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Document 32022D0756

Décision (UE) 2022/756 de la Commission du 30 septembre 2021 concernant les mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (2011/C) (ex 2011/NN) mises à exécution par l’Italie et la Regione Sardegna en faveur de Saremar [notifiée sous le numéro C(2021) 6990] (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

C/2021/6990

JO L 138 du 17.5.2022, p. 19–26 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2022/756/oj

17.5.2022   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

L 138/19


DÉCISION (UE) 2022/756 DE LA COMMISSION

du 30 septembre 2021

concernant les mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (2011/C) (ex 2011/NN) mises à exécution par l’Italie et la Regione Sardegna en faveur de Saremar

[notifiée sous le numéro C(2021) 6990]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Le 6 août 1999, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE») concernant l’aide versée sur la base des contrats de service public initiaux (ci-après les «conventions initiales» aux six sociétés qui formaient à l’époque le groupe Tirrenia (2).

(2)

Au cours de la procédure d’examen, les autorités italiennes ont demandé que l’affaire relative au groupe Tirrenia soit scindée, afin de donner la priorité à l’obtention d’une décision finale concernant uniquement l’entreprise Tirrenia di Navigazione (ci-après «Tirrenia»). Cette demande était motivée par la volonté des autorités italiennes de procéder à la privatisation du groupe, en commençant précisément par Tirrenia, et par l’intention d’accélérer le processus relatif à cette entreprise.

(3)

La Commission a fait droit à la demande des autorités italiennes et, par sa décision 2001/851/CE (3), a clos la procédure ouverte concernant les aides versées à Tirrenia. Lesdites aides ont été déclarées compatibles avec le marché intérieur, sous réserve du respect de certains engagements pris par les autorités italiennes.

(4)

Par sa décision 2005/163/CE (4) (ci-après la «décision de 2004»), la Commission a déclaré que la compensation accordée aux sociétés du groupe Tirrenia autres que Tirrenia (5) elle-même était partiellement compatible avec le marché intérieur, en partie compatible sous réserve du respect d’un certain nombre d’engagements pris par les autorités italiennes et en partie incompatible avec le marché intérieur. La décision de 2004 se fondait sur des données comptables relatives à la période comprise entre 1992 et 2001 et fixait certaines conditions destinées à garantir la compatibilité de la compensation avec le marché intérieur pendant toute la durée des conventions initiales (soit jusqu’en 2008).

(5)

Par arrêt du 4 mars 2009 dans les affaires T-265/04, T-292/04 et T-504/04 (6), le Tribunal a annulé la décision de 2004.

(6)

Le 5 octobre 2011, par sa décision C(2011) 6961 (ci-après la «décision de 2011») (7), la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen à l’égard de plusieurs mesures prises par l’Italie en faveur des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia. L’examen a porté, entre autres, sur les compensations accordées à Saremar – Sardegna Regionale Marittima (ci-après «Saremar») pour l’exploitation de nombreuses lignes maritimes à partir du 1er janvier 2009 ainsi que sur un ensemble d’autres mesures octroyées à cette société.

(7)

La décision de 2011 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne. La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures faisant l’objet de la procédure d’examen.

(8)

Le 7 novembre 2012, la Commission a prolongé la procédure d’examen concernant, entre autres, certaines mesures de soutien accordées par la Regione Sardegna (Région de Sardaigne) à Saremar. Le 19 décembre 2012, la Commission a adopté une version modifiée (8) de cette décision [décision C(2012) 9452 de la Commission, ci-après la «décision de 2012»].

(9)

La décision de 2012 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (9). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures faisant l’objet de la procédure d’examen.

(10)

Par lettre du 14 mai 2013, la Regione Sardegna a demandé à la Commission de séparer les mesures concernant Saremar de la procédure formelle d’examen ouverte par les décisions de 2011 et de 2012 et de donner la priorité aux mesures relatives à cette entreprise en vue, notamment, de sa privatisation imminente.

(11)

La Commission a fait droit à la demande des autorités sardes et, par sa décision (UE) 2018/261 (10) (ci-après la «décision de 2014»), a clos la procédure formelle d’examen concernant certaines mesures accordées par la Regione Sardegna en faveur de Saremar. Sur les cinq mesures adoptées par la Regione Sardegna en faveur de Saremar, quatre ont été appréciées dans le cadre de la décision de 2014, à l’exception du projet «Bonus Sardo –Vacanza» [voir considérant 29 de la présente décision].

(12)

Saremar et la Regione Sardegna ont introduit des recours en annulation de la décision de 2014 devant le Tribunal, lesquels ont été rejetés par les arrêts du 6 avril 2017 dans les affaires T-219/14 (11) et T-220/14 (12). Ni Saremar ni la Regione Sardegna n’ont introduit de pourvoi contre ces arrêts, qui sont désormais définitifs.

(13)

Par sa décision (UE) 2020/1411 (13), la Commission a clos l’examen portant sur les sociétés du groupe Tirrenia autres que Tirrenia elle-même pour la période 1992-2008. La Commission a conclu que les aides accordées pour la prestation de services de cabotage maritime constituaient des aides existantes, tandis que les aides accordées pour la prestation de services de transport maritime international étaient compatibles avec l’encadrement applicable aux services d’intérêt économique général (ci-après «SIEG») de 2011 (ci-après l’«encadrement SIEG de 2011») (14).

(14)

Par sa décision (UE) 2020/1412 (15), la Commission a clos la procédure formelle d’examen concernant les mesures accordées à Tirrenia et à son acquéreur CIN pour la période 2009-2020.

(15)

Par ses décisions (UE) 2021/4268 (16) et (UE) 2021/4271 (17), la Commission a clos la procédure formelle d’examen concernant les mesures accordées à Siremar, à Toremar et à leurs acquéreurs à partir de 2009.

(16)

La présente décision ne concerne que les mesures en faveur de Saremar qui ont été identifiées dans les décisions de 2011 et de 2012 et qui n’étaient pas couvertes par la décision de 2014, comme expliqué aux considérants 28 et 29. La Commission traitera toutes les autres mesures faisant l’objet des décisions de 2011 et de 2012 dans les affaires SA.32014, SA.32015 et SA.32016 dans le cadre de décisions distinctes. Ces mesures concernent en particulier d’autres sociétés de l’ancien groupe Tirrenia (soit Caremar et Laziomar).

2.   CONTEXTE ET DESCRIPTION DES MESURES EN CAUSE

2.1.   Cadre factuel

2.1.1.   Les conventions initiales

(17)

Le groupe Tirrenia, qui appartenait initialement à l’État italien par l’intermédiaire de la société Finanziaria per i Settori Industriale dei Servizi S.p.A. (ci-après «Fintecna») (18), comprenait six sociétés, à savoir Tirrenia, Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar. Ces sociétés assuraient des services de transport maritime sur la base de contrats distincts de service public conclus avec l’Italie en 1991 et restés en vigueur durant vingt ans, de janvier 1989 à décembre 2008. Fintecna détenait 100 % du capital social de Tirrenia. Tirrenia détenait la totalité des actions d’Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (ci-après, conjointement, les «sociétés régionales»). En 2004, Tirrenia a fusionné avec Adriatica qui exploitait de nombreuses lignes maritimes entre l’Italie et l’Albanie/la Croatie/la Grèce/le Monténégro.

(18)

Les conventions initiales avaient pour objet de garantir la régularité et la fiabilité de nombreux services de transport maritime, dont la plupart assuraient la liaison entre l’Italie continentale, d’une part, et la Sicile, la Sardaigne et d’autres îles italiennes plus petites, d’autre part. À cet effet, l’État italien a accordé des aides financières sous la forme de subventions versées directement à chacune des sociétés du groupe Tirrenia.

(19)

Saremar assurait des liaisons de cabotage purement locales entre la Sardaigne et les îles situées au nord-est et au sud-ouest, ainsi qu’une liaison internationale avec la Corse, en vertu de la convention initiale conclue avec l’État.

2.1.2.   La prorogation des conventions initiales

(20)

Les conventions initiales, y compris celle applicable à Saremar, ont été prorogées à trois reprises.

(21)

En premier lieu, l’article 26 du décret-loi no 207 du 30 décembre 2008, converti en loi no 14 du 27 février 2009, a prorogé, jusqu’au 31 décembre 2009, les conventions initiales qui devaient, à l’origine, arriver à échéance le 31 décembre 2008.

(22)

En second lieu, en vue de la privatisation des sociétés du groupe Tirrenia, l’article 19 ter du décret-loi no 135 du 25 septembre 2009 (ci-après le «décret-loi no 135/2009»), converti en loi no 166 du 20 novembre 2009 (ci-après la «loi de 2009»), a prévu le transfert de la participation des sociétés régionales (à l’exception de Siremar) par la société mère Tirrenia comme suit:

a)

Caremar à la Regione Campania (Région de Campanie). Par la suite, la Regione Campania a cédé à la Regione Lazio (Région du Latium) l’entreprise en continuité d’exploitation qui assurait les liaisons de transport avec l’archipel des îles Pontines (créant ainsi Laziomar) (19);

b)

Saremar à la Regione Sardegna;

c)

Toremar à la Regione Toscana (Région de Toscane).

(23)

La loi de 2009 précisait, en outre, que de nouvelles conventions devaient être conclues, avant le 31 décembre 2009, entre l’État italien, d’une part, et Tirrenia et Siremar, d’autre part. De même, les services régionaux devaient faire l’objet de nouveaux contrats de service public qui devaient être conclus entre Saremar, Toremar et Caremar et les autorités régionales respectives au plus tard le 31 décembre 2009 (Sardaigne et Toscane) et le 28 février 2010 (Campanie et Latium). Les nouvelles conventions ou les nouveaux contrats de service public devaient faire l’objet d’une procédure d’appel d’offres, conjointement avec les sociétés elles-mêmes. Les nouveaux propriétaires de chacune de ces sociétés devaient ensuite signer la convention ou le contrat de service public correspondant. (20)

(24)

À cette fin, la loi de 2009 a de nouveau prorogé les conventions initiales, y compris celle applicable à Saremar, du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2010.

(25)

Enfin, la loi no 163 du 1er octobre 2010 portant conversion du décret-loi no 125 du 5 août 2010 (ci-après la «loi de 2010») a prorogé, une nouvelle fois, les conventions initiales (y compris celle applicable à Saremar) du 1er octobre 2010 jusqu’à la date d’achèvement des processus de privatisation de Tirrenia et de Siremar.

2.1.3.   La mise en œuvre de la décision de 2014

(26)

Par la décision de 2014, la Commission a conclu que deux mesures d’aide accordées à Saremar étaient incompatibles avec le marché intérieur, tandis que deux autres mesures ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Dans ce contexte, la Commission a ordonné la récupération:

a)

de 10 000 000 EUR de compensations versées à Saremar pour l’exploitation de deux autres lignes reliant la Sardaigne au continent;

b)

d’une recapitalisation prévue de 6 099 961 EUR (dont 824 309,69 EUR déjà versés à Saremar).

(27)

L’Italie a exécuté la décision de 2014, bien que certaines procédures soient encore pendantes au moment de l’adoption de la présente décision. En particulier:

a)

par lettre du 10 avril 2015, les autorités italiennes ont indiqué que, le 15 janvier 2015, le Tribunale di Cagliari avait décidé d’admettre Saremar à la procédure de concordat préventif. Le but de la procédure était de vendre tous les actifs de Saremar et de satisfaire les créances des créanciers, sans que Saremar poursuive son activité commerciale au-delà d’une certaine date (initialement fixée au 31 décembre 2015). Les créances relatives aux aides d’État avaient été inscrites au rang approprié et incluaient les intérêts de récupération courus jusqu’au 1er juillet 2014, pour un montant de 11 131 231,60 EUR. C’est à cette date que Saremar a demandé à être admise à la procédure de concordat préventif, qui, en vertu du droit italien, suspend l’accumulation des intérêts (21);

b)

par lettre du 28 octobre 2015, les autorités italiennes ont informé la Commission que la procédure de vente des navires de Saremar serait séparée de la procédure d’attribution des obligations de service public gérées par la société. Elles ont également transmis le décret du Tribunale di Cagliari du 22 juillet 2015, qui a validé la procédure de concordat préventif (dite «omologazione»), et ont informé la Commission que huit manifestations d’intérêt avaient été reçues pour les navires de Saremar. Par lettre du 21 janvier 2016, les autorités italiennes ont confirmé que Saremar ne poursuivrait ses activités que jusqu’au 31 mars 2016. Les autorités italiennes ont également indiqué que les navires de Saremar avaient été vendus à la société Delcoservizi Srl (ci-après «Delcoservizi») et qu’ils seraient effectivement livrés au plus tard le 30 avril 2016. Elles ont ajouté que la procédure d’attribution du service public était toujours en cours et que deux manifestations d’intérêt avaient été reçues;

c)

par lettre du 19 mai 2016, les autorités italiennes ont communiqué que le contrat de service public avait été attribué à Delcomar Srl (ci-après «Delcomar»). En conséquence, Saremar a cessé d’exploiter les lignes de transport maritime le 31 mars 2016 et, le 1er avril 2016, Delcomar a commencé à assurer le service public. Les autorités italiennes ont également fait savoir à la Commission qu’après le transfert des actifs de Saremar, qui a également eu lieu le 31 mars 2016, le conseil régional de Sardaigne avait ordonné la liquidation de la société par décision no 24/23 du 22 avril 2016. Dans cette décision, le conseil régional constatait que, Saremar ayant cessé toute activité le 31 mars 2016, il n’y avait plus d’intérêt à maintenir la société, de sorte qu’il serait procédé à sa mise en liquidation et à la nomination d’un nouveau liquidateur;

d)

par lettre du 20 juillet 2016, les autorités italiennes ont informé la Commission que, sur la base des fonds obtenus à la suite de la liquidation des actifs de Saremar et de l’inscription au tableau des créances, seuls 4 452 226,42 EUR (environ 40 % des montants dus) pouvaient être affectés au remboursement des aides d’État. Elles ont également confirmé que Saremar licenciait tout son personnel, qu’elle serait radiée du registre du commerce une fois la liquidation achevée et qu’il n’existait aucun lien de quelque nature que ce soit entre le vendeur des actifs (Saremar) et l’acquéreur (Delcoservizi). Enfin, par lettre du 17 juillet 2017, les autorités italiennes ont apporté la preuve du versement de 4 452 226,42 EUR par les liquidateurs de Saremar à la Regione Sardegna.

2.2.   Mesures relevant du champ d’application des décisions de 2011 et de 2012

(28)

Les mesures suivantes ont été appréciées dans le cadre de la procédure formelle d’examen ouverte par les décisions de 2011 et de 2012:

(1)

la compensation versée pour la prestation de SIEG dans le cadre de la prorogation des conventions initiales (mesure 1);

(2)

la prorogation illégale de l’aide au sauvetage en faveur de Tirrenia et de Siremar (mesure 2);

(3)

la privatisation des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia (22) (mesure 3);

(4)

la compensation versée pour la prestation de SIEG dans le cadre des futures conventions ou des futurs contrats de service public (mesure 4);

(5)

la priorité d’accostage (mesure 5);

(6)

les mesures prévues par la loi de 2010 (mesure 6);

(7)

les cinq mesures supplémentaires adoptées par la Regione Sardegna en faveur de Saremar (mesure 7).

(29)

Par sa décision de 2014, la Commission a clos la procédure formelle d’examen concernant quatre des cinq mesures adoptées par la Regione Sardegna en faveur de Saremar et indiquées en tant que mesure 7 ci-dessus. Par contre, elle n’est pas parvenue à une conclusion sur la cinquième mesure: le projet «Bonus Sardo –Vacanza» (23). Pour Saremar, la Commission n’a donc pas encore pris position sur la compatibilité avec le marché intérieur des mesures 1, 3, 4, 5 et 6, ainsi que du projet «Bonus Sardo –Vacanza».

3.   LIQUIDATION DU BÉNÉFICIAIRE ET ABSENCE DE CONTINUITÉ ÉCONOMIQUE

(30)

La Commission rappelle que le régime de contrôle ex ante des nouvelles mesures d’aide par la Commission, prévu à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE vise à éviter l’octroi d’aides incompatibles avec le marché intérieur (24). En ce qui concerne la récupération des aides incompatibles, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pouvoir de la Commission d’enjoindre aux États membres de récupérer les aides qu’elle déclare incompatibles avec le marché intérieur vise à éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel dont le bénéficiaire de ces aides a profité sur le marché, rétablissant ainsi la situation antérieure au versement desdites aides (25). Si une société n’est pas en mesure de rembourser l’aide, l’État membre concerné est tenu, pour procéder à la récupération, de provoquer la liquidation de la société (26) et donc la cessation de ses activités et la vente de ses actifs aux conditions du marché.

(31)

En d’autres termes, l’objectif principal du contrôle des aides d’État est d’empêcher l’octroi d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Par conséquent, si la concurrence sur le marché intérieur est faussée par l’octroi d’aides d’État illégales et incompatibles, il faut veiller à ce que la situation antérieure à cette distorsion de concurrence soit rétablie, si nécessaire, par la liquidation du bénéficiaire.

(32)

Dans ce contexte, la Commission note que les mesures en suspens visées aux considérants 28 et 29 concernent soit Saremar, actuellement en liquidation (mesures 1 et «Bonus Sardo –Vacanza»), soit les successeurs de Saremar après sa privatisation (mesures 3 et 4), soit les deux (mesures 5 et 6). Toutefois, la privatisation de Saremar n’a pas eu lieu comme décrit et apprécié à titre préliminaire aux considérants (149) et (150), (238) à (246), (305) et (306) de la décision de 2012. Saremar a été liquidée, et ses actifs ainsi que l’attribution du service public ont fait l’objet de deux procédures distinctes.

(33)

En droit italien (27), lorsqu’une société est mise en liquidation, ses actifs sont vendus et le produit de la vente est transféré aux créanciers, en fonction du rang de leurs créances dans le tableau des créances. Dans ce contexte, la Commission doit d’abord déterminer s’il est encore utile de poursuivre l’examen concernant Saremar et, dans la négative, s’il peut y avoir une continuité économique entre Saremar et d’autres sociétés, sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice.

(34)

En ce qui concerne Saremar, la Commission relève tout d’abord que, le 15 janvier 2015, à la suite de la décision de 2014, Saremar a été admise à la procédure de concordat préventif et qu’un liquidateur a été nommé. En droit italien, cette procédure vise normalement à garantir la poursuite des activités commerciales. Toutefois, la Commission souligne qu’en l’espèce, la société a été admise à une procédure de concordat préventif avec cession des actifs, c’est-à-dire à une procédure de liquidation, convenue avec les créanciers, pour la vente des actifs de la société et la cessation de ses activités, laquelle ne prévoit la poursuite des activités que pendant une période limitée. Cette procédure est supervisée par un juge, qui doit valider l’accord entre les créanciers. En l’espèce, la Commission note que, le 22 juillet 2015, le Tribunale di Cagliari a validé l’accord entre les créanciers de Saremar et prévu la poursuite des activités jusqu’au 31 décembre 2015 [voir considérant 27]. Par conséquent, la Commission considère que la procédure choisie impliquait déjà que Saremar sortirait du marché à l’issue de celle-ci.

(35)

En effet, la Commission note que Saremar a cessé toutes ses activités économiques le 31 mars 2016 [voir considérant 27], y compris les services de transbordeurs sur les lignes exploitées sur la base d’un contrat de service public. Depuis lors, le contrat de service public a été confié à Delcomar et, parallèlement, les navires de Saremar ont été vendus à Delcoservizi. Après la vente des actifs de Saremar, le 22 avril 2016, le conseil régional de Sardaigne a ordonné la liquidation de la société par décision no 24/23.

(36)

En outre, l’Italie a correctement exécuté la décision de 2014, quoiqu’avec un certain retard. La demande de remboursement de l’aide d’État d’un montant de 10 824 309,69 EUR, majoré des intérêts de récupération, a été dûment inscrite au tableau des créances de la société. Sur ce montant, seuls quelque 4 400 000 EUR ont pu être versés à l’Italie après la vente des actifs de Saremar. Toutefois, étant donné que la procédure d’insolvabilité de Saremar a abouti à sa liquidation et que la société n’exerce plus aucune activité (28), la Commission a provisoirement clos la procédure de récupération par lettre adressée à l’Italie le 13 septembre 2017.

(37)

Sur la base de ce qui précède, la Commission constate que Saremar n’exerce aucune activité économique depuis plus de cinq ans, que ses actifs ont été vendus, que son personnel a été licencié et qu’elle sera radiée du registre du commerce à l’issue de la procédure de liquidation. Toute distorsion de concurrence éventuelle ou affectation des échanges par les mesures visées aux considérants 28 et 29 a pris fin lorsque Saremar a cessé ses activités. En outre, la demande de récupération formulée dans la décision de 2014 n’avait déjà été satisfaite qu’en partie [pour environ 40 % du montant dû, voir considérants 27 et 36].

(38)

Dans ce contexte, la Commission note que les objectifs susmentionnés en matière de contrôle des aides d’État et de récupération sont déjà atteints: l’octroi d’aides d’État incompatibles est évité et la situation antérieure à la distorsion de concurrence induite par les aides d’État incompatibles avec le marché intérieur est rétablie. En effet, Saremar n’est plus un opérateur économique présent sur le marché et est déjà en liquidation, et les créances relatives aux aides d’État ont été remboursées à la suite de la vente des actifs de la société, même si elles ne l’ont été que partiellement en raison du manque de fonds. Par conséquent, il n’y a aucun intérêt à poursuivre l’examen concernant Saremar.

(39)

S’agissant de la continuité économique potentielle entre Saremar et ses successeurs, selon la jurisprudence, les facteurs suivants peuvent être pris en compte: l’objet du transfert (actifs et passifs, maintien de la force de travail, actifs groupés), le prix du transfert, l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise qui reprend et de l’entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu (après le début de l’enquête, l’ouverture de la procédure ou la décision finale) ou encore la logique économique de l’opération (29).

(40)

Dans ce contexte, la Commission note que, dans le cadre de la procédure de récupération aux fins de l’exécution de la décision de 2014, elle a déjà examiné si l’obligation de remboursement de l’aide accordée à Saremar aurait dû être étendue à d’autres entreprises auxquelles les actifs ou les activités du bénéficiaire auraient pu être transférés. En effet, dans le cadre de cette procédure de récupération, la Commission a admis que l’obligation de récupération serait uniquement dirigée contre Saremar, excluant l’existence d’une continuité économique avec Delcomar ou Delcoservizi (ci-après, conjointement, les «successeurs»), pour les raisons suivantes:

a)

l’exploitation de services de transbordeurs sur les lignes dans le cadre d’un contrat de service public et l’attribution des navires ont eu lieu au moyen de deux procédures d’appel d’offres distinctes, transparentes, publiques et non discriminatoires;

b)

les salariés de Saremar ont été licenciés et seulement partiellement réembauchés par les successeurs (30);

c)

les successeurs sont des opérateurs privés, tandis que Saremar est détenue à 100 % par la Regione Sardegna; par conséquent, aucun lien n’a pu être établi entre le vendeur et l’acquéreur des actifs;

d)

les décisions d’investissement ou d’offre prises par les successeurs sont des décisions de marché.

(41)

Depuis la clôture provisoire de la procédure de récupération, la Commission n’a reçu aucune information susceptible de l’amener à changer de position à cet égard. Par conséquent, sur la base des informations disponibles, l’existence d’une continuité économique entre Saremar et Delcomar ou Delcoservizi, ou les deux, peut être exclue. La Commission continuera à suivre la liquidation de Saremar jusqu’à sa radiation du registre du commerce, ce qui permettra la clôture définitive de la procédure de récupération ouverte par la décision de 2014 (31).

(42)

Dans ce contexte, eu égard à la liquidation de Saremar et à l’absence de continuité économique avec ses successeurs, la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures encore pendantes accordées en faveur de Saremar ou de ses successeurs, ouverte en vertu de l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, du TFUE, est devenue sans objet.

(43)

La présente décision ne concerne pas les autres questions relevant des décisions de 2011 et de 2012 (32) ou portées à l’attention de la Commission par les parties intéressées lors de la procédure d’examen ouverte aux termes desdites décisions, et elle ne préjuge pas de la position qui sera adoptée à leur égard,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La procédure ouverte le 5 octobre 2011 en vertu de l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, du TFUE et prorogée le 19 décembre 2012 à l’encontre de Saremar et de ses successeurs est close.

Article 2

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 30 septembre 2021.

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  JO C 28 du 1.2.2012, p. 18. et JO C 84 du 22.3.2013, p. 58.

(2)  JO C 306 du 23.10.1999, p. 2. L’ancien groupe Tirrenia était constitué des sociétés Tirrenia di Navigazione S.p.A., Adriatica S.p.A., Caremar – Campania Regionale Marittima S.p.A., Saremar – Sardegna Regionale Marittima S.p.A., Siremar – Sicilia Regionale Marittima S.p.A. et Toremar – Toscana Regionale Marittima S.p.A.

(3)  Décision 2001/851/CE de la Commission du 21 juin 2001 concernant les aides d’État versées par l’Italie à la compagnie maritime Tirrenia di Navigazione (JO L 318 du 4.12.2001, p. 9).

(4)  Décision 2005/163/CE de la Commission du 16 mars 2004 concernant les aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia) (JO L 053 du 26.2.2005, p. 29).

(5)  En particulier: Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar.

(6)  Arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione/Commission, affaires jointes T-265/04, T-292/04 et T-504/04, ECLI:EU:T:2009:48.

(7)  JO C 28 du 1.2.2012, p. 18.

(8)  Toutes les modifications concernaient des mesures accordées en faveur de Saremar.

(9)  JO C 84 du 22.3.2013, p. 58.

(10)  Décision (UE) 2018/261 de la Commission du 22 janvier 2014 concernant les mesures d’aide SA.32014 (2011/C), SA.32015 (2011/C) et SA.32016 (2011/C) mises à exécution par la Regione Sardegna en faveur de Saremar [notifiée sous le numéro C(2013) 9101] (JO L 49 du 22.2.2018, p. 22).

(11)  Arrêt du Tribunal du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T-219/14, ECLI:EU:T:2017:266.

(12)  Arrêt du Tribunal du 6 avril 2017, Saremar/Commission, T-220/14, ECLI:EU:T:2017:267.

(13)  Décision (UE) 2020/1411 de la Commission du 2 mars 2020 concernant l’aide d’État C 64/99 (ex NN 68/99) mise à exécution par l’Italie en faveur des compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (groupe Tirrenia) (JO L 332 du 12.10.2020, p. 1).

(14)  Communication de la Commission — Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (JO C 8 du 11.1.2012, p. 15).

(15)  Décision (UE) 2020/1412 de la Commission du 2 mars 2020 concernant les mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (11/C) (ex 11/NN) mises à exécution par l’Italie en faveur de Tirrenia di Navigazione et de son acquéreur Compagnia Italiana di Navigazione (JO L 332 du 12.10.2020, p. 45).

(16)  Non encore publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

(17)  Non encore publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

(18)  Fintecna est entièrement détenue par le ministère de l’économie et des finances et est spécialisée dans la gestion des participations et les processus de privatisation; elle s’occupe, en outre, de projets de rationalisation et de restructuration de sociétés en proie à des difficultés industrielles, financières ou organisationnelles.

(19)  Cette cession a été formalisée le 1er juin 2011.

(20)  Article 19-ter, paragraphe 10, du décret-loi no 135/2009.

(21)  Voir les points 130 et 133 de la communication de la Commission sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (JO C 247 du 23.7.2019, p. 1).

(22)  Cela inclut le versement différé, par CIN, d’une partie du prix d’achat pour l’acquisition de la branche d’entreprise Tirrenia ainsi que diverses mesures prétendument complémentaires d’aide, dans le cadre de la privatisation de la branche d’entreprise Siremar (comme l’octroi d’une contre-garantie et l’augmentation de capital par l’État en faveur de CdI).

(23)  La décision de 2014 indiquait que ce projet serait apprécié dans une décision distincte.

(24)  Arrêt de la Cour de Justice du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország, C-75/18, ECLI:EU:C:2020:139, point 19.

(25)  Arrêt de la Cour de justice du 11 décembre 2012, Commission/Espagne («Magefesa II»), C-610/10, ECLI:EU:C:2012:781, point 105.

(26)  Arrêt de la Cour de Justice du 17 janvier 2018, Commission/Grèce («United Textiles»), C-363/16, ECLI:EU:C:2018:12, point 36.

(27)  Décret royal no 267 du 16 mars 1942, tel que modifié (également connu sous le nom de «loi sur les faillites»).

(28)  Voir le point 129 de la communication de la Commission sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (JO C 247 du 23.7.2019, p. 1).

(29)  Arrêt du Tribunal du 24 septembre 2019, Fortischem a.s./Commission, T-121/15, ECLI:EU:T:2019:684, point 208.

(30)  Selon les informations dont dispose la Commission, moins de 20 % des effectifs de Saremar auraient été repris par Delcomar.

(31)  Voir les points 136 à 140 de la communication de la Commission sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (JO C 247 du 23.7.2019, p. 1).

(32)  Voir les considérants 6 et 8 de la présente décision.


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