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Document 52010AE0973
Opinion of the European Economic and Social Committee on ‘The added value of a common European asylum system both for asylum seekers and for the EU Member States’ (exploratory opinion)
Avis du Comité économique et social européen sur «La valeur ajoutée, tant pour les demandeurs d'asile que pour les États membres de l'Union européenne, d'un régime européen commun d'asile» (avis exploratoire)
Avis du Comité économique et social européen sur «La valeur ajoutée, tant pour les demandeurs d'asile que pour les États membres de l'Union européenne, d'un régime européen commun d'asile» (avis exploratoire)
JO C 44 du 11.2.2011, p. 17–22
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
11.2.2011 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 44/17 |
Avis du Comité économique et social européen sur «La valeur ajoutée, tant pour les demandeurs d'asile que pour les États membres de l'Union européenne, d'un régime européen commun d'asile» (avis exploratoire)
2011/C 44/03
Rapporteur: M. PÎRVULESCU
Par lettre en date du 16 février 2010, Mme Joëlle MILQUET, vice-première ministre et ministre de l'emploi et de l'égalité des chances, chargée de la politique de migration et d'asile, a demandé au Comité économique et social européen, au nom de la future présidence belge et conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur:
«La valeur ajoutée, tant pour les demandeurs d'asile que pour les États membres de l'Union européenne, d'un régime européen commun d'asile» (avis exploratoire).
La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 juin 2010.
Lors de sa 464e session plénière des 14 et 15 juillet 2010 (séance du 14 juillet 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 1 voix contre et 8 abstentions.
1. Conclusions
1.1 |
Le Comité économique et social se félicite que les institutions de l'UE adoptent une démarche anticipatrice en matière d'asile et que certains États membres soient intéressés à réaliser des avancées dans ce domaine d'action. |
1.2 |
Même si la politique d'immigration et d'asile de l'Union européenne est soumise à la pression des multiples sources d'insécurité et de risque qui sont présentes à l'échelle mondiale (1), le Comité considère que les diverses contraintes budgétaires dues à la crise économique ne peuvent aboutir à une baisse du niveau et de la qualité de la protection accordée aux bénéficiaires. L'identité de l'Union européenne est étroitement liée à la sauvegarde des droits de l'homme. Si elle échouait à l'assurer, sa crédibilité interne et externe, en tant qu'entité politique et démocratique, s'en trouverait entamée. |
1.3 |
Avec l'entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les responsabilités accrues dont l'UE dispose dans ce domaine et la modification des mécanismes décisionnels ouvrent des perspectives de créer un espace européen commun d'asile. Il existe cependant des risques en la matière. Les attentes suscitées peuvent être excessives au regard des capacités politiques et administratives qui existent. |
1.4 |
Le Comité est d'avis qu'une politique européenne commune en matière d'asile qui soit fonctionnelle constitue la manière la plus efficace et la plus durable de faire droit au besoin de protection des personnes qui se trouvent en situation de risque, avec les répercussions qui en découlent pour les États membres. |
1.5 |
Le Comité ne considère pas que les bénéficiaires de protection internationale soient un fardeau économique et administratif mais voit en eux des partenaires précieux pour les pays et les communautés qui les accueillent. Dans leurs États d'origine, ils peuvent devenir des ferments d'un changement qui renforce la démocratie, l'état de droit et la protection des droits de l'homme. Les compétences qu'ils ont acquises peuvent en faire des acteurs essentiels pour le développement économique et social de leurs terres d'accueil comme de leurs pays d'origine. |
1.6 |
L'échec ou le succès du régime d'asile européen commun (RAEC) sera fonction d'un certain nombre de paramètres essentiels: protection efficace des droits de l'homme, solidarité entre les États membres, harmonisation de la législation et des politiques afférentes, enrichissement du contenu de la protection octroyée et financement adéquat des institutions européennes chargées de ce domaine. De l'avis du Comité, il est prioritaire de gagner l'adhésion du grand public, de la société civile et des gouvernements des États membres à une politique européenne commune d'asile. C'est en la mettant rapidement en œuvre et en obtenant des résultats concrets, en particulier dans les cas à valeur de banc d'épreuve, qu'il sera possible d'arriver à ce but. |
1.7 |
L'existence de systèmes d'octroi de l'asile qui diffèrent selon les pays induit des coûts élevés. L'instauration d'un régime d'asile européen commun les clarifiera et les limitera, en premier lieu grâce à la simplification législative (réduction du nombre d'appels ou demandes réitérés, limitation des possibilités d'usage abusif des procédures) et en second lieu par l'action des institutions européennes compétentes, qui, telles le Bureau européen d'appui en matière d'asile, peuvent se substituer aux autorités nationales. Il en deviendra plus aisé d'échanger les bonnes pratiques, d'instruire les personnels concernés et, plus important encore, de réorienter les flux de demandeurs d'asile. |
2. Introduction
2.1 |
L'espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) de l'UE se trouve dans une phase décisive. Depuis 1999, le Conseil a adopté deux plans quinquennaux: le programme de Tampere (1999-2004) et celui de La Haye (2004-2009). Au terme de dix années, les objectifs fixés à Tampere n'ont été que partiellement réalisés. L'UE ne constitue pas encore un espace de liberté, de sécurité et de justice. Des progrès considérables mais inégaux ont été enregistrés dans le domaine de la politique commune en matière d'immigration, d'asile et de sécurité aux frontières. |
2.2 |
Après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le programme de Stockholm va être mis en œuvre et, en conséquence, toute une série de politiques qui y figurent seront adoptées au sein du Conseil, par la voie de la procédure législative classique ou par celle de la codécision avec le Parlement européen. De ce fait, l'UE va pouvoir s'assigner des visées plus ambitieuses et relancer un processus qui, pour l'heure, est freiné par les réticences de certains États membres. |
2.3 |
Avec l'adoption du traité de Lisbonne, qui a intégré la Charte des droits fondamentaux, les responsabilités et les compétences de l'Union européenne en matière d'asile ont augmenté dans une large mesure. Cet élargissement de ses attributions offre une occasion de choix pour progresser vers la concrétisation des objectifs en matière d'immigration et d'asile mais peut également comporter un risque, si elle ne parvient pas à se ménager le soutien des acteurs intéressés pour appuyer les décisions prises. À défaut de résoudre les tensions et imprécisions qui sont inhérentes à un domaine aussi sensible et étaient déjà évidentes au stade de l'élaboration de l'action, on s'expose à compromettre tant les progrès engrangés jusqu'à présent que les perspectives futures. |
2.4 |
Le programme de Stockholm est la résultante d'un processus de consultation qui a repris et mis en œuvre les propositions formulées par le Pacte européen sur l'immigration et l'asile (2), les rapports du groupe consultatif sur l'avenir de la politique intérieure et de justice (3), ainsi que les contributions que la Commission européenne a reçues en septembre et novembre 2008, dans le cadre du processus de consultation publique sur le thème «Liberté, sécurité, justice: Quel sera le futur? – Consultation sur les priorités pour les cinq prochaines années». En juin 2009, la Commission a publié une communication intitulée «Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens - Une liberté plus grande dans un environnement plus sûr» (4), qui a notamment pu faire l'objet d'un avis du Comité économique et social européen (5). |
2.5 |
La création du régime d'asile européen commun (RAEC) en tant que composante de l'espace de liberté, de sécurité et de justice est fondée sur l'engagement d'appliquer effectivement la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (1951) et sur les valeurs définissant les droits de l'homme, telles qu'elles sont partagées par les États membres. Des progrès appréciables ont été accomplis sur la période de 1999 à 2006, notamment avec l'adoption des quatre instruments qui constituent l'acquis actuel. La directive du Conseil 2004/83/CE (directive «qualification») a défini les critères communs pour déterminer quelles sont les personnes fondées à demander une protection internationale et a fixé un niveau minimum d'avantages qui doit leur être octroyé dans tous les États de l'UE. Dans les programmes de La Haye et de Stockholm, la Commission européenne a pris l'engagement d'évaluer les progrès accomplis dans la première phase et de proposer une série de mesures au Conseil et au Parlement européen, avant la fin 2010. |
2.6 |
Depuis 2002, le Comité économique et social européen s'est investi dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre d'un régime d'asile européen commun par le truchement de toute une série d'avis, notamment ceux qu'il a consacrés au livre vert sur le futur régime d'asile européen commun (6) ou au plan d’action en matière d’asile (7). |
2.7 |
Dans son plan stratégique en matière d'asile, adopté le 17 juin 2008 (8), la Commission a proposé que l'Union finalise la seconde phase du régime d'asile européen commun (RAEC) en adoptant de meilleures normes de protection et en assurant leur application harmonisée dans les États membres. Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté par le Conseil européen le 17 octobre 2008 a réitéré son appui à cette politique et aux objectifs assignés. Le plan stratégique prévoit que la directive sur le statut soit revue, dans le cadre d'un train d'initiatives plus étendu qui inclut la révision des règlements Dublin et Eurodac et de la directive relative aux conditions d'accueil (9), ainsi que l'adoption, le 19 février 2009, d'une proposition relative à l'établissement du Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEAA) (10). Parmi les autres mesures proposées, il est préconisé de renforcer la dimension externe de l'asile, notamment par un programme européen de réinstallation et l'instauration de programmes régionaux de protection. |
2.8 |
Dans le contexte de l'exercice de la présidence du Conseil de l'Union européenne, le gouvernement belge a demandé au Comité économique et social européen d'élaborer un avis exploratoire traitant de la problématique de l'asile. Dans la demande officielle, il est mentionné que l'octroi d'une protection internationale aux personnes qui se trouvent en situation de risque constitue un des défis importants qui sont adressés à l'Union européenne et à ses États membres. Au cours de ces dernières années, ils ont poursuivi avec constance l'objectif principal qu'ils se sont fixé, bâtir une politique européenne commune en matière d'asile. Ils ont établi des normes pour l'obtention de la protection internationale, déterminé des responsabilités et créé de nouvelles institutions. Les États membres répugnent toutefois, pour bon nombre d'entre eux, à harmoniser véritablement leur législation et leurs politiques. Sans le soutien des États membres, la construction européenne, législative et institutionnelle, risque de devenir inefficace et coûteuse. Ils n'aperçoivent pas encore nettement les avantages d'une politique européenne commune en matière d'asile, ni n'assument clairement leurs responsabilités. |
2.9 |
Le Comité économique et social européen a développé des propositions constructives dans ce domaine, en accueillant avec satisfaction les progrès accomplis dans les pratiques de l'Union et des États membres. Dans ses prises de position, il s'est rangé ouvertement derrière des principes et des valeurs qui privilégient les droits fondamentaux de la personne et a proposé des mesures qui visent à favoriser l'épanouissement personnel et professionnel des bénéficiaires d'une protection internationale. De même, il a relevé à de multiples reprises les limites et les incohérences des politiques européennes, qu'elles en soient au stade du projet ou à celui de la mise en œuvre. Dans ce domaine, il convient d'ajuster les politiques et les instruments d'une manière consensuelle, qui associe dans un véritable dialogue les États membres, les institutions communautaires, les organisations de la société civile, le monde de l'entreprise et les communautés locales. |
3. Observations générales
La valeur ajoutée du régime d'asile européen commun pour les demandeurs et les États membres
3.1 |
Le Comité estime qu'une démarche qui souligne les avantages du régime d'asile européen commun est prometteuse et potentiellement susceptible de restaurer la confiance des acteurs intéressés, les États membres en particulier, dans le processus d'élaboration de ce dispositif. |
3.2 |
Le Comité exprime également son accord avec les buts que s'assigne l'Union européenne s'agissant de perfectionner le régime d'asile européen commun. Il attire toutefois l'attention sur l'hiatus qui sépare les objectifs fixés au niveau européen et les pratiques nationales suivies en la matière et pourrait être amplifié par la crise économique et ses retombées sociales et politiques. |
3.3 |
Il n'est pas possible de bâtir le régime d'asile européen commun sans l'ancrer solidement dans un ensemble de valeurs et de principes communs, qui place au cœur des actions de l'Union et de ses États membres la dignité et la sécurité de la personne humaine. |
3.4 |
L'asymétrie des pressions auxquelles sont soumis les divers États membres telle qu'elle se reflète dans les disparités des taux d'acceptation, le nombre de décisions contestées et les mouvements secondaires de demandeurs d'asile, font toutefois apparaître que le principe implicite de la solidarité entre les États membres n'est pas appliqué. |
3.5 |
La propension des États membres à limiter l'harmonisation de la législation et des pratiques nationales sape les bases du régime d'asile européen commun. L'harmonisation ne constitue pas un problème de la politique d'asile mais le principal instrument qui permet de concrétiser les avantages du régime d'asile européen commun. Elle réduira la pression administrative et financière qui s'exerce sur certains États membres et garantira par ailleurs un niveau de protection plus élevé aux demandeurs d'asile, en tout cas dans la phase initiale du processus. Si l'on veut qu'elle produise les résultats escomptés, elle ne doit pas se faire vers le plus petit commun dénominateur en matière de protection. |
3.6 |
Le contenu de la protection internationale constitue un volet sensible de la politique d'asile. Les différences entre États membres sont également plus importantes qu'en matière de procédure d'octroi de la protection internationale proprement dite. Si l'on donne à la protection une teneur plus riche, qui se traduira par la reconnaissance des qualifications et l'accès à l'instruction et à l'emploi, les bénéficiaires de protection internationale peuvent contribuer à augmenter la prospérité individuelle et collective. |
3.7 |
Pour apporter une assistance satisfaisante à la politique d'asile, les institutions spécialisées, en particulier Frontex et le Bureau européen d'appui en matière d'asile, doivent disposer d'attributions claires, bénéficier d'un appui financier à la mesure de leurs responsabilités et présenter un mode de fonctionnement transparent, qui assure le respect des procédures et des droits fondamentaux des demandeurs et bénéficiaires de la protection internationale. Le soutien financier d'institutions efficaces peut offrir une excellente illustration des avantages qui découlent d'une véritable politique commune d'asile. |
4. Observations particulières
4.1 |
Le Comité estime que les différentes facettes de la politique d'asile sont corrélées. Son échec ou son succès sera fonction d'un certain nombre de paramètres essentiels: protection efficace des droits de l'homme, solidarité entre les États membres, harmonisation de la législation et des politiques afférentes, enrichissement du contenu de la protection octroyée et financement adéquat des institutions européennes chargées de ce domaine. De l'avis du Comité, il est prioritaire de gagner l'adhésion du grand public, de la société civile et des gouvernements des États membres à une politique européenne commune d'asile. C'est en la mettant rapidement en œuvre et en obtenant des résultats concrets, en particulier dans les cas à valeur de banc d'épreuve, qu'il sera possible d'arriver à ce but. |
Le respect des droits de l'homme à tous les stades de l'accès à la protection internationale
4.2 |
Dans ses positions, le Comité n'a cessé de souligner qu'en matière de protection internationale, ce sont des normes communes, non minimales, qui sont nécessaires (11). Elles assureront un respect accru des droits fondamentaux des demandeurs de protection internationale par les mesures suivantes:
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4.3 |
Il est capital que durant les procédures, les demandeurs d'asile puissent s'exprimer dans leur langue maternelle et bénéficient, à toutes les étapes, d'une assistance juridique gratuite. |
4.4 |
Le rejet d'une demande de protection internationale doit être clairement motivé, et s'accompagner d'indications, notamment relatives aux modalités et aux délais, quant à l'introduction d'éventuels recours. En tout état de cause, la mesure d'expulsion doit de toute façon être suspendue dans l'attente du résultat du recours éventuel (12). |
4.5 |
La «rétention – détention» ne devrait survenir qu’en dernière instance, après l'épuisement des alternatives et jamais sans qu’un tribunal compétent ait rendu une décision, en respectant les droits de la défense, conformément à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (13). Les décisions prises doivent pouvoir être contestées dans le cadre d'une procédure d'appel. |
4.6 |
Le Comité met en exergue la situation particulière des femmes, qui éprouvent beaucoup plus de difficultés que les hommes à demander asile et à obtenir le statut de réfugié. De même, il attire l'attention sur la problématique des mineurs dans la politique d'asile et souligne qu'il importe de protéger efficacement leurs intérêts et leur sécurité. |
4.7 |
Le Comité relève avec inquiétude que les phénomènes connexes de l'immigration et de l'asile, comme le trafic d'êtres humains ou l'abus, ne sont pas suffisamment traités en ce qui concerne les États membres et les pays tiers, en particulier ceux de transit. Les pays n'ayant pas ratifié la Convention de Genève de 1951 ne peuvent être les partenaires de l'Union européenne en matière de politique d'asile. Il n'est pas possible de garantir le succès de la politique d'asile en l'absence d'un accord institutionnel solide avec les États de transit, qui tolèrent souvent les atteintes aux droits et à la sécurité des personnes en situation de risque. |
Une solidarité accrue entre les États membres sur la base de l'intérêt commun et du partage des responsabilités
4.8 |
Eu égard aux disparités qui existent dans l'exposition des différents États membres au flux de réfugiés, certains d'entre eux ont tendance à réagir en instaurant des règles restrictives pour l'octroi de la protection internationale. La politique d'asile doit assister efficacement ces pays pour ce qui est de gérer les demandeurs et, surtout, d'améliorer le contenu de la protection. Le Comité convient que pour concrétiser cette aide, il importe de prévoir une nouvelle procédure qui suspende les transferts au titre de Dublin vers un État membre responsable qui subirait des pressions supplémentaires (14). |
4.9 |
Une coopération renforcée avec les pays qui subissent de telles pressions présente de multiples avantages. En premier lieu, elle limitera la circulation secondaire, d'un État membre à l'autre. Par ailleurs, la répartition plus équitable des demandes d'asile permettra de mieux gérer le processus et assurera une intégration plus poussée des bénéficiaires de protection internationale au sein des pays de l'Union. |
Une harmonisation effective et axée sur l'amélioration de la protection des personnes en situation de risque
4.10 |
Le traitement des demandes d'asile ressortit aux compétences des autorités des États membres. Des traditions divergentes subsistent dans ce domaine, du fait des carences dans l'harmonisation des législations nationales; la situation du pays d'origine est évaluée de manière variable; on constate l'absence de pratiques communes au niveau européen; les capacités administratives sont contrastées; enfin, la pression des candidats à une protection internationale n'est pas répartie de manière géographiquement égale. Par conséquent, les niveaux de protection accordés par les différents États membres sont très divers, ce qui explique que les mouvements secondaires de réfugiés au sein de l'UE persistent (15). |
4.11 |
Une étape nécessaire consiste à analyser les demandes d'asile sur une base commune. À de très nombreuses reprises, le Comité a préconisé que l'on abandonne les listes de pays censés être sûrs pour les remplacer par un système qui évalue en temps réel les risques courus dans les pays tiers, à l'échelle individuelle et collective. Le dispositif est prévu parmi les tâches du Bureau européen d'appui en matière d'asile. Ce système commun d'évaluation devra utiliser un jeu de définitions communes, en y intégrant les agences de protection et la protection à l'intérieur du territoire de l'État concerné. |
4.12 |
Le Comité considère que les agences de protection non étatiques peuvent fournir des services utiles, voire indispensables quelquefois à court terme, surtout pour résoudre des problèmes humanitaires. Il estime toutefois qu'il n'est pas envisageable de leur confier, fût-ce partiellement, la responsabilité d'assurer la protection des personnes sur un territoire donné, qui ne peut l'être qu'à des structures étatiques. La protection à l'intérieur du pays n'est valable que dans le cas où la majeure partie du territoire se trouve sous le contrôle d'un pouvoir central capable et désireux de garantir l'ordre intérieur, un niveau minimal de services publics et une protection adéquate des droits et de la sécurité des individus. |
4.13 |
Le Comité se félicite de l'évolution vers l'uniformisation du contenu des deux statuts de protection (réfugié et protection subsidiaire). Il a apporté à plusieurs reprises son soutien à cette évolution, qui garantira à l'avenir une protection plus complète des personnes en situation de risque et leur assurera une meilleure intégration dans les pays membres de l'Union. De même l'uniformisation de ces deux statuts de protection ne doit pas avoir pour effet, direct ou indirect, de réduire le niveau de protection et la qualité de leur contenu (16) mais bien de les renforcer. |
4.14 |
La responsabilité que détiennent les gouvernements nationaux dans la gestion de la politique d'asile ne peut induire qu'ils instaurent des pratiques totalement divergentes. Certains États membres, comme les Pays-Bas ou la Suède, ont développé en la matière un éventail de bonnes pratiques, susceptibles d'inspirer des mesures analogues dans d'autres pays. Leur rôle est sous-estimé: elles peuvent indiquer comment la politique d'asile peut être mise en pratique et limiter les frais d'expérimentation au niveau national. |
Une protection internationale au contenu plus substantiel
4.15 |
Dans ce domaine, les politiques et les programmes nationaux sont variés. Toutefois, cette appréciation est intuitive, vu qu'il n'existe pas d'analyse fouillée de ces dispositifs dans les États membres. En l'absence de mesures anticipatrices, l'octroi de la protection internationale sera vidé de sa substance et aura pour conséquence de soumettre à une discrimination implicite les personnes bénéficiant de ce statut. Le Comité recommande d'associer les syndicats et le patronat à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques d'asile au niveau national. |
4.16 |
Le Comité envisage que soient incluses dans ce mécanisme des dispositions relatives à la reconnaissance et à l'équivalence des diplômes et des qualifications, ainsi que des mesures facilitant l'accès des bénéficiaires de protection internationale à des programmes de formation professionnelle (17). Il s'agit de pas importants sur la voie de l'intégration de ces personnes à l'économie et à la société et sur celle de l'amélioration de leur qualité de vie. Pour ce qui est de l'accès au marché de l'emploi, il importe de le renforcer au moyen de mesures actives de lutte contre la discrimination et d'incitation des acteurs économiques. |
Renforcement et financement adéquat des institutions responsables de la politique d'asile
4.17 |
Le Comité considère que les activités du Bureau européen d'appui en matière d'asile doivent revêtir le plus rapidement possible un caractère opérationnel. Il convient que son budget lui permette de déployer son action, complexe et dense, logistiquement parlant. Pour ne prendre que cet exemple, il se doit de développer en priorité le système européen commun d'évaluation du risque dans les pays tiers, qui constitue une composante importante de la politique d'asile. Le financement adéquat qui lui sera accordé pourrait mettre en évidence les avantages de disposer d'institutions et de procédures communes au niveau européen. Il est nécessaire qu'il fonctionne en coordination avec les autres structures de l'UE et, plus particulièrement, avec les gouvernements des États membres. |
4.18 |
Le financement des différents éléments de la politique d'asile doit être reconsidéré. Il y a lieu de l'accroître et de l'orienter vers des instruments qui produisent les meilleurs résultats et procurent une aide réelle aux États membres. La solidarité comporte un volet financier, qu'il ne faut pas ignorer. Le Fonds européen pour les réfugiés, par exemple, dispose d'un budget - environ 5 millions d'euros - qui est nettement trop chiche pour fournir un soutien utile à la mise en œuvre de la politique d'asile au niveau européen et national. |
4.19 |
Le Comité a relevé avec inquiétude une série de pratiques des gouvernements des États membres et de l'agence Frontex en matière d'expulsion de personnes susceptibles de nécessiter une protection internationale (18). Ces opérations, dont la fréquence et l'ampleur se sont accrues, doivent se dérouler dans des conditions de pleine transparence et de responsabilité pleinement assumée (19). Le Comité recommande que Frontex et le Bureau européen d’appui en matière d'asile collaborent dans le but de prévenir les violations des droits de l'homme. Expulser des personnes vers des pays ou des zones où leur sécurité est menacée constitue une violation flagrante du principe de non-refoulement. |
4.20 |
Le CESE estime (20) qu'il conviendrait de réaliser un effort de formation du personnel de Frontex en vue d'améliorer les points suivants:
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4.21 |
Le Comité recommande qu'en matière de politique d'asile, le développement institutionnel s'accompagne d'une intégration accrue des organisations de la société civile dans son processus décisionnel et dans son déroulement opérationnel. Les y associer de la sorte rehaussera la crédibilité de la politique commune tout en contribuant à améliorer durablement les instruments utilisés. |
Bruxelles, le 14 juillet 2010.
Le président du Comité économique et social européen
Mario SEPI
(1) On citera pour exemple les risques liés à la dégradation de l'environnement et aux conflits qui en découlent.
(2) Pacte européen sur l'immigration et l'asile, Conseil de l'Union européenne, 13440/08, 24 septembre 2008.
(3) Rapport du groupe consultatif sur l'avenir de la politique dans le domaine des affaires intérieures «Liberty, Security, Privacy: European Home Affairs in an Open World» («Liberté, sécurité, vie privée: les affaires intérieures européennes dans un monde ouvert»), juin 2008.
(4) COM(2009) 262.
(5) JO C 128, 18 mai 2010, p. 80.
(6) JO C 204, 9 août 2008, p. 77.
(7) JO C 218, 11 septembre 2009, p. 78.
(8) COM(2008) 360 final.
(9) COM(2008) 815 final; COM(2008) 820 final; COM(2008) 825 final.
(10) COM(2009) 66 final.
(11) JO C 204, du 9 août 2008, p. 77, JO C 218, 11 septembre 2009, p. 78.
(12) Avis CESE du 28 avril 2010 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte)» (COM(2009) 554 final – 2009/0165 (COD), rapporteur: M. PEZZINI).
(13) JO C 317, 23 décembre 2009, p.110.
(14) JO C 317, 23 décembre 2009, p. 115.
(15) JO C 218, 11 septembre 2009.
(16) Avis du CESE du 28 avril 2010 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, et relatives au contenu de cette protection (refonte) (COM(2009) 551 final/2 – 2009/0164 (COD), rapporteur: M. PÎRVULESCU).
(17) Idem à la note de bas de page 16.
(18) Voir le rapport de Human Rights Watch (HRW) intitulé: «Pushed Back, Pushed Around Italy's Forced Return of Boat Migrants and Asylum Seekers, Libya's Mistreatment of Migrants and Asylum Seekers» («Repoussés, malmenés: L'Italie renvoie par la force les migrants et demandeurs d'asile arrivés par bateau, la Libye les maltraite»), Human Rights Watch 2009.
(19) Le Comité salue la volonté de la Commission européenne de rendre transparent le déroulement des procédures dans ce domaine.
(20) Avis CESE du 28 avril 2010 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte)» (COM(2009) 554 final – 2009/0165 (COD), rapporteur: M. PEZZINI).