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Document 52009IE1476

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de Larosière

JO C 318 du 23.12.2009, p. 57–65 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

23.12.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/57


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de Larosière»

2009/C 318/11

Rapporteur: Mr NYBERG

Le 23 mars 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le

«Rapport de Larosière».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», qui était chargée de la préparation des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 septembre 2009 (rapporteur: M. Lars NYBERG).

Lors de sa 456e session plénière des 30 septembre et 1er octobre 2009 (séance du 30 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 37 voix contre et 15 abstentions.

1.   Synthèse et recommandations

1.1   La crise financière et économique est d'une ampleur telle que l'on n'en a pas vu de semblable en temps de paix depuis les années trente. Toutefois, le présent avis a uniquement pour objet la crise financière et les possibilités d'empêcher que ce qui vient de se produire ne se reproduise. Tel était en effet le mandat confié à ce que l'on appelle «le groupe de Larosière», dont le CESE examine le rapport dans le présent avis. Le signe de l'importance que revêtent ces questions se trouve dans le fait que la Commission a déjà présenté plusieurs propositions, par exemple sur les agences de notation de crédit, sur certaines formes particulières d'activité financière et sur la surveillance financière, qui était le principal sujet de réflexion du groupe de Larosière.

1.2   La cause la plus importante de la crise a été un excès de liquidités, lequel, selon le groupe de Larosière, était en partie dû à une politique monétaire expansive aux États-Unis, des déséquilibres de l'économie mondiale, la relation entre les États-Unis et la Chine en donnant le témoignage le plus manifeste. Une autre explication possible se trouve, selon le CESE, dans le fait que les revenus ont été détournés du travail vers le capital. La répartition des revenus s'est faite plus inégale. Le besoin s'est fait sentir, pour les plus fortunés, de faire fructifier leurs disponibilités accrues. Les actifs réels susceptibles de recevoir leurs placements n'ayant pas augmenté au même rythme, les prix des valeurs mobilières ont subi une pression à la hausse. Le rapport de Larosière rend compte de manière complète de la «bulle» financière, mais il faudrait procéder à une analyse plus approfondie en vue de décisions politiques à venir.

1.3   D'une manière générale, le CESE soutient les 31 recommandations qu'a présentées le groupe, mais il entend élargir la perspective et présenter un certain nombre d'observations et de réflexions complémentaires.

1.3.1

Le groupe de Larosière propose de renforcer les obligations des banques en matière de fonds propres lorsque la conjoncture est bonne, et d'alléger ces obligations lorsque la conjoncture est mauvaise. Vu la difficulté qu'il y a à établir des pronostics économiques dans les périodes de fluctuations conjoncturelles, cette proposition pourrait comporter des risques. En même temps, l'exemple de l'Espagne montre qu'un système d'obligations variables en matière de fonds propres peut fonctionner. C'est pourquoi le CESE est d'avis qu'il est nécessaire d'étudier le moment opportun pour appliquer une telle mesure, avant de pouvoir la mettre en œuvre.

1.3.2

Le CESE est d'avis qu'il est sans nul doute nécessaire de renforcer les obligations en matière de fonds propres et la transparence pour ce qui concerne les opérations hors bilan. Les autorités espagnoles avaient mis en place la réglementation la plus stricte des opérations hors bilan et les banques espagnoles sont celles qui ont été le moins durement frappées par la crise.

1.3.3

Les expressions «hors bilan» et «fonds communs de créances» ont parfois été employées à tort. Des actifs à risques ont été retirés du bilan même de la banque dans le but de contourner les exigences en matière de fonds propres, et quelquefois dans le but d'échapper à l'impôt. Dans ces conditions, le CESE est d'avis qu'une réglementation plus stricte est nécessaire.

1.3.4

Le CESE est d'avis qu'il conviendrait, suite au rapport de Larosière, de poser comme l'une des exigences principales l'obligation de faire apparaître de manière plus visible les éléments de risque que contiennent les actifs des banques. Le CESE approuve l'idée exprimée dans le rapport, selon laquelle les banques et les établissements financiers doivent toujours continuer à assumer une part de risque lors de la revente d'actifs à risques. Il faut que les risques liés aux produits financiers soient clairement visibles. La transparence des produits financiers est nécessaire pour permettre de rétablir la confiance vis-à-vis du marché financier. À cet égard, le CESE souhaite de nouveau attirer l'attention sur l'exemple de l'Espagne. Il ne faut pas que de nouveaux instruments du secteur financier soient utilisés avant d'avoir fait l'objet d'un contrôle de la part d'une autorité monétaire. Il convient de débattre de la question d'instaurer des contrôles de cette nature. Il faut ainsi décider si ces contrôles doivent avoir lieu au niveau national ou si l'on a besoin de créer un système commun de contrôle pour l'ensemble de l'UE. Compte tenu du caractère hautement transfrontalier de l'activité financière, l'essentiel des arguments pèse en faveur d'un système commun.

1.3.5

L'expression de «système bancaire parallèle» désigne différentes formes de prêts qui ne sont pas réglementés. Ces nouvelles formes d'activité de financement ont pu se développer sans réglementation aucune, sans même aucune exigence en matière de réserves. Le CESE partage le sentiment selon lequel il est nécessaire de réglementer également ces formes de financement. Pour les fonds d'investissement aussi, le rapport souhaite la fixation de règles communes, l'établissement de définitions des différents types d'actifs et un contrôle plus strict. Là encore, l'on ne peut qu'approuver.

1.3.6

Le renforcement des exigences en matière de gestion et d'audit est une nécessité. Le CESE est d'avis que les solutions proposées dans le rapport de Larosière n'insistent pas suffisamment sur le rôle des auditeurs. Un système d'audit fonctionnant de manière satisfaisante aurait dû pouvoir atténuer la propagation des actifs à risques. La direction d'un organisme financier doit pouvoir faire confiance à l'audit pour l'évaluation des actifs. Il convient d'intégrer dans la révision de l'accord de Bâle II la question du rôle des auditeurs et celle des méthodes comptables.

1.3.7

Le rapport présente de bonnes recommandations en ce qui concerne les systèmes de primes. Ces systèmes doivent porter sur plusieurs années, s'appuyer sur des résultats concrets et ne pas garantir à priori que les intéressés en bénéficieront. Le CESE juge qu'il est nécessaire de passer de la vision à court terme à une vision à long terme, dans laquelle les primes ne reposent pas sur la spéculation. Dans cet esprit, le CESE soutient l'idée d'une taxation des transactions financières dont le produit pourrait être affecté à l'aide au développement. En outre il conviendrait de poser comme exigence supplémentaire que les systèmes en question ne doivent pas fonctionner par référence à l'évolution générale, mais par référence à la question de savoir si les intéressés ont réussi à faire la différence, dans un sens positif, par rapport à une tendance générale. De plus, il serait souhaitable de déterminer les modalités d'un plafonnement de ces primes afin d'éviter les extravagances qui incitent à la prise de risques inconsidérés. Il convient de prévoir, dans une stratégie de «sortie de crise», que les montants considérables versés aux institutions financières à partir de budgets publics soient remboursés, au lieu de servir à produire de nouveaux gains ou primes élevés.

1.4   La surveillance du marché financier constituait le principal sujet soumis à la réflexion du groupe de Larosière. De l'avis du CESE, la surveillance est aussi d'une importance fondamentale pour garantir qu'il n'y ait pas de nouvelle crise financière. Mais la surveillance nécessite des règles. C'est pourquoi l'on peut considérer comme tout aussi importantes les propositions de modification et de renforcement des réglementations qui figurent dans la première partie du rapport.

1.4.1

Le groupe de Larosière constate la nécessité d'un organisme européen de surveillance du système financier à un niveau global, organisme capable de mettre en garde contre l'existence de risques financiers. Il est proposé que cette responsabilité soit confiée à la BCE (Banque centrale européenne) ou au SECB (Système européen de banques centrales). La mission proprement dite devra être confiée à un conseil spécialement chargé de cette surveillance. Il est bon de rattacher administrativement ce conseil à la BCE, mais au plan formel et pour les besoins de la gestion de la surveillance, c'est le SEBC qui doit être compétent. Il faut absolument que la surveillance soit d'application pour les systèmes financiers de tous les États membres, et c'est le SEBC qui doit désigner les responsables de ce nouveau conseil ou de ce nouveau comité directeur.

1.4.2

Le rapport propose de développer en deux étapes un nouveau système de surveillance microprudentielle, qui comporterait des autorités spécialement chargées respectivement de la surveillance des banques, de la surveillance du fonds d'investissement et de la surveillance du marché des valeurs mobilières. La deuxième étape devra consister à mettre au point des règles fondamentales communes en matière de surveillance et à éliminer les différences d'application d'un pays à l'autre. C'est aussi au cours de cette étape que devront être harmonisées les possibilités de sanctions. Le CESE ne voit aucune raison de retarder tous ces travaux, et c'est pourquoi il apprécie que dans sa communication, la Commission propose de passer sans transition aux préparatifs de mise en place de l'ensemble du système de surveillance microprudentielle.

1.4.3

Des collèges d'autorités nationales de surveillance qui seraient chargés de surveiller les banques ayant une activité transfrontalière risquent, de l'avis du CESE, d'être difficiles à gérer si l'on ne développe pas dans le même temps l'harmonisation nécessaire. Faute de cela, des différences entre les réglementations applicables aux organismes nationaux de surveillance obligeraient dans la pratique les trois autorités à assumer la charge d'une partie de la surveillance.

1.4.4

Il convient que les organes directeurs de ces nouvelles autorités ne se composent pas uniquement de professionnels de la banque. Il conviendrait d'y faire siéger de droit les organisations syndicales, les consommateurs de services bancaires, ainsi que le CESE en tant que représentant de la société civile.

1.5   Au niveau mondial, le rapport attire l'attention sur la nécessité de renforcements de l'accord de Bâle II, de règles comptables internationales, d'une réglementation mondiale des agences de notation de crédit et du marché des produits dérivés, de modifications des modes de gouvernance dans le secteur financier et d'un rôle plus important pour le FMI. La volonté du groupe est de voir supprimer la possibilité d'attirer les opérateurs grâce à la faiblesse de la réglementation du secteur financier. Plusieurs des propositions du groupe ont été adoptées dès la réunion du G-20 à Londres. Le Forum de stabilité financière internationale, qui avait été créé en 1999 dans un but de stabilité financière au niveau mondial, a été transformé en «Financial Stability Board». Le CESE espère que cet organisme sera plus enclin à la transparence et disposera de ressources et de connaissances suffisantes, ainsi que du pouvoir nécessaire pour agir. Le CESE se félicite de ce qu'il soit prévu de doter le FMI de ressources supplémentaires, mais il trouve matière à critique dans les exigences que pose le FMI, car ces exigences remettent en question des parties importantes du modèle social européen. Aussi bien pour cette raison que sous tous les autres aspects, il est d'une importance essentielle que l'UE puisse présenter un front commun au sein du FMI.

1.5.1

Une notion qui est utilisée dans les discussions sur le marché financier est celle d'«examen de résistance» («stresstest»), qui désigne un procédé permettant d'examiner comment le système bancaire d'un pays donné résisterait à une crise du marché financier. Au vu de la crise financière actuelle, l'on comprend aisément quelle pourrait être l'importance d'examens de cette nature. En même temps, la question de savoir dans quelle mesure il convient de rendre publics les résultats se pose de manière décisive. Si le FMI procède à un tel examen et rend publique la constatation que le système bancaire d'un certain pays ne supporterait pas une crise, cela peut déclencher la crise.

2.   Introduction

2.1

La crise financière et économique est d'une ampleur sans précédent en temps de paix. La dépression des années 30 s'est produite à une époque où les économies du monde n'étaient pas aussi intégrées qu'elles le sont actuellement. À cette époque, ce sont principalement les États-Unis et l'Europe qui ont été frappés. Actuellement, l'on se trouve en présence d'une crise qui est, au plus haut point, une crise mondiale.

2.2

Ce qui avait commencé par une crise financière s'est transformé en crise économique accompagnée d'une récession dans de vastes régions du monde. Il s'ensuivra probablement une crise sociale associée à un taux de chômage élevé. L'étendue de ce phénomène sera déterminée par le type de politique que l'on sera en mesure de concevoir pour répondre à la crise. Simultanément, s'est développée une crise politique qui a fait tomber des gouvernements.

2.3

Toutefois, le présent avis a uniquement pour objet la crise financière et les possibilités d'empêcher que ce qui vient de se produire ne se reproduise. Dans le contexte de la crise généralisée, l'objet du présent avis est limité. Il ne s'agit pas de la crise économique. Il ne s'agit pas de mesures destinées à faire échec à la crise financière en cours, telles que, par exemple, l'apport de ressources publiques au secteur financier. Il s'agit seulement de l'avenir, et dans cette perspective, plus particulièrement, de la surveillance du secteur financier.

2.4

Tel était en effet le mandat confié au «groupe de Larosière», dont le CESE examine le rapport dans le présent avis. Le «groupe de Larosière» a élargi le mandat qui lui avait été confié. Cela était nécessaire pour dresser un tableau complet en vue de pouvoir présenter des propositions solidement étayées.

2.5

La crise actuelle a débuté dans le secteur financier. Avant que le «groupe de Larosière» ne rende son rapport, la crise avait pris un tour tellement grave que dans plusieurs cas, la Commission européenne avait déjà présenté des propositions de modifications de la législation. La plus importante est probablement la proposition concernant les agences de notation de crédit. Il a été présenté une proposition de directive concernant des formes particulières d'activité financière. Une communication en date du 27 mai touche à la partie du rapport de Larosière qui concerne la surveillance du secteur financier. Il n'existe que cinq différences entre la communication et le rapport de Larosière, selon l'annexe I d'un document de travail qui accompagne la communication. Ces différences font l'objet d'observations qui figurent aux paragraphes 6.2.4, 6.3.1 et 6.3.5. Le CESE rendra un avis spécialement consacré aux propositions concrètes de textes législatifs qui sont en préparation. Bien que la Commission n'évoque pas dans cette communication le reste du rapport de Larosière, le CESE est d'avis que ces parties du rapport sont tout aussi importantes par rapport au secteur financier de l'avenir.

2.6

Le rapport de Larosière a été écrit par des professionnels de la banque pour des professionnels de la banque, et ceux qui devront reprendre à leur compte les propositions du rapport sont principalement des spécialistes de la banque au sein de la Commission, et des ministres des finances dans les États membres. Le CESE souhaite adhérer aux 31 recommandations figurant dans le rapport, mais il faut élargir le champ de vision. Ce n'est pas à ceux qui, dans la pratique, ont provoqué la crise financière que peut revenir la responsabilité exclusive de résoudre les problèmes actuels. Les consommateurs de services du marché financier sont des individus et des entreprises qui déposent leur épargne et qui empruntent pour réaliser leurs investissements. La fonction du marché financier est de fournir à ces intervenants, c'est-à-dire à la société civile, les meilleurs services possibles. C'est pourquoi, en plus de notre adhésion générale au contenu du rapport, nous voudrions offrir un certain nombre d'observations et présenter quelques propositions complémentaires.

3.   Causes de la crise financière

3.1

L'excédent de liquidités du secteur financier n'a donné lieu à aucune mesure de la part des banques centrales. Seul était pris en compte le niveau des prix, lequel ne justifiait pas d'augmentation des taux d'intérêt. Des liquidités bon marché ont provoqué l'augmentation des cours des valeurs mobilières. Le fait qu'il y ait eu un excédent de liquidités lorsque la crise est survenue est indubitable, de même qu'il est indubitable que le niveau des liquidités est tombé trop bas en raison de la crise. En revanche, il est malaisé de déterminer ce que sont un niveau approprié de liquidités et une masse monétaire appropriée dans des circonstances normales. Le CESE voudrait aussi attirer l'attention sur le dilemme que constitue le fait d'utiliser à la fois l'inflation et une mesure de la masse monétaire comme indicateurs de politique monétaire. Une masse monétaire trop importante doit amener la banque centrale à relever le taux d'intérêt. Si, dans le même temps, l'inflation est faible, cela devrait au contraire amener à baisser le taux d'intérêt. C'est pourquoi le CESE est d'avis que si l'on utilise la masse monétaire, y compris dans des situations compliquées de cette nature, il faut tenir compte des répercussions éventuelles sur l'économie réelle.

3.2

Des décisions politiques consistant à favoriser l'accès à la propriété du logement, indépendamment de la capacité de l'acheteur à payer le prix de ce logement, le faible coût des prêts et de nouvelles formules inventées par les établissements financiers pour combiner différents titres ont eu pour effet de dissimuler des prêts à risques (subprimes). Ces titres se sont répandus sur les marchés financiers mondiaux, étant donné que l'épargne privée, aux États-Unis, au cours de la période 2005 - 2006, a même été négative. Le CESE a formulé des observations à ce sujet en juillet 2008 (1). «La récente crise américaine des prêts hypothécaires à risque (subprimes) a mis en exergue comment la volatilité des prix de l'immobilier conjuguée à des pratiques superficielles d'évaluation du risque-client, en cas de non-paiement de taux disproportionnés par rapport à la valeur de l'immeuble donné en garantie, peut provoquer des crises financières de nature à déstabiliser le système tout entier. Il convient donc que les initiatives prises au sein de la Communauté tirent parti de cette expérience […]».

3.3

En même temps, les déséquilibres du commerce mondial ont créé d'importants excédents dans certains pays (en premier lieu, la Chine), excédents qui servaient à acheter des bons du Trésor américains. De nouvelles combinaisons complexes de titres mobiliers (avec des subprimes) permettaient d'obtenir des rendements élevés; or, l'ensemble du marché financier était à la recherche de rendements toujours plus élevés. Les titres supplémentaires pouvaient servir de base à de nouveaux prêts, de telle sorte que le volume des transactions sur le marché financier augmentait, tout en étant fondé sur des titres présentant davantage de risques. Or, il a existé, au contraire, un sentiment que l'un des objectifs que poursuivaient les nouveaux produits financiers complexes était de bien répartir les risques. L'accroissement du volume des transactions sur le marché financier engendrait en apparence des gains sans cesse plus importants.

3.4

Un instrument à risques garanti par un prêt hypothécaire, qui était difficilement vendable dans le système bancaire, était intégré dans de nouveaux titres négociables (c'est ce que l'on appelle la titrisation) et pouvait, par ce moyen, être revendu. Ce qui a mis fin à cette situation et qui a déclenché la crise est le fait que pendant l'année 2008, les États-Unis sont entrés en récession et ont vu leur taux de chômage augmenter. De nombreux propriétaires de logements n'étaient pas en mesure de payer leurs intérêts. Les banques se trouvèrent contraintes de déprécier leurs actifs et de les vendre. La valeur de ces actifs continua de s'effondrer et la chute s'accéléra. La confiance s'effondra.

3.5

Le rapport de Larosière relève plusieurs phénomènes qui ont rendu tout cela possible:

lorsque tout a commencé, la réglementation internationale de l'activité bancaire s'inscrivait dans le cadre de l'accord de «Bâle I». Ce système encourageait, en pratique, la technique consistant à faire en sorte que les risques ne figurent pas dans le bilan. Ce défaut est partiellement corrigé par l'accord de «Bâle II»;

l'explosion des nouveaux produits financiers complexes qui se négociaient de gré à gré, de telle sorte que les risques devenaient invisibles;

la réglementation de l'activité des établissements financiers se fonde sur une élévation du risque qui s'effectue par l'intermédiaire des agences de notation de crédit;

les agences de notation de crédit donnaient aux actifs qui se sont ensuite révélés être presque sans valeur les mêmes notes qu'aux emprunts d'État. Ces agences sont financées par les établissements financiers qui leur font noter leurs titres!

les organes de direction et de gestion des établissements financiers ne comprenaient pas le risque que comportaient les nouveaux produits financiers complexes;

un manque de réglementation et un manque de surveillance, en l'absence de coordination, à quoi est venue s'ajouter une forte concurrence entre différents centres financiers.

3.6

Le rapport de Larosière laisse sous-entendre une critique à l'adresse des banques centrales, parce que celles-ci n'auraient pas pris de mesures pour contrecarrer la forte augmentation des liquidités.

3.7

Le CESE voudrait cependant aller un peu plus loin dans l'analyse. L'augmentation des liquidités était en partie fonction du déséquilibre de l'économie mondiale. C'est la relation entre les États-Unis et la Chine qui fait apparaître cela le plus clairement: d'une part, un excédent commercial en Chine et une propension à épargner qui était de 30 à 40 % du revenu, pour des raisons de prévoyance en cas de maladie et en vue de la retraite, et d'autre part, un déficit commercial aux États-Unis associé à une épargne inexistante. Une autre explication possible, que n'évoque pas le groupe de Larosière, est le fait que les revenus ont été détournés du travail vers le capital. La répartition des revenus s'est faite plus inégale. Non seulement l'OIT, mais aussi l'OCDE, se sont prononcées pour qu'il soit mis un terme à cette évolution.

3.8

Le besoin s'est fait sentir, pour les plus fortunés, de faire fructifier leurs disponibilités accrues. Les actifs réels susceptibles de recevoir leurs placements n'ayant pas augmenté au même rythme, les prix des valeurs mobilières ont subi une pression à la hausse. Ces raisons qui expliquent les problèmes actuels ne permettent pas de trouver la solution dans une nouvelle réglementation du marché financier, parce que ce qui est requis, ce sont des décisions politiques. Le rapport de Larosière rend compte de manière complète de la «bulle» financière, mais il faudrait donc procéder à une analyse plus approfondie en vue de décisions politiques à venir.

3.9

En définitive, le scénario financier décrit a favorisé la prolifération d'opérations spéculatives n'ayant pratiquement plus rien à voir avec l'évolution des chiffres de l'économie réelle, sans que l'on puisse compter, en contrepartie, sur des instruments internationaux de politique fiscale et monétaire susceptibles de freiner l'expansion de ces opérations. À cet égard, les forums financiers et organismes internationaux n'ont pas écouté les nombreux mouvements sociaux qui, à plusieurs reprises, ont exigé l'adoption de mesures de réglementation, principalement la taxe Tobin.

4.   Politique et réglementation

4.1

Selon le rapport, il y a, à l'origine de la crise, des défaillances du marché, des déséquilibres mondiaux, une mauvaise réglementation et une surveillance faible. Tous ces problèmes ne peuvent pas se résoudre par la réglementation, mais une bonne réglementation reste une condition nécessaire à la solution. Le rapport affirme qu'il faut s'attaquer à tous les problèmes, mais l'on peut se demander dans quelle mesure la réglementation proposée est suffisante. De surcroît, le rapport exprime la crainte qu'une réglementation accrue n'affaiblisse l'innovation financière. Le CESE souhaite rappeler, à cet égard, que les prêts dits «subprimes» et ce que l'on appelle la «titrisation» sont précisément des innovations financières. Et les abus auxquels ont donné lieu certaines de ces innovations sont la cause des problèmes financiers actuels. La réglementation peut parfois aussi favoriser l'innovation financière, comme dans le cas du SEPA (espace unique de paiement en euros).

4.2

Le rapport propose une meilleure coordination entre les banques centrales et les organes politiques qui réglementent le marché financier. Il faut que les banques centrales se consacrent davantage à la prise en compte de considérations macroéconomiques en surveillant mieux le marché financier. Cette proposition, ainsi que l'idée que le FMI doit, lui aussi, se consacrer davantage à la surveillance, sont, de l'avis du CESE, des propositions nécessaires.

4.3

Le rapport formule l'idée que la réglementation politique et l'autorégulation du secteur financier doivent se compléter mutuellement. Étant donné que le contrôle interne n'a pas fonctionné, on dit qu'il faut surveiller l'autorégulation. Mais cela revient alors à estomper, en réalité, la frontière qui existe entre réglementation politique et autorégulation.

4.4

Il n'existe d'ailleurs pas, dans la pratique, de frontière de cette nature. Par l'intermédiaire des accords de Bâle I et Bâle II, les banques fixent, en pratique, elles-mêmes les règles applicables au secteur financier. Pour ce qui est de faire en sorte que les banques et les autres établissements financiers respectent les règles en question, la responsabilité revient soit à ces établissements bancaires et financiers eux-mêmes, soit à l'État dans les cas où ces règles sont instituées par la voie législative. (L'accord de Bâle II est entré en vigueur dans l'UE le 1er janvier 2008, et il n'entrera en vigueur aux États-Unis que le 1er avril 2010.) Le rapport n'aborde pas sérieusement la question de la lacune organisationnelle et démocratique que constitue, sur le marché financier, l'autorégulation. Avec la mondialisation du marché, il conviendrait de faire une place centrale à la question de savoir si les organes politiques disposent d'une influence suffisante.

5.   Recommandations du groupe de Larosière

5.1   Il convient de renforcer progressivement les obligations des banques en matière de fonds propres. Comme la crise bancaire se trouve actuellement dans une phase d'insuffisance de crédits, ce renforcement devra nécessairement avoir lieu plus tard. Le CESE considère qu'il s'agit là d'une exigence nécessaire pour permettre d'éviter qu'à l'avenir, le public ne doive apporter des capitaux lorsqu'une banque rencontre des problèmes de liquidités. Le CESE partage le sentiment selon lequel il convient que l'UE établisse les définitions des obligations en matière de fonds propres.

5.2   Possibilité de modifier les obligations en matière de fonds propres en fonction des conjonctures. Le rapport considère que les banques centrales ne doivent pas seulement prendre en compte l'inflation, mais aussi l'évolution du marché monétaire et du marché du crédit de manière générale. En cas d'augmentation trop forte des crédits, les banques centrales doivent être prêtes à restreindre, pour cette raison aussi, la politique monétaire. La méthode qui est proposée consiste à renforcer les exigences concernant les fonds propres des banques lorsque la conjoncture est bonne, et à alléger ces exigences lorsque la conjoncture est mauvaise. Vu la difficulté qu'il y a à établir des pronostics économiques, cette proposition peut comporter des risques. Dans le cas où, après une période de conjoncture favorable et d'expansion du crédit, l'on renforce les obligations de fonds propres, un renforcement peut, au contraire, aggraver une récession conjoncturelle si la conjoncture favorable tire à sa fin. Cependant, l'exemple de l'Espagne montre qu'un système d'exigences variables en matière de fonds propres peut fonctionner. Le CESE est d'avis que compte tenu des risques liés au choix du moment opportun pour l'appliquer, il est nécessaire de le soumettre à une réflexion.

5.3   Des règles plus strictes pour ce qui concerne les opérations «hors bilan», sous forme de renforcement des obligations en matière de fonds propres et sous forme de transparence accrue. Les autorités espagnoles avaient mis en place la réglementation la plus stricte des opérations hors bilan et les banques espagnoles sont celles qui ont été le moins durement frappées par la crise.

5.3.1

Lorsque les banques procèdent à des opérations hors bilan, il s'agit d'opérations qui sont le plus souvent associées à l'une des innovations du marché financier que sont les «fonds communs de créances» (en anglais: «special purpose vehicles»). Ceux-ci ont souvent pour objet de transférer des actifs à risques en dehors du bilan de la banque, pour ne pas mettre en péril la banque elle-même. Une autre raison peut être la volonté d'échapper à l'impôt. Compte tenu des abus auxquels a donné lieu cette technique, le CESE est d'avis qu'il est nécessaire d'adopter une réglementation plus stricte s'appliquant aussi bien au système des «opérations hors bilan» qu'aux «fonds communs de créances». La réglementation doit avoir pour effet essentiel d'empêcher un opérateur de pouvoir utiliser ces méthodes pour dissimuler quoi que ce soit de son activité.

5.4   Il faut que les risques que contiennent les actifs des banques soient plus clairement visibles. Le CESE considère que cela devrait constituer l'un des impératifs principaux lorsque la Commission, grâce aux travaux qui feront suite au rapport, créera, comme on peut l'espérer, les moyens d'une transparence véritable des actifs des banques.

5.4.1

Le rapport aborde les sujets de la titrisation, du marché des produits dérivés, des fonds d'investissement et du «système bancaire parallèle». Le CESE souhaite une solution globale dans le cadre de laquelle différentes propositions n'amèneront pas à devoir s'accommoder de quelconques problèmes posés par ces valeurs mobilières à risques. Le «système bancaire parallèle» consiste en différentes formes de prêts qui ne sont pas réglementés. Le rapport propose d'élargir le champ d'application de l'accord de Bâle II à ce domaine, ainsi qu'aux fonds spéculatifs, aux banques d'investissement, etc. Il faut voir là une évidence, et il convient que cette proposition fasse l'objet d'une décision immédiate. Ces nouvelles formes d'activité de financement, souvent en marge du système bancaire lui-même, ont pu se développer sans réglementation aucune, sans même aucune exigence en matière de réserves. Pour les fonds d'investissement aussi, le rapport souhaite la fixation de règles communes, l'établissement de définitions des différents types d'actifs et un contrôle plus strict. Là encore, l'on ne peut qu'approuver. Les auteurs du rapport souhaitent que les banques et établissements financiers conservent toujours une partie du risque en cas de revente d'actifs à risques.

5.5   Sous le titre de «gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs», la Commission a présenté le 13 mai une proposition qui porte sur plusieurs de ces nouveaux instruments. Le CESE fera connaître ultérieurement son avis sur cette proposition de directive. En 2006 déjà, le CESE s'était exprimé à propos d'un livre vert sur les fonds d'investissement (2).

5.6   En ce qui concerne les règles comptables, il est proposé, entre autres, que le Conseil des normes comptables internationales (IASB) établisse de nouvelles règles applicables aux nouveaux actifs compliqués. La méthode comptable dite de «valorisation au prix du marché» a fortement aggravé la situation. Lorsque la valeur des actifs s'est effondrée, ces actifs ont été comptabilisés à la valeur du jour. Dans cette situation difficile, la valeur des actifs a même été poussée bien en dessous de ce qui était leur valeur effective. L'autre méthode possible, qui consisterait à évaluer les actifs en fonction de leur prix d'achat, ne peut pas fonctionner non plus dans une telle situation. C'est là que, selon le CESE, l'on dispose à coup sûr d'une latitude permettant d'introduire des innovations.

5.7   Il est permis de se poser la question de savoir quelle est la valeur du procédé consistant à faire circuler de banque en banque des actifs qui comportent des risques cachés. Il est peut-être nécessaire de procéder à un nettoyage parmi les instruments. Les professionnels de la banque parlent souvent de l'importance des innovations sur le marché financier. Est-on allé trop loin sur ce plan? Le CESE invite la Commission à examiner les instruments qui existent, à déterminer leur valeur, ainsi que les risques qu'ils comportent, et à présenter des propositions de nettoyage éventuel ou de définitions d'instruments pouvant continuer à exister. Il n'est pas possible de s'en remettre au seul secteur bancaire pour exercer cette responsabilité. Il faut que la Commission pose les fondations de décisions qui seront prises par le Parlement européen et le Conseil des ministres. Il ne faut pas introduire de complications excessives dans les produits financiers. Les risques qu'ils comportent doivent être clairement visibles. La transparence des produits financiers est peut-être l'élément le plus important pour le rétablissement de la confiance vis-à-vis du marché financier.

5.7.1

À cet égard, le CESE souhaite de nouveau attirer l'attention sur l'exemple de l'Espagne. Il ne faut pas que de nouveaux instruments du secteur financier soient utilisés avant d'avoir fait l'objet d'un contrôle de la part d'une autorité monétaire. Il conviendrait que l'examen de la Commission comporte une réflexion sur les différences qui existent entre les instruments utilisés en Espagne et les instruments utilisés dans d'autres pays de l'UE. En même temps, l'on devrait débattre de la question d'une mise en place généralisée de contrôles de cette nature et, dans le cadre de ce débat, décider si ces contrôles doivent avoir lieu au niveau national ou si l'on a besoin de créer un système commun de contrôle. Compte tenu du caractère hautement transfrontalier de l'activité financière, l'essentiel des arguments pèse en faveur d'un système commun.

5.8   Le CESE approuve la proposition qui est présentée dans le rapport et qui concerne la gestion des risques par les banques: celle-ci doit constituer une fonction séparée, cette activité doit être très valorisée, et il ne faut pas faire confiance autant que cela a été le cas à une évaluation externe des risques (agences de notation de crédit). Il y a naturellement lieu de soutenir les propositions visant à développer la gestion de crise au sein des établissements financiers. La question décisive sera celle de savoir si des recommandations émises dans ces domaines pourront être autre chose que des recommandations. Jusqu'où peut-on aller dans la réglementation de l'organisation interne des entreprises financières? En ce domaine, il n'est probablement pas possible d'aller plus loin que de prévoir que les organes de surveillance doivent pouvoir surveiller l'organisation et rendre publiques leurs critiques.

5.9   Lorsque la crise est devenue aiguë, de nombreux États membres ont renforcé les obligations de garantie prévues par le droit communautaire pour les dépôts bancaires. Les auteurs du rapport souhaitent maintenant une harmonisation des règles, de telle sorte que la protection soit uniforme et le montant garanti suffisamment élevé pour tous les clients des banques. Il faut résoudre le problème de l'existence de filiales d'établissements bancaires qui se trouvent dans d'autres pays, mais où les réserves correspondant à ces garanties doivent-elles être constituées? Le CESE partage cet avis et invite la Commission à présenter dans les meilleurs délais des propositions de nouvelles règles communautaires applicables en matière de garantie des dépôts bancaires.

5.10   Renforcement des exigences en matière de gestion et d'audit des établissements bancaires. Dans le contexte de ce qui s'est produit, il s'agit là d'une exigence nécessaire. Il existait aussi dans les établissements financiers des codes de déontologie. Il semble que dans certains cas, ces codes n'aient influencé en rien les comportements effectifs. En ce qui concerne la compétence personnelle, il peut toutefois être difficile d'élaborer des propositions concrètes. Une nouvelle réglementation et, éventuellement, le retrait de certains instruments financiers du marché devraient faciliter la gestion des banques. Cette gestion devient très pénible à assurer lorsqu'il existe des instruments dont la finalité est de dissimuler des risques. En outre, le CESE est d'avis que les solutions proposées dans le rapport de Larosière n'insistent pas suffisamment sur le rôle des auditeurs. Un système d'audit fonctionnant de manière satisfaisante aurait dû pouvoir atténuer la propagation des actifs à risques. La direction d'un organisme financier doit pouvoir faire confiance à l'audit interne pour l'évaluation des actifs. Il convient d'intégrer dans la révision de l'accord de Bâle II la question du rôle des auditeurs et celle des méthodes comptables. Il serait par ailleurs très positif de permettre à certains acteurs concernés de participer à l'évaluation des politiques et des instruments des institutions financières au travers de la création de comités ad hoc.

5.10.1

Les systèmes de primes qui récompensent le placement d'instruments à risques et à court terme sont l'une des causes importantes du comportement des gestionnaires des établissements bancaires. Le rapport présente de bonnes recommandations en ce qui concerne les systèmes de primes, à savoir que ces systèmes doivent porter sur plusieurs années, s'appuyer sur des résultats concrets et ne pas garantir a priori que les intéressés en bénéficieront. Le CESE juge qu'il est nécessaire de passer de la vision à court terme à une vision à long terme, dans laquelle les primes ne reposent pas sur la spéculation. Dans cet esprit, le CESE soutient l'idée d'une taxation des transactions financières dont le produit pourrait être affecté à l'aide au développement. En outre il conviendrait de poser comme exigence supplémentaire que les systèmes en question ne doivent pas fonctionner par référence à l'évolution générale, mais par référence à la question de savoir si les intéressés ont réussi à faire la différence, dans un sens positif, par rapport à une tendance générale. De plus, il serait souhaitable de déterminer les modalités d'un plafonnement de ces primes afin d'éviter les extravagances qui incitent à la prise de risques inconsidérés.

5.11   Pour ce qui concerne les agences de notation de crédit, il est proposé de charger le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM) de la délivrance à ces établissements de licences d'exercice de leur activité. La Commission a déjà présenté une proposition de règlement sur les agences de notation de crédit. Le CESE a rendu un avis sur cette proposition, dans lequel il recommande l'adoption de la proposition de la Commission (3). Les auteurs du rapport indiquent qu'il faut examiner la question du financement des agences en question. Pour le CESE, l'on peut déjà affirmer clairement que le financement ne doit pas venir des établissements qui font noter leurs instruments de crédit par les agences de notation.

6.   Surveillance

6.1   La surveillance du marché financier constituait le principal sujet soumis à la réflexion du groupe de Larosière. De l'avis du CESE, la surveillance est aussi d'une importance fondamentale pour garantir qu'il n'y ait pas de nouvelle crise financière. Mais la surveillance nécessite des règles. C'est pourquoi l'on peut considérer comme tout aussi importantes les propositions de modification et de renforcement des réglementations qui figurent dans la première partie du rapport.

6.2   Un système européen de surveillance macroprudentielle

6.2.1

Le rapport critique la surveillance qui est pratiquée actuellement en lui reprochant de se concentrer sur chaque établissement financier individuellement, alors qu'il conviendrait au contraire de renforcer la surveillance du système financier dans son ensemble. Les auteurs du rapport voudraient que cette responsabilité soit confiée à la BCE ou au SEBC (Système européen de banques centrales). Dans les cas où il est nécessaire d'exercer une surveillance transfrontalière (pour les établissements financiers qui ont des filiales dans d'autres pays), le rapport préconise de prévoir des possibilités d'arbitrage contraignant.

6.2.2

Le groupe de Larosière constate qu'il est nécessaire de prévoir un mandat formel à confier à un organe européen de surveillance du système financier dans son ensemble, de telle sorte que cet organe puisse donner l'alarme en cas de risques financiers de nature systémique. Il conviendrait de constituer, au sein de la BCE/du SEBC, un conseil spécial indépendant ou un organe directeur spécial et indépendant (European Systemic Risk Council: Conseil européen du risque systémique) chargé de s'acquitter de cette mission. Devront en faire partie, outre les banques centrales, les trois autorités proposées pour assurer une surveillance microprudentielle. Le CESE est en mesure de constater qu'actuellement, les connaissances qui sont nécessaires pour assurer une surveillance macroprudentielle sont très probablement impossibles à trouver réunies où que ce soit. Il faut donc construire ces connaissances pour les besoins de l'activité du conseil en question. Le rapport de Larosière constate aussi qu'il faut faire intervenir la Commission si des risques de nature globale apparaissent dans le système financier.

6.2.3

Le CESE est favorable aux ajouts apportés par le Conseil ECOFIN et par le Conseil européen aux propositions issues de la communication du 27 mai, ajouts dont il résulte que le Conseil général de la BCE siègera au sein du CERS (Conseil européen du risque systémique) avec les organes nationaux de surveillance en tant qu'observateurs, que chaque pays disposera d'une voix et que les recommandations éventuelles passeront par le Conseil ECOFIN. Le Conseil européen a également proposé que le président du CERS soit désigné par le Conseil général de la BCE. Le CESE juge cette disposition appropriée, étant donné que les 27 États membres font tous partie de ce Conseil. Le Conseil européen recommande que les autorités européennes de surveillance disposent également de pouvoirs de surveillance à l'égard des agences de notation de crédit. Le CESE soutient cette proposition qui découle du débat relatif à la proposition de directive sur les agences de notation de crédit, mais souhaite souligner que seule l'une de ces trois autorités peut exercer cette responsabilité.

6.3   Un système européen de surveillance microprudentielle

6.3.1   Pour la surveillance au jour le jour, il est proposé de renforcer, en leur conférant le statut d'autorités, les trois comités actuels qui sont compétents, respectivement, pour la surveillance des banques, la surveillance des compagnies d'assurances et la surveillance du marché des valeurs mobilières. Les réglementations dans ces trois domaines sont suffisamment différentes pour que l'idée d'une fusion des trois comités en une seule autorité ne puisse pas être d'actualité.

6.3.2   Il est proposé que seul le secteur financier soit représenté au sein de ces nouvelles autorités. Comme on l'a déjà indiqué, le CESE est d'avis que l'activité financière n'intéresse pas uniquement ceux qui participent directement à l'exercice de cette activité. Il existe des raisons péremptoires de faire intervenir les organisations de salariés. Il existe des raisons tout aussi péremptoires de faire siéger au sein des autorités en question les consommateurs des services offerts par le secteur bancaire, par le secteur des assurances et par le secteur des valeurs mobilières. À cet égard, il est permis d'établir une comparaison avec ce qu'a proposé l'administration Obama aux États-Unis. Un conseil spécial des clients d'établissements bancaires sera créé dans ce pays et il sera chargé de surveiller l'activité du secteur. Il conviendrait aussi, pour des motifs évidents, de proposer au CESE de siéger au sein de ces autorités, en tant que représentant de la société civile.

6.3.3   Il est proposé, notamment, de charger ces nouvelles autorités de la mission de détecter les différences qui existent, d'un État membre à l'autre, dans l'application des règles communautaires existantes. De l'avis du CESE, il conviendrait que cela amène naturellement la Commission à proposer des adaptations des règles concernées, afin de faire disparaître les différences dont il s'agit.

6.3.4   Le rapport affirme que les États membres doivent disposer d'autorités de surveillance compétentes, ayant aussi la possibilité de recourir à des sanctions dissuasives. Le CESE ne peut qu'approuver cette prise de position, tout en faisant remarquer à quel point il importe que ces autorités soient indépendantes des banques et des établissements financiers. Le Comité invite la Commission à élaborer pour cela des règles communautaires.

6.3.5   Le groupe de Larosière souhaite que les organes nationaux de surveillance assurent la surveillance au jour le jour, mais que les trois nouvelles autorités établissent des normes et coordonnent l'activité. Il faut vérifier que les autorités nationales soient réellement indépendantes. Pour un établissement financier qui exerce son activité dans plusieurs pays, il faudra mettre en place des collèges des autorités nationales de surveillance participantes. Compte tenu de l'expérience vécue jusqu'à présent, il s'est même révélé indispensable de proposer une obligation pour les organes nationaux d'échanger des informations.

6.3.6   Le rapport propose de développer en deux étapes un nouveau système de surveillance microprudentielle. La deuxième étape devra consister dans la mise au point de règles fondamentales communes et dans l'élimination des différences d'application d'un pays à l'autre. C'est aussi au cours de cette étape que devront être harmonisées les possibilités de sanctions. Le CESE ne voit aucune raison de retarder tous ces travaux, et c'est pourquoi il apprécie que la Commission, dans sa communication, propose maintenant de passer sans transition aux préparatifs de mise en place de l'ensemble du système de surveillance microprudentielle.

6.3.6.1

De l'avis du CESE, les collèges d'autorités nationales de surveillance concernées risquent de se révéler difficile à gérer si l'on ne procède pas, dans le même temps, à l'harmonisation qui est nécessaire. Des différences d'importance déterminante entre les règles applicables aux organes nationaux de surveillance obligeraient, dans la pratique, les trois autorités à assumer une partie de la surveillance des établissements ayant une activité dans plusieurs pays.

6.3.6.2

Le CESE appuie pleinement l'invitation faite par le Conseil européen à la Commission de préciser la manière dont le système européen de surveillance financière pourrait, en cas de crise, jouer un rôle important de coordination des autorités de surveillance, dans le plein respect de la compétence des autorités nationales en matière de maintien de la stabilité financière et de gestion des crises pour ce qui est des conséquences budgétaires potentielles et en respectant pleinement les attributions des banques centrales, s'agissant notamment de la fourniture d'une aide d'urgence en cas de crise de liquidité.

7.   Le niveau mondial

7.1

Le groupe de Larosière fait observer qu'au niveau mondial également, l'enjeu est de réglementer le secteur financier, d'exercer une surveillance et de gérer les crises, et que l'on ne dispose pas d'un cadre permettant d'y parvenir. Parmi les souhaits qu'exprime le groupe, figurent des renforcements de l'accord de Bâle II et des règles comptables internationales, une réglementation mondiale des agences de notation de crédit, des modifications des modes de gouvernance dans le secteur financier et un rôle plus important pour le FMI. La volonté du groupe est de voir supprimer la possibilité d'attirer les opérateurs grâce à la faiblesse de la réglementation du secteur financier. L'existence de collèges d'autorités de surveillance des banques est particulièrement importante pour ce qui concerne les banques ayant des activités à l'échelle mondiale.

7.2

L'on pourrait s'attendre à ce qu'il soit difficile de réaliser des changements au niveau mondial. Cependant, plusieurs des propositions du groupe ont déjà été examinées lors de la réunion du G-20 à Londres. Le Forum de stabilité financière internationale, qui avait été créé en 1999, a été transformé en «Financial Stability Board», avec une composition élargie à tous les pays du G-20, plus l'Espagne et la Commission européenne et s'est vu doter de domaines de compétence plus importants et d'un rattachement plus étroit au FMI. Ces changements sont totalement conformes aux recommandations du groupe de Larosière. Le Forum qui existait jusqu'à présent n'avait pas été en mesure d'avertir à un stade précoce des risques existant dans le système financier lors de la crise que nous connaissons actuellement. Le CESE espère que les changements en question rendront cet organe plus enclin à la transparence et que celui-ci disposera de ressources et de connaissances accrues, ainsi que d'une plus grande capacité à intervenir. Il y a lieu aussi de faire observer que la majeure partie des décisions prises à Londres restent encore à mettre en œuvre.

7.3

Une notion qui est utilisée dans les discussions sur le marché financier est celle d'«examen de résistance» («stresstest»), qui désigne un procédé permettant d'examiner comment le système bancaire d'un pays donné résisterait à une crise du marché financier. Au vu de la crise financière actuelle, l'on comprend aisément quelle pourrait être l'importance d'examens de cette nature. En même temps, se pose la question de savoir dans quelle mesure il convient de rendre publics les résultats. Si le FMI procède à un tel examen et rend publique la constatation que le système bancaire d'un certain pays ne supporterait pas une crise, cela pourrait déclencher la crise. Il conviendrait toutefois que ces examens de résistance s'effectuent de la manière la plus transparente possible et puissent devenir un instrument important en matière de surveillance des systèmes financiers nationaux.

7.4

La proposition visant à doter le FMI de ressources supplémentaires pour pouvoir aider les pays confrontés à des problèmes aigus a été, elle aussi, adoptée à Londres. Le CESE s'en félicite, mais trouve matière à critique dans les exigences que pose le FMI, exigences qui remettent en question des éléments à caractère social, ainsi que des parties importantes du modèle social européen. Aussi bien pour cette raison que sous tous les autres aspects, il est essentiel que l'UE puisse présenter un front commun au sein du FMI.

Bruxelles, le 30 septembre 2009.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 27 du 3.2.2009, p. 18.

(2)  JO C 110 du 9.5.2006, p. 19.

(3)  JO C 277 du 17.11.2009 (ECO/243 – Agences de notation).


Annexe

a l'avis du comite economique et social europeen de la section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur):

Paragraphe 1.2

Supprimer:

«La cause la plus importante de la crise a été un excès de liquidités, lequel, selon le groupe de Larosière, était en partie dû à une politique monétaire expansive aux États-Unis, des déséquilibres de l'économie mondiale, la relation entre les États-Unis et la Chine en donnant le témoignage le plus manifeste. Une autre explication possible se trouve, selon le CESE, dans le fait que les revenus ont été détournés du travail vers le capital. La répartition des revenus s'est faite plus inégale. Le besoin s'est fait sentir, pour les plus fortunés, de faire fructifier leurs disponibilités accrues. Les actifs réels susceptibles de recevoir leurs placements n'ayant pas augmenté au même rythme, les prix des valeurs mobilières ont subi une pression à la hausse. Le rapport de Larosière rend compte de manière complète de la “bulle” financière, mais il faudrait procéder à une analyse plus approfondie en vue de décisions politiques à venir.»

Exposé des motifs

Comme le dit le rapporteur en d'autres endroits de l'avis, et comme mentionné dans le rapport de Larosière, les causes qui ont provoqué la crise sont diverses mais rien ne permet d'affirmer qu'un changement dans la répartition des revenus soit l'une d'elles et aucune étude sur les causes de la crise ne le dit.

Résultat du vote

Voix pour: 68 Voix contre: 121 Abstentions: 15

Paragraphe 1.3.3.

2e phrase. Supprimer, «et quelquefois dans le but d'échapper à l'impôt»:

«Les expressions “hors bilan” et “fonds communs de créances” ont parfois été employées à tort. Des actifs à risques ont été retirés du bilan même de la banque dans le but de contourner les exigences en matière de fonds propres, et quelquefois dans le but d'échapper à l'impôt. Dans ces conditions, le CESE est d'avis qu'une réglementation plus stricte est nécessaire».

Exposé des motifs

La raison principale des opérations hors bilan, comme le dit justement le rapporteur, est la non-consommation des ressources propres. Rien ne permet d'affirmer qu'elles sont réalisées pour échapper à l'impôt, ce qui serait d'ailleurs très difficile même en cas d'opération hors bilan.

Résultat du vote

Voix pour: 65 Voix contre: 125 Abstentions: 12

Paragraphe 1.4.4.

Supprimer:

« Il convient que les organes directeurs de ces nouvelles autorités ne se composent pas uniquement de professionnels de la banque. Il conviendrait d'y faire siéger de droit les organisations syndicales, les consommateurs de services bancaires, ainsi que le CESE en tant que représentant de la société civile. »

Exposé des motifs

Les organes directeurs ne se composent pas uniquement de professionnels de la banque, mais aussi de représentants des autorités monétaires. L'inclusion de nouveaux représentants qui entraveraient le fonctionnement des nouvelles autorités n'est pas non plus justifiée. D'ailleurs, la recommandation 12 du rapport de Larosière indique clairement que les organes directeurs des nouvelles autorités doivent avoir un caractère indépendant et professionnel.

Résultat du vote

Voix pour: 60 Voix contre: 132 Abstentions: 8


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