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Document 52010IE0968

    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Innovation dans le tourisme: définir une stratégie pour un développement durable dans les îles» (avis d'initiative)

    JO C 44 du 11.2.2011, p. 75–80 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    11.2.2011   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 44/75


    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Innovation dans le tourisme: définir une stratégie pour un développement durable dans les îles» (avis d'initiative)

    2011/C 44/13

    Rapporteure: Mme GAUCI

    Le 16 juillet 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

    «Innovation dans le tourisme: définir une stratégie pour un développement durable dans les îles».

    La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2010.

    Lors de sa 464e session plénière des 14 et 15 juillet (séance du 15 juillet), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 153 voix pour, 1 voix contre et 13 abstentions.

    1.   Conclusions

    1.1   Le CESE propose que les programmes actuels d'apprentissage tout au long de la vie soient développés de manière spécifique pour le personnel insulaire actif dans le secteur du tourisme. Il convient d'allouer des ressources spécifiques du FSE et du Fonds de cohésion à cet effet. Un cadre adéquat des relations de travail visant à promouvoir des conditions de travail de qualité et des mesures destinées à soutenir les entrepreneurs (réseaux, marketing, promotion, etc.) devraient contribuer au développement du tourisme dans les îles.

    1.2   De même, eu égard à l'importance croissante que revêtent les réservations par internet pour les voyages et le tourisme, il convient de proposer aux petites et moyennes entreprises du secteur touristique (insulaire) une formation soutenue par l'UE ou un accès simplifié aux fournisseurs de services appropriées, afin qu'elles puissent se positionner avec succès sur internet, faute de quoi elles risquent de perdre des consommateurs «modernes».

    1.3   Le CESE propose que soit créée, sur une île stratégiquement située, une école interrégionale dans un esprit semblable à un «programme Erasmus pour les étudiants et les travailleurs du secteur touristique».

    1.4   Bien que les entreprises, et particulièrement les plus petites d'entre elles, profitent d'une législation moins volumineuse et de meilleure qualité, il convient d'envisager la création d'une autorité administrative spécifique au sein des services de la Commission européenne, par exemple une direction générale Tourisme. Ce secteur d'activité représente en effet 11 à 12 % du PIB à l'échelle de l'UE, mais atteint jusqu'à 25 % du PIB dans des îles comme Malte. Le CESE considère qu'une telle instance de la Commission chargée du tourisme serait la gardienne des intérêts touristiques (insulaires) dans les institutions et les politiques de l'UE. Comme il l'a déjà proposé précédemment dans plusieurs avis sur le tourisme, le Comité est favorable à la création d'une Agence européenne du tourisme.

    1.5   Par rapport au continent, les îles font face à des handicaps inhérents: distance, accessibilité, insularité. Le CESE estime qu'il convient de tendre vers un régime fiscal favorable qui tienne compte des efforts spécifiques consentis en matière d'investissements, de maintien et de création d'emplois, d'adaptation des périodes d'ouverture des établissements, et qui vise également à réduire les effets saisonniers.

    1.6   La définition des îles utilisée par l'Union européenne est inappropriée dans bien des cas, et fait souvent obstacles à des solutions. Dans des avis antérieurs (1), le CESE a plaidé pour une modification de cette définition, et il entend réitérer ici cette recommandation.

    1.7   L'Union européenne est en train d'élaborer un nouveau concept de politique régionale: la coopération macrorégionale (par exemple la stratégie pour la mer Baltique ou la stratégie pour le Danube). Le CESE est convaincu que ce concept est intéressant et qu'il pourrait assurément être appliqué à des groupes d'îles. Ainsi, une stratégie macrorégionale pour les îles de la Méditerranée occidentale pourrait contribuer à résoudre certains problèmes d'accessibilité qu'elles connaissent.

    1.8   Le CESE est favorable au programme CALYPSO pour le tourisme social, qu'il soutient pleinement. Le CESE estime qu'après les mesures préparatoires initiées en 2009, il convient de développer pleinement ce programme. Le CESE recommande que le programme CALYPSO soit intégré dans une future stratégie macrorégionale portant sur la région de la Méditerranée occidentale.

    2.   Introduction

    2.1   Le tourisme apporte une contribution importante et grandissante à la croissance économique, et peut représenter, dans les cas extrêmes, jusqu'à 70 % du PIB d'une île. Il constitue l'une des meilleures possibilités de générer des revenus et de créer de l'emploi. Bien que la part de marché de l'Europe dans le tourisme mondial soit en léger recul, on s'attend à une hausse du nombre de touristes visitant l'UE. Cependant, comme l'a montré avec force la crise financière de 2008-09, la croissance du tourisme ne va pas nécessairement de soi.

    2.2   De nouvelles formes de tourisme apparaissent, remplaçant le tourisme conventionnel de masse axé sur la mer et le soleil. Parmi celles-ci, on observe des formes plus innovantes et spécialisées de tourisme «plus vert», personnalisé et axé sur l'expérience. De plus, la hausse de la demande touristique et les changements démographiques, notamment le nombre croissant de voyageurs âgés, accélèrent la segmentation des produits du secteur et la création de nouveaux types de produits touristiques dotés d'un degré élevé de services novateurs.

    2.3   L'innovation est une préoccupation majeure de la politique économique, tant à l'échelon européen, avec la stratégie de Lisbonne et la stratégie UE 2020, qu'au niveau régional, avec la hausse des investissements publics dans la recherche, l'éducation, la formation ainsi que la promotion des «secteurs les plus innovants» (tels que les transports, l'énergie ou l'industrie verte). Il en va de même pour les services, en particulier pour ceux nécessitant un niveau de connaissances ou de qualifications considéré comme caractéristique de la plupart des activités de tourisme (par exemple l'hébergement, la restauration ou l'immobilier).

    2.4   Aujourd'hui, le touriste cherche la meilleure qualité aux prix les plus bas. C'est pourquoi un tourisme insulaire prospère nécessite non seulement, avant toute chose, un personnel instruit, mais aussi un engagement des employeurs et de leurs salariés en faveur de l'apprentissage tout au long de la vie, afin de maintenir un niveau élevé de services dans le monde du voyageur attentif et exigeant, qui est en mutation rapide. La garantie de formation et de compétence du personnel constitue l'une des conditions préalables à un tourisme de qualité.

    2.5   Le changement et l'innovation dans le tourisme concernent principalement l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC). L'omniprésence des TIC et de l'internet dans le secteur touristique permet aux consommateurs d'interagir directement avec les prestataires de services. Pour le secteur en général, cela pourra induire une réduction des coûts (de transaction), entraînant ultérieurement un processus de disparition des intermédiaires tels que les agents de voyage ou même les voyagistes. Les grandes innovations en matière de voyages de masse, comme l'apparition des compagnies aériennes à bas prix, influencent largement la croissance du secteur touristique et son évolution à venir.

    2.6   Les îles restent confrontées à plusieurs problèmes. Elles sont généralement à la traîne par rapport au continent. En outre, bon nombre des ces nouveaux processus et technologies ne sont pas contrôlés, produits ou même entretenus par les entreprises directement concernées.

    2.7   Les autorités insulaires examinent actuellement les implications de ces nouvelles pratiques du secteur sur leurs propres initiatives et actions en matière de politique touristique. Leur préoccupation première est de veiller à ce que les politiques et les mesures appuient et promeuvent l'innovation, contribuant ainsi à la poursuite du développement de leur secteur touristique.

    3.   L'absolue nécessité d'innover

    3.1   Eu égard aux dynamiques sociétales changeantes et à la disparation du tourisme de masse tel qu'il avait été organisé par les voyagistes au 20e siècle, le tourisme insulaire se doit d'innover et de s'adapter à un nouveau paradigme pour réussir. L'innovation provient des personnes travaillant effectivement dans le secteur touristique. Paradoxalement, elle dérange également les habitudes établies, et suscitera une opposition chez les personnes qui n'y voient pas d'avantage immédiat.

    3.2   Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, l'offre sur le marché du tourisme de masse a dicté la demande. Cependant, la croissance du nombre de destinations offertes a entraîné une saturation du marché. Aujourd'hui, une demande volatile s'est imposée sur un marché dominé par les consommateurs. Les fournisseurs souffrent dès lors de cette évolution. Ainsi apparaît un nouveau défi qui peut être relevé par une réflexion innovante et créatrice visant à développer une myriade de niches sur le marché touristique, telles que le tourisme thérapeutique, le tourisme vert ou écologique, le tourisme à la ferme, le tourisme naturel, etc.

    3.3   En outre, les modes de vie ont considérablement évolué au cours des dernières années. Le secteur touristique fait face à une population vieillissante, plus riche et en meilleure santé qui part davantage en vacances pour des séjours plus courts. Pour un grand nombre de touristes, l'accent est passé du «prix le plus bas» au «meilleur rapport qualité/prix». La fidélité des consommateurs est en déclin, et les touristes sont de plus en plus à la recherche de durabilité et d'authenticité, loin du tourisme de masse. Le tourisme insulaire doit impérativement s'attaquer à la question de l'innovation s'il entend survivre dans ces circonstances.

    4.   Tourisme insulaire et innovation de produit

    4.1   Dans les grandes sociétés du secteur touristique, l'innovation fait partie de la routine et est un élément standard du processus décisionnel de l'entreprise. Afin de veiller à ne pas être surprises par des innovations inattendues, les entreprises intègrent désormais l'innovation dans leur programmation quotidienne. Pour elles, l'innovation n'est rien de plus qu'un facteur de production supplémentaire.

    4.2   En revanche, pour les petites entreprises du secteur touristique orientées vers une destination, les possibilités de profiter pleinement de l'innovation sont limitées. Elles sont avant tout confrontées à un manque de personnel et de financement. Les PME du secteur touristique en particulier s'attachent à répondre aux besoins quotidiens des clients habituels, et ne sont pas en mesure de mettre des moyens de côté pour financer la recherche-développement.

    4.3   Si le secteur touristique est largement dominé par les PME, c'est particulièrement vrai dans le cas des îles. Pour survivre dans un environnement de plus en plus concurrentiel et mondial, les entreprises du secteur touristique, et en particulier les petites entreprises, devront réaliser des économies d'échelle et atteindre une masse critique afin de réduire les frais de transaction, d'améliorer la productivité et d'acquérir une puissance sur le marché. Les restructurations et les mécanismes de coopération aideront les entreprises à s'adapter aux changements et à renforcer leur compétitivité.

    4.4   L'enjeu pour le secteur touristique est de proposer de nouveaux produits et services. Parmi les stratégies à l'origine des nombreux produits touristiques innovants proposés dans de nombreuses destinations en Europe aujourd'hui, on peut citer le tourisme axé sur l'expérience, le tourisme durable et le tourisme naturel/culturel/du patrimoine. Les îles devraient promouvoir davantage ces produits, étant donné qu'ils sont liés à l'essence de leur «identité insulaire».

    4.5   Le tourisme axé sur l'expérience naît de l'interaction entre touristes et destinations. L'expérience globale des touristes est faite de nombreuses petites rencontres avec un grand nombre de personnes travaillant dans le secteur touristique.

    4.6   La sensibilisation accrue des consommateurs aux questions environnementales encourage les entreprises du secteur touristique à innover et à améliorer leurs performances environnementales, à la fois en ce qui concerne les interactions des touristes avec l'environnement, et leur propre performance environnementale. Les principaux produits présentant des innovations se trouvent en effet dans des niches comme l'écotourisme et le tourisme d'aventure.

    4.7   Le tourisme culturel constitue également un secteur d'importance en pleine croissance, qui attire des visiteurs relativement aisés et instruits. Plusieurs îles ont entrepris de repositionner leurs services culturels, et mettent en place des innovations visant à créer de la valeur supplémentaire par le biais de la culture. Elles diversifient leur tourisme et allongent la durée des séjours notamment grâce à une amélioration de la présentation et de la promotion des expériences et des manifestations culturelles disponibles.

    4.8   Si le tourisme n'est pas intégré en harmonie dans la société insulaire, et s'il n'offre des avantages qu'à quelques habitants tout en étant une source de désagrément pour de nombreux autres, il ne constituera pas un volet durable et harmonieux de l'activité de la société. Afin de veiller à ce que la population souscrive à soutenir une société caractérisée par un tourisme insulaire, il convient d'adopter une approche ascendante en matière de programmation et de participation. Le tourisme peut constituer un facteur de cohésion de la population insulaire à condition de faire participer tous les habitants et de faire comprendre à chacun que le tourisme a des effets bénéfiques majeurs sur l'environnement naturel et urbain, l'aménagement du territoire et l'utilisation des sols, les services sociaux et la préservation du patrimoine culturel (architecture, artisanat, cuisine traditionnelle, etc.).

    4.9   Différents types de tourisme peuvent s'avérer mutuellement incompatibles, en particulier dans un petit environnement insulaire. Par exemple, le développement d'une niche de marché comme les cours de langues pour étudiants en été peut s'avérer incompatible avec le développement d'un marché estival pour personnes âgées, lorsque le comportement bruyant des jeunes après les cours crée des tensions avec les personnes âgées à la recherche de calme. Ici également, pour que la ou les formes de tourisme choisies par une île soient couronnés de succès, il est nécessaire d'avoir un appui de terrain.

    4.10   Enfin, le tourisme ne concerne pas seulement les personnes qui travaillent directement dans les hôtels, les restaurants ou les compagnies aériennes. Il est lié à de nombreux secteurs en amont, du plombier à l'agriculteur local.

    5.   Améliorer le tourisme insulaire par des innovations de procédé

    5.1   Le secteur touristique s'est toujours montré très dynamique en ce qui concerne l'adoption de nouvelles technologiques, comme les systèmes de distribution globale. Les avancées récentes en matière de télécommunications, de réseaux, de bases de données, de traitement des données et de mercatique électronique offrent de nombreuses nouvelles possibilités au secteur touristique, lesquelles ont un impact considérable sur les modèles économiques du tourisme conventionnel. L'utilisation d'un accès internet à large bande et des technologies de l'information et de la communication (TIC) ajoute de la valeur aux services et aux produits touristiques, et promeut le développement de réseaux et de pôles dans le secteur. Le problème réside dans l'absence de technologie à large bande et dans le manque de connaissances et de compétences spécialisées permettant de tirer pleinement profit des TIC. Il convient de prévoir des formations spécifiques pour les populations insulaires afin de combler ces lacunes.

    5.2   Les consommateurs utilisent de plus en plus aisément les TIC afin d'organiser leurs vacances. À l'échelon de l'UE aujourd'hui, deux tiers des futurs touristes organisent leur voyage par le biais d'internet, et plus de la moitié achètent leur voyage en ligne. Ils sont à la recherche de produits flexibles et faciles d'accès, et souhaitent communiquer directement avec les prestataires touristiques. Pour tirer parti de cette révolution des TIC, les entrepreneurs doivent revoir en profondeur l'ensemble du processus de commercialisation du secteur. Les technologies liées à internet recèlent, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, un grand potentiel en ce qui concerne les ventes directes en ligne.

    5.3   De nombreuses îles européennes dotées d'une longue tradition touristique souffrent de faiblesses en matière de croissance et de production. Le tourisme y est soumis à une énorme pression concurrentielle. Sur le marché mondial libéralisé du tourisme, les îles sont en concurrence avec de nouvelles destinations qui jouissent de ressources intactes ou très peu exploitées, ainsi que de conditions économiques très favorables, avec notamment des bas salaires, diverses formes d'aides d'État, et des monnaies faibles.

    5.4   Comme dans tous les secteurs de services, la qualité de l'offre dans le tourisme insulaire dépend principalement de la qualité des travailleurs et des personnes du secteur. De bonnes conditions de travail sont liées à de bons niveaux de service.

    5.5   Le secteur européen du tourisme insulaire, qui est principalement composé de PME et caractérisé par une haute intensité en main-d'œuvre, souffre d'un problème de productivité en raison de sa nature fragmentée. Eu égard à cette compétitivité amoindrie, les îles du secteur touristique ont des difficultés à être compétitives. Ce fait est illustré par les prix pratiqués.

    5.6   Le problème lié au caractère saisonnier de ce secteur a des conséquences réelles sur la stabilité de l'emploi et rend ces emplois moins attrayants. C'est pourquoi nous devons encourager des dispositions contractuelles particulières garantissant un emploi stable aux travailleurs saisonniers, afin qu'ils bénéficient d'un emploi et de droits sociaux équivalents à ceux des travailleurs permanents. Le CESE a déjà évoqué cette question par le passé (2).

    5.6.1   La promotion du tourisme insulaire et l'innovation en la matière nécessiteront d'adapter et de moderniser, dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective entre les partenaires sociaux, les relations de travail, notamment dans des domaines tels que la formation professionnelle, l'avancement et l'évolution de carrière, les fonctions professionnelles, le temps de travail quotidien, les horaires et les conditions de travail.

    5.7   L'accès aux îles, particulièrement dans le monde rapide d'aujourd'hui, se fait principalement par les airs. L'accès par la mer ne constitue pas toujours une alternative viable. Il nécessite à la fois une solide infrastructure sur la terre ferme et un réseau fiable de connexions maritimes, qui sont par nature très dépendantes des conditions météorologiques.

    6.   Concevoir des instruments politiques pour l'innovation dans la commercialisation du tourisme insulaire

    6.1   Un véritable enjeu pour les autorités chargées du tourisme insulaire consiste à déterminer la façon la plus efficace de concevoir et de mettre en œuvre des instruments politiques promouvant l'innovation dans le secteur touristique sans fausser la dynamique des marchés. Il conviendrait en vertu des bonnes pratiques que les gouvernements laissent autant de liberté que possible aux marchés et qu'ils n'interviennent qu'en cas de défaillance de ceux-ci.

    6.2   Les îles doivent trouver un équilibre délicat entre les intérêts potentiellement conflictuels des entreprises à la recherche de croissance, des consommateurs-touristes à la recherche de possibilités de détente et des écologistes désireux de protéger la nature. Une question essentielle se pose en matière de planification urbaine: qui doit être autorisé à prendre les décisions sur les projets de construction? Des conflits potentiels existent entre les municipalités, qui peuvent être alimentés par les intérêts d'entreprises locales, et les autorités régionales ou nationales qui ont davantage de recul et entendent mettre un frein à une croissance débridée dans les zones environnementalement sensibles.

    6.3   Les gouvernements devraient laisser les entreprises innovantes réaliser des économies d'échelle, et chercher des innovations grâce à des alliances de coopération et à d'autres formes de mise en réseau. Les canaux les plus performants et prometteurs en matière d'innovation dans le secteur touristique sont notamment la coopération, les alliances et/ou les réseaux dans des domaines tels que la technologie, la mercatique, la distribution, et le partage des ressources humaines. Jusqu'à présent, la coopération dans le tourisme semble insuffisante, en particulier entre PME. Dans ce contexte, les pouvoirs publics devraient promouvoir une politique touristique innovante, propice à la cohérence et aux synergies.

    6.4   Si l'on entend se pencher sur les problèmes du tourisme, il est inconcevable de ne pas prendre en compte sa dimension spatiale. Il s'agit avant tout de la marchandisation et de la commercialisation des attractions, qui constituent les matières premières du tourisme. Ce sont ces dernières qui créent les destinations du marché. Chaque visiteur choisit la destination qui semble lui procurer la plus grande utilité et les biens pour lesquels il est disposé à payer. Sa disposition à payer augmente avec le caractère unique de la destination. Dans la plupart des cas, il s'agit de biens publics ou de ressources communes, comme des paysages protégés ou des terres réservées à un usage agricole que les insulaires doivent protéger et entretenir afin qu'elles ne soient pas simplement consommées ou détruites.

    6.5   Les attractions locales et les services innovants donnent à chaque destination sa couleur distinctive. Ils limitent également les possibilités en matière d'innovation de produit, étant donné que ces innovations ne peuvent être produites sans tenir compte des biens de la destination. Ainsi par exemple, une station balnéaire ne peut être transformée en refuge de montagne. Cependant, un pays touristique disposant d'attractions diverses peut se repositionner sur le marché.

    6.6   À long terme, le tourisme de masse orienté vers le soleil, la mer et McDonalds n'est pas nécessairement la meilleure forme de tourisme pour les îles. Des exemples en Écosse montrent que des formes de tourisme insulaire spécialisé et à petite échelle peuvent être très réussies. Il n'existe pas de solution universelle; il est particulièrement important de garder ce point à l'esprit lors de l'élaboration d'une stratégie touristique pour les îles. Une solution idéale pour une petite île méditerranéenne peut s'avérer inadéquate pour une très petite île au large du Royaume-Uni, de l'Irlande ou de la Suède.

    6.7   Le sort des destinations dépend de nombreux facteurs indépendants. Parmi ceux-ci, on peut noter la situation géographique et le potentiel des marchés source, ainsi que l'accessibilité exprimée en matière de coûts de transport et de coûts fonction de la durée. Le secteur public ne peut peser sur ces variables que par le biais de mécanismes tels que les obligations de service public ou les systèmes de continuité territoriale. Qui plus est, ces facteurs déterminent dans une large mesure la nature des innovations de produit. Le défi pour les entrepreneurs locaux est dès lors de créer, à l'aide de nouveaux produits, une valeur supplémentaire pour le consommateur.

    6.8   La durabilité environnementale est un thème d'actualité au sein de l'UE. Elle couvre des questions telles que l'identification de mécanismes judicieux permettant de réduire les émissions liées aux déplacements, ou plus généralement la manière dont la durabilité environnementale est devenue un moteur essentiel de la compétitivité du tourisme.

    6.9   Qu'est-ce qui empêche par exemple les insulaires d'améliorer les plages? Ou de faire étalage de leur patrimoine culturel? Pourquoi seules quelques stations touristiques sont renseignées, alors qu'une île toute entière peut par exemple constituer une attraction touristique? Pourquoi une telle concentration dans la durée et des saisons touristiques aussi courtes, alors qu'ailleurs le secteur touristique fonctionne tout au long de l'année? La publicité ne concerne que quelques lieux, alors qu'elle pourrait faire la promotion de l'ensemble des villes et villages. Les résidents de chaque ville et village doivent apprendre à être fiers de leur commune d'origine, afin de pouvoir protéger et vendre leur produit et leur patrimoine.

    6.10   Eu égard au nombre croissant de touristes se rendant sur les îles, les autorités devront investir davantage afin de maintenir la qualité sanitaire des destinations insulaires, de garantir une bonne qualité de l'eau potable (et de baignade), un traitement des déchets rapide, une énergie durable, et un approvisionnement alimentaire sûr.

    6.11   Il est essentiel de bâtir une conscience de la compétitivité. Les insulaires doivent en effet veiller à ce que la compétitivité figure parmi leurs priorités. Le gouvernement ne pourra y parvenir à lui seul. Il faut impliquer à la fois les travailleurs, les entrepreneurs, les gestionnaires et les institutions administratives.

    6.12   Dans les faits, trois facteurs exercent une influence décisive:

    premièrement, la participation du gouvernement en matière de sécurité sanitaire et de durabilité environnementale;

    deuxièmement, les aspects liés au secteur privé, notamment le transport de surface, le transport aérien et les infrastructures de TIC, et

    troisièmement, les aspects culturels humains caractérisant les ressources dont dispose chaque pays.

    6.12.1   Le gouvernement a une grande influence sur la première catégorie. Il n'est pas acceptable qu'une île présente une durabilité environnementale faible. Cela prouve que les groupes de pression environnementaux et culturels ont raison de continuer à plaider pour une sensibilisation accrue au sujet du patrimoine culturel insulaire et pour l'urgente nécessité d'investir davantage afin de le protéger.

    6.12.2   Bien des choses doivent être entreprises en ce qui concerne l'infrastructure touristique également. De mauvais résultats peuvent inciter à agir et à saisir l'occasion pour investir davantage. Une période de récession convient particulièrement pour évaluer l'infrastructure et pour allouer plus de ressources à son développement. Il y a lieu que les îles développent leur infrastructure maintenant et cherchent de nouvelles niches de marché grâce à de nouveaux investissements privés et publics. Le gouvernement doit veiller à ce que le secteur privé ait un meilleur accès au financement, et à ce que les banques adoptent une approche mieux adaptée aux petites et moyennes entreprises. Il faut veiller à ce que les fonds disponibles dans le cadre du plan de relance européen soient pleinement utilisés. Il convient toutefois avant tout que les organes gouvernementaux n'imposent pas une réglementation inappropriée au secteur privé afin de soustraire aux entrepreneurs tout le capital dont ils disposent à des fins d'investissement.

    6.12.3   Le tourisme insulaire a également des aspects négatifs: l'économie souterraine, bien qu'elle génère des revenues supplémentaires pour les insulaires, a une incidence négative sur l'emploi et les conditions de travail. Les résidences secondaires poussent généralement les prix à la hausse pour les résidents des îles, même si elles constituent également une source de revenus. En outre, l'infrastructure en matière d'eau, de déchets et d'énergie est saturée, devant faire face à une population vingt fois supérieure à la population locale durant la haute saison.

    6.13   En raison des fluctuations saisonnières de la demande de main-d'œuvre, on observe l'émergence et la présence d'une économie grise. Un mauvais usage, voire un usage abusif de la main-d'œuvre étudiante, ou le recours à une main-d'œuvre clandestine nuit tant aux travailleurs légaux que clandestins, étant donné qu'ils induisent une baisse des salaires. La main-d'œuvre clandestine peut représenter une part considérable des personnes travaillant dans le secteur touristique. Dans certains pays, elle dépasse la moitié de la main-d'œuvre.

    6.13.1   Une main-d'œuvre bon marché et mobile provenant des nouveaux États membres, notamment de Pologne, de Bulgarie et de Roumanie, constitue une caractéristique de plus en plus visible du tourisme occidental, y compris du tourisme insulaire. Eu égard aux règles de l'UE sur la libre circulation des travailleurs, il s'agit là d'une tendance que l'on ne peut arrêter. Les entrepreneurs et les travailleurs sont désormais confrontés à la question de savoir comment ils peuvent y réagir. Il faut pouvoir garantir la compétitivité des entreprises, tout en préservant le principe d'égalité et en s'assurant que les conditions de travail sont respectées et que les travailleurs ne sont pas exploités.

    6.14   C'est pourquoi le tourisme insulaire a besoin d'une approche mesurée. Le tourisme est vital pour les habitants et les PME insulaires. C'est le moment d'agir. Les insulaires doivent se mesurer à la concurrence. Les problèmes immédiats à court terme doivent être réglés en premier. Afin que le tourisme demeure durable et reste un moteur essentiel de croissance économique, il est nécessaire de prendre des mesures effectives à moyen et à long terme.

    7.   Promouvoir les réseaux d'innovation dans l'organisation des entreprises et destinations touristiques

    7.1   Plusieurs branches du secteur touristique, comme les compagnies aériennes, les chaînes d'hôtels, les voyagistes ou les agences de location de voitures, présentent un niveau élevé de concentration et sont souvent composées d'acteurs mondiaux. En revanche, les PME restent majoritaires dans le secteur touristique des îles. Pour survivre face à de tels concurrents mondiaux, les entreprises du secteur touristique insulaire devraient essayer de mener une concurrence constructive plutôt que destructive. En effet, une concurrence constructive augmenterait la taille du marché, élargirait la plateforme de produits et permettrait ainsi une différenciation judicieuse des produits et une innovation vers des produits de niveau mondial, tandis qu'une concurrence destructive mettrait les entreprises en concurrence sur les mêmes parts de marché, entraînant une convergence des produits et une guerre des prix. Il est dès lors essentiel que les entrepreneurs du secteur touristique sachent comment coopérer davantage afin que puisse s'installer une concurrence constructive.

    7.2   Les entrepreneurs du secteur touristique insulaire, et plus particulièrement les petits, sont plus sensibles à la concurrence de leurs partenaires qu'aux avantages procurés par une coopération. Dans le monde du tourisme, on peut opérer une distinction entre les réseaux et pôles géographiques, d'une part, et les réseaux et pôles basés sur une activité, comme le tourisme «vert», le tourisme viticole, etc., de l'autre. Les réseaux et pôles peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la capacité des opérateurs à innover, par exemple grâce à des coûts d'expérimentation plus bas, à une visibilité accrue et à une plus grande réactivité face aux fluctuations de la demande. Comme dans d'autres secteurs de services, l'innovation dans le secteur touristique est principalement fonction des réseaux et de la coopération.

    7.3   La coopération entre les hommes politiques, organisations patronales et syndicales, de même que l'intégration des organes, fondations et associations qui jouent un rôle dans le secteur du tourisme constituent l'un des principaux facteurs permettant une croissance constante du secteur touristique insulaire. Si le secteur privé joue le principal rôle en créant des réseaux, c'est aux autorités locales qu'il appartient de développer l'infrastructure permettant une meilleure coopération et soutenant les réseaux sur les marchés.

    Bruxelles, le 15 juillet 2010.

    Le président du Comité économique et social européen

    Mario SEPI


    (1)  «Une meilleure intégration dans le marché intérieur, facteur clé de la cohésion et de la croissance pour les îles», JO C 27 du 03.02.2009, p. 123.

    (2)  Voir l'avis du CESE sur le thème «Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable», JO C 32 du 05.02.2004, p. 1.


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