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Document 52005IE0140

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment garantir une meilleure intégration des régions souffrant de handicaps naturels et structurels permanents»

JO C 221 du 8.9.2005, p. 141–152 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

8.9.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 221/141


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment garantir une meilleure intégration des régions souffrant de handicaps naturels et structurels permanents»

(2005/C 221/23)

Le 27 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 du Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème: «Comment garantir une meilleure intégration des régions souffrant de handicaps naturels et structurels permanents».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 janvier 2005 (Rapporteur: M. BARROS VALE).

Lors de sa 414ème session plénière des 9 et 10 février 2005 (séance du 10 février 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 80 voix pour, zéro voix contre et 3 abstentions.

1.   Introduction et observations générales

1.1   Définition et stabilisation du concept de régions à handicaps physiques et structurels permanents

1.1.1

L'un des objectifs stratégiques de l'Union européenne est de parvenir à un développement harmonieux et homogène pour l'ensemble de son territoire, en éliminant en particulier les facteurs aussi bien socioéconomiques, historiques, physiques que naturels qui compromettent la compétitivité de certaines zones et font obstacle à leur développement.

1.1.2

Parmi ces différents obstacles, l'on peut citer l'accessibilité comme étant l'un des plus significatifs, dans la mesure où il conditionne de manière décisive les conditions de vie dans certaines régions comme les îles ou les zones de montagne, par exemple. La faible densité de population est également un handicap supplémentaire pour le développement de diverses régions. Il existe des territoires où coexistent plusieurs handicaps, comme les îles à caractère montagneux, par exemple, et qui voient par conséquent leurs difficultés accrues.

1.1.3

Dans le cadre des travaux réalisés sur la cohésion économique et sociale, la Commission européenne a reconnu l'existence de handicaps structurels permanents (inconvénients géographiques ou naturels et démographiques spécifiques) dans certaines régions de l'UE — territoires montagneux, territoires à faible densité de population et territoires insulaires — qui rendent l'activité économique difficile et constituent un véritable désavantage pour le développement des régions concernées.

1.1.4

Le CESE est toutefois d'avis que la politique régionale européenne n'a pas apporté, dans l'ensemble, une réponse vraiment appropriée qui tienne dûment compte des facteurs conditionnants qui pèsent de manière décisive sur ces régions.

1.1.5

En effet, malgré l'existence d'un ensemble de mesures communautaires visant, ou surtout, impliquant certaines de ces régions, soit effectivement soit potentiellement, il n'existe pas de politique européenne structurée concernant tous les territoires touchés par ce type d'inconvénients, qui serait constituée de mesures exclusives conçues en fonction de leurs spécificités.

1.1.6

Le CESE estime que cette situation résulte, en grande partie, de l'absence au niveau juridique et officiel, d'un vrai concept communautaire de «régions en situation de handicaps naturels et structurels permanents».

1.1.7

Dans le contexte européen actuel, celui d'une Europe élargie à 25 États membres, le CESE considère qu'il est de la plus haute importance de garantir une reconnaissance juridique et officielle d'un tel concept qui pourrait servir de base à la définition d'un cadre d'intervention spécifique.

1.1.8

Selon le CESE, ces territoires devraient faire l'objet d'une attention particulière, notamment grâce à la création d'un cadre d'approche spécifique incluant des mesures à caractère permanent, les seules en fin de compte qui soient compatibles avec une minimisation de problèmes structurels particulièrement récurrents. C'est la seule manière de prévenir le risque d'un isolement et d'une marginalisation encore plus important de ces régions et de contribuer à leur intégration dans la Communauté dont elles font partie dans des conditions équitables.

1.1.9

Déjà dans son avis sur «L'avenir des territoires de montagne dans l'Union européenne» (1), le CESE jugeait indispensable de garantir une vision commune à travers la reconnaissance de la spécificité de ces territoires dans les traités, à l'instar de celle qui existe déjà dans les articles 158 et 299 du Traité d'Amsterdam. Cette reconnaissance, justifiée par les handicaps et les enjeux auxquels sont confrontés ces territoires, pourrait prendre la forme d'une formulation et de l'octroi à ceux-ci d'un droit à la solidarité ainsi que d'un droit à la différence et à l'expérimentation.

1.1.10

Le CESE a toujours été d'avis que de tels territoires ont besoin d'une reconnaissance pour pouvoir consolider les principes fondamentaux qui leur permettront de s'assumer pleinement en tant que territoires d'authenticité et de diversification.

1.1.11

Ainsi, le CESE se félicite que dans le Traité constitutionnel de l'Union européenne, approuvé le 18 juin dernier lors de la conférence intergouvernementale qui a réuni les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne, et qui doit encore être ratifié, un article ait été inclus, semblant traduire une reformulation de l'article 158 du traité d'Amsterdam, et qui contient une mention explicite des régions touchées par des handicaps structurels permanents, tels que l'insularité, le caractère montagneux et la faible densité de population.

1.1.12

En effet, dans la partie consacrée à la cohésion économique, sociale et territoriale, l'article III — 220 ajoute aux deux paragraphes déjà prévus à l'article 158 du traité d'Amsterdam le paragraphe suivant: «Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition, industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population, ainsi que les régions insulaires, transfrontalières et de montagne».

1.1.13

Le CESE estime que la reconnaissance dans le traité constitutionnel des régions souffrant de ce type de handicaps constitue sans aucun doute un levier politique important qui permettra de mener à bien des actions futures, tant au niveau national que communautaire, plus appropriées à la réalité de ces territoires, dans la perspective d'une diminution notable de leurs inconvénients structurels permanents ou, tout du moins, de la réduction de leur impact.

1.1.14

Le CESE se félicite de voir que l'Union européenne demeure engagée dans la promotion de la cohésion économique et sociale et il estime que la reconnaissance des spécificités de ces territoires dans le traité constitue bien évidemment une chance importante pour l'avenir de ces régions. Toutefois, il considère que l'établissement d'une véritable base juridique de référence pour la reconnaissance de ces régions requiert nécessairement une clarification du concept, et notamment de ce que l'on entend par «handicaps naturels permanents, handicaps démographiques, régions à faible densité de population ou zone de montagne».

1.1.15

Il importe maintenant, à travers la législation communautaire, de définir objectivement quels sont les territoires auxquels le concept s'applique, en vue de garantir de futures interventions spécifiques à caractère permanent en faveur de ces régions.

1.1.16

Le fait d'inscrire ce concept dans la législation de l'UE conférerait certainement plus de force à une action menée dans le cadre de la politique communautaire, qui serait modulée en fonction des spécificités de ces régions, en vue de compenser les désavantages structurels auxquels elles sont confrontées.

1.2   La problématique des régions insulaires de l'Union européenne

1.2.1

L'insularité est soulignée comme étant une caractéristique géoculturelle et un désavantage permanent qui accentuent les difficultés de ces régions en matière de compétitivité.

1.2.2

Au plan institutionnel, il a été fait clairement référence aux territoires insulaires (article 154 du Traité de Maastricht, article 158 du Traité d'Amsterdam et déclaration annexe no30 du Traité d'Amsterdam), et reconnu que les désavantages structurels liés à l'insularité portent gravement préjudice au développement économique et social des régions insulaires et il est par conséquent recommandé de prendre des mesures en faveur de celles-ci au niveau de la législation communautaire, toutes les fois que cela se justifie, de manière à mieux les intégrer, dans des conditions équitables, dans le marché intérieur.

1.2.3

Le rapport sur l'analyse des régions insulaires (2), daté de mars 2003 indique néanmoins que ces références institutionnelles, pour importantes qu'elles soient, ont pour le moment été peu suivies d'effet en termes d'actions spécifiques.

1.2.4

Une étude relative aux 286 régions insulaires (3) présente les résultats suivants:

ces régions comptent près de 10 millions d'habitants et couvrent une superficie de 100 000 km2 (ce qui correspond à 3 % de la population de l'Union européenne et à 3,2 % de sa superficie);

le PIB total estimé de ces territoires s'élève à € 18 Mrds, soit 2,2 % du PIB de l'Union et le PIB par habitant (en parité de pouvoir d'achat) atteint € 16 300, soit 72 % de la moyenne de l'UE, avec de fortes disparités entre les régions insulaires;

à quelques exceptions près, la situation économique et sociale des îles apparaît comme moins bonne par rapport à la moyenne du pays d'appartenance. Ainsi, les régions insulaires disposent d'un PIB par habitant généralement inférieur à la moyenne nationale, sans être nécessairement le plus bas du pays (il est toutefois largement supérieur à celui du groupe des dix régions les plus pauvres de l'Union européenne);

l'économie des territoires insulaires est très vulnérable, dans la mesure où elle demeure centrée sur un nombre limité d'activités, avec une hyperspécialisation dans des activités telles que l'agriculture, la pêche et le tourisme. Le manque de matières premières fait obstacle au développement du secteur secondaire (les régions insulaires ont un taux d'emploi dans le secteur secondaire inférieur à la moyenne de l'UE). Certaines stratégies visant à élargir la base économique et à réduire le caractère saisonnier de son activité ont été mises en œuvre;

les îles comptent un pourcentage élevé de petites entreprises. La taille réduite du marché intérieur, le niveau encore peu élevé des qualifications et l'absence de tradition en matière de création d'entreprises constituent des facteurs de grande vulnérabilité pour les entreprises de ces territoires;

la population insulaire se répartit de manière très inégale entre les trois zones géographiques: 95 % de la population se concentre dans les îles méditerranéennes, contre 5 % dans les îles atlantiques et du Nord. Ce déséquilibre est encore plus marqué en termes de répartition par île (un groupe de 5 îles concentre près de 85 % de la population);

la taille de la population résidente constitue le désavantage le plus déterminant. Ce critère permet de mettre en évidence une valeur seuil de 4 — 5 000 habitants, au-dessus de laquelle le taux de croissance démographique est généralement positif, le niveau d'équipement en infrastructures est élevé et la population est plus jeune. En dessous de ce seuil, les îles sont particulièrement exposées à l'exode et au vieillissement de la population, ainsi qu'à des carences évidentes en équipement;

parallèlement à la taille de la population résidente, les conditions géomorphologiques et naturelles sont à l'origine d'un triple handicap: insularité, caractère montagneux et configuration en archipel. En effet, ces territoires, dont le relief est essentiellement montagneux, doivent également faire face à des conditions défavorables résultant de la structure en groupe d'îles;

les territoires insulaires ont toutefois divers atouts qui doivent être davantage et mieux exploités, notamment en ce qui concerne les activités de loisirs (tourisme, sport, résidence secondaire, etc.), sans oublier le rôle important qu'ils jouent au niveau des autoroutes maritimes.

1.2.5

La définition Eurostat d'une «île» exclut toute île sur laquelle se trouverait une capitale de l'UE. Avant l'élargissement, cette définition excluait de fait la Grande Bretagne et l'Irlande, mais aujourd'hui elle exclut également deux îles relativement petites, à savoir Chypre et Malte. Le CESE suggère que la définition soit reconsidérée de façon à permettre l'inclusion éventuelle de ces deux nouveaux États membres. Ceci a déjà été reconnu par la Commission européenne dans sa proposition pour les nouveaux Fonds structurels et de cohésion (4), ainsi que dans le cadre de la nouvelle Constitution européenne (5), qui comporte une déclaration à cet effet.

1.3   La problématique des régions de montagne

1.3.1

Les régions de montagne représentent près de 40 % du territoire de l'UE et sont habitées par près de 66,8 millions de personnes (soit 17,8 % de la population totale de l'UE).

1.3.2

Compte tenu des spécificités géophysiques, culturelles et économiques (les montagnes délimitent très souvent les frontières d'un État), de nombreuses activités ne trouvent pas dans ces régions de montagne de cadre adapté à leur développement, ce qui conditionne le mode de vie des habitants.

1.3.3

Dans une étude récente sur les régions de montagne, l'on a souligné, outre différents handicaps naturels, économiques et sociaux, l'existence de disparités accentuées entre différentes zones.

1.3.4

La même étude conclut que les politiques nationales relatives aux zones de montagne ont été variées: dans certains pays, elles ont revêtu principalement un caractère sectoriel, en étant destinées essentiellement à l'agriculture et au développement rural, tandis que dans d'autres, elles ont visé un développement multisectoriel, notamment dans des zones disposant d'infrastructures publiques, en misant sur l'environnement et le tourisme.

1.3.5

L'étude sur les zones de montagne fait également valoir que l'environnement, le paysage et les valeurs culturelles, qui constituent un véritable patrimoine, sont actuellement mieux protégés du point de vue de la législation nationale et communautaire, mais souligne la nécessité d'une meilleure coordination avec les stratégies de développement.

1.3.6

Dans le contexte du processus de mondialisation, l'étude met en garde contre l'existence de trois risques: la tendance à faire des zones de montagne «un musée ouvert» (de réserves naturelles/culturelles et de zones récréatives), la tendance à promouvoir la croissance économique sans appliquer le principe de durabilité et la tendance à l'abandon.

1.4   La problématique des zones à faible densité de population

1.4.1

Dans les régions à faible densité de population, c'est le transport qui constitue généralement le problème principal, aussi bien en termes de durée que de coût. Souvent, il s'agit d'un réel manque d'équipements de transport. Rares sont les économies d'échelle dans ces régions, ce qui constitue un problème non seulement pour les producteurs privés mais aussi pour les services sociaux et autres services publics. Ainsi, la solidarité nationale est mise à l'épreuve, puisque les services publics dans ces parties d'un pays devraient absorber une plus grande part des dépenses publiques que ne le justifierait la taille de leur population.

1.4.2

Le climat est une autre caractéristique de ces régions qui pose des problèmes. Une faible densité de population et un climat froid vont souvent de pair. Aux coûts des transports de longue durée viennent s'ajouter, entre autres, des coûts de chauffage plus élevés.

1.5   Les questions liées aux transports et à leurs coûts, soit dans le cadre d'une analyse «par habitant», soit en termes absolus

1.5.1

Dans sa résolution du 12 février 2003 relative au Livre blanc sur la politique des transports, le Parlement européen rappelle que la politique des transports doit contribuer à la cohésion économique et sociale et assumer le caractère spécifique des régions périphériques, insulaires, de montagne et à faible densité de population, tout en soulignant l'importance de répondre aux besoins particuliers de ces zones. Compte tenu de leur situation géographique, les transports revêtent une importance stratégique pour ces régions.

1.5.2

En outre, le fait que certaines de ces régions soient constituées d'archipels accentue leur dépendance vis-à-vis de ce types de services dès lors que le maintien de relations politiques, économiques et sociales avec le continent est lié aux services de transport aérien et maritime.

1.5.3

Les surcoûts des transports, résultant tant de l'éloignement de ces régions que de la nécessité d'assurer la régularité du service, rendent encore plus difficile leur développement économique. En effet, les désavantages économiques se reflètent dans les coûts élevés de transports de personnes et de marchandises à partir de et à destination de ces régions (dans les îles, le coût du transport des marchandises pour qu'elles puissent accéder aux marchés extérieurs est plus élevé, en raison de leur dépendance vis-à-vis des transports maritimes ou aériens, plus chers que le transport routier ou ferroviaire à distances égales), les coûts de distribution élevés (en raison de la nécessité de garder des stocks importants pour prévenir les risques de raréfaction dus aux conditions climatiques et autres et pour répondre à une demande saisonnière) et dans les coûts de production supérieurs (accrus par la taille réduite du marché intérieur et dans certains cas par le coût élevé du terrain ainsi que par la capacité d'investissement local réduite).

1.5.4

Malgré le poids économique et démographique relativement faible de ces régions, comparé à l'ensemble de l'Union européenne, certaines d'entre elles, notamment les plus périphériques et ultrapériphériques, peuvent constituer une plate-forme européenne pour le développement de relations commerciales avec leurs voisins respectifs.

1.5.5

En conséquence, l'on a fait valoir que la politique commune des transports, notamment à travers une meilleure intégration des aéroports et des ports de ces régions dans les réseaux transeuropéens, est essentielle pour répondre à leurs besoins spécifiques, dans la perspective de leur développement économique et social.

1.5.6

Dans le rapport sur les régions structurellement défavorisées, la Commission de la politique régionale, des transports et du tourisme souligne le rôle que peuvent jouer les grands réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports et de l'énergie pour résoudre le problème d'accessibilité et pour promouvoir la compétitivité, dans la mesure où ils peuvent contribuer à assurer une meilleure connexion de ces régions avec le reste de l'UE et à réduire la fragmentation interne des marchés régionaux.

1.6   Les questions liées aux télécommunications

1.6.1

Les longues distances, soit jusqu'aux principaux marchés européens, soit à l'intérieur des régions, compromettent sérieusement la compétitivité de ces régions structurellement défavorisées ainsi que leurs possibilités de développement.

1.6.2

Le développement de la société de l'information, des réseaux de télécommunications, des services multimédias et de l'innovation technologique constitue par conséquent une véritable chance pour ces régions.

1.6.3

Dans la mesure où elles réduisent les barrières temps et distance, les nouvelles technologies de l'information et des communications sont considérées comme un moyen d'atténuer les effets de l'insularité et d'aider à fournir aux îles différents services (notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé, dans ce dernier cas au travers du développement de la télémédecine) et elles constituent une condition importante du développement des affaires dans ces régions.

1.6.4

Consciente que ces questions sont des aspects incontournables dans le développement des économies locales, l'Union européenne a soutenu les efforts des régions et des acteurs économiques, tant publics que privés, en vue de moderniser les infrastructures de télécommunications, de développer les services nécessaires à la réalisation de la société de l'information et de mieux les insérer dans le contexte régional.

1.6.5

Les études révèlent toutefois que, malgré une amélioration considérable des infrastructures des télécommunications dans ces régions, tant en qualité qu'en nombre de lignes connectées, qu'il s'agisse de liaisons régionales et nationales ou de communications internationales, et en dépit du développement des services télématiques, ce qui a permis une meilleure information des utilisateurs des services publics et privés, les disparités demeurent très importantes par rapport aux régions européennes continentales.

1.6.6

En résumé, nonobstant des progrès significatifs, tous les problèmes ne sont pas encore résolus, et l'on espère que les progrès de la technologie permettront des changements positifs dans les prochaines années, de manière à atténuer le sentiment d'isolement psychologique des habitants de ces régions.

1.7   Infrastructures et accès aux services publics, notamment, ports, aéroports, chemins de fer, routes, services de santé, éducation et formation ainsi que politique de la connaissance

1.7.1

Les régions en situation de désavantage structurel et naturel permanent sont en général confrontées à de grandes difficultés en matière de fixation de leur population.

1.7.2

C'est l'absence de masse critique qui est en général à l'origine de l'insuffisance des services publics, tant au plan qualitatif que quantitatif, dans ces territoires. Les surcoûts des services de base, tel que les transports, conditionnent le développement économique de ces régions. Aussi, le CESE est-il d'avis que les services publics sont également déterminants pour la dynamique territoriale de ces régions en raison de leur impact social.

1.7.2.1

Vu que la fourniture de services publics relève de la responsabilité des États membres, les politiques en la matière sont principalement une question nationale. Le CESE appelle donc les États membres à créer des systèmes de services sociaux caractérisés par une solidarité socio-géographique.

1.7.3

S'il est vrai que les technologies de l'information et des communications ont permis d'apporter certaines solutions, les progrès enregistrés à ce niveau sont encore très lents dans la majorité de ces régions.

1.7.4

Comme le Parlement européen, le CESE estime que la révision de la politique communautaire de la concurrence doit permettre de renforcer l'impact des aides à finalité régionale dans les régions à handicaps géographiques permanents et d'y assurer le maintien de services publics de qualité.

1.8   Contraintes et potentialités liées à l'environnement; la diversité des écosystèmes

1.8.1

L'environnement est dans plusieurs régions très fragile et le développement du tourisme, en particulier sur certaines îles méditerranéennes, a pour effet d'accroître la pression à ce niveau. Il existe toutefois d'énormes potentialités telles que la diversité même des écosystèmes, qui peuvent et qui doivent être équilibrées et exploitées de manière durable.

1.8.2

En ce qui concerne l'énergie, les régions insulaires, notamment ultrapériphériques, se caractérisent par une grande dépendance vis-à-vis de l'approvisionnement en pétrole (en raison de leur localisation, loin des grands réseaux d'énergie, et du coût plus élevé de la production d'électricité, résultant de la dimension moyenne et souvent très réduite des réseaux électriques et d'alimentation). Il faut par conséquent exploiter des sources alternatives d'énergies renouvelables dont ces régions dont particulièrement bien dotées en général.

1.9   La problématique de l'activité économique; concentration d'activités sectorielles et manque d'alternatives; la situation de l'emploi

1.9.1

L'un des grands problèmes enregistrés dans ces régions est sans doute la faible capacité à créer des entreprises et à les consolider ensuite, conséquence de la rareté des capitaux et, en grande partie, d'un climat économique et social peu propice au développement des affaires.

1.9.2

Certaines études recommandent de diversifier les économies de ces régions, en particulier celles qui dépendent exclusivement du tourisme, et de promouvoir de nouvelles sources intégrées de développement endogène.

1.9.3

Dans certaines études, il est estimé qu'un programme de formation en vue de soutenir l'innovation et la création d'entreprises est indispensable pour donner une assise au développement de nouveaux secteurs ou pour permettre un décollage des activités touristiques et promouvoir ainsi l'emploi.

1.9.4

La structure de l'emploi révèle, en général, un poids significatif du secteur agricole. L'emploi dans le secteur des services est également important mais cette importance est due surtout à l'emploi dans le secteur public.

1.10   Opportunités pour le tourisme et les loisirs

1.10.1

Le tourisme revêt indiscutablement une extrême importance en tant qu'élément moteur de l'activité économique et par conséquent, de la lutte contre le retard de développement des régions à handicaps structurels permanents. Ce secteur représente parfois la première activité en termes de richesse générée par ces régions.

1.10.2

L'effort de rapprochement entre ces régions et les régions les plus développées de l'UE suppose, de l'avis du CESE, la valorisation du rôle du tourisme, qui s'appuierait sur une vraie professionnalisation du secteur, et de son potentiel de développement économique.

1.10.3

Le CESE continue néanmoins à faire valoir que le tourisme ne devra pas constituer à lui seul la base de l'économie de ces territoires, laquelle devra être diversifiée et polyvalente.

1.10.4

Déjà dans son avis sur «L'avenir des régions de montagne dans l'Union européenne» (4), le CESE préconisait, dans les limites imposées par les principes de développement durable, la diversification de l'offre touristique de montagne, en vue d'un meilleur échelonnement de l'activité dans le temps (meilleur équilibre du flux touristique entre les différentes saisons) et dans l'espace (meilleure répartition des flux touristiques sur le territoire).

1.10.5

Le CESE continue à faire valoir que la vocation des territoires à accueillir des visiteurs pour des activités de loisirs, soit de tourisme soit simplement récréatives, est due à leurs qualités intrinsèques mais il estime que cette fonctionnalité doit toutefois faire l'objet d'un souci de préservation et d'un suivi pour pouvoir s'adapter aux exigences de la demande.

1.10.6

Il ressort des études que le tourisme et les loisirs constituent des valeurs clés pour ces régions mais elles attirent également l'attention sur le désavantage que présente une hyperspécialisation dans ces secteurs de l'activité économique.

1.11   Capacité d'attirer des investissements et de gérer les opportunités en termes de fixation des populations et de développement du potentiel endogène

1.11.1

S'agissant de régions pâtissant d'inconvénients objectifs et permanents qui génèrent en permanence des surcoûts, le CESE attache une très grande importance à la mise en œuvre de politiques actives, à travers par exemple le volet fiscal, qui soient à même de promouvoir le développement de l'économie locale en vue de la fixation des populations dans ces territoires.

1.11.2

Compte tenu des caractéristiques de ces régions et des conditions spécifiques qui y prévalent, et sachant qu'il importe de rechercher dans chaque cas la stratégie le plus appropriée aux objectifs de développement de ces territoires, le CESE estime que l'aide au développement des activités dans le domaine du tourisme durable et de qualité ainsi que des activités productives locales, privilégiant par exemple le développement de services de proximité aux entreprises et encourageant la création et le développement de petites et microentreprises, est un élément particulièrement important pour permettre l'expansion d'une économie locale afin de contribuer à la création et/ou préservation de l'emploi.

1.11.3

Le CESE considère également qu'une plus grande coopération entre les autorités locales et les partenaires sociaux de ces régions ainsi qu'une participation accrue de ces derniers, à travers des actions intégrées par exemple, pourraient créer les conditions et la masse critique nécessaires pour pouvoir contribuer à une meilleure valorisation du potentiel de développement de ces régions, dans la perspective d'un rapprochement de ces dernières avec les régions les plus développées de l'UE. Compte tenu de l'impact touristique, ces régions sont des vecteurs de diffusion des valeurs de l'Union européenne.

1.11.4

Le CESE estime que l'accès à une éducation d'une qualité élevée et à une formation professionnelle est la clé du développement des régions en question.

1.12   L'éloignement des grands centres de décision et l'absence de masse critique pour le déroulement de nombreuses activités

1.12.1

L'éloignement de ces régions ainsi que leur dispersion intérieure constitue un obstacle évident à leur développement, d'autant que leurs dimensions réduites soulèvent des difficultés en termes de rentabilisation d'investissements importants, de réalisation d'économies d'échelle et de durabilité économique de nombreuses activités.

1.13   Réalité des mouvements économiques et sociaux représentatifs des régions en question

1.13.1

Le CESE estime que ce n'est qu'avec des mouvements économiques et sociaux actifs et représentatifs que l'on peut mener à bien des politiques publiques bien ajustées aux besoins très spécifiques de chaque région. Or, le manque de masse critique (personnes, infrastructures, services etc.) dans nombre de ces régions et de niveaux d'organisation des partenaires économiques et sociaux efficaces sont des facteurs qui limitent le développement et la compétitivité.

1.14   Politiques communautaires et nationales pour minimiser les problèmes structurels permanents

1.14.1

Les fonds structurels ont jusqu'ici couvert une partie significative de la population de ces territoires (plus de 95 % dans le cas des îles), en vertu de leur éligibilité aux Objectifs 1 et 2.

1.14.2

Avec le soutien de politiques communautaires et nationales, plusieurs programmes ont été mis en oeuvre en vue d'assurer un développement durable de ces territoires, basé sur l'exploitation de leurs avantages spécifiques. L'on peut distinguer à cet égard le soutien apporté au développement de l'artisanat local, de projets touristiques, de nouvelles infrastructures de transport, ainsi que dans les domaines de la formation et de l'environnement.

1.14.3

En effet, une partie substantielle des financements communautaires a été consacrée à la modernisation et au renforcement des secteurs productifs, en vue de contribuer à la création ou à la préservation d'emplois. Parmi les différentes actions engagées, se détachent, outre les aides directes traditionnelles à l'investissement, quelques dispositifs d'ingénierie financière (systèmes de garantie, renforcement des fonds propres, taux d'intérêt bonifiés, etc.) qui ont eu un effet de levier pour mobiliser les ressources sur le marché des capitaux. Les aides publiques ont également eu une incidence sur des éléments périphériques à l'activité des entreprises, notamment au niveau de la viabilisation des zones d'activité, en termes de mise à disposition de services communs, de développement de projets de recherche appliquée et de transferts de technologie ainsi que d'utilisation de nouvelles technologies de communication.

1.14.4

Dans le domaine agricole, des actions spécifiques ont été menées à bien afin de renforcer les cultures traditionnelles locales et de stimuler la diversification ainsi que la recherche appliquée et l'expérimentation.

1.14.5

En matière de pêche et d'aquaculture, certaines régions ont pu bénéficier de financements pour des projets relatifs à la construction et la modernisation des embarcations, à l'aquaculture, à l'aménagement des ports de pêche ainsi qu'à la transformation et à la commercialisation.

1.14.6

En vue de développer la capacité d'accueil et de répondre aux besoins spécifiques de certains secteurs, différents investissements ont également été réalisés dans le domaine de la formation (au niveau de la construction des équipements/cours de formation).

1.14.7

Des actions ont également été menées dans le domaine de la protection de l'environnement, en vue de réduire la pollution, notamment concernant la gestion et le traitement des résidus et des effluents liquides d'origine industrielle et domestique.

1.14.8

Les mesures communautaires de développement rural spécialement destinées à aider les régions de montagne ont eu pour objectif de garantir l'utilisation continue des terres agricoles dans les zones moins productives et d'apporter une aide accrue à l'investissement dans ces zones. Grâce à des mesures agroenvironnementales, des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de protection de l'environnement et de préservation du milieu rural ont pu être encouragées.

1.15   Constat de l'évolution des régions en cause au fil du temps et en fonction des politiques publiques qui ont été mises en oeuvre

1.15.1

Les politiques communautaires ont joué, notamment au travers des fonds structurels, un rôle très important dans les performances globales de ces régions, notamment dans le sens d'une convergence avec le reste de l'Union européenne. Les effets de ces politiques ont été très importants, voire déterminants, dans de nombreux domaines, comme celui des infrastructures de transport, l'un des problèmes cruciaux des régions ultrapériphériques, ainsi que ceux de la pêche et de l'agriculture, deux des secteurs productifs essentiels.

1.15.2

La création ou le développement d'infrastructures permettant de réduire l'isolement vis-à-vis de l'extérieur a constitué l'un des aspects les plus visibles des actions cofinancées par l'Union européenne dans chacune des régions. L'accessibilité de chaque région a été nettement améliorée, ce dont ont bénéficié non seulement les populations locales mais également l'activité touristique. Au plan interne, les régions ont bénéficié d'aménagements importants et, dans certains cas, d'actions de développement des transports collectifs. Dans divers domaines, les infrastructures d'appui aux activités économiques ont été renforcées pour faire face à l'évolution des besoins.

1.15.3

Outre l'amélioration des liaisons aériennes et maritimes, les actions entreprises dans le domaine des technologies de communication avancées (téléconférence, télédiagnostic, télématique, câblage de réseaux) ont également contribué à atténuer les handicaps inhérents à l'insularité et /ou à l'éloignement.

1.15.4

Au niveau des secteurs productifs, les efforts réalisés ont contribué à améliorer la productivité des entreprises et à adapter l'offre aux opportunités des marchés locaux et à l'exportation.

1.16   L'effort de solidarité dans les politiques structurelles

1.16.1

Dans le cadre de la réforme des fonds structurels 2006-2013, la situation particulière des régions à handicaps permanents et leurs contraintes structurelles permanentes doivent être prises en compte de manière complémentaire à leurs caractéristiques socio-économiques.

1.16.2

Le CESE se félicite de l'allusion faite dans le troisième rapport sur la cohésion économique et sociale adopté par la Commission européenne le 18 février 2004 aux problèmes spécifiques de ces régions et à la nécessité d'adopter des mesures spéciales adaptées à leur situation particulière.

1.16.3

Le CESE estime que lors de l'allocation des ressources dans le cadre de la priorité II «compétitivité régionale et emplois» et de la priorité III «coopération territoriale européenne», prévues dans la nouvelle architecture de la politique de cohésion de l'UE pour la période de programmation 2007-2013, il faudra tenir dûment compte de critères permettant d'évaluer les inconvénients structurels permanents, comme la situation périphérique, l'isolement, l'accessibilité insuffisante et la faible densité de population, qui, comme l'on sait, sont autant de facteurs qui entravent le développement économique et social des régions concernées.

1.16.4

Il se félicite également de l'intention de la Commission européenne de prendre dûment en considération, dans la nouvelle approche préconisée dans le cadre des fonds structurels, pour la prochaine période de programmation financière, la perspective territoriale comme une perspective complémentaire à la perspective économique et sociale. En effet, la Commission européenne propose que l'aide communautaire à la priorité II tienne compte de critères territoriaux qui reflètent les désavantages relatifs des régions à handicaps géographiques (îles, zones de montagne et régions à faible densité de population).

1.16.5

Le CESE approuve la proposition de la Commission européenne selon laquelle les États membres devront faire en sorte que la spécificité de ces régions soit prise en compte lors de l'affectation des ressources dans le cadre des programmes régionaux et que ces territoires à handicaps géographiques permanents bénéficient d'une majoration de la participation communautaire maximale.

1.16.6

Le CESE estime qu'il faudra accorder une attention particulière aux situations caractérisées par un cumul de telles contraintes (île avec zone de montagne et à faible densité de population, par exemple).

1.16.7

Il est également souhaitable que les besoins spécifiques de ces territoires soient pris en considération non seulement dans le cadre de la politique de cohésion mais également dans toutes les politiques communautaires.

1.16.8

Il est d'avis que, parallèlement à la nécessité de prendre en compte dans la politique de cohésion les problèmes de compétitivité des régions souffrant d'inconvénients structurels permanents qui conditionnent leur développement, d'autres politiques communautaires, la politique de la concurrence, par exemple, devraient également tenir compte des implications de cette situation, directes et indirectes, positives et négatives sur ces régions, en vue de les intégrer pleinement dans la Communauté à laquelle elles appartiennent.

1.17   Les régions d'objectif 1: un effort soutenu et adapté

1.17.1

Le développement économique et social des zones les plus défavorisées de l'Union ne se justifie pas seulement du point de vue social mais il est également important pour la stabilité politique et le développement harmonieux de l'Union. Il est légitime qu'une priorité soit accordée aux régions dont les niveaux de développement sont parmi les plus bas de la Communauté et les problèmes sociaux les plus aigus.

1.17.2

Dans le cadre de l'enveloppe des fonds structurels destinés à l'Objectif 1 après 2006, les contraintes liées aux handicaps permanents devront, proportionnellement à leurs intensités respectives, être considérées comme des facteurs prépondérants dans les critères de répartition. Les allocations budgétaires devront également prendre en compte les facteurs aggravants que sont l'effet d'archipel, la désertification ou les problèmes d'accessibilité liés au relief.

1.17.3

Il importe peu qu'un tel instrument prenne la forme juridique d'un programme dédié ou celle d'une gamme de dispositions particulières dans le cadre réglementaire d'un «Objectif 2» rénové, du moment qu'il répond à un certain nombre de critères ou de finalités.

1.17.3.1

L'existence de contraintes géographiques ou démographiques à caractère durable ou permanent doit explicitement y constituer un critère d'éligibilité.

1.17.3.2

Ses champs d'intervention doivent être ciblés sur les domaines qui relèvent indiscutablement des contraintes géographiques ou démographiques durables, notamment à travers:

le financement de l'achat ou du renouvellement d'infrastructures de transport fixes ou mobiles;

le financement d'un capital risque pour développer de nouvelles liaisons maritimes ou aériennes, intracommunautaires ou avec les pays tiers;

le financement d'infrastructures publiques dont la démultiplication est justifiée par une configuration du territoire en archipel, ou par l'isolement dû au relief ou la faible densité de population;

la prise en charge de certains surcoûts résultant de l'application de la législation communautaire dans ces territoires (ex.: applications de normes en matière d'environnement, de gestion de déchets, d'eau, etc.);

les aides aux entreprises insulaires (et particulièrement de petite taille), pour des actions de promotion et de prospection de marché, dans la mesure où elles contribuent à les émanciper de l'étroitesse de leur marché de proximité, etc.

1.17.3.3

La répartition de cet instrument doit reposer, selon le principe de la proportionnalité, sur l'intensité du handicap subi, mesuré en terme de degré d'accessibilité, de situation démographique et éventuellement de productivité. Le cumul de contraintes qui affectent nombre de régions insulaires (tels que le morcellement du territoire du fait de sa configuration en archipel, une situation démographique difficile ou le caractère montagneux d'une partie du territoire) doit pouvoir être pris en considération dans ces critères de répartition.

1.17.3.4

Pour que la création d'un tel instrument ne relève pas du simple symbole, encore faut-il que les moyens qui lui seront accordés soient conséquents. Ils doivent s'échelonner entre un montant d'aide correspondant a minima à celui actuellement accordé aux régions d'Objectif 2 et a maxima à un montant proche de l'aide actuellement accordée aux régions d'Objectif 1.

1.18   La révision du régime des aides d'État (5)

1.18.1

Le volume des aides accordées par les États est comparativement beaucoup plus important que celle des Fonds structurels. Il est donc de la plus grande importance pour ces régions que les divers régimes d'aide contrôlés par la Communauté prennent en compte les surcoûts et les contraintes liés à leur spécificité.

1.18.2

L'argumentation des représentants de ces régions pour un cadre plus souple repose sur le fait que les aides qui visent à compenser les surcoûts liés à leur situation ne constituent pas un facteur de distorsion pour le marché mais sont au contraire un acte de rééquilibrage.

1.18.3

La législation communautaire en matière d'aides et notamment d'aides d'État à finalité régionale et d'aides agricoles, doit donc être remise à plat. Il faut qu'elle intègre, selon le principe de la différenciation positive, les contraintes inhérentes à la spécificité de ces régions et leur cumul éventuel avec d'autres contraintes permanentes à caractère géographique ou démographique. On en fournira ici quelques exemples:

1.18.3.1

Le régime des aides d'État à finalité régionale tient compte des contraintes subies par les régions à très basse densité de population et leur autorise actuellement des taux d'aides plus élevés, ainsi que la possibilité d'aides directes aux transports. Pourtant, il ne fait (hors une mention anecdotique) nullement référence au cas des îles. Il convient donc, «a minima» d'étendre à l'ensemble des îles le régime dont bénéficient les zones à basse densité de population, à savoir:

des seuils d'ESN (Equivalent Subvention Nette) comparables,

l'autorisation d'aides au fonctionnement permettant de couvrir les surcoûts démontrés en matière de transport.

1.18.3.2

En outre, cette même législation ne tolère, dans le meilleur des cas, des aides au fonctionnement que lorsque celles-ci sont «dégressives et temporaires». Cette restriction ne prend pas en compte le caractère permanent des contraintes de l'insularité et doit donc être supprimée, particulièrement dans le cas des aides au transport.

1.18.3.3

L'interdiction formelle d'aides directes aux transports pour les échanges entre États membres de la Communauté doit être reconsidérée dans le cas des îles. De telles aides pourraient en effet contribuer à leur meilleure intégration économique dans l'espace communautaire et leur permettre de tirer profit de leur positionnement géographique dans les espaces maritimes entourant l'Europe. Ceci concerne particulièrement les régions insulaires qui sont plus proches des côtes d'un autre État membre que de celles de leur propre métropole et plus encore — et à une autre échelle — celles dont les échanges avec la Communauté relèvent du transport transocéanique.

1.18.3.4

Le problème des aides aux transports doit également être abordé dans le cadre de l'OMC pour encourager le développement des échanges directs avec les pays tiers les plus proches.

1.18.3.5

Le régime de concurrence qui prévaut dans le domaine des transports maritimes et aériens contient diverses dispositions relatives aux îles qui doivent être améliorées ou complétées:

la règle du «moins disant» doit être tempérée par la prise en compte de facteurs tels que l'impact économique et social que l'attribution du marché peut avoir dans une île;

le tronçonnement des dessertes d'une région en divers appels d'offres doit être évité lorsque cette pratique peut mettre en péril la qualité des services et leur fiabilité;

la durée des contrats de service public doit pouvoir être allongée dans le secteur maritime, pour tenir compte de la durée d'amortissement des navires.

1.18.3.6

Dans le cas des aides à l'agriculture ou à la pêche, des mesures particulières de soutien aux productions locales visant à limiter les effets des surcoûts en matière de transport ou ceux de la taille limitée du marché, doivent être envisagées. Tel pourrait, par exemple, être le cas d'aides au fonctionnement destinées à de petites unités de transformation (abattoirs, crémerie, etc.) lorsque la modestie du volume des productions de la région ou la faiblesse du marché de proximité n'autorise pas leur fonctionnement dans des conditions de viabilité économique.

1.18.3.7

L'application de taux uniformes en matière de fiscalité indirecte (TVA, Accises, etc.) tend à aggraver la situation dans les régions à handicaps permanents où les prix à la consommation sont plus élevés. Les États doivent se voir autoriser une certaine flexibilité dans l'application des taux de certains impôts dans ces régions lorsque celle-ci peut contribuer à réduire les surcoûts structurels et à améliorer les conditions de vie de la population. Il en va de même, pour des raisons évidentes, de la fiscalité liée aux transports ou des droits d'usage (ex.: taxes aéroportuaires).

2.   Conclusions et recommandations

2.1

La situation de vulnérabilité qui caractérise les régions à handicaps permanents tend à rendre plus difficile leur développement et, dans de nombreux cas, à exacerber leurs difficultés économiques et sociales. Confrontée à un contexte du même type, une population établie dans les régions qui ne souffrent pas de ce type de handicaps connaîtra une prospérité plus grande ou tout au moins de moindres difficultés.

2.2

Il serait aussi inexact que manichéen de dire qu'il existe une sorte de «fatalité» qui voue les régions à handicaps permanents au rôle de territoires de seconde zone et leurs habitants à un sous-développement endémique. Les régions européennes à handicaps permanents possèdent dans bien des cas nombre d'atouts ou de potentiels pouvant être développés: la proximité de ressources naturelles importantes, leur capacité à produire des énergies renouvelables, leur attractivité sur le plan touristique, leur position géostratégique, leur proximité de routes maritimes, la diversité des écosystèmes, etc.

2.3

La problématique de ces régions est que pour saisir ces opportunités, il leur faudra probablement travailler plus dur ou prendre des risques beaucoup plus grands que cela ne serait nécessaire pour mener à bien une entreprise similaire dans d'autres zones plus privilégiées de l'UE. En phase de récession, elles seront par contre parmi les premières touchées en raison de la moindre rentabilité de leurs industries.

2.4

Une politique européenne pour les régions à handicaps permanents doit par conséquent consister en un ensemble de mesures de nature à réduire, autant que faire ce que, leur vulnérabilité et à contribuer à l'instauration d'une véritable «égalité des chances» entre ces territoires et le reste de l'Union. Cette politique étant une réponse à des facteurs naturels objectifs, il est légitime qu'elle soit modulée en fonction de l'intensité de ces derniers. Pour la même raison, elle ne doit pas intervenir en remplacement de mesures existantes mais comme complément aux mesures appliquées traditionnellement dans le cadre de la politique de la cohésion économique et sociale.

2.5   Quels devraient être les tenants et les aboutissants d'une telle politique?

2.5.1

Une politique européenne des régions à handicaps permanents doit reposer sur trois grands principes et sur plusieurs finalités:

le premier est le principe de «permanence», puisque les contraintes géographiques qui affectent ces territoires ont un caractère durable. Ce principe de permanence contraste avec la notion de «rattrapage» qui a, jusqu'à ce jour, servi de base aux politiques communautaires pour aborder les problèmes économiques et sociaux;

le second principe est celui de la «discrimination positive». Il consiste à considérer que les mesures concédées à certains territoires pour leur permettre de contrebalancer des contraintes structurelles permanentes ne sont pas des avantages indus mais qu'elles contribuent à l'instauration d'une réelle parité. À ce titre, la différenciation positive contraste avec la discrimination qui, selon la définition qu'en a donné la Cour européenne de Justice: «…consiste à traiter de manière identiques des situations qui sont différentes ou de manière différente des situations qui sont indentiques» (Arrêt du Tribunal de première instance — quatrième chambre — du 26 octobre 1993. Affaires jointes T-6/92 et T-5292);

enfin, le troisième principe est celui de la «proportionnalité», car les situations des territoires à handicaps permanents sont synonymes de diversité. La mise en œuvre d'une différenciation positive à l'égard des régions à handicaps permanents n'est défendable que si elle repose sur les réalités de leurs caractéristiques géographiques, démographiques, environnementales et sur les contraintes qu'elles leur imposent. Ces réalités diffèrent nécessairement d'une région à l'autre.

2.5.2

Plus que la recherche de mesures s'appliquant systématiquement et uniformément à tout territoire, il s'agit avant tout de créer un cadre permettant la prise en compte de ces différences. Reposant tantôt sur des dispositions juridiques, tantôt sur des moyens financiers, tantôt sur des modes de gouvernance, un tel cadre permettra d'élaborer des solutions adaptées à chacune de ces régions proportionnellement à la nature et à l'intensité des problèmes rencontrés. Dans certains cas, ceci signifiera des mesures communes à toutes les régions à handicaps permanents. Dans d'autres cas au contraire, cela impliquera des dispositions spécifiques à une situation donnée et n'ayant pas lieu d'être généralisées.

2.6   Les finalités d'une politique des régions à handicaps permanents

2.6.1

Les trois types de finalités d'une politique des régions à handicaps permanents sont d'ordre social, économique et environnemental. Elles sont imbriquées de façon très étroite.

2.6.2

Une mise en œuvre adéquate des aides dans les zones défavorisées implique de prendre en compte la double acception du terme de durabilité. Dans une perspective socio-économique il s'agit de garantir le maintien des entreprises familiales et de systèmes de production viables afin d'empêcher l'exode démographique, tandis que dans une perspective strictement environnementale, il s'agit de renforcer les pratiques respectueuses de l'environnement.

2.6.2.1

Des finalités sociales: les «finalités sociales» d'une politique européenne des régions à handicaps permanents sont de permettre aux habitants de ces régions qui le souhaitent de «naître, vivre et travailler au pays».

2.6.2.2

Les habitants de ces régions doivent pouvoir bénéficier d'un choix et d'une qualité d'infrastructures et de services aussi proches que possible de ceux généralement disponibles dans les autres régions de l'Union.

2.6.2.3

Ceci concerne de multiples secteurs mais en particulier l'éducation, la formation professionnelle initiale et tout au long de la vie, la santé, les transports et les télécommunications. La parité avec les autres zones de l'Union ne saurait être définie de façon purement statistique mais appréciée en termes qualitatifs. Lorsque les infrastructures ou les services sont sophistiqués, plus la population d'une région est faible, plus leur taille et leur coût deviennent disproportionnés par rapport au nombre d'habitants. Il n'existe pas de réponse uniforme à cette problématique, si ce n'est l'application d'un principe: viser des prestations de qualité optimale pour permettre au minimum le maintien des populations.

2.6.2.4

Les moyens requis sont l'intervention des Fonds structurels, ciblée en particulier sur le domaine des transports (infrastructures fixes ou mobiles), de la gestion des déchets, de l'eau, des services éducatifs et de la santé. Dans le domaine des transports, de l'énergie et des télécommunications, cette intervention doit être renforcée par une application effective de l'article 154 du Traité relatif aux réseaux transeuropéens, avec des moyens financiers appropriés.

2.6.2.5

Les habitants des régions à handicaps permanents doivent pouvoir accéder aux biens de consommation ou aux services à des prix socialement acceptables.

2.6.2.6

On peut remédier à des situations d'inégalité, dans certains cas, par des mesures visant à réduire les prix à la consommation et à inciter certains prestataires de services à s'établir dans les zones les plus isolées et les plus faiblement peuplées.

2.6.2.7

Les moyens requis sont des mesures interventionnistes à caractère social telles que:

des aides directes à certains commerces ou prestataires de services,

des tarifs préférentiels pour les résidents sur les transports maritimes ou aériens,

l'existence de services publics de qualité.

L'intensité de certaines de ces mesures pourra être proportionnelle à l'isolement des communautés concernées et inversement proportionnelle à la taille de leur marché.

2.6.2.8

Une utilisation extensive des dispositions des articles 73 du TCE (services publics en matière de transports), 86.2 (sur les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général) et 87.2 (relatifs aux aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels) pourrait, dans certains cas, servir de base à de telles dispositions.

2.6.3

Des finalités économiques: les finalités économiques d'une politique européenne des régions à handicaps permanents doivent contribuer à leur intégration au Marché unique tout en prenant en compte leur fragilité sociale et environnementale. Les principes du libre marché doivent donc être tempérés par ceux de la cohésion économique, sociale et territoriale.

2.6.3.1

L'intégration des économies de ces régions à celle du Marché unique requiert des conditions équitables.

2.6.3.2

De façon générale, une réduction des surcoûts occasionnés par les transports par le biais d'aides directes aux entreprises.

2.6.3.3

Au cas par cas et en fonction des situations, des dispositions visant à contrebalancer l'étroitesse du marché de proximité et le caractère limité des ressources naturelles ou humaines. Celles-ci sont obtenues par des mesures de soutien et d'incitation au secteur privé, modulées en fonction de la nature des activités, de leur rentabilité et de leur impact social et environnemental.

2.6.4

Des finalités environnementales: les «finalités environnementales» d'une politique européenne des régions à handicaps permanents consistent à assurer la préservation de l'environnement de ces régions, en harmonie avec les impératifs de leur développement économique et social. L'«environnement» comprend les ressources naturelles, les paysages et les écosystèmes de ces régions, ainsi que leur héritage culturel sous ses aspects les plus divers: architecture, monuments historiques, patrimoine linguistique, chants, danse, littérature, artisanat, etc.

2.6.4.1

La préservation du patrimoine environnemental ne doit pas être une démarche statique ou passéiste, visant à faire des régions à handicaps permanents des «réserves d'Indiens». Il s'agit au contraire d'une démarche active et dynamique visant en particulier à promouvoir le développement durable nécessaire au maintien au pays des populations résidentes et à garantir la qualité de leur cadre de vie.

2.6.4.2

Les finalités environnementales nécessitent des interventions à des niveaux très divers; local bien sûr mais aussi national, européen et même parfois mondial. Par exemple:

la préservation de l'héritage linguistique passe par des politiques scolaires qui s'élaborent au niveau local et national;

la protection des côtes contre les pollutions maritimes exige la surveillance de la navigation dans les eaux nationales et internationales et des mesures contraignantes (comme pour le passage dans les détroits) qui se discutent entre les États limitrophes mais aussi au niveau mondial (dans le cadre de l'OMI);

la gestion des ressources halieutiques implique, selon les cas, les régions, les États membres, la Communauté mais aussi des pays tiers (ainsi, dans les Caraïbes) ou des instances internationales (comme pour les pêcheries de l'Atlantique Nord);

toutes les politiques liées à l'observation de l'effet de serre et aux limitations de ses conséquences doivent impérativement être traitées à tous les niveaux précédents mais exigent d'être abordées aussi au niveau mondial, dans le cadre des Nations unies et des diverses conférences sur l'environnement.

2.6.4.3

Les finalités environnementales sont, dans une très large mesure, une affaire de gouvernance. Les communautés insulaires, nordiques, montagnardes ou ultrapériphériques doivent être consultées et, si possible, associées aux décisions environnementales les concernant.

2.6.4.4

L'Union européenne doit, entre autres, prendre en compte la vulnérabilité particulière de ses régions à handicaps permanents lorsque des questions environnementales sont discutées sur la scène internationale (ainsi, pour les accords de pêche avec les pays tiers ou encore dans le domaine de la lutte contre l'effet de serre).

3.   Note finale

3.1

Compte tenu de l'importance pour le territoire communautaire des régions à caractéristiques particulières abordées dans le présent avis d'initiative et de leur dispersion géographique ainsi que des observations et des suggestions qu'il entend formuler à ce sujet en vue de garantir une meilleure intégration de celles-ci, le Comité économique et social européen continuera à suivre l'évolution de cette problématique en apportant sa contribution à l'évaluation des différentes politiques à mener à bien pour résoudre leurs problèmes.

Bruxelles, le 10 février 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 61 du 14 mars 2003, p. 113.

(2)  Rapport final (2000.CE.16.0.AT.118) sur l'analyse des régions insulaires et des régions ultrapériphériques de l'Union européenne daté de mars 2003.

(3)  Les cinq critères utilisés par Eurostat pour définir ce qu'est une île sont les suivants: la superficie de l'île doit être au minimum de 1 km2, la distance minimale entre l'île et le continent doit être d'1 kilomètre, la population résidente doit être en permanence d'au moins 50 habitants, il ne doit pas exister de lien permanent entre le continent et l'île, aucune capitale de l'UE ne doit se trouver sur l'île retenue.

(4)  COM(2004) 492 final art.52, paragraphe 1 b) i).

(5)  Annexe XIX.


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