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Document 52008IE0757

    Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers une politique commune de l'énergie

    JO C 211 du 19.8.2008, p. 17–22 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    19.8.2008   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 211/17


    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une politique commune de l'énergie»

    (2008/C 211/05)

    Le 27 septembre 2007, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur:

    «Vers une politique commune de l'énergie».

    La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2008 (rapporteur: M. BUFFETAUT).

    Lors de sa 444e session plénière des 22 et 23 avril 2008 (séance du 23 avril 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 173 voix pour et 13 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    La question de l'approvisionnement énergétique, de la diversification des sources d'énergie, du développement de sources d'énergies renouvelables sera l'une des questions fondamentales pour le devenir de l'Europe et l'équilibre du monde et la lutte contre le changement climatique.

    1.2

    Le CESE considère que le cadre de l'Union européenne est un cadre approprié pour peser dans la confrontation mondiale née de la course aux ressources énergétiques et juguler le changement climatique, car il permet d'avoir la taille critique nécessaire pour obtenir une réelle influence politique dans les négociations internationales.

    1.3

    Il prend acte avec satisfaction de l'introduction d'un titre XXVI consacré à l'énergie dans le projet de traité de Lisbonne, qui renforcera le fondement juridique de l'action de l'Union européenne en ce domaine.

    1.4

    Le CESE souligne l'importance cruciale de la recherche et du développement dans le domaine de la durabilité énergétique et environnementale et souligne combien il est important de procéder à une bonne allocation des ressources. Il convient d'étudier avec discernement la promotion de sources d'énergies et de technologies permettant de réduire leur consommation et les émissions, dont on peut raisonnablement penser qu'elles n'atteindront pas l'équilibre économique, afin de ne pas gaspiller les fonds publics par des subventions à des technologies sans avenir. Il convient au contraire de consacrer les ressources pour la recherche sur des techniques dont la communauté scientifique estime qu'elles ont un avenir prometteur. Par exemple, les techniques permettant de minimiser ou de capter les émissions de gaz à effet de serre, l'efficacité énergétique, le charbon propre, les véhicules électriques ou fonctionnant a d'autres énergies alternatives, la pile à combustible, l'énergie solaire, l'efficacité énergétique de la valorisation des déchets, la fusion nucléaire, l'appauvrissement des déchets nucléaires, etc.

    1.5

    Il insiste également sur l'importance de l'efficacité énergétique des équipements et des bâtiments.

    1.6

    Il considère nécessaire de mettre en place, sur le plan européen, une véritable politique d'achat afin de faire face aux pressions de producteurs qui sont parfois fortement organisés, et recommande une coordination européenne des politiques de l'énergie et des positions au sein des instances internationales telles l'OMC, l'ONU, l'OTAN, l'OCDE.

    1.7

    Il souligne l'importance de la diversification des sources d'approvisionnement et recommande une attitude constructive mais prudente en ce qui concerne des partenariats avec la Russie et les républiques du Caucase et d'Asie centrale.

    1.8

    Il insiste sur le fait qu'il serait opportun d'examiner la possibilité d'une relance des programmes d'énergie nucléaire dans les pays où il existe un consensus sur ce sujet et d'accroître la recherche dans le domaine du retraitement des déchets. Il encourage aussi le développement de la recherche sur la fusion nucléaire dans le 7e programme cadre de recherche d'Euratom et au travers de l'initiative ITER.

    1.9

    Il considère qu'il est nécessaire de renforcer la coopération et le coordination en matière de politique de l'énergie, de représentation et d'action dans les instances internationales, de développer la politique de voisinage dans le domaine de l'énergie et d'envisager l'éventualité, dans le temps, de la mise en place d'une politique commune de l'énergie s'appuyant éventuellement sur des institutions propres. Il considère que l'essor commercial des énergies renouvelables dans tous les États membres démontre l'intérêt des citoyens pour celles-ci. Cette situation coïncidant avec la nouveauté de la politique commune de l'énergie définie dans le traité de Lisbonne peut constituer une opportunité stratégique pour son acceptation et son développement.

    2.   Introduction: les raisons d'être d'une politique européenne de l'énergie

    2.1   Une situation géostratégique difficile

    2.1.1

    L'Agence internationale de l'Énergie prévoit une hausse de demande énergétique mondiale de 55 % d'ici à 2030.

    2.1.2

    L'Union européenne est elle-même largement dépendante en combustibles solides fossiles, en produits pétroliers et en gaz naturel et cette dépendance devrait encore s'accroître dans les années à venir. Dépendante à 80 % des combustibles fossiles, les importations énergétiques de l'Union devraient passer de 50 à 70 % d'ici à 2030.

    2.1.3

    Les ressources pétrolifères prouvées devraient diminuer à partir de 2050, cependant d'autres ressources non exploitées aujourd'hui deviendront économiquement exploitables dans le futur en raison de la demande croissante et des progrès des techniques.

    2.1.4

    La transition vers d'autres énergies est inévitable, mais elle sera difficile. Cependant le monde a déjà connu une fois de telles mutations, notamment au 19e siècle lorsque l'on est passé de combustibles issus de la biomasse (essentiellement le bois) au charbon, puis au pétrole. Mais aujourd'hui, nous ne disposons pas encore des moyens d'exploiter les énergies renouvelables de façons suffisantes pour connaître un déplacement comparable à celui que nous avons connu au 19e siècle.

    2.1.5

    Les difficultés tiennent à de nombreux facteurs: la densité énergétique, les surfaces nécessaires pour produire des biocarburants (au détriment d'autres activités notamment agricoles), le caractère intermittent et difficilement prévisible des flux (vent, énergie solaire, marées), qui nécessité de concevoir avec soin des capacités de stockage, la distribution géographique des sources d'énergies renouvelables. Quant à l'énergie nucléaire, en supposant que l'on se lance dans une politique très ambitieuse de renouvellement et de création de centrales, l'industrie nucléaire mondiale ne serait pas en capacité de répondre à la demande.

    2.1.6

    L'Europe quant à elle se caractérise par une situation de grande dépendance énergétique. Elle importe actuellement 50 % de ses besoins en énergie et cette dépendance devrait atteindre 70 % d'ici à 2030. Ainsi l'Europe serait dépendante à 90 % pour le pétrole et 70 % pour le gaz!

    2.1.7

    En mars 2006, le Conseil européen avait dressé un état des lieux préoccupant, caractérisé par:

    la situation difficile des marchés de gaz et du pétrole,

    la dépendance croissante de l'Union européenne,

    la hausse et la volatilité des prix de l'énergie, qui se sont encore accrues depuis,

    la croissance de la demande mondiale d'énergie,

    les risques en matière de sécurité d'approvisionnement,

    les menaces liées aux changements climatiques,

    la lenteur des progrès réalisés en matière d'efficacité énergétique et d'utilisation des énergies renouvelables,

    la nécessité d'accroître la transparence sur les marchés de l'énergie et de poursuivre l'intégration et l'interconnexion des marchés énergétiques nationaux dans le contexte de la libéralisation de marché de l'énergie,

    la coordination limitée entre les actions de l'énergie alors que de lourds investissements sont nécessaires dans les infrastructures énergétiques.

    Ce constat préoccupant a inspiré les propositions contenues dans le nouveau paquet énergie qui est, en quelque sorte, une réponse aux défis à relever.

    2.1.8

    Les dirigeants européens doivent ainsi faire face à un double problème: d'une part la raréfaction des ressources traditionnelles primaires, d'autre part la localisation géographique problématique des ressources, la majeure partie se situant dans des pays politiquement instables qui pourraient se servir de leurs ressources comme moyen de pression à l'encontre des pays dépendants, comme cela a déjà été le cas.

    2.2   L'Union européenne constitue-t-elle un cadre approprié?

    2.2.1

    Chaque État membre de l'Union européenne est concerné, mais, à l'évidence, les actions individuelles dispersées sont facteur de faiblesse face à des producteurs souvent organisés.

    2.2.2

    Les États membres ont donc intérêt à faire bloc et à utiliser l'Union européenne comme instrument d'efficacité pour construire une politique commune de l'énergie ayant pour fondement et objectif une consommation mieux maîtrisée et une diversification des sources d'approvisionnement.

    2.2.3

    L'Union européenne possède la dimension appropriée et dispose d'instruments institutionnels. Elle est à même de développer des politiques transnationales, de coordonner les politiques nationales, de faire naître une plus grande cohésion européenne en matière d'énergie et enfin de développer une politique de l'énergie à l'égard des pays tiers.

    2.2.4

    Ajoutons enfin, qu'après le rejet du projet de traité portant constitution pour l'Europe et dans la dynamique du traité de Lisbonne, une politique européenne de l'énergie pourrait tout à la fois créer une nouvelle dynamique rassembleuse et apporter la preuve de l'utilité concrète de l'Union européenne.

    2.3   Un cadre juridique qui devrait évoluer

    2.3.1

    Aujourd'hui, l'Union européenne n'a pas de compétences propres dans le domaine de l'énergie. En créer une est une des innovations importantes du projet de traité de Lisbonne.

    2.3.2

    Il est vrai qu'au moment de la création de la Communauté économique européenne, l'Euratom d'une part et la CECA d'autre part traitaient d'une partie importante des questions énergétiques de l'époque.

    2.3.3

    Est-ce à dire toutefois que l'Union européenne s'est abstenue de toute action en matière d'énergie.

    2.3.4

    Certes non, d'une part sur le fondement de l'article 308 CE elle a développé une réelle politique énergétique, d'autre part elle a développé, sur le fondement de l'article 154 du traité CE, une politique en matière de réseaux transeuropéens d'énergie (cf. décision no 1364/2006/CE). Enfin les règles du marché intérieur et de la concurrence ont bien sûr connues une application pour le marché de l'énergie (directive 2003/55/CE sur l'ouverture du marché du gaz, directive 2003/54/CE pour l'électricité, directive 90/377/CEE modifiée par la directive 93/87/CEE sur la transparence des prix du gaz et de l'électricité). Les premiers effets de cette ouverture des marchés et de la fin des monopoles publics ont parfois soulevé des inquiétudes quand au niveau des prix de l'énergie, mais, à la vérité, l'accroissement des prix qui a parfois été constaté, résulte avant tout de l'accroissement de la demande mondiale pour des ressources limitées et parfois vouées à disparition.

    2.3.5

    À cela, il convient d'ajouter les textes de la Commission relevant non de la proposition législative à proprement parler mais plutôt de la «loi douce»: Livre vert pour une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement (28 novembre 2000), Communication «vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique» (26 juin 2002), Livre vert «l'efficacité énergétique ou comment consommer mieux avec moins», plan d'action pour la période 2007-2012 (19 octobre 2006), Communication sur le Fonds mondial pour la promotion énergétique et des énergies renouvelables (6 octobre 2006).

    2.3.6

    Ainsi, l'Union européenne a beaucoup réfléchi sur les questions énergétiques mais son action reposait toutefois sur une base juridique un peu incertaine, l'article 308 CE, dit clause de flexibilité, qui dispose: «si une action de la Communication apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur la proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées». Elle a également abordé la question de façon indirecte en utilisant notamment les règles relatives au marché intérieur, à la concurrence et à l'environnement. La démarche était, au moins en apparence, plus technique et juridique que politique.

    2.3.7

    C'est précisément pourquoi, devant l'importance majeure prise par la question énergétique, tant pour la vie quotidienne des européens que pour la vie économique ou la stabilité du monde, le projet de traité de Lisbonne comporte un article 176 consacré à l'énergie qui définit les objectifs de l'Union dans le domaine énergétique «en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement» et «dans un esprit de solidarité entre les États membres».

    2.3.8

    La politique européenne de l'énergie visera, aux termes du futur traité:

    à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie,

    à assurer la sécurité d'approvisionnement,

    à promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables,

    à promouvoir l'interconnexion des réseaux.

    2.3.9

    Cette politique relèvera d'une compétence partagée où la règle devrait être la majorité qualifiée hormis pour les questions fiscales qui demeurent sous la règle de l'unanimité. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article 176 A, point 2 précise que «le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique» n'est pas affecté par les mesures prises pour atteindre les objectifs définis par ce nouvel article en son premier paragraphe.

    2.3.10

    L'Union européenne disposera donc d'une compétence, premier outil nécessaire pour une action plus forte et plus concrète. Cet outil sera-t-il suffisant ou faut-il aller plus loin sur le plan institutionnel? Mais avant de concevoir l'outil, il convient de définir les politiques et celles-ci peuvent évoluer, en la matière, sous l'influence conjuguée des contraintes extérieures et de l'évolution des services et des techniques.

    3.   Quelles politiques?

    3.1

    Les politiques européennes de l'énergie ont, jusqu'à présent, été sous tendues par des impératifs économiques et/ou de développement durable: volonté de libéraliser les marchés de l'énergie avec les directives et la politique relative aux industries de réseaux, politique visant à favoriser l'efficacité énergétique, politique visant à promouvoir et développer les énergies renouvelables, lutte contre les émissions de CO2, …

    3.2

    D'une certaine façon, l'Union européenne ne possédant pas, jusqu'à présent, de compétence propre en matière d'énergie, a abordé la question de façon un peu indirecte, en utilisant notamment les règles relatives au marché intérieur, à la concurrence et à l'environnement. La démarche était, au moins en apparence, plus technique et juridique que politique.

    3.3

    Ceci ne l'a pas empêché d'avoir, on l'a vu, une activité législative et doctrinale importante sur le plan de l'énergie. Elle vient d'ailleurs de publier (19.9.2007) une série de propositions de législatives modifiant les textes actuels (modification du règlement sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité, règlement instituant une Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, modification du règlement concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport du gaz naturel, modification des directives concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz et de l'électricité).

    3.4

    Si le traité de Lisbonne est ratifié en l'état, elle pourra se confronter à cette question politique majeure de façon plus claire et plus directe. Mais la compétence juridique ne lève pas en elle-même toutes les difficultés politiques, économiques et sociales. Chacun sait qu'il existe des options nationales très diverses, notamment à propos de l'énergie nucléaire. Depuis le sommet européen informel d'HamptonCourt, le Conseil européen a défini les fondements d'une véritable politique européenne de l'énergie que traduit le nouveau paquet énergie élaboré à la fois par la DG énergie et la DG environnement.

    3.5

    On l'a vu, l'Union européenne a voulu d'abord utiliser les mécanismes du marché, souhaitant créer un marché concurrentiel supposé plus efficace et parvenir, grâce aux réseaux transeuropéens d'énergie, à un marché interconnecté.

    3.6

    Elle a voulu également promouvoir l'efficacité énergétique, notamment dans les secteurs les plus consommateurs: le chauffage et la climatisation des bâtiments, les industries manufacturières, les transports.

    3.7

    On sait que l'objectif ambitieux du plan d'action pour la période 2007-2012 (octobre 2006) est de parvenir à économiser 20 % de la consommation annuelle d'énergie d'ici à 2020, soit une économie d'environ 1,5 % par an d'intensité énergétique jusqu'en 2020.

    3.8

    Elle a également beaucoup insisté sur la nécessité de développer les énergies renouvelable: l'énergie Ici encore l'objectif de l'Union européenne est très ambitieux puisqu'il s'agit d'atteindre 20 % de la quantité totale d'énergie consommée d'ici à 2020, un objectif obligatoire minimal de 10 % de biocarburants devrait en outre être fixé (feuille de route pour les énergies renouvelables du 10 janvier 2007).

    3.9

    Or, ces énergies ont pour l'instant bien des handicaps par rapport aux énergies fossiles: densité énergétique moindre, occupation de l'espace (champs photovoltaïques par exemple), intermittence de la production et bien sûr coût des technologies en question. Ce qui veut dire que même si ces désavantages en coût relatif sont en diminution constante, le glissement vers ces technologies devrait être progressif et long, a moins qu'elles bénéficient d'un soutien politique et financier nettement plus significatif et que toutes les sources d'énergie nouvelles nécessitent des études d'impact sérieuses (cf. OECD observer décembre 2006 no 258/259 «21st century energy: some sobering thoughts par Vaclav Smil».

    3.10

    Dans le domaine de l'énergie utilisable pour les transports, la Commission s'est intéressée tout particulièrement à la promotion des biocarburants, ainsi qu'aux piles à combustible et à l'hydrogène. L'ampleur qu'il est envisagé de donner au développement des biocarburants soulève cependant certains problèmes. En effet les piles à combustible sont des convertisseurs d'énergie très efficaces qui permettent de réduire de façon notable la production de gaz à effet de serre et de polluants. Toutefois, il est peu probable que ces technologies acquièrent une viabilité commerciale rapide.

    3.11

    C'est la raison pour laquelle, s'inscrivant dans le 7e programme-cadre pour la recherche et une initiative technique conjointe visant à créer des partenariats public/privé, la Commission a proposé un règlement portant création d'une entreprise commune piles à combustible et hydrogène (COM(2007) 571 final, dans le but de mettre en œuvre un programme d'activités de recherche, de développement technologique et de démonstration dans le domaine des piles à combustible et de l'hydrogène.

    3.12

    Afin de permettre un développement du marché des véhicules à moteur fonctionnant à l'hydrogène, elle a également proposé un règlement concernant l'homologation de ces véhicules (COM(2007) 593 final), afin que les normes ne varient pas d'un État membre à l'autre, ce qui ne pourrait que faire obstacle à la diffusion de cette technologie.

    4.   Ces orientations sont nécessaires, sont-elles suffisantes?

    4.1

    La demande en énergies d'origine fossile restera importante et vitale. Dès lors la réflexion devra inévitablement porter sur ce fait incontournable et il faut demeurer realiste en matière d'énergies renouvelables.

    4.2

    À cet égard, il est nécessaire que les États membres de l'Union européenne mettent en place une politique concertée à l'égard des pays producteurs des combustibles fossiles dans «l'esprit de solidarité» affirmé par le traité de Lisbonne. Une politique d'achat serait également très utile mais relève principalement des multinationales du secteur pétrolier.

    4.3

    Le marché du pétrole est organisé de façon officielle par l'OPEP. Dans ces conditions, les 27 États membres regroupés pèseraient à l'évidence plus que chacun pris séparément et cela d'autant plus qu'ils font partie des pays industrialisés les plus développés et donc fort consommateurs d'énergie. Il faut se souvenir que l'Union européenne représente un marché intégré de près d'un demi-milliard de consommateurs.

    4.4

    Un tel bloc d'achat peut disposer d'une réelle force politique en face du cartel des producteurs de pétrole, la situation étant différente pour le gaz où ce phénomène de cartellisation n'existe pas.

    4.5

    En matière de sécurité d'approvisionnement, la diversification est une nécessité. À cet égard, il est nécessaire de traiter la Russie, grande nation européenne, au moins aussi bien que l'OPEP. De la même façon, il conviendrait de réfléchir à la mise en place d'une politique d'approvisionnement avec les républiques caucasiennes et d'Asie centrale.

    4.6

    Toujours dans le domaine des énergies fossiles, il serait hautement souhaitable de construire des filières alternatives, notamment à partir du charbon. La recherche sur le «charbon propre» fait des progrès considérables et doit s'accélérer davantage encore si l'on veut éviter qu'un nouvel essor charbonnier n'aggrave encore le réchauffement planétaire. Un grand plan européen de recherche et développement dans ce domaine devrait être développé et cela d'autant plus que l'Europe demeure un continent riche en charbon et que cette ressource est nettement moins onéreuse que le pétrole sur le marché mondial. Il demeure que les modes d'extraction du charbon restent une question hautement sensible. Chacun connait les conditions difficiles et parfois dangereuses du métier de mineur. Une attention toute particulière doit donc être portée aux conditions de travail, à la sécurité et à la santé au travail dans ce secteur.

    4.7

    Les pneumatiques usagés des véhicules pourraient également être utilisés comme ressource renouvelable à condition de bien capter les émissions dues à leur combustion. Des centrales électriques alimentées par des pneumatiques sont déjà opérationnelles depuis de nombreuses décennies dans divers pays.

    4.8

    Les techniques de stockage du CO2 progressent mais restent encore coûteuses, difficiles et comportent des risques de fuites, par exemple en cas de fissures dans la roche ou de secousse tellurique, ainsi que de pollution des nappes phréatiques profondes. Des avis en cours du CESE traiteront en détail de ces questions.

    4.9

    En dehors des combustibles fossiles il existe une ressource locale abondante, trop abondante: les déchets. Ce sont milliards de tonnes qui sont produits dans l'Union européenne. Pour des raisons de «pureté écologique» la valorisation énergétique de cette inépuisable ressource est mal considérée. En ce domaine aussi, il conviendrait d'encourager la recherche et le développement pour parvenir à la meilleure efficacité énergétique tout en réduisant au maximum les émissions.

    4.10

    Il conviendrait de faire évoluer la législation et la jurisprudence sur ce point, puisque la valorisation énergétique n'est pas reconnue entant que telle. Une évolution favorable a toutefois été amorcée dans la proposition révisée de directive cadre sur les déchets en discussion au Parlement européen.

    4.11

    Enfin la question de l'énergie nucléaire sera inévitablement posée. Il sera difficile d'atteindre une réduction de 20 % des gaz à effet de serre d'ici à 2020, sans s'interroger sur la question d'une relance des programmes de centrales nucléaires de nouvelle génération dans les États membres qui ont décidé d'utiliser ce type d'énergie. Les autres États membres devraient améliorer leurs politiques en matière d'énergies renouvelables.

    4.12

    Certes nous connaissons les grands défis de sûreté, de sécurité et de gestion des déchets que soulève le développement de cette filière. Mais pouvons-nous sérieusement en faire l'économie?

    4.13

    Le choix des sources d'énergie soulève des polémiques, mais aucune n'atteint le niveau de la polémique entre «pro» et «anti» énergie nucléaire. La réalité est qu'il existe une véritable fracture européenne nucléaire, la solution appropriée semble dès lors de laisser aux États membres le soin de décider s'ils souhaitent utiliser ou non cette source d'énergie.

    4.14

    L'Europe dispose d'un outil efficace avec l'Euratom. Il doit lui servir pour maintenir son avance technique, assurer sa compétitivité, réduire la dépendance énergétique et accroître les efforts et la coopération internationale pour la sécurité, la sûreté et la non-prolifération. On pourrait également songer à lui donner de nouvelles orientations.

    4.15

    Un des enjeux majeurs est la recherche sur la fusion. Le septième programme cadre de recherche pour l'Euratom est doté d'environ 2,75 milliards d'euros dont près des deux tiers sont consacrés à la recherche en faveur de l'énergie de fusion. Cette priorité doit être encouragée et maintenue car la maîtrise de cette technologie aiderait grandement à faciliter la gestion des déchets en réduisant considérablement leur durée de vie. Le lancement d'ITER sur le territoire de l'Union européenne est un événement porteur.

    4.16

    En matière de propulsion des véhicules, l'Union européenne devrait s'intéresser aux voitures hybrides, à énergie solaire, à la pile à combustible et à la propulsion par air comprimé. Là encore la recherche et le développement progresse et un ingénieur français à un mis au point un véhicule très économique, pouvant atteindre la vitesse de 150 km/heure par la propulsion à air comprimé, dont la production devrait débuter dans les prochains mois. La célèbre firme indienne Tata en a acheté les droits pour l'Inde.

    4.17

    Dans ce contexte, le Comité rappelle ses recommandations antérieures concernant la problématique des ressources énergétiques de l'Union européenne, qui fondent et renforcent la position défendue dans le présent avis.

    5.   Quels instruments?

    5.1

    Définir des politiques, choisir des priorités sont des éléments essentiels encore faut-il les instruments politiques et juridiques pour les mettre en œuvre. À cet égard les dispositions du traité de Lisbonne, s'il est ratifié, seront-elles suffisantes ou faudra-t-il aller plus loin?

    5.2

    Proclamer la nécessité d'un esprit de solidarité entre les États membres dans le domaine de l'énergie est certes une excellente chose et la définition de quatre axes pour cette politique est une novation dont on ne peut que se féliciter, même si les axes ne sont pas très novateurs.

    5.3

    Mais il est permis de penser que la gravité des enjeux énergétiques mondiaux mériterait plus.

    5.4

    Le traité de Lisbonne n'a-t-il pas été trop timide même s'il est probable qu'une politique commune de l'énergie soutenue par un cadre institutionnel spécifique, à l'image de ce qu'avait été la CECA et de ce qu'est l'Euratom n'est pas encore possible aujourd'hui?

    5.5

    Dans la course mondiale à l'énergie, les compétiteurs ont des dimensions continentales. Le cadre communautaire donne plus de poids, mais la création d'une autorité spécifique, chargée notamment de la «diplomatie» énergétique, de la politique d'achat, de la définition et du financement de programmes cadres de recherche et de développement serait probablement de nature à faire de l'Europe un acteur majeur pesant dans le grand jeu énergétique mondial, ce que, pris séparément, les États membres ne peuvent faire.

    5.6

    Aujourd'hui, la situation se caractérise par une grande diversité des approches nationales, sans doute due au fait qu'après le premier choc pétrolier de 1973, chacun avait voulu assurer sa propre sécurité d'approvisionnement énergétique. Les exemples de cette dispersion des efforts et des différences d'approches sont nombreux.

    5.7

    Pour éviter une éventuelle cacophonie qui conduirait à un effacement de l'Europe il est nécessaire de concevoir une grande politique européenne de l'énergie, étroitement intégrée avec la politique en matière de changement climatique où l'Europe tente d'affirmer sa position de chef de file dans le cadre des négociations internationales. Celle-ci devrait commencer par une coordination forte au sein des instances internationales telles l'OMC, l'ONU, l'OTAN, l'OCDE dès que les questions énergétiques sont soulevées. Elle devrait s'accompagner d'une coordination des politiques énergétiques et notamment de la mise en place d'une vraie politique d'achat ainsi que d'une politique d'interconnexion des réseaux volontariste et non plus seulement empirique. Enfin, le moment venu, cette politique de coordination, de concertation et de projets communs pourrait s'appuyer sur des institutions spécifiques afin d'aider l'Europe à relever le défi énergétique. En aurons-nous l'audace?

    Bruxelles, le 23 avril 2008.

    Le Président

    du Comité économique et social européen

    Dimitris DIMITRIADIS


    ANNEXE

    à l'avis du Comité économique et social européen

    L'amendement suivant, qui a recueilli au moins un quart des voix, a été rejeté au cours du débat:

    Paragraphe 4.11

    Modifier comme suit:

    «Enfin la question de l'énergie nucléaire sera inévitablement posée; il appartient aux États membres d'y répondre en toute souveraineté. . On ne peut vouloir atteindre une réduction de 20 % des gaz à effet de serre d'ici à 2020, sans s'interroger sur la question d'une relance des programmes de centrales nucléaires de nouvelle génération.»

    Exposé des motifs

    La République fédérale d'Allemagne, où une dizaine de centrales nucléaires sont encore en activité à l'heure actuelle, a élaboré un programme visant à diminuer de 40 % ses émissions de CO2 tout en sortant dans le même temps du nucléaire. Le rapporteur (et le CESE) mettrai(en)t-il(s) en doute le sérieux de ce programme?

    Résultat du vote

    Voix pour: 46 Voix contre: 103 Abstentions: 27


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