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Document 52010AE1187

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un espace européen de sécurité routière: orientations stratégiques pour la sécurité routière jusqu'en 2020» (avis sur saisine du Parlement européen)

JO C 48 du 15.2.2011, p. 27–32 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

15.2.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 48/27


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un espace européen de sécurité routière: orientations stratégiques pour la sécurité routière jusqu'en 2020» (avis sur saisine du Parlement européen)

2011/C 48/06

Rapporteur: M. RANOCCHIARI

Le 2 juin 2010, le Parlement européen a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Vers un espace européen de sécurité routière: orientations stratégiques pour la sécurité routière jusqu'en 2020».

La section «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 6 septembre 2010.

Lors de sa 465e session plénière des 15 et 16 septembre 2010 (séance du 15 septembre 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 4 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité rappelle que l'objectif que s'était assigné le troisième programme d'action européen pour la sécurité routière (PASR) – réduire de moitié, au cours de la période 2001-2010, le nombre de tués de la route – était très ambitieux. Selon les chiffres officiels portant sur 2008 et l'UE à 27 États membres, cette réduction a atteint en fait 28,4 % par rapport aux données de 2001. Des statistiques récentes de la Commission témoignent toutefois de progrès étonnants, qui pourraient aboutir au final, en 2010, à une baisse de 40 % des décès dus aux accidents routiers.

1.2   Les raisons pour lesquelles cet objectif de faire diminuer les décès de 50 % n'a pas rencontré tout le succès escompté résident dans une combinaison de plusieurs facteurs:

1.2.1

L'échelon communautaire n'est responsable que du programme d'action et des lignes directrices pour son application, tandis que la concrétisation de toutes les mesures qu'il prévoit reste de la compétence des différents paliers de pouvoir des États membres.

1.2.2

La mise en œuvre et l'exécution des mesures de sécurité routière varient d'un pays à l'autre.

1.2.3

Les données statistiques relatives à la sécurité routière ne sont pas interprétées d'une manière uniforme dans tous les États membres.

1.2.4

Au cours de ces dix dernières années, l'accent a bien davantage porté sur l'application de la réglementation que sur l'éducation et la formation de l'ensemble des usagers de la route.

1.2.5

Aucun objectif intermédiaire n'a été assigné aux États membres; de même, aucune attention particulière n'a été prêtée aux disparités entre les taux de risque d'un État membre à l'autre, alors qu'elles exigeraient que chacun d'entre eux reçoive une feuille de route détaillée.

1.3   S'agissant de la «sécurité passive et active», le Comité estime que des progrès substantiels ont été réalisés lors de la décennie écoulée, notamment parce que l'industrie a introduit un large éventail d'innovations techniques pour sécuriser les voitures particulières et les poids lourds. Pour l'avenir, on pourrait relever la barre en ce qui concerne les normes de sécurité; de même, il conviendrait de prendre des mesures face à la récente arrivée sur le marché de véhicules particuliers à prix très bas qui sont tout juste conformes aux normes de sécurité.

1.3.1   La situation est encore pire en ce qui concerne les cyclomoteurs et motocycles à bas coût qui, importés essentiellement du Sud-Est asiatique, sont souvent incapables de respecter les exigences européennes de réception des véhicules. Ce point est capital si l'on considère qu'en raison de la congestion du trafic urbain, les deux-roues motorisés sont de plus en plus plébiscités pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail, alors que leurs conducteurs courent de 18 à 20 fois plus de risques d'être gravement blessés sur la route.

1.4   De l'examen des progrès accomplis au cours des dix dernières années s'agissant d'améliorer la sécurité des infrastructures routières, le Comité incline à conclure qu'il aurait été possible d'engranger bien plus de résultats. Dans ce domaine, l'avancée la plus importante a été la directive du Conseil sur la sécurité des tunnels, qui a eu un effet hautement positif dans toute l'Europe. En revanche, aucune amélioration significative n'a été enregistrée en ce qui concerne les routes de campagne et le réseau secondaire, sur lesquels ont lieu plus de 50 % des décès routiers.

1.5   Si l'on veut que le quatrième programme d'action européen pour la sécurité routière, prévu jusqu'à 2020, atteigne de meilleurs résultats, il faudrait, de l'avis du Comité, tenir compte des impératifs suivants:

1.5.1

Un pilotage politique fort est nécessaire, étant donné que les compétences en la matière sont partagées entre l'UE et les États membres.

1.5.2

Des données statistiques harmonisées et détaillées doivent être disponibles pour l'ensemble des 27 pays de l'Union.

1.5.3

Il conviendrait de fixer des objectifs concernant les blessés graves de la route, avec une définition commune de la notion de «blessure grave».

1.5.4

En matière d'harmonisation et de réglementation des mesures de sécurité routière, il y a lieu de mener une politique communautaire plus rigoureuse, doublée d'une assistance aux États membres, pour s'assurer qu'ils améliorent et accélèrent tout à la fois la mise en œuvre de ces dispositions, dont le système paneuropéen eCall, et ce, sur une base contraignante si l'approche volontaire s'avère inopérante.

1.5.5

Une attention accrue est requise pour ce qui est de moduler l'éducation et la formation accordées à l'ensemble des usagers de la route, en particulier les plus jeunes et les plus vieux et les autres catégories vulnérables, comme les motocyclistes, les cyclistes et les piétons.

1.5.6

Tous les employeurs (et en particulier les employeurs privés) qui gèrent des parcs automobiles devraient être associés aux projets actuels et futurs consistant notamment à promouvoir les bonnes pratiques en vue de réduire les accidents sur le chemin du travail, à encourager leur personnel à passer aux transports publics et à développer des politiques de sécurité pour leur parc de véhicules. La norme ISO 39001 sur la sécurité routière au travail, qui devrait être bientôt disponible, fournira un outil important à cet égard.

1.5.7

L'UE doit adopter une législation pour les catégories vulnérables d'utilisateurs de la route, avec des mesures comme, pour les deux-roues motorisés, une nouvelle réception, assortie de l'obligation que ceux de plus de 150 cc soient dotés d'un système de freinage antiblocage ou combiné et d'un système d'allumage automatique des phares, l'instauration d'épreuves d'aptitude à la conduite routière et l'introduction d'une formation du deuxième stade lors de la révision de la directive sur le permis de conduire.

1.5.8

En ce qui concerne le développement des infrastructures, le Comité préconise que le nouveau programme d'action comporte l'objectif de renforcer la sécurité du réseau routier transeuropéen et de porter au niveau de ce dernier au moins 25 % des autres voiries.

1.5.9

Le programme d'action devrait fixer des performances ambitieuses mais réalistes, en établissant non seulement un objectif global de réduction du nombre total de décès sur la route mais aussi des objectifs spécifiques concernant les blessés graves et les usagers vulnérables de la route, tels que les piétons, les cyclistes et les motocyclistes. S'agissant de l'objectif global, le Comité fait remarquer que le taux de risque connaît des variations significatives au sein de l'UE et recommande dès lors fortement que les réductions de mortalité par accident qui devront être visées pour 2020 soient différenciées, en fonction des chiffres de 2010 fournis par les États membres.

1.5.10

Le Comité pense que l'UE devra assurer un suivi annuel si elle veut avoir la garantie d'atteindre les buts définis dans le programme d'action. Il suggère que soit créée à cette fin une agence européenne spécifiquement consacrée à la sécurité routière, qui contrôlerait et suivrait la mise en œuvre du programme d'action, en coordination avec des délégués à la sécurité routière nommés par les États membres.

1.6   Enfin, et ce point n'est pas le moindre, l'UE se doit de tisser un lien solide et durable avec la «Décennie d'action pour la sécurité routière» qui a été proclamée par les Nations unies et s'efforcer de jouer à l'échelle mondiale un rôle directeur dans ce dossier de la sécurité routière.

2.   Introduction

2.1   Le 28 avril 2010, M. Brian SIMPSON, président de la Commission des transports et du tourisme (TRAN) du Parlement européen, a adressé au président du Comité économique et social européen, M. Mario SEPI, une lettre dans laquelle, s'appuyant sur l'article 124 du règlement intérieur de son institution, il demandait au Comité d'élaborer un avis exploratoire sur la sécurité routière.

2.2   Dans son courrier, M. SIMPSON faisait allusion au nouveau programme de travail de la Commission pour 2010, qui a été publié le 31 mars 2010 et comprend la proposition d'élaborer un nouveau train de mesures concernant la sécurité routière, le but étant de créer un «espace européen de sécurité routière».

2.3   Il demandait au Comité de se pencher sur un certain nombre de questions fondamentales concernant la décennie écoulée: il s'agissait de déterminer dans quelle mesure les politiques de l'UE avaient réussi à modifier les comportements des usagers de la route, à améliorer la «sécurité passive» et à rendre les infrastructures plus sûres, d'examiner si les États membres avaient mis ces politiques en œuvre avec efficacité et, enfin, de définir les mesures à prendre pour créer un véritable «espace de sécurité routière» dans les 27 États membres.

2.4   En 2001, la Commission a publié un livre blanc sur les transports, qui a été suivi, en 2003 d'un programme d'action, l'un et l'autre étant fondés sur l'objectif d'une réduction de moitié du nombre de tués de la route d'ici 2010.

2.5   Les dernières données disponibles, celles de l'année 2008, témoignent, par rapport aux statistiques de 2001, d'une diminution de 36,8 % des décès routiers dans l'UE des Quinze et de 28,4 % pour l'UE des Vingt-sept. Quoique considérable, cette baisse n'atteint malheureusement pas la barre des 50 % visée par la Commission. Tout récemment, celle-ci a publié les chiffres pour l'année 2009 et des prévisions pour 2010 qui ne sont pas éloignés de cette cible initiale, puisque la baisse totale à l'horizon 2010 excédera les 40 %.

2.5.1   Si ces résultats importants sont atteints, on le devra à l'entrée en vigueur de la législation récente sur la sécurité routière et aux améliorations apportées à la sûreté des véhicules plutôt qu'à une évolution des comportements des usagers de la route, domaine dans lequel beaucoup de progrès restent à faire.

2.6   Pour déterminer les mesures qu'il conviendrait d'intégrer dans une nouvelle stratégie, il est capital d'appréhender quelles sont les politiques et initiatives qui se sont avérées efficaces au cours de la décennie écoulée et celles qui n'ont pas été opérantes.

2.7   Le programme d'action de la Commission pour la décennie écoulée avait ciblé trois dimensions primordiales:

des changements de comportement individuel, en ce qui concerne notamment l'utilisation des ceintures de sécurité, les systèmes de retenue pour enfants, les téléphones portables ou l'élimination de l'alcool au volant,

un appui aux initiatives prises par l'industrie pour développer et commercialiser des véhicules plus sûrs,

des mesures à prendre pour améliorer les infrastructures, par exemple en perfectionnant la configuration des routes et des tunnels ou en harmonisant les systèmes avancés de secours d'urgence entre les États membres.

2.8   D'avril à juillet 2009, la Commission européenne a organisé des consultations publiques afin d'inciter les citoyens européens et les intervenants publics de niveau national, régional et local, ainsi que le monde de l'entreprise et des professionnels à cerner quels sont les problèmes essentiels de sécurité routière qui devront être abordés par le programme d'action 2011-2020 en la matière, ainsi que les actions prioritaires qu'il convient de prendre pour contrer les niveaux, coûteux et intolérables, que les statistiques des tués et blessés graves de la route atteignent dans l'ensemble de l'UE.

2.9   Le Comité rejoint la commission des transports et du tourisme pour estimer qu'avant d'adopter un nouveau programme d'action pour la sécurité routière, il est nécessaire d'évaluer l'efficacité des actions antérieures, en l'occurrence le livre blanc de 2001 sur les transports, élaboré par la Commission, et le programme d'action de 2003.

2.10   Pour effectuer cette évaluation, il est notamment possible d'utiliser les informations récentes et les opinions qui sont exposées dans les avis que le Comité a adoptés ces dernières années sur le sujet. Il ressort de ces textes qu'à ses yeux, l'amélioration de la sécurité routière constitue l'un des enjeux primordiaux de la politique des transports, qui mérite de figurer au sommet de l'ordre du jour des États membres, même en ces temps de contraintes économiques.

2.11   Des développements importants sont intervenus entre-temps à l'échelle mondiale. Dans la foulée de la première conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, tenue en novembre 2009 à Moscou sous le mot d'ordre «Il est temps d'agir», l'Assemblée générale des Nations unies a proclamé les années 2011 à 2020 «Décennie de l'action pour la sécurité routière», afin de stabiliser puis faire baisser les chiffres des décès dus au trafic routier dans le monde, qui prennent aujourd'hui les allures d'une véritable épidémie, avec chaque année plus d'un million de tués et quelque 20 millions de blessés graves, dont plus de 90 % dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires. Globalement, il a été estimé que cette espèce de «pandémie» a un coût économique qui oscille entre 1 et 3 % du PIB des différents pays. En Europe, l'incidence financière pour la société s'est élevée à quelque 130 milliards d'euros en 2009.

2.12   Dans le fil des observations développées ci-dessus, le Comité pense que grâce au nouveau programme d'action pour la sécurité routière, l'UE pourrait occuper la première place en matière de sécurité routière, en tirant parti de l'élan actuel, et qu'elle ne peut se permettre de laisser passer cette chance.

3.   Observations générales

3.1   Le Comité se doit de souligner que pour évaluer l'efficacité des politiques menées antérieurement dans le domaine de la sécurité routière, il est primordial de disposer sur cette question de données statistiques bien documentées, tant quantitatives que qualitatives, qui émanent de l'ensemble des 27 États membres et se prêtent à des comparaisons. Aujourd'hui, tous les pays de l'Union fournissent à l'UE des chiffres élémentaires concernant la sécurité routière mais dans le cas de certains d'entre eux, les données fournies ne présentent encore ni la qualité, ni la densité requises et ne permettent pas d'établir de distinctions en fonction des différents catégories d'usagers, des types de voiries, des circonstances météorologiques ou de la gravité des blessures.

3.2   Conscient que le trafic routier a triplé au cours de ces trente dernières années, le Comité salue les progrès considérables que l'UE a accomplis pour réduire de moitié, à l'horizon 2010, le nombre de morts sur la route. Dans l'avis qu'il avait adopté le 10 décembre 2003 sur la sécurité routière, le Comité avait relevé que si cet objectif était déjà ambitieux pour l'Union quand elle comptait quinze États membres, il serait encore plus difficile à réaliser dans une Europe élargie.

3.3   Le Comité fait observer que si l'UE s'est assigné un objectif très ambitieux de réduction du nombre de tués sur la route, elle a omis de le faire en ce qui concerne les usagers de la route grièvement blessés. Entre 2001 et 2008, la diminution enregistrée pour cette catégorie n'a été que de 18 % pour l'ensemble des 27 États membres. Pour arriver à une baisse drastique dans ce domaine, le nouveau programme d'action de la Commission devra dès lors prévoir des mesures à cette fin, lesquelles devront être mises en œuvre par les États membres, dès qu'une définition commune des notions de «blessé grave» et de «blessé léger» sera adoptée.

3.4   S'agissant de déterminer l'efficacité qu'ont eue les politiques menées ces dix dernières années au niveau de l'UE pour modifier le comportement des usagers de la route, il convient de se rappeler que l'échelon européen ne fait qu'arrêter le programme d'action et des lignes directrices pour son application, tandis que la mise en œuvre de toutes les mesures qui y sont prévues reste du ressort des différents niveaux de pouvoir des États membres, conformément au principe de subsidiarité.

3.5   Si tous les États membres suivaient les mêmes balises pour appliquer les dispositions reprises dans le programme d'action, les obstacles sur lesquels ils butent seraient moins nombreux; malheureusement, l'expérience a montré que tel n'est pas le cas, puisque de fortes disparités subsistent entre les États membres en matière de sécurité routière. Dans ce domaine, les dispositifs d'exécution et de sanction diffèrent d'un pays à l'autre et il ne fait pas de doute, de l'avis du Comité, que plus impérative, la politique européenne produirait des résultats plus efficaces.

3.6   Le Comité souligne dès lors qu'il importe de développer et de réaliser un programme plus ambitieux d'harmonisation et de réglementation, combiné avec une assistance aux États membres, afin d'avoir l'assurance qu'ils concrétisent tout à la fois mieux et plus rapidement les mesures de sécurité routière. La création d'une agence européenne de la sécurité routière pourrait être la réponse appropriée à cette problématique.

3.6.1   En effet, une agence de sécurité existe pour tous les modes de transports à l'exception du transport routier. L'agence de sécurité routière devrait être un organe exécutif de taille réduite, assisté en permanence par des délégués à la sécurité routière nommés par les États membres.

3.6.2   De l'avis du Comité, cette agence devrait mettre à profit l'existence d'instances telles que l'Observatoire européen de la sécurité routière (ERSO) pour remplir plus efficacement sa mission exécutive en la matière. Par exemple, elle pourrait procéder tous les ans à la vérification de la carte des «points noirs», où se concentrent les accidents, afin d'identifier les voies peu sûres et de communiquer les résultats de son enquête aux usagers des routes européennes, comme le Comité l'avait déjà demandé dans un avis antérieur (1). Elle pourrait également servir de plate-forme pour les groupes nationaux et locaux de sécurité routière, en assurant la promotion et la diffusion des meilleures pratiques dans l'ensemble des pays de l'UE.

3.6.3   Cette agence serait en outre susceptible d'assurer que la thématique de la sécurité routière soit intégrée dans d'autres politiques européennes pertinentes, comme l'éducation, la santé et l'environnement, ainsi que d'élaborer une feuille de route assortie de priorités à court et moyen termes, comblant ainsi une des principales lacunes du programme précédent.

3.7   Si l'on examine les modifications dans le comportement des usagers de la route au cours de la dernière décennie, force est d'en conclure que plus de la moitié des décès de la circulation sont directement imputables à des facteurs comportementaux, comme le non-respect des limitations de vitesse, la jeunesse et l'inexpérience des conducteurs ou la conduite sous l'emprise de l'alcool. Le Comité estime que l'application de la réglementation, l'éducation et la formation revêtent la même importance et s'influencent mutuellement mais qu'en fin de compte, l'éducation est la solution dont toutes les parties prenantes sortiront gagnantes.

3.8   Le Comité relève que la modification du comportement personnel constituait l'un des trois axes majeurs du programme d'action de la Commission pour ces dix dernières années. Vu l'augmentation qu'a connue sur cette période le nombre de véhicules en circulation, il y a lieu d'intensifier l'action dans ce domaine.

3.9   Il convient également de garder à l'esprit que certaines catégories vulnérables d'usagers de la route, comme les motocyclistes, les cyclistes et les piétons, sont encore exposées à des risques disproportionnés. À titre de mesure susceptible d'influer sur le comportement de ces groupes d'usagers de la route, le Comité préconise d'intensifier l'éducation à la circulation, pour autant qu'elle aille de pair avec une réglementation-cadre étendue concernant la réception des deux-roues motorisés et une formation du deuxième stade pour les conducteurs de ces véhicules.

3.10   En outre, il importe d'avoir conscience que la population de l'UE vieillit et que la politique de sécurité routière devrait s'attacher à des mesures spécifiques, comme les systèmes de transport intelligents, l'adaptation des véhicules et des infrastructures, la sensibilisation et la formation.

3.11   Pour la décennie à venir, le Comité conseille de centrer l'action sur une éducation, une formation et une évaluation modulées pour l'ensemble des catégories d'usagers de la route et, plus particulièrement, pour les groupes «à risque» que sont les jeunes et les personnes âgées, ainsi que ceux qui sont vulnérables, comme les motocyclistes, les piétons et les cyclistes.

3.12   La politique suivie au niveau de l'UE devrait être exposée dans un programme d'action pour la sécurité routière qui contienne des recommandations et lignes directrices claires pour son application par les États membres. De même, il conviendrait que la Commission bénéficie, sur une base annuelle, d'un retour d'information sous la forme de données statistiques bien définies, de manière à permettre une réaction rapide. Dans le même temps, la Commission devrait inviter les États membres à mettre en œuvre, aussi rapidement que possible, la législation existante et future dans le domaine de la sécurité routière.

4.   Observations particulières

4.1   Pour qu'une politique de sécurité routière soit un succès, le grand défi à relever réside dans la coopération entre les pouvoirs publics au niveau européen, national et local. S'il est possible d'avancer sur les questions techniques par l'adoption et l'application d'une législation européenne, l'échelon national est le seul qui permette de progresser pour ce qui est de modifier le comportement des usagers de la route. Telle est la raison pour laquelle il apparaît capital que l'UE édicte de strictes lignes directrices et que les États membres fassent rapport chaque année à la Commission.

4.2   Lorsqu'il étudie quelle a été l'efficacité de l'action entreprise au niveau européen pour infléchir le comportement des usagers de la route lors de ces dix dernières années, le Comité est forcé de conclure que cette politique de l'Union n'a pas été pleinement fructueuse, pour des raisons liées à la subsidiarité ainsi qu'à l'absence d'outils de suivi. L'éducation et la formation continue constituent les principaux leviers pour peser positivement sur les attitudes, en particulier dans le cas des jeunes conducteurs et des usagers d'un certain âge. Pour mettre ces outils en fonctionnement, les États membres ont suivi des voies différentes et parfois inadéquates.

4.3   Le Comité est convaincu que s'agissant de ces manières de se comporter, la politique à suivre lors de la prochaine décennie devrait s'employer à investir le champ de la formation et de l'éducation pour toutes les catégories d'usagers de la route dans l'ensemble des États membres, par exemple en instaurant dans les écoles un seuil minimum de formation obligatoire à la circulation et en incitant la population, sur une base volontaire, à approfondir constamment ces connaissances.

4.4   Les États membres devraient lancer des campagnes régulières et ciblées pour conscientiser les usagers de la route et influencer leur comportement, en s'adressant à eux sur des questions en rapport avec la sécurité, comme le respect mutuel, les équipements de protection, la vitesse et les problèmes de l'alcool et des drogues, tout en insistant dans le même temps sur l'application de la réglementation.

4.5   Le nouveau programme d'action devrait accorder une attention particulière aux disparités qui existent au sein de l'Europe en ce qui concerne le taux de risque en matière de sécurité routière. En 2008, celui des pays où il est le plus élevé était le quadruple de celui des États membres où il est le plus faible. Pour ceux où il se situe nettement au-dessus de la moyenne européenne, il conviendrait de viser à fixer un objectif de réduction plus sévère en ce qui concerne les décès et les blessés graves de la route, en déterminant pour 2020, sur la base des chiffres de 2010, des performances différenciées de baisse de la mortalité.

4.6   La «sécurité passive et active» a connu des améliorations substantielles au cours de la décennie écoulée, notamment lorsque l'industrie a introduit un large éventail de mesures techniques pour sécuriser les voitures particulières et les poids lourds. Les projets de recherche et développement financés au titre des programmes-cadres de l'UE pourraient donner l'impulsion nécessaire pour de nouvelles avancées dans les technologies relatives aux systèmes de transport intelligents.

4.7   La crise économique a engendré un phénomène nouveau et de plus en plus dangereux: l'arrivée sur le marché de véhicules particuliers à très bas prix qui sont tout juste conformes aux normes de sécurité. Pour assurer et améliorer la sécurité, il faudrait relever le niveau de sûreté des véhicules déjà en circulation, en les dotant, chaque fois que possible, de nouveaux dispositifs de sécurité. Des contrôles périodiques et des inspections annuelles sont indispensables. La situation est encore pire dans le secteur des deux-roues motorisés, où il est primordial d'assurer une surveillance du marché et des inspections régulières (2). Le Comité estime que l'UE doit réagir en élevant le niveau des normes de sécurité.

4.8   Dans le fil des observations ci-dessus, il apparaît nécessaire d'instaurer une législation européenne prescrivant une nouvelle réception pour les deux-roues motorisés, avec l'obligation que ceux de plus de 150 cc soient dotés d'un système de freinage antiblocage ou combiné, l'instauration d'épreuves d'aptitude à la conduite routière et l'introduction d'une formation du deuxième stade pour leurs conducteurs lors de la révision de la directive sur le permis de conduire. En outre, l'UE devrait apporter son appui à des campagnes de sensibilisation destinées à assurer le respect des règles élémentaires de sécurité.

4.9   La configuration des chaussées et de leurs accotements est un facteur important dans les accidents. Des enquêtes menées sur ce point montrent que l'infrastructure routière y a une part de responsabilité dans quelque 30 % des cas. Il existe donc une forte marge de progression dans ce domaine, où il s'est avéré que les principaux obstacles à une meilleure sécurité ne tiennent pas seulement à des contraintes financières mais aussi à une absence générale de prise de conscience de pareil état de fait. Les statistiques démontrent que les routes de campagne sont souvent les plus dangereuses. Comme condition pour l'octroi de son financement (au titre du Réseau routier transeuropéen ou des Fonds structurels), l'UE devrait exiger que les infrastructures routières concernées soient sûres. En tout état de cause, il est primordial que dans leur conception, leur construction et leur entretien, il soit également tenu compte de la sécurité des deux-roues motorisés.

4.10   Le Comité arrive au constat que l'initiative la plus efficace qui ait été lancée durant la décennie écoulée pour sécuriser les infrastructures a été la directive sur la sécurité dans les tunnels (2004/54/CE), qui constituait l'une des propositions du troisième programme d'action pour la sécurité routière. L'entrée en vigueur de ce texte a eu un impact fort à l'échelle de toute l'Europe.

4.11   Pour la prochaine décennie, le Comité recommande qu'en ce qui concerne le développement des infrastructures, le nouveau programme d'action comporte l'objectif de renforcer la sécurité du réseau routier transeuropéen et de porter au niveau de ce dernier au moins 25 % des autres voiries. Une autre contribution considérable à la sécurité routière serait que le Conseil prenne une décision concernant une directive modifiée sur la gestion de la sécurité des infrastructures qui serait pourvue d'annexes techniques contraignantes et dont le domaine d'application aurait été étendu, de façon à couvrir aussi les routes non reprises dans les réseaux routier transeuropéen, ou encore que soient adoptées des lignes directrices européennes pour une infrastructure de voirie urbaine sûre. Pour le court terme, l'Union européenne doit inciter tous les États membres à adopter rapidement les quatre mesures de sa directive sur les infrastructures: évaluation des incidences sur la sécurité routière, audit de sécurité routière, gestion de la sécurité sur le réseau et inspections de sécurité.

4.12   Le Comité est convaincu qu'un engagement politique fort est un préalable obligé pour la création d'un véritable «espace de sécurité routière» englobant les 27 États membres, car il s'agit d'une responsabilité conjointe. Les décideurs au niveau de l'UE mais aussi dans les États membres, à l'échelon national et régional, devraient être convaincus qu'il leur faut coopérer pour mettre en œuvre des modifications de la législation qui se rapportent au court comme au long terme et soient accompagnées de campagnes d'information de masse. Recourir à l'expertise des grands intervenants privés de la sécurité routière en Europe suscitera l'adhésion et constituera une démarche rentable par rapport à son coût.

4.13   En ce qui concerne le secteur privé, les employeurs qui gèrent des parcs de véhicules de société peuvent faire accomplir un grand pas dans la bonne direction, étant donné que les trajets accomplis pour des tâches professionnelles ou pour rallier le lieu de travail ou en revenir représentent une des plus grosses sources de risques. Les mesures destinées à faire régresser les accidents de la route devraient en effet couvrir toutes les situations de conduite professionnelle, au-delà du seul transport routier de marchandises.

4.13.1   Les employeurs du secteur privé et public se devraient d'encourager les bonnes pratiques qui aboutissent à réduire les collisions sur le chemin du travail, qu'il s'agisse d'encourager leur personnel à basculer vers les transports publics chaque fois que possible, d'élaborer des directives sur la sécurité pour leur parc automobile ou d'en contrôler les performances en la matière. Un bon exemple d'action dans ce domaine est fourni par le projet Praise (3), qui est cofinancé par la Commission européenne et vise à faire progresser la gestion de la sécurité du trafic routier lié au travail et à diffuser le savoir-faire afférent auprès des employeurs. Cette problématique pourrait également intéresser l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA).

4.13.2   Dans une même visée, l'ISO élabore actuellement une nouvelle norme internationale (ISO 39001) sur la sécurité routière au travail, qui devrait être disponible pour la fin 2011. La Commission européenne devrait inviter tous les signataires de la Charte de la sécurité routière à obtenir aussi rapidement que possible la certification ISO 39001.

4.14   Parmi les autres conditions requises pour constituer un «espace de sécurité routière» figurent des données statistiques sur les États membres plus fournies et comparables, des retours annuels d'information de ces derniers vers la Commission, l'instauration d'un dispositif de contrôle et de suivi à l'échelle de l'Union, grâce à une agence européenne de la sécurité routière, une application adéquate et rapide de la législation européenne par l'ensemble des pays de l'UE, une insistance plus poussée sur l'éducation et la formation continue et une attention toute particulière pour les usagers de la route les plus jeunes et les plus âgés.

4.15   Le Comité recommande l'adoption d'un programme d'action qui s'assigne des performances ambitieuses mais réalistes. Pour des raisons politiques, il convient de fixer un objectif global pour la prochaine décennie, tout comme par le passé. En ce qui concerne la diminution du nombre de décès, le Comité n'entend pas intervenir dans le débat en suggérant un pourcentage à atteindre mais recommande fortement que l'on établisse aussi des objectifs spécifiques pour la réduction du nombre de blessés graves et celui des usagers de la route vulnérables, tels que les piétons, les cyclistes et les motocyclistes, qui sont impliqués dans des accidents de la route et blessés.

4.16   En outre, l'UE, agissant éventuellement par le truchement de l'agence de sécurité routière, devrait non seulement fixer l'objectif de long terme mais prévoir également des cibles intermédiaires, en lançant un programme d'assistance technique pour ses États membres qui affichent de moins bonnes performances dans le développement d'une stratégie nationale de réduction des accidents.

Bruxelles, le 15 septembre 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 80, 30 mars 2004, pp. 77-80.

(2)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 30

(3)  PRAISE: acronyme de «Preventing road accidents and injuries for the safety of employees» («Prévenir les accidents et blessures de la route pour la sécurité des salariés», (www.etsc.eu/PRAISE.php).


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