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Document 32018H0103
Commission Recommendation (EU) 2018/103 of 20 December 2017 regarding the rule of law in Poland complementary to Recommendations (EU) 2016/1374, (EU) 2017/146 and (EU) 2017/1520
Recommandation (UE) 2018/103 de la Commission du 20 décembre 2017 concernant l'état de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374, (UE) 2017/146 et (UE) 2017/1520
Recommandation (UE) 2018/103 de la Commission du 20 décembre 2017 concernant l'état de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374, (UE) 2017/146 et (UE) 2017/1520
C/2017/9050
JO L 17 du 23.1.2018, p. 50–64
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
Relation | Act | Comment | Subdivision concerned | From | To |
---|---|---|---|---|---|
Completion | 32016H1374 | ||||
Completion | 32017H0146 | ||||
Completion | 32017H1520 |
23.1.2018 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
L 17/50 |
RECOMMANDATION (UE) 2018/103 DE LA COMMISSION
du 20 décembre 2017
concernant l'état de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374, (UE) 2017/146 et (UE) 2017/1520
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 292,
considérant ce qui suit:
(1) |
Le 27 juillet 2016, la Commission a adopté une recommandation concernant l'état de droit en Pologne (1), dans laquelle elle exposait ses préoccupations quant à la situation du Tribunal constitutionnel et émettait des recommandations sur la manière d'y répondre. Les 21 décembre 2016 et 26 juillet 2017, elle a adopté des recommandations complémentaires concernant l'état de droit en Pologne (2). |
(2) |
Les recommandations de la Commission ont été adoptées en vertu du cadre pour l'état de droit (3). Le cadre pour l'état de droit expose la manière dont la Commission réagira si des indices clairs d'une menace envers l'état de droit venaient à apparaître dans un État membre de l'Union et explique les principes que l'état de droit recouvre. Le cadre pour l'état de droit fournit des orientations en vue d'un dialogue entre la Commission et l'État membre afin de prévenir l'émergence d'une menace systémique envers l'état de droit qui pourrait se muer en un «risque clair de violation grave» susceptible d'entraîner le recours à la procédure dite «de l'article 7 du traité sur l'Union européenne». S'il existe des indices clairs d'une menace systémique envers l'état de droit dans un État membre, la Commission peut engager un dialogue avec cet État membre en vertu du cadre pour l'état de droit. |
(3) |
L'Union européenne est fondée sur un éventail de valeurs communes, consacrées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE), au nombre desquelles figure le respect de l'état de droit. La Commission, au-delà de sa mission consistant à garantir le respect du droit de l'Union européenne, est également chargée, avec le Parlement européen, les États membres et le Conseil, de garantir les valeurs communes de l'Union. |
(4) |
La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que des documents élaborés par le Conseil de l'Europe, qui reposent notamment sur l'expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise»), fournissent une liste non exhaustive de ces principes et définissent ainsi la substance de l'état de droit, valeur commune de l'Union au sens de l'article 2 du TUE. Parmi ces principes figurent la légalité, qui suppose l'existence d'une procédure d'adoption des textes de loi transparente, responsable, démocratique et pluraliste; la sécurité juridique; l'interdiction de l'arbitraire du pouvoir exécutif; des juridictions indépendantes et impartiales; un contrôle juridictionnel effectif, y compris le respect des droits fondamentaux; et l'égalité devant la loi (4). En plus de défendre ces principes et valeurs, les institutions étatiques ont également un devoir de coopération loyale. |
(5) |
Dans sa recommandation du 27 juillet 2016, la Commission expliquait les circonstances dans lesquelles elle avait décidé, le 13 janvier 2016, d'examiner la situation en vertu du cadre pour l'état de droit et dans lesquelles elle avait adopté, le 1er juin 2016, un avis sur l'état de droit en Pologne. La recommandation expliquait également que les échanges entre la Commission et le gouvernement polonais n'avaient pas permis de dissiper les préoccupations de la Commission. |
(6) |
Dans sa recommandation, la Commission constatait l'existence d'une menace systémique envers l'état de droit en Pologne et recommandait que les autorités polonaises prennent d'urgence les mesures qui s'imposent pour faire face à cette menace. |
(7) |
Dans sa recommandation du 21 décembre 2016, la Commission a tenu compte des dernières évolutions de la situation en Pologne depuis sa recommandation du 27 juillet 2016. Elle a constaté que, si certaines des questions abordées dans sa dernière recommandation avaient été résolues, d'autres, importantes, devaient encore l'être et de nouvelles préoccupations étaient apparues entre-temps. La Commission a également considéré que la procédure ayant conduit à la désignation d'un nouveau président du Tribunal avait suscité de sérieuses inquiétudes quant à l'état de droit. La Commission a conclu qu'une menace systémique continuait de peser sur l'état de droit en Pologne. La Commission a invité le gouvernement polonais à régler de toute urgence les problèmes recensés, dans un délai de deux mois, et à l'informer des mesures prises à cet effet. La Commission a fait remarquer qu'elle restait prête à poursuivre le dialogue constructif entamé avec le gouvernement polonais, sur la base de la recommandation. |
(8) |
Le 26 juillet 2017, la Commission a adopté une troisième recommandation concernant l'état de droit en Pologne, complémentaire à ses recommandations des 27 juillet et 21 décembre 2016. Dans sa recommandation, la Commission a tenu compte de l'évolution de la situation en Pologne depuis sa recommandation du 21 décembre 2016. Les inquiétudes de la Commission portent sur l'absence de contrôle constitutionnel indépendant et légitime et sur l'adoption, par le Parlement polonais, de nouveaux actes législatifs relatifs au système judiciaire du pays qui suscitent de vives préoccupations en ce qui concerne l'indépendance de la justice et accentuent sensiblement la menace systémique envers l'état de droit en Pologne. Dans sa recommandation, la Commission estime que la menace systémique envers l'état de droit en Pologne telle qu'elle est présentée dans ses recommandations des 27 juillet et 21 décembre 2016 s'est considérablement aggravée. |
(9) |
En particulier, la recommandation souligne que la loi sur le Conseil national de la magistrature du 15 juillet 2017 et la loi sur la Cour suprême du 22 juillet 2017, si elles devaient entrer en vigueur, saperaient de manière structurelle l'indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne et produiraient des effets immédiats et concrets sur le fonctionnement indépendant de la justice dans son ensemble. Étant donné que l'indépendance du pouvoir judiciaire constitue un élément fondamental de l'état de droit, ces nouvelles lois exacerbent considérablement la menace systémique envers l'état de droit, ainsi que la Commission l'avait fait observer dans ses recommandations précédentes. La recommandation souligne que la révocation des juges de la Cour suprême, la possibilité de les renommer et d'autres mesures contenues dans la loi sur la Cour suprême aggraveraient très sérieusement la menace systémique envers l'état de droit. Parmi les mesures recommandées, la Commission recommande que les autorités polonaises veillent à ce que les deux lois sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature n'entrent pas en vigueur et que toute réforme de la justice préserve l'état de droit et respecte le droit de l'Union européenne et les normes européennes en matière d'indépendance de la justice et soit préparée en étroite coopération avec le pouvoir judiciaire et toutes les parties intéressées. La Commission a également demandé aux autorités polonaises de ne pas prendre de mesure visant à révoquer ou à mettre à la retraite forcée les juges de la Cour suprême, dès lors que ces mesures aggraveraient très sérieusement la menace systémique envers l'état de droit. La Commission a déclaré que, si les autorités polonaises devaient prendre une mesure de ce type, elle se tient prête à activer immédiatement l'article 7, paragraphe 1, du TUE. |
(10) |
La Commission a invité le gouvernement polonais à régler les problèmes décrits dans cette recommandation dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette dernière. |
(11) |
Le 31 juillet 2017, la Diète a été officiellement informée de la décision du président de la République de mettre son veto aux actes législatifs modifiant la loi sur le Conseil national de la magistrature et la loi sur la Cour suprême. |
(12) |
Les 4 et 16 août 2017, le gouvernement polonais a écrit à la Commission pour lui demander des éclaircissements concernant sa recommandation du 26 juillet 2017, demandes auxquelles la Commission a répondu par lettres, respectivement, des 8 et 21 août 2017. |
(13) |
Le 28 août 2017, le gouvernement polonais a répondu à la recommandation du 26 juillet 2017. La réponse s'opposait en tout point à la position formulée par la Commission dans sa recommandation et n'annonçait aucune nouvelle mesure de nature à apaiser les inquiétudes exprimées par la Commission. |
(14) |
Le 30 août 2017, l'avis du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE concluait que la loi suspendue sur la Cour suprême n'était pas conforme aux normes internationales relatives à l'indépendance du pouvoir judiciaire (5). |
(15) |
Le 11 septembre 2017, le gouvernement polonais a lancé une campagne appelée «Tribunaux équitables» qui visait à obtenir l'adhésion des citoyens à la réforme judiciaire en cours. Le Conseil national de la magistrature et des juridictions de droit commun ont publié plusieurs déclarations rectifiant les allégations formulées contre les tribunaux, les juges et le Conseil au cours de la campagne. |
(16) |
Le 11 septembre 2017, le Tribunal constitutionnel constitué d'un collège de cinq juges a déclaré l'inconstitutionnalité de certaines dispositions du code de procédure civile autorisant les juridictions de droit commun et la Cour suprême à examiner la légalité de la nomination du président et du vice-président du Tribunal (6). |
(17) |
Le 13 septembre 2017, le ministre de la justice a commencé à exercer son pouvoir de révocation des présidents et des vice-présidents des tribunaux en vertu de la nouvelle loi sur l'organisation des juridictions de droit commun. |
(18) |
Les 15 septembre et 18 octobre 2017, le Conseil national de la magistrature a déploré les décisions du ministre de la justice de révoquer des présidents de tribunaux. Le Conseil a indiqué qu'un tel pouvoir arbitraire du ministre de la justice violait le principe constitutionnel d'indépendance des juridictions et était susceptible de nuire à l'impartialité des juges. |
(19) |
Le 15 septembre 2017, la Diète a nommé une personne à une fonction déjà occupée de juge au Tribunal constitutionnel, et le président de la République a accepté son serment le 18 septembre 2017. |
(20) |
Le 15 septembre 2017, la Diète a adopté la loi sur l'Institut national de la liberté — Centre pour le développement de la société civile, qui centralise la distribution des fonds, y compris pour les organisations de la société civile. |
(21) |
Le 22 septembre 2017, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a examiné les rapports relatifs à la Pologne soumis dans le cadre du troisième examen périodique, qui comportent des recommandations concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'état de droit. |
(22) |
Le 25 septembre 2017, la Commission a informé le Conseil de la situation de l'état de droit en Pologne. Un large consensus s'est dégagé sur le fait que l'état de droit est un intérêt commun et une responsabilité commune et sur la nécessité, pour la Pologne et la Commission, d'engager un dialogue en vue de trouver une solution. |
(23) |
Le 26 septembre 2017, le président de la République a transmis à la Diète deux nouveaux projets de loi sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature. |
(24) |
Le 3 octobre 2017, la Diète a envoyé ces deux projets de loi présidentiels sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature pour consultation aux parties intéressées, y compris au Médiateur, à la Cour suprême et au Conseil national de la magistrature. |
(25) |
Les 6 et 25 octobre 2017, la Cour suprême a publié ses avis concernant les deux nouveaux projets de loi sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature. Elle y considère que le projet de loi sur la Cour suprême réduirait substantiellement l'indépendance de cette dernière et que le projet de loi sur le Conseil de la magistrature n'était pas compatible avec le concept d'État démocratique régi par l'état de droit. |
(26) |
Le 11 octobre 2017, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a adopté une résolution sur les nouvelles menaces pesant sur l'état de droit dans les États membres du Conseil de l'Europe, dans laquelle elle s'inquiétait également de l'évolution de la situation en Pologne, qui met en péril le respect de l'état de droit et en particulier l'indépendance du pouvoir judiciaire et le principe de séparation des pouvoirs (7). |
(27) |
Le 13 octobre 2017, le Réseau européen des conseils de la justice (RECJ) a émis un avis (8) sur le nouveau projet de loi sur le Conseil national de la magistrature, insistant sur son incompatibilité avec les normes européennes ayant trait aux conseils de la justice. |
(28) |
Le 23 octobre 2017, à l'issue du troisième cycle d'examen périodique universel portant sur la Pologne, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a demandé aux autorités polonaises d'accepter les recommandations de l'ONU relatives à la préservation de l'indépendance du pouvoir judiciaire. |
(29) |
Le 24 octobre 2017, le Tribunal constitutionnel constitué d'un collège incluant deux juges nommés illégalement a établi l'inconstitutionnalité des dispositions de la loi sur la Cour suprême, qui ont notamment servi de base à la nomination du premier président en exercice de la Cour suprême. |
(30) |
Le 24 octobre 2017, le Tribunal constitutionnel constitué d'un collège incluant deux juges nommés illégalement a établi la constitutionnalité des dispositions des trois lois de décembre 2016 relatives au Tribunal constitutionnel, y compris des dispositions sur la base desquelles les deux juges nommés illégalement statuant sur l'affaire ont été autorisés à exercer leurs fonctions au sein du Tribunal constitutionnel. La motion du Médiateur polonais relative à la récusation des deux juges nommés illégalement dans cette affaire avait été rejetée par le Tribunal constitutionnel. |
(31) |
Le 27 octobre 2017, le rapporteur spécial des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Diego García-Sayán, a présenté ses observations préliminaires (9), selon lesquelles les deux projets de loi sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature suscitent diverses préoccupations quant à l'indépendance du pouvoir judiciaire. |
(32) |
Le 31 octobre 2017, le Conseil national de la magistrature a adopté un avis concernant le projet de loi sur le Conseil national de la magistrature présenté par le président de la République. Le Conseil fait observer que ce projet de loi est fondamentalement incompatible avec la Constitution polonaise en ce qu'il confère à la Diète le pouvoir de nommer des juges membres du Conseil et de mettre un terme prématurément au mandat, protégé par la Constitution, des juges membres du Conseil en exercice. |
(33) |
Le 10 novembre 2017, le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) a adopté une déclaration exprimant des inquiétudes quant à l'indépendance du système judiciaire en Pologne (10). |
(34) |
Le 11 novembre 2017, le Médiateur a envoyé au président de la République une lettre comprenant un examen des deux nouveaux projets de loi sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature et recommandant de ne pas les adopter au motif qu'ils ne garantiraient pas que le pouvoir judiciaire restera indépendant du pouvoir exécutif et que les citoyens pourront exercer leur droit constitutionnel de saisir une juridiction indépendante. |
(35) |
Le 13 novembre 2017, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE a adopté un avis relatif au nouveau projet de loi sur la Cour suprême, selon lequel les dispositions soumises à examen sont incompatibles avec les normes internationales ayant trait à l'indépendance du système judiciaire (11). |
(36) |
Le 15 novembre 2017, le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation de l'état de droit et de la démocratie en Pologne, dans laquelle il exprime son soutien aux recommandations sur l'état de droit formulées par la Commission, ainsi qu'aux procédures d'infraction, et considère que la situation actuelle en Pologne représente un risque clair de violation grave des valeurs consacrées par l'article 2 du TUE (12). |
(37) |
Le 24 novembre 2017, le Conseil des barreaux européens (CCBE) a demandé aux autorités polonaises de ne pas adopter les deux projets de loi sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature au motif qu'ils pourraient nuire à la séparation des pouvoirs garantie par la Constitution polonaise (13). Le 29 novembre 2017, l'association de juges Iustitia, la fondation Helsinki pour les droits de l'homme et Amnesty International ont publié une déclaration conjointe critiquant la procédure législative portant sur les deux projets de loi présidentiels. |
(38) |
Le 5 décembre 2017, le Réseau européen des conseils de la justice (RECJ) a adopté un avis déplorant que le projet de loi sur le Conseil national de la magistrature ne respecte pas les normes du RECJ (14). |
(39) |
Le 8 décembre 2017, la Commission de Venise, à la demande de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a adopté un avis sur le projet de loi relatif au Conseil national de la magistrature, le projet de la loi relatif à la Cour suprême et la loi relative à l'organisation des juridictions de droit commun, ainsi qu'un avis sur la loi relative au ministère public (15). La Commission de Venise est parvenue à la conclusion que la loi et les projets de loi, en particulier lorsqu'ils sont considérés globalement et dans le contexte de la loi de 2016 sur le ministère public, confèrent aux pouvoirs législatif et exécutif le pouvoir d'interférer sérieusement et considérablement dans l'administration de la justice et constituent ainsi une menace grave pour l'indépendance du système judiciaire en tant qu'élément fondamental de l'état de droit. Elle demande au président de la République de retirer ses propositions et d'entamer un dialogue avant que la procédure législative ne se poursuive. Elle exhorte aussi le Parlement polonais à réexaminer les dernières modifications de la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun. |
(40) |
Le 8 décembre 2017, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a publié une déclaration déplorant l'adoption par la Diète des lois sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature, qui nuiront plus encore à l'indépendance du système judiciaire. |
(41) |
Le 8 décembre 2017, les deux projets de loi ont été adoptés par la Diète. Le 15 décembre 2017, les deux lois ont été approuvées par le Sénat. |
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:
1. |
La République de Pologne devrait dûment prendre en compte l'analyse de la Commission exposée ci-après et prendre les mesures figurant dans la section 4 de la présente recommandation afin de remédier aux préoccupations exprimées dans le délai imparti. |
1. CHAMP D'APPLICATION ET OBJECTIF DE LA RECOMMANDATION
2. |
La présente recommandation complète les recommandations du 27 juillet 2016, du 21 décembre 2016 et du 26 juillet 2017. Aux préoccupations formulées dans ces recommandations, elle ajoute de nouvelles préoccupations de la Commission qui sont apparues depuis en ce qui concerne l'état de droit en Pologne. Ces préoccupations portent sur les éléments suivants:
|
3. |
Les préoccupations et les actions recommandées exposées dans la recommandation du 26 juillet 2017 qui concernent le Tribunal constitutionnel, la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun et la loi relative à l'École nationale de la magistrature (16) restent d'actualité. |
2. LES MENACES POUR L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
4. |
La loi sur la Cour suprême et la loi sur le Conseil national de la magistrature comportent plusieurs dispositions qui suscitent de vives inquiétudes en ce qui concerne les principes d'indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs. |
2.1. La Cour suprême
2.1.1. Révocation et mise à la retraite d'office des juges en exercice à la Cour suprême
5. |
La loi sur la Cour suprême abaisse l'âge général de départ à la retraite des juges de la Cour suprême de 70 ans à 65 ans (17). Cette mesure s'applique à tous les juges actuellement en exercice. Les juges qui ont atteint 65 ans ou atteindront cet âge dans les trois mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi seront mis à la retraite (18). |
6. |
En abaissant l'âge de départ à la retraite et en l'appliquant aux juges en exercice de la Cour suprême, la loi met fin au mandat d'un nombre élevé de juges en exercice de la Cour suprême et les met potentiellement à la retraite: cela concerne 31 des 83 juges (37 %), selon la Cour suprême. Une telle baisse de l'âge de départ à la retraite des juges en exercice de la Cour suprême a des effets particulièrement négatifs sur cette Cour, qui se compose de juges qui sont, par nature, en fin de carrière. Cette mise à la retraite d'office d'un nombre important de juges en exercice de la Cour suprême permet une profonde recomposition immédiate de la Cour suprême. Cette possibilité suscite des inquiétudes particulières en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, notamment lorsqu'on l'envisage en combinaison avec les réformes simultanées du Conseil national de la magistrature. En réalité, en raison de la baisse de l'âge de départ à la retraite, tous les nouveaux juges seront nommés par le président de la République sur recommandation du Conseil national de la magistrature dans sa nouvelle composition, où les nominations politiques prévaudront dans une large mesure. Une retraite d'office des juges en exercice de la Cour suprême suscite également des craintes quant au principe de l'inamovibilité des juges, qui constitue un élément fondamental de l'indépendance des juges consacré par la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l'homme (19), ainsi que par les exigences européennes (20). Dans son avis sur le projet de loi sur la Cour suprême, la Commission de Venise souligne que la retraite anticipée des juges en exercice nuit à la fois à la sécurité de leur mandat et à l'indépendance de la Cour en général (21). |
7. |
Les juges devraient être protégés contre toute révocation par la mise en place de garde-fous efficaces contre toute intervention ou pression indues de la part d'autres pouvoirs de l'État (22). L'indépendance de la justice exige des garanties suffisantes pour protéger la personne de ceux qui ont pour tâche de juger (23). L'inamovibilité des juges pendant la durée de leur mandat est une conséquence de leur indépendance et est donc incluse dans les garanties de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH (24). Aussi les juges ne peuvent-ils être révoqués que sur une base individuelle, si une telle mesure est justifiée sur la base d'une procédure disciplinaire concernant leurs activités individuelles et présentant toutes les garanties en matière de défense dans une société démocratique. Les juges ne peuvent pas être révoqués collectivement et ne peuvent pas être révoqués pour des motifs généraux sans aucun rapport avec un comportement individuel. Les garanties et garde-fous mentionnés ci-dessus font défaut dans le cas présent et les dispositions concernées constituent une violation flagrante de l'indépendance des juges de la Cour suprême et de la séparation des pouvoirs (25), et donc de l'état de droit. |
8. |
En outre, il sera mis fin prématurément au mandat de six ans de l'actuel premier président, établi dans la Constitution (alors que la Constitution prévoit qu'il coure jusqu'en 2020). S'il est mis fin au mandat du premier président, la nomination d'un «premier président faisant fonction» par le président de la République sera effectuée en dehors du cadre de la procédure normale (26): la Constitution prévoit que le premier président doit être nommé par le président de la République parmi les candidats proposés par l'assemblée générale de la Cour suprême (27). Cette cessation prématurée d'un mandat garanti par la Constitution constitue une violation grave du principe d'inamovibilité et de sécurité du mandat. La nomination d'un premier président faisant fonction selon une procédure créée pour la circonstance, sans intervention du pouvoir judiciaire, pose de sérieux problèmes quant au principe de la séparation des pouvoirs. |
9. |
Selon l'exposé des motifs de la loi, la recomposition de la Cour suprême est indispensable en raison de la manière dont la Cour suprême a traité les affaires de «décommunisation» après 1989 et parce qu'il reste des juges à la Cour qui ont travaillé pour le régime précédent ou ont statué sous ce dernier (28). La Cour européenne des droits de l'homme a clairement souligné qu'un processus de lustration devait être individualisé (à savoir qu'il faut opérer une distinction entre les différents niveaux d'implication au sein de l'ancien régime) et estime que des mesures de lustration prises longtemps après la fin du régime communiste peuvent moins se justifier compte tenu de la diminution des risques existants pesant sur les démocraties nouvellement créées (29). L'État pourrait souvent adopter d'autres mesures proportionnées pour agir contre les juges individuels ayant un passé communiste (notamment des procédures transparentes appliquées dans des cas individuels devant des entités impartiales agissant sur la base de critères préétablis par la loi) (30). |
10. |
Dans son avis sur le projet de loi sur la Cour suprême, la Commission de Venise estime qu'il est difficile de comprendre pourquoi une personne considérée comme apte à exercer des fonctions officielles pendant plusieurs années supplémentaires serait soudain considérée comme inapte. L'exposé des motifs de la loi peut être compris comme signifiant qu'à la suite de la réforme, la plupart des juges de haut rang, dont nombreux sont ceux qui ont servi sous le régime précédent, partiraient à la retraite. Si cette lecture est correcte, une telle approche est inacceptable: si les autorités doutent de la loyauté de juges individuels, elles doivent appliquer les procédures disciplinaires ou de lustration existantes, et non modifier l'âge de départ à la retraite. |
11. |
La Commission de Venise conclut que la mise à la retraite anticipée d'un grand nombre de juges de la Cour suprême (y compris le premier président) en leur appliquant, avec effet immédiat, un âge de départ à la retraite plus bas viole leurs droits individuels et met en péril l'indépendance de la justice dans son ensemble. Ils devraient être autorisés à exercer leur fonction jusqu'à l'âge de départ à la retraite actuel (31). La Commission de Venise souligne en particulier que la retraite anticipée des juges en exercice nuit à la fois à la sécurité de leur mandat et à l'indépendance de la Cour en général (32). |
12. |
Enfin, ces dispositions posent un problème de constitutionnalité. Comme l'ont relevé la Cour suprême et le Médiateur, la révocation et la mise à la retraite d'office des juges en exercice de la Cour suprême violent le principe de l'indépendance de la justice et ont une incidence directe sur le droit à une juridiction indépendante. Le Médiateur fait observer que la désignation d'un premier président faisant fonction de la Cour suprême constitue une violation de l'état de droit en enfreignant le principe de non-attribution des compétences par les pouvoirs de l'État, le principe de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs et le principe de l'indépendance de la justice. |
2.1.2. Le pouvoir de prolongation du mandat des juges de la Cour suprême
13. |
Selon la loi, les juges de la Cour suprême concernés par l'abaissement de l'âge de départ à la retraite et souhaitant prolonger leur mandat actif peuvent en faire la demande au président de la République (33). |
14. |
En ce qui concerne le pouvoir du président de la République de décider de prolonger le mandat actif des juges de la Cour suprême, la loi ne prévoit aucun critère, aucun calendrier pour la prise de décision ni aucun contrôle juridictionnel. Un juge qui demande la prolongation est «à la merci» de la décision du président de la République. En outre, le président de la République sera en mesure de statuer deux fois sur la prolongation (pour trois ans à chaque fois). Ces éléments ont une incidence sur la sécurité de mandat et permettront au président de la République d'exercer une influence sur les juges de la Cour suprême en fonction. Le régime est contraire à la recommandation du CdE de 2010, qui exige que les décisions portant sur la sélection et la carrière des juges devraient reposer sur des critères objectifs préétablis par la loi et qu'une autorité indépendante et compétente composée d'une part substantielle de membres issus du pouvoir judiciaire devrait être habilitée à faire des propositions ou à émettre des avis que l'autorité pertinente de nomination suit dans la pratique (34). Cette recommandation requiert également que les juges concernés aient le droit d'introduire un recours contre une décision relative à leur carrière (35). |
15. |
Le nouveau régime de retraite a des conséquences néfastes sur l'indépendance des juges (36). Les nouvelles dispositions créent un outil supplémentaire permettant au président de la République d'exercer une influence sur les juges individuellement. En particulier, l'absence de critères relatifs à la prolongation des mandats ouvre la porte à un pouvoir discrétionnaire excessif, ce qui sape le principe de l'inamovibilité des juges. Tout en diminuant l'âge de départ à la retraite, la loi permet aux juges de faire prolonger leur mandat par le président de la République jusqu'à six ans. En outre, aucun délai n'est imposé au président de la République quand il s'agit de prendre une décision quant à la prolongation de leur mandat, ce qui lui permet de conserver son influence sur les juges concernés pour le restant de leur mandat judiciaire. Même avant que l'âge de départ à la retraite ne soit atteint, la seule perspective de devoir demander une telle prolongation au président pourrait être source de pression pour les juges concernés. |
16. |
Dans son avis sur le projet de loi sur la Cour suprême, la Commission de Venise souligne que ce pouvoir dont jouit le président de la République lui donne une influence excessive sur les juges de la Cour suprême approchant de l'âge de départ à la retraite. Pour cette raison, la Commission de Venise conclut que le président de la République, en tant qu'élu politique, ne devrait pas avoir le pouvoir discrétionnaire de prolonger le mandat d'un juge de la Cour suprême au-delà de l'âge de départ à la retraite (37). |
17. |
Les nouvelles règles posent également des problèmes de constitutionnalité. Selon les avis de la Cour suprême et du Médiateur, le nouveau mécanisme de prolongation des mandats judiciaires ne respecte pas le principe de légalité et de séparation des pouvoirs. |
2.1.3. Le recours extraordinaire
18. |
La loi introduit une nouvelle forme de contrôle juridictionnel des jugements et décisions finals et contraignants: le recours extraordinaire (38). Dans les trois ans (39) à compter de l'entrée en vigueur de la loi, la Cour suprême sera en mesure d'annuler (40) totalement ou en partie (41) tout jugement final rendu par une juridiction polonaise au cours des vingt dernières années, y compris les jugements rendus par la Cour suprême, à quelques exceptions près (42). Le pouvoir d'introduire un recours appartient, entre autres, au procureur général et au Médiateur (43). Les moyens du recours sont vastes: le recours extraordinaire peut être déposé s'il est nécessaire pour garantir l'état de droit et la justice sociale et si l'arrêt ne peut être annulé ou modifié par d'autres mesures correctives extraordinaires, et 1) qu'il viole les principes ou les droits et libertés des personnes et des citoyens prévus par la Constitution; ou 2) qu'il constitue une violation manifeste de la loi fondée sur une mauvaise interprétation ou une mauvaise application; ou 3) qu'il y a une contradiction évidente entre les constatations de la juridiction et les preuves récoltées (44). |
19. |
Cette nouvelle procédure de recours extraordinaire pose des problèmes concernant le principe de sécurité juridique, qui est un élément essentiel de l'état de droit (45). Comme l'a souligné la Cour de justice, il convient de prêter attention à l'importance, tant pour l'ordre juridique de l'Union européenne que pour les systèmes juridiques nationaux, du principe de l'autorité de la chose jugée: «en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu'une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause» (46). Comme l'a fait observer la Cour européenne des droits de l'homme, la révision extraordinaire ne doit pas être un «appel déguisé» et «le simple fait qu'il puisse exister deux points de vue sur le sujet n'est pas un motif suffisant pour rejuger une affaire» (47). |
20. |
Dans son avis sur le projet de loi sur la Cour suprême, la Commission de Venise a souligné que la procédure de recours extraordinaire est dangereuse pour la stabilité de l'ordre juridique polonais. Elle fait observer qu'il sera possible de rouvrir toute affaire tranchée dans le pays au cours des vingt dernières années pour pratiquement n'importe quel motif, et que le système pourrait conduire à une situation où aucun jugement ne sera plus jamais définitif (48). |
21. |
Le nouveau recours extraordinaire pose également des problèmes de constitutionnalité. Selon la Cour suprême et le Médiateur, la loi a une incidence sur le principe de la stabilité de la jurisprudence et du caractère définitif des jugements (49), sur le principe de la protection de la confiance dans l'État et le droit ainsi que sur le droit d'être entendu dans un délai raisonnable (50). |
2.1.4. Autres dispositions
22. |
Comme souligné dans les avis respectifs de la Commission de Venise et d'autres organes (51), plusieurs autres dispositions de la loi sur la Cour suprême posent problème en ce qui concerne les principes de l'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. |
23. |
La nouvelle loi établit un nouveau régime disciplinaire pour les juges de la Cour suprême. Deux types d'agents disciplinaires sont prévus: l'agent disciplinaire de la Cour suprême, désigné par le collège de la Cour suprême pour un mandat de quatre ans (52), et l'agent disciplinaire extraordinaire désigné au cas par cas par le président de la République parmi les juges de la Cour suprême, les juges ordinaires, les juges des juridictions militaires et les procureurs (53). Conformément au droit polonais, seuls les agents disciplinaires peuvent décider d'ouvrir une procédure disciplinaire contre des juges. La désignation d'un agent extraordinaire par le président de la République est effectuée sans intervention des autorités judiciaires et équivaut à une demande d'ouverture d'une enquête préliminaire. La désignation d'un agent disciplinaire extraordinaire pour une procédure disciplinaire en cours exclut l'agent disciplinaire de la Cour suprême de cette procédure (54). Le fait que le président de la République [et, dans certains cas, le ministre de la justice (55)] ait le pouvoir d'influencer les procédures disciplinaires ouvertes contre des juges de la Cour suprême en nommant un agent disciplinaire qui enquêtera sur l'affaire (l'«agent disciplinaire»), excluant ainsi l'agent disciplinaire de la Cour suprême d'une procédure en cours, pose des problèmes en ce qui concerne le principe de la séparation des pouvoirs et pourrait avoir une incidence sur l'indépendance de la justice. Le BIDDH de l'OSCE et la Cour suprême ont, dans leurs avis respectifs, également soulevé ces problèmes (56). |
24. |
La loi supprime également une série de garanties procédurales dans les procédures disciplinaires menées contre les juges ordinaires (57) et les juges de la Cour suprême (58): les preuves recueillies en violation de la loi pourraient être utilisées contre un juge (59); dans certaines conditions, des preuves présentées par le juge concerné pourraient ne pas être prises en compte (60); le délai de prescription pour les procédures disciplinaires serait suspendu pour la durée de ces procédures, ce qui signifie qu'un juge pourrait faire l'objet d'une procédure pour une durée indéterminée (61); enfin, les procédures disciplinaires pourraient se poursuivre même en l'absence du juge concerné (y compris en cas d'absence justifiée) (62). Le nouveau régime disciplinaire suscite également des craintes en ce qui concerne le respect des exigences en matière de droit à un procès équitable prévues à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qui sont applicables aux procédures disciplinaires contre les juges (63). |
25. |
La loi modifie la structure interne de la Cour suprême, en y créant deux nouvelles chambres. Une nouvelle chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques évaluera les procédures ouvertes dans le cadre de la nouvelle procédure de recours extraordinaire (64). Cette nouvelle chambre sera composée en majorité de nouveaux juges (65) et examinera la validité des élections législatives et locales, ainsi que les litiges électoraux, y compris pour ce qui est des élections au Parlement européen (66). En outre, une nouvelle chambre disciplinaire autonome (67), composée exclusivement de nouveaux juges (68), sera chargée d'examiner les procédures disciplinaires en première et deuxième instances contre les juges de la Cour suprême (69). Ces deux nouvelles chambres largement autonomes composées de nouveaux juges suscitent des inquiétudes en ce qui concerne la séparation des pouvoirs. Comme l'a fait observer la Commission de Venise, si les deux chambres font partie de la Cour suprême, en pratique, elles sont au-dessus de toutes les autres chambres, ce qui entraîne le risque que l'ensemble du système judiciaire soit dominé par ces chambres composées de nouveaux juges élus grâce à l'influence décisive de la majorité au pouvoir (70). De même, la Commission de Venise souligne que la loi rendra le contrôle juridictionnel des litiges électoraux particulièrement vulnérable aux influences politiques, ce qui fait peser un risque sérieux sur le fonctionnement de la démocratie polonaise (71). |
26. |
La loi prévoit le recours à des juges non professionnels, qui seront nommés par le Sénat de la République (72), pour les procédures devant la Cour suprême concernant les recours extraordinaires et les procédures disciplinaires examinées par la Cour suprême. Comme l'a fait observer la Commission de Venise, l'introduction de juges non professionnels dans les deux nouvelles chambres de la Cour suprême met en péril l'efficience et la qualité de la justice (73). |
2.2. Le Conseil national de la magistrature
27. |
La Constitution polonaise prévoit que l'indépendance des juges est protégée par le Conseil national de la magistrature (74). Le rôle du Conseil national de la magistrature a une incidence directe sur l'indépendance des juges, notamment en ce qui concerne leur promotion, leur mutation, les procédures disciplinaires qui les concernent, leur révocation et leur départ à la retraite anticipée. À titre d'exemple, aux fins de la promotion d'un juge (par exemple d'un tribunal de district à une juridiction régionale), le président de la République doit renommer le juge en question et, par conséquent, la procédure d'évaluation et de nomination du juge à laquelle est associé le Conseil national de la magistrature doit être de nouveau suivie. Les juges auxiliaires qui accomplissent déjà les tâches d'un juge doivent eux aussi être évalués par le Conseil national de la magistrature avant leur nomination comme juges par le président de la République. |
28. |
C'est pour cette raison que dans les États membres ayant institué un conseil de la justice, l'indépendance de ce dernier est particulièrement importante pour éviter toute influence injustifiée du gouvernement ou du parlement sur l'indépendance des juges (75). |
29. |
La loi sur le Conseil national de la magistrature accentue les préoccupations quant à l'indépendance générale de la magistrature en prévoyant la cessation prématurée du mandat de tous les juges membres dudit Conseil et en mettant en place un régime entièrement nouveau pour la désignation de ses juges membres, qui permet un niveau élevé d'influence politique. |
30. |
Selon l'article 6 de la loi sur le Conseil national de la magistrature, il sera mis fin prématurément au mandat de l'ensemble des juges membres actuels dudit Conseil. Cette cessation décidée par le pouvoir législatif soulève des inquiétudes quant à l'indépendance du Conseil et à la séparation des pouvoirs. Le Parlement obtiendra en effet une influence déterminante sur la composition du Conseil, au détriment de l'influence des juges eux-mêmes. Cette recomposition du Conseil national de la magistrature pourrait déjà se produire dans un délai d'un mois et demi après la publication de la loi (76). Cette cessation prématurée pose également des problèmes de constitutionnalité, comme le Conseil national de la magistrature, la Cour suprême et le Médiateur l'ont souligné dans leurs avis respectifs. |
31. |
Le nouveau régime de nomination des juges membres du Conseil national de la magistrature soulève lui aussi de graves préoccupations. Des normes européennes bien établies, notamment la recommandation de 2010 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, disposent qu'«au moins la moitié des membres [des conseils de la justice] devraient être des juges choisis par leurs pairs issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire et dans le plein respect du pluralisme au sein du système judiciaire» (77). Il incombe aux États membres de structurer leur système judiciaire, et notamment d'instituer, ou non, un conseil de la justice. Cependant, dans le cas où un tel conseil a été établi, comme c'est le cas pour la Pologne, son indépendance doit être garantie dans le respect des normes européennes. |
32. |
Jusqu'à l'adoption de la loi sur le Conseil national de la magistrature, le système polonais respectait ces normes en tous points, étant donné que ledit Conseil se composait en majorité de juges choisis par leurs pairs. L'article 1er, paragraphe 1, et l'article 7 de la loi portant modification de la loi sur le Conseil national de la magistrature modifieraient radicalement ce régime en prévoyant que la Diète nommera et pourra renommer quinze juges membres du Conseil national de la magistrature (78). Qui plus est, il n'existe aucune garantie que cette nouvelle loi donnera lieu à la nomination, par la Diète, de juges membres avalisés par la magistrature, car les candidats à ces postes pourront être présentés non seulement par des groupes de 25 juges, mais aussi par des groupes d'au moins 2 000 citoyens (79). En outre, la liste définitive des candidats à laquelle la Diète devra donner son approbation en bloc est préétablie par une commission de la Diète (80). Les nouvelles dispositions relatives à la nomination des juges membres du Conseil national de la magistrature accroissent de manière significative l'influence du Parlement sur le Conseil et ont des effets négatifs sur son indépendance, ce qui est contraire aux normes européennes. Le fait que les juges membres seront nommés par la Diète à une majorité des trois cinquièmes n'apaise pas ces inquiétudes, car ils n'en seront pas pour autant choisis par leurs pairs. De surcroît, si cette majorité des trois cinquièmes n'est pas atteinte, les juges membres du Conseil seront nommés par la Diète à la majorité absolue des voix. |
33. |
Cette situation suscite également des inquiétudes du point de vue de l'indépendance des magistrats. Par exemple, le juge d'un tribunal de district qui doit rendre son jugement dans une affaire politiquement sensible tout en demandant une promotion pour accéder au poste de magistrat dans une juridiction régionale pourrait être enclin à suivre la position prônée par la majorité politique afin de ne pas compromettre ses chances d'obtenir la promotion demandée. Quand bien même ce risque ne se matérialiserait pas, le nouveau régime ne prévoit pas de garanties suffisantes pour assurer une apparence d'indépendance, laquelle est cruciale pour maintenir la confiance que les cours et tribunaux dans une société démocratique doivent inspirer à la population (81). Les juges auxiliaires devront également être évalués par un Conseil national de la magistrature sous influence politique avant leur nomination comme juges. |
34. |
La Commission de Venise conclut que l'élection par le Parlement des 15 membres judiciaires du Conseil national de la magistrature, combinée au remplacement immédiat des membres siégeant actuellement, conduira à une politisation considérable de cet organisme. Elle recommande que les membres judiciaires du Conseil national de la magistrature soient plutôt élus par leurs pairs, comme le prévoit la réglementation actuelle (82). Elle fait également observer que la loi affaiblit l'indépendance du Conseil par rapport à la majorité au Parlement et contribue à l'affaiblissement de l'indépendance de la justice dans son ensemble (83). |
35. |
Dans leurs avis respectifs sur le projet de loi, la Cour suprême, le Conseil national de la magistrature et le Médiateur ont exprimé un certain nombre de préoccupations quant à la constitutionnalité du nouveau régime. Plus particulièrement, le Conseil national de la magistrature relève que, selon la Constitution polonaise, le Conseil fait office de contrepoids au Parlement qui a été habilité par la Constitution à décider du contenu de la loi. La nomination politique des juges membres et la cessation prématurée du mandat des juges membres actuels du Conseil sont donc contraires aux principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice. Or, comme expliqué dans les recommandations précédentes, un contrôle effectif de la constitutionnalité de ces dispositions n'est pas possible en l'état actuel des choses. |
3. CONSTATATION D'UNE MENACE SYSTÉMIQUE ENVERS L'ÉTAT DE DROIT
36. |
Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission estime que les préoccupations exprimées dans la recommandation du 26 juillet 2017 sur l'état de droit à propos des lois relatives à la Cour suprême et au Conseil national de la magistrature n'ont pas été levées par les deux nouvelles lois relatives à la Cour suprême et au Conseil national de la magistrature. |
37. |
Selon elle, de surcroît, aucune des préoccupations exprimées dans la recommandation du 26 juillet 2017 concernant le Tribunal constitutionnel, la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun et la loi sur l'École nationale de la magistrature n'a été prise en compte. |
38. |
Par conséquent, la Commission estime que la situation d'une menace systémique envers l'état de droit en Pologne telle que présentée dans ses recommandations du 27 juillet 2016, du 21 décembre 2016 et du 26 juillet 2017 s'est encore considérablement aggravée. La loi sur le Conseil national de la magistrature et la loi sur la Cour suprême, en liaison également avec la loi sur l'École nationale de la magistrature, et la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun accentuent sensiblement la menace systémique envers l'état de droit, ainsi que la Commission l'avait fait observer dans ses recommandations précédentes. En particulier:
|
39. |
La Commission souligne que, quel que soit le modèle d'appareil judiciaire choisi, l'état de droit exige la protection de l'indépendance du pouvoir judiciaire, de la séparation des pouvoirs et de la sécurité juridique. Il incombe aux États membres de structurer leurs systèmes judiciaires, notamment d'instituer, ou non, un conseil de la justice dont le rôle est de protéger l'indépendance de la justice. Cependant, dans le cas où un tel conseil a été établi par un État membre, comme c'est le cas pour la Pologne, dont la Constitution confie explicitement au Conseil national de la magistrature la mission de préserver l'indépendance de la justice, l'indépendance dudit conseil doit être garantie dans le respect des normes européennes. La Commission constate avec une vive inquiétude que le régime juridique polonais ne satisferait plus à ces exigences à la suite de l'adoption des nouvelles lois susmentionnées. |
40. |
De plus, les actions et les déclarations publiques du gouvernement polonais et de députés de la majorité au pouvoir dirigées contre les juges et les cours et tribunaux en Pologne ont entamé la confiance à l'égard du système judiciaire dans son ensemble. La Commission insiste sur le principe de coopération loyale entre les organes de l'État qui, comme le soulignent les avis de la Commission de Venise, constitue une condition constitutionnelle préalable dans un État démocratique régi par la primauté du droit. |
41. |
Le respect de l'état de droit n'est pas seulement une condition préalable à la protection de toutes les valeurs fondamentales énumérées à l'article 2 du TUE. Il s'agit aussi d'une condition indispensable au respect de l'ensemble des droits et des obligations découlant des traités et à l'instauration d'une confiance mutuelle des citoyens, des entreprises et des autorités nationales dans les systèmes juridiques de tous les autres États membres. |
42. |
Le bon fonctionnement de l'état de droit est également essentiel au fonctionnement sans heurts du marché intérieur, étant donné que les opérateurs économiques doivent savoir qu'ils seront traités sur un pied d'égalité dans le respect de la loi, ce qui ne saurait être garanti sans système judiciaire indépendant dans chaque État membre. |
43. |
La Commission souligne que de nombreux acteurs aux niveaux européen et international ont exprimé leurs vives inquiétudes au sujet des deux nouvelles lois relatives à la Cour suprême et au Conseil national de la magistrature, dont la Commission de Venise, le rapporteur spécial des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE et les représentants de la magistrature de toute l'Europe, notamment le Conseil consultatif de juges européens, le Réseau européen des conseils de la justice et le Conseil des barreaux européens. |
44. |
Dans sa résolution du 15 novembre 2017 sur la situation de l'état de droit et la démocratie en Pologne, le Parlement européen s'est dit vivement préoccupé par la révision de la législation relative au système judiciaire polonais et a invité le président polonais à ne pas signer de nouvelles lois qui ne garantiraient pas pleinement l'indépendance du pouvoir judiciaire. |
4. ACTIONS RECOMMANDÉES
45. |
La Commission recommande que les autorités polonaises appliquent d'urgence les actions qui s'imposent pour remédier à la menace systémique envers l'état de droit décrite à la section 2. |
46. |
Elle recommande notamment que les autorités polonaises mettent en œuvre les actions suivantes en ce qui concerne les lois récemment adoptées, afin de garantir leur conformité avec les exigences de protection de l'indépendance du pouvoir judiciaire, de séparation des pouvoirs et de sécurité juridique, ainsi qu'avec la Constitution polonaise et les normes européennes en matière d'indépendance des systèmes judiciaires:
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47. |
De plus, la Commission rappelle qu'aucune des actions ci-après, recommandées dans sa recommandation du 26 juillet 2017, portant sur le Tribunal constitutionnel, la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun et la loi sur l'École nationale de la magistrature, n'a été menée et réitère donc sa recommandation de mise en œuvre des actions suivantes:
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48. |
La Commission souligne que la coopération loyale qui s'impose entre les différentes institutions publiques en ce qui concerne les questions liées à l'état de droit est essentielle pour trouver une solution à la situation actuelle. Elle encourage aussi les autorités polonaises à mettre en œuvre les avis de la Commission de Venise au sujet de la loi sur le Conseil national de la magistrature, de la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun et de la loi sur la Cour suprême, ainsi qu'à demander le point de vue de ladite commission sur toute proposition législative nouvelle visant à réformer le système judiciaire polonais. |
49. |
La Commission invite le gouvernement polonais à régler les problèmes recensés dans la présente recommandation dans un délai de trois mois à compter de la réception de cette dernière, et à informer la Commission des mesures prises à cet effet. |
50. |
La présente recommandation est soumise en même temps que la proposition motivée, présentée par la Commission conformément à l'article 7, paragraphe 1, du TUE, concernant l'état de droit en Pologne. La Commission est disposée, en étroite concertation avec le Parlement européen et le Conseil, à revoir la proposition motivée en question si les autorités polonaises mettent en œuvre les actions recommandées énumérées dans la présente recommandation, dans le délai qui y est prescrit. |
51. |
Sur la base de la présente recommandation, la Commission est prête à poursuivre le dialogue constructif entamé avec le gouvernement polonais. |
Fait à Bruxelles, le 20 décembre 2017.
Par la Commission
Frans TIMMERMANS
Premier vice-président
(1) Recommandation (UE) 2016/1374 de la Commission du 27 juillet 2016 concernant l'État de droit en Pologne (JO L 217 du 12.8.2016, p. 53).
(2) Recommandation (UE) 2017/146 de la Commission du 21 décembre 2016 concernant l'État de droit en Pologne complétant la recommandation (UE) 2016/1374 (JO L 22 du 27.1.2017, p. 65) et recommandation (UE) 2017/1520 de la Commission du 26 juillet 2017 concernant l'État de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374 et (UE) 2017/146 (JO L 228 du 2.9.2017, p. 19).
(3) Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014 intitulée «Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'état de droit» [COM(2014) 158 final].
(4) Voir COM(2014) 158 final, section 2, annexe I.
(5) Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE, le 30 août 2017, «Opinion on Certain Provisions of the Draft Act on the Supreme Court of Poland» (Avis sur certaines dispositions du projet de loi sur la Cour suprême de Pologne).
(6) K 10/17.
(7) APCE, le 11 octobre 2017, résolution 2188 (2017), «Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l'Europe — exemples sélectionnés».
(8) RECJ, le 13 octobre 2017, Avis du Bureau exécutif du RECJ au sujet de la demande du Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature) de Pologne.
(9) Rapporteur spécial des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats, le 27 octobre 2017, Observations préliminaires sur la visite officielle en Pologne (du 23 au 27 octobre 2017).
(10) CCJE(2017) 9, le 10 novembre 2017, Déclaration sur la situation de l'indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne.
(11) BIDDH de l'OSCE, le 13 novembre 2017, Opinion on Certain Provisions of the Draft Act on the Supreme Court of Poland (as of 26 September 2017) [Avis sur certaines dispositions du projet de loi sur la Cour suprême de Pologne (au 26 septembre 2017)].
(12) Résolution du Parlement européen du 15 novembre 2017 sur la situation de l'état de droit et de la démocratie en Pologne [2017/2931(RSP)].
(13) CCBE, le 24 novembre 2017, Résolution de la session plénière du Conseil des barreaux européens (CCBE).
(14) RECJ, le 5 décembre 2017, Déclaration du Bureau exécutif du RECJ sur le dernier projet de loi concernant le Conseil de la magistrature de Pologne.
(15) Avis no 904/2017 de la Commission de Venise sur le projet de loi portant modification de la loi relative au Conseil national de la magistrature, le projet de loi portant modification de la loi relative à la Cour suprême, proposé par le président de la Pologne, et la loi relative à l'organisation des juridictions de droit commun [CDL(2017)035], et avis no 892/2017 de la Commission de Venise sur la loi relative au ministère public, telle que modifiée [CDL(2017)037].
(16) La loi portant modification de la loi relative à l'École nationale de la magistrature et du parquet, de la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun, ainsi que de certaines autres lois («loi sur l'École nationale de la magistrature»).
(17) Article 37, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême. Cette disposition s'applique également aux juges de la Cour administrative suprême, étant donné que l'article 49 de la loi du 25 juillet 2002 sur l'organisation des juridictions administratives dispose que les questions liées à la Cour administrative suprême qui ne sont pas régies par cet acte (comme c'est le cas du régime des retraites) sont régies mutatis mutandis par la loi sur la Cour suprême.
(18) Article 111, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême. En outre, selon l'article 111, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême, tous les juges de la chambre militaire (quel que soit leur âge) seront révoqués et mis à la retraite sans avoir la possibilité de demander au président de la République une prolongation de leur mandat actif.
(19) Affaire CEDH, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984, point 80; affaire Henryk URBAN et Ryszard URBAN c. Pologne, 30 novembre 2011 (final), point 45; affaire Fruni c. Slovaquie, 21 juin 2011 (final), point 145; et affaire Brudnicka et autres c. Pologne, 3 mars 2005 (final), point 41.
(20) Points 49 et 50 de la recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des ministres aux États membres sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités (la «recommandation du CdE de 2010»).
(21) CDL(2017)035, point 48.
(22) Arrêt du 31 mai 2005 dans l'affaire C-53/03, Syfait et autres, ECLI:EU:C:2005:333, point 31; arrêt du 4 février 1999 dans l'affaire C-103/97, Köllensperger et Atzwanger, ECLI:EU:C:1999:52, point 20.
(23) Arrêt du 9 octobre 2014 dans l'affaire C-222/13, TDC, ECLI:EU:C:2014:2265, points 29 à 32; arrêt du 19 septembre 2006 dans l'affaire C-506/04, Wilson, ECLI:EU:C:2006:587, point 53; arrêt du 4 février 1999 dans l'affaire C-103/97, Köllensperger et Atzwanger, ECLI:EU:C:1999:52, points 20 à 23; arrêt du 17 septembre 1997 dans l'affaire C-54/96, Dorsch Consult, ECLI:EU:C:1997:413, point 36; arrêt du 29 novembre 2001 dans l'affaire C-17/00, De Coster, ECLI:EU:C:2001:651, points 18 à 21; arrêt du 13 décembre 2017 dans l'affaire C-403/16, Hassani, ECLI:EU:C:2017:960, point 40; Cour européenne des droits de l'homme, affaire Baka c. Hongrie, 20261/12, 23 juin 2016, point 121.
(24) CEDH, affaire Campbell et Fell c. Royaume-Uni, A80 (1984), 28 juin 1984, point 80.
(25) Les nouvelles règles contreviennent au principe de l'inamovibilité des juges en tant qu'élément clé de l'indépendance des juges, telle que consacrée par la recommandation du CdE de 2010 (point 49). Par conséquent, les juges de la Cour suprême doivent bénéficier de la sécurité de mandat, et il ne peut être prématurément mis un terme à ce dernier. De même, les décisions portant sur la sélection et la carrière des juges devraient reposer sur des critères objectifs préétablis par la loi ou par les autorités compétentes, et dans les cas où le gouvernement ou le pouvoir législatif prennent des décisions concernant la sélection et la carrière des juges, une autorité indépendante et compétente composée d'une part substantielle de membres issus du pouvoir judiciaire devrait être habilitée à faire des propositions ou à émettre des avis que l'autorité pertinente de nomination suit dans la pratique (points 44 à 48).
(26) Selon l'article 111, paragraphe 4, de la loi sur la Cour suprême, le président de la République confiera la présidence de la Cour suprême à un juge de la Cour suprême de son choix. Ce «premier président faisant fonction» exercera ses fonctions jusqu'à ce que l'assemblée générale des juges présente 5 candidats au poste de premier président de la Cour suprême (article 12). L'assemblée générale des juges de la Cour suprême ne sera pas en mesure de présenter ces candidats tant qu'au moins 110 juges de la Cour suprême n'auront pas été nommés.
(27) L'article 183, paragraphe 3, de la Constitution polonaise dispose que le premier président de la Cour suprême est nommé par le président de la République pour six ans, parmi les candidats proposés par l'assemblée générale des juges de la Cour suprême.
(28) Page 2 de l'exposé des motifs.
(29) Affaire CEDH, Sõro c. Estonie, 3 septembre 2015, points 60 à 62.
(30) Points 44 à 47 et 50 de la recommandation du CdE de 2010.
(31) Avis CDL(2017)035, point 130.
(32) Avis CDL(2017)035, point 48.
(33) Cette demande doit être effectuée par l'intermédiaire du premier président de la Cour suprême, qui fournit un avis sur la demande d'un juge. En ce qui concerne la prolongation du mandat du premier président, ce dernier doit fournir au président de la République l'avis du collège de la Cour suprême. Pendant le processus de prise de décision, le président de la République peut demander un avis non contraignant du CNM (voir l'article 37, paragraphe 2, en lien avec l'article 111, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême). Il est noté que selon l'avis de la Cour suprême, la Constitution prévoit qu'une telle décision du président de la République requerrait le contreseing du Premier ministre, conformément à l'article 144, paragraphes 1 et 2, de la Constitution polonaise.
(34) Points 46 et 47. Ce régime poserait également des problèmes au regard du plan d'action du Conseil de l'Europe pour renforcer l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire [CM(2016)36 final] [point C ii); «plan d'action du CdE de 2016»] et des critères du CCJE (avis no 1 sur les normes relatives à l'indépendance et l'inamovibilité des juges, point 25).
(35) Point 48 de la recommandation du CdE de 2010.
(36) Point 49 de la recommandation du CdE de 2010.
(37) Voir l'avis CDL(2017)035, points 51 et 130.
(38) Article 89, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême.
(39) Article 115 de la loi sur la Cour suprême. Au terme de la période de trois ans, le recours devrait être déposé dans les cinq ans à compter de la date à laquelle le jugement concerné est devenu final et légal et dans l'année si un recours en cassation a été formé, sauf si un recours extraordinaire est déposé au détriment du défendeur, auquel cas le recours ne peut être déposé plus tard qu'un an après la date où l'arrêt est devenu final (ou, si un recours en cassation a été formé, au plus tard six mois après l'examen en cassation; voir l'article 89, paragraphe 4, de la loi sur la Cour suprême).
(40) Si cinq ans se sont écoulés depuis que l'arrêt contesté est devenu final et si ce dernier a eu des effets juridiques irréversibles ou si cela se justifie au regard des principes ou des droits et libertés des personnes et des citoyens prévus par la Constitution, la Cour suprême peut se contenter de confirmer que l'arrêt contesté viole la loi et d'indiquer les circonstances qui l'ont amenée à prendre une telle décision (voir l'article 89, paragraphe 4, et l'article 115, paragraphe 2, de la loi sur la Cour suprême).
(41) Article 91, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême.
(42) Les affaires pénales ne peuvent faire l'objet d'un recours extraordinaire au détriment du défendeur plus d'un an après que l'arrêt est devenu final (ou, si un recours en cassation a été formé, au plus tard six mois après l'examen en cassation); les recours ne sont pas possibles non plus contre les jugements établissant la nullité d'un mariage, annulant un mariage ou prononçant un divorce (uniquement dans la mesure où une ou les deux parties se sont remariées après que l'arrêt est devenu final) ou contre les décisions d'adoption. Le recours extraordinaire ne peut porter sur des délits mineurs ni sur des infractions fiscales mineures; voir l'article 89, paragraphe 3, et l'article 90, paragraphes 3 et 4, de la loi sur la Cour suprême.
(43) Article 89, paragraphe 2, de la loi sur la Cour suprême.
(44) Article 89, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi sur la Cour suprême.
(45) Affaire CEDH, Brumărescu c. Roumanie, 28 octobre 1999, point 61; affaire Ryabykh c. Russie, 3 mars 2003, points 54 et 57; affaire Miragall Escolano et autres c. Espagne, 25 janvier 2000, point 33; aussi affaire Phinikaridou c. Chypre, 20 décembre 2007, point 52.
(46) Arrêt du 30 septembre 2003 dans l'affaire C-224/01, Köbler, ECLI:EU:C:2003:513, point 38.
(47) Moreira Ferreira c. Portugal (no 2), 11 juillet 2017 (final), point 62.
(48) Avis CDL(2017)035, points 58, 63 et 130.
(49) Les deux principes sont considérés comme faisant partie de l'état de droit par le Tribunal constitutionnel; voir jugements du Tribunal constitutionnel SK 7/06 du 24 octobre 2007 et SK 77/06 du 1er avril 2008.
(50) Jugement SK 19/05 du 28 novembre 2006; SK 16/05 du 14 novembre 2007.
(51) En particulier les avis de la Cour suprême des 6 et 23 octobre ainsi que 30 novembre 2017, l'avis du Médiateur du 11 novembre 2017 et l'avis du BIDDH de l'OSCE du 13 novembre 2017.
(52) Article 74 de la loi sur la Cour suprême.
(53) Article 76, paragraphe 8, de la loi sur la Cour suprême; le président de la République peut nommer l'agent disciplinaire extraordinaire parmi les procureurs proposés par le procureur général si une procédure disciplinaire porte sur une faute disciplinaire qui remplit les critères d'un délit intentionnel passible d'une mise en accusation publique ou d'infractions fiscales intentionnelles.
(54) Article 76, paragraphe 8, de la loi sur la Cour suprême.
(55) Selon l'article 76, paragraphe 9, de la loi sur la Cour suprême, le ministre de la justice peut informer le président de la République de la nécessité de nommer un agent disciplinaire extraordinaire en cas de faute disciplinaire qui remplit les critères d'un délit intentionnel passible d'une mise en accusation publique ou d'une infraction fiscale intentionnelle. Il apparaît que ce sont le ministre de la justice et le président de la République qui déterminent, de manière autonome, si ces critères sont remplis, étant donné que leurs décisions relatives à la nomination de l'agent disciplinaire extraordinaire ne peuvent faire l'objet de recours.
(56) Avis du BIDDH de l'OSCE du 13 novembre 2017, points 119 à 121; avis de la Cour suprême du 6 octobre, page 34.
(57) Selon l'article 108, paragraphes 17 à 19, de la loi sur la Cour suprême, le ministre de la justice est habilité à fixer le nombre de juges disciplinaires pour les juges des juridictions de droit commun et à les nommer sans consulter le pouvoir judiciaire. En outre, le ministre de la justice serait en mesure de contrôler personnellement les procédures disciplinaires engagées contre des juges de juridictions de droit commun par l'intermédiaire des agents disciplinaires et d'un agent disciplinaire extraordinaire du ministre de la justice nommé par lui-même (y compris dans certaines circonstances aussi parmi les procureurs). Les agents disciplinaires nommés par le ministre de la justice seraient en mesure de rouvrir des enquêtes closes à la demande de ce dernier.
(58) Selon la loi, les dispositions figurant dans la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun, y compris celles relatives aux aspects procéduraux des procédures disciplinaires, s'appliquent mutatis mutandis aux juges de la Cour suprême; voir l'article 72, paragraphe 1, et l'article 108, en conjonction avec l'article 10, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême. La loi sur la Cour suprême modifie, à son article 108, la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun.
(59) Article 108, paragraphe 23, de la loi sur la Cour suprême dans les termes de l'article 115 quater ajouté à la loi sur l'organisation des juridictions de droit commun.
(60) Si les preuves ont été présentées après la prescription, voir l'article 108, paragraphe 22, de la loi sur la Cour suprême.
(61) Article 108, paragraphe 13, point b), de la loi sur la Cour suprême.
(62) Article 108, paragraphe 23, de la loi sur la Cour suprême.
(63) Affaire CEDH, Vilho Eskelinen et autres c. Finlande, 19 avril 2007, point 62; affaire Olujić c. Croatie, 5 février 2009, points 34 à 43; affaire Harabin c. Slovaquie, 20 novembre 2012, points 118 à 124; et affaire Baka c. Hongrie, 23 juin 2016, points 100 à 119.
(64) Articles 26 et 94 de la loi sur la Cour suprême.
(65) Article 134 de la loi sur la Cour suprême; l'ancienne chambre du travail, de la sécurité sociale et des affaires publiques est divisée en deux chambres: la chambre du travail et de la sécurité sociale et la nouvelle chambre du contrôle extraordinaire et des affaires publiques; celle-ci sera composée de nouveaux juges, tous les juges actuels étant transférés à la chambre du travail et de la sécurité sociale; les juges actuels de la Cour suprême peuvent demander un transfert vers cette nouvelle chambre.
(66) Une liste complète des tâches de cette chambre se trouve à l'article 26.
(67) Le président de la chambre disciplinaire est autonome vis-à-vis du premier président de la Cour suprême et le budget de cette chambre peut être considérablement augmenté par rapport au budget global de la Cour suprême (voir l'article 7, paragraphes 2 et 4, et l'article 20 de la loi sur la Cour suprême).
(68) Selon l'article 131 de la loi sur la Cour suprême, tant que tous les juges de la Cour suprême au sein de la chambre disciplinaire n'ont pas été nommés, les autres juges de la Cour suprême ne peuvent être transférés vers un poste dans cette chambre.
(69) Une liste complète des tâches de la chambre disciplinaire se trouve à l'article 27 de la loi sur la Cour suprême.
(70) Avis CDL(2017)035, point 92.
(71) Avis CDL(2017)035, point 43.
(72) Article 61, paragraphe 2, de la loi sur la Cour suprême.
(73) Avis CDL(2017)035, point 67.
(74) Article 186, paragraphe 1, de la Constitution polonaise: «Le Conseil national de la magistrature est le garant de l'indépendance des cours et tribunaux et des juges.»
(75) Par exemple, dans le cadre de procédures disciplinaires ouvertes contre des juges par un conseil, la Cour européenne des droits de l'homme a remis en cause le niveau d'influence des autorités législatives ou exécutives étant donné que le conseil était composé d'une majorité de membres désignés directement par ces autorités (Cour européenne des droits de l'homme, affaire Ramos Nunes de Carvalho E Sá c. Portugal, 55391/13, 57728/13 et 74041/13, arrêt du 21 juin 2016, point 77).
(76) Le mandat des juges membres actuels expirerait le jour précédant le début d'un mandat conjoint des nouveaux juges membres du Conseil, mais au plus tard dans un délai de 90 jours à partir de l'entrée en vigueur de la loi. Le calendrier est défini comme suit: dans les trois jours suivant la publication de la loi, le président de la Diète annonce le lancement de la procédure de nomination. Dans un délai de 21 jours à partir de cette annonce, les candidats aux postes de juges membres du Conseil sont présentés au président de la Diète par les entités autorisées (groupes d'au moins 25 juges ou 2 000 citoyens). À l'expiration de ce délai de 21 jours, le président de la Diète transmet la liste de candidats aux groupes parlementaires, qui disposent de sept jours pour proposer jusqu'à neuf candidats de cette liste. Par la suite, la procédure de nomination se déroule selon les dispositions régulières (voir ci-dessous) (voir les articles 6 et 7 de la loi portant modification de la loi sur le Conseil national de la magistrature et l'article 1er, paragraphes 1 et 3, qui ajoutent les articles 11 bis et 11 quinquies, de la loi portant modification de la loi sur le Conseil national de la magistrature).
(77) Point 27; voir également le point C ii) du plan d'action du Conseil de l'Europe de 2016, le point 27 de l'avis no 10 du CCJE intitulé «Le Conseil de la Justice au service de la société» et le point 2.3 des normes du RECJ dans le rapport 2010-2011 sur les conseils de la justice.
(78) La Constitution dispose que le Conseil national de la magistrature est composé de membres d'office (le premier président de la Cour suprême, le ministre de la justice, le président de la Cour administrative suprême et un commissaire du président) et de membres élus. Les membres élus se composent de quatre députés «choisis par la Diète», de deux sénateurs «choisis par le Sénat» et de 15 juges («choisis parmi» les juges des juridictions de droit commun, des juridictions administratives, des juridictions militaires et de la Cour suprême).
(79) Article 1er, paragraphe 3, de la loi sur le Conseil national de la magistrature, qui ajoute un article 11 bis, paragraphes 2 et 3: il convient de relever que chacun des groupes (celui des juges et celui des citoyens) peut soumettre plus d'une nomination d'un juge membre du Conseil.
(80) Si les groupes parlementaires ne présentent pas, au total, 15 candidats, le bureau de la Diète les choisira afin de créer une liste de 15 candidats qui sera ensuite transmise à la commission de la Diète (voir l'article 1er, paragraphe 3, qui ajoute l'article 11 quater et l'article 11 quinquies, paragraphes 1 à 4).
(81) Cour européenne des droits de l'homme, affaires Morice c. France, 29369/10, arrêt du 23 avril 2015, point 78, et Chypre c. Turquie, 25781/94, arrêt du 10 mai 2001, point 233.
(82) Avis CDL-AD(2017)035, point 130.
(83) Avis CDL-AD(2017)035, point 31.