Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 32018D1575

    Décision (UE) 2018/1575 de la Commission du 9 août 2018 concernant les mesures SA.28973 — C 16/2010 (ex NN 22/2010, ex CP 318/2009) mises en œuvre par la Grèce en faveur de certains casinos grecs [notifiée sous le numéro C(2018) 5267] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.)

    C/2018/5267

    JO L 262 du 19.10.2018, p. 61–70 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    Legal status of the document In force

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2018/1575/oj

    19.10.2018   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    L 262/61


    DÉCISION (UE) 2018/1575 DE LA COMMISSION

    du 9 août 2018

    concernant les mesures SA.28973 — C 16/2010 (ex NN 22/2010, ex CP 318/2009) mises en œuvre par la Grèce en faveur de certains casinos grecs

    [notifiée sous le numéro C(2018) 5267]

    (Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    LA COMMISSION EUROPÉENNE,

    vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

    vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

    après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations, conformément aux dispositions précitées (1),

    considérant ce qui suit:

    1.   PROCÉDURE

    (1)

    Le 8 juillet 2009, le consortium Loutraki A.E. — Club Hotel Loutraki A.E. (2) (ci-après le «plaignant» ou le «casino de Loutraki») a adressé une plainte à la Commission européenne (ci-après la «Commission») ayant pour objet les dispositions de la législation grecque régissant un régime de taxes sur les droits d'entrée dans les casinos, en faisant valoir qu'un tel régime constituait une aide d'État en faveur de certains exploitants de casinos. Par courrier électronique du 7 octobre 2009, le plaignant a déclaré qu'il n'avait pas d'objection à ce que son identité soit publiée. Le 14 octobre 2009, les services de la Commission ont rencontré des représentants du plaignant. Par lettre du 26 octobre 2009, le plaignant a produit des documents supplémentaires à l'appui de sa plainte.

    (2)

    Le 21 octobre 2009, la Commission a communiqué la plainte à la Grèce en lui demandant d'apporter des éclaircissements sur les questions qui y étaient soulevées. Le 27 novembre 2009, la Grèce a répondu à la Commission.

    (3)

    Le 15 décembre 2009, la Commission a transmis la réponse au plaignant. Le 29 décembre 2009, le plaignant a répondu en présentant des observations sur la réponse de la Grèce.

    (4)

    Le 25 février, les 4 et 23 mars et le 13 avril 2010, la Commission a demandé à la Grèce de plus amples informations, que la Grèce lui a transmises le 10 mars et les 1er et 21 avril 2010.

    (5)

    Par décision du 6 juillet 2010 (ci-après la «décision d'ouvrir la procédure»), la Commission a averti la Grèce qu'elle ouvrait la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le «TFUE») concernant la mesure mise en œuvre par la Grèce, à savoir l'imposition d'une taxe plus faible sur les droits d'entrée de certains casinos (ci-après dénommée la «mesure»). La décision d'ouvrir la procédure, qui invitait les parties intéressées à présenter leurs observations, a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (1).

    (6)

    Le 4 août 2010, la Commission a reçu des observations sur la décision d'ouvrir la procédure de la part des deux destinataires présumés de la mesure: le casino du Mont Parnès (3) et le casino de Thessalonique (4).

    (7)

    Par lettre du 6 octobre 2010, la Commission a reçu les observations de la Grèce sur la décision d'ouvrir la procédure. Le 12 octobre 2010, les autorités grecques ont présenté des renseignements complémentaires concernant la mesure attaquée.

    (8)

    Par lettres des 8 et 25 octobre 2010, le plaignant a présenté ses observations sur la décision d'ouvrir la procédure.

    (9)

    Par lettre du 29 octobre 2010, la Commission a transmis aux autorités grecques les observations présentées par le casino du Mont Parnès et le casino de Thessalonique. Par lettre du 6 décembre 2010, les autorités grecques ont présenté leurs commentaires sur les observations des tiers intéressés.

    (10)

    Le 24 mai 2011, la Commission a adopté la décision 2011/716/UE (5) (ci-après dénommée la «décision finale de 2011»), par laquelle elle concluait que la mesure en cause constituait une aide d'État illégale et incompatible et ordonnait la récupération de ladite aide.

    (11)

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2011, la République hellénique a formé un recours en annulation contre la décision finale de 2011 (affaire T-425/11). Des recours en annulation ont également été introduits par Étaireia Akiniton Dimosiou A.E. (affaire T-419/11), le casino de Thessalonique (affaire T-635/11), le casino du Mont Parnès (affaire T-14/12) et Athens Resort Casino A.E. Symmetochon (affaire T-36/12), actionnaire du casino de Thessalonique et du casino du Mont Parnès.

    (12)

    Par arrêt du 11 septembre 2014 dans l'affaire T-425/11, République hellénique/Commission européenne (6) (ci-après dénommé l'«arrêt de 2014»), le Tribunal a annulé la décision finale de 2011, après avoir conclu que la Commission n'avait pas établi l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.

    (13)

    Le 22 novembre 2014, la Commission a formé un pourvoi contre l'arrêt de 2014. Par ordonnance du 22 octobre 2015 dans l'affaire C-530/14 P, Commission/République hellénique (7) (ci-après l'«ordonnance de 2015»), la Cour a rejeté le pourvoi de la Commission et a confirmé l'arrêt de 2014. En conséquence, le Tribunal a estimé que les demandes d'annulation présentées par Étaireia Akiniton Dimosiou A.E., le casino de Thessalonique, le casino du Mont Parnès et Athens Resort Casino A.E. Symmetochon contre la décision finale de 2011 étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait désormais plus lieu de statuer à cet égard.

    (14)

    La Commission devait donc réexaminer la mesure et adopter une nouvelle décision finale.

    (15)

    Le 14 avril 2017, le casino de Loutraki a déposé une nouvelle plainte par laquelle il demandait à la Commission d'adopter une nouvelle décision concluant que la mesure est contraire à l'article 108, paragraphe 3, TFUE et incompatible avec le marché intérieur et ordonnant la récupération de l'aide.

    (16)

    Le 17 novembre 2017, la Commission a notifié la nouvelle plainte à la Grèce et a invité cette dernière à présenter ses observations. En réponse à une demande de la Grèce d'obtenir des traductions en grec, la Commission a de nouveau envoyé les documents en langue grecque le 20 décembre 2017. Le 26 janvier 2018, la Grèce a répondu à la Commission.

    2.   LA MESURE EXAMINÉE

    2.1.   La mesure

    (17)

    La mesure examinée est un régime de taxes sur les droits d'entrée des casinos en Grèce qui était en vigueur jusqu'en novembre 2012. En vertu dudit régime, les taxes qui étaient imposées sur les billets d'entrée dans les casinos en Grèce étaient différentes selon que le casino était public ou privé.

    (18)

    Depuis 1995, tous les casinos en Grèce doivent percevoir de chaque client 15 EUR au titre de droit d'entrée. Ensuite, ils sont tenus de reverser 80 % de ce montant (soit 12 EUR) à l'État grec comme taxe sur les droits d'entrée. Ils ont le droit de retenir les 20 % restants du billet (3 EUR), qui sont réputés constituer une rémunération pour l'émission du billet et la couverture de leurs frais.

    (19)

    Une exception concernant le montant du droit d'entrée imposé par les casinos a été appliquée dans la pratique pour les casinos qui appartiennent à l'État (ci-après les «casinos publics») ainsi que pour le casino privé de Thessalonique. Ces casinos sont tenus de percevoir 6 EUR par client au titre de droit d'entrée. Ensuite, ils sont tenus de reverser 80 % de ce montant (soit 4,80 EUR) à l'État grec en tant que taxe sur les droits d'entrée. Ils ont le droit de retenir les 20 % restants du billet (1,20 EUR), qui sont réputés constituer une rémunération pour l'émission du billet et la couverture de leurs frais.

    (20)

    Du fait de la mesure, les casinos privés reversent à l'État 12 EUR par visiteur, alors que les casinos publics et le casino de Thessalonique reversent à l'État 4,80 EUR par visiteur. La loi donne également aux casinos la possibilité de permettre à des clients d'entrer gratuitement, auquel cas les casinos sont pareillement tenus de verser à l'État une taxe d'entrée de 12 EUR ou de 4,80 EUR par visiteur, même s'ils ne percevaient pas de droit d'entrée.

    2.2.   Les dispositions pertinentes de la législation nationale

    (21)

    Avant l'ouverture du marché grec des casinos en 1994, trois casinos seulement opéraient en Grèce, à savoir le casino du Mont Parnès, le casino de Corfou et le casino de Rhodes. À l'époque, ces casinos étaient des entreprises publiques exploitées en tant que clubs de l'Office du tourisme hellénique (ci-après désigné l'«EOT») appartenant à l'État (8). Le droit d'entrée pratiqué par ces casinos avait été fixé par décisions du secrétaire général de l'EOT (9) à 1 500 drachmes (environ 4,50 EUR) ou 2 000 drachmes (environ 6 EUR). Après l'adoption de l'euro par la Grèce en 2002, le montant de 6 EUR a été fixé comme droit d'entrée légal pour tous les casinos publics.

    (22)

    Après l'ouverture du marché grec des casinos en 1994, à la suite de l'adoption de la loi 2206/1994 (10), trois nouveaux casinos privés sont venus s'ajouter aux trois casinos publics existants. L'article 2, paragraphe 10, de la loi 2206/1994 prévoyait que le prix des billets d'entrée dans les casinos de certaines régions serait fixé par un arrêté ministériel, qui déterminerait également le pourcentage de recettes de l'État sur le prix du billet. Par arrêté ministériel (11) du 16 novembre 1995 (ci-après dénommé l'«arrêté ministériel de 1995») du ministre des finances, il a été décidé qu'à partir du 15 décembre 1995, toutes les entreprises exploitant des casinos en vertu de la loi 2206/1994 (12) devaient émettre un billet d'entrée d'un montant de 5 000 drachmes (13) (environ 15 EUR). Conformément à l'arrêté ministériel de 1995, les exploitants de casinos étaient également soumis par la loi à l'obligation de retenir 20 % du prix, en ce compris la TVA correspondante, au titre de rémunération pour l'émission du billet et la couverture des dépenses, tandis que le reliquat était considéré comme un droit de l'État (14). L'arrêté ministériel de 1995 prévoyait la possibilité pour les casinos d'accorder l'entrée gratuite dans des cas précis (15). Dans ces cas, les casinos devaient tout de même reverser 80 % du prix légal du billet à l'État, même s'ils ne percevaient pas le montant du billet (16). Selon l'arrêté ministériel de 1995, chaque casino devait reverser les droits de l'État tous les mois (17). L'arrêté prévoyait également certaines réductions pour les billets d'une durée de 15 et de 30 jours (18). Après l'adoption de l'euro par la Grèce en 2002, le montant légal normal du droit d'entrée dans les casinos a été fixé à 15 EUR.

    (23)

    Bien que l'exploitation des casinos en Grèce soit régie, de manière générale, par la loi 2206/1994 et l'arrêté ministériel de 1995, les casinos du Mont Parnès, de Corfou et de Rhodes, appartenant à l'État, avaient été exemptés de l'application de ladite loi et de l'arrêté de 1995 jusqu'à ce que la commission des casinos leur octroie une licence d'exploitation. Plus précisément, la loi 2160/1993 prévoyait que ces casinos continueraient à fonctionner en tant que clubs de l'EOT, sur la base des dispositions concernant l'EOT — à savoir la loi 1624/1951 (19), le décret-loi 4109/1960 (20) et la loi 2160/1993 (21). En conséquence, les casinos du Mont Parnès, de Corfou et de Rhodes ont continué de pratiquer un droit d'entrée de 6 EUR.

    (24)

    Par contre, tous les nouveaux casinos privés créés après la promulgation de la loi 2206/1994 se sont conformés à l'arrêté ministériel de 1995 et ont appliqué le prix de 15 EUR aux billets d'entrée, à l'exception du casino de Thessalonique. Le casino de Thessalonique, bien qu'il ait été créé et ait obtenu une licence d'exploitation en 1995 en vertu de la loi 2206/1994, appliquait le droit d'entrée inférieur de 6 EUR en vigueur pour les casinos publics jusqu'en novembre 2012, en invoquant le décret-loi 2687/1953 (22), qui prévoyait que les entreprises créées par l'investissement de capitaux étrangers bénéficient d'un traitement au moins aussi favorable que celui appliqué aux autres entreprises similaires nationales (23). L'obligation faite au casino de Thessalonique de reverser à l'État 80 % de la valeur nominale des billets d'entrée était d'application depuis l'octroi de sa licence en 1995 (24).

    (25)

    Selon les autorités grecques, il convient de considérer les dispositions spéciales applicables aux casinos publics qui existaient avant la loi 2206/1994 comme des exceptions à l'application des dispositions générales de la loi 2206/1994 et de l'arrêté ministériel de 1995. Par conséquent, l'arrêté ministériel de 1995 était censé ne pas s'appliquer aux casinos publics jusqu'à la date où ceux-ci ont obtenu leur licence en vertu de la loi 2206/1994 — aussi bien en ce qui concerne le montant du droit d'entrée normal de 15 EUR qu'en ce qui concerne l'obligation de reverser 80 % de ce montant à l'État. Toutefois, comme le prix du billet d'entrée des casinos publics restait exceptionnellement au niveau de 6 EUR, étant donné que les décisions préexistantes de l'EOT étaient considérées comme des dispositions dérogatoires particulières (lex specialis préexistante) non affectées par les dispositions générales de la loi 2206/1994 et l'arrêté ministériel de 1995, les casinos publics ne payaient que 80 % des 6 EUR. Les décisions de l'EOT n'ont été considérées comme non applicables que lorsque les casinos, après leur privatisation, ont cessé d'appartenir totalement à l'État. Ce n'est qu'après ce changement que ces casinos se sont mis à appliquer le droit d'entrée normal de 15 EUR et qu'ils ont été tenus de reverser 80 % des 15 EUR en tant que droit en faveur de l'État.

    (26)

    Une autre exception à l'application des règles générales de la loi 2206/1994 et de l'arrêté ministériel de 1995 s'appliquait en faveur du casino du Mont Parnès, après sa privatisation partielle, en vertu de la loi 3139/2003, qui disposait explicitement que le droit d'entrée du casino du Mont Parnès resterait à 6 EUR.

    (27)

    En 2000, l'EOT a été remplacé en tant qu'exploitant des casinos du Mont Parnès et de Corfou par Elleniki Étaireia Touristikis Anaptyxis A.E. (ci-après désignée l'«ETA»), société appartenant à part entière à l'État grec. De la fin 2000 à 2003, date de l'octroi des licences auxdits casinos sur la base de la loi 2206/1994, l'ETA a commencé (25), d'abord volontairement, puis en vertu de l'article 24 de la loi 2919/2001, à se conformer progressivement aux obligations des casinos fixées par la loi 2206/1994, afin de préparer aussi ces deux anciens clubs appartenant à l'État à l'obtention d'une licence de casino en bonne et due forme et à leur privatisation. Au cours de cette période transitoire, l'ETA a notamment reversé à l'État 80 % du droit d'entrée de 6 EUR que percevaient les casinos du Mont Parnès et de Corfou. D'après les informations fournies à la Commission, aucun autre arrêté ministériel n'a été adopté et le casino de Corfou a continué à appliquer un droit d'entrée de 6 EUR jusqu'à sa privatisation en août 2010 (26), date à laquelle il a commencé à appliquer le droit d'entrée de 15 EUR.

    (28)

    Pour ce qui est du casino de Rhodes, la licence d'exploitation prévue par la loi 2206/1994 a été délivrée en 1996 (27). Toutefois, le casino a continué à appliquer le droit d'entrée réduit jusqu'en 1999 et n'a commencé à pratiquer le prix de 15 EUR qu'après sa privatisation en avril 1999.

    (29)

    En novembre 2012, la Grèce a adopté une nouvelle législation (28) qui prévoyait la fixation d'un droit d'entrée général uniforme pour tous les casinos, publics et privés, d'un montant de 6 EUR, et, en même temps, l'obligation pour tous les casinos de retenir 20 % (1,20 EUR) du prix d'entrée au titre de taxe pour l'émission du billet et la couverture de leurs frais et de reverser chaque mois à l'État les 80 % restants (4,80 EUR) du prix d'entrée, qui constitue un droit de l'État. La Grèce a confirmé que la législation en question continue d'être en vigueur aujourd'hui.

    3.   MOTIFS AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

    (30)

    La Commission a ouvert la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, TFUE en émettant des doutes quant au traitement fiscal discriminatoire en faveur de plusieurs casinos grecs, nommément cités, qui bénéficient d'une taxation plus favorable que celle à laquelle les autres casinos du pays sont soumis.

    (31)

    La Commission a considéré que la mesure attaquée dérogeait aux dispositions générales de la législation grecque fixant le niveau normal des charges grevant le prix des billets des casinos et qu'elle renforçait par conséquent la position concurrentielle des bénéficiaires de la mesure.

    (32)

    La Commission a observé que la mesure attaquée semblait constituer une perte de ressources publiques pour l'État grec et qu'elle procurait un avantage aux casinos pratiquant un droit d'entrée inférieur. En réponse à l'argument des autorités grecques selon lequel le bénéficiaire direct d'un droit d'entrée inférieur est le client, la Commission a fait remarquer que les subventions aux consommateurs peuvent constituer une aide d'État en faveur des entreprises lorsque la subvention est subordonnée à l'utilisation d'un bien ou d'un service particulier fourni par une entreprise donnée (29).

    (33)

    La Commission a également observé qu'apparemment, le niveau de la taxation n'était pas déterminé en fonction des conditions de chaque casino (30) et elle a provisoirement conclu que la mesure était sélective (31).

    (34)

    La Commission a estimé que la mesure attaquée était susceptible de fausser la concurrence entre les casinos en Grèce, ainsi que la concurrence sur le marché des rachats d'entreprises européennes. La Commission a souligné qu'elle respectait pleinement le droit des États membres à réglementer les jeux d'argent sur leur territoire sous réserve du respect du droit de l'Union, mais qu'elle ne pouvait accepter que ces arguments ôtent à la mesure litigieuse tout effet de distorsion de la concurrence ou toute incidence sur les échanges entre les États membres. Les exploitants dans le secteur concerné sont souvent des groupes hôteliers internationaux, dont la décision d'investir pourrait être influencée par la mesure, et les casinos pourraient en effet être un moyen d'inciter les touristes à se rendre en Grèce. La Commission a ainsi conclu que la mesure était de nature à fausser la concurrence et à affecter les échanges entre les États membres (32).

    (35)

    La Commission est arrivée à la conclusion provisoire que la mesure constituait une aide illégale, car elle avait été mise en œuvre par les autorités grecques sans l'approbation préalable de la Commission, et qu'elle relevait par conséquent de l'article 15 du règlement de procédure alors en vigueur [règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (33)] en ce qui concernait la récupération des aides (34).

    (36)

    La Commission n'a pas formulé de motifs sur lesquels elle aurait pu se fonder pour considérer la mesure attaquée compatible avec le marché intérieur, puisqu'elle a estimé que cette mesure constitue une aide au fonctionnement injustifiée en faveur des casinos bénéficiaires (35).

    (37)

    Enfin, la Commission a observé que si ses soupçons selon lesquels la mesure comportait une aide d'État incompatible devaient se confirmer, elle serait alors obligée, en vertu de l'article 14, paragraphe 1, du règlement de procédure, d'enjoindre la Grèce à récupérer les aides auprès de leurs bénéficiaires, sauf si cela était contraire à un principe général du droit (36).

    4.   OBSERVATIONS DE LA GRÈCE ET DES TIERS INTÉRESSÉS

    (38)

    Au cours de la procédure formelle d'examen, la Commission a reçu des observations de la part de la Grèce, du casino du Mont Parnès, du casino de Thessalonique et du casino de Loutraki.

    4.1.   Observations de la Grèce et des casinos du Mont Parnès et de Thessalonique

    (39)

    Les observations présentées par le représentant des casinos bénéficiaires du Mont Parnès et de Thessalonique étant identiques en substance à celles présentées par les autorités grecques, elles ont été récapitulées en bloc dans la présente section.

    (40)

    Aussi bien les autorités grecques que les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique mettent en doute l'existence d'une aide d'État au motif qu'il n'y a aucune perte de recettes pour l'État ou, que si elle existe, aucun avantage n'en découle pour les casinos.

    (41)

    Les autorités grecques font valoir que la différenciation des prix du billet est exclusivement une question de réglementation des prix, car la taxe perçue représente une proportion uniforme de la valeur correspondante des billets d'entrée émis.

    (42)

    D'après les autorités grecques, la fixation du prix du billet d'entrée et le reversement à l'État ne visent pas à créer des recettes pour l'État, mais à décourager les personnes provenant de catégories à faibles revenus de participer aux jeux d'argent. Le fait que la pratique des droits d'entrée rapporte également des recettes à l'État n'altère pas sa nature en tant que mesure de contrôle. Par conséquent, les autorités grecques considèrent que l'imposition d'un billet d'entrée d'une certaine valeur aux clients des casinos qui pénètrent dans les salles de jeux d'argent des casinos constitue une mesure de contrôle administratif à titre onéreux sans toutefois présenter un caractère fiscal, et qu'elle ne peut être tenue pour une charge fiscale, conformément à l'arrêt no 4027/1998 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d'État — la juridiction administrative suprême en Grèce).

    (43)

    En ce qui concerne les différences de prix des billets d'entrée entre différents casinos, la Grèce soutient que les conditions économiques et sociales des divers casinos sont différentes et qu'elles ne peuvent être comparées. Les autorités grecques prétendent que la différenciation des droits d'entrée se justifie par des motifs de politique publique et par le fait que «les conditions de chaque casino justifient et sont tout à fait compatibles avec la pratique consistant à fixer un droit d'entrée différent pour les casinos situés près des grands centres urbains […] et ceux de la province […], où habitent principalement des populations agricoles, qui ont majoritairement des revenus et un niveau d'éducation plus faibles et qui doivent être davantage dissuadées de participer aux jeux d'argent que les habitants des régions urbaines».

    (44)

    En ce qui concerne l'observation du plaignant (casino de Loutraki) selon laquelle le prix des billets d'entrée du casino de Corfou est passé de 6 à 15 EUR lorsque celui-ci a été privatisé en 2010, les autorités grecques répondent qu'en raison de la situation géographique éloignée de l'île de Corfou, ce casino ne fait pas concurrence à tous les autres casinos grecs (et, par conséquent, la concurrence n'est pas faussée). Les autorités grecques soutiennent par ailleurs qu'il est impératif que le prix du billet soit dissuasif pour des motifs de protection des habitants de Corfou, puisque le changement des conditions de fonctionnement du casino après sa privatisation entraînera inévitablement une augmentation spectaculaire des heures d'ouverture, de ses activités en général et de son attractivité.

    (45)

    Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique font valoir que, même s'il existait un avantage pour les casinos dont le droit d'entrée est inférieur (puisqu'ils attirent plus de clients), il n'y aurait alors pas, en vertu du même raisonnement, de pertes de ressources pour l'État. En outre, il n'est pas sûr qu'en appliquant un droit d'entrée plus élevé, ces bénéficiaires présumés produiraient plus de recettes pour l'État, si bien que l'allégation relative à la perte de recettes dénoncée est hypothétique. Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique soulignent aussi que c'est le client qui bénéficie de l'avantage résultant d'un droit d'entrée inférieur et que la part du prix du billet retenue par le casino est supérieure dans les casinos dont le droit d'entrée est fixé à 15 EUR, qui constitue par conséquent leur avantage à eux.

    (46)

    Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique soutiennent également que la concurrence ou les échanges ne sont pas affectés car chaque casino dessert un marché local. Ils contestent l'existence éventuelle d'une concurrence avec d'autres formes de jeux d'argent comme indiqué dans la décision d'ouvrir la procédure, en signalant que, jusqu'à présent, la fourniture de jeux d'argent par l'internet est interdite en Grèce.

    (47)

    Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique prétendent aussi que, même si l'on considère que le droit d'entrée réduit de 6 EUR pouvait ou peut influencer la décision d'une entreprise étrangère d'investir dans une société de casino en Grèce, l'opérateur étranger pourrait dans tous les cas recourir au décret-loi 2687/1953, comme l'a fait la société Hyatt Regency Xenodocheiaki kai Touristiki (Thessaloniki) A.E., s'agissant du casino de Thessalonique.

    (48)

    Pour ce qui est des allégations du plaignant selon lesquelles les bénéficiaires ont la possibilité d'accorder une entrée gratuite, tandis qu'ils sont tenus, dans le même temps, de reverser 80 % du billet, ce qui prouve par conséquent de manière très claire que la mesure présente un caractère d'aide, les autorités grecques font valoir que cette pratique «constitue une exception», d'une part, parce que les casinos semblent utiliser cette exception pour offrir une entrée gratuite principalement à des personnalités officielles ou à des célébrités et, d'autre part, parce que cette pratique est contraire à la législation fiscale (loi 2238/1994) puisque la dépense résultant du reversement de 80 % du prix du billet à l'État sur les ressources propres de l'entreprise n'est pas reconnue comme une dépense productive et qu'elle ne peut être déduite des recettes de l'entreprise (ce qui exposerait l'entreprise se livrant à une telle pratique à d'importances charges fiscales).

    (49)

    Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique attirent par ailleurs l'attention de la Commission sur d'autres différences existant entre les casinos et résultant de mesures fiscales et réglementaires différentes. Ainsi, ces différences, qui sont supposées favoriser le casino de Loutraki (le plaignant), compensent les avantages dont les bénéficiaires de la mesure profitent en raison du prix inférieur des billets d'entrée. La principale mesure invoquée à ce titre est que chaque casino verse un pourcentage de ses bénéfices bruts annuels à l'État, mais que, conformément à la loi, ce pourcentage est plus faible pour le casino de Loutraki que pour les autres. À cet égard, la Commission fait cependant remarquer tout d'abord que, pour autant que toutes les conditions prévues par la législation de l'Union en vigueur en matière d'aides d'État soient remplies, ces autres mesures invoquées par les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique, si elles existent, peuvent constituer une mesure d'aide distincte en faveur du casino de Loutraki. Quoi qu'il en soit, ces mesures étant distinctes de la mesure examinée, elles ne sont pas abordées par la présente décision.

    (50)

    Les autorités grecques et les casinos du Mont Parnès et de Thessalonique n'ont pas présenté d'observations en ce qui concerne la compatibilité et la légalité de l'aide.

    (51)

    Répondant à une nouvelle plainte déposée par le plaignant le 14 avril 2017 et, plus précisément, à son allégation selon laquelle la plus forte attractivité des casinos bénéficiaires, due au droit d'entrée inférieur et à la pratique largement répandue d'offrir des billets gratuits, a eu pour effet le détournement de la demande et l'augmentation des recettes globales et a procuré, par conséquent, un avantage à ces casinos (voir ci-après, considérant 56), les autorités grecques ont fait valoir que l'augmentation des recettes globales de ces casinos n'est liée ni au droit d'entrée inférieur ni à l'offre de billets gratuits.

    4.2.   Observations du casino de Loutraki

    (52)

    Le casino de Loutraki soutient que les mesures prévues par les dispositions de la législation nationale constituent une discrimination fiscale en faveur de certains casinos dans la mesure où l'obligation de reverser à l'État le droit uniforme de 80 % du billet d'entrée des casinos s'applique à une assiette fiscale différente — c'est-à-dire aux deux prix de billets différents fixés par l'État. Dans la mesure où le billet d'entrée des casinos bénéficiaires de la mesure est sensiblement moins cher que celui des autres casinos (soit 6 EUR au lieu de 15 EUR), la mesure entraîne une perte de recettes pour l'État et équivaut donc à une aide d'État, vu la distorsion de concurrence qu'elle provoque.

    (53)

    Le casino de Loutraki soutient en outre que la mesure est privée de justification objective car l'application d'un droit d'entrée inférieur dans les casinos bénéficiaires est en fait contraire à l'objectif social et aux motifs et caractéristiques justifiant la fixation d'un droit d'entrée aux casinos, tels que décrits dans l'arrêt no 4027/1998 du Symvoulio tis Epikrateias. Le casino de Loutraki fait valoir que l'on ne saurait raisonnablement soutenir que le contrôle administratif et la protection sociale pourraient être réalisés par l'imposition de droits d'entrée différents — plus précisément, en pratiquant un droit d'entrée de 6 EUR au casino du Mont Parnès, distant d'environ 20 km du centre d'Athènes, alors qu'au casino de Loutraki, distant d'environ 85 km du centre d'Athènes, il est à 15 EUR, ou, de même, en pratiquant un droit d'entrée de 6 EUR au casino de Thessalonique, situé à seulement 8 km du centre de la ville de Thessalonique, alors qu'au casino de Chalcidique, situé à environ 120 km du centre de Thessalonique, il est à 15 EUR.

    (54)

    Le casino de Loutraki fait remarquer que, bien que la Grèce ait fait valoir précédemment que le droit d'entrée inférieur de 6 EUR était justifié compte tenu des conditions particulières prévalant pour chacun des casinos bénéficiaires et liées essentiellement à leur situation géographique (qui détermine certaines particularités économiques, sociales, démographiques ou autres), le casino de Corfou a néanmoins porté le prix du billet à 15 EUR en août 2010, en même temps que sa privatisation, sans que rien ne vienne expliquer les motifs pour lesquels les conditions particulières précitées ne seraient plus en vigueur.

    (55)

    En ce qui concerne les mesures distinctes invoquées par la Grèce et le casino du Mont Parnès et supposées favoriser le casino de Loutraki (essentiellement parce que le casino de Loutraki verserait à l'État une proportion de ses bénéfices annuels bruts plus faible que d'autres casinos), le casino de Loutraki soutient que, dans la pratique, il a versé le même montant que ses concurrents en vertu d'un accord distinct avec les autorités.

    (56)

    Dans ses nouvelles observations du 14 avril 2017, après l'annulation par le Tribunal de la décision finale de 2011 de la Commission, le casino de Loutraki souligne que l'avantage conféré par la mesure litigieuse consiste dans la plus forte attractivité des casinos bénéficiaires, ainsi que dans l'accroissement des recettes totales des bénéficiaires qui en résulte. D'après le casino de Loutraki, la Commission devra reconnaître l'existence d'un tel avantage et adopter une nouvelle décision concluant que la mesure en cause a conféré un tel avantage aux bénéficiaires, en tenant compte de toutes les informations présentées par les autorités grecques au cours de la procédure ayant précédé la décision finale de 2011.

    (57)

    En outre, le casino de Loutraki soutient que la pratique largement répandue des casinos bénéficiaires consistant à octroyer des billets gratuits constitue un troisième élément, indépendant, de l'avantage qu'ils ont obtenu. En ce qui concerne cet élément, le casino de Loutraki demande à la Commission de fournir toutes les informations et les preuves requises pour constater que la pratique consistant à octroyer des billets gratuits était habituelle et largement répandue et qu'elle outrepassait les objectifs de l'exception prévue dans l'arrêté ministériel de 1995.

    (58)

    Le casino de Loutraki fait valoir que la mesure remplit également les autres critères relatifs aux aides d'État et qu'elle est incompatible avec le marché intérieur et que, par conséquent, la Commission devra adopter une nouvelle décision concluant que la mesure a été illégalement mise en œuvre en violation de l'article 108, paragraphe 3, TFUE et ordonnant la récupération de l'avantage.

    5.   APPRÉCIATION DE LA MESURE

    (59)

    Aux termes de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Pour qu'une mesure soit qualifiée d'aide au sens de cette disposition, il convient que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (37).

    (60)

    En ce qui concerne la troisième condition permettant de conclure à l'existence d'une aide, une distinction est établie entre les conditions relatives à l'avantage et celles qui ont trait à la sélectivité afin de s'assurer que ce ne sont pas toutes les mesures étatiques conférant un avantage (c'est-à-dire celles qui améliorent la situation financière nette d'une entreprise) qui constituent des aides d'État, mais seulement celles qui accordent un tel avantage de manière sélective à certaines entreprises, à certaines catégories d'entreprises ou à certains secteurs économiques (38).

    (61)

    L'avantage est un avantage économique qu'une entreprise n'aurait pas pu obtenir dans les conditions normales du marché, c'est-à-dire en l'absence d'intervention de l'État (39). Seul l'effet de la mesure sur l'entreprise est pertinent, et non la raison ni l'objectif de l'intervention de l'État (40). Un avantage existe dès lors que la situation financière d'une entreprise est améliorée du fait d'une intervention de l'État réalisée à des conditions autres que les conditions normales du marché. Pour évaluer l'existence ou non d'un avantage, il convient de comparer la situation financière de l'entreprise après l'introduction de la mesure avec sa situation financière si cette mesure n'avait pas été prise (40). Étant donné que seul l'effet de la mesure sur l'entreprise est pris en compte, il n'est pas utile de savoir si l'avantage est obligatoire pour l'entreprise du fait qu'elle ne pourrait l'éviter ou le refuser (41).

    (62)

    La forme exacte de la mesure n'a pas non plus d'importance pour ce qui est de déterminer si la mesure confère un avantage à l'entreprise (42). Non seulement l'octroi d'avantages économiques positifs est pertinent pour la notion d'aide d'État, mais l'exonération de charges économiques peut également constituer un avantage. Cette notion est une notion générale qui inclut tout allégement des charges économiques qui grèvent normalement le budget d'une entreprise (43). Elle couvre toutes les situations dans lesquelles des opérateurs économiques sont déchargés des coûts inhérents à leurs activités économiques (44).

    (63)

    Dans l'arrêt de 2014, le Tribunal a indiqué que la taxation différente des droits d'entrée dans les casinos publics et privés en Grèce ne constitue pas une réduction de la taxe en faveur des casinos publics conférant un avantage au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon le Tribunal, «il résulte de la mesure en cause que les montants reversés à l'État par les casinos au titre du droit de ce dernier sur les billets d'entrée ne sont que le prorata de ce que chaque casino perçoit au titre des droits d'entrée. Par suite, […] la mesure sous examen ne correspond pas à une diminution de l'assiette fiscale, puisque les sommes à reverser par chaque casino équivalent à un prorata de 80 % de l'ensemble des droits d'entrée qu'il a effectivement encaissés. […] dans la mesure où la charge de 80 % reversée à l'État par tous les casinos est calculée au prorata de ce qu'ils ont effectivement perçu au titre des droits d'entrée sur les billets vendus» (45), «le fait que, par l'effet de la mesure examinée, les casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 6 EUR reversent à l'État des sommes moindres que celles reversées à ce dernier par les casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 15 EUR ne suffit pas à établir l'existence d'un avantage à l'égard des casinos relevant de la première catégorie» (46).

    (64)

    Dans l'ordonnance de 2015, la Cour a confirmé ce raisonnement, en déclarant que «c'est à bon droit que le Tribunal s'est fondé sur le fait que la différence qui existe entre les deux montants absolus devant être reversés à l'État grec correspond au même pourcentage des différents montants perçus par les deux catégories de casinos» (47).

    (65)

    Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut que la mesure litigieuse ne confère pas d'avantage au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.

    (66)

    En ce qui concerne la pratique de l'octroi de billets gratuits, le Tribunal a estimé dans l'arrêt de 2014 que «les casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 6 EUR sont avantagés, dans la mesure où, sur un droit d'entrée identique perçu (égal à zéro), ils reversent à l'État un droit inférieur à celui versé par les casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 15 EUR» (48). Toutefois, il a ensuite estimé que, puisque le système des droits d'entrée dans les casinos en Grèce ne confère pas d'avantage aux casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 6 EUR, on ne saurait considérer qu'il renforce l'avantage conféré par ledit système (49). Le Tribunal a ensuite indiqué que «dès lors que le système des droits d'entrée aux casinos ne confère pas d'avantage au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne les billets d'entrée vendus et que l'État membre concerné peut permettre l'émission de billets gratuits pour des motifs précis et justifiés, tels que les actions promotionnelles et les obligations sociales, il est raisonnable pour cet État membre de poser comme condition supplémentaire que les droits qui lui auraient autrement été reversés le soient également dans l'hypothèse des billets gratuits» (50). En conséquence, le Tribunal a exclu l'existence d'un avantage distinct et spécifique résultant de la pratique des billets gratuits (51).

    (67)

    Dans l'ordonnance de 2015, la Cour a confirmé ce raisonnement en déclarant que, puisque «le Tribunal a jugé à bon droit que la seule différence entre les sommes versées à l'État par billet d'entrée vendu ne confère aucun avantage aux casinos pour lesquels s'applique un droit d'entrée de 6 EUR», la pratique consistant à offrir des billets gratuits ne saurait renforcer cet avantage (52).

    (68)

    Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut que la pratique consistant à offrir des billets gratuits ne confère pas d'avantage au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.

    (69)

    Enfin, le plaignant soutient que le régime des droits d'entrée dans les casinos en Grèce a eu pour conséquence l'attrait accru des casinos publics auprès des clients, dû au droit d'entrée légal fixé à un niveau inférieur, ainsi que l'augmentation de leurs recettes globales (c'est-à-dire la création d'autres sources de revenu, comme les jeux d'argent, l'hébergement et les services de bar et de restaurant), qui résulte des clients supplémentaires attirés par le prix moins élevé du billet d'entrée. Tout comme pour les billets gratuits, dès lors que le régime des droits d'entrée dans les casinos en Grèce ne confère pas en soi d'avantage aux casinos publics, on se saurait soutenir qu'une attractivité accrue ou des recettes supplémentaires obtenues grâce à davantage de clients en raison du droit d'entrée inférieur constituent un avantage. De toute façon, même si l'existence d'un tel avantage pouvait être établie, seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État peuvent constituer une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE (53). Selon la Cour, une conséquence indirecte négative pour les recettes publiques découlant de mesures réglementaires ne constitue pas un transfert de ressources d'État lorsque cette conséquence est inhérente à la mesure en cause (54). Par exemple, des mesures nationales qui fixent un prix minimum pour certains biens n'impliquent pas un transfert de ressources d'État (55). Bien que le montant différent de la taxe reversée à l'État grec par les casinos publics et les casinos privés entraîne effectivement une perte de ressources d'État, il n'y a pas de perte de ressources d'État du seul fait que les casinos publics ont été autorisés à pratiquer un droit d'entrée inférieur à celui des casinos privés. Par conséquent, la Commission conclut que l'avantage invoqué par le plaignant, même si son existence était établie, n'est pas accordé au moyen de ressources d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.

    (70)

    Dès lors qu'une mesure doit remplir cumulativement les quatre conditions visées à l'article 107, paragraphe 1, TFUE pour constituer une aide d'État, il n'est pas nécessaire en l'espèce d'examiner si les autres conditions sont remplies.

    6.   CONCLUSION

    (71)

    Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut que le système de taxes sur les droits d'entrée des casinos en Grèce qui était en vigueur jusqu'en novembre 2012 ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

    A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

    Article premier

    Le système de taxes sur les droits d'entrée des casinos en Grèce qui était en vigueur jusqu'en novembre 2012 ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

    Article 2

    La République hellénique est destinataire de la présente décision.

    Fait à Bruxelles, le 9 août 2018.

    Par la Commission

    Margrethe VESTAGER

    Membre de la Commission


    (1)  JO C 235 du 31.8.2010, p. 3.

    (2)  Consortium D.A.E.T. — Loutraki A.E. — Club Hotel Loutraki A.E., rue Voukourestiou 11, Akti Posidonos 48, Loutraki, Athènes 10671, Grèce.

    (3)  Casino du Mont Parnès, société anonyme «Elliniko Kazino Parnithas A.E.», rue Agiou Konstantinou 49, 15124 Maroussi (Attique), Grèce.

    (4)  Casino de Thessalonique, «Regency Entertainment Psychagogiki kai Touristiki A.E.», rue Agiou Konstantinou 49, 15124 Maroussi (Attique), Grèce, et 13e km odou Thessalonikis-Polygyrou, 55103 Thessalonique, Grèce.

    (5)  Décision 2011/716/UE de la Commission du 24 mai 2011 concernant l'aide d'État C 16/10 (ex NN 22/10, ex CP 318/09) mise en œuvre par la Grèce en faveur de certains casinos grecs (JO L 285 du 1.11.2011, p. 25).

    (6)  Arrêt du 11 septembre 2014 dans l'affaire T-425/11, République hellénique/Commission européenne, EU:T:2014:768.

    (7)  Ordonnance du 22 octobre 2015 dans l'affaire C-530/14 P, Commission européenne/République hellénique, EU:C:2015:727.

    (8)  Les trois casinos étaient exploités en tant que clubs de l'EOT en vertu de la loi 1624/1951, du décret 4109/1960 et de la loi 2160/1993. Plus tard, en vertu de la loi 2636/1998 et de la loi 2837/2000, l'Elliniki Étaireia Touristikis Anaptyxis (Société grecque de développement touristique, ETA), appartenant en totalité à l'État, a remplacé l'EOT en tant qu'exploitant des casinos de Corfou et du Mont Parnès, après l'octroi de licences aux deux casinos susmentionnés en vertu de la loi 3139/2003 (l'EOT a continué d'exploiter le casino de Rhodes jusqu'à l'octroi d'une licence en 1996).

    (9)  Plus précisément, les décisions du secrétaire général de l'EOT (adoptées conformément à la loi 1624/1951 et au décret 4109/1960) sont les suivantes: la décision no 535633 de l'EOT du 21 novembre 1991 (relative à la fixation du droit d'entrée du casino du Mont Parnès à 2 000 drachmes); la décision no 508049 de l'EOT du 24 mars 1992 (relative à la fixation du droit d'entrée aux casinos de Corfou et de Rhodes à 1 500 drachmes); et la décision no 532691 de l'EOT du 24 novembre 1997 (relative à la hausse du droit d'entrée du casino de Corfou à 2 000 drachmes).

    (10)  Loi 2206/1994 intitulée «Création, organisation, fonctionnement et contrôle des casinos et autres dispositions», Journal officiel de la République hellénique (FEK) no 62 du 20 avril 1994

    (11)  Arrêté ministériel no 1128269/1226/0015/POL.1292 du 16 novembre 1995 — FEK no 982/B/1995.

    (12)  Paragraphe 1 de l'arrêté ministériel de 1995: «À compter du 15 décembre 1995, il est fait obligation aux exploitants de casinos (loi 2206/1994) d'émettre un billet d'entrée par personne conformément aux dispositions spécifiques des paragraphes suivants.»

    (13)  Paragraphe 5 de l'arrêté ministériel de 1995: «La valeur du billet d'entrée à la salle des “machines” ou des “tables” est fixée de manière uniforme à cinq mille (5 000) drachmes.»

    (14)  Le premier alinéa du paragraphe 7 de l'arrêté ministériel de 1995 dispose ce qui suit: «Un pourcentage de vingt pour cent (20 %) est retenu par la société de casino sur la valeur totale au titre de droit de vente et de couverture des dépenses, en ce compris la TVA correspondante, le reliquat constituant le droit de l'État.»

    (15)  Le paragraphe 6 de l'arrêté ministériel de 1995 dispose ce qui suit: «Lorsque le casino ne perçoit pas de droit d'entrée auprès de certaines personnes pour des raisons de promotion professionnelle ou par obligation sociale, des billets portant la mention “à titre gratuit” sont émis à partir d'une série spéciale ou d'un additionneur spécial de la caisse enregistreuse fiscale.»

    (16)  Le deuxième alinéa du paragraphe 7 de l'arrêté ministériel de 1995 dispose ce qui suit: «Les billets émis “à titre gratuit” aux clients donnent lieu au versement du droit en faveur de l'État sur la base de la valeur des billets du jour concerné, visée au paragraphe 5 du présent arrêté.»

    (17)  Le premier alinéa du paragraphe 10 de l'arrêté ministériel de 1995 dispose ce qui suit: «Les droits en faveur de l'État sont versés au service de taxation compétent pour l'imposition sur le revenu de l'entreprise avant le 10e jour de chaque mois par le dépôt d'une déclaration portant sur les droits perçus au cours du mois précédent.»

    (18)  Les premier et deuxième alinéas du paragraphe 8 de l'arrêté ministériel de 1995 disposent ce qui suit: «Par analogie avec les dispositions visées aux paragraphes 2 et 7 ci-dessus, [les exploitants de casino] peuvent émettre des billets tamponnés d'une durée de quinze ou de trente jours consécutifs ou d'un mois calendaire, selon le cas. Sur la valeur des billets à durée prolongée précités, une réduction est offerte de la manière suivante:

    a)

    quarante pour cent (40 %) de la valeur totale de quinze billets valables un jour, pour les billets d'une durée de quinze jours. Si ces billets sont émis par quinzaine calendaire, la dernière quinzaine de chaque mois couvre la période allant du 16 à la fin du mois;

    b)

    cinquante pour cent (50 %) de la valeur totale de trente billets valables un jour, pour les billets d'une durée de trente jours ou un mois».

    (19)  Loi 1624/1951 ratifiant, modifiant et complétant la loi exécutive 1565/1950 «relative à la constitution de l'Organisme hellénique du tourisme», FEK no 7 du 8 janvier 1951.

    (20)  Décret-loi 4109/1960 modifiant et complétant la législation relative à l'Organisme hellénique du tourisme et autres dispositions, FEK no 153 du 29 septembre 1960.

    (21)  Loi 2160/1993 intitulée «Mesures concernant le tourisme et autres dispositions», FEK no 118 du 19 juillet 1993.

    (22)  Décret-loi 2687/1953 relatif à l'investissement et à la protection des capitaux étrangers, FEK no 317 du 10 novembre 1953.

    (23)  Le casino de Thessalonique a été soumis aux dispositions du décret-loi 2687/1953 en vertu du décret présidentiel 290/1995 («Approbation de l'importation de capitaux à partir de l'étranger sur la base du décret-loi 2687/1953 par la société «HYATT REGENCY HOTELS AND TOURISM (THESSALONIKI) A.E.», FEK no 163 du 9 août 1995), qui l'a assimilé aux casinos du Mont Parnès et de Corfou.

    (24)  Voir points 16, 17 et 18 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (25)  Le casino du Mont Parnès était exploité par Elliniko Kazino Parnithas A.E. (EKP) qui avait été créée en 2001 en tant que filiale de l'ETA, société contrôlée à 100 % par l'État grec.

    (26)  D'après des informations fournies par les autorités grecques au cours de la procédure formelle d'examen, le casino de Corfou a été privatisé le 30 août 2010 par la vente, dans le cadre d'une adjudication internationale au plus offrant, de 100 % des parts de la société Elliniko Kazino Kerkyras A.E. (Casino grec de Corfou, ci-après dénommé «EKK») à la société V&T Corfu Casino Α.Ε., créée par le groupe d'entreprises Vivere Entertainment Commercial & Holding S.A. — Theros International Gaming INC. La société EKK avait été créée en 2001 en tant que filiale de l'ETA.

    (27)  En vertu de l'arrêté ministériel Τ/633 du 29 mai 1996.

    (28)  Loi 4093/2012, FEK no 222/A du 12 novembre 2012.

    (29)  Voir points 19 à 23 et 18 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (30)  Voir points 26, 27, 28 et 37 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (31)  Voir points 24 à 29 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (32)  Voir points 30, 31 et 32 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (33)  Règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 83 du 27.3.1999, p. 1).

    (34)  Voir points 34 et 35 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (35)  Voir points 36, 37 et 38 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (36)  Voir points 39 et 40 de la décision d'ouvrir la procédure.

    (37)  Arrêt du 21 décembre 2016 dans les affaires jointes C-20/15 P et C-21/15 P, Commission/World Duty Free Group, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée.

    (38)  Voir affaires C-20/15 P et C-21/15 P, Commission/World Duty Free Group, EU:C:2016:981, point 56; et C-6/12, P Oy, EU:C:2013:525, point 18.

    (39)  Arrêt du 11 juillet 1996 dans l'affaire C-39/94, SFEI et autres, EU:C:1996:285, point 60; arrêt du 29 avril 1999 dans l'affaire C-342/96, Espagne/Commission, EU:C:1999:210, point 41.

    (40)  Arrêt du 2 juillet 1974 dans l'affaire 173/73, Italie/Commission, EU:C:1974:71, point 13.

    (41)  Décision 2004/339/CE de la Commission du 15 octobre 2003 sur les mesures mises à exécution par l'Italie en faveur de la RAI SpA (JO L 119 du 23.4.2004, p. 1), considérant 69; propositions de l'avocat général Fennelly du 26 novembre 1998 dans l'affaire C-251/97, France/Commission, EU:C:1998:572, point 26.

    (42)  Arrêt du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280/00, Altmark Trans, EU:C:2003:415, point 84.

    (43)  Arrêt du 15 mars 1994 dans l'affaire C-387/92, Banco Exterior de España, EU:C:1994:100, point 13. Arrêt du 19 septembre 2000 dans l'affaire C-156/98, Allemagne/Commission, EU:C:2000:467, point 25. Arrêt du 19 mai 1999 dans l'affaire C-6/97, Italie/Commission, EU:C:1999:251, point 15. Arrêt du 3 mars 2005 dans l'affaire C-172/03, Heiser, EU:C:2005:130, point 36.

    (44)  Arrêt du 20 novembre 2003 dans l'affaire C-126/01, GEMO SA, EU:C:2003:622, points 28 à 31.

    (45)  Arrêt de 2014, point 55.

    (46)  Ibidem, point 57.

    (47)  Ordonnance de 2015, point 35.

    (48)  Arrêt de 2014, point 76.

    (49)  Ibidem, point 77.

    (50)  Ibidem, point 78.

    (51)  Ibidem, point 80.

    (52)  Ordonnance de 2015, point 55.

    (53)  Arrêt du 24 janvier 1978 dans l'affaire 82/77, Van Tiggele, EU:C:1978:10, points 25 et 26; arrêt du 12 décembre 1996 dans l'affaire T-358/94, Air France/Commission, EU:T:1996:194, point 63.

    (54)  Arrêt du 13 mars 2001 dans l'affaire C-379/98, Preussen Elektra, ΕU:C:2001:160, point 62.

    (55)  Arrêt du 24 janvier 1978 dans l'affaire 82/77, Van Tiggele, EU:C:1978:10, points 25 et 26.


    Top