'exploitations, évitant ainsi la désertification.

    4.6   Les autres mesures de soutien de l'activité agricole dans les zones de montagne doivent être poursuivies et renforcées

    4.6.1   La politique de l'élevage extensif à l'herbe

    4.6.1.1

    Au travers des mesures agro-environnementales, il a été possible durant les périodes de programmation précédentes de mettre en place une politique visant à soutenir la production herbagère dans les zones de production extensives. Il faut poursuivre dans cette voie à l'aide de mesures simples et accessibles au plus grand nombre d'éleveurs, complétées par d'autres mesures plus ciblées sur des territoires à enjeux environnementaux spécifiques.

    4.6.1.2

    Limiter le soutien agro-environnemental à ce dernier type de zone irait en effet à l'encontre de l'objectif recherché dans la mesure où il conduirait presque inéluctablement à la disparition des activités d'élevage et au retour à des états de nature délaissée, préjudiciables à la prévention des risques naturels, à la multifonctionnalité des espaces concernés et à la préservation de la biodiversité. Il faut noter par ailleurs qu'en tout état de cause, les mesures agro-environnementales entrant en vigueur à partir de 2007 sont devenues de fait plus sélectives qu'auparavant, puisqu'elles incluent désormais un socle obligatoire non rémunéré lié à la mise en œuvre de la conditionnalité.

    4.6.2   Le soutien aux investissements

    4.6.2.1

    Les surcoûts de construction des bâtiments en montagne sont liés à de nombreux éléments: résistance aux charges de neige et aux vents violents, isolation, travaux de terrassement plus importants, augmentation de la durée de stabulation et donc du volume de stockage des fourrages et des effluents. Les surcoûts de mécanisation sont dus à la spécificité du matériel nécessaire pour travailler dans des terrains pentus et à son usure précoce due aux conditions climatiques. Ils sont liés aussi à la petite taille des séries produites. De même que la compensation des handicaps naturels, le soutien aux investissements est en effet une condition de la pérennité des exploitations agricoles, et devrait donc être renforcé en zone de montagne.

    4.6.3   Installation des jeunes et prêt bonifié

    4.6.3.1

    L'évolution en montagne comme ailleurs est une diminution du nombre d'installations en raison de l'absence de perspectives d'avenir, de la pénibilité du travail et du poids financier du capital d'exploitation à transmettre: lorsque trois agriculteurs cessent leur activité, un seul est remplacé, en montagne comme ailleurs.

    4.6.3.2

    Pourtant, en raison de la fragilité des systèmes agricoles en montagne et des niveaux d'investissements plus élevés qu'en plaine, il est plus important qu'ailleurs de favoriser le renouvellement des générations et l'installation en agriculture. Il s'agit là d'un objectif qui intéresse directement l'agriculture, mais qui s'inscrit aussi pleinement dans un intérêt général bien compris, comme cela a été souligné précédemment.

    4.6.4   Compensation des surcoûts des services

    4.6.4.1

    Les surcoûts des services d'insémination artificielle, de collecte des récoltes sont essentiellement dus à la moindre densité des exploitations de montagne, ce qui allonge les transports, ainsi qu'aux conditions mêmes du transport qui sont plus difficiles et entraînent une usure précoce des véhicules. Pour répondre à l'objectif de maintenir des exploitations en zones de montagne, il est nécessaire de prévoir un soutien à ces services, et particulièrement à la collecte du lait, dont la charge est actuellement supportée par les agriculteurs. Dans le contexte de la montagne, l'argument selon lequel de tels soutiens auraient des effets anticoncurrentiels ne saurait être considéré comme recevable, car les règles du marché ne s'appliquent pas de façon égale et indifférenciée sur tous les territoires.

    4.6.5   Soutien aux industries agro-alimentaires

    4.6.5.1

    Afin de valoriser les produits issus de l'agriculture de montagne, il est indispensable de disposer sur place des outils industriels de transformation et de commercialisation. Mais ces industries agro-alimentaires subissent elles aussi les contraintes liées à la montagne: éloignement des marchés, coût accru des transports, coût de construction et frais de maintenance plus élevés. Ceci amènerait aussi la création d'emploi, ce qui est particulièrement important en zone rurale.

    4.6.5.2

    C'est pourquoi des soutiens permanents à ces activités sont légitimes et nécessaires. Les industries agro-alimentaires doivent pouvoir bénéficier d'un accès large aux aides à finalité régionale.

    4.6.6   Soutien aux investissements agrotouristiques

    4.6.6.1

    L'agritourisme est très développé dans certaines régions de montagne européennes, comme en Autriche, et assure un complément de revenu indispensable à la survie de ces exploitations. Inversement, le développement du tourisme dans ces zones, y compris en dehors des exploitations, existe en raison de l'attrait des paysages et des cultures qui sont essentiellement dus à l'activité agricole.

    4.6.7   Soutien de la Charte européenne des produits agro-alimentaires de qualité

    4.6.7.1

    La plupart des exploitations de montagne ne peuvent être compétitives en produisant des produits de masse, standardisés, payés au même prix (ou souvent à des prix inférieurs en raison de l'isolement) que ceux de la plaine. La recherche de la qualité, de l'authenticité et de l'originalité des produits, la mise en place de circuits valorisant la production et la structuration de filières agro-alimentaires permettant d'optimiser la valeur ajoutée sont, en montagne encore plus qu'ailleurs, une nécessité impérieuse pour accroître les revenus agricoles. De très nombreuses appellations d'origine sont originaires des zones de montagne.

    4.6.7.2

    Une protection adéquate des produits agro-alimentaires de qualité issus de la montagne, synonyme de confiance pour le consommateur et de valorisation pour le producteur, représente un enjeu majeur pour l'avenir de l'agriculture de montagne. C'est pourquoi, le Comité est signataire de la Charte des produits agro-alimentaires de montagne de qualité (10) et souhaite que les institutions communautaires soutiennent cette démarche.

    4.7   Intégration des politiques agricole et régionale pour un meilleur effet sur les territoires de montagne

    4.7.1

    La politique régionale européenne, par exemple, intègre un objectif de cohésion territoriale qui n'apparaît que très peu dans la PAC. Elle a une dimension rurale qui pourrait être renforcée. Ces deux politiques ensemble, de façon coordonnée, ont le potentiel d'agir fortement et positivement sur le développement durable en montagne.

    4.8   Autres points à considérer

    4.8.1   La gestion des grands prédateurs doit être concertée

    4.8.1.1

    L'émergence et le développement d'un élevage ovin extensif dans les montagnes européennes avaient été rendus possible par l'éradication des grands prédateurs. Leur recrudescence (loup dans les Alpes ou l'ours dans les Pyrénées) conduit à une remise en question de ce mode d'élevage extensif peu gardienné.

    4.8.1.2

    Des initiatives existent pour proposer des solutions équitables susceptibles de réconcilier l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne avec la protection des grands prédateurs, notamment en Italie et en Espagne (moyens de protection efficaces, indemnisation des pertes, compensation des efforts supplémentaires imposés par la cohabitation avec le prédateur, …), qui doivent être poursuivies. Ces expériences doivent être valorisées dans les autres régions de montagne européennes.

    4.8.2   L'activité forestière est un complément indispensable

    4.8.2.1

    La superficie totale des forêts de montagne est estimée à environ 28 millions d'hectares pour l'UE à 15 et 31 millions d'hectares pour l'UE à 25. Elle progresse à un taux supérieur à celui de l'ensemble de la forêt européenne. L'activité forestière est souvent à l'origine d'un complément de revenu pour les exploitants de montagne. Dans le contexte actuel d'une meilleure valorisation de la biomasse, notamment à des fins énergétiques, elle pourrait constituer une opportunité supplémentaire pour le développement durable des régions de montagne, à condition de gérer rationnellement l'implantation des nouveaux espaces forestiers. La sélection d'espèces et de variétés adaptées, notamment pour leurs qualités mécaniques, constituerait également une opportunité pour les régions de montagne et pour les marchés de la construction en bois, tout en permettant de limiter les importations en provenance des pays tiers, qui peuvent être à l'origine de désastres écologiques.

    4.8.2.2

    Du point de vue fonctionnel, les écosystèmes forestiers de montagne ont aussi des caractéristiques particulières. Ils jouent par ailleurs un rôle central et fondamental de régulation des eaux superficielles et souterraines et sont particulièrement sensibles aux impacts extérieurs (pollutions, surcharge de gibier, tempêtes, insectes), et aux incendies, plus difficiles à prévenir et à maîtriser dans ces zones où l'accès est limité et où la propagation du feu peut être très rapide.

    4.8.2.3

    La stabilité écologique des écosystèmes de montagne n'est pas seulement importante pour ceux-ci, mais aussi pour la protection des régions en aval.

    4.8.3

    Le Comité se félicite de l'approbation du protocole agricole de la Convention alpine par la Communauté européenne. Dans le cadre de ces travaux, la Commission européenne doit favoriser les coopérations internationales de ce type pour tous les massifs montagneux européens.

    5.   Régions insulaires

    5.1   Définition

    5.1.1

    Plus de 10 millions d'européens, soit 3 % de la population de l'UE, vivent dans les 286 régions insulaires, qui occupent une superficie de 100 000 km2, c'est-à-dire 3,2 % de la superficie totale de l'Union européenne. Ces 286 îles sont regroupées en archipels, et l'on parle donc de 30 régions insulaires. Par exemple, les îles Baléares, composées de 4 îles selon la définition de l'UE, sont regroupées en une seule région insulaire. En général, l'agriculture de ces 286 îles présente un degré de développement économique inférieur à celui du continent européen. Les régions insulaires génèrent 2,2 % de l'ensemble du PIB de l'UE, représentant à peine 72 % de la moyenne de l'UE.

    5.1.1.1

    L'on parle, en somme, des îles de la Méditerranée: 95 % des habitants des îles européennes vivent dans les îles de la Méditerranée et à peine 5 % dans les îles de l'Atlantique ou septentrionales. Quelque 85 % de la population européenne insulaire se concentrent dans cinq régions insulaires méditerranéennes (Sicile, Corse, Sardaigne, îles Baléares et Crète).

    5.1.1.2

    L'on parle fréquemment du coût de l'insularité, c'est-à-dire du surcoût lié au fait de vivre sur une île. Or, il y a lieu de se demander si ce coût correspond à une réalité. Est-il en effet plus cher de consommer et de produire sur une île que sur le continent? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut accepter la prémisse suivante: si l'on considère que l'environnement naturel a une incidence sur l'activité humaine et, partant, sur l'activité agricole, l'on peut alors parler de coût de l'insularité.

    5.2   Observations générales

    5.2.1

    Bien que des différences subsistent d'une région à l'autre, l'agriculture des îles présente cependant deux caractéristiques communes: la dualité et la dépendance, c'est-à-dire la coexistence d'une agriculture moderne, «d'exportation», et d'une agriculture traditionnelle, plus ou moins proche d'une agriculture de subsistance, largement dépendante vis-à-vis de l'extérieur, aussi bien pour les facteurs de production que pour la destination finale des produits, tant pour le commerce local qu'extérieur. La balance commerciale montre clairement comment ces régions exportent un ou deux produits «spécialisés» tout en important un large éventail de produits agricoles et d'élevage destinés à la consommation intérieure.

    5.2.2

    En tout état de cause, le développement rural est confronté à une série de problèmes communs permanents, dus à l'isolement géographique et économique de ces régions, problèmes aggravés par les autres handicaps naturels cités plus haut.

    5.3   Observations spécifiques

    Ces régions sont caractérisées par l'existence de handicaps permanents qui les distinguent clairement des régions continentales, à savoir:

    5.3.1

    Handicaps généraux et agricoles:

    isolement par rapport au continent;

    dimension limitée des terrains;

    faible disponibilité d'eau;

    sources d'énergie limitées;

    diminution de la population autochtone, notamment des jeunes;

    manque de main-d'œuvre qualifiée;

    absence d'environnement économique pour les entreprises;

    difficulté d'accès aux services d'éducation et de santé;

    coût élevé des communications et des infrastructures (maritimes et aériennes);

    difficulté de gestion des déchets

    5.3.2

    Handicaps agricoles:

    monoculture et saisonnalité de l'activité agricole;

    fragmentation territoriale compliquant la gestion, l'administration et le développement économique de ces régions;

    marchés de taille limitée;

    isolement par rapport aux grands marchés;

    oligopoles pour l'approvisionnement en matières premières;

    déficit d'infrastructures de transformation et de commercialisation;

    forte concurrence pour le sol et l'eau due à un tourisme croissant;

    insuffisance d'abattoirs et d'industries de première transformation de produits locaux.

    6.   Régions ultrapériphériques

    6.1   Définition

    6.1.1

    La Commission européenne a décidé d'adopter une politique conjointe pour ces régions, au travers des programmes d'orientation spécifique à l'éloignement et à l'insularité des régions ultrapériphériques (POSEI): POSEIDOM pour les départements français d'outre-mer, (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion), POSEICAN pour les îles Canaries et POSEIMA pour Madère et les Açores.

    6.2   Observations générales

    6.2.1

    L'agriculture des régions ultrapériphériques représente, indépendamment de son importance relative dans le PIB régional, en tout cas supérieure à la moyenne communautaire, un secteur fondamental pour l'économie de ces régions (ayant des effets indirects importants sur les transports et les autres activités connexes), leur équilibre social et la stabilité de l'emploi, l'aménagement du territoire, la conservation de leur patrimoine naturel et culturel, ainsi que pour des raisons stratégiques de sécurité en matière d'approvisionnement.

    6.3   Observations spécifiques

    6.3.1

    Les limitations naturelles et les difficultés d'approvisionnement en moyens de production et en technologie adéquate occasionnent des coûts de production élevés.

    6.3.2

    Il est particulièrement difficile pour les productions de ces régions, plus chères que celles provenant du continent, de concurrencer les produits importés sur les marchés locaux, difficultés dues à la dispersion de la production, au morcellement et au manque de structures adéquates de transformation et de commercialisation. Par ailleurs, l'implantation croissante d'«hypermarchés» et de grands réseaux de distribution ne contribue pas non plus à améliorer cette situation.

    6.3.3

    L'absence d'économies d'échelle, avec des marchés locaux de dimension réduite et fréquemment morcelés, le manque de structures associatives (coopératives, …), la rareté, voire l'inexistence d'abattoirs et de petites industries de transformation, s'ajoutent aux difficultés.

    6.3.4

    L'industrie de transformation locale, dont le développement est également entravé par ce genre d'obstacles, ne constitue pas non plus un client adéquat étant donné que la possibilité d'obtenir une valeur ajoutée pour les produits est très limitée.

    6.3.5

    Les difficultés en matière d'exportation sont semblables: dispersion et morcellement de l'offre, systèmes et infrastructures de commercialisation différents, difficultés d'accès aux centres de distribution de destination et difficultés de réaction «en temps opportun» aux changements du marché, etc.

    6.3.6

    La diminution de la population autochtone, notamment des jeunes, attirée par d'autres secteurs économiques, surtout le secteur touristique, ou émigrant hors des régions insulaires.

    6.3.7

    Les exploitations, au sein desquelles les femmes jouent un rôle déterminant, sont généralement de taille réduite et à caractère familial; elles ont largement recours à l'emploi à temps partiel, et éprouvent de grandes difficultés à pratiquer une agriculture plus extensive, en raison du morcellement excessif et des difficultés de mécanisation.

    6.3.8

    En l'absence d'un secteur industriel important, le développement économique s'oriente vers le secteur touristique, ce qui aggrave la fragilité de l'environnement et place l'agriculture dans une position défavorable, les deux secteurs se disputant les meilleures terres, l'eau et la main-d'œuvre. En outre, le déplacement des populations vers les zones côtières cause des problèmes d'érosion et de désertification.

    6.4   Handicaps agricoles

    6.4.1

    Les productions agricoles telles que les tomates, les fruits tropicaux, les plantes et les fleurs doivent pouvoir concurrencer sur leurs marchés les produits semblables en provenance d'autres pays qui ont des accords d'association avec l'UE, tels que les pays ACP et le Maroc, ou qui bénéficient de régimes préférentiels.

    6.4.2

    Les programmes POSEI agricoles ne sont pas encore arrivés à leur niveau optimal d'utilisation du fait essentiellement du caractère récent de certaines mesures. Il conviendra donc de respecter les plafonds fixés en dotant ces programmes de moyens économiques suffisants pour atteindre les objectifs définis.

    6.4.3

    Le changement de régime qui se profile dans le cadre de la future réforme de l'OCM de la banane, en préservant les revenus des producteurs communautaires et l'emploi, pour garantir l'avenir de la banane communautaire.

    6.4.4

    Le résultat final des négociations de l'OMC (proposition de modification des droits de douane). Si nécessaire, il faudra prendre les mesures adéquates pour garantir l'emploi et les revenus des agriculteurs des secteurs concernés.

    6.4.5

    Compte tenu de l'environnement propre à ces régions, il conviendrait de prévoir et de renforcer les contrôles dans le domaine de la santé végétale et animale, en mettant à disposition pour ce faire tous les moyens humains et techniques nécessaires.

    7.   Propositions pour les régions insulaires et ultrapériphériques

    7.1

    Le Comité constate le rôle stratégique de l'activité agricole dans ces régions, facteur d'équilibre social, culturel, territorial, naturel et d'harmonie du paysage.

    7.2

    Après étude des différents documents précités, le Comité constate l'existence de désavantages structurels pour le développement des activités agricoles dans les régions insulaires et ultrapériphériques.

    7.3

    Aussi, le Comité considère-t-il nécessaire d'adresser une série de recommandations à la Commission européenne, l'exhortant à prendre des mesures spécifiques pour compenser les handicaps liés à l'insularité et à la situation ultrapériphérique qui affectent 16 millions de citoyens européens et, en particulier, le développement des activités agricoles dans ces territoires.

    7.4

    Concernant les régions insulaires et ultrapériphériques, le Comité demande instamment à la Commission européenne de:

    7.4.1

    octroyer le statut de zone agricole défavorisée à l'ensemble de ces territoires. Les handicaps spécifiques pour le développement de l'agriculture dans les îles de Malte et de Gozo (11), constituent un précédent important pour l'établissement de cette mesure dans les territoires insulaires et ultrapériphériques;

    7.4.2

    établir un régime d'aide au transport de produits agricoles entre ces territoires et le continent et au transport interinsulaire. La subvention des coûts de transport devrait permettre aux produits agricoles des îles et régions ultrapériphériques de concurrencer le reste des produits agricoles de l'Union sur le marché européen;

    7.4.3

    établir un plan qui garantisse l'égalité de prix des intrants agricoles de base dans ces territoires (tels que les carburants, les engrais, les équipements agricoles etc.) afin de corriger le surcoût de production des activités agricoles dans les îles et les régions ultrapériphériques. Il faut adopter des mesures visant à soutenir les importations de produits de base pour l'alimentation animale;

    7.4.4

    inclure et accroître les pourcentages de cofinancement européen, dans les plans de développement rural, incluant la construction et l'investissement dans les infrastructures spécifiques visant à compenser les handicaps liés à l'insularité et à la situation ultrapériphérique. Parmi ceux-ci figurent les plans d'irrigation avec des eaux traitées, les systèmes de drainage, les infrastructures portuaires et de stockage, les aides à la commercialisation, etc.;

    7.4.5

    établir des mesures spéciales pour garantir la vigilance et le contrôle d'activités oligopolistiques (spécialement présentes dans les îles) où la taille réduite du marché local favorise l'apparition d'un petit nombre d'entreprises de distribution qui ont parfois des marges bénéficiaires substantielles. La lutte contre ces pratiques favorisera le développement du libre commerce dans ces territoires.

    7.5

    D'autre part, en ce qui concerne les mesures spécifiquement destinées aux régions insulaires de l'Union (non ultrapériphériques), le Comité exhorte la Commission européenne à:

    7.5.1

    adopter des programmes d'action spécifiques pour les régions insulaires de l'Union non ultrapériphériques. S'inscrivant dans la lignée des programmes approuvés pour les régions ultrapériphériques (12), ces programmes spéciaux doivent permettre aux régions insulaires d'obtenir un résultat similaire à ceux obtenus par les sept régions ultrapériphériques: durant les périodes 1994-1999 et 2000-2006, ces territoires ont reçu, par habitant, 33 % de financement des Fonds structurels de plus que le reste des habitants des régions de l'objectif 1. Cette aide a facilité une croissance économique et une diminution des taux de chômage bien supérieures à celles de nombreuses autres régions de l'UE;

    7.5.2

    accroître, pour la nouvelle période de programmation politique régionale (2007-2013), la participation des Fonds européens dans les coûts totaux subventionnables, de telle sorte que ce pourcentage soit fixé à un maximum de 85 %, comme cela se produit déjà dans les régions ultrapériphériques et dans les îles grecques les plus éloignées (13). La nouvelle proposition de la Commission (14) (période 2007-2013) pour le cas des îles, semble insuffisante (60 % au maximum).

    7.5.2.1

    permettre aux collectivités territoriales de mettre en place le programme JEREMIE (15), sous forme de fonds d'investissement, qui pourra octroyer des moyens financiers à des jeunes agriculteurs qui voudraient s'installer en cultures vivrières.

    7.5.3

    Le Comité propose que les régions insulaires reçoivent un traitement spécifique dans le cadre des nouveaux Fonds structurels.

    7.6

    Compte tenu de l'inexistence d'une politique spécifique destinée à compenser les coûts de l'insularité, le CESE invite instamment les acteurs concernés, gouvernements, société civile, etc. à joindre leurs efforts pour créer une plate-forme qui canalise et coordonne toutes les demandes de résolution de problèmes, afin de permettre aux agriculteurs, femmes et hommes, de continuer à vivre et à travailler dans les régions insulaires.

    Bruxelles, le 13 septembre 2006.

    La Présidente

    du Comité économique et social européen

    Anne-Marie SIGMUND


    (1)  JO C 302 du 14.03.2003, rapporteur Jean-Paul Bastian.

    (2)  JO 302 du 07.12.2004 et CES 251/2005, JO C 234 du 22.09.2005, rapporteur M. Gilbert Bros.

    (3)  INI2000/2222, JO C 072 du 21.03.2001.

    (4)  JO C 221 du 17.09.2002, rapporteur M. Philippe Levaux.

    (5)  JO C 24 du 31.01.2006, rapporteuse Mme Margarita López Almendáriz.

    (6)  JO C 30 du 30.01.1997, rapporteur M. Leopoldo Quevedo Rojo.

    (7)  JO C 74 de 23.03.2005.

    (8)  idem 1.

    (9)  Plus d'infos sur le fromage: http://www.artisoudemargeride.com.

    (10)  Voir le site internet http://www.mountainproducts-europe.org/sites/euromontana.

    (11)  Traité d'adhésion à l'Union européenne de: la République tchèque, l'Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie ou la Slovaquie.

    (12)  Programme POSEIDOM pour les régions ultrapériphériques françaises, POSEICAN pour les îles Canaries et POSEIMA pour les Açores et Madère.

    (13)  Règlement no 1260/1999.

    (14)  COM(2004) 492 final.

    (15)  OJ C 110 de 9.05.2006 (Rapporteur: M. Antonello Pezzini).


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