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Document 52010IE0762

Avis du Comité économique et social européen sur «La professionnalisation des travaux domestiques» (supplément d’avis)

JO C 21 du 21.1.2011, p. 39–43 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/39


Avis du Comité économique et social européen sur «La professionnalisation des travaux domestiques» (supplément d’avis)

2011/C 21/07

Rapporteure: Mme OUIN

Le 16 février 2010, conformément à l’article 29(a) des modalités d’application de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d’élaborer un supplément d’avis sur

«La professionnalisation des travaux domestiques».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 7 voix contre et 11 abstentions.

1.   Recommandations

Lors de sa 301e session, tenue en mars 2008, le Conseil d’administration du Bureau international du travail a décidé d’inscrire le «travail décent pour les travailleurs domestiques» à l’ordre du jour de la 99e session de la Conférence internationale du travail (prévue en juin 2010) afin que cette question fasse l’objet d’une double discussion. Cette démarche a pour objectif de dégager la meilleure manière de garantir les droits et les conditions de travail adaptées pour cette catégorie de travailleurs. Le BIT a déjà lancé la discussion parmi les États et les partenaires sociaux sur l’instrument le plus approprié. Le CESE souhaite aussi l’adoption d’un instrument efficace adapté aux spécificités de ce travail. Il demande en outre aux acteurs européens, aux États membres et aux partenaires sociaux de:

1.1

Mener davantage de recherches afin d’obtenir des données sur les réglementations, les conditions de travail et d’emploi et la protection sociale des travailleurs domestiques et l’application de celles-ci dans les États membres. Les études actuelles sont partielles et ne permettent pas de comparaisons européennes, alors que les situations sont très diverses.

1.2

Mettre en place dans les États membres des solutions juridiques comprenant des dispositions relatives à la fiscalité, à la sécurité sociale, ainsi qu’au droit du travail et au droit civil, incitant davantage les ménages à engager des travailleurs domestiques de manière formelle et les travailleurs domestiques potentiels à opter pour un emploi s’appuyant sur un contrat légal.

1.3

Établir et diffuser largement des conseils et recommandations pour les personnes privées employeurs et le travailleur domestique qu’elles emploient; encourager l’information/la formation sur les obligations et les droits tant des employeurs que des employés, notamment lorsque des systèmes de primes ou de déductions fiscales aux employeurs existent.

1.4

Enrichir les référentiels existants décrivant les tâches et responsabilités, les aptitudes et les compétences nécessaires pour accomplir un travail domestique et familial de qualité, établir des comparaisons entre les différentes situations nationales. Encourager le dialogue sectoriel européen sur ces activités.

1.5

Comparer les différents types d’organisation (services publics, entreprises, associations, coopératives, emploi direct) du point de vue des droits des salariés, et de la qualité du service rendu.

1.6

Progresser vers une organisation du travail permettant les remplacements au domicile des employeurs ou clients (sous peine de quoi les droits aux congés, à la maladie, à la maternité et à la formation resteront fictifs) et intégrant le paiement des temps de transport entre deux domiciles. Il est également nécessaire que les employés et employées puissent s’organiser pour défendre leurs droits, sortir de leur isolement et négocier avec leurs employeurs des droits équivalents à ceux des salariés des entreprises et administrations.

1.7

Prévoir la certification des acquis de l’expérience et la formation tout au long de la vie, pour faire reconnaitre la valeur de ce travail et pour que les employeurs ou clients aient des garanties sur les capacités professionnelles des employés et employées.

1.8

Faciliter l’innovation dans l’organisation de ce secteur en soutenant l’expérimentation d’idées innovantes et le développement de nouvelles formes d’organisation et de partenariats pour une réalisation plus efficace et validée.

1.9

Identifier, réduire et prévenir les risques professionnels propres au travail domestique, garantir des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles des autres salariés dans les domaines de la sécurité et de la santé au travail, de la sécurité sociale, y compris la maternité et la retraite.

1.10

Lutter contre le travail illégal important dans ce secteur et protéger les travailleuses migrantes en situation irrégulière et victimes d’abus: supprimer la «double peine» que subissent ces femmes quand, allant se plaindre à la police d’avoir subi des violences, voire des abus sexuels, ou de n’être pas payées, elles sont renvoyées dans leur pays d’origine. Les conventions internationales doivent s’appliquer et les protéger (1).

2.   Observations générales

2.1   Constats

2.1.1   Femmes de ménage, nourrices, assistantes de vie, aides ménagères… ces emplois exclusivement occupés par des femmes, ne sont pas encore de vrais métiers, du fait aussi que les femmes au foyer effectuent gratuitement ce travail. Au moment où l’Organisation internationale du travail se penche sur «un travail décent pour les travailleurs domestiques», le Comité économique et social a souhaité approfondir les pistes évoquées dans l’avis adopté en octobre 2009 sur les liens entre l’égalité des sexes, la croissance économique et le taux d’emploi (2): Cet avis mettait en évidence l’importance pour l’égalité entre les hommes et les femmes comme pour la croissance économique de professionnaliser les emplois de service à la personne.

2.1.2   Les États européens considèrent les services à la personne comme un gisement d’emplois qu’on ne peut pas délocaliser. Beaucoup ont mis en place des exonérations fiscales ou des primes destinées à blanchir du travail au noir, à inciter la création d’emplois nouveaux en aidant les bénéficiaires à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

2.1.3   D’après le rapport de l’OIT rédigé en vue de la conférence de juin 2010 (3), dans les pays industrialisés, le travail domestique représente entre 5 et 9 % de l’emploi total. Dans son introduction, ce rapport indique que «le travail domestique rémunéré reste, dans bien des pays, une forme d’emploi quasiment invisible. Il est effectué non pas à l’usine ou au bureau, mais au domicile d’un particulier. Les salariés ne sont pas des hommes soutiens de famille mais, dans l’immense majorité des cas, des femmes. Ils ne travaillent pas avec d’autres, mais seuls entre quatre murs. Leur travail n’a pas pour but de produire une valeur ajoutée mais de fournir des soins ou des services à des millions de ménages. Le travail domestique correspond le plus souvent aux tâches non rémunérées qui sont exécutées traditionnellement par les femmes chez elles. Cela explique pourquoi ce travail est sous-évalué pécuniairement et qu’il est souvent effectué de manière informelle et en situation irrégulière. Il n’est pas perçu comme un emploi normal s’inscrivant dans le cadre général de la législation du travail, alors que son origine remonte à la relation “maître-serviteur”. De ce fait, beaucoup de dispositions légales ne tiennent pas compte de la spécificité de la relation de travail domestique, ce qui expose ces travailleurs à un traitement inéquitable, injuste et souvent abusif»  (4).

2.1.4   Il ajoute «Des cas de maltraitance et d’abus, y compris de violences sexuelles et de cas d’esclavage, surtout parmi les travailleuses domestiques migrantes résidant chez l’employeur, sont souvent dénoncés dans les médias». Alors que le nombre de personnes employées dans ce secteur est en augmentation constante, le travail domestique reste la plus précaire, la moins payée, la moins protégée et l’une des plus risquées des formes d’emploi. Parce qu’il s’agit d’une forme d’emploi particulière non couverte par les règlementations internationales, dès 1948 l’OIT s’est préoccupée de mettre au point une règlementation adaptée.

2.1.5   Le présent avis porte sur le travail domestique rémunéré accompli au domicile d’un ménage et pour celui-ci, y compris les tâches ménagères, les soins aux enfants et autres services à la personne. Il ne traite pas des services sociaux ni des entreprises privées mais de la situation de travail des travailleurs domestiques employés par des particuliers. Parce que ce travail concerne un nombre grandissant de personnes, celles qui l’effectuent et celles qui en bénéficient, et qu’il a un caractère spécifique, il convient qu’il soit encadré par une législation adaptée à ces spécificités.

2.1.6   En Europe, la plupart des travailleurs et travailleuses domestiques ont plusieurs employeurs. Seul un petit nombre de femmes, souvent des migrantes, vivent chez leur employeur. Le travail informel est très fréquent. Les travailleuses domestiques sont souvent des personnes vulnérables, connaissant mal leurs droits, venant de la campagne, avec un faible niveau de qualification, ou migrantes, parlant mal la langue du pays d’accueil.

2.1.7   Quelles que soient les situations législatives, le droit du travail s’est construit pour des entreprises, et le plus souvent, ne s’applique pas dans la pratique au travail réalisé dans un domicile, où les contrôles sont difficiles, voire inexistants. Par ailleurs, les règles qui encadrent les activités lucratives, génératrices de profits ne s’appliquent pas non plus. Ce travail est en effet considéré par Adam SMITH (5) comme non productif. Sa valeur n’est pas reconnue, alors qu’il est indispensable au fonctionnement de la société.

2.1.8   «Comme, dans beaucoup de cas, la législation du travail ne définit pas clairement leur statut, les travailleurs domestiques tendent à être exclus des règlements officiels, dans le texte comme dans les faits» (6). Bien que les dispositions en vigueur dans les États membres de l’Union européenne n’excluent pas les travailleurs domestiques des normes générales de la législation du travail, en pratique, elles ne s’appliquent que très rarement à leur égard. Les particuliers-employeurs sont mal informés sur leurs obligations et responsabilités. Les travailleuses domestiques sont isolées et ont donc de la peine à s’organiser.

2.2   Définition de la professionnalisation

2.2.1   Les tâches recouvertes par le terme de travail domestique et familial font l’objet d’un apprentissage informel qui se transmet au sein de la famille. Il est différent selon les générations. En Europe, le filage de la laine et l’alimentation de la basse cour ont été remplacés par les programmes de lavage du lave-linge et le choix d’aliments non périmés au rayon frais du supermarché. Cet apprentissage informel doit être reconnu, le contenu des connaissances et des compétences nécessaires défini. Il faut aussi introduire l’apprentissage tout au long de la vie. L’innovation technologique doit irriguer ce secteur comme les autres, et les nouvelles connaissances dans le domaine de la nutrition ou les nouvelles exigences dans celui de la préservation de l’environnement doivent être intégrées.

2.2.2   De meilleures conditions pour ces emplois, cela passe par la description précise des tâches à accomplir, des responsabilités assumées et celle des compétences requises, ainsi que par un apprentissage formel des connaissances nécessaires pour les effectuer correctement au service de n’importe quel client, ou par une validation des acquis de l’expérience. Apprentissage et acquis de l’expérience devraient être sanctionnés par un certificat d’aptitude. C’est l’intérêt des employeurs ou clients de pouvoir recourir à des personnes dont les compétences sont certifiées.

2.2.3   Professionnaliser c’est permettre au salarié d’avoir des droits et protections équivalents à ceux des salariés qui travaillent dans des bureaux ou des ateliers: un salaire décent incluant le temps de transport entre deux domiciles, la définition du temps de travail hebdomadaire, la possibilité de prendre des congés payés, le respect des règles d’hygiène et de sécurité, une retraite décente, la protection de la maternité (7), des congés pour maladie rémunérés, des indemnités en cas d’invalidité, des règles en cas de licenciement ou de rupture du contrat de travail, des voies de recours en cas d’abus, un accès réel à la formation professionnelle et à un déroulement de carrière, comme pour les autres professions. La généralisation d’un contrat permettrait de protéger les employés et les employeurs.

2.2.4   Professionnaliser c’est en faire un métier, et combattre les stéréotypes qui aujourd’hui réservent ces tâches aux femmes. Les progrès de la professionnalisation pourront se mesurer aux progrès de la mixité.

2.3   Définition du travail domestique

2.3.1   La principale caractéristique du travail domestique est son invisibilité. Les tâches et surtout les responsabilités qu’assument les travailleurs et travailleuses domestiques sont très rarement nommées, énumérées. Les employeurs confient leur domicile, leurs enfants à des personnes dont ils n’ont pas les moyens de vérifier les compétences (8). Les travaux (9) concernant la valeur du travail accompli dans les domiciles pour assurer la vie quotidienne des familles (budget-temps) soulignent que la société ne peut fonctionner sans qu’il soit exécuté. Cette valeur doit être reconnue.

2.3.2   Le travail domestique et familial concerne des activités réalisées par des personnes employées par des services sociaux publics, des associations soutenues par les pouvoirs publics, par des entreprises privées et par des travailleurs domestiques dans le cadre du gré à gré, déclaré ou non déclaré, les employeurs étant des particuliers. Bien que dans tous les cas, le travail domestique soit quasi exclusivement réalisé par des femmes, les conditions de travail et d’emploi sont généralement plus favorables dans les services sociaux publics et les entreprises, où les salariés peuvent s’organiser, les partenaires sociaux négocient des conventions collectives, et les contrôles de l’administration sont possibles.

2.3.3   D’après le rapport de l’OIT (10), selon la classification internationale type des professions (CITP) du BIT, le travail domestique est classé en deux grands groupes (5 et 9), auxquels sont associés certaines tâches et un certain niveau de qualification. «Le grand groupe 5 concerne les établissements commerciaux, les institutions et les ménages privés. Il vise deux grandes catégories: intendants et personnel des services de restauration (sous-groupe 512), qui inclut le personnel d’entretien domestique, les travailleurs assimilés et les cuisiniers; personnel soignant et assimilé, dont les personnes chargées de la garde des enfants et des soins personnels à domicile (sous-groupe 513). Les tâches visées sous le titre 5121 mettent l’accent sur l’encadrement du service domestique. Le groupe 5131 définit les gardes d’enfants comme les personnes qui “veillent sur les enfants de l’employeur et suivent leurs activités quotidiennes”, et considère que leurs tâches consistent à:

aider les enfants à faire leur toilette, à se vêtir et à prendre leurs repas;

emmener les enfants à l’école et les en ramener, et les accompagner pour des sorties récréatives;

jouer avec les enfants ou les divertir, en leur faisant la lecture ou en leur racontant des histoires;

tenir en ordre la chambre à coucher des enfants et leur local de jeux;

s’occuper des enfants à l’école pendant le repas de midi ou pendant d’autres interruptions de la classe;

s’occuper des enfants à l’école lorsqu’ils vont en excursion, qu’ils visitent un musée ou qu’ils font d’autres sorties analogues;

s’acquitter de fonctions connexes;

surveiller d’autres travailleurs.

De même, les préposés aux soins personnels à domicile (groupe 5133) “pourvoient à certaines nécessités personnelles et, de manière générale, prodiguent des soins, à domicile, à des personnes qui en ont besoin parce qu’elles sont atteintes de maladie physique ou mentale, ou d’incapacité, ou encore à cause d’infirmités imputables à la vieillesse”. Les tâches des travailleurs de cette catégorie, dont font partie les “aides-soignants à domicile”, se résument comme suit:

aider les personnes à se coucher et à se lever, ainsi qu’à changer de vêtements en conséquence;

changer le linge des lits et aider les personnes à prendre leur bain et à faire leur toilette;

servir les repas – qu’eux-mêmes ou des tiers ont préparés – et nourrir les personnes qui ont besoin d’aide;

administrer les médicaments prescrits ou veiller à ce que les personnes les prennent;

observer tout signe de détérioration de l’état de santé des personnes et en avertir le médecin traitant ou les services sociaux compétents;

s’acquitter de fonctions connexes;

surveiller d’autres travailleurs.

Le sous-groupe 913 concerne précisément les “aides de ménage et autres aides, nettoyeurs et blanchisseurs”. Il vise les travaux exécutés au domicile des particuliers, dans les hôtels, les bureaux, les hôpitaux et autres établissements, ainsi que dans toutes sortes de véhicules pour en maintenir l’intérieur et le mobilier en état de propreté. Ce sous-groupe comprend les aides de ménage et nettoyeurs domestiques, et les laveurs et repasseurs de linge à la main. Les aides de ménage et nettoyeurs domestiques rangés sous le titre 9131 “balaient, passent l’aspirateur, lavent et cirent les sols, prennent soin du linge, font des achats de fournitures et d’autres produits nécessaires au ménage, préparent les mets, servent les repas et s’acquittent de maintes autres fonctions domestiques”.»

2.3.4   Si les soins médicaux ne font pas partie du travail domestique, une aide ménagère ou une assistante maternelle doit être capable de faire prendre leurs médicaments aux personnes dont elle a la charge et de réagir en cas de problème soudain mettant en danger la vie de la personne dont elle s’occupe. Elle doit être formée pour cela.

2.3.5   Les personnes qui assument ces tâches, en cas d’absence de l’employeur ou lorsqu’il est en situation de dépendance doivent être autonomes et capables d’organiser leur temps, elles doivent inspirer la confiance – on leur confie les clés du domicile, les bébés, les parents âgés, bref ce que chacun a de plus précieux –, avoir le sens des responsabilités, être capables d’initiatives, rester discrètes, et quand elles assument la responsabilité totale d’enfants ou de personnes dépendantes, elles doivent pouvoir gérer plusieurs tâches simultanément, être vigilantes, attentives, persuasives, patientes, d’humeur égale, aptes à la concentration, à l’écoute, faire preuve d’autorité, savoir quoi faire en cas d’accident. Elles doivent avoir de l’empathie, et posséder des connaissances en psychologie, diététique, hygiène.

2.4   Caractéristiques du travail domestique

Le travail domestique est précaire et mal payé, parce que sa valeur n’est pas reconnue, du fait qu’il est aussi effectué gratuitement par des femmes au foyer, que les employeurs sont des particuliers qui ne peuvent ou ne veulent pas payer davantage, qu’il est effectué par des femmes qui travaillent seules, le plus souvent chez plusieurs employeurs, qu’elles ne peuvent pas s’organiser collectivement, faire grève, bloquer la production pour soutenir leurs revendications comme des salariées en entreprise, que les stéréotypes qui pèsent sur la représentation de ces métiers et sur l’image de la femme et de la mère masquent la réalité des qualifications, que le lieu de travail est un domicile privé impossible à contrôler, et qu’il est souvent exercé par des immigrées irrégulières, sans droits.

2.4.1   La précarité est inhérente à ces activités, en fonction des besoins des ménages: les enfants grandissent et deviennent autonomes, les personnes âgées dépendantes meurent, et quand les ressources des ménages diminuent du fait par exemple du chômage, l’emploi d’une personne à leur domicile est supprimé.

3.   Observations particulières

3.1   Objectifs de la professionnalisation

3.1.1   Une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle

3.1.1.1   Le travail salarié des femmes, condition de l’égalité des sexes, a rendu nécessaire la création de services pour remplacer le travail qu’effectuaient à la maison les femmes au foyer. Il a aussi donné des moyens financiers plus importants aux familles, permettant à certaines d’entre elles de recourir à ces services, ce qui est créateur d’emplois.

3.1.1.2   Ces services se sont développés, car ils sont indispensables pour permettre de trouver un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle. Les hommes et les femmes doivent pouvoir s’engager dans leur vie professionnelle sans nuire à leur vie familiale et personnelle, auquel cas, ils ont besoin de confier une partie des tâches domestiques et familiales à des tiers.

3.1.1.3   Pour parvenir à un équilibre entre la participation des hommes et des femmes au marché du travail, et tenir compte des nouveaux besoins créés par le vieillissement de la population, ces services devront à l’avenir se développer davantage et vont donc concerner un nombre encore plus important de salariés.

3.1.2   Des emplois et des services de qualité

3.1.2.1   Pour développer ces services, il faudra garantir leur qualité, généraliser des formations qui existent déjà, introduire la formation tout au long de la vie pour intégrer les évolutions, élargir les possibilités de contrôle des compétences. Professionnaliser ces emplois, c’est en améliorer la qualité pour les clients et bénéficiaires et pour les salariés. C’est le moyen le plus sûr pour trouver demain des candidats qui auront envie de les exercer.

3.1.3   Lutter contre la pauvreté

3.1.3.1   On sait qu’en Europe, les femmes sont plus nombreuses à souffrir de pauvreté. Les bas salaires et la précarité, le travail non déclaré qui sont caractéristiques du travail domestique sont des facteurs d’exclusion sociale. En Europe, c’est dans le travail domestique que le travail non déclaré est le plus important, devant le bâtiment ou la restauration (11).

3.1.4   Lutter contre le travail informel et l’immigration clandestine

3.1.4.1   Les cas d’esclavage dénoncés en Europe concernent des travailleuses domestiques en situation irrégulière, à qui l’employeur ne verse pas de salaire parce qu’il promet des papiers. Ces travailleuses sont les plus vulnérables: elles n’osent se plaindre des mauvais traitements, violences et abus sexuels de crainte d’être expulsées. Le travail domestique devrait relever de l’immigration choisie, actuellement ciblée sur les personnes très qualifiées. La situation démographique de l’Europe rend nécessaire le recours à l’immigration pour couvrir les besoins en particulier de dépendance des personnes âgées.

3.1.4.2   Le travail informel prive le travailleur de sa protection sociale et la collectivité des taxes et cotisations sociales. Il pèse sur l’image et la perception du travail domestique, en faisant un sous-emploi, ce qui alimente les stéréotypes et tire l’ensemble de la profession vers le bas. Il accroit les risques de pauvreté.

3.1.4.3   La réduction du travail non déclaré réalisé au domicile nécessite une série de mesures s’intégrant dans les systèmes juridiques des différents États membres et comprenant des dispositions relatives à la fiscalité, à la sécurité sociale, ainsi qu’au droit du travail et au droit civil. La propension à proposer ou à accepter un emploi non déclaré s’explique le plus souvent par des motifs économiques, dans la mesure où ce type d’emploi est plus avantageux pour les deux parties qu’un emploi déclaré. L’action des États membres devrait viser à réduire les différences en termes d’avantages et s’appuyer par ailleurs sur des mesures adaptées aux conditions sociales et culturelles locales (campagnes médiatiques, exemples donnés par des personnalités publiques, information sur les risques liés au travail non déclaré).

3.2   Conditions d’emploi

3.2.1   Des employeurs organisés et des salariés syndiqués ont négocié des conventions collectives. C’est sur ces avancées qu’il faut s’appuyer pour améliorer le sort des travailleurs domestiques. Des études doivent être menées sur les conventions collectives qui régissent actuellement le travail domestique en Europe et s’inspirer des meilleures pratiques pour les généraliser. Il faut aussi comparer les différents types d’organisation (entreprises, associations, coopératives, emploi direct) du point de vue des droits des salariés et de la qualité du service rendu.

3.2.2   Dans de nombreux pays d’Europe, l’employeur particulier comme la travailleuse domestique sont mal informés de leurs droits et devoirs. L’employeur ne pense pas à la femme de ménage ou à la nourrice comme à une salariée qui a des droits. À cause des stéréotypes, il la voit comme une aide à qui il rend service en lui proposant quelques heures de travail. Souvent aucun contrat de travail écrit n’est signé entre les deux parties, les conditions d’emploi, salaires, congés, horaires, description des tâches, rupture du contrat, indemnités de licenciement ne sont pas clairement définies. Il faut rendre plus clairs les droits et obligations de chacun, c’est aussi une protection pour l’employeur qui doit être plus conscient des risques qu’il court en embauchant une personne pour travailler chez lui (vols, accidents) et de ses responsabilités.

3.2.3   Hygiène et sécurité: le travail domestique est perçu à tort comme sans risque. Brûlures, coupures, intoxication avec des produits ménagers, chutes, électrocution avec des appareils ménagers sont des accidents fréquents, surtout si l’employeur n’a pas conscience qu’il doit respecter des règles de sécurité et que l’employée n’a pas été avertie des dangers et formée pour les éviter.

3.2.4   Santé, protection de la maternité, retraite: le congé de maternité est souvent l’occasion d’un licenciement, car l’employeur, ayant besoin que quelqu’un réalise le travail domestique, va prendre une autre employée et ne se sentira pas obligé de reprendre celle qui est partie en congé de maternité. L’absence d’une organisation permettant des remplacements temporaires ne permet pas l’application des droits, qui restent théoriques. Les systèmes de sécurité sociale et de retraite sont souvent inadaptés pour quelques heures de travail chez plusieurs employeurs.

3.2.5   Qualification, formation: les compétences requises ont fait longtemps l’objet d’un apprentissage informel. On constate depuis quelques années que la transmission familiale régresse. Des jeunes mères sont désemparées à la naissance de leur premier enfant, de jeunes parents ne savent plus cuisiner des repas équilibrés, privilégient les plats industriels, ce qui est l’une des causes de l’obésité infantile. Nommer les tâches et les compétences et les enseigner permettraient aussi de mieux les diffuser et de les rendre mixtes.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Voir la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

(2)  JO C 318 du 23 décembre 2009, p. 15

(3)  Voir OIT «Travail décent pour les travailleurs domestiques», Rapport IV pour la Conférence internationale du travail, 99e séance, 2010. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_104701.pdf

(4)  Idem, p. 1.

(5)  Idem, p. 11.

(6)  Ibidem.

(7)  La révision de la directive sur le congé de maternité (Directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992) introduit le droit à ce congé aux travailleuses domestiques.

(8)  JO C 277 du 17 novembre 2009, p. 102

(9)  Housework: priceless or valueless ? («Les travaux domestiques: sans prix ou sans valeur?»), par Marianne A. Ferber et Bonnie G. Birnbaum (1977) http://www.roiw.org/1980/387.pdf;

Time Use in Child Care and Housework and the Total Cost of Children («Emploi du temps dans les soins à l’enfance et les travaux domestiques et coût total de revient des enfants»), de Björn Gustafsson et Urban Kjulin © 1994 Springer http://www.jstor.org/pss/20007438.

(10)  Voir note de pied-de-page 3, p. 31 et 32.

(11)  Voir: «Le travail non déclaré au sein de l’Union européenne», Eurobaromètre spécial 284, vague 67.3, octobre 2007, p. 21.


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