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Document 52010AE1162

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Préparer notre avenir: développer une stratégie commune pour les technologies clés génériques dans l'UE» — COM(2009) 512 final

JO C 48 du 15.2.2011, p. 112–119 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

15.2.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 48/112


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Préparer notre avenir: développer une stratégie commune pour les technologies clés génériques dans l'UE»

COM(2009) 512 final

2011/C 48/20

Rapporteur: M. MORGAN

Le 30 octobre 2009, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régionsPréparer notre avenir: développer une stratégie commune pour les technologies clés génériques dans l’UE”»

COM(2009) 512 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 juillet 2010.

Lors de sa 465e session plénière des 15 et 16 septembre 2010 (séance du 15 septembre 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 112 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE se félicite qu'il soit proposé de mettre l'accent sur les technologies clés génériques. Il confirme également la nécessité d'une R&D puissante axée sur les technologies clés génériques dans les universités et les centres de recherche, afin de stimuler le développement de ces technologies et de soutenir leur mise en œuvre sur le plan commercial et industriel.

1.2   En l'état actuel, cette proposition semble néanmoins n'être qu'une nouvelle initiative de l'UE parmi tant d'autres visant à améliorer l'innovation et l'intensité de la R&D sur le marché intérieur. Les précédentes tentatives n'ont pas été couronnées de succès, comme le montre l'état de la situation exposé dans l'analyse de la Commission (voir paragraphe 3.8 ci-dessous). Il convient d'adopter une nouvelle approche.

1.3   La communication affirme que «bien que la R&D nécessaire et ses applications spécifiques soient essentiellement du ressort des entreprises, les responsables politiques doivent mettre en place les conditions cadres et les instruments de soutien appropriés afin de renforcer les capacités industrielles de l'UE en matière de développement des technologies clés génériques». Cette responsabilité incombe aux États membres, toutefois le CESE estime qu'une telle approche pose problème car, comme l'explique la cinquième partie, les États membres ne disposent pas d'un nombre suffisant d'entreprises à la pointe des hautes technologies pour exploiter de manière adéquate les technologies clés génériques.

1.4   Étant donné que l'éventail des grandes entreprises de technologies de pointe est incomplet, les petites et moyennes entreprises (PME) de l'UE sont confrontées à des problèmes spécifiques. Certaines PME sont d'abord de petites structures, puis deviennent des acteurs d'envergure au niveau international. La plupart des jeunes entreprises («start ups») de haute technologie ont besoin d'avoir une relation avec une grande entreprise afin de s'appuyer sur elle pour se développer et survivre. Beaucoup d'entre elles sont ensuite rachetées par de grandes entreprises qui complètent ainsi leurs propres efforts de R&D. En l'absence d'entreprises de haute technologie, ce sont les sociétés américaines et asiatiques qui deviennent les partenaires puis les propriétaires des PME européennes.

1.5   La communication laisse implicitement entendre que les intérêts de l'UE sont bien définis et compris, mais en réalité ils ne le sont pas. La plupart des entreprises technologiques sont des multinationales ou opèrent à l'échelle mondiale. Peu importe où se trouve le siège et où intervient la cotation en bourse. Les actionnaires sont des entités internationales. Les maillons de la chaîne de valeur que forment la recherche fondamentale, le développement du produit, la fabrication et l'assemblage de celui-ci peuvent se trouver sur des continents différents. L'on peut acquérir la technologie dont on a besoin quel que soit l'endroit où elle se trouve. La gestion de la marque et les ventes interviennent au niveau mondial. En effet, tous les produits sont disponibles partout.

1.6   Dans ce magma d'intérêts, où se trouve celui de l'UE? Il dépend de la manière dont les États membres réussiront à stimuler les entreprises. Il faut que davantage d'entreprises tirent parti des technologies clés génériques. Il convient d'encourager la création d'entreprises dans ce domaine, d'aider les entreprises existantes à se développer, et d'attirer des investissements étrangers. Il faut réveiller la culture d'entreprise qui existe en Europe. Depuis le traité de Rome et, ultérieurement, l'Acte unique européen, l'UE n'a pas réussi à suivre le reste du monde dans la course technologique. Les technologies clés génériques offrent à l'Europe ce qui est probablement sa dernière chance de prendre les devants dans le domaine des produits et services de haute technologie.

1.7   Pour réussir, cette politique devra s'appuyer sur un accroissement des opérations manufacturières en Europe et sur un changement de modèle économique. L'idée que la production industrielle peut être sous-traitée à des pays en développement n'est plus soutenable. L'ingénierie et les techniques de production sont des facteurs essentiels à l'innovation qui est inhérente aux produits de haute technologie. Cette source d'avantage concurrentiel doit être réintégrée en Europe et les jeunes entreprises dans le domaine des nouvelles technologies doivent se développer. De plus, l'Europe a besoin de créer des emplois.

1.8   Le CESE souligne la nécessité d'un juste équilibre entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale. La recherche fondamentale constitue la graine qui doit donner naissance aux innovations durables à long terme et aux nouvelles technologies clés génériques. De même, un juste équilibre entre recherche appliquée et recherche fondamentale est important pour attirer des chercheurs de haut niveau.

1.9   Il est difficile de mettre en œuvre une stratégie centrée sur l'Europe dans un marché mondialisé. Le CESE note que la communication ne contient aucun élément relatif à des mesures de performance, des objectifs ou des dates-cibles qui pourraient permettre d'évaluer le résultat de cette initiative. La première tâche du groupe de haut niveau devra être de préciser ce programme.

1.10   La quatrième partie du présent avis répond à chacune des propositions de la politique relative aux technologies clés génériques. En somme, les principaux points sont les suivants:

faire face aux lacunes du marché intérieur pour encourager les entreprises et mettre en place une stratégie industrielle afin de remédier au considérable déficit dont souffre l'Europe en matière d'entreprises de haute technologie;

faire revenir la production industrielle en Europe et garantir le développement de nouvelles entreprises;

permettre aux entreprises d'obtenir plus facilement des financements pour développer des technologies innovantes;

prévoir des incitations financières pour que l'UE devienne une région favorable aux innovations en matière de technologies clés génériques et aux entreprises de ce même domaine;

susciter une réforme radicale des écoles et des universités afin de fournir les compétences nécessaires;

encourager la constitution de pôles d'innovation composés d'entreprises de haute technologie autour des universités et des centres de recherche;

reconnaître que le monde a changé et adopter des politiques commerciales agressives au niveau international;

veiller à ce que cette initiative soit globale, qu'elle fédère toutes les initiatives connexes de l'ensemble des directions générales.

1.11   La Commission s'inquiète à juste titre du fait qu'en l'absence d'une information correcte, l'opinion publique peut être victime de désinformation et s'opposer, sans fondement raisonnable, à l'introduction de produits ou de services basés sur des technologies clés génériques. Le CESE souhaite apporter son soutien à l'engagement de la société civile afin que les progrès qui sont nécessaires puissent être accomplis. Il convient en toute priorité d'intéresser les citoyens en général, et plus particulièrement les jeunes, aux applications extraordinaires de la science et de la technologie que nous côtoyons chaque jour – qu'il s'agisse de la stupéfiante convergence des technologies, médias et télécommunications (1) telle qu'incarnée par la gamme de produits iPhone, ou de la chaîne de processus biologiques, chimiques, physiques et logistiques mis en œuvre pour produire notre nourriture, en passant par le four à micro-ondes. L'Europe a besoin de davantage de chercheurs qui se donnent pour mission de changer le monde.

1.12   Dans le même temps, le CESE insiste sur l'importance d'adopter une approche conforme au principe de précaution face aux évolutions des technologies clés génériques afin que, malgré l'existence d'un risque, les problèmes climatiques, sanitaires et sociaux soient limités et que le développement devienne durable. Il faut certes prendre des risques en matière de recherche pour ne pas entraver le progrès et les découvertes, mais quand les applications des technologies clés génériques seront produites en grande série, le CESE souhaite qu'elles ne compromettent ni le bien-être de la population, ni la durabilité de l'environnement.

2.   Introduction

2.1   Dans la première section de la communication il est écrit que «l'UE a […] besoin de solides performances en matière d'innovation afin de se doter de tous les moyens nécessaires pour relever les principaux défis sociétaux qui l'attendent». La Commission européenne invite les États membres à convenir de l'importance de déployer les technologies clés génériques dans l'UE. Cet accord est indispensable pour faire de l'UE un terrain d'innovation fertile. Il l'est d'autant plus si l'Europe souhaite devenir un acteur international clé traduisant son engagement en gains sociaux à l'intérieur de ses frontières et au-delà.

2.2   La Commission a suggéré que soit créé un groupe d'experts de haut niveau chargé d'examiner les domaines d'action énumérés dans la quatrième partie ci-dessous. Ce groupe a désormais été créé. Ses membres sont des experts économiques et universitaires des États membres. Afin de créer des synergies, il devrait coopérer avec d'autres groupes d'experts de haut niveau, les groupes d'experts de la Commission et d'autres organes du secteur technologique.

2.3   Le groupe devrait:

examiner la situation concurrentielle des technologies concernées au sein de l'UE en mettant particulièrement l'accent sur le déploiement industriel et l'adéquation avec les défis de nature sociétale;

analyser en profondeur les capacités de recherche et de développement (R&D) des secteurs public et privé en matière de technologies clés génériques au sein de l'UE;

proposer des recommandations politiques spécifiques en vue d'un déploiement industriel plus efficace des technologies clés génériques dans l'UE.

Le CESE souhaite que les travaux du groupe soient fondés sur la prévoyance, l'ambition, et une approche globale.

3.   Technologies clés génériques

3.1   Les technologies clés génériques suivantes ont été identifiées comme présentant le plus grand intérêt stratégique:

3.2   Nanotechnologies est un terme générique qui couvre la conception, la caractérisation, la production et l'application de structures, dispositifs et systèmes par le contrôle de la forme et de la taille à une échelle nanométrique.

3.3   La micro- et la nanoélectronique désigne l'utilisation de composants semi-conducteurs et de sous-systèmes électroniques hautement miniaturisés et leur incorporation dans des produits et des systèmes de dimensions supérieures.

3.4   La photonique est un domaine multidisciplinaire qui englobe la génération, la détection et la gestion de la lumière.

3.5   Les technologies de matériaux avancés permettent de remplacer les matériaux existants par des alternatives moins onéreuses et apportent une nouvelle valeur ajoutée accrue aux produits et aux services. Dans le même temps, ces technologies permettent de réduire la dépendance par rapport aux ressources ainsi que les risques pour l'environnement et les déchets produits.

3.6   La biotechnologie industrielle correspond à l'utilisation de microorganismes ou de leurs composantes, par exemple d'enzymes, pour générer des produits et des substances ayant une utilité industrielle ainsi que des éléments chimiques dotés de propriétés qui ne peuvent pas êtres obtenues grâce aux processus pétrochimiques traditionnels.

3.7   Parvenir à un accord au niveau de l'UE sur le choix des technologies clés génériques est l'objectif premier de la communication. Le choix des technologies déterminera les logiciels qui seront consacrés à ces mêmes technologies et à leurs applications. Le CESE est disposé à laisser au groupe d'experts de haut niveau le soin de compléter le cas échéant la liste des technologies. Il suggère de prêter attention aux systèmes informatiques à haute performance et à la «science de la simulation».

3.8   Selon la Commission, d'importants obstacles empêchent l'UE de développer davantage les technologies clés génériques. S'agissant de la commercialisation et de l'exploitation des nanotechnologies, de certains aspects de la photonique, de la biotechnologie et des matériaux semi-conducteurs, elle fait preuve d'une efficacité moindre que les États-Unis ou que certains pays asiatiques. Dans tous ces domaines, les pouvoirs publics consentent d'importants efforts pour soutenir la R&D mais ces initiatives ne sont pas suffisamment concrétisées par des gains économiques ou sociaux. Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela:

L'UE ne tire pas suffisamment parti de ses propres résultats en matière de R&D.

Les technologies clés génériques sont souvent mal connues ou mal comprises par le grand public.

Il y a une pénurie de main-d'œuvre qualifiée adaptée à la nature multidisciplinaire des technologies clés génériques.

Les niveaux de capital-risque et d'investissements privés mis à la disposition des technologies clés génériques restent comparativement faibles.

La fragmentation des efforts politiques de l'UE est souvent due à un manque de vision à long terme et de coordination.

Dans certains pays tiers, les technologies clés génériques peuvent bénéficier d'aides publiques qui sont souvent opaques et doivent être mieux comprises dans l'UE.

4.   Propositions politiques

4.1   Pour assurer le déploiement efficace des technologies clés génériques, il convient de tenir compte d'une dizaine d'aspects politiques. Dans les paragraphes qui suivent, les parties du texte indiquées en italique correspondent au contenu de la proposition de la Commission.

4.2   Privilégier les technologies clés génériques:

L'un des objectifs essentiels de l'aide publique à la R&D et à l'innovation doit être de garantir que le flux d'innovation est maintenu, surtout dans le contexte du ralentissement économique, et l'adoption de technologies facilitée.

4.2.1   Le CESE soutient pleinement la proposition qui vise à renforcer les programmes bénéficiant de financements publics afin de compenser l'impact de la crise sur le développement technologique. La contraction des profits des entreprises empêche sans nul doute ces dernières à investir dans la R&D. L'accent mis sur la collaboration dans le cadre de mécanismes de financement de l'UE constitue souvent un handicap insurmontable pour les jeunes entreprises de petite taille du secteur des hautes technologies, engagées avec ferveur dans leur mission. Les fonds publics devraient être disponibles sans conditions afin que des capitaux d'amorçage puissent être apportés aux innovateurs et aux entrepreneurs qui travaillent sur la preuve du concept.

4.3   Privilégier le transfert de technologies et les chaînes d'approvisionnement à l'échelle de l'UE:

Le processus de transfert de technologies entre les instituts de recherche et le secteur industriel doit être renforcé (2). Pour créer et maintenir une innovation d'envergure mondiale, il est essentiel que les PME aient davantage accès aux hautes technologies génériques fabriquées en Europe et que des pôles et réseaux d'innovation régionaux soient promus.

4.3.1   Cette mesure porte sur la relation entre les instituts de recherche et l'industrie, et plus spécifiquement les PME. Elle ne concerne pas les pôles industriels formés autour d'universités et de centres de recherche. Il existe une grande différence entre d'une part les PME qui opèrent actuellement dans le cadre de la chaîne d'approvisionnement industriel et qui ont besoin d'accéder aux dernières technologies adaptées à la position qu'ils occupent dans cette même chaîne, et les nouvelles petites PME qui sont mises en place afin de faire progresser les nouvelles connaissances scientifiques ou technologiques issues d'un institut scientifique, d'une université ou du département de recherche d'une entreprise. Bien que le CESE approuve la mesure proposée telle qu'elle est décrite, il préconise également que soit fourni un effort plus significatif pour améliorer les activités universitaires dans le domaine scientifique et technologique ainsi que le soutien du capital risque en faveur des pôles de compétence technologique liés aux universités.

4.3.2   Pour réussir, cette politique devra s'appuyer sur un accroissement des opérations manufacturières en Europe et sur un changement de modèle économique. L'idée que la production industrielle peut être sous-traitée à des pays en développement n'est plus soutenable. L'ingénierie et les techniques de production sont des facteurs essentiels à l'innovation qui est inhérente aux produits de haute technologie. Cette source d'avantage concurrentiel doit être réintégrée en Europe. Cela offre également la possibilité de créer des emplois. Lorsqu'elles se développent, les petites entreprises devraient bénéficier de mesures les incitant à produire en Europe.

4.4   Privilégier la programmation stratégique conjointe et les projets de démonstration:

La Communauté, mais également les États membres et les régions, doivent adopter une approche mieux coordonnée et plus stratégique afin d'éviter les doubles emplois non rentables et de mieux mettre à profit les résultats de la R&D en matière de technologies clés génériques.

Les programmes d'innovation financés au niveau national devraient davantage inciter à des actions de programmation conjointe menées en collaboration entre les États membres. Cela permettrait de réaliser des économies d'échelle et de gamme et faciliterait les alliances stratégiques entre les entreprises européennes.

Étant donné que les coûts des projets de démonstration sont quelquefois nettement supérieurs à ceux de la R&D en amont, une plus grande collaboration à l'échelle de l'UE et une plus forte participation de l'industrie et des utilisateurs pourraient permettre que ces projets soient menés à bien de façon efficace et à un coût abordable.

4.4.1   Cette mesure pourrait être un des remèdes permettant de compléter l'éventail des entreprises de haute technologie de l'UE. Le développement et la démonstration de produits et de services destinés au marché qui répondent aux vrais besoins de celui-ci pourraient permettre de transformer les petites entreprises de haute technologie en grandes structures. Le CESE estime que cette mesure est plus adaptée aux applications scientifiques et technologiques qu'à celles de la recherche fondamentale. Le CESE aimerait que les fonds européens et nationaux soient en priorité consacrés à la concrétisation du potentiel de marché des technologies si souvent mentionné dans les documents de politique et de stratégie. Il convient de déployer un effort concerté pour encourager la création de nouvelles entreprises et l'essor ultérieur des entreprises pouvant leur permettre de devenir des opérateurs compétitifs d'envergure mondiale.

4.4.2   L'on pourrait créer davantage de synergie à partir des initiatives de la Commission en faveur d'une programmation commune pour la recherche et la coopération macrorégionale. Des régimes spéciaux d'encouragement pourraient être destinés expressément aux projets de coopération commune en matière de technologies clés génériques.

4.5   Politiques en matière d'aides d'État:

Une aide d'État bien ciblée qui remédie aux lacunes du marché est un instrument approprié pour renforcer la R&D et favoriser l'innovation dans l'UE. La Commission a l'intention de réexaminer le cadre communautaire applicable aux aides d'État en faveur de la R&D et de l'innovation afin d'en déterminer la pertinence.

4.5.1   De toute évidence, les entreprises établies dans l'UE ne souhaitent pas être en concurrence avec d'autres entreprises de l'UE qui bénéficient d'aides publiques. Cependant, comme le décrit la cinquième partie du présent document, le CESE estime que le principal problème est l'absence de grandes entreprises européennes dans le secteur des technologies de pointe. Le CESE est d'avis que dans ces secteurs, une intervention publique devrait pouvoir stimuler le fonctionnement du marché.

4.5.2   Il peut être approprié de prévoir des mesures spécifiques destinées à aider des États d'Europe centrale ou méridionale à accélérer le développement de leurs infrastructures de haute technologie et parallèlement de leurs infrastructures scientifiques universitaires. Faute de moyens, leur potentiel de recherche est susceptible de rester inexploité.

4.5.3   La Commission devrait en priorité tenter de comprendre pour quelle raison l'éventail des entreprises européennes de technologies de pointe est incomplet et d'envisager de quelle manière y remédier. Dans toutes les grandes régions du monde, les entreprises de haute technologie naissent grâce à l'union des forces du marché et de l'intervention publique. Apple, Google, Microsoft ou Dell sont autant de purs produits des forces du marché. Dans l'UE, l'existence d'un important secteur aérospatial est le fruit de l'intervention publique (ESA, EADS). Les forces du marché ont donné naissance à Nokia, mais aucune autre entreprise comparable n'a vu le jour en Europe. Le groupe d'experts doit trouver le moyen de permettre à l'UE de retrouver sa place dans l'industrie mondiale des technologies de l'information et de la communication. En outre, dans le domaine de l'énergie renouvelable, le succès de l'UE dépend de sa capacité à identifier clairement les entreprises qui sont en mesure de mettre au point et de diffuser de nouveaux carburants et sources d'énergie. Elle doit ensuite soutenir l'essor de ces entreprises.

4.6   Combiner déploiement des technologies clés génériques et politique en matière de lutte contre le changement climatique:

La combinaison entre promotion des technologies clés génériques et lutte contre le changement climatique offrirait d'importantes opportunités économiques et sociales et faciliterait aussi grandement le financement de la part de la charge qui incombera à l'Europe aux termes de l'accord international.

4.6.1   Le CESE pense qu'il convient de donner la priorité au développement de carburants de substitution et de nouvelles technologies pour la production d'énergie motrice, de chaleur et de lumière. Face au changement climatique, la meilleure stratégie est de diversifier les choix énergétiques (3).

4.7   Marchés porteurs et marchés publics:

L'UE a besoin d'un environnement propice à l'exploitation effective des résultats de la recherche pour les transformer en produits. Il convient de promouvoir la demande par le biais de marchés publics et de systèmes tels que l'initiative concernant les marchés porteurs. Les États membres pourraient recourir aux achats publics avant commercialisation et aux marchés publics pour des innovations à grande échelle proches du marché afin de stimuler les marchés émergents des technologies génériques.

4.7.1   Le CESE approuve le concept sur lequel repose cette proposition. Il souhaite que le groupe d'experts de haut niveau définisse des projets prioritaires afin de s'assurer que cette mesure aura le plus grand effet possible.

4.8   Comparaison des politiques nationales en matière de hautes technologies et coopération internationale renforcée:

La Commission effectuera une comparaison au niveau international des politiques en matière de hautes technologies menées dans d'autres pays avancés et dans des pays émergents tels que les États-Unis, le Japon, la Russie, la Chine et l'Inde et étudiera les possibilités d'une coopération plus étroite.

4.8.1   Le CESE soutient l'élaboration d'un vaste programme de comparaison internationale afin de fournir une base au développement de la politique en matière de technologies clés génériques (4). La coopération internationale pourrait s'avérer utile pour les développements à grande échelle, notamment pour les enjeux liés au changement climatique, mais en premier lieu pour les questions de compétitivité. La Commission devrait chercher à tirer des enseignements des stratégies industrielles menées dans d'autres régions.

4.9   Politique commerciale:

Il conviendrait de veiller tout particulièrement à garantir des conditions commerciales favorables aux technologies clés génériques par des moyens bilatéraux et multilatéraux, afin d'éviter les distorsions du marché international, de faciliter l'accès aux marchés et les opportunités d'investissement, d'améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle et de réduire le recours aux subventions et barrières tarifaires et non tarifaires au niveau mondial.

4.9.1   Le CESE est d'avis que l'UE doit renoncer au modèle précédemment en vigueur, qui distinguait pays développés et pays en voie de développement et en vertu duquel les responsables politiques acceptaient l'existence de subventions et d'autres distorsions commerciales dans les pays tiers durant les négociations pluriannuelles visant à remédier à la situation. Dans de nombreux domaines technologiques, l'UE est à la traîne par rapport à l'Asie. Le CESE estime que l'UE devrait à présent être prête à faire face aux subventions et aux distorsions commerciales en y ayant, elle aussi, recours. Lorsque les autres parties seront disposées à rejoindre la table des négociations, l'UE devrait bien entendu être prête à approuver les traités appropriés. En attendant, elle devrait mettre en œuvre une stratégie industrielle afin de reconstruire ses entreprises et de recouvrer une position de force dans le secteur des technologies.

4.10   Instrument de la BEI pour le financement de prêts et le capital-risque:

La Commission continuera à stimuler les investissements en haute technologie et encouragera la Banque européenne d'investissement (BEI) à donner la priorité à l'industrie de pointe en utilisant les programmes existants et en créant de nouveaux instruments afin de faciliter les investissements tout en tenant compte de la crise économique et financière que nous traversons.

Les fonds de capital-risque spécialisés dans les investissements de départ doivent être renforcés. La disponibilité de capital-risque suffisant peut être assurée au moyen de partenariats public-privé qui jouent un rôle essentiel dans la création et le développement d'entreprises à forte intensité de R&D.

4.10.1   La principale force du marché est l'argent. Pour mener à bien le programme relatif aux technologies clés génériques, il faut au préalable renforcer et élargir les ressources financières consacrées au développement.

4.10.2   Selon le CESE, les difficultés techniques d'ordre administratif liées aux mécanismes d'investissement et de financement qui existent dans l'UE ne devraient pas être en mesure de détourner les fonds nécessaires au développement des technologies clés génériques ni des les empêcher d'atteindre leur cible.

4.10.3   Il est très facile de perdre de l'argent dans les investissements consacrés aux technologies de pointe. Le point de vue de la Commission doit aller au-delà du capital et des fonds propres, quelle que soit leur forme. Les individus qui sont à la tête de grandes fortunes personnelles doivent avoir tout intérêt à prendre le risque de placer leur argent dans les jeunes entreprises et ce dès les premières phases de leur existence, avant l'intervention même des capitaux-risques. La R&D consacrée aux technologies de pointe devrait bénéficier d'un maximum d'allègements fiscaux. La taxation des revenus de capitaux provenant de la vente de jeunes entreprises de haute technologie devrait recevoir un traitement favorable. En récompensant les succès, il faut compenser les pertes occasionnées par d'autres investissements. L'UE est moins bienveillante envers les investisseurs et les entrepreneurs que ne le sont les autres régions.

4.11   Compétences, enseignement supérieur et formation:

Les sciences de la nature et l'ingénierie doivent occuper la place qu'elles méritent dans les systèmes éducatifs. Il convient d'augmenter le pourcentage de diplômés dans ces disciplines et de le renforcer davantage en attirant les talents internationaux.

4.11.1   Il est de notoriété publique que les pays d'Asie consacrent d'importants investissements à l'éducation et à l'acquisition de compétences. Le nombre de doctorants issus des universités asiatiques est très fortement supérieur au nombre de doctorants diplômés dans l'UE. Les meilleures universités européennes accueillent de nombreux étudiants d'Asie. Si l'on tient compte du fait qu'au 21e siècle la richesse nationale des pays se décide dans les salles de classe du monde entier, les performances en matière d'enseignement scolaire ou universitaire dans la plupart des États membres de l'UE sont nettement inférieures aux niveaux requis. Pour en avoir la preuve, il suffit de consulter les tableaux comparant, au niveau mondial, les résultats scolaires et le classement des universités.

4.11.2   Il convient d'accorder la priorité à l'amélioration des normes de l'enseignement scolaire, notamment pour ce qui est des mathématiques et des sciences, afin d'encourager les étudiants à se spécialiser dans ces domaines tant à l'école qu'à l'université et de donner envie aux personnes ayant obtenu de bons diplômes dans ces disciplines d'embrasser la profession d'enseignant. Il convient en outre d'identifier un groupe d'universités d'élite qui appliquent des normes d'enseignement et de recherche grâce auxquelles elles peuvent être compétitives à l'échelle mondiale. Il y a aussi lieu de développer des infrastructures liées aux universités (parcs scientifiques) afin de permettre l'incubation de nouvelles PME issues de scissions et de financer les capitaux d'amorçage nécessaires.

4.11.3   Dans de nombreux États membres, l'ampleur du défi dans le domaine de l'éducation est si grande, et l'incapacité des responsables politiques de remédier à ce problème est si flagrante, que la société devra déployer ses ressources selon un véritable plan de bataille avant qu'elle ne soit en mesure d'atteindre les résultats nécessaires.

4.11.4   Il convient en outre d'améliorer et de rendre bien plus attrayantes les conditions-cadres pour l'enseignement et la R&D dans les universités et les centres de recherche. L'UE doit attirer les élites intellectuelles d'autres parties du monde. Les conditions actuelles sont telles que c'est l'inverse qui se produit: l'Europe perd une proportion importante de ses élites intellectuelles, qui gagnent d'autres régions pour y obtenir de meilleures conditions (5). Il importe néanmoins de faciliter la mobilité internationale (6) puisqu'elle est devenue indispensable à la réussite professionnelle.

4.11.5   De même, il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre la promotion de la recherche appliquée et celle de la recherche fondamentale. La recherche fondamentale constitue la graine qui doit donner naissance aux innovations durables à long terme et aux technologies clés génériques. Cet équilibre est également important pour attirer des chercheurs de haut niveau.

5.   Entreprises de haute technologie

5.1   Le CESE est extrêmement préoccupé par le fait qu'il n'existe pas en Europe d'entreprises de haute technologie d'envergure mondiale. Les deux tableaux ci-dessous ont été élaborés à partir du classement des 500 premières entreprises d'envergure mondiale et régionale en termes de capitalisation, répertoriées par le Financial Times en 2010. Ils contiennent des données relatives aux secteurs industriels qui sont les mieux à même d'exploiter les technologies clés génériques.

5.2   Le premier tableau correspond aux 500 principales entreprises d'envergure mondiale. Il montre que l'Europe ne se situe au premier plan dans aucun secteur de haute technologie, à l'exception du secteur chimique.

Les 500 plus grandes entreprises au monde classées par le Financial Times – secteurs technologiques

Secteur

Nombre d'entreprises

 

 

Global

USA

ASIA

EUR

 

Pharmaceutique & Biotechnologie

20

10

3

6

Roche*, Novartis*, Roche*, GSK, Sanofi-Aventis, AstraZeneca, Novo Nordisk

Matériel technologique

21

13

5

2

Nokia, Ericsson

Logiciels et services informatiques

12

6

5

1

SAP

Automobiles et pièces de rechange

11

2

6

3

Daimler, VW, BMW

Chimie

13

4

1

5

Bayer, BASF, Air Liquide, Syngenta*, Linde

Équipements de soins de santé

12

11

0

1

Fresenius

Industries généralistes

13

4

6

2

Siemens, Thyssen Krupp

Ingénierie industrielle

11

3

4

4

ABB*, Volvo, Atlas, Copco, Alstom

Aérospatial et défense

10

7

0

3

BAE Systems, Rolls Royce, EADS

Équipements et services pétroliers

7

4

0

1

Saipem

Produits de loisirs

4

0

3

1

Phillips Electrical

Équipements électroniques et électriques

6

2

3

1

Schneider Electric

Énergies de substitution

1

1

0

0

 

L'Europe correspond à l'UE et à l'AELE. Les entreprises suivie d'un astérisque (*) sont suisses.

Les secteurs industriels qui ne figurent pas dans la présente analyse sont la production du pétrole et du gaz, la sidérurgie, le secteur minier, la construction et les matériaux ainsi que les industries alimentaires et du tabac.

Les secteurs opérationnels qui ne figurent pas dans la liste sont les télécommunications fixes et mobiles, le transport industriel, l'électricité, le gaz, l'eau et les entreprises mixtes.

L'Asie est principalement représentée par le Japon, mais les données incluent également des entreprises originaires de Taïwan, de Corée du Sud, de Hong Kong, de Chine, d'Inde et d'Australie.

5.3   Le second tableau répertorie les 500 premières entreprises américaines, japonaises et européennes. Pour chaque secteur, il indique les capitalisations à l'échelle régionale. Sur les treize secteurs de haute technologie, l'Europe occupe la première place dans le domaine de la chimie, de l'ingénierie industrielle et des énergies alternatives, bien que ce dernier secteur n'en soit encore qu'à ses débuts. La position de l'Europe est également tout à fait respectable dans les secteurs pharmaceutique et biotechnologique. Le Japon est à la pointe en matière d'automobile, d'équipements électriques et électroniques et de produits de loisirs. D'autres pays asiatiques sont également bien représentés dans ces secteurs. Les États-Unis dominent les secteurs dans lesquels ils occupent la première place, à savoir l'industrie pharmaceutique et la biotechnologie, les équipements informatiques, les logiciels et les services informatiques, les équipements et les soins de santé, les industries généralistes, l'aérospatial et la défense ainsi que les équipements et les services pétroliers. Tous ces secteurs sont importants pour l'exploitation des technologies clés génériques.

Les 500 plus grandes entreprises régionales classées par le Financial Times – secteurs technologiques

Secteur

Nombre d'entreprises (#) et capitalisation (en milliards de dollars)

 

États-Unis

Japon

Europe

 

#

$

#

$

#

$

Pharmaceutique et biotechnologie

21

843

24

147

18

652

Matériel technologique

34

1 049

18

164

8

140

Logiciels et services informatiques

25

884

12

58

8

98

Automobiles et pièces de rechange

5

81

37

398

9

186

Chimie

12

182

36

134

18

293

Équipements de soins de santé

31

511

4

24

11

94

Industries généralistes

9

344

8

38

6

127

Ingénierie industrielle

11

165

36

185

18

210

Aérospatial et défense

12

283

7

84

Équipements et services pétroliers

17

271

9

62

Produits de loisirs

5

42

14

181

1

31

Équipements électroniques et électriques

10

124

29

159

6

54

Énergies de substitution

1

10

2

16

Le présent tableau a été établi à partir de la liste des 500 principales entreprises originaires de chacune des trois régions, dressée par le Financial Times. D'une région à l'autre, la palette de représentation des secteurs varie fortement, mais la capitalisation comparée de chaque secteur constitue une mesure utile de l'intensité technologique relative de chaque région.

5.4   Cette analyse permet de conclure que l'UE a besoin d'une stratégie industrielle afin de garantir sa position dans le monde des technologies clés génériques en 2020 et au-delà.

Bruxelles, le 15 septembre 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Ou TMT: Telecommunications, media and (information) technology.

(2)  Cf. JO C 218 du 11.9.2009, p. 8.

(3)  Cf. CESE 766/2010 du 27.5.2010.

(4)  Cf. JO C 306 du 16.12.2009, p. 13.

(5)  Cf. JO C 110 du 30.4.2004, p. 3.

(6)  Cf. JO C 224 du 30.8.2008.


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