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Document 52009AE1472

Avis du Comité économique et social européen sur Le lien entre l'égalité des sexes, la croissance économique et le taux d'emploi (avis exploratoire)

JO C 318 du 23.12.2009, p. 15–21 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

23.12.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/15


Avis du Comité économique et social européen sur «Le lien entre l'égalité des sexes, la croissance économique et le taux d'emploi» (avis exploratoire)

2009/C 318/04

Rapporteure: Mme OUIN

Dans une lettre du 18 décembre 2008, Mme Cecilia MALMSTRÖM, ministre des Affaires européennes de la Suède, a demandé au Comité économique et social européen, dans la perspective de la prochaine présidence suédoise, d'élaborer un avis exploratoire sur le thème suivant:

«Le lien entre l'égalité des sexes, la croissance économique et le taux d'emploi».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er septembre 2009 (rapporteure: Mme OUIN).

Lors de sa 456e session plénière des 30 septembre et 1er octobre 2009 (séance du 1er octobre 2009), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 6 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le mérite de la question posée par la présidence suédoise sur les liens entre l’égalité des sexes, la croissance et l’emploi est de permettre de prendre du recul. Le thème de l’égalité des sexes est en effet traité dans un nombre considérable de rapports et d’études ainsi que de directives, de lois, de recommandations, d’accords. Pourtant la réalité résiste et les inégalités persistent. Elles sont hérités des siècles passés et cela fait seulement 50 ans qu’elles sont combattues. Si l’égalité des sexes est maintenant inscrite dans les lois, il reste à changer les mentalités, les comportements individuels et collectifs. Le présent avis propose de changer de regard, en particulier dans trois domaines: l’organisation du temps, la reconnaissance de la qualification des emplois de service à la personne et la mixité, tant des secteurs professionnels que des postes de décision.

1.2

Les recommandations du CESE s’adressent donc aux Etats membres, à la Commission, aux partenaires sociaux, mais aussi à l’ensemble des acteurs de la société.

Aux États membres:

1.3

La croissance est mesurée par l’augmentation du PIB. Or cet indicateur est insuffisant pour refléter la contribution économique des femmes. Pour examiner les liens entre égalité des sexes et croissance, l’instrument de calcul de celle-ci devrait être revu.

1.4

Œuvrer pour l'égalité des sexes doit être considéré comme un moyen:

de promouvoir la croissance et l'emploi et non comme un coût ou une contrainte;

de renforcer l'indépendance économique des femmes qui seront davantage consommatrices de biens et services;

d'investir dans les ressources humaines en imposant l'égalité d'accès aux formations professionnelles, à l'apprentissage tout au long de la vie, en valorisant mieux l'expérience et la diversité;

de créer les conditions pour une meilleure conciliation entre travail, vie familiale et vie privée, en proposant des organisations de temps de travail flexibles choisis dans l’intérêt des entreprises et des salariés, en augmentant les services de soins, en considérant l’accueil des jeunes enfants non comme une charge mais comme un investissement, et en encourageant les hommes à prendre leur part du travail familial;

de stimuler l'esprit d'entreprise des femmes, en soutenant les créations et les transmissions d'entreprise et améliorant leur accès aux financements;

de s'assurer que la perspective de genre est prise en compte dans les mesures prises, à court, moyen et long terme, face à la crise économique et financière, tant au niveau de l'Union européenne dans son ensemble, qu'à l'échelon de chaque Etat membre;

de réduire la pauvreté active (les salariés sous-payés, précarisés, chefs de famille monoparentale sont souvent des femmes) par un accès accru à un travail, à un travail sécurisé, et à des salaires décents.

À la Commission:

1.5

demande de contrôler et évaluer les efforts des États membres dans la mise en place de la Feuille de route pour l'égalité entre hommes et femmes et de devenir une plateforme d'échange de bonnes pratiques et d'expériences.

Aux partenaires sociaux:

1.6

demande de mettre en œuvre leur cadre commun d'actions en matière d'égalité des sexes en se concentrant sur le rôle des genres, la promotion de la femme dans le processus de décision, le soutien de l'équilibre travail/vie privée et la réduction de l'écart de rémunération;

1.7

d’améliorer les connaissances et les instruments de lutte contre la ségrégation des emplois et pour leur mixité;

1.8

de professionnaliser les emplois de service à la personne par une meilleure reconnaissance des compétences mises en œuvre pour les exercer.

À tous les acteurs de la société civile et aux responsables politiques:

demande de réfléchir à un assouplissement des modalités des règles de la retraite, ce qui pourrait inclure la possibilité de prélever du temps avant la retraite pour faire face aux obligations de la vie familiale;

de développer l’offre de service à domicile par le développement de services publics et la création d’entreprises;

d’augmenter le nombre de femmes aux fonctions dirigeantes dans les administrations publiques ainsi que dans les conseils d’administration et comités de direction des entreprises privées et publiques;

d’envisager cette question avec une vision ample, conduisant tant à des mesures immédiates qu’à des axes de travail inscrits dans la durée.

2.   Introduction

2.1

La nécessité des mesures visant à améliorer la participation des femmes au marché du travail fait partie intégrante de la Stratégie de Lisbonne qui doit faire évoluer l'Europe vers une société plus compétitive basée sur les connaissances.

2.2

Le rapport 2008 de la Commission sur l’égalité entre les femmes et les hommes en Europe (1) indique: «L'emploi féminin a été le principal facteur de la croissance continue de l'emploi dans l'UE au cours de ces dernières années. Entre 2000 et 2006, l'emploi dans l'UE-27 a crû de près de 12 millions de personnes, dont plus de 7,5 millions de femmes (…). Le taux d'emploi des femmes ayant des enfants à charge n'est que de 62,4 %, contre 91,4 % pour les hommes, soit une différence de 29 points. Plus des trois quarts des travailleurs à temps partiel sont des femmes (76,5 %), ce qui correspond à une femme sur trois, contre moins d'un homme sur dix».

2.3

Le rapport 2009 (2) chiffre le taux d’emploi des femmes à 58,3 % contre 72,5 % pour les hommes, le taux d’emploi féminin à temps partiel à 31,2 % contre 7,7 % pour les hommes, pointe la prédominance des femmes dans les secteurs où l’emploi est moins bien rémunéré; et souligne la répartition inégale en matière de pouvoirs dans les institutions et entreprises.

2.4

Si l’égalité des sexes n'est pas encore réalisée, la situation des femmes travailleuses est l'une des meilleures du monde; il faut mettre au crédit de l’Union européenne de s’être attelée à cette question dès l’origine et d’avoir mis en place outils statistiques, études, analyses, et législation.

2.5

Malgré des progrès et résultats positifs enregistrés, le potentiel économique des femmes n'a pas été suffisamment mis en valeur. En outre, la crise économique et financière internationale sans précédent aura probablement un impact différent sur les femmes et les hommes, étant donné leurs situations différentes dans la sphère économique, sociale et familiale.

2.6

Parce que de très nombreux travaux sont disponibles, que des recommandations ont été formulées, des décisions prises par les institutions et partenaires sociaux européens, – en 9 ans le Comité a adopté 14 avis sur des thèmes en rapport avec l’égalité des sexes (3) – le présent avis fait le choix de ne pas traiter de l’intégralité du sujet de l'égalité des sexes. Il limite le champ à ses liens avec la croissance et l'emploi, avec, en ligne de mire, les objectifs fixés par la Stratégie de Lisbonne concernant l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail (4).

3.   Observations générales

3.1   Antécédents

3.1.1

L'augmentation de l'emploi des femmes a été continue depuis les années 60. Un grand pas vers l’égalité des sexes a été, dès les années 70, l’accès massif des femmes à un emploi. Dès qu'il leur a été possible de choisir leurs maternités et d’accéder aux études supérieures, elles ont voulu, comme les hommes, utiliser leurs compétences au sein de la société et pas seulement de leur famille, et acquérir une autonomie financière. Le travail rémunéré, c'est un revenu personnel, de meilleures garanties en matière de sécurité sociale et de retraite, un rempart contre la pauvreté en cas de séparation, divorce ou veuvage.

3.1.2

L’entrée des femmes dans l’emploi a créé de nouveaux besoins que le marché a dû satisfaire. Les femmes travaillaient chez elles, ce qui n’était pas comptabilisé dans le produit intérieur brut. Lorsque les femmes sont sorties de la sphère domestique, des emplois ont été créés pour réaliser les tâches qu’elles effectuaient à la maison. On pense aux gardiennes d’enfants et aides ménagères mais pas seulement.

3.1.3

Le travail des femmes a créé des besoins qui ont contribué au développement économique. Quand les femmes ont occupé un emploi, les couples se sont équipés d’appareils électroménagers, de deux automobiles, ont acheté des plats cuisinés préparés, enfants et parents ont pris un repas à l’extérieur, les familles ont eu besoin de services pour et de structures d'hébergement pour les malades, personnes handicapées et âgées dont s'occupaient précédemment les femmes au foyer, pour l'accueil des enfants en dehors du temps scolaire. Avec deux salaires, les couples ont pu acquérir un logement, et profiter des activités culturelles, voyager… Des emplois ont ainsi été créés dans l’industrie (électroménager, automobile, agroalimentaire), dans la restauration collective, dans les secteurs sanitaires et sociaux, périscolaire, de la petite enfance et de l’éducation, dans le bâtiment, le tourisme, les loisirs, la culture, les transports de voyageurs…

3.1.4

Depuis quarante ans, ce mouvement de transformation du travail domestique en emplois est un moteur de la croissance. Mais s'agit-il de croissance réelle ou seulement de la façon dont elle est calculée? L'économie ne connait pas le travail domestique et familial, pourtant nécessaire au fonctionnement de la société, ce qui conduit à s'interroger sur la façon de calculer la croissance.

3.2   Égalité des sexes et croissance économique – faits et constatations

3.2.1

Selon une analyse de l'UE (5), l’apport de l'égalité des sexes à l’économie ne doit pas se mesurer uniquement à l’aune d’une meilleure rentabilité des entreprises. C’est un investissement productif participant au progrès économique global, à la croissance et à l'emploi. L'égalité des sexes peut contribuer au développement: 1) par une plus forte participation des femmes au marché du travail ce qui induit une meilleure utilisation de leur investissement en éducation et formation, 2) par une plus grande indépendance économique, 3) par une meilleure intégration des femmes dans le système fiscal, participant ainsi au bien-être collectif.

3.2.2

Bien que la contribution économique soit considérée comme plus large que l'approche entrepreneuriale et la gestion de la diversité au niveau des entreprises, certains éléments permettent d'établir qu'à l'approche entrepreneuriale sont associés des résultats économiques positifs. Les entreprises dont le conseil d'administration compte davantage de femmes sont plus rentables.

3.2.3

Les politiques en faveur de l'égalité peuvent se concevoir comme un investissement efficace dans les ressources humaines. Même si les ambitions du développement économique se limitent à la croissance économique, du point de vue de l'investissement, les politiques en faveur de l'égalité sont susceptibles d'avoir une incidence positive sur les personnes, les entreprises, les régions et les nations. Recourir plus efficacement aux femmes qui ont des niveaux d'éducation supérieurs est aussi une démarche porteuse d'avantages économiques potentiels.

3.2.4

Une plus grande indépendance économique des femmes présente des avantages grâce à la contribution qu'elles apportent en tant que consommatrices de biens et de services dans l'économie, et au pouvoir d'achat des ménages. La contribution économique des femmes devrait être davantage reconnue dans les politiques économiques au niveau national, régional et local.

3.3   Situation actuelle

3.3.1

Au moment où les crises économique et écologique interpellent sur le type de développement souhaitable, des voix s'élèvent pour remettre en cause le PIB comme seul indicateur de croissance. D'autres indicateurs devraient être pris en considération (6).

3.3.2

Quels que soient les indicateurs, la situation des femmes reste inégalitaire, ce qui représente un coût pour la société. Les Etats investissent autant pour l'éducation des garçons que des filles - pourtant 60 % des diplômés des universités européennes sont des filles -, il n'est pas logique que les Etats ne soutiennent pas davantage ensuite les femmes sur le marché du travail. Des dépenses publiques d’éducation égales pour les deux sexes devraient permettre aux femmes d’atteindre les mêmes responsabilités et rémunérations que les hommes. Les femmes doivent profiter des mutations actuelles pour acquérir les nouvelles compétences nécessaires aux nouveaux emplois. Les contributions des femmes, leur niveau élevé de formation et leur potentiel pour répondre aux besoins futurs du marché du travail demeurent sous-estimés et méconnus.

3.3.3

Lutter contre l'inégalité des sexes n’est pas seulement une question éthique, c’est mieux gérer les ressources humaines. Des femmes plus nombreuses dans l’emploi créeront davantage de richesses, consommeront davantage de biens et de services, et contribueront à accroître les recettes fiscales. Des équipes de travail mixtes, c’est un meilleur potentiel d’innovation. Donner aux couples les moyens de réaliser leur désir d'enfant, en permettant aux parents de garder leur emploi, c'est lutter contre le déficit démographique. Si l'Europe veut investir dans l'humain, elle doit en priorité s'attaquer aux handicaps des femmes (7).

3.3.4

Le potentiel d'évolution des femmes est freiné en particulier par:

le partage inégal des responsabilités familiales (enfants, malades, parents âgés, tâches ménagères, etc.),

l'insuffisance, tant du point de vue du nombre que de la qualité des structures publiques d'accueil préscolaire, ainsi que des structures alternatives d'accueil, à un coût accessible à tous,

le poids des stéréotypes,

la ségrégation horizontale et verticale du marché du travail,

la ségrégation au niveau de l’orientation scolaire et des études,

la non-reconnaissance de leurs qualifications et des compétences mises en œuvre dans de nombreux métiers,

le travail à temps partiel non choisi,

et le travail précaire,

le travail informel,

les bas salaires,

l'écart salarial entre hommes et femmes (8),

la violence et le harcèlement à caractère sexuel et/ou en raison des sexes,

le trop faible nombre de femmes avec des responsabilités dans les domaines économique et politique,

les conditions défavorables pour les femmes entrepreneuses, le soutien trop faible aux créations et aux transmissions d'entreprise et l'accès limité aux financements,

les régressions véhiculées par certaines communautés,

le manque de modèles,

elles-mêmes – les femmes ne se mettent pas en valeur comme les hommes le font (elles hésitent à poser leur candidature pour des postes à responsabilités, manquent de confiance en elles, ne constituent pas de réseau, ne saisissent pas les occasions qui se présentent et sont réticentes à combattre la discrimination).

3.3.5

Porter l'effort sur les conditions d'accès et de maintien des femmes sur le marché du travail, combler l’écart salarial entre hommes et femmes promet davantage de croissance et de meilleurs emplois, une prévention contre la pauvreté, et un moindre coût de la «réparation sociale». La pauvreté en Europe se concentre sur la catégorie des femmes seules avec enfants (9).

3.3.6

Dans la répartition précédente des fonctions, l’homme gagnait un revenu qui finançait le travail familial, social et domestique de son épouse. Quand les couples ont deux salaires, ils ne consacrent pas l'un des deux au financement des services pour effectuer les travaux que réalisait la femme au foyer, ils privilégient la consommation de biens matériels.

3.3.7

Le travail gratuit de la femme au foyer n'avait pas de prix, mais en se transformant en travail salarié, il a un coût que les utilisateurs ne sont pas prêts ou ne peuvent pas payer. Gardiennes d’enfants, aides familiales, aides ménagères sont payées aux plus bas salaires, à temps partiel, à employeurs multiples (ce sont les particuliers qui sont employeurs pour quelques heures par semaine) et souvent dans l'économie informelle. Le travail domestique est le plus important secteur de travail non déclaré en Europe.

3.3.8

Les parents confient ce qu’ils ont de plus précieux, leur bébé, à des personnes beaucoup moins rémunérées que la moyenne, alors qu’ils souhaitent que leur niveau de compétences soit élevé. De même qu'à une aide ménagère on laisse la clef de son domicile, sans pour autant lui verser le salaire de la confiance. La qualification est difficile à faire reconnaitre parce que les familles jugent «facile» une tâche qu’elles peuvent accomplir elles-mêmes. Pourtant, si s'occuper de ses enfants n'est pas un métier, s'occuper des enfants des autres l'est (connaissances en psychologie, en diététique, en hygiène, concentration, écoute, attention, vigilance permanentes, etc.); les compétences requises, souvent considérées comme «naturellement» féminines et de ce fait ignorées dans le domaine professionnel, sont plus souvent transmises de façon informelle dans la famille qu’enseignées dans le cursus scolaire.

4.   Observations particulières

4.1   La marche vers l’égalité des sexes peut continuer à créer de la croissance et des emplois:

parce que le taux d’emploi des femmes peut augmenter, ce qui créera des besoins supplémentaires de services,

parce que les salaires féminins peuvent être réévalués, ce qui créera du pouvoir d’achat, des capacités de consommation supplémentaires et des recettes fiscales,

parce que les femmes peuvent occuper davantage de postes politiques et de décision, ce qui a un effet positif sur la performance des entreprises et des institutions,

parce que plus de femmes entrepreneuses apporteront de la valeur ajoutée et des contributions financières supplémentaires à l'économie grâce à l'innovation et à la création d'emplois.

4.2   Parce qu'il est inutile de répéter ce que d'autres documents communautaires affirment déjà, le Comité économique et social européen limite ses propositions à quelques pistes moins explorées que d'autres.

4.2.1   S’attaquer à la ségrégation des emplois

4.2.1.1

Le principal obstacle à l’égalité des sexes est actuellement la ségrégation des emplois. Il y a des professions masculines et des professions féminines. Les salaires des branches professionnelles féminines sont souvent plus bas. Et le travail à temps partiel non choisi ainsi que la précarité plus répandus.

4.2.1.2

Tant qu’une profession sera réservée à un sexe, des stéréotypes s’y attacheront. Il est maintenant prouvé qu’hommes et femmes sont capables d’exercer tous les métiers. On voit des professions longtemps dominées par les hommes (enseignant, juge, médecin généraliste…) l'être aujourdh'ui par des femmes. Pourquoi la mixité est-elle si difficile à installer dans l’emploi? Il faut augmenter les connaissances à ce sujet pour s’attaquer à la ségrégation de l’emploi et promouvoir sa mixité. Cela permettra aussi d’éviter les pénuries de main d’œuvre dont sont victimes certains secteurs.

4.2.1.3

Les obstacles à la mixité des emplois et des fonctions sont inconscients et liés à des représentations. Ils s’enracinent dès le système éducatif, avec le choix des professions différentes des filles et des garçons. Parents et enseignants doivent être davantage sensibilisés aux conséquences des choix d’orientation des jeunes. Les négociateurs patronaux et syndicaux des grilles de classifications, qui hiérarchisent les qualifications lors des négociations des salaires ont un rôle essentiel, qui nécessite qu’ils connaissent la valeur des compétences acquises dans la sphère domestique et familiale. Les fonctions dirigeantes ne sont pas mixtes non plus. Des mesures doivent être prises dans les grandes entreprises et la haute administration pour leur plus grande mixité.

4.2.2   Qualifier et professionnaliser les emplois de services à la personne

4.2.2.1

Les emplois de services à la personne doivent devenir de vraies professions, avec une qualification reconnue, des formations, des diplômes, un déroulement de carrière. Afin de sortir de la relation individuelle entre le particulier et l’aide familiale, il faut créer des entreprises et services publics de services à la personne. Les familles ne doivent plus être des employeurs mais des clients ou des usagers qui achètent ou bénéficient de quelques heures de ménage, d'aide à la personne âgée ou de garde d’enfant, de soutien scolaire… Il faudrait généraliser un système qui existe déjà dans quelques pays européens, dans lequel l’entreprise ou le service public employeur est responsable de la sécurité des biens et des personnes et doit vérifier la qualification des salariés intervenant à domicile. Ceux-ci n’ont ainsi qu’un seul employeur, sont rémunérés pour le temps de transport entre deux domiciles et ont accès à la formation professionnelle et à toutes les garanties collectives. Il faut élaborer un cadre de références européen pour les emplois de service à domicile intégrant les dimensions psychologiques de ces fonctions (confiance, empathie, attention, écoute, vigilance…), les connaissances indispensables (diététique, incidence des produits utilisés sur la santé et l’environnement…), et pas seulement la dimension matérielle et technique des travaux ménagers.

4.2.2.2

La reconnaissance de la qualification renchérit le coût des services, que déjà actuellement la plupart des familles ne peuvent pas assumer. Un financement public et des entreprises – dans les cas où il s'inscrit dans le cadre d'accords au niveau des entreprises – pourrait rendre ces services plus accessibles pour tous.

4.2.2.3

La professionnalisation des emplois de services à la personne et de meilleurs salaires permettront de développer leur mixité. Quand des hommes voudront exercer les métiers d'aides ménagers, gardiens d’enfants, aides familiaux, un grand pas aura été franchi vers l’égalité des sexes.

4.2.3   Mieux répartir les responsabilités familiales

4.2.3.1

Les pères consacrent moins de temps que les mères aux tâches familiales et domestiques. Sensibiliser les pères à l’importance de leur rôle auprès de leurs enfants, inciter les hommes à prendre leurs responsabilités auprès de leurs parents âgés, des malades de la famille est une des conditions de l’égalité.

4.2.4   L’accueil des jeunes enfants

4.2.4.1

Développer l’accueil des jeunes enfants ne doit pas être considéré comme un coût mais comme un investissement. D’après Gösta Esping-Andersen (10), sur le long terme, les mères qui travaillent restituent la subvention «grâce à l’augmentation de leurs gains à l’échelle d’une vie et aux impôts qu’elles acquittent». Cet apport rembourse l’aide publique initiale et a des effets bénéfiques pour l’enfant accueilli. Cet investissement permettra aussi d’enrayer le déclin démographique de l’Europe.

4.2.5   Développer l’offre de services

L'égalité passe par le développement d’une offre de services qui pourra libérer les femmes des travaux domestiques et familiaux, afin de conforter leur place dans des emplois stables, à temps plein et qualifiés. Développer ces services (accueil des jeunes enfants, services périscolaires, accompagnement des personnes âgées et handicapées, ménage, repassage..) c’est créer des emplois.

4.2.5.1

Le développement de ces services passe par un financement mutualisé « (État, entreprises, clients)» (11). Des accords d’entreprise récents proposent des services à la personne comme alternative aux augmentations de salaires. Proposer des services permettant de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle fait partie de la responsabilité sociale des entreprises.

4.2.6   Prévoir un crédit «temps»

4.2.6.1

Les services ne peuvent suffire pour concilier la vie professionnelle et familiale. Élever, éduquer des enfants requiert du temps pendant une partie de la vie. Si le travail à temps partiel, quand il est choisi, peut aider les personnes chargées de famille à mieux concilier leurs vies professionnelle, familiale et privée, il ne doit pas fragiliser la position des femmes dans l’emploi, et dans la vie, surtout quand elles sont chefs de famille, ni dissuader les pères de s’investir dans la vie familiale. Les deux parents doivent pouvoir s’occuper de leurs enfants.

4.2.6.2

D’autres membres de la famille ont besoin de temps: personnes en fin de vie, malades, parents âgés. À l’heure où tous les systèmes de retraite sont réformés, il faut sortir d’une vision de la vie divisée en trois temps: les études, le travail et la retraite. Chacun doit pouvoir étudier tout au long de sa vie et disposer d'un nombre d’années suffisant de crédit temps pour ses activités familiales, sociales, associatives, politiques et citoyennes. Il devrait être possible de choisir de reculer son âge de départ à la retraite si l’on préfère prendre du temps (financé comme la retraite) pendant sa vie active.

4.2.7   Augmenter le nombre de femmes aux fonctions dirigeantes

4.2.7.1

Les femmes sont sous-représentées dans toutes les fonctions dirigeantes, les responsabilités politiques, la haute administration et dans les directions des grandes entreprises alors que les entreprises qui ont une plus grande proportion de femmes dans leur comité de direction sont aussi celles qui sont les plus performantes financièrement. Elles créent moins d'entreprises, sont moins souvent chefs d'entreprises. Les hommes sont sous représentés dans la sphère familiale, ils prennent moins leur congé parental.

4.2.7.2

Les femmes qui se sont imposées dans un milieu masculin pourraient guider des femmes qui aspirent à la même carrière (tutorat). Des mesures contraignantes peuvent s’avérer nécessaires: les grandes institutions publiques et grandes entreprises privées devraient prendre des mesures pour assurer un nombre significatif de femmes parmi leurs dirigeants.

4.2.8   Soutien des femmes en tant qu'entrepreneuses

Les femmes qui ont l'intention de créer ou de diriger une entreprise dans l'UE rencontrent de nombreuses difficultés à créer et pérenniser des entreprises du fait de leur faible connaissance du monde des affaires,, des types d’entreprise et des secteurs, du manque d'information, de l’absence de contacts et de réseaux, des stéréotypes, de la faiblesse et de l’insuffisante flexibilité des services pour enfants, des difficultés à concilier affaires et obligations familiales, ainsi que de la façon différente des hommes et des femmes de concevoir l'entreprenariat. La Feuille de route de l'UE pour l'égalité entre femmes et hommes a identifié des mesures à prendre pour soutenir l'esprit d'entreprise des femmes, pour les aider à créer leur entreprise ou à reprendre une entreprise existante, et à bénéficier de formations adaptées pour entrepreneurs et pour faciliter leur accès aux financements.

4.2.9   Le rôle des partenaires sociaux

En considérant que les causes des inégalités persistant sur le marché du travail sont complexes et liées entre elles, les partenaires sociaux européens ont adopté en 2005 – dans le cadre de leur premier programme de travail commun – un cadre d'actions sur l'égalité des genres ayant pris en compte essentiellement quatre domaines: s'occuper du rôle des genres, promouvoir les femmes dans les processus de décision, soutenir l'équilibre travail/vie privée et réduire l'écart de rémunération.

Bruxelles, le 1er octobre 2009.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2008) 10 final, page 4.

(2)  COM(2009) 77 final.

(3)  Voir les avis du CESE des:

24.03.2009 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante et abrogeant la directive 86/613/CEE», rapporteure: Mme SHARMA, JO C 228 du 22.9.2009.

13.05.2009 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail», rapporteure: Mme HERCZOG, CESE 882/2009 JO C 277 du 17.11.2009.

22.04.2008 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Combattre l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes», rapporteur: Mme KÖSSLER (JO C 211 du 19.08.2008)

11.07.2007 sur «Employabilité et esprit d'entreprise – Le rôle de la société civile, des partenaires sociaux et des organismes régionaux et locaux du point de vue du genre», rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS (JO C 256 du 27.10.2007)

11.07.2007 sur «Le rôle des partenaires sociaux dans la conciliation de la vie professionnelle, de la vie familiale et de la vie privée», rapporteur: M. CLEVER (JO C 256 du 27.10.2007)

12.07.2007 sur «L'emploi pour les catégories prioritaires (stratégie de Lisbonne)», rapporteur: M. GREIF (JO C 256 du 27.10.2007)

13.09.2006 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010», rapporteure: Mme ATTARD (JO C 318 du 23.12.2006)

14.02.2006 sur la «La représentation des femmes dans les organes de décision des groupes d'intérêts économiques et sociaux de l'Union européenne», rapporteur: M. ETTY (JO C 88 du 11.04.2006)

14.12.2005 sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'année européenne de l'égalité des chances pour tous (2007) – Vers une société juste», rapporteure: Mme HERCZOG (JO C 65 du 17.03.2006)

29.09.2005 sur «La pauvreté des femmes en Europe», rapporteure: Mme KING (JO C 24 du 31.01.2006)

28.09.2005 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes», rapporteur: Mme ŠTECHOVÁ (JO C 24 du 31.01.2006)

15.12.2004 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail», rapporteure: Mme SHARMA (JO C 157 du 28.06.2005)

03.06.2004 sur la «Proposition de directive du Conseil mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services», rapporteure: Mme CAROLL (JO C 241 du 28.09.2004).

25.1.2001 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail», rapporteure: Mme WAHROLIN (JO C 123 du 25.4.2001)

(4)  60 % en 2010.

(5)  Note de synthèse: «The Economic Case for Gender Equality» (l'aspect économique de l'égalité des chances), Mark Smith et Francesca Bettio, 2008 – financée et élaborée pour les besoins de la Commission européenne, (DG EMPL).

(6)  Par exemple, les indicateurs utilisés par le PNUD – Programme des Nations unies pour le Développement – l'IDH (indice du développement humain), qui classe les pays en faisant la moyenne de trois indicateurs, le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’instruction, l’IDSH, indicateur sexospécifique de développement humain qui permet d’évaluer les différences de situation des hommes et des femmes, et l’IPF, indicateur de participation des femmes à la vie économique et politique.

(7)  COM(2009) 77 final: «Les États membres où la fécondité est la plus élevée sont ceux qui ont fait le plus pour concilier la vie professionnelle et la vie privée des parents, et qui enregistrent un taux d'emploi des femmes élevé».

(8)  Voir l’excellente campagne de la Commission «Equal pay for work of equal value», http://ec.europa.eu/equalpay.

(9)  COM(2009) 77 final: «Les femmes sont les plus menacées par la pauvreté, c'est surtout le cas des parents isolés (en général des femmes) dont le taux de risque de pauvreté est de 32 %».

(10)  «Trois leçons sur l’État-Providence», 2008, Paris, Le Seuil.

(11)  L’exemple du «chèque-emploi-service», de la déduction fiscale en France qui permet de financer partiellement ces services sont des pistes intéressantes, qui ont obtenu des résultats positifs contre le travail informel dans ce secteur. C’est un système issu d'un accord entre les banques, l’État et les systèmes de protection sociale, selon lequel les banques émettent des chéquiers spéciaux pour payer les prestations de service à domicile dans le but de supprimer du travail au noir et de faciliter aux particuliers employeurs les démarches de déclarations sociales et fiscales.


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