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Journal officiel de l'Union européenne, C 228, 29 juin 2023


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ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 228

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

66e année
29 juin 2023


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

578e session plénière du CESE — Session Renouvellement, 26.4.2023-27.4.2023

2023/C 228/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Recommandations du CESE pour une réforme vigoureuse du semestre européen (avis d’initiative)

1

2023/C 228/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le droit à un environnement sain dans l’Union européenne, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine (avis d’initiative)

10

2023/C 228/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Renforcer encore la compétitivité numérique de l’Union européenne (avis exploratoire)

17

2023/C 228/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Trente ans de marché unique: comment améliorer son fonctionnement? (avis exploratoire)

22

2023/C 228/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Travail précaire et santé mentale (avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

28

2023/C 228/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La démocratie sur le lieu de travail (avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

43

2023/C 228/07

Avis du Comité économique et social européen sur la procédure concernant les déséquilibres sociaux (avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

58

2023/C 228/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le développement des compétences et aptitudes dans le contexte de la double transition écologique et numérique (avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

64

2023/C 228/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Carte européenne du handicap (avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

71

2023/C 228/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Initiative sur les mondes virtuels, comme le métavers (avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

76

2023/C 228/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La transition vers un système de transport durable à long terme (avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

81


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

578e session plénière du CESE — Session Renouvellement, 26.4.2023-27.4.2023

2023/C 228/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne [COM(2023) 38 final — 2023/0012 (NLE)] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne: exploiter tout son potentiel au service de transitions justes [COM(2023) 40 final]

87

2023/C 228/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers (API) en vue de renforcer et de faciliter les contrôles aux frontières extérieures, modifiant le règlement (UE) 2019/817 et le règlement (UE) 2018/1726, et abrogeant la directive 2004/82/CE du Conseil [COM(2022) 729 final] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, et modifiant le règlement (UE) 2019/818 [COM(2022) 731 final]

97

2023/C 228/14

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, au regard de leurs émissions et de la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 [COM(2022) 586 final — 2022/0365(COD)]

103

2023/C 228/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes [COM(2022) 732 final — 2022/0426(COD)] et sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains (quatrième rapport) [COM(2022) 736 final]

108

2023/C 228/16

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE [COM(2022) 677 final — 2022/0396 (COD)]

114

2023/C 228/17

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges [COM(2022) 748 final — 2022/0432 (COD)]

121

2023/C 228/18

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable [COM(2022) 592 final]

126

2023/C 228/19

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Cadre d’action de l’UE sur les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables [COM(2022) 682 final]

132

2023/C 228/20

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des règles spécifiques concernant les médicaments à usage humain destinés à être mis sur le marché en Irlande du Nord [COM(2023) 122 final — 2023/0064 (COD)]

141

2023/C 228/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les règles spécifiques applicables à l’entrée en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni de certains envois de biens de consommation, de végétaux destinés à la plantation, de plants de pommes de terre, de machines et de certains véhicules utilisés à des fins agricoles ou forestières, ainsi qu’aux mouvements non commerciaux de certains animaux de compagnie à destination de l’Irlande du Nord [COM(2023) 124 final — 2023/0062 (COD)]

144

2023/C 228/22

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques européennes sur la population et le logement, modifiant le règlement (CE) no 862/2007 et abrogeant les règlements (CE) no 763/2008 et (UE) no 1260/2013 [COM(2023) 31 final — 2023/0008 (COD)]

148

2023/C 228/23

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles en matière de TVA adaptées à l’ère numérique [COM(2022) 701 final — 2022/0407 (CNS)] et sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 en ce qui concerne les modalités de coopération administrative en matière de TVA nécessaires à l’ère numérique [COM(2022) 703 final — 2022/0409 (CNS)]

149

2023/C 228/24

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/413 facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière [COM(2023) 126 final]

154

2023/C 228/25

Avis du Comité économique et social européen sur le document de travail des services de la Commission — Évaluation des règles relatives aux subventions publiques en faveur des services sociaux et de santé d’intérêt économique général (SIEG) et du règlement de minimis spécifique aux SIEG [SWD(2022) 388 final]

155


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

578e session plénière du CESE — Session Renouvellement, 26.4.2023-27.4.2023

29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Recommandations du CESE pour une réforme vigoureuse du semestre européen»

(avis d’initiative)

(2023/C 228/01)

Rapporteurs:

Gonçalo LOBO XAVIER

Javier DOZ ORRIT

Luca JAHIER

Décision de l’assemblée plénière

27.10.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

18.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Malgré ses faiblesses, le semestre européen a joué un rôle important dans la coordination des politiques économiques nationales au sein de l’Union européenne (UE). Ses modalités n’ont toutefois pas permis aux citoyens et aux acteurs politiques, économiques et sociaux des États membres de participer de manière satisfaisante à son processus et à l’élaboration de ses recommandations. Dans une majorité d’États membres, le niveau de participation de la société civile organisée au semestre européen est insuffisant et sa qualité est médiocre. Bien que la consultation sur l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) se soit légèrement améliorée, elle n’a pas été consolidée, et certains pays, pour des raisons politiques, sont récemment revenus sur les engagements qu’ils avaient pris en faveur d’un soutien accru à cette participation.

1.2.

La communication de la Commission européenne sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE (1), soutenue par le Comité économique et social européen (CESE) (2), établit un cadre budgétaire plus souple et différencié qui demandera des négociations et des accords entre les institutions de l’Union et les États membres. Pour que ceux-ci soient fructueux, l’appropriation nationale du processus et des engagements pris est essentielle. À cette fin, il est indispensable de réformer les procédures et les calendriers du semestre européen.

1.3.

Le CESE estime que l’appropriation par les États membres n’est possible que moyennant une participation concrète et structurelle des acteurs politiques, économiques et sociaux au processus du semestre européen. Le CESE est d’avis que la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile (OSC), tout comme celle des parlements nationaux et des collectivités locales et régionales, doit devenir l’un des piliers de cette réforme du semestre européen. Les compétences du Parlement européen devraient être renforcées de manière à lui conférer davantage de droits de codécision en ce qui concerne les orientations de politique économique et les propositions de nature européenne.

1.4.

Le CESE propose de réformer le semestre européen afin de le rendre plus transparent et démocratique, de renforcer la participation de la société civile organisée et de garantir un fonctionnement plus efficace, en lien avec les objectifs de croissance économique, d’emplois de qualité, de cohésion sociale et de convergence entre les États membres, ainsi que d’accélération des transitions écologique et numérique. Il y a lieu de revoir les systèmes d’indicateurs existants, de les compléter et d’assurer leur cohérence, ce qui permettra d’améliorer les procédures d’évaluation.

1.5.

Le CESE estime que les principaux instruments du semestre européen, en particulier les recommandations par pays, devraient couvrir une période de trois ans, et faire l’objet d’évaluations et de réexamens annuels. Cette proposition rejoint la communication de la Commission sur une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE et facilitera les processus d’appropriation nationale et de participation de la société civile organisée.

1.6.

C’est le respect des recommandations par pays qui permet d’évaluer la validité et l’efficacité du semestre européen. Par conséquent, le CESE estime que l’incitation la plus appropriée est de lier leur mise en œuvre au budget de l’UE, qui devrait fournir une partie des fonds nécessaires, sur le modèle de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

1.7.

Le CESE propose d’associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile au moyen d’une procédure de consultation formelle structurée, à la fois au niveau européen et national, couvrant non seulement les phases d’élaboration et de prise de décision, mais aussi celles de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation. Cette procédure devrait se dérouler au sein d’un organisme créé à cette fin ou d’un organisme existant qui se verrait confier officiellement de telles fonctions. Les conseils économiques et sociaux nationaux existants devraient également jouer un rôle important dans ce processus.

1.8.

Le CESE estime qu’il convient de définir dans un règlement de l’UE les principes et les caractéristiques générales d’une participation structurée et permanente de la société civile organisée aux différentes étapes du semestre européen, tout en gardant à l’esprit qu’il appartient à la législation nationale de préciser les procédures et les organes dans lesquels cette consultation est menée, et dans le respect de critères d’ouverture, de transparence et de représentativité.

1.9.

De l’avis du CESE, ce règlement devrait établir les critères et principes de base concernant, entre autres, les questions suivantes: les calendriers (liés à ceux de la FRR et du semestre européen), la formalisation des réunions et l’accès du public à la documentation dans les formes et délais requis, les procès-verbaux, la communication publique des propositions et des réponses du gouvernement et une feuille de route pour la mise en œuvre des accords.

1.10.

Le CESE considère qu’il y a lieu d’approfondir le débat sur la capacité budgétaire et les ressources propres de l’UE. Selon le Comité, les défis géopolitiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels l’Union devra faire face dans les années à venir nécessiteront le financement de biens communs européens.

2.   Introduction

2.1.

L’objectif du présent avis est d’encourager la réflexion et la formulation de propositions de réforme des procédures du semestre européen afin de rendre la gouvernance économique de l’Union plus transparente, plus démocratique et plus efficace et d’y associer plus concrètement la société civile organisée.

2.2.

Notre analyse et nos propositions tiennent compte du contenu de la gouvernance économique de l’UE, de la communication de la Commission européenne définissant des orientations pour un cadre révisé de gouvernance économique de l’UE, ainsi que de l’avis du CESE sur cette communication et des résolutions du Comité sur la participation de la société civile organisée à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience (2021 et 2022) (3).

2.3.

Comme lors de la préparation des résolutions précitées, nous avons procédé à une large consultation des représentants de la société civile organisée, par l’intermédiaire des délégations nationales du groupe «Semestre européen» (composé de trois membres par pays — un pour chaque groupe). Cette consultation s’est déroulée sous la forme d’un questionnaire et de sept visites de terrain (tables rondes). Les résultats de la consultation figurent en annexe (4) et sont résumés au point 5 du présent avis.

3.   Contexte

3.1.

Le semestre européen est né après la crise de 2008, en tant qu’instrument de gouvernance économique de l’UE. Initialement axé sur la stabilité financière des États membres, il a, au fil du temps, intégré les questions sociales et d’emploi en plus des politiques économiques et budgétaires. Il constitue aujourd’hui un cycle semestriel de coordination des politiques économiques, sociales, budgétaires et de l’emploi: les États membres alignent leurs budgets et leurs politiques économiques sur les objectifs et les règles convenus au niveau de l’Union. Depuis son instauration en 2011, il a évolué en un forum bien établi pour examiner, suivant un calendrier annuel commun, les difficultés que rencontrent les États membres de l’UE en lien avec leurs politiques budgétaires, économiques et de l’emploi. Une plus grande coordination était nécessaire entre les États membres compte tenu des répercussions économiques et sociales de la pandémie de 2020 et de la guerre déclenchée par l’invasion injustifiée et non provoquée de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Par conséquent, en 2021, le semestre européen a été adapté pour tenir compte de la création de la FRR. La mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience sous-tendra les programmes de réforme et d’investissement pour les années à venir. Le semestre européen, avec son champ d’application élargi et la surveillance multilatérale qu’il implique, complète utilement cette mise en œuvre.

3.2.

Conformément à l’article 18, paragraphe 4, point q), du règlement relatif à la FRR (5), en vue de la préparation et de la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience, ceux-ci doivent contenir une synthèse du processus de consultation mené conformément au cadre juridique national, ainsi qu’une brève explication de la manière dont les contributions des parties prenantes sont prises en compte dans le PNRR. Parmi ces parties prenantes figurent entre autres les collectivités locales et régionales, les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les organisations de jeunesse. Toutefois, comme l’a souligné le CESE dans sa résolution de mai 2022, la participation de la société civile organisée a jusqu’à présent été généralement perçue comme insatisfaisante, même si l’on tient compte des différences naturelles entre les pays en ce qui concerne les processus de consultation existants.

3.3.

Les quatre principaux objectifs du semestre européen sont les suivants: 1) prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs dans l’UE; 2) garantir la solidité et la viabilité des finances publiques (pacte de stabilité et de croissance); 3) soutenir les réformes structurelles visant à stimuler la croissance économique, l’emploi et les politiques sociales (Europe 2020, pacte vert, objectifs de développement durable, socle européen des droits sociaux); et 4) stimuler les investissements. À la suite de la crise de la COVID-19 et de l’adoption de NextGenerationEU, le semestre européen a désormais également pour but d’assurer le suivi des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

3.4.

En novembre 2022, la Commission européenne a publié une communication sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE (6), dans laquelle elle propose de maintenir les valeurs de référence du pacte de stabilité et de croissance (un déficit budgétaire de 3 % du PIB et un taux d’endettement de 60 % du PIB) et d’établir des procédures de réduction de la dette différenciées par pays et négociées avec les gouvernements (avec des trajectoires budgétaires nationales à moyen terme). Ce cadre révisé serait plus simple, plus transparent et plus efficace, et permettrait une plus grande appropriation nationale et une meilleure application de la législation. Dans le cadre de cette architecture révisée, les plans budgétaires des États membres les plus endettés seraient établis pour une période de quatre ans (pouvant éventuellement être prolongée de trois années supplémentaires); ces États suivraient un ensemble spécifique et convenu d’investissements et de réformes, qui serait soumis à une évaluation annuelle de la conformité. Cette proposition reflète ce qui a été décrit comme l’«esprit de NextGenerationEU». Les conclusions du Conseil «Affaires économiques et financières» (Ecofin) du 14 mars 2023 (7) détaillent les nombreux domaines de convergence de vues entre les États membres et les domaines dans lesquels il convient de poursuivre les travaux sur un cadre réformé. Elles constituent des orientations politiques pour la Commission européenne en vue de l’élaboration de propositions législatives pertinentes. En particulier, le Conseil déclare que les États membres devraient faire participer systématiquement les partenaires sociaux, la société civile et les autres parties prenantes concernées, de façon significative et en temps utile, à toutes les étapes du cycle du semestre européen et d’élaboration des politiques, car il s’agit d’un élément essentiel au succès de la coordination et de la mise en œuvre des politiques économiques, sociales et de l’emploi. Cette approche a également été approuvée par le Conseil européen le 23 mars.

3.5.

Grâce à cet instrument de coordination, le CESE s’est constamment efforcé de renforcer la participation de la société civile organisée aux décisions susceptibles de la concerner. Son objectif était de renforcer la légitimité démocratique de la société civile et sa confiance dans les institutions de l’UE, et d’assurer une mise en œuvre plus efficace des plans et programmes nationaux susmentionnés. Cette consultation a donc été menée pour dégager les recommandations de la société civile organisée dans les États membres, de manière à renforcer son rôle dans ces processus. La consultation a tenu compte des changements en cours concernant le semestre européen (mise en œuvre de la FRR, intégration du chapitre REPowerEU et révision du cadre de gouvernance économique de l’UE).

4.   Méthodologie utilisée pour cette consultation

4.1.

Les données et les informations nécessaires à l’élaboration du présent avis ont été recueillies entre décembre 2022 et mars 2023. Au total, le Comité a reçu 23 contributions nationales (sous la forme de réponses au questionnaire et/ou de l’organisation d’une table ronde) (8). Les consultations se sont appuyées sur les connaissances propres des membres et ont été menées auprès de partenaires sociaux et d’organisations de la société civile. Dans certains pays, les conseils économiques et sociaux nationaux ou des institutions similaires y ont participé, tandis que dans d’autres, des représentants du gouvernement ont également été consultés.

4.2.

Le présent avis s’appuie également sur des sources externes, telles que des publications de groupes de réflexion, des études comparatives de recherche et des débats nationaux. En outre, le questionnaire a été transmis à quelques organisations de la société civile européenne, à des membres du groupe de liaison du CESE et à d’autres représentants des trois groupes du CESE.

5.   Observations relatives aux résultats de la consultation

Section I: Suivi de nos travaux antérieurs sur les plans nationaux pour la reprise et la résilience

5.1.   Question 1 — État des lieux de la participation de la société civile organisée à la mise en œuvre du PNRR

D’une manière générale, aucun changement majeur n’est intervenu. Les principaux obstacles sont le manque de volonté politique des gouvernements, l’absence d’une approche systématique et uniforme du contrôle et l’absence de procédures et de structures permanentes et formelles pour l’information et le dialogue. La société civile organisée propose la création d’une plateforme centrale sur le semestre européen qui comprendrait toutes les informations nationales, ainsi que la création de mécanismes normalisés de consultation et de suivi qui prévoiraient un rôle plus actif pour les conseils économiques et sociaux nationaux (et les organes équivalents).

Section II: Points de vue des OSC sur le semestre européen

Question 2 — Consultation de la société civile organisée dans le cadre du semestre européen

La consultation de la société civile organisée dans le cadre du semestre européen est généralement considérée comme insuffisante et/ou inefficace, une simple formalité, avec un faible taux d’acceptation de ses propositions. Les parties prenantes nationales interrogées proposent un cycle de consultation bien défini et régulier, avec un meilleur accès à la documentation et une plus grande transparence, la publication des résultats, un calendrier aligné sur le cycle du semestre européen et la visibilité du processus auprès du public.

5.2.   Question 3 — Efficacité et légitimité du semestre européen en tant qu’outil de coordination des politiques économiques et budgétaires

La majorité des représentants de la société civile organisée évaluent positivement le rôle du semestre européen dans la coordination des politiques économiques et de l’emploi — bien que les lacunes signalées nuisent à son efficacité et à sa légitimité — mais ils estiment que l’interactivité du processus est entravée par la charge administrative et l’absence d’une méthode de consultation structurée et uniforme. Ils critiquent également le faible taux d’adoption des recommandations par pays et le fait que le socle européen des droits sociaux et les indicateurs sociaux soient peu intégrés dans les mécanismes d’évaluation. Une majorité d’entre eux propose que la réforme du semestre européen donne la priorité aux objectifs à moyen et long termes.

5.3.   Question 4 — Recommandations par pays

La majorité des répondants estiment que les recommandations par pays sont cohérentes par rapport aux défis à moyen et long termes, bien qu’elles soient trop générales ou trop axées sur la viabilité budgétaire et négligent des questions telles que la santé, l’éducation et l’inclusion sociale, et ne reflètent que partiellement les intérêts des partenaires sociaux et des OSC. Pour que les recommandations par pays soient mieux respectées, elles devraient être mieux alignées sur les priorités du gouvernement et des citoyens et assorties de mécanismes de suivi et d’évaluation plus transparents et participatifs, ainsi que d’un système plus efficace d’incitations et de sanctions.

5.4.   Question 5 — Pilier(s) du semestre européen à renforcer en priorité

La priorité des réformes structurelles et de la croissance a été renforcée par la pandémie. Les réformes structurelles favorisent la résilience de l’économie et nécessitent des investissements, la deuxième priorité du semestre européen. Les investissements devraient soutenir le développement économique et la cohésion sociale. Le renforcement du dialogue social et la participation de la société civile organisée au semestre européen doivent être garantis par une législation européenne. La viabilité des finances publiques, qui est un élément essentiel, ne doit pas être opposée aux investissements qui favorisent la convergence économique et sociale vers le haut.

5.5.   Question 7 — Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI)

La majorité des répondants estiment nécessaire de renforcer le lien entre les Fonds ESI et la mise en œuvre des recommandations par pays, ainsi que les dialogues politiques et sociaux et les synergies entre les organismes nationaux chargés de la gestion du semestre européen et des Fonds ESI afin d’établir une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations par pays. Il convient de promouvoir une meilleure intégration et une plus grande convergence des objectifs, des politiques et des ressources au niveau national, une meilleure articulation des fonds avec les politiques européennes et une meilleure utilisation des ressources pour soutenir le développement des régions défavorisées.

Section III: Points de vue des OSC sur la gouvernance économique européenne

5.6.   Question 6 — Éléments à renforcer pour améliorer la mise en œuvre de la gouvernance économique européenne

La transparence et la responsabilité sont les éléments jugés les plus importants pour améliorer la mise en œuvre de la gouvernance économique européenne. Il importe de veiller à ce que toutes les parties prenantes aient accès aux informations sur les recommandations de politique économique et leur mise en œuvre, et de créer des indicateurs macroéconomiques, des seuils et des objectifs clairs afin que le cadre de gouvernance économique de l’UE et le semestre européen soient plus détaillés, plus ciblés et plus tangibles. Un autre point de vue est que la participation du Parlement européen, des parlements nationaux, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile devrait être renforcée afin de garantir que les politiques économiques reflètent les besoins et les préoccupations d’un large éventail de parties prenantes.

6.   Observations générales

Le réexamen du cadre de gouvernance économique

6.1.

Le CESE soutient les propositions de la Commission visant à réformer la gouvernance économique (9) et demande que les instruments législatifs soient adoptés rapidement afin qu’ils puissent entrer en vigueur en 2024, lorsque la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance sera également levée.

6.2.

Les modifications proposées dans la communication de la Commission, en particulier celles relatives à la réduction du niveau de la dette publique dans les États membres en vertu des principes de différenciation et de flexibilité (10), entraîneront nécessairement des modifications dans les procédures du semestre européen. Le CESE estime que cette réforme doit aussi inévitablement s’accompagner d’une participation accrue des acteurs politiques, économiques et sociaux nationaux afin de garantir une représentation démocratique valable de la société dans son ensemble. La diversité des points de vue et des intérêts, qui sont particulièrement bien représentés par les partenaires sociaux et les organisations de la société civile, devrait être dûment prise en compte dans ce domaine important de la politique économique. La Commission souligne l’importance de l’appropriation nationale. Dans ce contexte, il est essentiel que les trajectoires budgétaires nationales à moyen terme s’appuient sur les travaux menés dans le cadre des plans pour la reprise et la résilience et les renforcent, et il convient donc de prévoir un article similaire à l’article 18, paragraphe 4, point q), du règlement relatif à la FRR, créant une obligation de contrôle accru de la manière dont les États membres consultent la société civile organisée et intègrent ses demandes dans les plans. Il est crucial de recueillir le point de vue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile sur les réformes et les investissements proposés dans ces plans et sur leur mise en œuvre.

6.3.

La Commission vient de publier une communication intitulée «Un plan industriel du pacte vert pour l’ère du zéro émission nette» (11). Celle-ci découle de la nécessité d’assurer le respect des objectifs du pacte vert, de mettre en œuvre le concept d’autonomie industrielle stratégique européenne et de prendre des mesures visant à renforcer la compétitivité de l’industrie verte européenne face aux conséquences de la loi sur la réduction de l’inflation promulguée par le gouvernement américain. L’une des propositions du plan industriel du pacte vert pour l’Europe est la création d’un Fonds européen de souveraineté dans le cadre du réexamen du cadre financier pluriannuel 2021-2027, afin d’investir dans les technologies les plus innovantes dans le domaine des transitions écologique et numérique, en «préservant ainsi la cohésion et le marché unique contre les risques que pose la disponibilité inégale des aides d’État» (12).

6.4.

Le débat politique et universitaire sur la gouvernance économique de l’Union porte sur des questions telles que la mise en place d’une capacité budgétaire centrale permanente de l’UE ainsi que le niveau et le type de ressources propres dont l’UE devrait disposer. Le présent avis n’a pas pour objet de commenter ces questions. Le CESE estime que les institutions de l’UE devraient mener d’urgence une réflexion approfondie sur ces sujets et sur des modèles d’intégration plus poussée des politiques monétaire, budgétaire et fiscale. Toutefois, le CESE estime exprimer la voix de la majorité de la société civile organisée européenne lorsqu’il affirme qu’il est essentiel de trouver des solutions européennes communes et de construire des biens européens communs pour relever les défis géopolitiques, économiques, environnementaux et sociaux auxquels l’UE et ses États membres sont confrontés et pour réussir à mettre en œuvre les transformations écologique et numérique de manière à aboutir à un modèle économique plus productif, compétitif et durable sur le plan environnemental et social. Le CESE est d’avis qu’une politique industrielle européenne commune est indispensable pour combler le fossé technologique avec les États-Unis et la Chine et renforcer les chaînes de valeur. L’autonomie stratégique réclamée par les institutions européennes, dans des domaines allant de la politique étrangère et de défense aux politiques industrielle, technologique et commerciale, en passant par la santé, les compétences et la recherche-développement, nécessite des solutions européennes communes et des biens européens communs. Les solutions nationales fondées sur la capacité budgétaire de chaque État membre ne suffisent pas, et pourraient gravement compromettre le bon fonctionnement de l’une des meilleures réalisations de l’UE: le marché unique.

6.5.

Le CESE estime que pour financer correctement les biens communs européens, il faut commencer par œuvrer en faveur d’une utilisation adéquate, efficiente et efficace des ressources financières existantes, en tirant le meilleur parti de toutes les ressources offertes par les instruments d’investissement et de financement publics et public-privé dont dispose l’UE. À cette fin, le CESE plaide en faveur d’une flexibilité maximale dans la mise en œuvre des programmes ainsi que dans les synergies et les transferts de fonds entre eux, parallèlement à l’application de systèmes rigoureux d’évaluation et de suivi. La participation de la société civile peut améliorer la transparence et l’efficacité de ce processus.

6.6.

Nonobstant ce qui précède, l’ampleur des besoins d’investissement, en matière de biens communs et de soutien aux investissements à réaliser par les États membres, demandera un financement européen supplémentaire. En outre, il convient de créer les conditions nécessaires pour garantir un niveau approprié d’investissements privés et le cadre réglementaire le plus adéquat à long terme. Tel était le point de vue exprimé par le CESE dans sa résolution de 2022 sur les plans nationaux pour la reprise et la résilience, citée précédemment, concernant la réalisation des objectifs du pacte vert et l’accélération de la transition énergétique. Nous devons être conscients que l’une des conditions nécessaires pour progresser dans cette direction est avant tout la mise en œuvre réussie des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

6.7.

Le CESE estime qu’une bonne gouvernance économique et budgétaire doit résoudre le plus rapidement possible la question du système de recettes propres de l’UE, en respectant les engagements pris dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et NextGenerationEU et en jetant les bases d’un renforcement du budget européen à long terme.

Le semestre européen et ses procédures

6.8.

Malgré ses lacunes, le semestre européen a joué un rôle important dans la coordination des politiques économiques nationales. Ses modalités ne permettent toutefois pas aux citoyens et aux acteurs politiques, économiques et sociaux des États membres de participer de manière suffisamment claire et régulière à son processus et à l’élaboration de ses recommandations. Pendant la grande récession de ce siècle, le semestre européen a été le canal de transmission de politiques clairement procycliques, bien entendu dérivées des principes d’économie politique selon lesquels il était géré. Dans la réponse très différente apportée par les institutions européennes à la crise de la COVID-19, les procédures du règlement sur la FRR ont remplacé celles du semestre européen. Grâce à l’incitation positive de ses subventions et prêts, la FRR a façonné, par l’intermédiaire des PNRR, un certain modèle de planification indicative des investissements et des réformes structurelles. À l’expiration de la FRR, il ne sera pas possible de revenir au modèle précédent du semestre européen. D’où la nécessité de la réforme proposée par le CESE.

6.9.

Les problèmes de fonctionnement du semestre européen et de la FRR mis en évidence par la société civile organisée sont évidemment de nature et d’intensité variables selon les États membres. Cependant, la plupart d’entre eux ont critiqué en particulier les aspects suivants:

la qualité et la transparence de la communication avec les parties prenantes et la société ne sont pas suffisantes,

la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée atteint rarement un niveau de qualité permettant de reconnaître leur utilité,

en raison des délais de consultation très courts de la société civile organisée dans le cadre du semestre européen, il est difficile d’associer tous les acteurs politiques, économiques et sociaux nationaux tout en respectant les lignes directrices figurant dans les plans nationaux de réforme et les recommandations par pays,

dans de nombreux cas, les objectifs et les propositions de réforme des plans nationaux de réforme et des recommandations par pays ne sont pas suffisamment structurés et leur dimension sociale est insuffisante,

le niveau de conformité avec les recommandations par pays est insuffisant dans un certain nombre de pays et le mécanisme de sanctions s’est révélé inefficace.

6.10.

Les procédures de la FRR ont amélioré la situation à certains égards. Bien que son évaluation à mi-parcours n’ait pas encore commencé (13), les consultations menées par le CESE dans le contexte des deux résolutions susmentionnées et du présent avis ont montré un niveau significatif de conformité avec les réformes requises. Cette situation est sans aucun doute liée à l’incitation positive apportée par la réception des fonds de la FRR. Toutefois, le niveau de mise en œuvre des investissements laisse à désirer. Le niveau de participation de la société civile organisée s’est amélioré aux premières étapes de la mise en œuvre des PNRR par rapport à celui atteint lors de la phase de préparation et par rapport au niveau habituel de participation au semestre européen. Toutefois, aucune amélioration n’a été observée en 2022 et de graves reculs ont été constatés dans certains pays, en raison de changements politiques.

6.11.

Une réforme du cadre de gouvernance économique telle que proposée par la Commission européenne appelle clairement une adaptation du semestre européen. Le cadre budgétaire commun révisé offrira un instrument plus souple et différencié qui demandera des négociations et des accords entre les institutions de l’Union et les États membres. Il impliquera des changements dans les calendriers et les procédures du semestre européen. Pour que celui-ci reste efficace et fructueux, il devra faciliter l’appropriation nationale du processus et des engagements pris, ce qui ne pourra être réalisé qu’au moyen d’une participation plus large des acteurs politiques, économiques et sociaux au processus. Pour le CESE, la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile doit donc être l’un des piliers du semestre européen révisé. La participation des parlements nationaux et des collectivités locales et régionales est également essentielle.

6.12.

Le CESE a déjà plaidé en faveur d’une législation européenne visant à réglementer la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile au semestre européen. L’article 18, paragraphe 4, point q), du règlement relatif à la FRR pourrait être considéré comme un embryon de la disposition que le CESE appelle de ses vœux. Le CESE suggère qu’elle prenne la forme d’un règlement définissant les principes de base et les caractéristiques de la consultation des organisations de la société civile. De cette manière, les traditions et les procédures nationales de la participation sociale seraient respectées, mais celle-ci devrait être mise en œuvre conformément aux principes et caractéristiques de base définis dans le règlement européen.

6.13.

La Commission européenne a annoncé la publication prochaine d’une communication sur le renforcement du dialogue social et d’une recommandation sur le rôle du dialogue social au niveau national. Le CESE estime que, si cette initiative devait aboutir à l’adoption d’une législation, celle-ci devrait être complémentaire au règlement qu’il réclame.

7.   Propositions de réforme du semestre européen

7.1.

Le CESE propose de réformer le semestre européen afin de renforcer les principes, les valeurs et les tendances que sont la transparence, la démocratie, la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée, un fonctionnement efficace et favorisant la croissance économique et des emplois de qualité, une contribution à la cohésion sociale et à la convergence entre les États membres, et l’achèvement des transitions écologique et numérique de l’économie de l’Union.

7.2.

À cette fin, les systèmes d’indicateurs existants — économiques et de l’emploi, sociaux et environnementaux — doivent être renouvelés, complétés et rendus cohérents afin de renforcer les procédures d’évaluation, qui devraient également associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

7.3.

Le CESE plaide en faveur d’un semestre européen qui tienne toujours compte de la dimension sociale des décisions économiques lors de la coordination des économies de l’UE et de la formulation de propositions visant à stimuler leur croissance durable. Les mesures promues par le semestre européen doivent accorder la priorité tant à la capacité d’innovation et à la croissance de la productivité qu’à la réalisation de transitions justes dans le cadre des transformations écologique et numérique de l’économie européenne et à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. Tel est l’équilibre payant que l’on a appelé «durabilité compétitive» et qui a été pleinement soutenu par le CESE dans ses deux derniers avis sur l’examen annuel de la croissance durable.

7.4.

Le CESE estime que les principaux instruments du semestre européen, à savoir la stratégie annuelle pour une croissance durable, les plans nationaux de réforme et les recommandations par pays, devraient avoir une durée de trois ans, et être assortis d’évaluations et de réexamens annuels. Cela permettrait également d’améliorer le processus de participation des acteurs politiques, économiques et sociaux, d’accroître l’appropriation nationale et de favoriser une meilleure mise en œuvre de ces instruments.

7.5.

Le respect des recommandations par pays dans la perspective à moyen terme préconisée par le CESE aidera à évaluer la validité et l’efficacité du semestre européen. La consultation menée dans le cadre du présent avis a notamment permis de dégager les avis de la société civile organisée sur l’intérêt de sanctions en cas de non-respect des recommandations et sur les types de sanctions les plus efficaces. Le CESE estime que l’approche la plus appropriée consiste à prévoir des incitations à respecter des engagements nationaux en les liant au budget de l’UE et à la perception de certains fonds par les États membres, sur le modèle de la FRR. Pour que ces engagements soient équilibrés et en cohérence avec tous les piliers de la gouvernance économique, il est essentiel que le processus d’appropriation nationale soit démocratique et qu’il associe les acteurs politiques et sociaux.

7.6.

Un semestre européen plus démocratique implique que les organes politiques démocratiques européens et nationaux soient associés à ses procédures et, dans certains cas, à ses décisions. Le CESE fait ici référence au Parlement européen et aux parlements nationaux ainsi qu’aux institutions politiques locales et régionales. Le présent avis n’a pas pour objectif de proposer des formules ou des compétences spécifiques. Il convient toutefois de souligner que le processus d’appropriation nationale des recommandations et des mesures du semestre européen, tellement nécessaire à leur efficacité, exige que ces institutions nationales jouent un rôle important tant dans l’élaboration des plans et des recommandations que dans leur évaluation. De même, les compétences du Parlement européen devraient être renforcées de manière à lui conférer des droits de codécision en ce qui concerne les grandes orientations de politique économique et les propositions de nature européenne.

7.7.

Le CESE propose d’associer les partenaires sociaux et les organisations représentatives de la société civile au moyen d’une procédure de consultation formelle structurée, tant au niveau européen qu’au niveau national. Cette participation devrait avoir lieu non seulement au stade de l’élaboration des lignes directrices, des recommandations et des mesures, mais aussi à celui de la mise en œuvre et de l’évaluation. Un organe spécifique, éventuellement préexistant, devrait être officiellement et légalement chargé de la consultation dans le cadre du semestre européen et de la participation de la société civile à son évaluation. Dans de nombreux pays, les conseils économiques et sociaux nationaux pourraient jouer un rôle important dans la consultation sur le semestre européen et son évaluation. Cette question continue toutefois de relever de la compétence de chaque État membre, conformément à ses traditions et à sa législation. À l’heure actuelle, chaque pays décide également si les partenaires sociaux et les organisations de la société civile sont associés au moyen de la même procédure et du même organe ou par des processus distincts.

7.8.

Le CESE estime que la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée aux différentes étapes du semestre européen devrait être établie au moyen d’un règlement de l’UE définissant les valeurs, les principes et les principales caractéristiques à respecter, en laissant aux législations nationales le soin de préciser les procédures et les organes chargés de leur mise en œuvre. De l’avis du CESE, un processus de consultation formel efficace au niveau national demande qu’un tel règlement pose les principales exigences suivantes:

Le processus doit être permanent et structuré, et les modalités détaillées doivent être régies par la législation nationale; les États membres qui disposent déjà d’une telle législation devraient la réexaminer et l’actualiser conformément aux dispositions du règlement de l’UE.

Le processus ne devrait pas être ponctuel, limité à une période ou à une année donnée, mais reposer sur un mécanisme permanent approprié de consultation et d’échange, couvrant toutes les étapes, et doté de structures et de méthodes adéquates. Des rapports réguliers sur le processus de consultation devraient être publiés chaque année, transmis à la Commission européenne et aux parlements nationaux et mis à la disposition de la société civile organisée et du grand public dans chaque État membre.

Les procédures doivent répondre aux critères d’ouverture, de transparence et de représentativité. Le libre accès à l’information devrait s’appliquer à l’ensemble des documents et statistiques relatifs à la FRR et au semestre européen, y compris les données clés sur les projets d’investissement et les résultats des tableaux de bord économiques, sociaux et environnementaux. L’utilisation de portails web qui les regroupent d’une manière correctement structurée devrait être étendue à tous les États membres.

Il convient de préciser, pour chaque État membre, la nature des organismes qui serviront d’intermédiaires pour la mise en œuvre du processus participatif, ainsi que les caractéristiques qu’ils devraient avoir pour garantir la représentativité de leurs membres et la non-ingérence du monde politique dans leur nomination. La consultation formelle de la société civile organisée devrait avoir lieu tant lors de la phase d’élaboration des documents clés du semestre européen — l’examen annuel de la croissance durable, le rapport conjoint sur l’emploi et les lignes directrices pour l’emploi, les programmes nationaux de réforme, les recommandations par pays, etc. — que lors des phases de mise en œuvre et d’évaluation. La participation de la société civile organisée devrait également être étendue aux processus de réforme découlant des recommandations par pays et de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, ou du mécanisme révisé de gouvernance économique de l’Union.

Les calendriers du processus de consultation devraient être suffisamment homogènes au niveau de l’UE pour permettre la convergence vers un processus commun et garantir la cohérence avec ceux qui sont déjà en place et ceux ayant été adaptés à l’intégration de la FRR dans le semestre européen.

Les réunions seront convoquées dans les formes et délais prescrits, et les documents et informations nécessaires seront envoyés aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile invités, en laissant suffisamment de temps aux représentants de la société civile organisée pour les étudier. Des procès-verbaux seront établis lors des réunions et incluront les propositions des représentants de la société civile organisée.

Les gouvernements nationaux et la Commission européenne devront répondre en temps utile aux propositions des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, en intégrant les propositions et les réponses motivées dans les documents de travail du semestre européen, aux différents stades. Une feuille de route pour la mise en œuvre des propositions acceptées devrait également être prévue.

La participation de la société civile organisée par l’intermédiaire de délégués de ses organisations représentatives et de consultations structurées formelles peut être complétée, mais jamais remplacée, par des consultations en ligne, ouvertes ou semi-ouvertes.

7.9.

Le CESE estime qu’il convient d’appliquer des critères similaires aux procédures de dialogue social et de dialogue avec la société civile et aux organes qui les soutiennent au niveau européen. Il va de soi que certaines adaptations devraient être apportées en raison de différences de portée, de contenu et de calendrier.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Communication sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE [COM(2022) 583 final].

(2)  Avis du CESE sur la «Communication sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE» (JO C 146 du 27.4.2023, p. 53).

(3)  Résolutions du CESE sur «La participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas», adoptée en février 2021 (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1), et sur le thème «Comment améliorer la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience?», adoptée en mai 2022 (JO C 323 du 26.8.2022, p. 1).

(4)  Annexe à l’avis d’initiative «Recommandations du CESE pour une réforme vigoureuse du Semestre européen».

(5)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(6)  COM(2022) 583 final.

(7)  Semestre européen 2023 — Rapport de synthèse du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne (20 mars 2023).

(8)  AT, BE, BG, CZ, IE, IT, EL, ES, FI, FR, HR, CY, LT, LU, HU, MT, NL, PL, RO, SI, SK, SE et DK.

(9)  Avis du CESE sur la «Communication sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE» (JO C 146 du 27.4.2023, p. 53).

(10)  Le CESE a notamment présenté une proposition de flexibilité aux paragraphes 3.6 et 3.7 de l’avis précité.

(11)  COM(2023) 62 final.

(12)  S’exprimant lors de la session plénière du CESE du 24 janvier 2023, Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, a indiqué que la majeure partie des 677 milliards d’euros alloués aux entreprises par les États membres depuis le début de la pandémie a été versée en Allemagne (50 %) et en France (25 %).

(13)  Rapport d’évaluation du CESE sur l’«Évaluation à mi-parcours des FRR» (adoption prévue en septembre 2023).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/10


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le droit à un environnement sain dans l’Union européenne, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine»

(avis d’initiative)

(2023/C 228/02)

Rapporteure:

Ozlem YILDIRIM

Décision de l’assemblée plénière

27.10.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

13.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

162/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le 23 juin 2022, l’Ukraine est devenue pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Lorsqu’elle adhérera, elle deviendra le premier ou le deuxième État membre de l’Union en superficie. Le vaste territoire ukrainien abrite des écosystèmes variés. En effet, selon le secrétariat de la convention des Nations unies sur la diversité biologique, l’Ukraine représente 6 % du territoire européen, mais abrite 35 % de l’ensemble de sa diversité biologique.

1.2.

Les dommages environnementaux occasionnés par la guerre comprennent la dégradation des écosystèmes, la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que la contamination des terres arables et des pâturages. Plusieurs rapports indiquent que, depuis le début de la guerre, 200 000 hectares de forêt ont été touchés par des incendies, 680 000 tonnes de combustibles fossiles sont parties en fumée et 180 000 m3 de sol ont été contaminés par des munitions. La guerre a dégradé des zones protégées et détruit des stations d’épuration des eaux. Plus de 100 incendies de forêt ont été déclenchés par le conflit, qui ont émis 33 millions de tonnes de CO2.

1.3.

Les actes de la Russie s’apparentent à un écocide, selon la définition proposée par le groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide en juin 2021. Le Comité économique et sociale européen (CESE) demande que cet «écocide» soit officiellement inclus en tant qu’infraction pénale dans le droit de l’Union. La reconnaissance du crime d’écocide dans la directive révisée relative à la protection de l’environnement par le droit pénal entraînera une évolution de la législation hors des frontières de l’Union et, en particulier, au sein de la Cour pénale internationale, ce qui pourrait permettre de contraindre la Russie à rendre des comptes dans une certaine mesure pour les dommages environnementaux et écologiques qu’elle aura causés.

Le CESE:

1.4.

souligne qu’il s’impose d’urgence d’améliorer la protection de l’environnement dans une perspective de sauvegarde des droits fondamentaux dans l’Union européenne et au-delà; que cette nécessité se trouve exacerbée par les dommages environnementaux engendrés par la guerre en Ukraine, notamment les préjudices à la santé humaine mentale et physique, la dégradation des écosystèmes, la pollution atmosphérique et aquatique et la contamination des terres arables et des pâturages, qui menacent directement la production agricole et mettent en évidence la fragilité de la sécurité alimentaire au niveau mondial;

1.5.

attire l’attention sur les répercussions sociales et environnementales de l’invasion russe et insiste sur le fait qu’il n’est pas seulement important, mais indispensable de documenter, de cartographier et de mesurer ces répercussions afin de protéger juridiquement l’environnement, de s’assurer que des comptes seront rendus et de jeter les bases d’une reprise écologique et durable après-guerre, ainsi que de faciliter l’évaluation des besoins financiers pour la réaffectation des fonds destinés à la relance verte;

1.6.

invite la Commission et le Conseil à prendre des mesures afin de recenser les incidences environnementales néfastes de la guerre illégale menée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine ainsi que leurs implications sur le plan des droits de l’homme; indique que la Commission et le Conseil doivent soutenir les efforts de la société civile visant à documenter les dommages environnementaux causés par la Russie, y compris les crimes environnementaux commis, et soutenir le rôle de la société civile dans la reconstruction de l’Ukraine;

1.7.

insiste fortement sur le fait que l’Union doit aider à protéger l’environnement en Ukraine et à réparer les dommages subis du fait de la guerre; réaffirme qu’il conviendra de mener tous les efforts de reconstruction dans le respect des normes internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et des principes de conditionnalité sociale;

1.8.

souligne que la santé humaine et la qualité de l’environnement ne peuvent être dissociées, car la santé des écosystèmes, des animaux et des humains forme un tout indivisible, et qu’il incombe à l’Union de préserver ce droit; que la dégradation de l’environnement est la principale source de mauvaise santé; que la pollution sonore, par exemple, entraîne 12 000 décès par an; et que l’interconnexion entre environnement et santé humaine est tout aussi manifeste dans le domaine de la sécurité alimentaire;

1.9.

invite la Commission et le Conseil à renforcer les méthodes d’inspection alimentaire et agricole à l’entrée sur le marché unique, en s’attachant tout spécialement à détecter la pollution environnementale causée par la guerre en Ukraine afin de garantir la santé de tous les citoyens européens et de protéger notre environnement;

1.10.

insiste sur le fait que le droit à un environnement sain est essentiel au bien-être social et économique des personnes en Europe et dans le monde — on estime qu’environ 40 % des emplois sur la planète dépendent d’un climat et d’un écosystème sains — et que, compte tenu du cadre juridique international et de cette dure réalité, il n’est pas surprenant que l’Union ait adopté de nombreux actes législatifs pour donner effet à son obligation de garantir le respect du droit à un environnement sain;

1.11.

encourage l’ensemble des États membres et des institutions européennes à redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité des instruments juridiques existants, sachant que celle-ci leur fait souvent défaut en pratique; fait observer que les nombreuses actions en justice intentées contre des États membres ou l’Union même pour des carences dans des domaines tels que la qualité de l’air, le climat, la pêche, ou encore l’eau témoignent de l’ampleur de l’échec des pouvoirs publics à garantir ce droit.

2.   Observations générales

2.1.   Le droit à un environnement sain dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine et de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union

2.1.1.

Le 16 mars 2022, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a exclu la Russie du Conseil de l’Europe, avec effet immédiat (1). C’est ainsi que, tandis que l’Union négociait son adhésion à la convention européenne des droits de l’homme, la Russie a cessé d’être liée par celle-ci à compter du 16 septembre 2022. L’étendue de la protection des droits de l’homme sur le continent européen s’en est trouvée sensiblement rétrécie. Toutefois, au moment de l’invasion et jusqu’au 16 septembre 2022, la Russie restait liée par cette convention et, malgré sa mise en retrait dans plusieurs organisations internationales, elle était par ailleurs et reste soumise à un large éventail d’obligations internationales. Ces obligations portent non seulement sur les droits de l’homme (2), mais aussi sur l’environnement: la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (3) et la convention sur la diversité biologique font partie de celles que la Russie a bafouées dans le contexte de son agression.

2.1.2.

Il est essentiel de veiller à ce que les droits de l’homme et l’environnement soient protégés dans toute l’Europe — non seulement dans les 27 États membres de l’Union, où la protection des droits de l’homme sera renforcée par l’adhésion de l’Union à la convention européenne des droits de l’homme, mais aussi dans les 19 autres États membres du Conseil de l’Europe, dont l’Ukraine.

2.1.3.

Cela est d’autant plus important que, le 23 juin 2022, l’Ukraine est devenue un pays candidat à l’adhésion à l’Union. Lorsque l’Ukraine adhérera, elle deviendra le premier ou le deuxième État membre de l’Union en superficie (4). Le vaste territoire ukrainien abrite des écosystèmes variés. En effet, selon le secrétariat de la convention des Nations unies sur la diversité biologique (5), l’Ukraine représente 6 % du territoire européen, mais abrite 35 % de l’ensemble de sa diversité biologique. En outre, les terres agricoles du pays, cruciales pour l’approvisionnement alimentaire au niveau mondial, et ses vastes infrastructures liées aux combustibles fossiles, dont certains États membres voisins sont particulièrement dépendants pour l’énergie, ont été soumises à une pression exceptionnelle au cours de l’année écoulée.

2.1.4.

Les actes de la Russie s’apparentent à un écocide, selon la définition proposée par des experts juridiques (6) et publiée en juin 2021. Depuis 2001, le code pénal ukrainien (7) comprend le crime d’écocide. Parallèlement à la décision du Parlement européen (8), le CESE demande que l’«écocide», tel que défini par le groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide, soit formellement inclus en tant qu’infraction pénale dans le droit de l’Union (9). La reconnaissance du crime d’écocide dans la directive révisée relative à la protection de l’environnement par le droit pénal entraînera une évolution de la législation hors des frontières de l’Union et, en particulier, au sein de la Cour pénale internationale, ce qui pourrait permettre de contraindre la Russie à rendre des comptes dans une certaine mesure pour les dommages environnementaux et écologiques qu’elle aura causés.

2.1.5.

Le 19 janvier 2023, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la création d’un tribunal pour le crime d’agression contre l’Ukraine, à laquelle le CESE a apporté son appui lors de sa session plénière de février (10). Cette résolution fait référence aux questions environnementales à deux reprises. Premièrement, elle prend acte du lien entre guerre et dommages à long terme à l’environnement naturel et au climat; deuxièmement, elle demande la création d’un registre international des dommages qui servira notamment à établir les futures réparations pour les dommages graves à long terme et à grande échelle causés à l’environnement naturel et au climat. Il est essentiel, à cet égard, de souligner que les dommages environnementaux peuvent être utilisés comme armes de guerre et de mettre l’accent sur ce fait pour pouvoir mieux poursuivre ces crimes.

2.1.6.

Les dommages environnementaux occasionnés par la guerre comprennent la dégradation des écosystèmes, la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que la contamination des terres arables et des pâturages. Par exemple, les fuites récentes dans deux gazoducs russes en mer Baltique pourraient avoir une incidence sans précédent sur notre climat et sur d’autres aspects de l’environnement (11). Depuis le début de la guerre, 200 000 hectares de forêt ont été touchés par des incendies, 680 000 tonnes de combustibles fossiles sont parties en fumée et 180 000 m3 de sol ont été contaminés par des munitions. La guerre a dégradé des zones protégées et détruit des stations d’épuration des eaux. Le péril est d’autant plus grand que l’Ukraine dispose, avec ses 15 réacteurs, du deuxième plus grand parc nucléaire en Europe. Plus de 100 incendies de forêt ont été déclenchés par le conflit, qui ont émis 33 millions de tonnes de CO2. Les bombardements russes sont en train de détruire la diversité biologique ukrainienne. Les experts ukrainiens estiment les dommages environnementaux causés par la Russie à 24 milliards d’euros.

2.1.7.

La guerre en Ukraine inflige des destructions durables et sans précédent à l’environnement. Elle porte également atteinte à la santé physique et mentale, à l’intégrité et au bien-être du peuple ukrainien et des générations futures du pays. Les groupes vulnérables sont tout particulièrement touchés; il convient d’accorder une attention particulière aux répercussions psychologiques de la guerre ainsi qu’aux problèmes de santé mentale associés. La guerre entraîne une contamination de l’air, de l’eau et des sols ainsi qu’une pollution sonore, qui auront des répercussions sur toutes ses victimes pendant des générations. L’on peut tenir pour acquis que nombre de problèmes ne se cantonnent pas aux frontières de l’Ukraine et que de graves menaces se présentent collectivement pour la santé publique. Il est en effet démontré que les dégradations de l’environnement — notamment la contamination de l’air, des sols et de l’eau —, tout comme la guerre, ont des répercussions plurigénérationnelles sur la santé mentale et physique. Il ne s’agit pas seulement des enfants qui vivent actuellement en Ukraine ou ont fui le pays; les générations à venir en pâtiront également.

2.1.8.

Les efforts déployés par la jeunesse ukrainienne pour faire entendre sa voix par l’intermédiaire de ses divers mouvements et organisations sont donc particulièrement touchants. Les efforts de reconstruction devront impérativement tenir compte des avis et des idées qu’elle aura exprimés.

2.1.9.

Les dommages causés à notre écosystème commun, tels que la dégradation des sols, menacent directement la production agricole future et mettent en relief la précarité de la sécurité alimentaire mondiale. En particulier, la structure actuelle du marché des matières premières n’est pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin». Elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe, et joue de fait activement en leur défaveur (12).

2.1.10.

La société civile a joué un rôle central dans la défense de l’environnement en Ukraine avant la guerre. Cette dernière a cependant considérablement amoindri sa capacité à mener ses activités. De nombreux défenseurs de l’environnement ont dû fuir, ou contribuent actuellement à l’effort de guerre. Ceux qui sont encore en mesure d’exercer leurs activités s’attachent désormais à documenter les conséquences sur l’environnement de la guerre d’agression menée par la Russie (13). Leur participation sera essentielle pour restaurer l’environnement en Ukraine et faire en sorte que celle-ci adopte le droit de l’Union en matière d’environnement pour rendre possible son adhésion.

2.1.11.

La protection de l’environnement et les incidences sur la vie et la santé au quotidien restent importantes pour les Ukrainiens. En outre, selon une enquête publique, 95,2 % des personnes interrogées estiment que la restauration de la nature sera importante pour la reconstruction de l’Ukraine après-guerre (14).

2.1.12.

À condition de disposer d’un soutien international adéquat, il sera possible de faire de la destruction par la Russie des infrastructures d’industrie lourde de l’Ukraine une occasion de libérer le potentiel du pays en matière de solaire et d’éolien, pour une reconstruction en mieux et en plus écologique adossée à des sources d’électricité renouvelables, au bénéfice non seulement des citoyens ukrainiens, mais aussi de ceux qui vivent par-delà ses frontières — ce qui placerait l’Ukraine dans une position privilégiée pour ses négociations d’adhésion à l’Union.

2.1.13.

La situation actuelle reste instable. L’avenir est incertain et préoccupant. Au-delà de la terrible catastrophe humaine et humanitaire, des questions se poseront sur le coût final de la reconstruction de l’Ukraine et sur la mesure dans laquelle la Russie peut être tenue pour responsable de sa prise en charge. L’Union européenne a un rôle important à jouer à cet égard. Dans sa résolution sur «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (15), le CESE souligne non seulement les répercussions de la guerre sur les populations, mais aussi le fait que les conséquences environnementales du conflit, dues aux bombardements, à des fuites de pétrole et de gaz et à des accidents dans des usines chimiques et des centrales nucléaires, constituent des préoccupations majeures, tant pour les Ukrainiens que pour l’Union, et au-delà. Ces incidences environnementales auront inévitablement des conséquences durables pour la santé humaine et les écosystèmes. D’après les experts des Nations unies, elles constituent une réelle menace pour les populations: il faudra sans doute des années pour dépolluer la région, alors que le risque de cancers, de maladies respiratoires et de retards de développement chez les enfants se sera accru en parallèle (16). La santé génésique est une autre source de préoccupation. Le CESE insiste sur le fait que l’Union devra aider à protéger l’environnement en Ukraine et à réparer les dommages subis du fait de la guerre. Il réaffirme qu’il conviendra de mener tous les efforts de reconstruction dans le respect des normes internationales de l’OIT et des principes de conditionnalité sociale. Le CESE propose que l’Union réagisse au moyen de programmes tels que RescEU et le programme LIFE, en coordination avec les mécanismes nationaux, régionaux et locaux ainsi qu’avec le secteur privé et les ONG.

2.1.14.

Alors que la guerre se poursuit, il est essentiel que les organisations de la société civile, les gouvernements et les organisations internationales coopèrent par-delà les frontières pour cartographier et surveiller les dommages environnementaux à caractère transfrontalier afin d’évaluer l’ampleur des dommages et des besoins financiers, de stimuler l’investissement et de réaffecter des ressources à la reconstruction durable et socialement juste de l’Ukraine. En ce qui concerne la cartographie, l’Agence européenne pour l’environnement intervient en soutien aux efforts d’amélioration de la capacité de collecte d’informations sur l’état de l’environnement avant-guerre, qui pourraient servir de référence dans les processus de suivi (17).

2.1.15.

La Commission et le Conseil doivent soutenir les efforts de la société civile visant à documenter les dommages environnementaux causés par la Russie, y compris les crimes environnementaux. L’Union doit également veiller à ce que les efforts qu’elle déploie pour soutenir la reconstruction de l’Ukraine préviennent et atténuent les conséquences écologiques et environnementales désastreuses de la guerre de sorte à garantir la sauvegarde des droits de l’homme.

2.1.16.

Il convient par ailleurs de mettre un terme à la dépendance de l’économie ukrainienne et de celle de l’Union à l’égard des combustibles fossiles et de veiller à ce que les efforts de reconstruction ne s’appuient pas sur les infrastructures liées aux combustibles fossiles. Ces efforts doivent également garantir que l’Ukraine soit en mesure de jouer son rôle dans le système alimentaire mondial et, dans la perspective de l’adhésion de cette dernière, de permettre à l’Union de respecter ses engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et de l’accord de Kunming-Montréal. L’Union devrait en outre veiller à ce que ses trains de sanctions aient une incidence positive sur l’environnement. Certaines ONG ont demandé, par exemple, l’adoption de sanctions qui entraveraient non seulement la capacité de la Russie à poursuivre sa guerre illégale, mais aussi sa capacité à tirer profit de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (18).

2.2.   L’obligation légale de l’Union de protéger le droit à un environnement sain

2.2.1.

Le 28 juillet 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique plaçant le «droit à un environnement propre, sain et durable» au rang des droits de l’homme (19), qui engage les États, les organisations internationales, les entreprises et les autres acteurs concernés à intensifier leurs efforts visant à garantir un environnement propre, sain et durable pour tous. Les 27 États membres de l’Union ont voté en faveur de la résolution, comme l’écrasante majorité des autres États. Faisant écho au rapport d’information 2021 du CESE sur «La protection de l’environnement comme condition préalable au respect des droits fondamentaux» (20), la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies prend acte du fait que «la dégradation de l’environnement, les changements climatiques, la perte de biodiversité, la désertification et le développement non durable font partie des menaces les plus urgentes et les plus graves qui pèsent sur la capacité des générations actuelles et futures d’exercer tous les droits de l’homme de manière effective». La résolution invite notamment les organisations internationales telles que l’Union «à améliorer la coopération internationale, à renforcer les capacités et à continuer de mettre en commun les bonnes pratiques afin d’intensifier les efforts visant à garantir un environnement propre, sain et durable pour tous».

2.2.2.

Le droit à un environnement sain prend acte du lien fondamental entre environnement et santé humaine. La santé humaine et la qualité de l’environnement ne peuvent être dissociées: la santé des écosystèmes, des animaux et des humains forme un tout indivisible, qu’il appartient à l’Union de préserver. La dégradation de l’environnement est la principale source de mauvaise santé. Par exemple, en 2019, 307 000 décès prématurés ont été attribués aux particules fines, 40 400 au dioxyde d’azote et 16 800 à l’exposition aiguë à l’ozone (21). Bien entendu, le problème va au-delà de la qualité de l’air. La pollution sonore, par exemple, entraîne 12 000 décès par an (22). L’interconnexion entre environnement et santé humaine est tout aussi évidente dans le domaine de la sécurité alimentaire.

2.2.3.

L’ordre juridique de l’Union est à la pointe au niveau mondial en ce qui concerne la reconnaissance, au niveau supranational, du droit à un environnement sain. Les dispositions des traités [article 37 de la charte des droits fondamentaux et article 11 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)] s’ajoutent à d’autres, notamment l’article 3, paragraphe 3, et l’article 21, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne ainsi que l’article 191 du TFUE (23), et à diverses autres dispositions de la charte (24) qui, prises ensemble, équivalent à une reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable. En vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, les institutions de l’Union sont soumises à cette obligation à tout moment et les États membres sont tenus de la respecter lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (25). Le Parlement européen a demandé que «le droit à un environnement sain soit reconnu dans la charte et que l’Union [plaide également] la cause d’un droit similaire au niveau international» (26).

2.2.4.

En vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, l’Union est également tenue de respecter les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où les dispositions de la charte correspondent aux dispositions de cette convention. On peut avancer que la Cour européenne des droits de l’homme a en pratique reconnu le droit à un environnement sûr et sain (27), notamment par la voie du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile (article 7 de la charte, article 8 de la convention). En découlent non seulement des obligations négatives (ne pas porter atteinte au droit à un environnement sain), mais aussi des obligations positives, à savoir prendre des mesures, par exemple en ce qui concerne la qualité de l’air, afin de garantir le respect de ce droit (28). Ces obligations seront d’autant plus exécutoires quand l’Union aura adhéré à la convention, comme elle est tenue de le faire en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du TUE. À la suite du Parlement européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé l’adoption d’un protocole à la convention qui reconnaîtrait explicitement «le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable» (29). Cela créerait un droit exécutoire dans les 27 États membres de l’Union et dans les 19 pays tiers qui sont également membres du Conseil de l’Europe.

2.2.5.

Il est par ailleurs généralement accepté que l’Union influe très fortement sur la réglementation environnementale au niveau mondial. Les nombreux domaines du droit de l’Union qui ont une incidence sur le droit à un environnement sain — notamment la réglementation des substances toxiques au titre du règlement REACH (30) — sont des exemples typiques de l’«effet Bruxelles» (31), par lequel les règles de l’Union deviennent des normes mondiales.

2.2.6.

Le droit à un environnement sain est essentiel au bien-être social et économique des personnes en Europe et dans le monde. On estime qu’environ 40 % des emplois dans le monde dépendent d’un climat et d’un écosystème sains (32). Compte tenu du cadre juridique international et de cette dure réalité, il n’est pas surprenant que l’Union ait adopté de nombreux actes législatifs pour donner effet à son obligation de garantir le respect du droit à un environnement sain. La réglementation de l’Union relative à la qualité de l’air ambiant [directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil (33)] en est un exemple clair. L’avocate générale Kokott a ainsi estimé, dans l’affaire Craeynest c. Brussels Hoofdstedelijk Gewest, que «les règles sur la qualité de l’air ambiant sont donc la concrétisation des obligations de protection qui pèsent sur l’Union, découlant du droit fondamental à la vie consacré à l’article 2, paragraphe 1, de la charte et du niveau élevé de protection qu’exigent l’article 3, paragraphe 3, du TUE, l’article 37 de la charte et l’article 191, paragraphe 2, du TFUE» (34). Pour une protection maximale de la santé humaine, le CESE recommande de mettre pleinement en correspondance les normes de l’Union en matière de qualité de l’air avec les lignes directrices mises à jour de l’Organisation mondiale de la santé relatives à la qualité de l’air pour 2030.

2.2.7.

Les programmes d’action pour l’environnement de l’Union — mis en œuvre au titre de l’article 192, paragraphe 3, du TFUE — considèrent de plus en plus l’environnement sain comme un droit. Le 8e programme d’action pour l’environnement affirme explicitement que «progresser vers la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable, tel qu’énoncé dans la résolution 48/13 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, est une condition de facilitation aux fins de la réalisation [de ses] objectifs prioritaires» (35).

2.2.8.

Toutefois, la mise en pratique reste souvent lacunaire (36), et c’est pourquoi le CESE encourage l’ensemble des États membres et des institutions européennes à redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité des instruments juridiques existants. Les nombreuses actions en justice intentées contre des États membres ou l’Union même pour des carences dans des domaines tels que la qualité de l’air, le climat, la pêche, ou encore l’eau témoignent de l’ampleur de l’échec des pouvoirs publics à garantir ce droit.

2.2.9.

Dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine et de la future adhésion de cette dernière à l’Union, il est plus important que jamais que l’Union et ses États membres donnent effet au droit à un environnement sain. Cela implique d’accorder à la protection de l’environnement la même priorité qu’à d’autres domaines du droit, tels que la concurrence ou la protection des données, pour lesquels l’Union donne l’exemple à l’échelle mondiale, tant pour son droit que pour les mesures de mise en œuvre qu’elle adopte.

2.2.10.

C’est ainsi que l’Union a aujourd’hui la possibilité de reconnaître le caractère intergénérationnel du droit à un environnement sain.

2.2.11.

Il n’est pas surprenant que les mouvements de jeunesse soient particulièrement mobilisés pour réclamer la protection de l’environnement. En raison des effets négatifs de la dégradation de l’environnement sur la santé génésique, l’existence même des générations futures est menacée. L’Union devrait suivre l’exemple des États membres qui ont mis en place des institutions conçues pour protéger les intérêts des générations futures. Une telle institution, au niveau de l’Union, contribuerait à garantir que les générations futures pourront jouir des avantages sociaux et économiques que leur procurera demain l’action menée aujourd’hui pour protéger l’environnement.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  CM/Del/Dec(2022) 1431/2.3, «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine».

(2)  Voir, par exemple, l’article 11, paragraphe 2, point b), du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

(3)  Voir, par exemple, l’article 3, paragraphe 5: «Il appartient aux parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables de toutes les parties.»

(4)  Aucun État membre n’est plus grand. Parmi les pays candidats actuels, seule la Turquie est plus grande.

(5)  Convention sur la diversité biologique: stratégie nationale et plan d’action en faveur de la diversité biologique.

(6)  Fondation Stop Ecocide, «les actes illégaux ou arbitraires commis en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables».

(7)  Code pénal ukrainien.

(8)  Décision du 29 mars 2023.

(9)  Avis du CESE sur le thème «Améliorer la protection de l’environnement par le droit pénal» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 143).

(10)  Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «Ukraine: un an après l’invasion russe — Le point de vue de la société civile européenne» (JO C 146 du 27.4.2023, p. 1).

(11)  «Nord Stream: Russian gas pipe leaks could have an “unprecedented” environmental impact» (Euronews) (Nord Stream: les fuites dans des gazoducs russes pourraient avoir une incidence «sans précédent» sur l’environnement).

(12)  Avis du CESE sur le thème «La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action à la suite de la guerre en Ukraine» (JO C 100 du 16.3.2023, p. 51).

(13)  Voir, par exemple, les travaux d’EcoAction, notamment: «Crimes against the environment after one month of Russia’s war against Ukraine» (Les crimes contre l’environnement après un mois de guerre menée par la Russie contre l’Ukraine).

(14)  Centre de ressources et d’analyse «Société et environnement», «Comment la guerre change les Ukrainiens: enquête publique sur la guerre, l’environnement, la reconstruction après-guerre et l’adhésion à l’Union», 2023.

(15)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 1.

(16)  OCDE, «Conséquences environnementales de la guerre en Ukraine et perspectives pour une reconstruction verte», juillet 2022.

(17)  ENI Système de partage d’informations sur l’environnement (SEIS).

(18)  Agence Europe: «13 ONG demandent d’inclure les navires de pêche russes dans les prochaines sanctions de l’UE contre le régime de Poutine», Bulletin Quotidien Europe no 13014, 6 septembre 2022.

(19)  Résolution (A/76/L.75), bibliothèque numérique des Nations unies.

(20)  Rapport d’information du CESE sur «La protection de l’environnement comme condition préalable au respect des droits fondamentaux».

(21)  Agence européenne pour l’environnement, «Air Quality in Europe 2021: Health impacts of air pollution in Europe» (Qualité de l’air en Europe en 2021: incidences sur la santé de la pollution atmosphérique en Europe), 15 novembre 2021.

(22)  Agence européenne pour l’environnement, «Health risks caused by environmental noise in Europe» (Risques sanitaires liés au bruit ambiant en Europe), 14 décembre 2020.

(23)  Cet article expose les objectifs de la politique de l’Union en matière d’environnement.

(24)  Notamment l’article 2 (droit à la vie), l’article 3 (droit à l’intégrité de la personne), l’article 35 (garantie d’un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union) et l’article 38 (protection des consommateurs).

(25)  «Les dispositions de la présente charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.»

(26)  P9_TA(2021)0277, «Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030: ramener la nature dans nos vies», paragraphe 143.

(27)  Irmina Kotiuk, Adam Weiss et Ugo Taddei, Journal of Human Rights and the Environment, vol. 13, numéro spécial, septembre 2022.

(28)  En ce qui concerne les obligations positives au titre de l’article 8 de la convention (et donc de l’article 7 de la charte), voir par exemple l’affaire Fadeyeva c. Russie, requête no 55723/00, arrêt du 9 juin 2005.

(29)  Résolution 2396 (2021), «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe».

(30)  Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396 du 30.12.2006, p. 1).

(31)  Anu Bradford, The Brussels Effect: How the European Union Rules the World (L’«effet Bruxelles»: comment l’Union européenne dirige le monde), Oxford University Press, 2020.

(32)  OIT «Emploi et questions sociales dans le monde 2018: une économie verte et créatrice d’emplois», 2018.

(33)  Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152 du 11.6.2008, p. 1).

(34)  Arrêt dans l’affaire C-723/17, Craeynest c. Brussels Hoofdstedelijk Gewest, point 53.

(35)  Décision (UE) 2022/591 du Parlement européen et du Conseil du 6 avril 2022 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2030 (JO L 114 du 12.4.2022, p. 22).

(36)  Avis du CESE sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 33).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/17


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer encore la compétitivité numérique de l’Union européenne»

(avis exploratoire)

(2023/C 228/03)

Rapporteur:

Gonçalo LOBO XAVIER

Corapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Consultation

Présidence du Conseil européen, 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

4.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

145/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que la compétitivité numérique est indispensable à la compétitivité globale de l’Union européenne (UE) et estime, comme il l’a souligné dans de précédents rapports, qu’elle devrait être considérée comme une composante essentielle du programme de l’Union en matière de compétitivité. Des améliorations considérables sont nécessaires dans ce domaine pour assurer le succès de l’UE dans l’environnement concurrentiel mondial. C’est dans cette optique que le CESE a demandé la mise en place d’un contrôle de la compétitivité conforme aux politiques et aux objectifs de l’UE, qui s’inscrit dans les processus d’élaboration des politiques et de la législation européennes. Ce contrôle devrait inclure une évaluation complète des incidences de toute nouvelle initiative sur la compétitivité et veiller à ce que les questions de compétitivité soient dûment prises en considération lors des prises de décision. Le CESE estime qu’adopter cette perspective et diffuser des messages clairs à cet égard permettrait d’associer plus facilement les citoyens à cette démarche et de les motiver à atteindre les objectifs généraux.

1.2.

Le CESE souscrit au point de vue selon lequel l’Union doit créer un environnement favorable aux entreprises, fondé sur une stratégie globale qui rassemble et aligne différents domaines d’action, et en premier lieu la compétitivité, la dimension sociale et l’impact des entreprises sur le bien-être des citoyens. Le CESE considère que l’objectif devrait être de stimuler la compétitivité axée sur le numérique en améliorant les conditions pour favoriser, d’une part, la mise au point et la fourniture de solutions numériques par les entreprises de l’UE et, d’autre part, l’adoption et l’utilisation de telles solutions par un large éventail d’entreprises européennes, y compris dans des secteurs tels que l’industrie manufacturière, les transports et la logistique, le commerce de détail, l’agriculture et la construction, pour ne citer que les plus pertinents.

1.3.

Il importe d’associer les citoyens européens à la stratégie de compétitivité numérique et de les rassurer s’agissant d’une question qui compte parmi les plus significatives dans le contexte du numérique et de la collecte de données, à savoir la cybersécurité. Le CESE est d’avis que l’Union doit promouvoir une économie européenne fondée sur les données en améliorant la disponibilité, l’accessibilité et le transfert des données, ainsi qu’en garantissant leur protection adéquate. À cette fin, l’UE doit s’appuyer sur une approche plus stratégique pour permettre aux parties prenantes de collecter, stocker, mettre en commun, partager et analyser les données de manière sécurisée. Il est primordial d’accélérer les initiatives visant à créer des espaces de données transeuropéens et sectoriels afin d’améliorer l’analyse et l’utilisation des données dans l’intérêt de la société européenne, de l’UE et de la compétitivité de ses entreprises. Les espaces de données pourraient faire naître et nourrir des jeunes pousses et de nouveaux innovateurs industriels évolutifs. Le bon fonctionnement du marché unique des données est également essentiel dans la mesure où il est intrinsèquement lié au marché unique des biens, des services, des capitaux et des personnes, ainsi qu’aux systèmes d’énergie et de transport.

1.4.

Le CESE estime que tout développement numérique doit reposer sur des investissements dans une infrastructure numérique complète, efficace et sûre, comme en témoignent certaines autres régions du monde qui jouent un rôle de premier plan dans certains domaines à l’échelle mondiale. Outre les réseaux numériques, les centres de données, la puissance de calcul et d’autres paramètres, les infrastructures doivent aussi comprendre l’accès à des sources d’énergie à faibles émissions de carbone et aux matières premières critiques nécessaires aux produits et systèmes numériques.

1.5.

Dès lors, pour pouvoir jouer un rôle de premier plan dans des domaines critiques tels que la cybersécurité, l’Union doit promouvoir et soutenir cette dernière tout en stimulant la compétitivité de ses entreprises. À cet égard, le CESE est d’avis que la certification de l’UE doit continuer d’être orientée vers le marché et de reposer sur les normes internationales existantes. L’UE devrait relever les niveaux de sécurité en «européanisant» les systèmes nationaux de certification existants afin de garantir l’harmonisation du marché entre les États membres avant d’élaborer de nouveaux schémas candidats au titre du règlement sur la cybersécurité. L’UE doit garantir, à son niveau, un cadre législatif cohérent et harmonisé et éviter les incohérences dans sa législation, par exemple le risque que les exigences ne soient pas alignées sur les dispositions relatives au cyberespace qui figurent dans la législation verticale du nouveau cadre législatif.

1.6.

Le CESE tient pour évident que l’excellence dans le domaine des technologies clés nécessite une hausse considérable des investissements tant publics que privés dans la recherche et l’innovation, la mise en place d’infrastructures de recherche, développement et innovation de classe mondiale, l’attraction de talents et la création d’écosystèmes basés sur la coopération entre les entreprises, les universités et les instituts de recherche. S’il importe d’améliorer l’adoption de l’IA, de l’informatique quantique et d’autres technologies de pointe, il convient également de reconnaître que de nombreuses PME éprouvent d’importantes difficultés à adopter ne serait-ce que les technologies numériques de base. L’Union et ses États membres doivent déployer des efforts spécifiques pour soutenir et faciliter la numérisation des PME, notamment en les intégrant dans des pôles d’innovation, des espaces de données et des écosystèmes d’entreprises. De même, il est nécessaire de sensibiliser les PME quant aux possibilités que leur offre la numérisation, au soutien dont elles peuvent bénéficier pour renforcer leurs compétences et à l’expertise et aux orientations qui sont disponibles pour les assister en ce qui concerne la réglementation dans ce domaine.

1.7.

À cet égard, le CESE souhaite affirmer une nouvelle fois que les citoyens représentent l’un des atouts majeurs de l’Europe et peuvent influencer le rythme du développement socio-économique. Les États membres doivent investir activement dans les systèmes d’éducation et de formation, y compris l’apprentissage tout au long de la vie, de manière à répondre aux besoins actuels et futurs liés à la création et à l’utilisation d’outils et de solutions numériques. L’Union doit également encourager et favoriser la mobilité transfrontière de la main-d’œuvre et des talents, aussi bien au sein de son propre territoire que dans le cadre de coopérations avec les pays tiers. Le CESE continue également d’affirmer que les franges les plus âgées de la population doivent être associées à ce processus et pouvoir y prendre part.

1.8.

Pour que le cadre réglementaire contribue à la compétitivité numérique, l’Union doit veiller à ce que les réglementations soient adaptées à leur finalité, encouragent l’innovation et les investissements et garantissent l’égalité des conditions et du traitement au sein du marché unique. Elle doit également coopérer avec les pays partageant ses valeurs afin de renforcer les règles et normes communes à l’échelle internationale. Tout en maintenant des normes élevées, toute réglementation doit concourir à la réussite de la numérisation et à la compétitivité des entreprises. Le secteur public doit également numériser ses propres opérations et services, y compris ses processus administratifs. Un exemple de besoin urgent qui pourrait être satisfait en partie par la numérisation est l’accélération des procédures d’octroi de permis pour les investissements et les autres opérations commerciales.

1.9.

Le CESE est favorable à l’idée selon laquelle l’accès au financement, qu’il s’agisse de capital-risque, de financement public ou de toute autre source, constitue une autre condition préalable pour mener à bien une transition numérique efficace. En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel, le financement du programme pour une Europe numérique devrait être augmenté pour renforcer, entre autres, le rôle, la visibilité et l’accessibilité des pôles d’innovation numérique. Cette mesure se justifie aisément, dans la mesure où les entreprises numériques connaissent une croissance deux fois et demie plus rapide, en moyenne, que les entreprises d’autres domaines. À l’évidence, le CESE ne réclame pas une ligne d’investissement distincte consacrée à la «transformation numérique», mais une stratégie combinée et raisonnable quant au processus de financement pour la numérisation afin de créer des conditions favorables pour tous les acteurs de l’écosystème d’innovation.

1.10.

Comme dans beaucoup de domaines différents de l’économie et de la société, notamment la stratégie industrielle, les systèmes de santé et le commerce de détail, le CESE demande qu’une stratégie intelligente et combinée soit mise en place concernant les compétences. De nombreux secteurs préparent déjà des projets de grande envergure visant la reconversion et le perfectionnement professionnels de leur main-d’œuvre dans le cadre de la numérisation et de la transition écologique. Le CESE plaide en faveur d’un programme coordonné pour les compétences qui permette à la main-d’œuvre nouvelle et existante de surmonter les difficultés inhérentes à la transition. Les États membres devraient allouer suffisamment de ressources à la résolution de ce problème et doivent en faire une priorité immédiate, en particulier pour soutenir les PME qui se heurtent encore à des obstacles découlant de la crise de la COVID-19 et de la guerre en Ukraine.

1.11.

Le CESE estime que, dans ce contexte, des indicateurs de performance clés stricts et ambitieux sont indispensables pour stimuler et évaluer la compétitivité numérique de l’Union. Les indicateurs actuels (fondés sur le DESI, à savoir l’indice relatif à l’économie et à la société numériques) et les objectifs fixés dans le cadre de la boussole numérique devraient être évalués et complétés du point de vue de la compétitivité numérique, de manière à suivre non seulement les catalyseurs du développement numérique, mais aussi ses avantages, tels que les nouveaux produits numériques et leurs parts de marché, l’amélioration de l’efficacité des processus de production et ses effets sur la productivité, ainsi que le déploiement de solutions numériques répondant aux défis de société, tels que la santé et le climat. Le suivi des indicateurs doit tenir compte des progrès accomplis au fil du temps dans l’UE et dans ses États membres et s’accompagner d’une comparaison avec les concurrents internationaux. Il importe également de motiver les citoyens grâce à une meilleure communication et en les associant au processus.

2.   Contexte

2.1.

Le présent avis répond à une demande de la présidence suédoise du Conseil, qui a prié le CESE d’élaborer un avis exploratoire sur la compétitivité de l’Union, dans le prolongement de l’avis INT/1000 (1) sur le «Contrôle de la compétitivité» adopté à l’invitation de la présidence tchèque. La présidence suédoise a demandé au CESE d’examiner ce dont l’UE a besoin pour renforcer encore sa compétitivité numérique, en particulier pour permettre aux entreprises de tirer parti de la numérisation. Cet avis tentera d’examiner la compétitivité de l’UE sous l’angle de la transition numérique vers un modèle de croissance économique plus durable. Il abordera les mesures et les politiques qui sont nécessaires pour renforcer encore la compétitivité numérique de l’Union européenne, et en particulier pour permettre aux entreprises et aux travailleurs de bénéficier du processus de numérisation.

2.2.

Il importe de rappeler que, dans son avis INT/1000, le CESE a reconnu que le marché unique et le modèle de croissance de l’économie sociale de marché de l’Union ont largement contribué à soutenir la croissance économique et le bien-être social dans toute l’UE. Toute proposition visant à renforcer la compétitivité numérique doit tenir compte de ces prémisses essentielles, et ce cas précis ne déroge pas à ce principe.

2.3.

Il convient également de bien se rendre compte que la compétitivité de l’Europe par rapport à ses principaux concurrents s’est détériorée au cours des dernières années, comme en témoignent les indicateurs économiques clés relatifs à la compétitivité et la croissance de la productivité. Toutefois, la numérisation est un domaine dans lequel l’Union a fait des percées majeures, et qui pourrait être à la base d’une compétitivité et d’une rentabilité accrues pour les entreprises, ainsi que d’une amélioration des conditions de travail pour les travailleurs. Une approche prospective à moyen terme s’impose pour tracer la voie à suivre dans le processus de transition numérique.

3.   La numérisation dans le contexte du programme d’action en faveur de la compétitivité

3.1.

Le CESE a invité la Commission à inscrire le programme d’action en faveur de la compétitivité au rang de ses priorités, l’objectif principal étant de renforcer la compétitivité de l’Union. Les initiatives de la Commission dans le domaine de la numérisation visent toutes à faciliter la transition numérique dans les économies et les sociétés de l’UE. Cependant, une transition réussie requiert un engagement ferme et indéfectible de la part des États membres. Les mesures pour la reprise et la résilience prises par ces derniers traduisent déjà un tel engagement, mais le CESE estime qu’ils n’embrassent peut-être pas tous la numérisation au même rythme et avec la même intensité, ce qui serait pourtant essentiel pour améliorer la compétitivité de l’UE.

3.2.

L’Union doit plus que jamais s’appuyer sur le marché unique, mais il importe également qu’elle mette l’accent sur l’accès aux marchés étrangers, sur les investissements et l’accès au financement, sur les systèmes fiscaux, sur la recherche et l’innovation, sur les compétences et la consolidation des marchés du travail, ainsi que sur les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et la double transition, tout en tenant compte du cadre pour une finance durable qui prévoit une compétitivité cohérente avec les objectifs sociaux et environnementaux (2). La transition numérique est essentielle à cet égard, car elle constitue la base de l’innovation, du renforcement de la compétitivité et du développement du marché du travail, tout en offrant des possibilités d’amélioration des conditions de travail dans le contexte d’une économie sociale de marché.

3.3.

Le CESE estime que la numérisation est le moteur qui permettra de déployer tout le potentiel du marché unique. Alors que le marché unique procure, depuis 30 ans, divers avantages économiques et sociaux, le CESE est d’avis qu’il est possible d’en faire beaucoup plus et que la numérisation représentera une énorme différence pour les entreprises, les travailleurs et les citoyens de tous âges et de tous milieux sociaux, à condition d’être mise en œuvre avec succès et avec une intensité et une inclusivité identiques dans l’ensemble de l’Union.

3.4.

Le CESE est également d’avis qu’il est essentiel, pour renforcer la compétitivité de l’Europe, de mener une politique de soutien en faveur d’une économie entrepreneuriale et fondée sur la connaissance, capable de retenir et d’attirer les talents et d’offrir de meilleures conditions de travail. C’est ce qu’entend le Comité par un processus complet de transition numérique dans les entreprises. Il tient pour évident que l’Union doit créer un environnement global favorable aux entreprises, fondé sur une stratégie globale qui rassemble et harmonise différents domaines d’action.

3.5.

Le CESE reconnaît que de nombreuses initiatives et politiques ont été mises en œuvre dans le passé pour accroître la compétitivité, sans doute avec de bonnes intentions. En réalité, il s’avère toutefois que l’Union est aujourd’hui à la traîne par rapport aux États-Unis et à la Chine pour ce qui est de la productivité. Dans ce contexte, la numérisation offre l’occasion de reprendre du terrain, à la fois sur les États-Unis et sur la Chine, tout en adoptant un modèle de croissance économique plus durable et axé sur le bien-être, tant économique que social, des citoyens de l’Union.

4.   Les politiques d’appui à la numérisation dans le contexte du programme d’action en faveur de la compétitivité

4.1.

Le CESE a fait valoir, dans un certain nombre de ses avis, que la transition numérique demande des investissements supplémentaires et plus ciblés dans le développement des compétences numériques. Il existe également un argument économique de taille en faveur d’une augmentation des investissements dans les ressources humaines et, en particulier, dans le lien entre le développement des compétences et la productivité et, indirectement, la compétitivité. Il convient de développer l’éventail des compétences numériques pour favoriser l’innovation sur le lieu de travail. Le CESE estime que l’innovation sur le lieu de travail devrait porter en particulier sur les méthodes d’organisation du travail et sur la manière dont les compétences sont utilisées et développées, et pas uniquement sur l’offre de main-d’œuvre. Les conditions de travail et d’emploi sont tout aussi importantes que les investissements dans de nouvelles technologies ou de nouveaux équipements. Le CESE recommande dès lors que les entreprises et le secteur public réfléchissent aux types de politiques et aux formes d’organisation du travail qui ont prouvé leur efficacité pour la réussite et ont permis d’améliorer l’innovation grâce à l’investissement dans les compétences. Ces réussites pourraient alors être reproduites dans d’autres entreprises.

4.2.

Dans de précédents avis, le CESE a également recommandé d’investir dans les infrastructures nécessaires à l’appui de la numérisation dans toute l’Union. C’est précisément ce que les plans pour la reprise et la résilience sont censés faire. Le Comité craint cependant que ces investissements ne soient en grande partie destinés au secteur public. Il reconnaît que la transition vers des services publics numérisés, par exemple en matière judiciaire, accroît indirectement la compétitivité grâce à une efficacité accrue. Cela étant, le secteur privé a lui aussi besoin d’un niveau d’investissement relativement élevé et, en l’absence de soutien financier, les entreprises de toutes tailles, en particulier les PME, pourraient éprouver des difficultés à maintenir les dépenses nécessaires pour numériser leurs processus de travail et investir dans leur main-d’œuvre.

4.3.

Le CESE recommande le réexamen des actuelles possibilités de financement pour la numérisation offertes par des entités publiques dans l’ensemble de l’UE. En règle générale, les systèmes de soutien financier aux entreprises dans le domaine de la numérisation sont fondés sur des projets, et l’obtention d’un financement est subordonnée à une procédure formelle de demande et d’approbation avant le lancement du projet. Outre les habituelles formalités administratives préalables à l’attribution des fonds associées à ces systèmes, qui peuvent représenter une charge pour certaines entreprises (bien qu’elles aient été rationalisées au fil du temps), les procédures actuelles tendent à retarder le lancement de projets et d’initiatives de numérisation dans le secteur privé.

4.4.

Cette méthode peut s’avérer impraticable pour les entreprises ayant besoin de résultats immédiats afin de lancer un processus de commercialisation en vue d’améliorer des produits, services ou procédés qui leur permettraient de conserver un avantage concurrentiel, de cibler de nouveaux marchés et de réduire les coûts ou simplement de répondre aux besoins de leurs clients. De tels systèmes axés sur des projets peuvent donc dissuader les entreprises privées de demander un financement. Par conséquent, le CESE plaide en faveur d’une nouvelle forme de financement, complémentaire, fondée sur les activités numériques plutôt que sur des projets uniquement. Cette approche consisterait à accorder aux entreprises des crédits d’impôt ou des primes sur la base des dépenses annuelles qu’elles déclarent affecter aux activités numériques, les dépenses admissibles étant définies au préalable dans un souci de clarté. Les coûts admissibles engloberaient toutes les dépenses de formation et de développement du personnel dans le domaine de la numérisation.

4.5.

Bien que le CESE soit conscient des capacités de l’Union dans le domaine de la numérisation et reconnaisse que certaines percées, tant législatives que technologiques, ont été réalisées, il estime que les investissements directs tant nationaux qu’étrangers restent essentiels, en particulier pour soutenir la recherche et l’innovation dans le domaine de la numérisation. Le Comité est d’avis que cela renforcera également la compétitivité de l’UE sur le marché mondial. Il y a lieu de saluer l’aspiration à une autonomie stratégique dans la production de semi-conducteurs, et selon le CESE, l’Union peut difficilement se permettre de subir des pénuries qui risquent de perturber les industries européennes. Les semi-conducteurs sont au cœur de la politique industrielle européenne visant à parvenir à une autonomie stratégique dans le numérique. Bien que ces risques doivent être atténués, le CESE met en garde contre toute approche protectionniste qui mettrait en péril les partenariats de recherche avec des entreprises de technologie numérique dans le monde entier.

4.6.

Une croissance économique durable fondée sur une transition numérique réussie est essentielle à la prospérité de l’Union. Une telle approche est également conforme à l’objectif de l’Union relatif à une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et à un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Le CESE est convaincu que cet objectif ne peut être atteint que si la croissance de la productivité augmente par rapport aux niveaux actuels dans tous les secteurs de l’économie. Le CESE est d’avis que la numérisation joue et peut continuer à jouer un rôle clé dans la réalisation des objectifs économiques et sociaux précités. Le CESE note également que dans le secteur manufacturier, la croissance de la productivité a été plus rapide dans les industries axées sur la technologie, ce qui corrobore le point de vue selon lequel la numérisation peut non seulement accroître les bénéfices des entreprises, mais aussi les salaires réels des travailleurs. En outre, elle constitue un moyen essentiel de faire progresser la transition écologique. L’UE doit donc exploiter au maximum les possibilités qui se présentent en faisant progresser simultanément les deux volets de la double transition.

4.7.

Pour parvenir à une véritable compétitivité numérique dans l’économie et la société, le CESE demande qu’une stratégie intelligente et combinée soit mise en place concernant les compétences. Plusieurs secteurs préparent déjà des projets de grande envergure visant la reconversion et le perfectionnement professionnels de leur main-d’œuvre dans le cadre de la numérisation et de la transition écologique. Le CESE demande que la priorité soit accordée à la création d’un programme coordonné pour les compétences qui permette à la main-d’œuvre nouvelle et existante de surmonter les difficultés inhérentes à la transition.

5.   Le contrôle de la compétitivité et l’évaluation des programmes de numérisation

5.1.

La compétitivité numérique est indispensable à la compétitivité globale de l’Union européenne et devrait être considérée comme une composante essentielle du programme de l’Union en matière de compétitivité. Des améliorations considérables sont nécessaires dans ce domaine pour assurer le succès de l’Union face à une concurrence féroce au niveau mondial. C’est dans cette optique que le CESE a également demandé la mise en place d’un contrôle de la compétitivité conforme aux politiques et aux objectifs de l’UE, qui s’inscrit dans les processus d’élaboration des politiques et de la législation européennes. Des structures de gouvernance adéquates sont également nécessaires pour garantir que le contrôle de la compétitivité et le programme visant à la promouvoir se concrétisent pleinement dans la pratique.

5.2.

Le CESE prend acte des lignes directrices existantes pour une meilleure réglementation et de la boîte à outils qui les accompagne, mais comme l’a également fait remarquer le comité d’examen de la réglementation, il est évident que des améliorations s’imposent, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures nécessaires pour accroître la compétitivité.

5.3.

Enfin, le CESE plaide en faveur d’une utilisation efficace des ressources financières allouées à l’innovation et aux activités de recherche et de développement liées au processus de numérisation. Dans ce contexte, il est également fondamental d’évaluer l’incidence et la bonne mise en œuvre des programmes existants qui ont pu être élaborés pour créer des conditions favorables à la numérisation. La hiérarchisation des accès au financement, tant en ce qui concerne les investissements publics que privés, pourrait être perçue de façon positive par les citoyens d’Europe, et notamment la société civile organisée.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  JO C 100 du 16.3.2023, p. 76.

(2)  JO C 100 du 16.3.2023, p. 76.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/22


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Trente ans de marché unique: comment améliorer son fonctionnement?»

(avis exploratoire)

(2023/C 228/04)

Rapporteur:

Felipe MEDINA MARTÍN

Corapporteur:

Angelo PAGLIARA

Consultation

Présidence du Conseil européen, 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

4.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

137/1/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que le marché intérieur est et reste l’une des grandes réussites politiques et économiques de l’Union européenne dans sa marche vers l’intégration. Les citoyens et les entreprises en ont bénéficié, et il convient de considérer ce marché intérieur comme un processus en constante amélioration, qui s’adapte continuellement aux nouveaux besoins à mesure qu’ils apparaissent. De nombreux avantages ont été obtenus au cours des trente dernières années, mais il est toujours nécessaire de procéder à un examen critique et d’introduire de nouvelles améliorations, en ce qui concerne non seulement les objectifs à réaliser, mais aussi les nouveaux défis à relever, tels que la pandémie de COVID-19, la crise de l’énergie ou l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le Comité souhaite contribuer à ce processus d’amélioration et propose pour le renforcer les mesures décrites dans le présent document.

1.2.

Le Comité espère que le «programme en faveur du marché unique 2021-2027», qui vise à optimiser le fonctionnement du marché intérieur ainsi que la compétitivité et la durabilité des entreprises, s’accompagnera d’outils de contrôle et de protection adéquats pour ce qui est de la qualité du travail, des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises, des droits des citoyens et de la protection des consommateurs. Le Comité demande en même temps que toutes les mesures nécessaires soient mises en place pour avoir raison de toutes les formes de dumping social et fiscal dans le but de garantir une concurrence loyale et le bon fonctionnement du marché unique, en évitant toute forme de distorsion.

1.3.

Les défis géopolitiques actuels auront une influence sur le fonctionnement du marché unique, les systèmes d’approvisionnement et la résilience de l’économie européenne. Le Comité se félicite de l’initiative visant à réduire les dépendances critiques à l’égard des pays tiers, et invite la Commission à adopter toutes les mesures nécessaires pour actualiser la politique industrielle européenne en préservant et en renforçant le marché unique et les avantages qu’il offre pour les consommateurs, les travailleurs et les entreprises.

1.4.

La crise récente a montré que la principale priorité du marché unique européen devrait être d’améliorer le niveau de vie et les conditions de travail en favorisant la croissance et la compétitivité équitable, tout en créant un environnement favorable aux entreprises et à la paix sociale. Le Comité estime que la libre circulation des personnes et des travailleurs constitue l’une des pierres angulaires du marché unique, et appelle donc de ses vœux une accélération de la reconnaissance des qualifications et des diplômes entre États membres. Il est indispensable d’accorder une attention particulière aux travailleurs licenciés.

1.5.

Le Comité estime que les entreprises européennes sont confrontées à des problèmes liés aux lacunes du marché unique qui nuisent gravement à la compétitivité et à la durabilité. Malgré des efforts considérables mobilisés pour mettre en œuvre les règles relatives au marché unique, l’essentiel de la charge réglementaire reste produite au niveau national. À cet égard, en garantissant les normes les plus élevées, les institutions européennes devraient viser une harmonisation complète, et les États membres devraient ne pas sous-estimer les incidences possibles de leurs ajouts sur l’intégrité et le bon fonctionnement du marché unique et, si possible, éviter de prendre des mesures susceptibles d’entraîner des distorsions et une fragmentation trop importantes; le CESE recommande aux institutions européennes de prendre les devants et d’agir plus rapidement pour proposer une législation dans un délai favorable à l’harmonisation. Il est essentiel de limiter autant que possible les initiatives nationales susceptibles de compromettre le marché intérieur et ses règles communes. À cet égard, le Comité souligne qu’il convient de renforcer le système d’information relatif aux règles techniques (TRIS) pour créer les conditions d’un véritable marché unique, et non de 27 marchés distincts.

1.6.

Le Comité plaide en faveur d’un engagement ferme à améliorer la qualité de la législation en Europe et dans les États membres. Selon lui, il convient de procéder à un réexamen aux stades préliminaires de la législation européenne — une analyse d’impact obligatoire avant toute initiative législative et une consultation publique — afin de rendre l’initiative plus transparente et de clarifier ses objectifs. Dans le même ordre d’idées, le programme pour une meilleure réglementation et le programme REFIT devraient cibler mieux leur action pour obtenir davantage d’ouverture et d’intégration des marchés des biens et des services, afin d’en tirer le meilleur parti pour la population et pour l’économie européenne, en produisant une analyse pour détecter toute législation superflue, en se concentrant avant tout sur les domaines où une harmonisation est nécessaire et en consolidant la législation existante en matière de protection sociale.

1.7.

Le Comité considère qu’il convient d’insister davantage sur la mise en œuvre, la simplification et le respect des règles, en particulier auprès des États membres. Il invite ces derniers à mettre en œuvre et à faire respecter strictement les règles communes tout en évitant des règles nationales supplémentaires lorsque celles-ci ne sont pas nécessaires (1).

1.8.

Le Comité invite instamment la Commission à évaluer chaque règlement s’agissant de sa contribution à la compétitivité des entreprises et au bien-être de la population, et à recenser les obstacles à supprimer et à éliminer systématiquement.

1.9.

Le Comité considère que le nombre d’instruments juridiques dont dispose l’Union européenne pour défendre son marché intérieur sont suffisants et adaptés aux besoins: la procédure TRIS, la reconnaissance mutuelle de la législation, SOLVIT, le 28e régime, la procédure de plainte, les normes CEN-Cenelec, etc. Il s’agit d’instruments essentiels pour la protection du marché unique, mais leur potentiel n’est pas toujours exploité, ils devraient être plus efficaces et utiles.

1.10.

Le Comité estime que, parmi tous les nouveaux défis qui s’imposent au marché unique, il convient d’accorder la priorité à la promotion de l’autonomie stratégique ouverte de l’Union européenne en ce qui concerne l’approvisionnement et le commerce dans le secteur de l’énergie, des matières premières critiques et, plus généralement, pour tout ce qui a trait au leadership en matière d’innovation, à la numérisation ou encore à la recherche avancée. Le Comité recommande de renforcer la coopération et les accords avec les pays partageant les mêmes valeurs.

1.11.

Le Comité reconnaît, dans le domaine des biens et des services, l’incidence positive des achats groupés dans différents secteurs, comme le gaz ou le commerce de détail. Les alliances européennes de ce type produisent de nombreux effets favorables à la concurrence ainsi que des avantages évidents pour les consommateurs, et elles doivent dès lors être clairement soutenues par les institutions de l’Union.

1.12.

Le Comité est convaincu que les défis du marché unique qui découlent de la transition numérique doivent être relevés au moyen d’un dialogue social et d’une position avancée de l’Union dans l’application de la législation commune afin de protéger les plus vulnérables et de veiller à ce que l’efficacité poursuivie ne nuise pas à la cohésion sociale, économique et territoriale, ni à la stabilité politique.

1.13.

Le marché unique n’est pas parfait et il doit être constamment adapté à l’évolution de la situation afin de continuer à fonctionner même en temps de crise et de promouvoir activement ses libertés, sachant que la pandémie a montré que la libre circulation ne saurait être considérée comme acquise. Cet anniversaire devrait donc être l’occasion de remettre cette politique à l’ordre du jour européen et de proposer prochainement des améliorations.

1.14.

Le Comité redoute que l’assouplissement des règles en matière d’aides d’État en réponse à loi américaine sur la réduction de l’inflation («Inflation Reduction Act» ou IRA) ne crée de nouvelles asymétries entre les États membres, compromettant ainsi la résilience du marché unique, et estime que le meilleur moyen d’insuffler un nouvel élan à la politique industrielle européenne et aux investissements dans les technologies vertes consiste à mettre en place un fonds européen pour la souveraineté.

1.15.

Le Comité souligne le rôle important du marché unique pour éviter le protectionnisme et créer des conditions de concurrence équitables au sein de l’Union. Il estime à cet égard qu’il faut analyser en profondeur les critères d’attribution des aides d’État, leurs effets, leur utilité et leur résilience. On observe que certains secteurs économiques n’ont jamais pu accéder à ce type d’aides, et que, de surcroît, des déséquilibres existent d’un État membre à l’autre, ce qui entraîne des différences de compétitivité au sein de l’Union.

2.   Introduction

2.1.

L’année 2023 marque le trentième anniversaire de l’une des plus grandes réussites politique, économique et sociale de l’Union européenne dans sa marche vers l’intégration: le marché unique. Cet anniversaire devrait toutefois être l’occasion d’adapter fondamentalement la philosophie du marché unique et de le mettre en cohérence avec les défis qui se posent à l’heure actuelle. Ce processus a débuté en 1986 avec l’Acte unique européen qui a favorisé l’adoption de règles communes, venant se substituer aux règles nationales dans de nombreux domaines différents, grâce à l’adoption de centaines de mesures législatives stratégiques et à l’application du principe de la reconnaissance mutuelle.

2.2.

Personne ne nie aujourd’hui que le marché unique produit des effets positifs, mais aussi négatifs. Le marché unique peut être considéré comme une composante essentielle du modèle européen qui a permis la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux dans l’ensemble de l’Union européenne, facilitant ainsi la plupart du temps la vie des entreprises, des institutions et des citoyens.

2.3.

Le marché unique a stimulé le progrès, non seulement sur le plans économique et social, mais aussi politique, permettant ainsi d’accélérer le processus d’intégration. La libre circulation des personnes grâce au marché unique a marqué la vie de plusieurs générations d’européens qui, grâce à des programmes tels qu’Erasmus, ont pu dès leur plus jeune âge adopter l’esprit européen, nouant des liens étroits avec une grande diversité de personnes qui leur ressemblent, issues de différents États membres et qui partagent un mode de vie européen commun.

3.   Observations générales

3.1.

La pandémie a montré que l’Union européenne avait besoin d’un nouveau modèle économique et commercial. Les crises récentes, les tensions géopolitiques actuelles, les défis que posent la double transition écologique et numérique, ainsi que l’approbation récente de la loi américaine sur la réduction de l’inflation sont autant d’éléments indiquant que le moment est venu d’actualiser le marché unique et de lui donner un nouvel élan, en gardant toujours à l’esprit que le marché unique est un outil au bénéfice des européens et non une fin en soi.

3.2.

Le marché unique a évolué au fur et à mesure de l’avancement de l’intégration européenne. Alors que, dans un premier temps, le marché unique était axé sur la suppression des barrières non tarifaires et des mesures d’effet équivalent sur les échanges intracommunautaires de marchandises et sur l’harmonisation de la législation (le marché unique européen), les nécessités et ambitions politiques successives ont élargi son champ d’application à de nouveaux domaines tels que les services et l’économie numérique.

3.3.

Tous ces progrès n’ont été réalisés que grâce aux efforts considérables déployés par l’ensemble des parties prenantes, des administrations et des acteurs économiques et sociaux. Pourtant, ces dernières années, le marché unique semblait ne plus être une priorité politique, et l’ouverture et l’intégration des marchés des biens et des services n’étaient plus à l’ordre du jour. À cet égard, ces dernières années, la lacune la plus flagrante résidait dans le manque d’engagement des États membres. Le Conseil s’est engagé à de nombreuses reprises à améliorer et à renforcer le marché unique, mais ses conclusions n’ont que rarement été traduites en politiques nationales. C’est pourquoi, le Comité invite le Conseil et les États membres à prendre de nouvelles mesures à cet égard.

3.4.

Le Comité observe que le marché unique doit servir à rendre les entreprises européennes plus compétitives sur les marchés mondiaux. Il est conçu comme un processus en constante évolution, ce qui constitue certes une faiblesse et un risque, mais lui confère aussi un nouveau rôle: celui de la résilience, lequel se combine aux rôles traditionnels, qui doivent eux-mêmes rester dynamiques et ne peuvent pas être considérés comme acquis.

3.5.

Le Comité invite la Commission et le Conseil à adopter toutes les mesures nécessaires pour aider les politiques industrielles européennes et les entreprises à atteindre les objectifs des transitions écologique et numérique, au moyen des outils disponibles au sein de l’Union, et en suivant, si nécessaire, la proposition de créer un Fonds européen pour la souveraineté. Il rappelle toutefois aux États membres et à la Commission qu’il existe déjà de nombreux programmes et outils de financement qui devraient être pleinement exploités avant d’en ajouter d’autres. Il demande à la Commission de l’associer aux discussions sur les règles en matière d’aides d’État.

3.6.

Le Comité convient (2) que l’Union a besoin d’une politique numérique solide et ambitieuse afin de tirer parti des possibilités offertes par l’innovation numérique pour la rendre plus compétitive. Il fait valoir qu’un véritable marché unique et une législation transfrontière simple permettront à de nombreux secteurs de répondre aux demandes des consommateurs et de faire face à la concurrence dans un environnement mondial à la fois plus concurrentiel et plus numérique.

3.7.

La numérisation du marché unique peut favoriser la croissance et le bien-être des citoyens et des entreprises européennes. Le Comité exhorte dès lors la Commission à adopter toutes les mesures nécessaires pour accroître les investissements afin de combler la fracture numérique qui existe actuellement entre les régions européennes. Il est essentiel pour les États membres d’augmenter les investissements dans l’éducation et la formation afin de développer le marché unique numérique et de le rendre plus efficace. L’objectif doit être de garantir que les travailleurs soient qualifiés, les entreprises innovantes et les emplois de qualité en luttant contre la précarité des conditions de travail.

3.8.

Le Comité invite la Commission à étudier plus particulièrement les risques engendrés par la production, la circulation et le stockage des données personnelles et sensibles découlant des processus de numérisation ainsi que de leur utilisation et de leur contrôle. Il lui demande également d’adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir ces risques et de considérer les conclusions des négociations en cours en vue d’une convention du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle, les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit (3) comme base du cadre réglementaire. L’objectif doit être de protéger les données à caractère personnel des travailleurs et des consommateurs, tout en autorisant que celles-ci soient utilisées à titre confidentiel pour permettre l’exploitation des avantages des nouvelles technologies.

3.9.

Il est primordial d’accélérer les initiatives en faveur de la numérisation et de la création d’espaces de données transeuropéens sectoriels afin d’améliorer l’analyse et l’utilisation des données dans l’intérêt de la société européenne et de la compétitivité des entreprises en Europe. Les espaces de données pourraient faire naître et nourrir des jeunes pousses et de nouveaux innovateurs industriels évolutifs. Le bon fonctionnement du marché unique des données est aussi essentiel dans la mesure où il est intrinsèquement lié au marché unique des biens, des services, des capitaux et des personnes, ainsi qu’aux systèmes d’énergie et de transport.

4.   Le marché unique des biens et des services

4.1.

Le Comité estime que les lacunes du marché unique doivent encore être analysées et que des mesures restent à prendre pour y remédier, en particulier en supprimant la charge réglementaire et administrative inutile afin de faciliter la compétitivité et la viabilité des entreprises européennes tout en préservant et en consolidant la législation relative à la protection sociale en vigueur.

4.2.

Le Comité met en exergue les problèmes causés par les États membres lorsqu’ils anticipent l’adoption de mesures communes au niveau européen et la manière dont ils influencent et orientent les solutions communes dégagées par la législation européenne. Certains cas s’expliquent par le fait que la Commission n’a pas proposé de mesures, mais d’autres sont le fait des États membres situés en amont de la proposition européenne, en ce qui concerne, par exemple, l’étiquetage de l’origine des produits à base de viande, l’étiquetage sur la face avant des emballages des denrées alimentaires ou la proposition irlandaise sur les avertissements sanitaires pour les boissons alcoolisées, ce qui entrave le processus d’harmonisation et la libre circulation des marchandises. C’est pourquoi le Comité demande instamment à la Commission d’anticiper, le cas échéant, la réglementation afin d’éviter la multiplication des règles nationales qui fragmentent le marché unique.

4.3.

La directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil (4) prévoit une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information à la disposition des États membres. Cet acte législatif prévoit la possibilité pour un État membre d’être obligé de reporter de 12 à 18 mois l’adoption d’un projet de règle s’il existe une initiative de l’Union en cours qui pourrait être compromise par la réglementation nationale et il est renouvelé. Dans la pratique, toutefois, la prérogative de la Commission est affirmée sans être appliquée et, in fine, ce sont les États membres qui conditionnent la législation européenne.

4.4.

SOLVIT est un autre outil disponible qui a été conçu pour arrêter ou contrecarrer toute action qui porterait atteinte au marché unique. Il s’agit d’une procédure utilisée lorsque l’administration d’un autre État membre n’applique pas correctement la législation européenne et empêche le plein exercice des droits des citoyens et des entreprises dans le marché unique. C’est un système de médiation entre administrations nationales qui, en pratique, repose davantage sur la détermination des administrations que sur leur capacité juridique à remédier à une situation, son efficacité reste donc limitée, selon le Comité, et il doit être améliorée.

4.5.

La procédure de plainte devant la Commission est encore un autre outil disponible que le Comité considère comme efficace car il est flexible et transparent, mais qui nécessite un soutien politique fort, et dont la procédure devrait être améliorée pour davantage d’efficience et d’efficacité.

4.6.

En 2018, une stratégie d’ouverture et de développement des différents secteurs européens a été approuvée. Toutefois, des problèmes subsistent, la discrimination persiste, et les États membres ne respectent pas tous l’obligation de notification à la Commission prévue par l’article 15, paragraphe 7, de la directive sur les services.

4.7.

Le Comité note que certains secteurs comme les services financiers ou le secteur du commerce de détail et de gros, tout en demeurant très fragmentés, ont été capables de s’unir et de se renforcer au niveau européen. Le secteur du commerce de détail et de gros a su s’approprier l’esprit et les avantages indéniables du marché unique et, grâce aux alliances d’achat et au marché unique, améliorer progressivement les services aux consommateurs européens. Il subsiste des difficultés majeures en ce qui concerne l’harmonisation et la mise en œuvre effective de la liberté d’établissement dans le secteur du commerce de détail et de gros, dont la stratégie intitulée «Adapter le commerce de détail de l’UE aux exigences du XXIe siècle» n’est toujours pas pleinement mise en œuvre. Par ailleurs, les alliances d’achat dans le commerce de détail doivent être soutenues pour améliorer le bien-être des consommateurs grâce à un effet favorable à la concurrence au niveau européen.

5.   Le marché unique pour les travailleurs

5.1.

Parmi les défis auxquels le marché unique est confronté, le Comité relève la transformation du travail et la redéfinition subséquente des relations entre les parties, ainsi que les risques associés sur le plan de la flexibilité (horaires, localisation et services), en particulier pour ce qui concerne les travailleurs des plateformes et, plus généralement, les professions numériques et les télétravailleurs.

5.2.

Les crises récentes ont montré que la principale priorité du marché unique européen devrait être d’améliorer le niveau de vie et les conditions de travail tout en favorisant la croissance et la compétitivité équitable tout en créant un environnement favorable aux entreprises et à la paix sociale. Malgré les progrès accomplis, 21,7 % de la population européenne est toujours exposée au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (Eurostat, 2021).

5.3.

Le Comité estime que la libre circulation des personnes et des travailleurs constitue l’une des pierres angulaires du marché unique, et appelle donc de ses vœux une accélération de la reconnaissance des qualifications et des diplômes entre États membres. Il convient particulièrement de veiller à garantir un traitement équitable des travailleurs détachés en ce qui concerne les salaires et les conditions de travail.

5.4.

Comme l’a démontré la crise causée par la pandémie, la libre circulation des professionnels de la santé a été un facteur de convergence et d’autoprotection de l’Union européenne, mais, à ce jour, de nombreuses professions restent à l’écart de ce processus (par exemple dans le domaine juridique ou dans l’enseignement). Le Comité (5) plaide pour une refonte des mesures de soutien à l’emploi et aux compétences et pour un investissement destiné à développer la palette de compétences des futurs travailleurs en améliorant l’enseignement et la formation professionnels ainsi que la formation individuelle en soutenant les entreprises en ce sens. Les emplois verts doivent faire l’objet d’une attention particulière.

5.5.

Les infrastructures numériques sont essentielles pour tirer pleinement profit des avantages du marché unique dans toutes les régions et les territoires européens, en particulier ceux qui accusent un retard par rapport à la moyenne. À défaut, les inégalités pourraient s’accroître et les perspectives pour les citoyens et les entreprises être compromises. Le Comité invite dès lors la Commission à adopter les mesures nécessaires pour renforcer les investissements qui permettront de combler la fracture numérique qui existe actuellement au sein de l’Union. Les entreprises, surtout les PME, doivent faire l’objet d’une attention particulière.

6.   La voie à suivre. Les défis futurs pour le marché unique

6.1.

Les institutions européennes doivent encore consolider le marché unique afin de libérer tout son potentiel pour créer de la croissance, des emplois et une société meilleure à l’avenir.

6.2.

En garantissant les normes le plus élevées, les institutions européennes devraient, dans la mesure du possible, s’efforcer d’harmoniser pleinement le droit de l’Union et de prévenir une fragmentation inutile du marché unique, par exemple en matière de fiscalité. Le Comité rappelle que les défis auxquels est confronté le marché unique comprennent la poursuite de l’harmonisation fiscale entre États membres et la prévention du dumping ainsi que, à moyen terme, la convergence des salaires ou encore la prévention du dumping social et de la concurrence déloyale, en particulier lorsqu’il s’agit d’attirer des investissements, d’implanter des entreprises ou d’embaucher des travailleurs.

6.3.

Il est essentiel de faire respecter les règles afin de faire de la mise en œuvre et de la simplification la priorité et le principe directeur du marché unique. Les institutions européennes doivent veiller à ce que le rôle de gardienne des traités de la Commission soit préservé dans un environnement européen hautement politisé. Si les législateurs nationaux, exerçant leur pouvoir d’appréciation, décident d’ajouter des exigences au niveau national, ils devraient le faire en toute transparence, en informer la Commission et les autres autorités nationales et en expliquer les raisons, conformément à leur engagement dans le cadre de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer». Par ailleurs, les sanctions ne doivent pas varier au sein de l’Union.

6.4.

Veiller à la qualité de la législation, c’est mieux légiférer. Le processus préparatoire devrait inclure un contrôle de la compétitivité dans l’élaboration des politiques, une meilleure modélisation des analyses d’impact et une analyse plus approfondie de l’incidence de la réglementation sur la charge administrative cumulée des entreprises, en particulier des PME.

6.5.

Suppression des obstacles nationaux inutiles: la Commission et les États membres devraient se demander si les règles techniques nationales sont toujours adaptées à leur finalité et à leur évolution future, et aussi proportionnées pour améliorer la libre circulation des marchandises et des services.

6.6.

La Commission et les États membres doivent garantir des conditions de concurrence équitables pour tous les opérateurs, reposant sur un cadre juridique solide qui garantit que tous les produits et services vendus sur le marché de l’Union européenne sont sûrs et conformes à ses normes, afin de préserver la confiance des consommateurs ainsi que leur sécurité, conformément à la nouvelle réglementation sur la sécurité des produits et des services qui couvre également les produits et services numériques.

6.7.

Les institutions européennes doivent combattre efficacement le protectionnisme des États membres et la discrimination afin de veiller à ce que les intérêts des consommateurs soient défendus de la même manière dans les décisions politiques européennes et nationales.

6.8.

Amélioration des outils disponibles pour permettre aux entreprises et aux consommateurs d’accéder aux informations relatives à la notification (guichet de notification unique) et pour rendre les processus plus utiles et plus souples, par exemple en renforçant le réseau de recours pour les consommateurs transfrontaliers. Le Comité encourage la mise en place de réseaux de systèmes de règlement des litiges facilement accessibles, sachant que les consommateurs auraient, en effet, davantage confiance dans le marché unique s’ils pouvaient aisément obtenir réparation de la part des entreprises établies dans d’autres États membres.

6.9.

Concernant un marché unique des marchés publics: il s’agit d’un domaine caractérisé par des limitations et des restrictions nationales pour les entreprises établies dans un autre État membre qui sont susceptibles de fausser le fonctionnement normal du marché unique, et cela nécessite une réponse forte de la part des institutions européennes pour compléter le cadre réglementaire qui contribue au progrès social des citoyens (6).

6.10.

La Commission, les États membres et les autres parties prenantes devraient collaborer pour garantir la durabilité des collectivités. La crise climatique est à la fois une menace et une opportunité: un réalignement rapide du marché unique est nécessaire pour tenir compte de l’évolution des priorités dans le cadre du pacte vert. Il convient de promouvoir l’utilisation de technologies à émissions nulles et d’adapter sans tarder la formation de la main-d’œuvre. Les investissements verts pourraient ouvrir la voie à une longue période de croissance sur le marché intérieur de l’Union européenne et, dans le même temps, apporter une contribution importante à la lutte contre le changement climatique.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 28.

(2)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 1.

(3)  Décision (UE) 2022/2349 du Conseil du 21 novembre 2022 autorisant l’ouverture de négociations, au nom de l’Union européenne, en vue d’une convention du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle, les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit (JO L 311 du 2.12.2022, p. 138).

(4)  Directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO L 241 du 17.9.2015, p. 1).

(5)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 1.

(6)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 20.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/28


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Travail précaire et santé mentale»

(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

(2023/C 228/05)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Saisine du Comité par la présidence espagnole du Conseil

Lettre, 27.7.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/73/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Selon les termes de la résolution adoptée le 4 juillet 2017 par le Parlement européen, un emploi précaire correspond à «un emploi qui ne respecte pas les normes et lois de l’Union, internationales ou nationales, et/ou qui n’offre pas les ressources suffisantes pour permettre de vivre décemment ou pour garantir une protection sociale adéquate».

1.2.

Le travail peut être un facteur protecteur de la santé mentale, mais il est aussi susceptible de contribuer au développement de maladies, raison pour laquelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le considère comme un déterminant social de la santé.

1.3.

Suivant des preuves scientifiques solides, le travail précaire augmente les risques qui pèsent sur la santé mentale des travailleurs. Par exemple, une forte insécurité de l’emploi accroît les risques de souffrir de dépression et d’anxiété, ainsi que les probabilités de suicide; des exigences élevées et un faible niveau de contrôle augmentent les chances d’être absent pour maladie en raison d’un trouble mental diagnostiqué; de même, la combinaison de ces deux dangers accentue les dangers de troubles dépressifs.

1.4.

L’emploi précaire peut revêtir des formes diverses, comme l’emploi à temps partiel involontaire, les bas salaires qui ne permettent pas de couvrir les besoins de base, les contrats «zéro heure», les contrats à la demande ou contrats temporaires visant à répondre à des besoins structurels, l’incertitude constante quant à la durée de l’emploi, à l’horaire, au salaire, aux tâches ou à d’autres paramètres, l’absence d’autonomie et de développement personnel dans l’exécution du travail, ou encore les exigences excessives qui entraînent des horaires longs ou intensifiés et engendrent des conflits entre vie professionnelle et vie familiale. De telles formes d’emploi relèvent rarement d’un choix délibéré de la part des travailleurs, bien que certains optent d’eux-mêmes pour ces formules de travail.

1.5.

L’emploi précaire est plus répandu parmi les travailleurs affectés à des tâches manuelles et chez les femmes, les jeunes et les personnes immigrées, creusant ainsi les inégalités sociales et risquant de multiplier les discriminations et d’aggraver le gradient social des maladies mentales.

1.6.

En vertu de la directive 89/391/CEE du Conseil (1) sur la sécurité et la santé au travail, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la charte sociale européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que des principes du socle européen des droits sociaux et du plan d’action afférent, il ne peut être question, dans une entreprise, de détériorer la situation en matière de santé et sécurité au travail dans l’intention d’y dégager des bénéfices ou de les accroître, de faire baisser ses coûts de main-d’œuvre ou d’offrir des garanties de flexibilité à l’employeur.

1.7.

L’emploi précaire est incompatible avec la réalisation des objectifs de développement durable dans l’Union européenne.

1.8.

Afin de réduire la précarité de l’emploi et la prévalence des troubles mentaux qui y sont liés, le CESE estime qu’il est nécessaire de veiller à l’application et au respect de la législation européenne et nationale établissant des conditions d’emploi et de travail de qualité, qui soient saines et permettent de vivre décemment.

1.9.

À cette fin, le CESE estime qu’il est indispensable de multiplier les actions de surveillance et de contrôle de l’application de cette réglementation, moyennant l’octroi aux autorités publiques compétentes de ressources adéquates sur la base des ratios de l’Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que de prévoir des sanctions financières appropriées lorsqu’elle n’est pas respectée.

1.10.

De même, le CESE propose d’empêcher les entreprises et les organisations qui ne garantissent pas le respect de cette législation de concourir à des appels d’offres et de prétendre à des aides publiques, conformément aux directives applicables en matière de marchés publics.

1.11.

Le CESE prend acte de la communication relative au cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 [COM(2021) 323 final]. En outre, il préconise de mener une action législative spécifique à l’échelon européen concernant la prévention des risques psychosociaux, ainsi que de développer et de moderniser la directive 89/391/CEE sur la sécurité et la santé au travail, en déployant une prévention de ces risques à la source, grâce à des modifications dans la conception, la gestion et l’organisation du travail, compte tenu du constat scientifiquement prouvé que s’agissant de mener une action préventive et de réduire les expositions à ces risques, élaborer une législation nationale spécifique en la matière constitue une voie d’une plus grande efficacité, dont les bénéfices pourraient alors être étendus à tous les pays de l’Union par l’intermédiaire d’une directive.

1.12.

Le CESE souligne que dans la promotion de la santé mentale en milieu professionnel, une des étapes consiste à lutter à la source contre les risques psychosociaux dûment prouvés qui sont liés au travail, en recourant à des interventions organisationnelles pour repenser les conditions de travail, conformément à la ligne décrite par l’OMS et l’OIT dans leurs directives et leur note d’information de septembre 2022 (2).

1.13.

Le CESE prend acte des négociations en cours sur la proposition de directive de 2021 relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, et leur apporte son soutien. De même, le Comité propose de concevoir des approches appropriées pour encadrer le recours à l’intelligence artificielle dans le monde du travail, de manière à prévenir les risques professionnels et la remise en cause d’autres droits du travail.

1.14.

Enfin, le CESE prône de développer, à l’échelle européenne et nationale, une politique industrielle expressément conçue pour créer des emplois de qualité qui garantissent des conditions de travail saines et améliorent la compétitivité.

2.   Observations générales

2.1.

Le gouvernement espagnol considère comme une priorité de «se pencher sur le thème de la précarité de l’emploi dans la santé mentale» durant sa présidence du Conseil de l’Union européenne en 2023, et estime qu’y remédier «est une nécessité urgente pour définir de nouvelles politiques de l’emploi qui permettent de progresser vers des marchés du travail plus sains, plus inclusifs et fondés sur le travail décent» (3). Il a donc demandé au CESE d’élaborer un avis exploratoire sur ce thème.

2.2.

La précarité de l’emploi est incompatible avec la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement 2030 des Nations unies, en particulier l’objectif de développement durable (ODD) 8 «Travail décent et croissance économique», l’ODD 3 «Bonne santé et bien-être» ou l’ODD 5 «Égalité entre les sexes» (4). L’OMS estime qu’«un travail décent est propice à une bonne santé mentale», tandis qu’«un cadre de travail médiocre — caractérisé par la discrimination et les inégalités, une charge de travail excessive, une mauvaise maîtrise des modalités de travail et l’insécurité de l’emploi — présente un risque pour la santé mentale» (5).

2.3.

Dans sa résolution sur les conditions de travail et l’emploi précaire (6), le Parlement européen estime que l’emploi précaire correspond à «un emploi qui ne respecte pas les normes et lois de l’Union, internationales ou nationales, et/ou qui n’offre pas les ressources suffisantes pour permettre de vivre décemment ou pour garantir une protection sociale adéquate».

2.4.

Le thésaurus de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) définit l’emploi précaire comme «un emploi mal rémunéré, précaire, non protégé et ne permettant pas de subvenir aux besoins d’un ménage» (7). Pour sa part, le réseau international de chercheurs spécialisés dans la précarité de l’emploi (PWR) définit cette notion comme «un construit multidimensionnel qui inclut, sans s’y limiter la précarité de l’emploi, les revenus inadéquats et l’absence de droits et de protection dans la relation de travail, tous éléments susceptibles d’affecter les travailleurs tant informels que formels» (8). La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) relève que si la définition du travail précaire n’a rien d’universel, il est en revanche largement admis qu’il faut le combattre pour garantir des conditions de travail décentes et saines, conformément à l’agenda de l’OIT pour un travail décent (9).

2.5.

Sur la base de ces concepts, on peut qualifier de précaires certaines formes d’emploi et conditions de travail qui sont caractéristiques des emplois de qualité médiocre, parmi lesquelles figurent les emplois à temps partiel non choisi, les longs horaires de travail ou l’obligation d’être constamment disponible, les rémunérations faibles ou aléatoires, le recours abusif aux contrats temporaires, ceux à «zéro heure» ou à la demande, le travail effectué sans couverture contractuelle ou les activités menées en l’absence de mesures préventives.

2.6.

Le travail précaire peut avoir pour effet une intensification et un allongement des horaires journaliers, un déficit d’autonomie et une absence de développement personnel au travail, des plages de travail imprévisibles, qui sont difficilement conciliables avec une vie sociale et provoquent des conflits entre vie professionnelle et vie familiale, des heures d’activité et des rémunérations insuffisantes, qui ne peuvent assurer la couverture des besoins fondamentaux, l’incertitude persistante dans laquelle le travailleur se trouve quant à la durée de son emploi et à ses conditions de travail, concernant ses horaires, son salaire, ou ses tâches, par exemple, sa difficulté à exercer ses droits professionnels, dont celui à l’action collective, rognant ainsi la capacité de négociation, sa vulnérabilité accrue face aux abus, à la discrimination et à l’intimidation, ainsi que son incapacité à mener une existence décente alors même qu’il occupe un emploi, le faisant ressortir au concept du «travailleur pauvre».

2.7.

Les répercussions du travail précaire peuvent toucher différents domaines de l’existence au quotidien, notamment la santé. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail observe que «les études relatives aux effets de l’emploi précaire sur la sécurité et la santé au travail font apparaître une corrélation négative: plus l’instabilité de l’emploi est élevée, plus elle est associée à la morbidité ou à la mortalité» (10).

2.8.

Sur la base de données scientifiques probantes de la plus haute qualité établissant des comparaisons entre travailleurs exposés ou non à certains facteurs de risque, et consistant en études longitudinales ou exploitant de vastes bases de données, grâce auxquelles il est possible d’éliminer des composantes aléatoires et d’écarter d’autres facteurs explicatifs, liés ou non au travail, on peut citer, à titre d’illustrations précises de ce constat, que le fort sentiment d’insécurité professionnelle inhérent à une activité précaire induit une augmentation du risque de dépression et d’anxiété, à raison, respectivement, de 61 % et 77 % (11), et du danger de suicide, à hauteur de 51 % (12). Ces études montrent aussi que la probabilité d’être mis en congé-maladie pour un diagnostic de trouble mental s’accroît de 23 % quand l’emploi exercé implique une forte charge de travail et de 25 % lorsque les travailleurs disposent de peu de contrôle (13), tandis que la combinaison de ces deux facteurs aboutit à ce que les dépressions enregistrent une hausse de 77 %. De la même manière, le risque de dépression augmente de 14 % lorsque les horaires de travail sont étendus (14).

2.9.

Si l’Union européenne éliminait l’exposition aux risques psychosociaux en rapport avec le travail, le poids de la dépression s’y trouverait allégé dans une proportion allant de 17 à 35 %, tandis que celui des maladies cardiovasculaires enregistrerait une baisse comprise entre 5 et 11 % (15).

2.10.

Les formes d’emploi et conditions de travail précaires relèvent rarement d’un choix délibéré de la part des travailleurs et des travailleuses. Les faits montrent avec constance qu’elles sont plus répandues parmi les travailleurs affectés à des tâches manuelles, les femmes, les jeunes et les personnes immigrées (16), et qu’ainsi, elles creusent les inégalités sociales de classe, de genre, d’âge, de nationalité et d’ethnie, qui peuvent démultiplier les discriminations intersectionnelles et les inégalités en matière de santé et aggraver le gradient social de la maladie mentale. Même si ces formules d’emploi ne constituent bien souvent pas l’option privilégiée des travailleurs, il ne s’en trouve pas moins que certains d’entre eux les choisissent de leur propre chef.

2.11.

La place qu’occupe le travail précaire est également variable selon les États membres (17) et les branches d’activité, sa présence étant plus affirmée dans les domaines d’activité qui s’inscrivent dans le prolongement des travaux ménagers et des prestations d’assistance aux personnes, comme le nettoyage, les services d’ordre social et sanitaire, la restauration, l’hôtellerie, la sécurité ou la livraison à domicile, entre autres exemples (18), et la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’amplifier ce constat. Néanmoins, la précarité de l’emploi se rencontre dans tous les secteurs, y compris le public, et dans tous les pays.

2.12.

Conformément à la directive 89/391/CEE sur la sécurité et la santé au travail, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. Dans son article 31, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose quant à elle que tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité, et prévoit en outre que tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. La charte sociale européenne, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que les principes du socle européen des droits sociaux et le plan d’action afférent expriment également ces considérations. Il ne peut être question, dans une entreprise, de détériorer la situation en matière de santé et sécurité au travail dans l’intention d’y dégager des bénéfices ou de les accroître, de faire baisser ses coûts de main-d’œuvre ou d’offrir des garanties de flexibilité à l’employeur.

2.13.

Il est à noter que les systèmes de soins de santé publics jouent un rôle important pour ce qui touche à la santé mentale considérée dans son ensemble. À défaut de procéder aux changements et adaptations qu’il est urgent ou indispensable d’apporter à ces systèmes et en matière de disponibilité de l’assistance psychologique et psychiatrique, qu’elle s’effectue sur le mode de l’urgence, soit dispensée à distance ou ait une visée thérapeutique, il sera impossible de s’occuper convenablement de la santé mentale non seulement des travailleurs mais de toute la population en Europe.

3.   Observations particulières

3.1.

Le déséquilibre des forces entre le capital et le travail représente un facteur de risque qui favorise le travail précaire et nécessite une remise à égalité, laquelle s’effectue par la loi comme par le dialogue social et l’action syndicale, créant un contexte qui protège les travailleurs et les travailleuses tout en préservant un environnement économique qui soit favorable et évite toute concurrence déloyale.

3.2.

Il est nécessaire de renforcer l’application du corpus législatif relatif aux droits des travailleurs et de leurs représentants et d’étoffer ce dispositif: la preuve en est que, dans l’Union européenne, les trois raisons principales qui incitent les entreprises à traiter des questions de santé et de sécurité au sein d’un établissement sont le souci de respecter une obligation légale (89,2 %), de répondre aux attentes des travailleurs et de leurs délégués (81,8 %), et d’éviter des amendes de l’inspection du travail (79,4 %) (19).

3.3.

Un autre exemple de la manière dont la législation peut efficacement atténuer la précarité contractuelle peut être observé en Espagne, où la réforme du travail récemment adoptée, issue de la concertation sociale, a réduit les taux anormalement élevés de travail temporaire sur le marché du travail.

4.   Propositions

4.1.

Que la précarité professionnelle augmente le risque de troubles mentaux constitue un fait établi de la manière la plus claire. Se situant dans le droit fil des recommandations formulées tant par les milieux scientifiques étudiant la santé publique et celle prévalant dans le monde du travail que par les institutions internationales en ce qui concerne la santé mentale dans l’environnement professionnel, et prenant en considération les droits énoncés dans la directive européenne 89/391/CEE, visant à prévenir à la source les risques liés au travail, toutes les mesures proposées ci-après optent délibérément pour une approche qui vise à contenir une extension des facteurs de risques associés au travail précaire, afin de prévenir toute aggravation de la situation en matière de santé psychologique des travailleurs. Dans la mesure où les facteurs de risque susceptibles d’influer sur la santé mentale varient fortement suivant les secteurs, voire d’un site d’activité à l’autre au sein de chacun d’entre eux, les meilleures solutions qu’il soit possible de trouver résultent souvent d’un dialogue social qui, mené au niveau du secteur ou à celui de l’entreprise, ouvre la voie à une approche qui soit ciblée tout en respectant l’ensemble des cadres juridiques.

4.2.

Le CESE prend note des mesures annoncées par la Commission dans son cadre stratégique en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 (20), à savoir, notamment:

lancer une campagne de l’EU-OSHA pour des lieux de travail sains, en 2023-2025, qui portera sur la création d’un avenir numérique sûr et sain, l’accent étant mis en particulier sur les risques psychosociaux et ergonomiques,

préparer au niveau de l’Union européenne, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, une initiative non législative relative à la santé mentale au travail qui évaluera les problèmes émergents liés à la santé mentale des travailleurs et proposera des pistes d’action avant la fin de l’année 2022,

développer la base d’analyse, les outils électroniques et les orientations pour les évaluations des risques liés aux emplois et processus verts et numériques, en particulier les risques psychosociaux et ergonomiques.

4.3.   Assurer l’application de la législation existante, européenne et nationale, instaurant des conditions d’emploi et de travail de qualité

4.3.1.

Le CESE relève que les directives européennes en vigueur portant sur le travail et l’emploi, la représentation et la participation régissent les droits, obligations et responsabilités concernant la réglementation du temps de travail [2003/88/CE (21)], la conciliation de la vie familiale et professionnelle [(UE) 2019/1158 (22)], les salaires minimaux adéquats [(UE) 2022/2041 (23)], la non-discrimination [2006/54/CE (24), 2000/78/CE (25) et 2000/43/CE (26)], la prévisibilité et la transparence des conditions de travail [(UE) 2019/1152 (27)], la prévention des risques professionnels et la santé et la sécurité au travail (89/391/CEE, ainsi que ses développements spécifiques), et l’information et la consultation des travailleurs et de leurs représentants [2009/38/CE (28), 2003/72/CE (29) et 2002/14/CE (30)]. En outre, la liberté d’association, de négociation collective, de manifestation et de grève est protégée par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par la mise en œuvre pleine et entière de ce corpus juridique, il serait possible de garantir un travail décent aux travailleurs, de réduire les incertitudes et de favoriser la santé mentale.

4.3.2.

Cependant, le CESE estime qu’il existe une marge d’amélioration dans la mise en œuvre et le respect de ces dispositions relatives aux conditions de travail, fixées à titre de socle minimum indispensable au niveau européen, tout comme dans l’application de la législation existante.

4.4.

En conséquence, le CESE formule les propositions suivantes:

4.4.1.

multiplier les actions de surveillance et de contrôle concernant le respect de la législation du travail en vigueur, telle que couverte par les directives susmentionnées, de manière à garantir qu’elle soit effectivement appliquée. À cette fin, il est nécessaire que les États membres dotent les autorités compétentes en matière de travail des ressources en personnel requises, en appliquant les ratios recommandés par l’OIT (31);

4.4.2.

en cas de non-respect de ces directives, prévoir des sanctions financières adéquates;

4.4.3.

prescrire que l’entreprise qui ne respecte pas les directives visées ne pourra pas participer à des appels d’offres ou prétendre à des aides publiques, à quelque échelon, européen, national ou local, et dans quelque catégorie que ce soit, conformément aux directives actuelles sur les marchés publics;

4.4.4.

exploiter pleinement les possibilités offertes par le comité des hauts responsables de l’inspection du travail (CHRIT) lorsqu’il s’agit de coordonner, au niveau européen, le suivi concernant l’application de la législation visée au paragraphe 4.3.1.

4.4.5.

Le CESE apporte son soutien aux négociations en cours sur la proposition de directive de 2021 relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, et prend acte de celles concernant la position du Conseil, ainsi que des amendements proposés en décembre 2022 par la commission de l’emploi du Parlement européen. De même, le Comité propose de concevoir des approches appropriées pour encadrer le recours à l’intelligence artificielle dans le monde du travail, de manière à prévenir les risques professionnels et la remise en cause d’autres droits du travail.

4.5.   Cibler la prévention des risques psychosociaux liés au travail

4.5.1.

Le CESE prend acte de la communication relative au cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 [COM(2021) 323 final]. En outre, il préconise de mener une action législative spécifique à l’échelon européen concernant la prévention des risques psychosociaux liés au travail, en développant et modernisant la directive 89/391/CEE sur la santé et la sécurité au travail et en déployant une prévention de ces risques à la source, grâce à des modifications dans la conception, la gestion et l’organisation du travail, compte tenu du constat scientifiquement prouvé que s’agissant de mener une action préventive et de réduire les expositions à ces risques, élaborer une législation nationale spécifique en la matière constitue une voie d’une plus grande efficacité (32).

4.5.2.

Par ailleurs, le CESE souligne que le droit à un environnement de travail sûr et sain a été inscrit par l’OIT dans sa déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail lors de la 110e conférence internationale du travail, en juin 2022, et qu’une étape essentielle dans la promotion de la santé mentale en milieu professionnel consiste à lutter à la source contre les risques psychosociaux liés au travail, en recourant à des interventions organisationnelles pour repenser les conditions de travail, conformément à la ligne convenue par l’OMS et l’OIT dans leurs directives et leur note d’orientation définissant des stratégies concrètes de septembre 2022 (33). Au-delà de la prévention des risques psychosociaux, ces institutions recommandent, dans un deuxième temps, de renforcer, protéger et promouvoir la santé mentale au travail, notamment grâce à des formations et interventions destinées à améliorer les connaissances en matière de santé mentale, tandis que la troisième étape consiste à aider les travailleurs présentant des troubles mentaux pour qu’ils puissent participer pleinement et équitablement au monde du travail, en bénéficiant de mesures d’aménagement raisonnables et de programmes de retour au travail. Enfin, les deux organisations recommandent de créer un environnement propice au changement, grâce à des mesures transversales conçues pour améliorer la santé mentale au travail en prenant des initiatives en ce sens, en réalisant des investissements, en défendant les droits concernés, en intégrant ces questions dans la gestion du travail, en associant les travailleurs à la prise de décisions, en rassemblant des données factuelles et en veillant au respect de la législation applicable.

4.5.3.

Comme l’affirme également l’accord-cadre sur le stress qui a été conclu par les partenaires sociaux au niveau de l’Union européenne, le CESE souligne qu’en vertu de la directive-cadre 89/391/CEE, tous les employeurs ont l’obligation légale de protéger la sécurité et la santé des travailleurs au travail. Cette obligation couvre également les problèmes de stress au travail dans la mesure où ils induisent un risque pour la santé et la sécurité.

4.5.4.

Compte tenu des observations qui précèdent, le CESE propose que la directive développe l’action de prévention primaire des risques psychosociaux liés au travail grâce à une approche organisationnelle et collective. Pour ce faire, elle pourrait prévoir des dispositions réglementaires portant sur les aspects suivants:

4.5.4.1.

les méthodes d’évaluation qui sont utilisées devront répondre à des exigences de qualité, comme celle d’être corroborées par des données sanitaires, qui mesureront les risques psychosociaux sur la base de preuves scientifiques ou visualiseront les inégalités, entre autres exemples;

4.5.4.2.

il convient, au besoin, de concevoir, planifier et appliquer les mesures de prévention destinées à éliminer ou réduire au maximum les risques visés 1) en tenant compte des résultats de l’évaluation des risques psychosociaux et 2) en modifiant en amont les conditions de travail dont la nocivité a été constatée, au moyen d’interventions organisationnelles, afin d’éviter que les actions de prévention soient exclusivement axées sur le développement des capacités et l’action réparatrice;

4.5.4.3.

les entreprises seront tenues de réduire les risques professionnels par l’application de mesures adéquates pour traiter les risques psychosociaux liés au travail déjà connus, grâce à une modification des conditions de travail, notamment en améliorant leurs ressources technologiques et leurs processus de production de biens et de services et en augmentant leurs effectifs pour réduire les contraintes, ou encore en veillant à ce que les aménagements horaires soient compatibles avec la prestation de soins au sein de la famille, en privilégiant des méthodes de travail fondées sur la participation et la coopération afin d’offrir aux travailleurs la possibilité de se prononcer sur leurs modalités de travail et d’accroître le soutien opérationnel dispensé entre collègues et par les supérieurs, en établissant, pour l’embauche, la répartition des tâches, la formation et les promotions, des procédures équitables, en vue d’améliorer la qualité de la direction, en enrichissant le contenu des missions, afin de donner aux salariés la possibilité de mettre en application leurs compétences et connaissances et d’en acquérir de nouvelles, en encourageant une stabilité d’emploi et de conditions de travail et la prévisibilité dans les changements, qui doivent être raisonnés et raisonnables, pour éviter de créer de l’insécurité professionnelle, ou encore en offrant une rémunération appropriée, qui doit permettre de vivre décemment, conformément aux dispositions applicables en matière de législation, de dialogue social et de conventions collectives. Toutes ces interventions contribueraient à faire reculer le travail précaire et à protéger la santé mentale;

4.5.4.4.

il sera obligatoire de tenir dûment compte de la finalité préventive de l’évaluation, de manière à promouvoir une gestion efficace de ces risques et à ne pas entreprendre de les réévaluer pour des motifs purement bureaucratiques;

4.5.4.5.

toutes ces interventions visant à prévenir les risques psychosociaux en amont, depuis la conception de l’évaluation jusqu’aux changements organisationnels et au suivi de leur efficacité dans une optique de réduction des risques, doivent se fonder sur la participation des travailleurs et de leurs représentants au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise, dans le respect des règles applicables à l’information et la consultation des travailleurs ou de leurs représentants. À cette fin, il convient de garantir, en conformité avec les règles nationales en vigueur et pour autant que des dispositions en ce sens soient prévues dans la législation de l’État membre concerné ou les conventions collectives, l’existence et le fonctionnement des organes compétents, qu’il s’agisse des comités de sécurité et de santé, des délégués de prévention, des comités d’entreprise, ou d’autres instances. De même, il y a lieu d’assurer la tenue de négociations entre la représentation du personnel et l’employeur, en accord avec les textes législatifs et les conventions collectives qui sont applicables.

4.6.   Une politique industrielle conçue pour soutenir la création d’emplois de qualité

4.6.1.

La politique industrielle des différents pays compte parmi les facteurs qui conditionnent, au sein de leur économie, la capacité des entreprises à offrir des emplois qualifiés et de qualité. C’est pourquoi le CESE propose que la conception de cette politique au niveau européen tienne compte de l’objectif de créer des emplois qualifiés et de qualité, qui garantissent des conditions de travail saines et améliorent la compétitivité. Cette démarche pourrait reposer, entre autres, sur les actions suivantes:

4.6.1.1.

instaurer entre les pouvoirs publics, notamment les organismes de développement économique, une coopération nettement plus agissante, s’attachant à fournir les infrastructures nécessaires, ainsi qu’à mener des politiques actives de l’emploi qui épousent les besoins spécifiques des industries recelant le plus fort potentiel pour créer des emplois locaux de qualité, en exigeant qu’en retour, les entreprises bénéficiaires de ces interventions génèrent un quota minimum de postes de travail;

4.6.1.2.

canaliser les investissements en recherche et développement vers des technologies qui améliorent la productivité et sont bénéfiques pour la force de travail, en s’alliant avec elle pour accroître son potentiel de création de valeur;

4.6.1.3.

inclure des critères de prévention des risques professionnels et de protection de la santé des travailleurs dans la conception de la politique industrielle;

4.6.1.4.

insérer, dans les accords commerciaux internationaux, des chapitres relatifs au commerce et au développement durable qui garantissent les droits des travailleurs.

4.7.

Le CESE propose par ailleurs d’intégrer dans le tronc commun du cursus scolaire obligatoire et de la formation professionnelle des savoirs relatifs aux compétences entrepreneuriales et aux droits professionnels, tant individuels que collectifs, de chaque pays, afin de doter les futurs travailleurs et employeurs des connaissances nécessaires en la matière.

4.8.

À la lumière des conclusions issues des études et données fournies par Eurofound, Eurostat et l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, le CESE suggère de répertorier périodiquement les formes sous lesquelles le travail précaire est le plus répandu, les environnements où il prospère, suivant les pays, les secteurs ou d’autres critères, et les catégories qu’il affecte le plus, comme les travailleurs exerçant des professions manuelles, les femmes ou les jeunes, par exemple, ainsi que pour analyser son évolution.

4.9.

Le CESE préconise d’encourager la recherche sur le thème de la qualité du travail dans son rapport avec la santé mentale, en commençant par améliorer les systèmes d’information et de suivi épidémiologique dans ces domaines.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183 du 29.6.1989, p. 1).

(2)  https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_817715/lang--fr/index.htm

(3)  Deuxième vice-présidence du gouvernement, ministère du travail et de l’économie sociale: demande d’avis exploratoire.

(4)  Assemblée générale des Nations unies, soixante-dixième session (2015), «Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030», résolution adoptée par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015.

(5)  OMS, «La santé mentale au travail», https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-at-work

(6)  https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2017-0290_FR.html

(7)  https://osha.europa.eu/en/tools-and-resources/eu-osha-thesaurus/term/62001d

(8)  https://doi.org/10.1186/s13643-021-01728-z

(9)  https://www.eurofound.europa.eu/fr/node/91840

(10)  EU-OSHA (2013), Priorities for occupational safety and health research in Europe: 2013-2020 («Priorités 2013-2020 dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail en Europe»), Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 10.2802/25457.

(11)  Niedhammer, I., Bertrais, S., et Witt, K. (2021), «Psychosocial work exposures and health outcomes: a meta-review of 72 literature reviews with meta-analysis» («Expositions à des risques psychosociaux au travail et effets en matière de santé: méta-examen de 72 passages en revue de la littérature scientifique, accompagné d’une méta-analyse»), Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 47(7), 489-508.

(12)  Blomqvist, S., Virtanen, M., LaMontagne, A.D., et Magnusson Hanson, L.L. (2022), «Perceived job insecurity and risk of suicide and suicide attempts: a study of men and women in the Swedish working population» («Perception de l’insécurité professionnelle et risque de suicide et tentative de suicide: étude sur des hommes et des femmes de la population active suédoise»), Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 48(4), 293-301.

(13)  Duchaine, C.S., e.a. (2020), «Psychosocial stressors at work and the risk of sickness absence due to a diagnosed mental disorder: a systematic review and meta-analysis» («Facteurs de tension psychosociale au travail et risque d’absence pour maladie sur diagnostic de trouble mental: examen et méta-analyse»), JAMA psychiatry, 77(8), 842-851.

(14)  Niedhammer, I., Bertrais, S., et Witt, K. (2021), «Psychosocial work exposures and health outcomes: a meta-review of 72 literature reviews with meta-analysis» («Expositions à des risques psychosociaux au travail et effets en matière de santé: méta-examen de 72 passages en revue de la littérature scientifique, accompagné d’une méta-analyse»), Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 47(7), 489-508.

(15)  Niedhammer, I., e.a. (2022), «Update of the fractions of cardiovascular diseases and mental disorders attributable to psychosocial work factors in Europe» («Mise à jour concernant la part des maladies cardiovasculaires et troubles mentaux qui est imputable à des facteurs psychosociaux en rapport avec le travail en Europe»), International Archives of Occupational and Environmental Health, 95(1), 233-247.

(16)  https://oshwiki.osha.europa.eu/en/themes/precarious-work-definitions-workers-affected-and-osh-consequences

(17)  Matilla-Santander, N., e.a. (2019), «Measuring precarious employment in Europe 8 years into the global crisis» («Mesurer l’emploi précaire en Europe huit ans après le début de la crise mondiale»), Journal of Public Health (Oxford), 41(2):259-267.

(18)  Eurofound (2021), Working conditions and sustainable work: An analysis using the job quality framework («Conditions de travail et travail durable: analyse fondée sur le cadre de la qualité de l’emploi»), Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.

(19)  https://visualisation.osha.europa.eu/esener/en/survey/datavisualisation/2019

(20)  Communication intitulée «Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 — Santé et sécurité au travail dans un monde du travail en mutation» [COM(2021) 323 final].

(21)  Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299 du 18.11.2003, p. 9).

(22)  Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil (JO L 188 du 12.7.2019, p. 79).

(23)  Directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne (JO L 275 du 25.10.2022, p. 33).

(24)  Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204 du 26.7.2006, p. 23).

(25)  Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303 du 2.12.2000, p. 16).

(26)  Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180 du 19.7.2000, p. 22).

(27)  Directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne (JO L 186 du 11.7.2019, p. 105).

(28)  Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (JO L 122 du 16.5.2009, p. 28).

(29)  Directive 2003/72/CE du Conseil du 22 juillet 2003 complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs (JO L 207 du 18.8.2003, p. 25).

(30)  Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne — Déclaration conjointe du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur la représentation des travailleurs (JO L 80 du 23.3.2002, p. 29).

(31)  https://www.ilo.org/global/topics/labour-administration-inspection/resources-library/publications/WCMS_844151/lang--en/index.htm, point 4.1.8.

(32)  Jain, A., e.a. (2022), «The impact of national legislation on psychosocial risks on organisational action plans, psychosocial working conditions, and employee work-related stress in Europe» («L’incidence de la législation nationale sur les risques psychosociaux en ce qui concerne les plans d’action organisationnels, les conditions de travail psychosociales et le stress des salariés en rapport avec le travail en Europe»), Social Science & Medicine 302.

(33)  https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/---safework/documents/publication/wcms_856976.pdf


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 60, paragraphe 2, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 1

Proposé par:

BLIJLEVENS René

DANISMAN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

POTTIER Jean-Michel

VADÁSZ Borbála

SOC/745

Travail précaire et santé mentale

Paragraphe 2.7

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le paragraphe 2.6 existant

Avis de section

Amendement

 

Dans sa résolution de 2017  (12) , le Parlement européen estime, d’une part, que l’emploi précaire correspond à un emploi qui ne respecte pas la législation applicable. Cependant, il inclut aussi dans cette définition tout emploi «qui n’offre pas les ressources suffisantes pour permettre de vivre décemment ou pour garantir une protection sociale adéquate». Dans le même temps, le CESE relève que selon la Fondation pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), la notion de «travail précaire» ne bénéficie pas d’une définition qui soit unanimement acceptée dans toute l’Europe, même si la nécessité de s’attaquer à ce phénomène complexe est largement reconnue. L’OMS fait valoir qu’au travail, les risques pour la santé mentale, également appelés risques psychosociaux, peuvent être liés, entre autres, à la nature de l’emploi ou aux horaires de travail, aux caractéristiques du cadre professionnel ou à l’absence de perspectives de carrière, tout en précisant que bien qu’il existe des risques psychosociaux dans tous les secteurs, certains travailleurs y sont plus exposés que d’autres, à cause de la nature de leur travail ou de l’endroit et de la façon dont ils travaillent  (13) . Par ailleurs, l’accord autonome sur le stress qui a été conclu par les partenaires sociaux européens affirme que le stress lié au travail peut être causé par différents facteurs tels que le contenu et l’organisation du travail, l’environnement professionnel, une mauvaise communication, etc.  (14) . Il y a donc lieu de tenir compte de l’absence d’une définition unanimement acceptée dans toute l’Europe lorsque l’on cherche à évaluer le lien entre emploi précaire et risques pour la santé mentale. En outre, toute évaluation doit tenir compte des éléments ci-après:

s’il n’existe pas de lien de causalité systématique entre le travail précaire, tel que le conçoit le présent avis, et une mauvaise santé mentale, ce type d’emploi compte néanmoins parmi les facteurs de risque qui peuvent avoir une incidence négative sur la santé mentale des travailleurs. Les observations formulées aux paragraphes 1.3 et 2.6 du présent avis  (15) entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

la santé mentale agrège une série de paramètres d’ordre personnel, familial, socio-économique, ainsi qu’environnemental, et certains des facteurs de risque afférents sont présents sur les lieux de travail mais aussi dans la société en général. La précarité doit toujours être définie sur la base d’une évaluation de la situation concrète de la personne concernée, comme l’indique aussi l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur le stress  (16) , qui fait valoir qu’il importe de tenir compte de la diversité des travailleurs dans la lutte contre les problèmes de stress au travail, en précisant que différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et qu’un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires. Les observations formulées aux paragraphes 1.5 et 2.6 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

en outre, bon nombre des questions relatives aux diverses formes d’emploi sont déjà abordées dans le cadre de la législation de l’Union et des États membres qui traitent de la santé et de la sécurité au travail, du temps de travail et d’autres aspects pertinents à cet égard. Les observations formulées aux paragraphes 1.11, 2.6, 4.5.1, 4.5.4 et 4.5.4.3 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

par ailleurs, les formes de travail que le présent avis tend à qualifier de précaires peuvent également constituer un sas pour intégrer le marché du travail et entamer un parcours vers des emplois plus stables. Les observations formulées au paragraphe 1.5 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte.

Résultat du vote:

Pour:

81

Contre:

127

Abstentions:

13

AMENDEMENT 3

Proposé par:

BLIJLEVENS René

DANISMAN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

POTTIER Jean-Michel

VADÁSZ Borbála

SOC/745

Travail précaire et santé mentale

Paragraphe 4.5.1

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le paragraphe 4.5 existant

Avis de section

Amendement

 

Il est de l’intérêt de la société dans son ensemble de promouvoir la santé mentale et le bien-être. Dans le monde du travail, il importe d’encourager la santé mentale, dès lors que les problèmes en la matière peuvent aboutir à y faire baisser la productivité, diminuer le rendement professionnel et augmenter l’absentéisme, tandis qu’un bon état de santé mentale va de pair avec une meilleure motivation et productivité. Le CESE adhère à l’approche de la Commission  (29) qui entend préparer au niveau de l’Union européenne, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, une initiative non législative relative à la santé mentale au travail qui évaluera les problèmes émergents liés à la santé mentale des travailleurs. Le Comité soutient également la Commission dans son intention d’intégrer les risques psychosociaux et ergonomiques dans la campagne pour des lieux de travail sains. Il est d’avis qu’au niveau de l’Union et à celui des États membres, ainsi que sur les lieux de travail, une plus grande attention doit être prêtée à des politiques ou initiatives propres à développer l’action de prévention primaire des risques psychosociaux liés au travail grâce à une approche organisationnelle et collective, le cas échéant, sans qu’il soit pour autant nécessaire de proposer de mener, à l’échelle de l’Union, une action législative spécifique concernant la prévention des risques psychosociaux liés au travail. Les observations formulées aux paragraphes 1.11, 4.5.1, 4.5.4 et 4.5.4.3 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte.

Résultat du vote:

Pour:

91

Contre:

127

Abstentions:

18

AMENDEMENT 4

Proposé par:

BLIJLEVENS René

DANISMAN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

POTTIER Jean-Michel

VADÁSZ Borbála

SOC/745

Travail précaire et santé mentale

Paragraphe 4.6.1

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le paragraphe 4.6 existant

Avis de section

Amendement

 

En raison de profonds changements touchant son environnement opérationnel, il est urgent que l’Union élabore une politique industrielle globale et actualisée, fondée sur l’innovation et l’excellence. Les entreprises ne pourront créer des postes et fournir des emplois de qualité que si elles disposent, en matière réglementaire et dans le domaine de l’investissement, d’un contexte qui soit favorable et leur permette de mener leurs activités de manière rentable. Il en résulte que la politique industrielle ne saurait servir à planifier l’emploi. De même, il n’est ni tenable ni raisonnable d’exiger que les entreprises qui tirent profit des infrastructures mises à leur disposition ou des politiques actives de l’emploi créent un quota minimum d’emplois. En outre, si la politique industrielle coexiste avec les cadres réglementaires applicables au niveau européen et national en matière de santé et de sécurité au travail, elle ne définit toutefois pas elle-même les critères relatifs à la prévention des risques professionnels. Enfin, alors que les entreprises doivent aussi avoir accès à une main-d’œuvre qualifiée, elles sont aujourd’hui confrontées à des pénuries de travailleurs et de compétences. Cette situation souligne combien il importe de mettre en place des systèmes efficaces d’apprentissage tout au long de la vie et de mieux anticiper les besoins futurs en matière de compétences. Les observations formulées aux paragraphes 4.6.1.1 et 4.6.1.3 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte.

Résultat du vote:

Pour:

89

Contre:

139

Abstentions:

9

AMENDEMENT 5

Proposé par:

BLIJLEVENS René

DANISMAN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

POTTIER Jean-Michel

VADÁSZ Borbála

SOC/745

Travail précaire et santé mentale

Paragraphe 1.3

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le paragraphe 1.2 existant

Avis de section

Amendement

 

Ainsi, l’accord autonome sur le stress qui a été conclu par les partenaires sociaux européens affirme que le stress lié au travail peut être causé par différents facteurs tels que le contenu et l’organisation du travail, l’environnement professionnel, une mauvaise communication, etc.  (1) . Il y a donc lieu de tenir compte de l’absence d’une définition unanimement acceptée dans toute l’Europe lorsque l’on cherche à évaluer le lien entre emploi précaire et risques pour la santé mentale. En outre, toute évaluation doit tenir compte des éléments ci-après:

s’il n’existe pas de lien de causalité systématique entre le travail précaire, tel qu’il est décrit dans le présent avis, et une mauvaise santé mentale, ce type d’emploi compte néanmoins parmi les facteurs de risque qui peuvent avoir une incidence négative sur la santé mentale des travailleurs. Les observations formulées aux paragraphes 1.3 et 2.6 du présent avis  (2) entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

la santé mentale agrège une série de paramètres d’ordre personnel, familial, socio-économique, ainsi qu’environnemental, et certains des facteurs de risque afférents sont présents sur les lieux de travail mais aussi dans la société en général. La précarité doit toujours être définie sur la base d’une évaluation de la situation concrète de la personne concernée, Les observations formulées aux paragraphes 1.5 et 2.6 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

en outre, bon nombre des questions relatives aux diverses formes d’emploi sont déjà abordées dans le cadre de la législation de l’Union et des États membres qui traitent de la santé et de la sécurité au travail, du temps de travail et d’autres aspects pertinents à cet égard. Les observations formulées aux paragraphes 1.11, 2.6, 4.5.1, 4.5.4 et 4.5.4.3 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte;

par ailleurs, les formes de travail que le présent avis tend à qualifier de précaires peuvent également constituer un sas pour intégrer le marché du travail et entamer un parcours vers des emplois plus stables. Les observations formulées au paragraphe 1.5 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte.

Résultat du vote:

Pour:

83

Contre:

139

Abstentions:

15

AMENDEMENT 6

Proposé par:

BLIJLEVENS René

DANISMAN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

POTTIER Jean-Michel

VADÁSZ Borbála

SOC/745

Travail précaire et santé mentale

Paragraphe 1.4

Insérer un nouveau paragraphe:

Position: après le nouveau paragraphe 1.3 (voir amendement 5)

Avis de section

Amendement

 

Le CESE adhère à l’approche de la Commission  (3) qui entend préparer au niveau de l’Union européenne, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, une initiative non législative relative à la santé mentale au travail qui évaluera les problèmes émergents liés à la santé mentale des travailleurs. Il est d’avis qu’au niveau de l’Union et à celui des États membres, ainsi que sur les lieux de travail, une plus grande attention doit être prêtée à des politiques ou initiatives propres à développer l’action de prévention primaire des risques psychosociaux liés au travail grâce à une approche organisationnelle et collective, le cas échéant, sans qu’il soit pour autant nécessaire de proposer de mener, à l’échelle de l’Union, une action législative spécifique concernant la prévention des risques psychosociaux liés au travail. Les observations formulées aux paragraphes 1.11, 4.5.1, 4.5.4 et 4.5.4.3 du présent avis entrent en contradiction avec ces considérations ou n’en tiennent pas suffisamment compte.

Résultat du vote:

Pour:

91

Contre:

141

Abstentions:

11


(12)   Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 sur les conditions de travail et l’emploi précaire.

(13)   OMS, «La santé mentale au travail», https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-at-work

(14)   Voir https://resourcecentre.etuc.org/agreement/framework-agreement-work-related-stress et https://resourcecentre.etuc.org/sites/default/files/2019-09/Work-related%20Stress%202004_Framework%20Agreement%20-%20FR.pdf

(15)   La numérotation utilisée ici renvoie à celle des paragraphes figurant dans l’avis de la section SOC tel qu’il a été soumis à la plénière et publié sur le portail des membres en vue de la session plénière du CESE du 26 au 27 avril; elle pourrait être modifiée par l’adoption éventuelle des présents amendements ou d’autres encore, quels qu’ils soient.

(16)   Voir https://resourcecentre.etuc.org/agreement/framework-agreement-work-related-stress et https://resourcecentre.etuc.org/sites/default/files/2019-09/Work-related%20Stress%202004_Framework%20Agreement%20-%20FR.pdf

(29)   COM(2021) 323 final.

(1)   Voir https://resourcecentre.etuc.org/agreement/framework-agreement-work-related-stress et https://resourcecentre.etuc.org/sites/default/files/2019-09/Work-related%20Stress%202004_Framework%20Agreement%20-%20FR.pdf

(2)   La numérotation utilisée ici renvoie à celle des paragraphes figurant dans l’avis de la section SOC tel qu’il a été soumis à la plénière et publié sur le portail des membres en vue de la session plénière du CESE du 26 au 27 avril; elle pourrait être modifiée par l’adoption éventuelle des présents amendements ou d’autres encore, quels qu’ils soient.

(3)   Communication intitulée «Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 — Santé et sécurité au travail dans un monde du travail en mutation» [COM(2021) 323 final].


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/43


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La démocratie sur le lieu de travail»

(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

(2023/C 228/06)

Rapporteur:

Reiner HOFFMANN

Corapporteur:

Krzysztof BALON

Saisine de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne:

Lettre du 27.7.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Date de l’adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

175/69/13

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Au fil des décennies, les textes législatifs européens ont donné naissance à un solide système de participation des travailleurs sur le lieu de travail, enraciné dans le droit et les pratiques qui ont cours dans les États membres, ainsi que dans les libertés fondamentales de l’Union européenne. Un monde du travail démocratique constitue une condition sine qua non pour que le modèle social européen puisse poursuivre son développement dans un environnement durable et compétitif.

1.2.

Les crises que nous avons traversées ont précisément montré que s’ils font l’objet d’une prise de conscience active, les droits du citoyen et ceux du travailleur se renforcent mutuellement. La cohésion sociale se trouve renforcée, le tissu démocratique de nos sociétés gagne en stabilité et la société devient moins vulnérable aux positions populistes et autoritaires.

1.3.

Les mécanismes et instruments juridiques qui servent la cause de la démocratie sur le lieu de travail ont pour effet que les entreprises sont gagnantes du point de vue de la résilience et de la prospérité économique tout en étant, dans le même temps, mieux à même d’obtenir des résultats en ce qui concerne l’emploi et le travail décent. En tant que concept directeur, la démocratie sur le lieu de travail doit couvrir l’ensemble des travailleurs ainsi que tout type ou site d’activité, de nature tant privée que publique ou sociale, indépendamment de la taille de l’entreprise concernée, du secteur où elle évolue ou de ses autres aspects organisationnels. Il y a lieu de tenir compte de la situation des petites et moyennes entreprises. Des données de terrain montrent que la prise en compte de la voix des travailleurs ménage la souplesse et les marges de manœuvre qui sont nécessaires au niveau du lieu de travail pour une adaptation aux changements structurels.

1.4.

L’évolution rapide du monde du travail représente aussi une chance pour renforcer la démocratie. Pour que cette possibilité se concrétise, la participation des travailleurs et le dialogue social doivent occuper une place plus importante dans la conscience publique et être renforcés également par-delà de nos frontières. À cette fin, il est crucial de disposer d’un cadre juridique européen fiable, qui oriente et rende plus efficaces les système nationaux d’information, de consultation et de participation au niveau national et qui soit soutenu au niveau national par des programmes d’action dont les répercussions soient prévisibles.

1.5.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la récente communication de la Commission qui entend renforcer le dialogue social en tant que base d’une démocratisation accrue au travail, ainsi que de la déclaration affirmant que le dialogue social repose sur une culture dynamique de la confiance, fondée sur le rôle spécifique des partenaires sociaux, tout en reconnaissant le dialogue civil comme un processus distinct, associant les organisations de la société civile organisée à un éventail plus vaste de thématiques, traçant les contours de processus de transformation. Toutefois, il convient de reconnaître que le marché du travail a changé, de nombreux travailleurs étant, par exemple, employés dans de petites entreprises et des microentreprises et, que dans le même temps, au sein de l’Union européenne, on estime à quelque 13,6 millions (1) l’effectif de ceux qui travaillent dans des entités de l’économie sociale. La totalité de ces travailleurs et leurs employeurs devraient être pleinement couverts par le dialogue social institutionnel.

1.6.

Depuis des décennies, les comités d’entreprise européens contribuent de manière positive aux objectifs économiques, sociaux et écologiques que les entreprises poursuivent sur le long terme. Pour accroître leur potentiel et leur efficacité, il convient d’améliorer considérablement leurs droits de participation et leurs ressources. Il y a lieu, par exemple, d’imposer des sanctions effectives lorsque ces droits de participation qui leur sont reconnus sont contournés ou bafoués, et ils doivent obtenir un accès plus aisé à la justice. Dans ce contexte, le CESE salue la résolution que le Parlement européen a récemment adoptée concernant la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, et il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions juridiques en la matière.

1.7.

En complément de la démocratie au travail fondée sur le droit ou le dialogue social, il existe d’autres formes fructueuses de participation démocratique des travailleurs, qui sont très vivantes au sein de l’économie sociale, principalement dans les coopératives.

1.8.

Les innovations technologiques ont fait apparaître, dans l’économie des plateformes, de nouveaux modèles entrepreneuriaux qui supposent souvent des emplois précaires, en particulier pour les personnes qui occupent des postes de travail au bas de l’échelle et pour les travailleurs migrants. L’accès à la représentation collective y est bien souvent inexistante, ou elle n’est que trop rarement exercée. Le CESE juge pertinent l’objectif de prévenir les situations d’emploi sous un faux statut indépendant que poursuit le projet de directive relative au travail via une plateforme, en particulier lorsqu’il définit les notions d’employeur et de salarié et inverse la charge de la preuve en la matière. Cette démarche jette ainsi les bases nécessaires pour que la voix des travailleurs soit davantage prise en compte dans l’économie des plateformes lorsqu’ils remplissent les critères adéquats pour obtenir un statut d’employés. Le Comité prend note des lignes directrices de la Commission relatives à l’application du droit de la concurrence de l’Union aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés. Il encourage la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne à accorder la priorité à cet aspect, en particulier lors de l’adoption de la directive, ainsi qu’à examiner l’accès potentiel de ces travailleurs à une couverture collective, conformément à la directive sur le salaire minimum.

1.9.

Du fait du développement fulgurant de l’intelligence artificielle (IA), les normes démocratiques se trouvent confrontées, dans le monde du travail, à des défis d’une ampleur inégalée jusqu’à présent. La gestion des données par des algorithmes produit des répercussions énormes pour ce qui est de l’organisation du travail et des conditions dans lesquelles il s’exerce, tout comme de la sécurité des données. Pour renforcer la confiance dans ce processus, les partenaires sociaux européens conviennent qu’il devient crucial que la technologie numérique soit introduite dans le cadre d’une consultation menée en temps utile avec la force de travail et ses représentants, au titre des systèmes de relations professionnelles, notamment le dialogue social et la négociation collective. Le CESE est favorable à un renforcement des droits des salariés en matière de protection des données qui garantisse les droits collectifs des travailleurs, et il souhaite pouvoir constater que les syndicats bénéficient d’un accès numérique adéquat aux entreprises et à leurs personnels pour nouer et stimuler un dialogue social efficace dans le domaine de l’application de l’intelligence artificielle sur les lieux de travail.

1.10.

Un exercice responsable de la gouvernance d’entreprise implique de respecter, d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement, les droits de l’homme et le droit du travail, tout comme les objectifs environnementaux. Il appartient aux employeurs de démontrer qu’ils considèrent le devoir de diligence comme une composante obligatoire de la gestion des risques par le conseil d’administration. Procurer du travail de bonne qualité devrait être l’objectif de toute gestion d’entreprise à caractère durable. Le CESE milite donc pour que soit défini, dans le cadre du droit européen, un impératif de gouvernance durable des entreprises. Les travailleurs et leurs représentants, ainsi que les acteurs de la société civile, comme les associations environnementales ou les organisations de défense des droits de l’homme ou les unions de protection des consommateurs, se devraient de s’engager systématiquement dans cette démarche.

1.11.

Le CESE regrette toutefois que la participation des travailleurs au conseil d’administration de leur entreprise ne soit pas également vue comme l’une des pièces maîtresses de sa gestion durable. Par conséquent, il soutient les efforts appropriés qui sont déployés afin d’établir un cadre harmonisé pour la participation des travailleurs au sein des conseils d’administration, qui tienne compte des différences entre États membres, et de s’assurer que le droit européen des sociétés n’aboutisse pas à y éluder ou y fragiliser la participation des travailleurs.

1.12.

Pour pouvoir s’étendre, la démocratie sur le lieu de travail doit non seulement disposer des bases juridiques nécessaires et appropriées, mais aussi pouvoir compter sur une coopération, assise sur des fondements scientifiques, entre toutes les parties prenantes, en particulier dans le contexte des défis posés par la transition écologique et numérique. Les organisations non gouvernementales qui déploient, sur le plan régional et local, une activité dans le domaine de l’information, de la formation ou du développement des capacités, tout comme les institutions scientifiques et les experts issus des professions libérales, peuvent aussi encourager une telle collaboration, en adoptant, en accord avec les partenaires sociaux, des mesures ciblées, adaptées aux spécificités du terrain. De telles activités de soutien devraient également recueillir l’appui des Fonds structurels européens.

1.13.

Le rôle éducatif de la participation sur le lieu de travail pourrait soutenir la pratique démocratique dans un sens politique et sociétal plus large. À cet égard, il est essentiel de sensibiliser et d’éduquer les jeunes à la démocratie au travail avant même qu’ils accèdent à l’emploi. Avec les partenaires sociaux, les organisations de la société civile actives dans le domaine de l’éducation peuvent jouer un rôle complémentaire et il conviendrait de les soutenir.

2.   La démocratie sur le lieu de travail et sa pertinence du point de vue sociopolitique

2.1.

Les crises exogènes et les enjeux de transformation sont appelés à faire durablement partie de notre quotidien. Pour y faire face, les institutions de l’Union européenne et ses États membres doivent continuellement concevoir des mécanismes qui articulent les impératifs de l’efficacité économique avec des objectifs de nature sociale, environnementale et politique.

2.2.

De nombreux arguments, d’ordre théorique ou empirique, plaident en faveur d’une plus grande démocratie dans le monde du travail (2). En conséquence, le CESE s’est fait de longue date l’avocat d’une mise en œuvre équilibrée du concept de démocratie sur le lieu de travail et de ses composantes essentielles, telles qu’un dialogue social dynamique ou le juste équilibre entre droits et devoirs au travail, cette approche impliquant aussi de favoriser une culture de la confiance et de la coopération entre employeurs et employés, y compris sous la forme de la participation des travailleurs. Ces éléments devraient être soutenus par un cadre juridique et un dialogue social à tous les niveaux, ainsi que par de bonnes pratiques des entreprises.

2.3.

La démocratie au travail favorise non seulement la résilience démocratique, mais constitue aussi une composante essentielle d’une compétitivité et d’une prospérité durables de l’économie. La participation des travailleurs contribue à éduquer et à former les citoyens aux pratiques démocratiques, aux valeurs et à la culture politique. Quiconque a le sentiment d’être pris en considération sur son lieu de travail et de pouvoir avoir voix au chapitre dans les décisions qui s’y prennent adoptera une ligne de conduite analogue au sein de la société et affichera aussi une attitude plus positive à l’endroit de la démocratie.

2.4.

Le CESE n’a cessé de souligner qu’un cadre européen solide et des pratiques appropriées en matière de participation des travailleurs (la voix des travailleurs(3), jetant les bases d’un dialogue confiant entre dirigeants et travailleurs à tous les niveaux, international, national et local, font partie intégrante d’une architecture juridique de la démocratie européenne et posent un important jalon sur la voie d’une économie de marché sociale et compétitive. Cet impératif devrait s’appliquer à tous les travailleurs et à toutes les formes d’activité sur tous les lieux de travail, qu’elles soient de nature privée, publique ou sociale, indépendamment de la taille, du secteur ou d’autres aspects organisationnels.

2.5.

Au cours des dernières décennies, un large consensus politique s’est dégagé entre les gouvernements, les partenaires sociaux et la société civile pour inscrire cette notion de voix des travailleurs dans toute une série d’actes législatifs européens (4). Pour favoriser la prospérité économique et la cohésion sociale en Europe, il y a lieu de pleinement appliquer, dans chaque pays et dans chaque entreprise, et de perfectionner le précieux élément que représente cet outil, et ce, tout particulièrement chaque fois qu’apparaissent des lacunes au niveau de la législation ou de la mise en œuvre, tout comme de poursuivre son développement en fonction des mutations qui interviennent dans le monde du travail. Dans ce contexte, le CESE encourage les États membres à évaluer à l’échelon national l’état d’avancement des travaux concernant des cadres d’information et de consultation solides et à élaborer des initiatives en leur faveur.

2.6.

D’un État membre de l’Union européenne à l’autre, la notion de voix des travailleurs se décline en un large éventail d’équivalents fonctionnels, en fonction des divers systèmes de relations sociales, comme les droits renforcés d’information, de consultation et de négociation en rapport avec l’emploi et l’entreprise, la participation des travailleurs dans les organes de direction, les conventions collectives qu’elles soient conclues au niveau d’une entreprise, couvrent une branche d’activité ou soient de type intersectoriel, ou encore les cultures et capacités des entités économiques concernant la gestion du changement.

2.7.

En demandant au CESE d’élaborer un avis exploratoire relatif à la démocratie sur le lieu de travail, la future présidence espagnole du Conseil se situe dans la tendance bien marquée par laquelle ces derniers temps, les institutions de l’Union et les gouvernements de ses États membres ont de plus en plus nettement rangé le déploiement démocratique sur les lieux d’activité parmi les objectifs politiques présidant à l’«Europe de demain»: Cette orientation se manifeste sous différentes formes:

dans l’engagement social pris lors du sommet social de Porto en 2021, les gouvernements européens et les partenaires sociaux ont réaffirmé leur volonté de faire progresser et de renforcer le dialogue social autonome au niveau européen, national, régional et sectoriel et à celui des entreprises (5),

le récent rapport du Parlement européen relatif à la démocratie sur le lieu de travail souligne que les changements majeurs découlant du pacte vert pour l’Europe et de la numérisation doivent être mis en œuvre de manière équitable, et il invite à promouvoir les possibilités juridiques en faveur de la participation des salariés (6). Dans le même esprit, il a récemment demandé, à une large majorité, une révision de la directive européenne existante sur le comité d’entreprise européen (7),

la directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne impose à tous les États membres de prendre des mesures pour accroître le taux de couverture de la négociation collective, par exemple en soutenant le développement et le renforcement des capacités des partenaires sociaux,

dans une récente proposition de recommandation du Conseil visant à renforcer le dialogue social, la Commission a déclaré que les États membres devraient pleinement sanctionner et respecter le rôle spécifique des organisations de partenaires sociaux dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant le dialogue civil comme un processus distinct, qui associe une palette plus étendue de parties prenantes sur une gamme élargie de thématiques (8),

le plan d’action en faveur de l’économie sociale adopté en 2021 s’engage spécifiquement à promouvoir des modèles d’entreprise ressortissant à l’économie sociale, dont la gouvernance démocratique et participative constitue l’un des principaux traits distinctifs.

2.8.

Dans le même ordre d’idées, le CESE estime que la voix des travailleurs, exprimée de manière fiable et efficace, peut devenir un préalable obligé qui jouera un rôle essentiel pour assurer une gouvernance d’entreprise qui soit durable et économiquement opérante au sein de l’Union.

2.9.

Le CESE répond avec empressement aux questions posées par la présidence espagnole, à savoir:

Quelle contribution la participation des travailleurs et de leurs représentants à la gestion des entreprises peut-elle apporter dans l’optique d’une transformation sociale et écologique juste?

Quels sont les besoins à couvrir pour que le cadre juridique régissant actuellement la participation des travailleurs et leur association aux décisions de leurs entreprises puisse être développé plus avant, y compris dans les sociétés multinationales?

Comment faudrait-il renforcer les droits de participation des travailleurs dans le contexte de la numérisation, s’agissant également d’aborder les enjeux de l’économie des plateformes ou encore les questions liées à la protection des données?

Quelles répercussions les nouvelles technologies produisent-elles pour les droits démocratiques fondamentaux, comme ceux relatifs à la participation des travailleurs?

2.10.

Par ailleurs, le CESE expose dans le cadre du présent avis des réflexions concernant d’autres formes que prend la démocratie dans le monde du travail.

2.11.

Le CESE se félicite de la «Résolution concernant le travail décent et l’économie sociale et solidaire» adoptée par l’Organisation internationale du Travail (OIT) lors de sa Conférence internationale du travail de juin 2022, qui souligne le rôle fondamental des organisations de l’économie sociale et demande de «tenir compte de la contribution de l’économie sociale et solidaire au travail décent, à des économies inclusives et durables, à la justice sociale, au développement durable et à l’amélioration des niveaux de vie pour tous»; il salue aussi la résolution des Nations unies du 18 avril 2023 (9) sur la promotion de l’économie sociale et solidaire au service du développement durable. Ces résolutions capitales démontrent que les organisations de l’économie sociale jouent un rôle important pour développer la démocratie sur le lieu de travail par une contribution importante qui va dans le sens de davantage de démocratie et de participation à l’économie et au marché du travail; cette ambition devrait se traduire par la prise en compte des organisations de l’économie sociale dans le dialogue social institutionnel, y compris au niveau européen.

3.   Position du CESE concernant la démocratie sur le lieu de travail

3.1.

Le CESE estime que l’un des préalables obligés pour rendre les entreprises plus sociales, durables à l’égard de l’environnement et compétitives consiste à y reconnaître et favoriser l’inclusion sociale de toutes les parties prenantes, en particulier, sous la forme de la voix des travailleurs, en tant qu’elle constitue l’un de leurs fondements et de l’économie tout entière.

3.2.

Dans toute une série d’avis antérieurs, adoptés à une large majorité, le CESE a déjà mis l’accent sur les avantages produits par les dispositifs à caractère contraignant qui prévoient une telle participation des travailleurs, à l’échelle nationale et européenne, et il a insisté en la matière sur les points suivants:

il y a lieu de considérer que les structures démocratiques présentes au travail constituent un élément essentiel du modèle social européen (10),

le dialogue social et civil mené au niveau national et européen joue un rôle clé pour mener une politique qui, en matière économique, dans le domaine du travail et dans le champ social, soit favorable, tout à la fois aux conditions de vie et de travail des personnes et à la compétitivité des entreprises (11),

les pays qui disposent d’institutions bien établies en matière de dialogue social, ainsi que de systèmes efficaces de relations sociales, sont mieux placés que les autres pour atteindre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux bénéfiques,

une participation effective des travailleurs à la prise des décisions dans leur entreprise produit pour elle des effets positifs et concourt à la mise en œuvre de projets pour une transition numérique et neutre d’un point de vue environnemental et climatique,

la participation des travailleurs et leur motivation sont des facteurs indispensables pour tirer pleinement parti des gisements d’innovation (12); dans ce contexte, la voix des travailleurs, au sein des entreprises, contribue à un changement positif,

le monde du travail constitue aussi un lieu d’apprentissage de la démocratie, en particulier pour les jeunes et les personnes qui entrent dans la vie professionnelle, et il ouvre ainsi des possibilités pour que cette catégorie de population ne soit pas laissée pour compte dans le processus de transformation (13),

il y a lieu de soutenir les entités de l’économie sociale, telles que les coopératives, qui œuvrent à la réalisation d’objectifs à long terme et servent directement leurs travailleurs et les territoires où elles sont implantées,

les restructurations sous toutes les formes peuvent être mieux anticipées et gérées grâce à une participation en amont des représentants des travailleurs organisés (14), lorsque cette possibilité est prévue, y compris au sein des conseils d’administration, sans que soit rognée la marge de manœuvre nécessaire pour prendre des décisions en cas de changements concernant l’entreprise ou l’organisation du travail,

les transferts d’entreprises sans héritiers ou en situation d’insolvabilité à leurs salariés sous une forme coopérative pourraient également offrir un moyen de les restructurer pour qu’elles deviennent durables et soient administrées démocratiquement (15),

en période de transformation et de crise, en particulier, la participation des travailleurs et de la société civile sur la base d’une culture dynamique de confiance mutuelle aide à améliorer la mise en œuvre des changements structurels et organisationnels (16) et à mieux les faire accepter, et, de ce fait, renforce également la sécurité et la stabilité.

3.3.

Le CESE souligne qu’associer les travailleurs à l’innovation sur le lieu de travail constitue une démarche d’une haute valeur. Les actions que les partenaires sociaux mènent pour accroître la productivité et le bien-être des travailleurs au sein des entreprises devraient être encouragées dans un contexte européen plus large. Le Comité se félicite des initiatives et des travaux menés par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) (17) et par le Réseau européen de l’innovation au travail, et il propose que l’Union européenne prenne des mesures pour développer à tous les niveaux le dialogue entre les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes, dans le cadre d’approches participatives.

3.4.

Le CESE a également fait part de sa conviction que la durabilité de l’économie suppose qu’au sein des entreprises, les différents acteurs intéressés coopèrent et s’appliquent de concert à tracer à leur intention des pistes d’activité durables pour assurer leur compétitivité économique, leur viabilité environnementale et leur équilibre social. Aussi plaide-t-il en faveur d’un modèle de gouvernance d’entreprise dans lequel les administrateurs exécutifs ont le devoir de créer des valeurs de long terme, en s’attachant aux intérêts pérennes de l’entreprise et de ses parties prenantes (18).

3.5.

Dans le débat sur le développement plus poussé d’un cadre juridique européen pour une gouvernance d’entreprise durable, il s’impose de faire référence aux résolutions, avis et rapports déjà adoptés par le CESE et le Parlement européen, ainsi qu’à d’autres sources pertinentes, telles que les accords conclus entre les partenaires sociaux. Par conséquent, le CESE invite la Commission à envisager, dans ses futurs programmes de travail, un encadrement de la gouvernance d’entreprise qui serve de référence pour la rendre plus durable et plus démocratique et qui donne foncièrement une expression adéquate au point de vue des travailleurs et de leurs représentants en matière de surveillance et d’administration des entreprises à tous niveaux.

3.6.

Dans le débat sur le développement plus poussé d’un cadre juridique européen pour une gouvernance d’entreprise durable, il s’impose de faire référence aux résolutions, avis et rapports déjà adoptés par le CESE et le Parlement européen, ainsi qu’à d’autres sources pertinentes, telles que les accords conclus entre les partenaires sociaux.

3.7.

Les compétences existantes, les infrastructures scientifiques et industrielles, ou encore la mobilisation des cultures socio-économiques doivent servir de point de départ pour soutenir une participation démocratique au processus qui configurera une transition tournée vers l’avenir. C’est ainsi que les économies locales pourront s’insérer avec succès dans les circuits de la compétitivité mondiale des produits et des services.

4.   Observations particulières sur un développement plus poussé de la démocratie sur le lieu de travail

4.1.   Garantir et renforcer les normes existantes en matière de participation des travailleurs

4.1.1.

La promotion de la démocratie sur le lieu de travail doit, au-delà de la question des droits de participation au niveau de l’entreprise, embrasser aussi les régimes de négociation collective et de représentation à l’échelle sectorielle et intersectorielle, ainsi que le dialogue social à tous les niveaux, tout comme le dialogue avec la société civile.

4.1.2.

Le CESE a examiné la nécessité d’évaluer le cadre juridique actuel de l’Union ainsi que la manière dont il y a lieu de le mettre effectivement en œuvre dans le droit national. Cette démarche couvre aussi l’intention d’améliorer en conséquence les dispositions existantes.

4.1.3.

C’est ainsi qu’en matière de participation des travailleurs aux organes dirigeants des entreprises lorsqu’ils sont amenés à poser des choix stratégiques, le CESE s’est interrogé sur la nécessité d’instaurer un cadre à l’échelle de l’Union qui soit harmonisé tout en tenant compte de la diversité des situations, d’un État membre à l’autre comme au niveau de chaque entreprise (19).

Le rapport du Parlement européen sur «la démocratie à l’œuvre» (20) trace les contours que pourrait prendre un tel cadre européen régissant les droits d’information, de consultation et de représentation des travailleurs dans les organes de direction.

En outre, il est capital que le cadre réglementaire de l’Union européenne préserve les droits de participation qui existent à l’échelle nationale, dont, au premier chef, la participation des travailleurs dans les organes de décision des entreprises. Il ne peut être question que les dispositions de droit européen qui régissent les transferts transfrontières du siège des entreprises et leur fusion ou établissent des modèles européens de sociétés aboutissent à éluder ou fragiliser des droits acquis au niveau national, tels que la participation des travailleurs au sein des conseils d’administration.

4.1.4.

Le CESE a aussi débattu de la nécessité de consolider les dispositions du droit européen relatives à la participation obligatoire des travailleurs, sur la base des normes déjà atteintes en la matière, et de faire en sorte que les définitions de l’information, de la consultation et de la participation soient soumises à une harmonisation (21).

4.1.5.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a récemment confirmé que les éléments existants concernant la participation des travailleurs au niveau de l’entreprise, tels que la composition du conseil d’administration, doivent aussi être pris en compte lorsque des sociétés se transforment en adoptant une forme juridique européenne, telle que la société européenne (SE) (22). Il conviendrait que la législation européenne garantisse que le droit des États membres comporte une telle prescription, suivant des modalités comparables d’un point de vue fonctionnel, car toutes les parties intéressées pourraient ainsi fonder leurs actions sur des bases fiables et solides au regard du droit.

4.1.6.

Pour conférer plus d’efficacité aux travaux des comités d’entreprise européens, le CESE a d’ores et déjà étudié des améliorations, touchant, en particulier, au droit de participation, ainsi que s’agissant de mettre à disposition les ressources voulues, de renforcer les mesures d’application, d’affiner les définitions, pour éviter des manœuvres de contournement, et d’instaurer des sanctions prégnantes contre les entreprises qui violent les dispositions concernées (23).

4.1.7.

Ces demandes se retrouvent également dans la résolution tout récemment adoptée par le Parlement européen sur la directive relative aux comités d’entreprise européens, où il demande à la Commission de présenter une proposition de révision de ladite directive en vue de clarifier ses objectifs, définitions et procédures, tout en renforçant le droit des représentants des travailleurs et des syndicats à l’information et à la consultation, en particulier lors des processus de restructuration (24). Le CESE juge fort utile que le Parlement ait lancé ces appels à améliorer ce texte. Il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions juridiques, et, à cet égard, il considère que les mesures qui revêtent le plus d’importance sont celles qui font progresser l’application effective des droits européens dans la pratique quotidienne des entreprises.

4.2.   Revendications en matière de participation des travailleurs dans l’économie des plateformes

4.2.1.

Pour ce qui a trait au travail, l’économie des plateformes ouvre des possibilités, tout en comportant aussi des problèmes et des risques, qui, se combinant à la précarité et aux inégalités (25), posent des défis à la démocratie au travail. Cette observation vaut en particulier pour les possibilités de représentation collective et de protection des droits collectifs (26), lesquels, jusqu’à présent, ont été réservés aux personnes employées directement. La main-d’œuvre de l’économie des plateformes, qui est constituée pour une grande part de nouveaux arrivants sur le marché du travail et de travailleurs migrants, est souvent confrontée à des contraintes plus lourdes en matière de conditions de travail et de rémunérations; il s’impose donc, dès lors que les critères adéquats sont remplis, de leur ménager la possibilité d’exprimer leurs points de vue au titre de la voix des travailleurs.

4.2.2.

Le CESE juge pertinent l’objectif que poursuit l’actuel projet de directive relative au travail via une plateforme qui entend prévenir les situations d’emploi sous un faux statut indépendant. Une telle initiative aurait pour effet que la charge de la preuve incomberait dorénavant aux plateformes, et non plus à leurs travailleurs, lesquels bénéficieraient d’une protection au titre du droit du travail et du droit social, y compris des droits de représentation et un accès plus aisé à la justice. Le Comité prend note des lignes directrices de la Commission relatives à l’application du droit de la concurrence de l’Union aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés.

4.2.3.

Le CESE réitère l’affirmation d’un de ses avis antérieurs posant que les coopératives sont tout particulièrement aptes à garantir la démocratie au travail dans le contexte des plateformes numériques (27). Par ailleurs, il soutient le Parlement européen quand il estime que les coopératives pourraient constituer un instrument important pour l’organisation ascendante du travail via une plateforme (28).

4.2.4.

Sachant que les jeunes issus de milieux vulnérables représentent 55 % des travailleurs sur plateforme, il est capital de les éduquer à la démocratie au travail avant même qu’ils accèdent à l’emploi, de sorte qu’ils puissent exercer leurs droits et lutter contre la discrimination. Avec les partenaires sociaux, les organisations de la société civile actives dans le domaine de l’éducation peuvent jouer un rôle important, et il y a lieu de soutenir les projets afférents.

4.2.5.

Le CESE continuera à suivre certains aspects en rapport avec le thème de la voix des travailleurs dans l’économie des plateformes, et il accordera une attention toute particulière à la situation spécifique des travailleurs indépendants exerçant leur activité via une plateforme et à leur couverture par la négociation collective.

4.3.   La voix des travailleurs dans ses rapports avec le recours à l’intelligence artificielle et la protection des données sur le lieu de travail

4.3.1.

Étant donné les effets de grande ampleur qu’elle peut produire sur les droits fondamentaux, la non-discrimination et les conditions de travail, l’intelligence artificielle doit être assise sur un socle solide de prescriptions qui soient opérantes pour assurer la protection des travailleurs. Elle pose également de nouveaux défis en ce qui concerne les normes démocratiques sur le lieu de travail. Une des préoccupations majeures, dans ce domaine, devrait être la protection de la vie privée et l’application de la législation pertinente. Par ailleurs, il s’impose d’assurer une surveillance, un traçage et un contrôle concernant les algorithmes d’intelligence artificielle qui sont utilisés en milieu professionnel. Parmi les questions qui se posent figurent, par exemple, celle de la manière dont il convient de configurer l’accès des intéressés à cette information, s’agissant de comprendre le mode de fonctionnement de l’algorithme concerné, tout comme la manière dont il influe sur l’organisation de l’activité professionnelle et les conditions de son exercice (29).

4.3.2.

Les partenaires sociaux devraient être associés à toutes les étapes du déploiement et de l’utilisation de l’intelligence artificielle. L’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation, conclu en juin 2020, insiste expressément, entre autres, sur la nécessité de bien anticiper les évolutions en la matière et de garantir que les travailleurs et leurs structures représentatives soient, au niveau stratégique, associés en temps voulu à ce processus (30).

4.3.3.

Les mégadonnées constituant une composante essentielle de l’intelligence artificielle, les systèmes afférents doivent également se conformer aux principes du règlement général de l’Union sur la protection des données (RGPD), dont l’article 88 impose aux employeurs des obligations spécifiques pour assurer la protection des données de leurs employés. Le CESE estime qu’étant donné que le traitement des données évolue à vive allure et devient toujours plus complexe, il conviendrait de vérifier s’il n’est pas nécessaire à présent d’amender les dispositions en vigueur, dans le sens d’un renforcement des protections juridiques requises.

4.3.4.

Le CESE aimerait constater que les syndicats bénéficient d’un accès numérique adéquat aux entreprises et à leurs salariés pour établir et favoriser un dialogue social efficace dans le domaine de l’application de l’intelligence artificielle sur le lieu de travail. Il s’impose de garantir que le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données ne puisse en aucun cas servir à entraver l’exercice légitime des droits collectifs des travailleurs, des sanctions appropriées devant décourager toute velléité d’utilisation abusive de cette réglementation (31).

4.3.5.

Outre les avis qu’il a déjà adoptés à ce propos, le CESE étoffera encore ses positions sur l’impact de l’intelligence artificielle dans le monde du travail et, à cette occasion, portera également son attention sur la question de la voix des travailleurs.

4.4.   La participation en rapport avec le devoir de diligence des entreprises tout au long de leur chaîne d’approvisionnement

4.4.1.

Conçu pour être la stratégie de croissance durable de l’Union européenne, le pacte vert pour l’Europe signifie que pour les entreprises, il est capital non seulement de réussir économiquement mais également de réaliser des objectifs sociaux et environnementaux. Par conséquent, des règles communes garantissant qu’elles adhèrent, tout comme leurs propriétaires, à la «bonne gouvernance d’entreprise» devraient intégrer de manière équilibrée le rôle de toutes les parties prenantes concernées, y compris celles relayant la voix des travailleurs.

4.4.2.

Le respect des droits de l’homme et des droits des travailleurs sur chaque maillon des chaînes d’approvisionnement constitue un paramètre essentiel pour diriger les entreprises d’une manière durable. Créer partout dans le monde un «travail décent» doit devenir un objectif reconnu pour la prise des décisions économiques (32). C’est pour cette raison que le CESE a déjà reconnu qu’il est nécessaire de disposer, au niveau de l’Union européenne, d’un cadre juridique homogène applicable aux entreprises (33). Les chaînes d’approvisionnement devraient occuper une place plus importante dans la gestion des risques, y compris dans le contexte du respect des droits de l’homme. Il est donc logique d’en loger la responsabilité au niveau du conseil d’administration.

4.4.3.

Le CESE note que dans ce domaine du contrôle des obligations de vigilance, ce n’est pas seulement aux travailleurs, aux syndicats et aux organisations représentatives de leurs intérêts qu’est offerte la possibilité d’assumer un rôle déterminant, mais que tel est aussi le cas des parties prenantes de la société civile, comme les associations de défense de l’environnement ou celles qui s’occupent des droits de l’homme ou de ceux du consommateur. Il se félicite dès lors que soit envisagée la possibilité de mettre en place des mécanismes qui effectuent une évaluation et un suivi concernant le respect du devoir de vigilance par les entreprises, tout en s’inquiétant de constater qu’aucun dialogue entre les partenaires sociaux ne soit prévu à cet effet.

4.4.4.

Le CESE a déjà préconisé qu’un rôle de choix soit confié à un cadre juridique contraignant sur le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises, qui tienne compte de la voix des travailleurs (34). Il demande à la Commission que dans le processus décisionnel en cours, le texte législatif proposé comporte des dispositions prévoyant que les travailleurs et les parties prenantes de la société civile, soient obligatoirement associés, en fonction de leurs intérêts et de manière efficace, à la procédure relative au devoir de vigilance.

4.5.   Observations supplémentaires concernant la démocratie sur le lieu de travail et les formes directes de participation

4.5.1.

L’approche de la gestion participative est également importante dans des secteurs où la représentation des travailleurs n’est guère avancée, comme les jeunes pousses, les auto-entreprises, ou encore, dans bien des cas, les petites et moyennes entreprises. En revanche, cette démarche joue déjà un rôle primordial dans les entreprises d’économie sociale, dont, en particulier les organisations de la société civile qui exercent une activité économique et les coopératives. Le CESE encouragera l’échange d’expériences concernant les bonnes pratiques dans ce domaine, s’agissant en particulier d’articuler la participation des travailleurs, que celle-ci s’inscrive dans le cadre statutaire ou dans l’action syndicale, avec des formes d’association directe des employés au fonctionnement de leur entreprise qui ressortissent à la gestion participative.

4.5.2.

Outre la démocratie au travail fondée sur le droit ou le dialogue social, il existe d’autres formes fructueuses de participation démocratique des travailleurs, qui sont très vivantes dans l’économie sociale, principalement au sein des coopératives.

4.5.3.

Au regard de l’objectif d’orienter les mutations structurelles régionales et de créer un pacte écologique et social, la question se pose de savoir comment les formes de démocratie au travail peuvent s’articuler avec des mécanismes de démocratie participative dépassant le champ de l’entreprise pour s’ouvrir à des organisations actives au sein de la société, telles que les organisations environnementales et sociales s’inscrivant dans le contexte régional et local.

4.5.4.

Une mise en œuvre réussie des différentes formes de démocratie dans le monde du travail dépend également d’une coopération entre toutes les parties prenantes qui repose sur la connaissance. Les organisations de la société civile qui déploient, sur le plan régional et local, une activité dans le domaine de l’information, de la formation ou du développement des capacités d’action autonome peuvent encourager une telle collaboration, en entreprenant, en concertation avec les partenaires sociaux et les pouvoirs locaux, des actions ciblées, adaptées aux spécificités du terrain. Dans certains États membres, les organisations de la société civile, dont les organisations de défense des consommateurs et de protection des droits de l’homme, peuvent jouer un rôle complémentaire à cet égard, en donnant aux travailleurs les moyens d’agir et en incitant les employeurs à cultiver la responsabilité sociale des entreprises. De telles activités devraient également recueillir l’appui des fonds européens.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  La Commission présente un plan d’action pour stimuler l’économie sociale et créer des emplois — 9 décembre 2021.

(2)  «Benchmarking Working Europe 2019» (Étalonnage de l’Europe du travail 2019), chapitre 4.

(3)  Eu égard à la diversité des formes et processus qui sont en usage dans les États membres pour assurer la participation des travailleurs et de leurs représentants, le présent avis utilise, quand il y a lieu, l’expression générique de «voix des travailleurs».

(4)  Avec la participation des partenaires sociaux, le corpus du droit dérivé européen s’est enrichi de près de 40 directives, qui définissent un cadre juridique étendu concernant l’information, la consultation et la participation des travailleurs et dont le site de l’Institut syndical européen (ETUI) brosse un tableau d’ensemble.

(5)  Engagement social de Porto de 2021.

(6)  Rapport du Parlement européen A9-0331/2021.

(7)  Résolution du Parlement européen, P9_TA(2023)0028.

(8)  Proposition de recommandation du Conseil relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne, COM(2023) 38 final, p. 14.

(9)  On peut lire dans la résolution «considérant que l’économie sociale et solidaire contribue au travail décent et à des économies inclusives et durables, à la promotion des normes internationales du travail, y compris les droits fondamentaux sur le lieu de travail, à l’amélioration du niveau de vie pour tous et à l’innovation sociale, y compris dans le domaine de la reconversion professionnelle et du perfectionnement des compétences».

(10)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 77.

(11)  JO C 10 du 11.1.2021, p. 14.

(12)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 1, paragraphe 1.1.

(13)  Résolution du CESE relative à l’Année européenne de la jeunesse, adoptée le 8 décembre 2021, paragraphes 2.13 et 2.14 (JO C 100 du 16.3.2023, p. 1).

(14)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 77, paragraphe 1.4, et JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphe 5.5.

(15)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 13, paragraphe 1.6.

(16)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphe 2.6.

(17)  Enquête sur les entreprises en Europe 2019.

(18)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 77, paragraphe 4.1, JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphe 1.11, JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphe 5.1, et JO C 106 du 31.3.2020, p. 1.

(19)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphes 1.14 et 3, JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, et JO C 161 du 6.6.2013, p. 35, paragraphes 4.2.2 et 4.4.2.

(20)  Rapport du Parlement européen, A9-0331/2021.

(21)  La directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (JO L 122 du 16.5.2009, p. 28) et la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (JO L 80 du 23.3.2002, p. 29) devraient servir de points de référence: voir l’avis JO C 161 du 6.6.2013, p. 35, paragraphes 1.6 et 4.4.2.

(22)  Arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 octobre 2022, dans l’affaire C-677/20 (SAP), et du 18 juillet 2017, dans l’affaire C-566/15 (TUI).

(23)  JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, paragraphe 1.10.

(24)  Résolution du Parlement européen, P9_TA(2023)0028.

(25)  The platform economy and the disruption of the employment relationship (L’économie des plateformes et la perturbation de la relation de travail).

(26)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 95.

(27)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 38.

(28)  Rapport du Parlement: Rapport sur la directive sur le travail via une plateforme, considérant (nouveau) 39 bis.

(29)  Labour in the age of AI: why regulation is needed to protect workers (Le travail à l’ère de l’IA: pourquoi une réglementation est nécessaire pour protéger les travailleurs).

(30)  Accord des partenaires sociaux européens sur la numérisation.

(31)  Étude de l’Association européenne des personnels navigants techniques (ECA) (2021), Data Protection Law and the Exercise of collective Labour Rights (La loi sur la protection des données et l’exercice des droits collectifs du travail).

(32)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 149, paragraphes 1.8 et 1.9.

(33)  JO C 486 du 21.12.2022, p. 149, paragraphe 1.11.

(34)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 81, paragraphe 1.7, et JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphe 3.10.


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 74, paragraphe 3, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 3

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 4.1.3

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

C’est ainsi qu’en matière de participation des travailleurs aux organes dirigeants des entreprises lorsqu’ils sont amenés à poser des choix stratégiques, le CESE s’est interrogé sur la nécessité d’instaurer un cadre à l’échelle de l’Union qui soit harmonisé tout en tenant compte de la diversité des situations, d’un État membre à l’autre comme au niveau de chaque entreprise (1).

Le rapport du Parlement européen sur «la démocratie à l’œuvre» (2) trace les contours que pourrait prendre un tel cadre européen régissant les droits d’information, de consultation et de représentation des travailleurs dans les organes de direction.

En outre, il est capital que le cadre réglementaire de l’Union européenne préserve les droits de participation qui existent à l’échelle nationale, dont, au premier chef, la participation des travailleurs dans les organes de décision des entreprises. Il ne peut être question que les dispositions de droit européen qui régissent les transferts transfrontières du siège des entreprises et leur fusion ou établissent des modèles européens de sociétés aboutissent à éluder ou fragiliser des droits acquis au niveau national, tels que la participation des travailleurs au sein des conseils d’administration.

C’est ainsi qu’en matière de participation des travailleurs aux organes dirigeants des entreprises lorsqu’ils sont amenés à poser des choix stratégiques, le CESE s’est interrogé sur la nécessité d’instaurer un cadre à l’échelle de l’Union qui soit harmonisé tout en tenant compte de la diversité des situations, d’un État membre à l’autre comme au niveau de chaque entreprise (1).

Le rapport du Parlement européen sur «la démocratie à l’œuvre» (2) trace les contours que pourrait prendre un tel cadre européen régissant les droits d’information, de consultation et de représentation des travailleurs dans les organes de direction.

En outre, il est capital que le cadre réglementaire de l’Union européenne préserve les droits de participation qui existent à l’échelle nationale, dont, au premier chef, la participation des travailleurs dans les organes de décision des entreprises.

Exposé des motifs

Étant donné que toute forme de participation des travailleurs se fonde sur la législation ou les pratiques nationales, le droit européen des sociétés ne devrait avoir en tant que tel aucune incidence sur les systèmes de participation. En tout état de cause, aucune nouvelle réglementation prise au niveau de l’Union n’apparaît nécessaire pour résoudre d’éventuels problèmes.

Résultat du vote:

Voix pour:

98

Voix contre:

130

Abstentions:

20

AMENDEMENT 4

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 4.1.5

Supprimer

Avis de section

Amendement

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a récemment confirmé que les éléments existants concernant la participation des travailleurs au niveau de l’entreprise, tels que la composition du conseil d’administration, doivent aussi être pris en compte lorsque des sociétés se transforment en adoptant une forme juridique européenne, telle que la société européenne (SE)  (1) . Il conviendrait que la législation européenne garantisse que le droit des États membres comporte une telle prescription, suivant des modalités comparables d’un point de vue fonctionnel, car toutes les parties intéressées pourraient ainsi fonder leurs actions sur des bases fiables et solides au regard du droit.

 

Exposé des motifs

Cette thématique n’a pas été dûment traitée au sein du groupe d’étude, car il s’agit d’une question juridique très complexe présentant un certain nombre d’aspects propres à chaque pays. À cet égard, il n’appartient pas au CESE de tirer des conclusions de l’arrêt de la Cour de justice.

Résultat du vote:

Voix pour:

100

Voix contre:

136

Abstentions:

15

AMENDEMENT 5

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 4.1.7

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

Ces demandes se retrouvent également dans la résolution tout récemment adoptée par le Parlement européen sur la directive relative aux les comités d’entreprise européens, où il demande à la Commission de présenter une proposition de révision de ladite directive en vue de clarifier ses objectifs, définitions et procédures, tout en renforçant le droit des représentants des travailleurs et des syndicats à l’information et à la consultation, en particulier lors des processus de restructuration (1). Le CESE juge fort utile que le Parlement ait lancé ces appels à améliorer ce texte. Il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions juridiques , et, à cet égard, il considère que les mesures qui revêtent le plus d’importance sont celles qui font progresser l’application effective des droits européens dans la pratique quotidienne des entreprises.

Ces demandes se retrouvent également dans la résolution tout récemment adoptée par le Parlement européen sur la directive relative aux les comités d’entreprise européens, où il demande à la Commission de présenter une proposition de révision de ladite directive en vue de clarifier ses objectifs, définitions et procédures, tout en renforçant le droit des représentants des travailleurs et des syndicats à l’information et à la consultation, en particulier lors des processus de restructuration (1). Le CESE prend acte que le Parlement a lancé ces appels à améliorer ce texte. Il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions, et, à cet égard, il considère que les mesures qui revêtent le plus d’importance sont celles qui font progresser l’application effective des droits européens dans la pratique quotidienne des entreprises . Le CESE note aussi que, le 11 avril dernier, la Commission a lancé la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur la question d’une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, dans l’optique de recueillir les points de vue des partenaires sociaux européens sur la nécessité et l’orientation générale d’une éventuelle action européenne visant à améliorer la directive sur les comités d’entreprise européens. La consultation sera ouverte pendant six semaines  (2) .

Exposé des motifs

Les points de vue divergent clairement quant à l’utilité de la résolution du Parlement européen ainsi qu’à l’opportunité de lui apporter notre soutien. Par conséquent, et dans un souci de compromis, il serait possible de prendre acte de la résolution du Parlement. Il conviendrait aussi de noter que, le 11 avril dernier, la Commission a lancé la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur la question d’une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, dans l’optique de recueillir les points de vue des partenaires sociaux européens sur la nécessité et l’orientation générale d’une éventuelle action européenne visant à améliorer la directive sur les comités d’entreprise européens. La consultation sera ouverte pendant six semaines.

Résultat du vote:

Voix pour:

86

Voix contre:

139

Abstentions:

18

AMENDEMENT 6

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 4.4.4

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

Le CESE a déjà préconisé de donner un rôle important à un cadre juridique contraignant sur le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises, qui tienne compte de la voix des travailleurs (1) . Il demande à la Commission que, dans le processus décisionnel en cours, le texte législatif proposé comporte des dispositions prévoyant que les travailleurs, tout comme les parties prenantes de la société civile, soient obligatoirement associés, en fonction de leurs intérêts et de manière efficace, à la procédure relative au devoir de vigilance.

Le CESE a déjà préconisé de donner un rôle important à un cadre juridique contraignant sur le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises, qui tienne compte de la voix des travailleurs (1).

Exposé des motifs

L’amendement justifie avec davantage de précision l’objectif des avis du CESE en ce qui concerne un devoir de diligence des entreprises inscrit dans la durée.

Étant donné que la proposition de la Commission sur le devoir de diligence est en attente dans le cadre du processus législatif, les réactions du CESE ne sont pas utiles. Quant au contenu même de la phrase qu’il est proposé de supprimer, la demande de dispositions législatives sur la participation obligatoire ne peut être soutenue car elle reviendrait à porter atteinte aux responsabilités de la direction et des propriétaires de la société concernée.

Résultat du vote:

Voix pour:

89

Voix contre:

148

Abstentions:

11

AMENDEMENT 1

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 1.6

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

Depuis des décennies, les comités d’entreprise européens contribuent de manière positive aux objectifs économiques, sociaux et écologiques que les entreprises poursuivent sur le long terme. Pour accroître leur potentiel et leur efficacité , il convient d’améliorer considérablement leurs droits de participation et leurs ressources. Il y a lieu, par exemple, d’imposer des sanctions effectives lorsque ces droits de participation qui leur sont reconnus sont contournés ou bafoués, et ils doivent obtenir un accès plus aisé à la justice . Dans ce contexte, le CESE salue la résolution que le Parlement européen a récemment adoptée concernant la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, et il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions juridiques en la matière.

Depuis des décennies, les comités d’entreprise européens contribuent de manière positive aux objectifs économiques, sociaux et écologiques que les entreprises poursuivent sur le long terme. Pour accroître leur potentiel et leur efficacité, le CESE estime qu’il est nécessaire de continuer à promouvoir une mise en œuvre efficace et des orientations fondées sur des outils pratiques tels que l’évaluation comparative avec les meilleures pratiques . Dans ce contexte, le CESE prend acte de la résolution que le Parlement européen a récemment adoptée concernant la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, et il invite la Commission à adopter en temps utile des dispositions appropriées en la matière pour favoriser la bonne application de ladite directive. Le CESE note aussi que, le 11 avril dernier, la Commission a lancé la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur la question d’une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, dans l’optique de recueillir les points de vue des partenaires sociaux européens sur la nécessité et l’orientation générale d’une éventuelle action européenne visant à améliorer la directive sur les comités d’entreprise européens. La consultation sera ouverte pendant six semaines (1).

Exposé des motifs

La directive sur les comités d’entreprise européens, telle que refondue en 2009, est adaptée à l’objectif poursuivi, et il n’est pas nécessaire de procéder à une révision législative qui serait immanquablement longue et lourde. Au contraire, dans un esprit de bonne coopération, l’application de ladite directive pourrait être renforcée par des efforts conjoints des partenaires sociaux, qui pourraient, par exemple, élaborer un code de bonnes pratiques. Il conviendrait aussi de noter que, le 11 avril dernier, la Commission a lancé la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur la question d’une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, dans l’optique de recueillir les points de vue des partenaires sociaux européens sur la nécessité et l’orientation générale d’une éventuelle action européenne visant à améliorer la directive sur les comités d’entreprise européens. La consultation sera ouverte pendant six semaines.

Résultat du vote: en corrélation avec l’amendement 5

AMENDEMENT 2

SOC/746

La démocratie sur le lieu de travail

Paragraphe 1.11

Modifier comme suit

Avis de section

Amendement

Le CESE regrette toutefois que la participation des travailleurs au conseil d’administration de leur entreprise ne soit pas également vue comme l’une des pièces maîtresses de sa gestion durable. Par conséquent, il soutient les efforts appropriés qui sont déployés afin d’établir un cadre harmonisé pour la participation des travailleurs au sein des conseils d’administration, tout en tenant compte des différences entre États membres , et de s’assurer que le droit européen des sociétés n’aboutisse pas à y éluder ou fragiliser la participation des travailleurs .

Le CESE regrette toutefois que la participation des travailleurs au conseil d’administration de leur entreprise ne soit pas également vue comme l’une des pièces maîtresses de sa gestion durable. Par conséquent, il soutient les efforts appropriés qui sont déployés dans le but d’appuyer la participation des travailleurs au sein des conseils d’administration, tout en tenant compte des différences entre États membres.

Exposé des motifs

S’il est vrai qu’il existe un encadrement juridique complet au niveau de l’Union européenne pour l’information et la consultation des travailleurs, il n’en reste pas moins que les systèmes de participation restent fondés sur des cadres juridiques nationaux et des traditions profondément ancrées. Une réglementation au niveau européen risquerait de saper et d’étouffer les évolutions nationales, ainsi que d’interférer dans le droit des sociétés de chaque État membre. Il s’agit d’un domaine où la meilleure voie à suivre, y compris dans le contexte de la gouvernance d’entreprise, ne passe pas par la réglementation, mais plutôt par l’échange de bonnes pratiques et d’autres moyens de diffusion de l’information.

Étant donné que toute forme de participation des travailleurs se fonde sur la législation ou les pratiques nationales, le droit européen des sociétés ne devrait avoir en tant que tel aucune incidence sur les systèmes de participation. En tout état de cause, aucune nouvelle réglementation prise au niveau de l’Union n’apparaît nécessaire pour résoudre d’éventuels problèmes.

Résultat du vote: en corrélation avec l’amendement 3


(1)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphes 1.14 et 3, JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, et JO C 161 du 6.6.2013, p. 35, paragraphe 4.2.2 et 4.4.2.

(2)  Rapport du Parlement européen A9-0331/2021.

(1)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphes 1.14 et 3, JO C 10 du 11.1.2021, p. 14, et JO C 161 du 6.6.2013, p. 35, paragraphe 4.2.2 et 4.4.2.

(2)  Rapport du Parlement européen A9-0331/2021.

(1)   Arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 octobre 2022, dans l’affaire C-677/20 (SAP), et du 18 juillet 2017, dans l’affaire C-566/15 (TUI).

(1)  Résolution du Parlement européen, P9_TA(2023)0028.

(1)  Résolution du Parlement européen, P9_TA(2023)0028.

(2)   Première phase de consultation des partenaires sociaux européens(europa . eu).

(1)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 81, paragraphe 1.7, et JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphe 3.10.

(1)  JO C 443 du 22.11.2022, p. 81, paragraphe 1.7, et JO C 341 du 24.8.2021, p. 23, paragraphe 3.10.

(1)   Première phase de consultation des partenaires sociaux européens(europa . eu).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/58


Avis du Comité économique et social européen sur la procédure concernant les déséquilibres sociaux

(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

(2023/C 228/07)

Rapporteure:

Justyna Kalina OCHĘDZAN

Demande de la présidence espagnole du Conseil

Lettre, 27.7.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

234/7/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que l’Union européenne et ses États membres doivent ménager un équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale de leur développement afin d’aboutir, sous ces trois aspects, à une convergence vers le haut tout en assurant un respect attentif des droits de l’homme. Parvenir à un tel développement conjoint pose de multiples défis.

1.2.

Le CESE constate que, face à la multiplication des crises, et dans l’éventualité d’autres à venir, il convient de repenser la gamme des instruments dont l’Union dispose en matière de gouvernance sociale, afin de parvenir en la matière à une convergence vers le haut et de réduire les inégalités.

1.3.

Ces crises multiples et leurs effets sur le long terme viennent compromettre la convergence sociale vers le haut dans une Union européenne où la gouvernance budgétaire et macroéconomique ainsi que la gouvernance environnementale sont davantage développées et mieux coordonnées que la gouvernance sociale. Une procédure concernant les déséquilibres sociaux (PDS) offrirait, aux yeux du CESE, une chance d’améliorer la coordination des efforts déployés à l’échelon national pour parvenir à une convergence sociale vers le haut. Elle devrait également permettre de mieux exploiter l’architecture actuelle de la gouvernance européenne.

1.4.

Le CESE recommande d’inscrire la mise en place et le développement ultérieur de la PDS dans le cadre du système intégré de coordination des politiques de l’Union et des États membres via le semestre européen. Il est important que la PDS vienne compléter les processus et outils préexistants en matière de suivi et qu’elle apporte une valeur ajoutée manifeste s’agissant de faciliter une convergence sociale vers le haut.

1.5.

La meilleure façon de mettre en œuvre la PDS consistera à procéder par étapes pour en faire, en fonction des besoins, un prolongement ou une composante intégrée des procédures et systèmes déjà en place en matière de suivi des incidences sociales sur la base du socle européen des droits sociaux (SEDS) et du plan d’action qui s’y rapporte.

1.6.

Le CESE propose que les déséquilibres sociaux soient définis comme les situations jugées critiques dans le cadre du tableau de bord social, et des écarts manifestes par rapport à la trajectoire tracée pour la réalisation des objectifs fixés dans le plan d’action du SEDS. Il faudra faire en sorte d’apporter des améliorations qualitatives à la méthodologie employée pour mesurer les incidences sociales, afin de prendre pleinement en considération les principes du SEDS et les tendances pluriannuelles.

1.7.

Le CESE recommande d’intégrer la PDS dans le semestre européen, tout au long de ses différentes phases. La Commission et le Conseil devraient se servir du rapport conjoint sur l’emploi, des rapports par pays et des bilans approfondis ad hoc pour détecter et corriger les déséquilibres sociaux. Les déséquilibres sociaux décrits dans les rapports par pays devraient être abordés dans un paragraphe spécifique en préambule des recommandations adressées à l’État concerné ainsi que dans le corps même des recommandations. Ces dernières devraient encourager les États membres à mettre en œuvre les réformes concrètes qui, selon l’analyse de la Commission, et de l’avis des États membres, des partenaires sociaux nationaux et des organisations de la société civile, seront les plus susceptibles de concourir à une amélioration de la situation dans les domaines jugés critiques. En réponse, et après consultation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, l’État membre concerné devrait proposer les initiatives et les réformes qu’il y aurait lieu d’engager pour améliorer les situations critiques recensées. Le plan ainsi élaboré pourrait aussi comporter une évaluation de la cohérence entre les initiatives prévues et les politiques suivies par l’État membre en question en matière macroéconomique et budgétaire, afin de parvenir à un juste équilibre entre les dimensions économique, sociale et budgétaire.

1.8.

La Commission et les États membres devraient envisager d’assouplir les règles en vigueur en matière d’allocation de fonds (y compris les Fonds ESI et la FRR, parmi d’autres) de telle manière à ce qu’elles puissent être rapidement adaptées aux défis sociaux actuels et aux situations critiques que la mise en œuvre de la PDS aura mises en évidence.

2.   Observations générales

2.1.

Le présent document répond à une demande adressée par la présidence espagnole au CESE pour qu’il élabore un avis exploratoire sur la question d’une «procédure concernant les déséquilibres sociaux» (PDS). Le CESE est invité à répondre aux questions suivantes: i) Selon le CESE, quelles devraient être les modalités à privilégier pour la mise au point d’une PDS en tant que mécanisme spécifique de détection et de suivi des inégalités sociales croissantes dans l’Union européenne? ii) Comment intégrer au mieux la PDS dans la structure institutionnelle actuelle et le dispositif du semestre européen, tout en limitant la charge administrative que pourrait susciter sa mise en place? iii) Comment articuler le socle européen des droits sociaux avec le système de suivi institué dans le cadre de la nouvelle PDS? iv) De quelle manière pourrait-on s’appuyer sur le processus actuel de gouvernance économique afin de renforcer la cohérence et la concordance entre les aspects macroéconomiques et sociaux du semestre européen?

2.2.

Afin d’opérer une transition écologique et numérique qui soit juste et d’atténuer les conséquences néfastes de la pandémie de COVID-19, l’Union européenne et ses États membres devraient porter un regard attentif sur les causes des inégalités sociales et s’employer à trouver un équilibre entre les dimensions économique et sociale d’un développement inclusif, sur la base des principes posés par le socle européen des droits sociaux (SEDS) (1).

2.3.

À l’occasion du sommet social qui s’est tenu à Porto en mai 2021, la Belgique et l’Espagne ont proposé d’élargir le tableau de bord social révisé en le dotant d’un mécanisme d’alerte qui permettrait de déclencher un suivi et des discussions au niveau de la Commission et des ministères, sur le modèle de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques prévue dans le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) (2).

2.4.

La discussion engagée en vue de renforcer la dimension sociale du semestre européen grâce à l’introduction d’une procédure concernant les déséquilibres sociaux s’est poursuivie au sein du Conseil EPSCO en octobre et décembre 2021, et la présidence française a inscrit cette question dans les débats et le programme de travail du premier semestre 2022. Les conclusions en ont été examinées par le Conseil EPSCO lors de sa réunion de juin 2022.

2.5.

Aux fins de la mise en œuvre du SEDS, l’Union et ses États membres ont convenu d’un plan d’action comportant trois grands objectifs assortis d’objectifs secondaires. Chaque État membre s’est également fixé des objectifs propres à cet effet. Le suivi de la mise en œuvre du SEDS dans les États membres s’effectue par ailleurs au moyen d’une méthodologie complexe, celle du tableau de bord social (3), qui comprend des indicateurs principaux et secondaires. Sur la base de ce suivi, on détermine la position des États membres par rapport à la moyenne dans les catégories définies par les indicateurs. On peut ainsi repérer les domaines relevant du SEDS pour lesquels il s’impose de prendre des mesures dans certains États membres (situations critiques sur le plan social).

2.6.

Le semestre européen (4) est le processus de coordination de la politique suivie par l’Union et de celles des États membres au regard des instruments permettant d’atteindre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux qui ont été fixés. Il est également tenu compte, dans le cadre de ce processus, du SEDS, du plan d’action qui s’y rapporte et du suivi des incidences sociales.

3.   Cap sur une convergence sociale vers le haut

3.1.

Le CESE considère que, face à la multiplication des crises, dans l’éventualité d’autres à venir, et contre les déséquilibres économiques et sociaux, il convient de repenser la gamme des instruments dont l’Union dispose en matière de gouvernance sociale, afin de parvenir en la matière à une convergence vers le haut et de réduire les inégalités (5). En 2022, une majorité de 37 % des européens exprimait son désaccord ou son net désaccord avec l’affirmation selon laquelle la population de leur pays serait justement récompensée de son mérite, quand ils n’étaient que 35 % à y souscrire (6).

3.2.

De l’avis du CESE, réaliser de front les objectifs économiques, sociaux et environnementaux dans le cadre d’une convergence globale vers le haut représente un immense défi. Ces dernières années, ont été mises au point des procédures de gouvernance en matière budgétaire et macroéconomique ainsi que, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, dans le domaine de l’environnement, de même qu’une coordination entre ces dispositifs. Au regard de l’avancement de ces domaines et de leur coordination, la dimension sociale de la gouvernance européenne a pris du retard.

3.3.

En cette période de l’après-COVID, l’Europe est confrontée à une crise énergétique, migratoire, militaire et climatique, et elle doit aller résolument de l’avant à la fois sur le front économique et sur le terrain social, au niveau de l’Union comme à celui de ses États membres. Par conséquent, le CESE recommande de mettre en place la PDS sous la forme d’un mécanisme de suivi et de coordination qui favoriserait la réalisation d’objectifs sociaux et économiques mieux conçus tout en contribuant à la convergence sociale dans toute l’Union.

3.4.

La Commission et les États membres devraient envisager d’assouplir les règles en vigueur en matière d’allocation de fonds (y compris les Fonds ESI et la FRR, parmi d’autres) de telle manière à ce qu’elles puissent être rapidement adaptées aux défis sociaux actuels et aux situations critiques mises en évidence, notamment, grâce à la mise en œuvre de la PDS. La COVID-19, la guerre en Ukraine, les crises du coût de la vie, du climat et de la migration: toutes ces considérations appellent des réactions plus efficaces de l’échelon national et, le cas échéant, de l’Union, afin de traiter les conséquences que ces crises et les nouvelles formes d’exclusion produisent sur le long terme. La hausse du coût de la vie est à l’heure actuelle la préoccupation la plus pressante des européens, partagée par 93 % d’entre eux, suivie de la pauvreté et de l’exclusion sociale, qui représente un sujet de crainte pour 82 % d’entre eux (7). Un autre sondage Eurobaromètre montre que 78 % des européens considèrent que la dépense publique globale en faveur des principales politiques sociales devrait augmenter (8).

4.   Réponses aux questions de la présidence espagnole

4.1.

Le CESE propose que les déséquilibres sociaux soient définis comme les situations jugées critiques dans le cadre du tableau de bord social, et des écarts manifestes par rapport à la trajectoire tracée pour la réalisation des objectifs fixés dans le plan d’action du SEDS. Il faudra faire en sorte d’apporter des améliorations qualitatives à la méthodologie employée pour mesurer les incidences sociales, afin de prendre pleinement en considération les principes du SEDS et les tendances pluriannuelles. Seuls des indicateurs fiables et comparables devraient être utilisés pour mesurer les progrès vers la réalisation des objectifs fixés par le plan d’action du SEDS.

4.2.

Le CESE recommande d’inscrire la mise en place et le développement ultérieur de la PDS dans le cadre du système intégré de coordination des politiques de l’Union et des États membres via le semestre européen. Il est important que la PDS vienne compléter les processus et outils préexistants en matière de suivi et qu’elle apporte une valeur ajoutée manifeste s’agissant de faciliter une convergence sociale vers le haut. Il conviendra, dans le même temps, d’éviter les charges administratives superflues si l’on veut susciter l’adhésion et l’engagement des États membres.

4.3.

L’objectif de la PDS est d’améliorer la coordination entre l’Union et ses États membres dans le but de parvenir à une convergence sociale vers le haut inspirée des principes du SEDS. Le CESE estime que cette démarche est déjà en partie matérialisée par le plan d’action relatif au SEDS, assorti d’objectifs à l’horizon 2030, et le suivi des incidences sociales. Le CESE s’inquiète néanmoins de ce que la réalisation de ces objectifs ne soit contrariée par le manque d’investissements et de réformes en matière sociale dans les États membres où le tableau de bord social a fait apparaître des situations critiques dans ce domaine. De telles situations compromettent la réalisation des objectifs prévus par le plan d’action relatif au SEDS et d’une convergence sociale ascendante, et elles devraient par conséquent faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la PDS.

4.4.

Le CESE estime que l’on devrait accorder la même importance à la PDS qu’au pacte de stabilité et de croissance (PSC) ou à la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM). La PDS pourrait améliorer encore ce qui a déjà été accompli sur le terrain de la gouvernance sociale, moyennant une mobilisation plus efficace des processus et étalons existants en matière de convergence sociale et, au besoin, la création de nouveaux dispositifs en ce sens. La PDM et la PDS devraient être coordonnées et non se chevaucher.

4.5.

Le CESE tient à rappeler que l’Union européenne et les États membres disposent de compétences différentes dans la formulation des politiques sociales en ce qui concerne le travail, l’éducation, la santé et la protection sociale, domaines qui relèvent du SEDS. C’est aux États membres — gouvernements et collectivités — qu’incombent les principales compétences et attributions en la matière, ainsi qu’aux différentes parties prenantes que sont les organisations syndicales, les organisations d’employeurs et les organisations de la société civile. Dans le cadre de ce partage des compétences entre l’Union européenne et les États membres, cette dernière entreprend dans ces domaines de nombreuses initiatives qui relèvent de leur coordination, de leur régulation et de leur financement dans le cadre de la politique de cohésion et de ses priorités en matière sociale.

4.6.

De l’avis du CESE, il serait possible de mettre en place la PDS dans l’état du droit tel qu’il existe actuellement dans l’Union. De fait, l’Union est investie de missions importantes en matière sociale, qu’elle peut mener à bien essentiellement par la voie de déclarations (le SEDS et son plan d’action) et de recommandations, d’instruments de financement (par exemple la conditionnalité sociale et les priorités sociales de la politique de cohésion) et d’instruments de coordination (le semestre européen et le suivi des incidences sociales fondé sur le SEDS). Cette approche tient compte des compétences propres à chaque niveau ainsi que du rôle des différentes parties prenantes que sont les organisations d’employeurs, les organisations syndicales et les organisations de la société civile. Une PDS serait apte à soutenir les efforts déployés par les responsables politiques afin de parvenir à une convergence sociale vers le haut et de réduire les inégalités. Elle devra, pour ce faire, prendre en considération les aspects sociaux pertinents que les États membres et les différentes parties intéressées auront définis conjointement.

4.7.

Pour autant que la PDS soit convenablement articulée avec les mécanismes préexistants, tels que le semestre européen et, surtout, le tableau de bord social, elle peut contribuer à renforcer les avancées obtenues jusqu’à présent, en l’occurrence le plan d’action du socle européen des droits sociaux et le suivi des incidences sociales fondé sur ce même socle.

4.8.

À la lumière de ce qui précède, le CESE estime que la première étape de la mise en place d’une PDS doit consister à introduire des changements dans les principes suivis par la Commission pour préparer, dans le cadre du semestre européen, le rapport conjoint sur l’emploi et ses rapports et recommandations par pays.

4.9.

Un sous-chapitre spécifique du rapport conjoint sur l’emploi et des rapports par pays devrait être consacré aux déséquilibres sociaux qui compromettent une convergence sociale ascendante aux fins d’examiner les aspects critiques détectés lors du suivi du tableau de bord social. Cette démarche ne concernera donc que les seuls États membres où de tels domaines critiques auront été recensés.

4.10.

Le CESE recommande d’intégrer la PDS dans le semestre européen, tout au long de ses différentes phases. La Commission et le Conseil devraient se servir du rapport conjoint sur l’emploi, des rapports par pays et des bilans approfondis ad hoc pour détecter et corriger les déséquilibres sociaux.

4.11.

Les déséquilibres sociaux décrits dans les rapports par pays devraient être abordés dans un paragraphe spécifique en préambule des recommandations adressées à l’État concerné ainsi que dans le corps même des recommandations. Ces dernières devraient encourager les États membres à mettre en œuvre les réformes concrètes qui, selon l’analyse de la Commission, et de l’avis des États membres, des partenaires sociaux nationaux et des organisations de la société civile, seront les plus susceptibles de concourir à une amélioration de la situation dans les domaines jugés critiques. En réponse, et après consultation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, l’État membre concerné devrait proposer les initiatives et les réformes qu’il y aurait lieu d’engager pour améliorer les situations critiques recensées. Ce plan d’initiatives et de réformes pourrait également comporter une évaluation de la cohérence entre les initiatives prévues et les politiques suivies par l’État membre en question en matière macroéconomique et budgétaire, afin de parvenir à un juste équilibre entre les dimensions économique, sociale et budgétaire.

4.12.

Dans un souci de transparence et afin d’agir efficacement sur la situation qui prévaut dans les États membres, l’Union devrait déployer des instruments nouveaux et mieux financés pour s’adresser directement à la population des États lorsqu’elle communique sur la PDS et les recommandations du semestre européen.

4.13.

Afin d’éviter une convergence vers le bas, les États soumis à une procédure pour déficit excessif (PDE) devraient néanmoins être tenus d’adopter un plan de réformes et d’investissements dans les domaines jugés critiques. Dans ce cas, l’État membre concerné devrait avoir le droit de renégocier les plans de dépenses correspondant à d’autres fonds, y compris la FRR le cas échéant, en concertation avec la Commission.

4.14.

La démarche proposée ci-dessus comme première étape dans la mise en place de la PDS est celle qui impose à l’Union aussi bien qu’aux États membres le moins de charges supplémentaires en termes d’études et de gestion. Elle n’implique pas la publication de rapports supplémentaires pour tous les États membres, pas plus qu’elle n’ajoute de nouvelles procédures de suivi et de rapport en plus de celles déjà en place.

4.15.

Le système actuel de suivi des incidences sociales conçu pour le SEDS est quant à lui déjà établi et repose sur une méthodologie complexe consistant à interpréter un vaste ensemble d’indicateurs, lesquels correspondent aux grands domaines couverts par le SEDS. Les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés par le plan d’action du SEDS font également l’objet d’un suivi. La PDS devrait être intégrée dans l’actuel processus du semestre européen et exploiter les indicateurs existants (tableau de bord social).

4.16.

La prochaine étape dans la mise en œuvre d’une PDS devrait consister à calibrer le champ de ce qui est mesuré et le périmètre des indicateurs, conformément à la définition qui aura été donnée des déséquilibres sociaux dans la perspective d’une convergence sociale vers le haut.

4.17.

Les analyses et consultations qui seront menées au sujet de la PDS devraient répondre aux interrogations sur la précision avec laquelle les indicateurs de suivi du tableau de bord social reflètent l’ensemble des principes du SEDS, et exposer aussi dans quelle mesure et de quelle manière les domaines jugés critiques font obstacle à une convergence sociale vers le haut.

4.18.

La situation générale qui prévaut dans les États membres, notamment sur le plan économique, exerce une influence fondamentale sur l’ampleur et la dynamique des problèmes d’ordre social qui touchent leur population et, partant, sur la convergence sociale ascendante. Si de bons résultats économiques représentent la condition d’un bilan satisfaisant sur le plan social, alors les mécanismes de coordination destinés à garantir les performances économiques (PSC et PDM) seront d’une importance primordiale pour le volet social. La première étape suggérée par le CESE pour mettre en place la PDS tient compte de cette approche, celle-là même sur laquelle est fondée la logique qui préside à la gouvernance budgétaire et macroéconomique de l’Union.

5.   Défis et priorités en lien avec le développement de la PDS

5.1.

La suite à donner au développement de la PDS dans le cadre du système intégré de coordination des politiques de l’Union et des États membres via le semestre européen, mais aussi d’autres instruments de l’Union, devrait faire l’objet d’une série d’analyses et de discussions au sein de la Commission, du Conseil, des États membres, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, l’objectif étant que cette procédure soit introduite parallèlement à la réforme de la gouvernance budgétaire et macroéconomique (9).

5.2.

La faisabilité politique, administrative et économique de l’introduction et du développement de la PDS devrait être examinée plus en détail. À cet égard, une attention particulière devrait être portée à ne pas dupliquer les procédures, afin que la charge administrative soit réduite au minimum et que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile soient véritablement associés à ces démarches.

5.3.

Le CESE souligne que le Conseil EPSCO devrait assumer un rôle plus important dans la PDS afin de renforcer la validation politique des résultats fournis par cet instrument. La participation du Conseil EPSCO pourrait prendre la forme de conclusions du Conseil sur la PDS qui seraient adoptées à l’issue de la procédure.

5.4.

Le CESE souligne qu’il est essentiel, pour la mise en œuvre de la PDS, de tirer des conclusions pratiques et concrètes du suivi des incidences sociales et du degré d’avancement des objectifs sociaux de l’Union dans les États membres.

a)

La première conclusion porte sur la coordination entre la gouvernance budgétaire et macroéconomique d’une part et la PDS d’autre part. Il convient d’adresser aux États membres soumis à une procédure pour déficit excessif et/ou exposés à un risque de déséquilibres macroéconomiques, où dans le même temps le tableau de bord social fait apparaître des domaines critiques, et qui s’écartent de la trajectoire tracée pour la mise en œuvre des objectifs sociaux, un signal clair leur signifiant que l’Union soutient les réformes et les investissements sociaux dans les domaines jugés critiques. C’est à chaque État membre qu’il appartient de proposer, à sa discrétion, les solutions et les approches se prêtant le mieux à la correction des domaines critiques.

b)

La seconde conclusion pratique concerne la mise en œuvre de la première dans le cadre du semestre européen (10). La Commission devrait tenir compte, dans un sous-chapitre spécifique de ses rapports par pays, de l’analyse des déséquilibres sociaux effectuée sur la base du suivi des incidences sociales et des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs sociaux. Elle devrait également aborder ces questions dans ses recommandations par pays, à la fois dans le préambule et dans le corps même des recommandations.

Il conviendra de veiller à ce que le Conseil EPSCO, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile puissent jouer le rôle qui leur revient dans ce dispositif.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  JO C 286 du 16.7.2021, p. 13.

(2)  Belgian-Spanish Non Paper ahead of the Porto Social Summit.

(3)  Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/web/european-pillar-of-social-rights/overview

(4)  Avis du CESE, Le Semestre européen et la politique de cohésion — Vers une nouvelle stratégie européenne pour l’après-2020 (JO C 353 du 18.10.2019, p. 39).

(5)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 1.

(6)  Eurobaromètre, 2023, Fairness, inequality and intergenerational mobility.

(7)  Sondage pour le Parlement européen réalisé à l’automne 2022.

(8)  Eurobaromètre, 2023, Fairness, inequality and intergenerational mobility.

(9)  Avis du CESE, «Un socle européen des droits sociaux» (JO C 125 du 21.4.2017, p. 10).

(10)  Avis du CESE, «Le Semestre européen et la politique de cohésion — Vers une nouvelle stratégie européenne pour l’après-2020» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 39).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/64


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le développement des compétences et aptitudes dans le contexte de la double transition écologique et numérique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

(2023/C 228/08)

Rapporteure:

María del Carmen BARRERA CHAMORRO

Corapporteure:

Justyna Kalina OCHĘDZAN

Demande de la Suède

Présidence du Conseil

Lettre du 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

149/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) observe que le marché de l’emploi est marqué par un accroissement des inégalités, dû à la transition numérique. On y constate en particulier une baisse, consécutive à leur automatisation, du nombre de postes de travail qui exigent un niveau moyen de qualifications et procurent une rémunération située dans la fourchette médiane des salaires, alors qu’en parallèle, on assiste à une montée en puissance des emplois qui sont faiblement qualifiés et rémunérés. Par ailleurs, le nombre d’emplois hautement qualifiés et rémunérés devrait augmenter, entraînant ainsi une spécialisation croissante des postes de travail (1). Le Comité relève en outre que les pénuries de main-d’œuvre et de savoir-faire prennent un tour de plus en plus aigu dans un large spectre de secteurs d’activité. Il estime qu’un accès effectif à la formation constitue un enjeu essentiel pour aider les entreprises et les travailleurs à relever ce défi et qu’il est en outre primordial pour contribuer à prévenir, sur le marché de l’emploi, l’apparition d’inégalités dues à la transition numérique.

1.2.

Le CESE reconnaît qu’il importe d’éviter que les transitions ne s’opèrent à coups de licenciements ou mesures radicales sur le marché du travail, et il presse la Commission européenne et les États membres d’établir des mécanismes en faveur des mutations qui s’effectuent sur le plan interne, plutôt qu’externe, c’est-à-dire celles lors desquelles les entreprises fournissent à leurs travailleurs une formation aux compétences requises et s’abstiennent ainsi de licencier ceux qui en sont dépourvus.

1.3.

L’éducation constitue un droit de l’homme tout au long de la vie de chaque individu. Dans le droit fil du socle européen des droits sociaux, le CESE exhorte par conséquent les États membres à instaurer des droits à l’apprentissage permanent qui, dans le respect des systèmes nationaux de relations sociales et des pratiques en matière d’éducation et de formation, offrent à chaque citoyen des possibilités d’apprendre et de s’épanouir sur le plan personnel et professionnel et fassent de cette démarche le principe directeur essentiel des politiques éducatives et formatives.

1.4.

Le CESE demande que, pour tout un chacun, l’accès à toutes les qualifications requises pour faire face aux enjeux de la double transition, numérique et écologique, constitue un droit en bonne et due forme, qui doit reposer sur une formation validée et certifiée portant sur les savoir-faire ressortissant au domaine du numérique, de l’écologie et de la durabilité environnementale. À cette fin, il est nécessaire que, dans le respect de la législation et des accords nationaux, le parcours formatif concernant ces compétences soit assorti d’un congé de formation rémunéré.

1.5.

De l’avis du CESE, les initiatives que la Commission européenne a prises jusqu’à présent en matière de compétences numériques et écologiques sont insuffisantes et n’ont ménagé que peu de place à une participation des partenaires sociaux. Aussi le Comité lance-t-il un appel pour que le plan d’action 2021-2027 de l’Union européenne en matière d’éducation numérique intègre des stratégies efficaces afin d’améliorer le secteur formatif et mettre à jour les compétences des travailleurs, actifs ou au chômage, dans toutes les branches d’activité, et ce, quelle que soit la taille des entreprises concernées et en s’appuyant à cette fin sur les partenaires sociaux. À l’échelle nationale, il convient que ces partenaires sociaux poursuivent dans chaque État membre la mise en œuvre de l’accord-cadre européen sur la numérisation (2). Le CESE souhaite mettre en avant le rôle que la négociation collective joue afin de fournir un instrument destiné à configurer les programmes de formation et à les adapter.

1.6.

Le CESE réclame que les instances publiques responsables certifient, plutôt que de se borner à la valider simplement, la formation dispensée en matière d’aptitudes et de compétences numériques et écologiques.

1.7.

Le CESE demande instamment à la Commission de mettre au point, à l’échéance de 2030, un indicateur annuel qui recense, avec une rubrique particulière pour les jeunes, le nombre d’adultes et de salariés qui participent à des actions d’acquisition de capacités en matière de compétences vertes, de sensibilisation à l’environnement et de responsabilités écologiques et environnementales, en privilégiant pour ce faire des outils simples et adaptés aux petites et moyennes entreprises.

1.8.

Le CESE invite à encourager et faciliter une adaptation des cursus d’apprentissage existants afin qu’ils intègrent les compétences qui sont requises dans le contexte de la double transition, numérique et écologique.

1.9.

Le CESE juge qu’il est primordial de mettre en place une veille stratégique concernant la capacité à anticiper les besoins futurs en matière de formation pour le marché du travail et la société dans les États membres, de manière à éviter que des fractures n’y apparaissent sur le plan écologique et numérique et à renforcer ainsi la compétitivité de l’Union européenne.

1.10.

Le CESE relève que de profondes inégalités existent en ce qui concerne les niveaux élémentaires de maîtrise des compétences numériques, et qu’elles affectent en particulier les groupes défavorisés et bon nombre d’adultes, dont, en particulier, les personnes âgées. Cette fracture de l’ère numérique constitue une réalité, et dans la programmation relative aux savoir-faire en matière de numérique, il conviendrait par conséquent de prêter davantage attention à la formation des plus âgés et d’autres catégories défavorisées, le cas échéant en l’adaptant à leurs besoins, et de veiller à ce que personne ne soit laissé au bord du chemin dans le cours de la double transition numérique et écologique. Il s’impose de veiller tout particulièrement à ce que les femmes soient intégrées dans ces formations, étant donné le fossé qui les sépare des hommes, s’agissant d’accéder aux possibilités de se former pour s’adapter à ce processus de transition double.

1.11.

Le CESE reconnaît que pour assurer une transition juste, il est nécessaire de garantir que toute la population puisse avoir accès à des possibilités d’améliorer ses compétences numériques de base, nécessaires pour s’acquitter de ses tâches quotidiennes, ainsi que pour comprendre les enjeux de la cybersécurité, de la communication numérique, de la sécurité des données, de la protection de celles de nature personnelle et de la vie privée sur l’internet et pour appréhender les dangers de la désinformation.

2.   Observations générales

2.1.

L’époque que nous traversons aujourd’hui est faite de changements et de transitions. Les crises qui se sont succédé s’accompagnent d’importants défis posés aux entreprises, aux forces de travail et aux citoyens, à l’image des bouleversements rapides que la double transition numérique et écologique provoque sur le marché du travail. Dans le même temps, l’on assiste à l’émergence d’un éventail de nouvelles professions en rapport avec ladite transition, tandis que les emplois d’aujourd’hui sont en train de se transformer et qu’il s’en crée de nouveaux. Il convient de doter les travailleurs des outils grâce auxquels ils seront à même de gérer et d’affronter ces changements, tout en préservant la productivité et la compétitivité des entreprises.

2.2.

Les défis susmentionnés surgissent dans chaque strate de la vie professionnelle et à chacune de ses étapes. Certains concernent les jeunes aussi bien que les adultes, et d’autres touchent les personnes dont les qualifications sont d’un faible niveau tout comme celles pour lesquelles il est moyen ou élevé. On observe que certains emplois qui, traditionnellement, étaient peu qualifiés exigent à présent une formation numérique, du fait de la mutation en cours dans les modalités d’accès au travail. En outre, cette évolution affecte avant tout les femmes, car l’on constate que le fossé numérique entre les genres continue de s’approfondir. Pour trouver un poste de travail, les formes classiques de prise de contact, de type oral, régressent pour céder la place à des offres qui ne sont plus accessibles que par l’intermédiaire de l’internet ou des plates-formes numériques spécialisées. Il en résulte que la formation aux compétences numériques de base doit couvrir toute la population.

2.3.

Le CESE constate que la crise de la COVID-19 a eu pour conséquence, entre autres, de creuser les inégalités sur le marché du travail, en particulier du fait de la montée en puissance du télétravail (3). Pour les personnes exerçant certaines professions habituellement associées à des postes peu qualifiés et n’offrant que de faibles salaires, par exemple, il est bien souvent impossible de bénéficier de possibilité de télétravail, alors qu’à l’inverse, cette option est fréquemment ménagée pour les personnes occupant certaines professions exigeant de plus hautes qualifications, en particulier des emplois de bureau, qui tendent à percevoir des rémunérations plus élevées. Il convient dès lors, dans le cadre du télétravail, d’offrir la possibilité de développer des compétences dans le domaine du numérique et de l’environnement, de manière à éviter de creuser les inégalités, ainsi que de veiller à ce que les personnes qui ne peuvent télétravailler puissent aussi accéder au type de formations conçues pour ce mode de travail.

2.4.

Le CESE observe que le marché de l’emploi est marqué par un déséquilibre croissant, qui est notamment en rapport avec la «grande fracture numérique». Ce phénomène a pu être décrit comme la baisse, consécutive à leur automatisation, du nombre de postes de travail qui exigent un niveau moyen de qualifications et procurent une rémunération située dans la fourchette médiane des salaires, alors qu’en parallèle, on assiste à une montée en puissance des emplois qui sont soit faiblement, soit hautement qualifiés et rémunérés. Le Comité souligne que l’accroissement des inégalités met en péril la pérennité de notre modèle d’État-providence.

2.5.

Le CESE fait observer que l’Europe est confrontée à un défi démographique de grande ampleur et à une diminution de sa population en âge de travailler, et ces tendances contribuent à aggraver les fortes pénuries de main-d’œuvre et de compétences dont elle souffre, dans chaque secteur de son économie et aux différents niveaux de savoir-faire. Pour combler ces déficits, elle a par conséquent besoin de personnels de tous les échelons de qualification. Pour apporter une solution à ces carences, il s’impose d’assurer la mise à niveau et la reconversion des travailleurs et d’inciter les personnes inactives et sans emploi à intégrer le marché du travail, grâce à des politiques d’accompagnement. À cet égard, il convient également d’envisager la question sous l’angle des politiques migratoires.

2.6.

Le CESE reconnaît qu’il importe d’éviter que les transitions ne s’opèrent à coups de licenciements ou mesures traumatisantes sur le marché du travail. Le système en place devrait récompenser les mutations qui s’effectuent sur le plan interne, plutôt qu’externe, c’est-à-dire celles lors desquelles les entreprises fournissent à leurs travailleurs une formation aux compétences requises et s’abstiennent ainsi de licencier ceux qui en sont dépourvus, étant entendu que les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles cette démarche est particulièrement difficile à mettre en œuvre, doivent bénéficier de l’accompagnement financier approprié de la part des États membres pour opérer leur transition.

2.7.

Le CESE fait observer qu’avec la diffusion du télétravail, le marché de l’emploi est en train de devenir plus flexible à l’échelle planétaire. Cette évolution a abouti à ce que les travailleurs européens sont dans l’impossibilité de soutenir une concurrence par un travail moins coûteux, étant donné que leur compétitivité est amoindrie par la modicité du coût de la vie dans les pays tiers et la faiblesse des devises de ces États en comparaison de la monnaie européenne. La seule possibilité d’être compétitive dont dispose la main-d’œuvre de l’Union consistera donc à s’imposer par des savoir-faire et compétences plus étendus et de meilleure qualité.

2.8.

Il importe que les travailleurs assujettis aux différentes formes de relations contractuelles aient accès à la formation pour pouvoir entretenir leurs compétences et préserver leur employabilité face à ces nouvelles réalités du marché du travail.

2.9.

Le CESE relève que le laps de temps qui sépare l’apparition d’une nouvelle compétence et le moment où elle sera fortement recherchée sur le marché du travail ne cesse de se raccourcir. Ce phénomène exige de faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’anticipation et fait qu’il est indispensable de combattre les lourdeurs bureaucratiques qui, dans les structures publiques, freinent l’accès à la formation et au renforcement des capacités. Le Comité souligne aussi qu’il importe d’opérer en temps voulu une mise à jour efficace des programmes d’enseignement et de formation, de manière à répondre aux besoins en savoir-faire nouveaux ou en passe d’émerger et à s’inscrire dans la démarche de la coopération renforcée qui doit être nouée entre les pouvoirs publics, les partenaires sociaux, les prestataires de services éducatifs et formatifs et la société civile.

2.10.

Le CESE fait observer que, dès lors que les tâches routinières et dépourvues de complexité abondent dans les marchés du travail européens, 55 % des travailleurs adultes de l’Union européenne n’utilisent pas intégralement leurs compétences dans leur activité professionnelle et 28 % d’entre eux possèdent des qualifications d’un niveau supérieur à celui qui est requis pour accomplir leur travail. Il convient de signaler que la déperdition qui affecte ainsi son potentiel de ressources humaines produit d’importants effets pénalisants sur les rémunérations des salariés employés dans de telles conditions et écorne leur bien-être. Les rapports du Cedefop soulignent que les difficultés de recrutement ou l’inadéquation des qualifications peuvent être la conséquence, entre autres, de la piètre qualité de l’emploi (4).

2.11.

Dans le défi que représente la transformation numérique de l’économie, il convient de ne pas s’attacher exclusivement aux moyens d’augmenter les compétences numériques de base de tous les actifs mais de veiller aussi à numériser celles qu’ils possèdent déjà et de leur donner la possibilité d’acquérir des savoir-faire numériques plus avancés: il y a lieu de concentrer les efforts sur une transformation des compétences classiques, qui permette leur utilisation dans le monde numérique. La notion de compétences numériques revêt un caractère transversal et porte sur la capacité à enrichir diverses qualifications par des aspects relevant du numérique. Pour y parvenir, il est nécessaire de posséder des aptitudes et connaissances suffisantes concernant ce monde numérique, ainsi qu’une formation adéquate en compétences professionnelles concrètes.

2.12.

La transition écologique représente un pari tout aussi difficile à tenir en ce qui concerne le marché du travail et les compétences qu’il exige. Tous les secteurs subiront des bouleversements dans leur mode de fonctionnement en raison de la décarbonation qu’il faut impérativement opérer et de la nécessité d’adapter les modèles économiques aux exigences de durabilité découlant du pacte vert pour l’Europe (5), lequel souligne que la stratégie en la matière doit prêter attention aux répercussions de ces évolutions sur la main-d’œuvre et veiller à assurer la formation, la reconversion professionnelle et le développement des qualifications. L’analyse de ces effets doit s’effectuer en concertation avec les partenaires sociaux et s’attacher constamment à anticiper les développements à venir, afin de parer à leurs retombées indésirables pour l’emploi et l’économie.

2.13.

La transition numérique et écologique constitue une révolution, comparable, dans ses effets, à celle dite «industrielle», qui s’est produite au début du vingtième siècle. L’ensemble des professions et des structures sont ou seront touchées par la numérisation et par les mesures qu’il est indispensable de prendre pour que les productions de l’industrie, de l’artisanat, de l’agriculture, du commerce ou des services soient aussi écologiques que possible. Il convient de prêter une attention particulière aux petites et moyennes entreprises et aux microentreprises, qui devront bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement, concernant leurs ressources tant humaines que financières.

2.14.

Le CESE considère que pour réussir à opérer une transition écologique équitable dans tous les secteurs industriels concernés, il sera nécessaire de dispenser une formation et une éducation aux compétences vertes. Les enjeux sont essentiellement au nombre de trois, à savoir:

adapter les compétences actuelles aux besoins des différents secteurs d’activité lors de leur processus de décarbonation et face aux défis posés par les nouvelles sources d’énergie,

assurer une formation en matière de compétences pour tous les emplois durables et écologiques,

mener une action de sensibilisation pour réduire l’empreinte carbone sur le lieu de travail.

2.15.

Si l’on veut parvenir à une transition qui soit juste et respecte le socle européen des droits sociaux, il sera indispensable de donner à tout un chacun, s’agissant des technologies numériques et vertes en rapport avec les métiers d’aujourd’hui et de demain, la garantie de bénéficier d’une égalité dans l’accès à une formation de qualité et à l’apprentissage tout au long de la vie, que ce soit dans le cadre ou en dehors du poste de travail. Dans le respect des pratiques nationales ou sectorielles des États membres, il y a lieu d’offrir aux travailleurs un soutien efficace pour améliorer leur niveau de formation dans ces aptitudes, grâce à des mesures telles que des dispositifs de conciliation de la vie professionnelle et privée ou des congés de formation, et de fournir aux entreprises une aide financière à cette fin.

3.   Observations particulières

3.1.

Sous l’effet de la double transition, numérique et écologique, les emplois existants sont en train d’évoluer, tandis qu’il s’en crée de nouveaux. Qu’ils soient de qualité et offrent de bonnes conditions de travail et de rémunération constituera une condition sine qua non pour assurer que cette transition soit équitable, ouvrant la voie à une numérisation et à une décarbonation qui embrassent le long terme et s’accompagnent d’une croissance durable de l’économie, de la productivité et de l’innovation. En tant que facteur de compétitivité des entreprises, les savoir-faire revêtent également une valeur essentielle pour encadrer les initiatives de reconversion et garantir l’accès réel des travailleurs à la formation. La seule voie possible pour atteindre ces objectifs passe par l’acquisition en continu, tout au long de l’existence, de nouvelles compétences tant numériques et numérisées que d’ordre écologique.

3.2.

Une offre de développement professionnel s’adressant à toutes les classes d’âge joue un rôle essentiel pour que la double transition, numérique et écologique, soit placée sous le signe de l’équité. Dans cette perspective, le CESE demande que le plan d’action 2021-2027 de l’Union européenne en matière d’éducation numérique et les propositions de recommandations du Conseil sur les compétences numériques et la formation numérique intègrent des stratégies efficaces pour améliorer le secteur formatif et mettre à jour les compétences des travailleurs, actifs ou au chômage, dans toutes les branches d’activité, et ce, quelle que soit la taille des entreprises concernées. Il convient de former aux compétences numériques d’une manière qui épouse les besoins de chaque métier et domaine d’activité, en veillant toujours à une bonne conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée.

3.3.

Le CESE reconnaît qu’acquérir de nouvelles compétences et adapter celles que l’on possède aux nouveaux impératifs numériques et écologiques représente aussi une responsabilité partagée incombant à la société prise dans son ensemble. À cet égard, la Commission européenne relève que la formation sur le lieu de travail est financée à 90 % par les entreprises (6). Pour stimuler la numérisation et relever le défi écologique, les pouvoirs publics nationaux, les organisations de la société civile et les entreprises, qu’elles agissent par le truchement de leurs fédérations sectorielles ou à titre individuel, se doivent d’élaborer des stratégies qui soutiennent l’amélioration des compétences. Il convient d’analyser en détail et de partager, à titre de bonnes pratiques, les exemples probants de mécanismes nationaux de financement et de stratégies qui ont été mis en place dans les conventions collectives aux fins de cette formation (7).

3.4.

Le CESE salue l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation, qui a été souscrit par la Confédération européenne des syndicats (CES), BusinessEurope, SGI Europe et SMEUnited (8) et déclare que «quand une entreprise demande à un travailleur de participer à une action de formation professionnelle directement liée à sa transformation numérique, la charge financière en est assumée par l’employeur ou s’effectue dans les conditions prévues par la convention collective ou la pratique nationale. La formation peut être dispensée en son sein ou en dehors de ses locaux et se déroule suivant un horaire approprié et convenu entre eux, si possible durant les heures de travail. Si elle a lieu en dehors du temps de travail, une compensation adéquate doit être prévue». Le CESE demande qu’il soit tenu compte des principes susmentionnés lors de la mise en œuvre du plan d’action en matière d’éducation numérique 2021-2027.

3.5.

Le CESE reconnaît que pour assurer une transition juste, il est nécessaire de garantir que toute la population puisse avoir accès à des possibilités d’améliorer ses compétences numériques de base, nécessaires pour s’acquitter de ses tâches quotidiennes, ainsi que pour comprendre les enjeux de la cybersécurité, de la communication numérique, de la sécurité des données, de la protection de celles de nature personnelle et de la vie privée sur l’internet et pour appréhender les dangers de la désinformation. À cet égard, le Comité demande que les instances publiques responsables reconnaissent et certifient la formation en matière d’aptitudes et de compétences numériques.

3.6.

Le CESE adhère à la recommandation du Conseil sur l’apprentissage au service de la durabilité environnementale (9) pour ce qui est des microcertifications en matière numérique, dont il tient cependant à faire remarquer qu’elles doivent s’inscrire dans un rapport de complémentarité par rapport aux diplômes et certifications à part entière. En outre, il relève que leur qualité doit faire l’objet d’une garantie et d’une certification, et non d’une simple validation, de manière qu’elles puissent également jouer un rôle utile pour valider l’apprentissage formel et non formel.

3.7.

Le CESE reconnaît que pour garantir une transition équitable, il est nécessaire que le parcours formatif concernant ces compétences soit assorti, dans le respect de la législation et des accords nationaux, d’un congé de formation rémunéré, lequel doit donner aux travailleurs concernés la possibilité de prendre part à des programmes et cours de développement de leur carrière professionnelle qui ont trait aux nouveaux postes verts et numériques, d’une manière telle qu’ils puissent concilier leur vie professionnelle avec leur vie privée.

3.8.

Concernant le cadre européen des compétences en matière de durabilité élaboré par la Commission européenne (10) pour répondre «à la nécessité croissante d’améliorer et de développer les connaissances, aptitudes et attitudes nécessaires pour vivre, travailler et agir de manière durable», le CESE demande qu’elle conçoive des procédures concrètes pour que les demandeurs d’emploi et les personnes actives aient effectivement accès à la formation professionnelle inclusive et de qualité qui les aidera à acquérir les compétences requises par la double transition, écologique et numérique. Pour aller en ce sens, il y a lieu de renforcer l’efficacité et la qualité de la formation, afin de garantir que, pour chacun, elle soit de bon aloi, inclusive et équitable.

3.9.

Le CESE demande à la Commission de mettre au point, à l’échéance de 2030, un indicateur annuel qui recense, avec une rubrique particulière pour les jeunes, le nombre d’adultes et de salariés qui participent à des actions d’acquisition de capacités en matière de compétences vertes, de sensibilisation à l’environnement et de qualifications et responsabilités écologiques et environnementales, en privilégiant pour ce faire des outils simples et adaptés aux petites et moyennes entreprises.

3.10.

Il convient de remanier les programmes de formation actuels en fonction des nouveaux enjeux. À cette fin, le CESE demande d’encourager et de faciliter une adaptation des cursus d’apprentissage existants afin qu’ils intègrent les compétences qui sont requises dans le contexte de la transition écologique, ainsi que de former le corps enseignant à ces matières. La formation professionnelle doit comporter une éducation à la responsabilité environnementale et une action de sensibilisation en matière climatique. L’évaluation et la certification de ces parcours formatifs revêtent une importance cruciale. Le Comité appelle la Commission européenne à inciter les États membres à mettre en place les mesures nécessaires pour garantir que les demandeurs d’emploi et les travailleurs aient accès à une formation de qualité, dûment évaluée et certifiée.

3.11.

Il est nécessaire d’assurer une information et une bonne visibilité pour tous les secteurs d’activité. Il serait possible de déterminer les bonnes pratiques en partant de l’acquis déjà en place, au niveau européen et dans certains pays de l’Union, en ce qui concerne les informations ou les observatoires en rapport avec l’emploi et les qualifications, de manière à évaluer les besoins futurs, à éveiller les consciences et à mobiliser les travailleurs et les entreprises afin qu’ils bâtissent ensemble des scénarios pour agir et attirer de nouveaux talents dans le futur.

3.12.

Le CESE juge qu’il est primordial de mettre en place une veille stratégique concernant les compétences demandées, afin d’adopter une démarche prospective concernant les besoins en formation qui seront requis par le marché du travail et la société dans les États membres, de manière à éviter que des fractures n’apparaissent en matière écologique et numérique et à renforcer ainsi la compétitivité de l’Union européenne. Les partenaires sociaux, la société civile et les services publics de l’emploi auront un rôle prépondérant à jouer pour analyser et détecter les demandes en la matière. Ils devront figurer parmi les parties prenantes, s’agissant de prévoir les compétences ainsi exigées, et avoir connaissance des articulations entre l’offre formative et les compétences réclamées par les entreprises, le marché du travail et les évolutions à l’œuvre, y compris à l’échelle territoriale.

4.   Aptitudes et compétences numériques et écologiques

4.1.

Le CESE propose que la question du développement durable soit intégrée dans les politiques et programmes d’éducation et de formation, comme l’espace européen de l’éducation et le plan d’action en matière d’éducation numérique, dans le droit fil, entre autres, de la cible 4.7 des objectifs de développement durable. Cette approche suppose d’incorporer l’éducation et la formation au développement durable dans les programmes Erasmus+, FSE+ et Horizon Europe, et de créer des synergies entre eux.

4.2.

Le CESE fait observer que tout autant que dans les technologies numériques, écologiques et durables, il importe d’investir dans les personnes et d’élargir leur accès aux possibilités d’apprendre tout au long de l’existence.

4.3.

Le CESE demande aux acteurs de la décision politique de mieux épauler les enseignants et éducateurs lors de la mise en œuvre des technologies numériques, écologiques et durables dans les environnements d’apprentissage, en investissant dans leur formation professionnelle initiale et continue et dans leurs propres aptitudes et compétences numériques et écologiques.

4.4.

Le CESE demande de réaliser des investissements dans des recherches transversales, menées de manière interdisciplinaire et impartiale, qui porteront sur les différentes facettes des technologies numériques dans le monde de l’éducation et convoqueront tout à la fois les sciences de l’éducation, la pédagogie, la psychologie, la sociologie, les neurosciences, l’ingénierie et les sciences informatiques, afin de continuer à étudier de manière plus approfondie la manière dont la psychologie de l’enfant évolue dans le monde numérique.

4.5.

Le CESE plaide pour qu’une approche intégrée soit adoptée à l’endroit des stratégies numériques, visant à développer des aptitudes de base, en tant qu’elles forment un des piliers de la cohésion sociale.

4.6.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de l’Année européenne des compétences et fait valoir que la question du développement des aptitudes numériques et écologiques doit être abordée dans une perspective plus large. Il est toutefois primordial de combler le fossé concernant les savoir-faire numériques de base, étant donné qu’ils ne sont maîtrisés que par 54 % des européens, alors que dans ses objectifs, la décennie numérique de l’Europe prévoit que d’ici à 2030, 80 % de la population européenne devra posséder ces aptitudes, ne fût-ce qu’à un niveau élémentaire. Le Comité reconnaît qu’il est nécessaire de soutenir le développement des compétences afin de répondre aux besoins concernant la mise en œuvre de nouvelles technologies, comme l’analyse des mégadonnées, l’intelligence artificielle ou la cybersécurité.

4.7.

Le CESE a la conviction que le développement de la citoyenneté numérique représente un passage obligé pour garantir que tous les apprenants participent activement à la société. Dans le cadre de la double transition, il y a lieu de prêter une attention particulière au retard qui, pour ce qui est de l’accès à la formation, affecte les femmes par rapport aux hommes: il est inacceptable qu’à défaut d’avoir adopté une perspective de genre, on laisse ainsi pour compte une majorité de la population. Pour assurer cette participation, il y a lieu de mieux promouvoir le cadre européen des compétences numériques (DigComp 2.0), afin d’avoir la garantie qu’il recueille l’adhésion des différents prestataires d’apprentissages et des parties prenantes du monde de l’éducation et de la formation, ainsi que de mettre en avant la panoplie plus étendue d’aptitudes requises pour accéder à la citoyenneté numérique.

4.8.

Le CESE relève que les carences constatées dans l’accès aux ressources numériques et le développement des compétences en matière de numérique sont corrélées à l’environnement socio-économique. Il s’impose de combler ces lacunes, qu’elles soient d’ampleur régionale ou de nature socio-économique, en donnant aux groupes les plus défavorisés l’assurance de pouvoir compter sur un soutien spécifique et en prêtant une attention particulière aux zones rurales.

4.9.

Le CESE demande d’encourager l’établissement de principes touchant à l’interopérabilité et aux protocoles ouverts en ce qui concerne les outils numériques utilisés, afin d’encourager l’émergence d’un espace où il soit possible d’apprendre en ligne de manière plus démocratique, ainsi que de dispositifs numériques qui, se substituant à ceux de type classique qui sont bien établis, permettent une cocréation en matière d’apprentissages et de contenus.

4.10.

Il convient que le développement des compétences numériques fasse l’objet d’un suivi au moyen du semestre européen et de la facilité pour la reprise et la résilience, de manière à garantir que tout effort financier consenti pour combler les lacunes en matière d’infrastructures numériques s’accompagne de politiques d’apprentissage destinées à appuyer ces compétences.

4.11.

Le CESE reconnaît que les organisations de la société civile, tout comme les petites et moyennes entreprises, éprouvent des difficultés pour s’adapter à la transition numérique, du fait qu’elles ne disposent ni de ressources en suffisance pour procéder à leur numérisation, ni de la préparation appropriée à cette fin. Il y a lieu de leur donner un accès plus aisé à des dispositifs de financement, à des actions d’apprentissage entre pairs et à l’échange de ressources numériques dans leur secteur, en ayant à l’esprit qu’elles jouent, au bénéfice de toute la population, un rôle de facilitatrices ou de prestataires de services dans le domaine de l’éducation et de la formation. En outre, il convient de soutenir l’accès aux logiciels libres afin d’assurer la gratuité en la matière, la création conjointe et démocratique d’espaces en ligne et la promotion de ressources numériques de substitution, propres à ouvrir le cyberspace à tout un chacun.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  https://www.cedefop.europa.eu/en/news/more-employment-higher-skills-demand

(2)  https://www.businesseurope.eu/sites/buseur/files/media/reports_and_studies/2020-06-22_agreement_on_digitalisation_-_with_signatures.pdf

(3)  https://www.businessinsider.com/service-industry-work-from-home-remote-madrid-london-paris-berlin-2021-2?r=US&IR=T

(4)  https://www.cedefop.europa.eu/files/3092_en.pdf

(5)  Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2020 sur le pacte vert pour l’Europe.

(6)  Adult Learning Statistical Report («Apprentissage des adultes: rapport de synthèse statistique»), https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=fr&pubId=8337&furtherPubs=yes

(7)  On peut citer en exemple, en Italie, le financement de l’«École de la construction» (Scuola Edile), qui, dans le secteur du bâtiment, est assuré par une convention collective sectorielle, ou les «Fonds interprofessionnels», spécifiquement destinés à financer des activités de formation pour les petites et moyennes entreprises, qui sont octroyés par les partenaires sociaux dans le cadre des conventions collectives.

(8)  http://erc-online.eu/wp-content/uploads/2020/07/Final-22-06-20-with-signatures_Agreement-on-Digitalisation-2020.pdf

(9)  https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9242-2022-INIT/fr/pdf

(10)  https://joint-research-centre.ec.europa.eu/greencomp-european-sustainability-competence-framework_fr


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/71


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Carte européenne du handicap»

(avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

(2023/C 228/09)

Rapporteur:

Ioannis VARDAKASTANIS

Consultation

Avis exploratoire à la requête de la Commission, 20.1.2023

Base juridique

Article 11 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Date de l’adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

135/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’initiative phare de la Commission européenne qui lancera une carte européenne du handicap permettant aux personnes handicapées de circuler et de séjourner librement dans l’ensemble de l’Union en facilitant la reconnaissance mutuelle du statut de personne handicapée pour les titulaires de ladite carte. Au vu des restrictions persistantes aux droits de libre circulation que la non-reconnaissance du handicap fait perdurer, la carte européenne du handicap est une revendication ancienne et une priorité élevée du mouvement de défense des droits des personnes handicapées.

1.2.

Le CESE souligne que la non-reconnaissance mutuelle du handicap entrave l’accès à de mesures de soutien aux personnes handicapées, ce qui revient à nier directement la réalisation de leurs droits à voyager ou à se déplacer dans d’autres pays de l’Union.

1.3.

Le CESE juge qu’un progrès de cette liberté de circulation obtenu grâce à la reconnaissance mutuelle du handicap conforterait la construction d’une identité européenne commune tout en assurant une meilleure cohérence pour les personnes handicapées, en créant une prise de conscience parmi les prestataires de services dudit déficit d’accessibilité et en améliorant l’accès dans le long terme. Dans le même temps, ces derniers en profiteront du fait d’une augmentation du nombre de visiteurs.

1.4.

La carte européenne du handicap renforcera aussi la collaboration entre les différentes autorités nationales et agences publiques pour favoriser une prise de conscience vis-à-vis des questions de handicap, en donnant à certaines personnes souffrant de handicaps invisibles un outil pour faciliter l’accès aux avantages et aux services sans avoir à donner des explications concernant leur handicap. Elle facilitera aussi la prestation de services aux personnes handicapées provenant d’États membres ne disposant pas de carte nationale d’invalidité en fournissant un document qu’elles peuvent aussi utiliser au niveau national comme preuve du handicap.

1.5.

Le CESE souligne qu’il importe de compléter le lancement de la carte européenne du handicap par des mesures, tant au niveau européen que national, visant à améliorer l’accessibilité générale des environnements bâtis, des transports, des services et des biens, conformément à la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil (1), à la directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil (2), aux règlements sur l’accessibilité des transports (3) ou encore aux normes d’accessibilité connexes.

1.6.

Le CESE se félicite que la Commission propose une initiative législative relative à la carte européenne du handicap, et il invite celle-ci à proposer un règlement, car il s’agit d’un instrument mieux approprié pour garantir une application souple et éviter des différences de mise en œuvre au niveau national.

1.7.

Le CESE souligne qu’il importe d’inclure dans le champ d’application de la carte européenne du handicap l’accès complet à toutes les formes de services, de prestations et de réductions déjà accordées au niveau national, acceptées par tout service offrant des conditions préférentielles ou adaptées aux personnes handicapées, qu’elles soient fournies par des entités publiques ou privées.

1.8.

Le CESE recommande que la carte européenne du handicap prévoie la possibilité d’accorder l’accès aux prestations liées aux politiques sociales publiques ou aux systèmes nationaux de sécurité sociale à titre temporaire lorsqu’une personne handicapée s’est installée dans un État membre pour y étudier ou y travailler, au moins tout au long du processus de réévaluation et de certification du handicap.

1.9.

Si la reconnaissance du handicap au moyen de la carte européenne du handicap n’implique pas l’homogénéisation des modèles d’évaluation du handicap entre les États membres, elle fait obligation aux États membres d’améliorer les systèmes actuels fondés principalement sur une approche médicale, dans le but d’être plus conformes aux modèles qui respectent la CNUDPH.

1.10.

Le CESE estime que la carte doit se présenter sous une forme physique dotée de capacités numériques, être parfaitement accessible et de taille standard et inclure des informations sur l’assistance personnelle et/ou l’accompagnant(e) du (de la) titulaire de la carte.

1.11.

Le CESE suggère que la législation relative à la carte européenne du handicap soit adossée à un site internet pleinement accessible au niveau européen, doté d’une version facile à lire et disponible en langue des signes, accessible dans toutes les langues officielles de l’Union et comportant des informations pratiques relatives à chaque pays. Elle doit aussi se faire l’écho des campagnes de sensibilisation à l’échelle européenne et nationale dans toutes les langues officielles de l’Union à l’intention du public au sans large, des utilisateurs potentiels de la carte et des prestataires de services.

1.12.

Le CESE soutient la proposition d’élaborer la nouvelle législation relative à la carte européenne de stationnement pour les personnes handicapées en parallèle à la proposition relative à une carte européenne du handicap. Néanmoins, il invite la Commission à tenir compte du fait que, dans tous les cas, les deux cartes doivent rester physiquement distinctes.

1.13.

Le CESE souligne qu’il importe que les institutions de l’Union maintiennent une collaboration étroite avec les personnes handicapées, ainsi qu’avec les organisations qui représentent ceux-ci aux niveaux européen, national, régional et local, lors de l’élaboration, de l’exécution et de l’évaluation ultérieure de la carte européenne du handicap.

1.14.

Il semble au CESE que la carte européenne d’invalidité est pleinement conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD) (4) et qu’elle protège les informations à caractère personnel de l’utilisateur, et la Commission est invitée à garantir un niveau élevé de protection de ces données, en s’assurant de l’introduction de mesures de sécurité et de lutte contre la contrefaçon, au moyen de la proposition législative relative à la conception et à l’utilisation de la carte européenne du handicap.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE note que le statut de la citoyenneté européenne, tel que prévu à l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sanctionne le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (5). Pour les personnes handicapées, ce droit est protégé par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), ratifiée par l’Union européenne et ses 27 États membres, à l’article 18, qui établit la liberté de circulation, la liberté de choisir leur résidence et leur nationalité, sur la base de l’égalité avec les autres. Si l’on comprend le handicap comme une série d’incapacités dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à une pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres (6), il incombe à l’ensemble de la société, en particulier dans le cadre des politiques publiques nationales et européennes, de protéger ce droit et d’en permettre la réalisation effective.

2.2.

Dans ce cadre, la fourniture d’un soutien, d’une assistance, de mesures d’accessibilité, de services spécifiques, d’aménagements raisonnables, d’actions positives et autres formes d’avantages en faveur des personnes handicapées sont autant d’outils permettant de rendre effective l’égalité dans la jouissance des droits et de surmonter les obstacles. Par conséquent, la non-reconnaissance du handicap qui entrave l’accès à ces mesures de soutien sous-entend un refus direct de réaliser le droit des 87 millions de personnes handicapées qui vivent en Europe à voyager ou à se rendre dans d’autres pays de l’Union.

2.3.

Le CESE se félicite que la Commission propose une initiative législative relative à la carte européenne du handicap, et recommande vivement que cette dernière soit établie au moyen d’un règlement, applicable dans tous les États membres de manière rapide, efficace et homogène. Le règlement apparaît comme un instrument mieux approprié pour garantir la souplesse de l’application et pour éviter des différences dans la mise en œuvre au niveau national. La législation ne saurait prendre un caractère de recommandation, puisque cela ne permettrait pas de donner à la carte une applicabilité universelle et homogène. Dans le cas d’une directive, il y aurait un risque non négligeable de prolonger indéfiniment le temps nécessaire à sa transposition, créant potentiellement des situations où la carte européenne du handicap aurait un statut actif dans certains États membres, alors même que, dans d’autres, la législation permettant de bénéficier de ses avantages n’aurait pas été adoptée. En revanche, un règlement aurait un effet immédiat dans tous les États membres.

2.4.

La carte européenne du handicap, qui faciliterait la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes handicapées dans l’Union, fonctionnerait donc comme un passeport européen du handicap, et elle en aurait les caractéristiques, permettant de s’identifier et partant d’accéder à tous les services et avantages de plein droit.

2.5.

Le CESE estime que le projet pilote lancé entre 2016 et 2019 dans huit États membres a mis en évidence la faisabilité de la carte et les possibilités qu’elle offre à ses utilisateurs, ainsi que la manière dont elle facilite la mobilité en accordant un accès à des conditions favorables à un certain nombre de services spécifiques déjà disponibles pour les personnes handicapées de l’État membre d’accueil.

2.6.

L’évaluation du projet pilote (7) élaboré en 2021 a décrit dans le détail son efficacité. Par exemple, l’utilisation de la carte a stimulé la participation des personnes handicapées aux secteurs de la culture et des loisirs, la mobilité transfrontière a augmenté et de nombreux usagers ont amélioré leurs expériences touristiques à l’étranger.

2.7.

Néanmoins, l’évaluation a aussi montré que les usagers demandaient une plus grande ambition et la couverture d’un plus grand nombre de secteurs, y compris le secteur des transports, ce nombre étant jusqu’à présent limité. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation ont été jugées hautement nécessaires pour que les utilisateurs potentiels puissent mieux comprendre les nouvelles possibilités et que les prestataires de services reconnaissent la carte ainsi que les réductions et services qu’elle offre.

2.8.

Le rapport d’évaluation expose clairement les possibilités offertes, mais aussi les demandes des personnes handicapées et les lacunes que la carte européenne du handicap est susceptible d’exposer du fait du nombre potentiellement limité de secteurs couverts. Par conséquent, le CESE souligne qu’il importe d’accorder aux utilisateurs de la carte européenne du handicap un accès à toutes les formes de services, de prestations et de réductions déjà accordées au niveau national, acceptées par tous les services, fournies par des entités publiques ou privées, offrant des conditions préférentielles ou adaptés aux personnes handicapées. Il estime que la législation ne devrait pas fixer une liste limitée de secteurs, mais s’appliquer à tous les services du marché unique européen, sachant qu’une telle liste entraînerait l’instauration de nombreuses exceptions, maintenant ainsi la plupart des obstacles actuels et limitant son efficacité.

2.9.

Le CESE comprend que, pour ce qui est de la couverture des prestations liées aux politiques sociales publiques et aux systèmes nationaux de sécurité sociale, telles que le soutien économique direct, la fourniture d’une aide personnelle, l’aide aux étudiants ou les prestations liées au travail pour les entreprises qui embauchent des travailleurs handicapés, la carte européenne du handicap devrait prévoir la possibilité d’accorder ces services à titre temporaire lorsqu’une personne handicapée s’est installée dans un État membre pour étudier ou travailler, et ce, au moins pendant la durée du processus de réévaluation et de certification du handicap. Cela signifie que les personnes handicapées qui déménagent dans un autre État membre pour y travailler ou y étudier (par exemple dans le cadre du programme Erasmus+) auront la possibilité d’accéder à toute aide nécessaire pour travailler ou étudier sur un pied d’égalité.

2.10.

Le CESE souligne que la carte européenne du handicap est pleinement conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD) et protège les informations à caractère personnel de l’utilisateur, puisque l’utilisation de ce document qui permet à son détenteur d’accéder à des services et des avantages l’exempte de l’obligation de produire des données à caractère personnel et de fournir des informations à leur sujet, en particulier l’évaluation du handicap et les informations personnelles sur la santé.

2.11.

La proposition relative à la carte européenne du handicap devrait inclure le lancement d’un système d’application et de suivi, pour garantir sa mise en œuvre harmonieuse et efficace, ainsi qu’une structure permettant de canaliser et de gérer les plaintes et les demandes des utilisateurs.

2.12.

Pour le CESE, la reconnaissance du handicap au moyen de ladite carte n’implique pas une homogénéisation des modèles d’évaluation du handicap entre les États membres. Néanmoins, il fait obligation aux États membres d’améliorer les systèmes actuels fondés principalement sur une approche médicale dans le but d’évoluer vers des modèles qui respectent la CNUDPH. Selon l’étude récente du Parlement européen intitulée Disability assessment, mutual recognition and the EU Disability Card — Progress and opportunities, un large consensus existe sur la nécessité d’améliorer l’adoption de principes communs et une plus grande harmonisation de l’évaluation du handicap, des définitions du handicap et de la reconnaissance mutuelle. Le Parlement estime aussi que les systèmes d’évaluation existants privilégient des caractéristiques individuelles plutôt qu’environnementales, s’appuyant largement sur des connaissances médicales ou des tests envisageant les individus hors de leur contexte plutôt que sur une approche plus globale tenant compte de situations de la vie réelle (8).

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE estime qu’en ce qui concerne le format, la carte doit être physique et dotée de capacités numériques — il serait par exemple utile qu’elle soit pourvue d’un code QR et/ou d’une puce électronique liés au bilan détaillé de l’évaluation du handicap. Cette carte physique doit être entièrement accessible, avec une description en braille, et adopter un format standard de carte d’identité.

3.2.

Il faut que le projet de carte européenne du handicap soit adossé à un site internet d’échelle européenne fournissant des détails pratiques pour chaque pays, tels que les lieux d’obtention de la carte et ses modalités d’utilisation. Le site internet européen devrait être disponible dans toutes les langues officielles de l’Union et être accessible au plus haut niveau de conformité (AAA) des lignes directrices sur l’accessibilité du web (9) avec des formats faciles à lire et une disponibilité en langue des signes. Il devrait en aller de même pour les sites web nationaux et pour l’ensemble du processus d’acquisition de la carte.

3.3.

La carte européenne du handicap devrait également contenir des informations sur l’assistance personnelle et/ou l’accompagnant(e) du (de la) titulaire de la carte, avec pour visée d’inclure ces derniers dans le champ d’application des prestations et de l’aide, le cas échéant. Ces informations pourront être exprimées au moyen d’un symbole concret ou d’une mention sur la carte physique.

3.4.

Le CESE estime que l’utilisation de la carte européenne du handicap doit être volontaire, et qu’il convient de codifier dans la loi que chaque personne handicapée peut décider elle-même si elle souhaite demander cette carte, et aussi que sa détention ne doit en aucune façon revêtir un caractère obligatoire pour prouver un handicap.

3.5.

Le CESE prie instamment la Commission de fournir un instrument de financement pour la mise en place de la carte européenne du handicap dans tous les États membres de l’Union, y compris le site internet européen. Dans un second temps, il conviendra de continuer à financer l’impression et la délivrance de la carte, le personnel, la communication et la maintenance du site et des outils connexes tels que d’éventuelles applications mobiles. Cela pourrait se faire par la reconduction de l’instrument de financement européen et/ou par des canaux de financement nationaux.

3.6.

La communication et la sensibilisation à la carte européenne du handicap sont essentielles pour s’assurer que celle-ci touche la totalité des bénéficiaires et des prestataires de services potentiels. Le lancement de la carte devrait aller de pair avec des campagnes de sensibilisation à l’échelle européenne et nationale à l’intention du public au sens large, des utilisateurs potentiels de cartes et des prestataires de services pour que le dispositif puisse déployer pleinement tout son potentiel, dans toutes les langues officielles de l’Union, dans des formats faciles à lire et en langue des signes pour assurer une accessibilité pour tous. Des actions particulières doivent être menées pour atteindre les personnes handicapées susceptibles d’avoir plus de difficultés à accéder aux informations sur l’existence de la carte, les avantages qu’elle procure et les procédure pour l’obtenir, telles que les personnes souffrant de handicaps psychosociaux ou intellectuels, ou encore celles qui disposent d’un système de soutien limité, comme c’est le cas pour les réfugiés handicapés. Afin de mieux atteindre les réfugiés ukrainiens handicapés, la communication devrait être également menée en langue ukrainienne. Ces campagnes devront être suivies d’une communication régulière pour informer les titulaires de la carte et le public des nouveaux ajouts au système de carte, ainsi que sur les avantages plus généraux apportés par cette dernière afin de garantir une excellente visibilité de ce projet européen.

3.7.

Le CESE souligne qu’il est important pour les institutions de l’Union de maintenir une collaboration étroite avec les personnes handicapées, ainsi qu’avec les organisations qui représentent celles-ci tant au niveau européen qu’aux échelons national, régional et local. Le projet devrait être mené en associant étroitement les personnes handicapées et les organisations qui les représentent. Ce travail devrait se faire à la fois au niveau politique lors du développement de la carte, et au niveau exécutif pour la mettre en œuvre et la distribuer, ainsi que pour communiquer à son propos. Chaque année, la Commission devrait organiser des échanges sur les défis, les progrès et les bonnes pratiques entre les États membres, avec la participation des personnes handicapées et des organisation de personnes handicapées, afin d’améliorer la portée et l’utilisation de la carte au fil du temps.

3.8.

La mise en œuvre de la carte européenne du handicap devrait inclure un processus de collecte de données sur les informations anonymisées relatives aux bénéficiaires, ventilées par sexe et par âge.

4.   Carte de stationnement européenne pour personnes handicapées

4.1.

Le CESE comprend l’importance de mettre à jour la législation harmonisant les caractéristiques et le fonctionnement de la carte de stationnement européenne pour personnes handicapées. Les différents formats de la carte mis en œuvre aux niveaux national, régional, voire local continuent de produire des obstacles et des dysfonctionnements pour les usagers. Son utilisation est néanmoins d’une importance capitale pour de nombreuses personnes handicapées, en particulier parce qu’il s’agit de la seule solution permettant l’accès aux zones urbaines restreintes, puisque, bien souvent et en raison d’un manque d’accessibilité, les transports publics ne constituent pas une option.

4.2.

Le CESE estime que le format, les caractéristiques et la procédure de délivrance de la carte de stationnement pour personnes handicapées devraient être harmonisés sous une forme contraignante pour les États membres, et communiquée clairement aux utilisateurs de la carte. De la même façon, les contrôles de l’utilisation illégale des emplacements de stationnement pour les personnes handicapées devraient être renforcés, et des mesures plus strictes en matière de sécurité et de lutte contre la contrefaçon devraient être mises en œuvre, ainsi que des amendes plus élevées et plus efficaces en cas d’utilisation abusive et de falsification. La campagne de sensibilisation devrait également s’adresser au public le plus large en ce qui concerne la lutte contre l’utilisation illégale des places de stationnement réservées.

4.3.

La législation relative à ladite carte de stationnement devrait mieux harmoniser les règles relatives à l’éligibilité et à la procédure de délivrance, sous une forme qui soit contraignante pour les États membres et clairement communiquée aux utilisateurs de la carte. Elle peut également faciliter l’échange de bonnes pratiques entre les autorités nationales, par l’intermédiaire d’un groupe de travail de la Commission créé sur le sujet, ce qui permettra de développer des idées au niveau européen.

4.4.

L’élaboration de la nouvelle législation relative à la carte de stationnement européenne, ainsi que la proposition de carte européenne du handicap, doivent tenir compte du fait que, dans tous les cas, les deux cartes doivent rester matériellement séparées. Toutes les personnes handicapées potentiellement titulaires d’une carte du handicap ne conduisent pas nécessairement de véhicule et, pour des raisons pratiques, la carte de stationnement doit rester dans le véhicule stationné, alors même que l’utilisateur doit être en possession de sa carte européenne du handicap pour en bénéficier.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (JO L 151 du 7.6.2019, p. 70).

(2)  Directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public (JO L 327 du 2.12.2016, p. 1).

(3)  JO L 204 du 26.7.2006, p. 1; JO L 46 du 17.2.2004, p. 1; JO L 334 du 17.12.2010, p. 1; JO L 123 du 17.5.2003, p. 18; JO L 315 du 3.12.2007, p. 14; JO L 356 du 12.12.2014, p. 110; JO L 55 du 28.2.2011, p. 1; JO L 42 du 13.2.2002, p. 1.

(4)  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).

(5)  JO C 115 du 9.5.2008, p. 47, article 20, paragraphe 2, point a).

(6)  Nations unies, (2006). Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées Recueil des Traités, volume 2515, p. 3.

(7)  Commission européenne. 2021. Étude évaluant la mise en œuvre de l’action pilote sur la carte européenne du handicap et les avantages qui y sont associés. Rapport final https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=8407&furtherPubs=yes

(8)  Parlement européen, Disability assessment, mutual recognition and the EU Disability Card — Progress and opportunities (L’évaluation du handicap, la reconnaissance mutuelle et la carte européenne du handicap). Progrès et possibilités. Département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, direction générale des politiques internes de l’Union — PE 739.397 — novembre 2022.

(9)  Lignes directrices pour l’accessibilité des contenus web (WCAG) 2.0 http://www.w3.org/TR/WCAG20/


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/76


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Initiative sur les mondes virtuels, comme le métavers»

(avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

(2023/C 228/10)

Rapporteur:

Martin BÖHME

Corapporteur:

Hervé JEANNIN

Consultation

20.1.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Avis exploratoire

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

19.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

153/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que le métavers et le développement de mondes virtuels vont selon toute vraisemblance avoir un impact considérable sur la manière dont nous vivons ensemble. Le métavers est un univers numérique hyperconnecté (espace virtuel) qui utilise l’internet, des avatars et des programmes agents et les relie entre eux afin de créer une intégration nouvelle entre le monde physique et le monde virtuel, ce qui a des répercussions sur l’environnement des entreprises, les conditions de travail et l’évolution de la société civile. Ces changements s’accompagneront à la fois de possibilités et de risques auxquels la société devra faire face. Il reste nécessaire d’effectuer des progrès en ce qui concerne l’acceptation de l’utilisation de ces nouvelles technologies, qui accroissent la sécurité pour tous les types de travailleurs.

1.2.

Du point de vue du CESE, il importe de veiller à ce que la prochaine génération de l’internet soit ouverte et connectée. Le métavers repose sur une base de mondes virtuels interconnectés, qui sont créés à l’aide de diverses technologies, telles que les logiciels de modélisation 3D, le web 3.0, la réalité augmentée/virtuelle/étendue, l’intelligence artificielle/l’apprentissage automatique et l’informatique distribuée. Si les organisations peuvent réfléchir à la manière dont ces technologies sont susceptibles d’améliorer leurs modèles d’entreprise, elles doivent aussi répondre à des questions cruciales, telles que la manière d’évaluer les tendances du marché, de se procurer les capacités requises, de mesurer l’engagement et d’adapter les entreprises afin qu’elles restent compétitives. Les possibilités et les défis qui se présentent sont décrits plus en détail aux points 3.2 et 3.3, et certains exemples spécifiques concernant les applications dans l’industrie sont présentés au point 3.10. Il sera nécessaire d’analyser en permanence si la législation en vigueur est suffisante pour réglementer les mondes virtuels. Le CESE reprend la position adoptée récemment par le Parlement européen et souligne qu’il importe de déterminer correctement le statut professionnel des personnes travaillant en lien avec les mondes virtuels et de veiller à ce qu’elles soient considérées soit comme des salariés, soit comme des travailleurs indépendants, en fonction de leurs conditions de travail réelles.

1.3.

Le développement du métavers nécessite une attention particulière de la part du législateur s’agissant de veiller à ce qu’il constitue un environnement sûr. Une collaboration continue entre les parties prenantes est nécessaire pour faire en sorte que le métavers profite à la société. Toutefois, les mondes virtuels tels que le métavers présentent également des risques, en particulier pour les enfants et les groupes vulnérables. Les opérateurs de plateformes doivent mettre en place des mécanismes de contrôle stricts pour filtrer et supprimer les contenus préjudiciables, ainsi que des garanties pour prévenir le harcèlement et les abus.

1.4.

Le métavers est également susceptible d’avoir une incidence sur les conditions de travail ainsi que sur la santé et la sécurité. Il importe de veiller à ce que des mesures adéquates soient mises en place pour assurer une information suffisante sur ces questions, y compris en recourant au dialogue social et à la négociation collective, afin de garantir la sécurité des travailleurs et de leur fournir un accès à la formation pour qu’ils améliorent leurs compétences et leurs qualifications. L’Union européenne doit veiller à ce que la législation existante s’appliquant dans le monde réel soit également respectée pour ce qui concerne le monde virtuel et à ce que, le cas échéant, des mesures appropriées soient prises pour répondre aux besoins spécifiques de réglementation du métavers.

1.5.

L’utilisation du métavers dans l’industrie est axée aujourd’hui, de l’avis du CESE, sur l’optimisation des opérations, la collecte de données et l’amélioration des performances. Les jumeaux numériques se sont révélés être un outil précieux pour permettre aux entreprises d’atteindre ces objectifs. Le métavers doit apporter des solutions aux problèmes non résolus ou permettre la fabrication de produits à moindre coût et en moins de temps, améliorer la qualité, réduire les risques et accroître l’efficacité.

1.6.

Le métavers pourrait avoir une incidence positive sur l’environnement et le changement climatique en favorisant le travail à distance à un niveau inédit et en réduisant le besoin de déplacements physiques et les émissions de carbone. Par ailleurs, il peut être utilisé pour simuler et tester des pratiques durables, telles que les systèmes d’énergie renouvelable et les villes intelligentes, avant de les mettre en œuvre dans le monde physique. Toutefois, il convient de prendre également en considération la consommation d’énergie et l’empreinte carbone de la technologie qui alimente le métavers. L’expansion des mondes virtuels augmentera encore la demande mondiale en énergie et, partant, la nécessité de produire de l’énergie verte.

1.7.

Le CESE estime qu’il est nécessaire d’aborder dès aujourd’hui les questions de fiscalité concernant les activités ressortissant au métavers. Ces questions ne sont pas sans poser de problèmes, car les modèles fiscaux traditionnels pourraient s’avérer inappropriés et il pourrait être nécessaire d’adopter de nouvelles approches pour percevoir des taxes d’une manière qui soit équitable et efficace.

2.   Observations générales

2.1.

La prochaine génération de l’internet sera ouverte et interconnectée, constituant ainsi un catalyseur numérique pour le commerce et la société. Les technologies associées au métavers — à savoir la réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR), la réalité étendue (XR) et les jumeaux numériques — ont la capacité de donner un coup d’accélérateur à l’engagement, à la socialisation, à la collaboration et aux expérimentations, en offrant aux utilisateurs de nouveaux moyens immersifs d’accéder à des produits et services.

2.2.

Les diverses organisations ont l’occasion de réfléchir à la manière dont la prochaine génération de l’internet améliorera leurs produits et services. Il s’agit notamment d’envisager quelle incidence aura le métavers sur le commerce et suivant quelles modalités l’on pourra améliorer la formation grâce à la réalité augmentée, utiliser efficacement la modélisation 3D et les jumeaux numériques, et appliquer la réalité virtuelle dans le secteur du divertissement. Toutefois, l’émergence de nouveaux mondes virtuels tels que le métavers soulève également plusieurs questions cruciales, et nécessitant une attention urgente, pour les organisations. Premièrement, en vue de rester compétitives, elles doivent envisager les possibilités qui s’offrent à elles et évaluer le marché, les besoins des clients et les tendances. Deuxièmement, elles ont besoin de processus efficaces pour se procurer les capacités requises, y compris en matière de partenariats et d’externalisation. Troisièmement, il sera essentiel de mesurer l’incidence de l’engagement et de l’expérience pour améliorer continuellement les performances et la satisfaction des clients. Enfin, pour rester compétitives, les organisations doivent adapter leurs modèles commerciaux aux nouvelles technologies, aux nouveaux marchés et aux attentes des clients.

2.3.

Il s’impose d’envisager comment les mondes virtuel et physique s’équilibreront pour garantir que le métavers soit construit de manière responsable. Il est essentiel de veiller à ce qu’il constitue un environnement sûr pour les consommateurs et s’aligne étroitement sur la vision «ouverte» de la prochaine itération de l’internet. Les consommateurs doivent être préparés à son utilisation et recevoir, à cette fin, une formation, laquelle devrait être, pour les enfants et les adolescents, dispensée de préférence dès la scolarité. En outre, il est indispensable d’examiner si la technologie peut progresser suffisamment rapidement pour construire le métavers à la hauteur de ce que nous imaginons. Ces questions nécessitent un dialogue et une collaboration permanents entre les parties prenantes, notamment les entreprises, les décideurs politiques, les partenaires sociaux et les réseaux de la société civile, afin de garantir que le développement du métavers profite à l’ensemble de la société.

2.4.

Le CESE attire l’attention sur les risques que peut présenter le monde virtuel, en particulier pour les enfants et les groupes vulnérables comme les personnes handicapées et les minorités. Le métavers étant un univers virtuel, il est plus facile pour des délinquants d’y conserver l’anonymat et d’y diffuser, en toute impunité, des messages malveillants et préjudiciables à l’attention d’autres utilisateurs, ce qui peut déboucher sur du cyberharcèlement. Le métavers est susceptible de présenter des contenus potentiellement préjudiciables ou inappropriés qui ne conviennent pas aux enfants. Il importe que les opérateurs de plateformes mettent en place des mécanismes de contrôle stricts pour filtrer et supprimer de tels contenus. Un autre problème éventuel est que l’utilisation intensive du métavers aille de pair avec un mode de vie excessivement sédentaire. La définition et le suivi des conditions juridiques devant assurer la sécurité des mondes virtuels relèvent de la mission et de la responsabilité politiques de l’Union.

2.5.

Le CESE souligne que les mondes virtuels sont susceptibles d’avoir une incidence sur les conditions de travail ainsi que sur la santé et la sécurité. Il sera nécessaire d’analyser en permanence si la législation en vigueur est suffisante pour réglementer les mondes virtuels. Le CESE reprend la position adoptée récemment par le Parlement européen et souligne qu’il importe de déterminer correctement le statut professionnel des personnes travaillant en lien avec les mondes virtuels et de veiller à ce qu’elles soient considérées soit comme des salariés, soit comme des travailleurs indépendants, en fonction de leurs conditions de travail réelles (1). Il importe de veiller à ce que des mesures adéquates soient mises en place pour garantir la sécurité des travailleurs et l’application des mêmes normes que pour le monde réel. Il est donc essentiel de recourir au dialogue social et à la négociation collective pour garantir la prise de dispositions en ce sens. Il importe également que les travailleurs soient correctement formés et informés afin qu’ils puissent travailler de manière sûre et efficace dans les mondes virtuels. L’apprentissage tout au long de la vie est plus que nécessaire. L’examen des compétences d’une personne tout au long de sa carrière est essentiel pour répondre aux besoins de formation (perfectionnement et reconversion). Là encore, il relève de la mission du dialogue social de proposer une approche collective pour permettre à chaque travailleur d’accéder à cet examen des compétences et à la formation nécessaire pour améliorer les compétences et les aptitudes et contribuer à la construction d’une autonomie européenne dans le domaine des mondes virtuels.

2.6.

Le CESE estime que les mondes virtuels tels que le métavers auront une incidence sur l’environnement et la consommation de ressources. D’une part, ils sont susceptibles de consommer une quantité importante d’énergie, en particulier s’ils sont hébergés sur des serveurs hautement performants. Cette situation peut entraîner une augmentation de la demande d’électricité et, partant, un accroissement de l’empreinte carbone. D’autre part, et en revanche, il est possible que les mondes virtuels serviront d’espace de substitution à la réalisation d’expériences et d’interactions réelles. Cela peut avoir une incidence positive sur la consommation de ressources, en particulier si les personnes voyagent moins et consomment moins de produits physiques. Le CESE estime qu’il est nécessaire de prévoir des exigences réglementaires pour garantir que les opérateurs du monde virtuel prennent des mesures afin de réduire la consommation d’énergie et de ressources. Il s’agit notamment d’utiliser des énergies renouvelables telles que l’énergie solaire ou éolienne, d’optimiser les serveurs et le matériel informatique de sorte à réduire la consommation d’énergie et de promouvoir le recyclage et la réutilisation du matériel et des équipements.

2.7.

Le CESE estime que les règles et la gouvernance qui encadreront les mondes virtuels devront s’inspirer des valeurs européennes et d’une philosophie centrée sur l’humain. C’est la raison pour laquelle il est souhaitable que l’Europe occupe une position dominante dans le développement du métavers. Il incombe au régulateur de l’Union d’agir, dans la mesure du possible, pour trouver un bon équilibre au niveau international en ce qui concerne l’interopérabilité des normes, lesquelles devront être fixées de manière coopérative avec toutes les parties prenantes concernées, y compris les partenaires sociaux. Il convient d’accorder une attention particulière à la dimension sociale, et en particulier aux jeunes, en ce qui concerne les effets pervers que pourrait avoir le métavers. Nous devons également éviter les déséquilibres géographiques et les inégalités qui découleraient des disparités existantes en Europe en matière d’infrastructures numériques.

2.8.

La fiscalité des entreprises touchant au métavers pose un problème complexe, dès lors que les concepts traditionnels de frontières géographiques et de localisation physique ne sont plus suffisants. La détermination du revenu imposable, l’évaluation des actifs numériques et la délimitation des branches d’activité nécessiteront un réalignement de l’assiette de l’impôt. Il est également essentiel de créer des mécanismes réglementaires appropriés pour garantir des pratiques fiscales équitables.

3.   Observations particulières

3.1.   Les éléments constitutifs du métavers

3.1.1.

D’un point de vue technique, le métavers repose sur un socle de mondes virtuels interconnectés, dans lesquels chaque monde peut représenter un environnement ou une expérience distincts. Pour permettre l’interaction et la communication entre les utilisateurs au sein du métavers, divers protocoles et normes sont utilisés, comme l’Open Metaverse Interoperability Protocol (OMI), qui permet une interaction sans heurts entre différents mondes virtuels. Parmi les autres composantes techniques figurent des protocoles de mise en réseau, des systèmes d’identification des utilisateurs et des algorithmes d’intelligence artificielle. La pile technologique du métavers se compose de quatre constituants principaux: 1) contenu et expériences, 2) plateformes (comme les moteurs de jeux), 3) infrastructure et matériel (y compris les appareils et réseaux), et 4) éléments facilitateurs (comme les mécanismes de paiement et la sécurité). Ces composantes sont organisées en dix strates, fournissant les éléments essentiels sur lesquels se fondent toutes les expériences du métavers.

3.1.2.

Enfin, le métavers comprend également des composantes économiques et commerciales, telles que des monnaies virtuelles, des places de marché et des systèmes d’achat et de vente de biens et de services virtuels. Ces composantes sont conçues pour faciliter le commerce et l’échange de valeur au sein du métavers, et elles peuvent s’appuyer sur les chaînes de blocs et d’autres technologies décentralisées pour garantir la transparence et la sécurité.

3.2.   Possibilités offertes

3.2.1.

Du point de vue du CESE, il convient de noter que l’avenir du métavers comporte de multiples dimensions, notamment les métavers destinés respectivement aux consommateurs, aux entreprises et aux industries. 1) Le métavers des consommateurs joue le rôle d’espace récréatif dans lequel les individus peuvent se livrer à des jeux et à des interactions sociales en réalité virtuelle. 2) Le métavers de l’entreprise offre une plateforme de coconception avec les clients. 3) Le métavers industriel sert de portail pour les produits manufacturés.

3.2.2.

Le métavers industriel recèle un potentiel important pour les entreprises européennes qui cherchent à optimiser leurs activités, à recueillir des données et à améliorer leurs performances. L’utilisation de jumeaux numériques dans le secteur industriel s’est révélée être un outil précieux pour permettre aux entreprises d’atteindre ces trois buts, par exemple en concevant des produits sans réaliser de prototypes physiques.

3.2.3.

Pour les individus, la fluidité des transitions entre les expériences et les interactions physiques et leur version virtuelle et multimodale améliorée ouvre une gamme infinie de possibilités. Le métavers est un puissant levier pour le recrutement, l’intégration, la formation sans risques et la mise en place d’environnements de travail à distance collaboratifs et immersifs propres à attirer les futurs talents, que l’industrie se doit de développer.

3.3.   Défis

3.3.1.

Le CESE estime que l’acceptation de l’utilisation de ces nouvelles technologies doit encore progresser. L’augmentation nécessaire du niveau de maturité requis par la combinaison de nombreuses technologies, ainsi que l’évolution des infrastructures, de la capacité de calcul et des réseaux de communication, sont également des conditions préalables à un déploiement à grande échelle de ce nouvel internet pour les consommateurs et les citoyens.

3.3.2.

Le métavers pose des défis urgents qui touchent transversalement les entreprises, leurs employés, les développeurs et les créateurs de contenus indépendants, ainsi que les gouvernements et les consommateurs. La majeure partie de la main-d’œuvre devra être reconvertie pour tirer parti du métavers plutôt qu’entrer en concurrence avec lui, et les villes et les pays devront se positionner en tant que pôles de son développement et participer à la concurrence mondiale pour attirer les talents et les investissements, mais aussi fidéliser les travailleurs. Il relève de la mission du dialogue social et de la négociation collective d’offrir toutes les possibilités nécessaires aux travailleurs exerçant leur métier dans des environnements de travail en mutation.

3.3.3.

Le CESE souligne que du point de vue sociétal, il conviendra que diverses parties prenantes définissent une feuille de route pour que l’expérience du métavers se déroule de manière éthique, sûre et inclusive. Des lignes directrices peuvent également s’avérer nécessaires sur des questions telles que la sécurité, l’éthique et le respect de la réglementation, la santé et la sécurité physiques, la durabilité, ainsi que l’équité et la justice. Les exigences en matière de protection des données et la mise en œuvre du règlement général européen sur la protection des données dans le métavers représentent elles aussi un défi particulier. Il convient d’examiner dans quelle mesure les exigences existantes sont encore suffisantes.

3.3.4.

Les considérations relatives à l’attribution de l’espace virtuel dans le métavers sont d’une grande importance car elles déterminent qui a accès ou non à certains domaines et à certains contenus. Les grands opérateurs de plateformes tels que Facebook, Google et Microsoft joueront un rôle important dans la définition du métavers, étant donné qu’ils ont déjà une forte présence dans le monde virtuel et disposent des ressources nécessaires pour en fournir l’infrastructure. Si l’on entend créer un monde virtuel ouvert et diversifié, il est important que ces entreprises suivent des règles transparentes et équitables en matière d’accès à l’espace virtuel. De plus, il convient que les petits acteurs du marché aient également la possibilité de participer à la création de valeur par l’intermédiaire de l’espace virtuel.

3.3.5.

Les utilisateurs signalent des niveaux croissants de comportements offensants et indésirables, y compris le harcèlement des utilisateurs, la sexualisation des interactions entre avatars, l’exploitation des données et les jeux d’argent et de hasard non réglementés, les cas de harcèlement, la présentation de contenus sexuels explicites, le racisme, les menaces de violence et la manipulation psychologique de mineurs (Center for countering digital hate — CCDH, 2022). En outre, l’addiction à la réalité simulée et les problèmes de vie privée et de santé mentale apparaissent également comme des problèmes majeurs pour les utilisateurs du monde entier (Statista, 2020).

3.4.

Talents: la construction de métavers pour les entreprises nécessite un type particulier de compétences. Elle pourrait également faire naître le besoin de nouveaux rôles professionnels, par exemple développeurs de composants, fournisseurs d’infrastructures, développeurs de services et hôtes virtuels. L’Europe doit s’efforcer de redevenir une communauté d’accueil pour les chercheurs et les ingénieurs et de former la génération qui viendra leur succéder. Le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre existante, en collaboration avec les universités et les autres établissements d’enseignement, doivent devenir une priorité.

3.5.

Outils: dans le développement du métavers, il est indispensable de disposer d’outils capables de créer du contenu pour des mondes multidimensionnels et d’intégrer des programmes à l’intérieur d’objets virtuels. Ces outils seront essentiels pour la création et la diffusion de contenus et de services dans le métavers. En outre, ils devront être accessibles à un large éventail de créateurs et d’utilisateurs, allant des simples amateurs aux concepteurs professionnels.

3.6.

Écosystèmes et modèles: de nouveaux marchés et plateformes pourraient s’avérer nécessaires pour permettre l’acquisition d’«objets vivants» (live objects), comme les jetons non fongibles (NFT) ou des métavers tout entiers. Ces articles peuvent être proposés sous la forme de produits ou de services, mais la fixation du prix, la propriété et les modèles d’entreprise correspondants doivent encore être déterminés. Dans un souci de cohérence, il conviendra d’établir des normes pour guider le processus.

3.7.

Le CESE souligne qu’il est essentiel d’envisager de nouveaux mécanismes de partage et d’octroi de licences qui permettront la création et la distribution de contenus et de services tout en garantissant la protection de la propriété intellectuelle et industrielle et celle de la vie privée et de la sécurité des utilisateurs. La conception du métavers doit respecter les marques, les droits d’auteur et les autres licences et formes de propriété intellectuelle et industrielle.

3.8.

D’un point de vue technologique et sociétal, l’un des principaux défis à relever pour le déploiement du métavers à grande échelle est celui de la normalisation. De nombreux protocoles, normes et règles doivent être établis en ce qui concerne la cybersécurité, le stockage et la protection des données à caractère personnel, la protection des personnes et la lutte contre la cyberprédation, la cybercriminalité et la désinformation. L’Union européenne aura un rôle important à jouer pour éviter que ces éléments ne soient définis par d’autres régions du monde. Elle doit donc participer aux consortiums internationaux chargés de leur mise au point.

3.9.

L’industrie du jeu a joué un rôle de premier plan dans l’organisation des communautés en ligne. C’est également à travers le jeu que de nombreuses personnes, en particulier les enfants et les jeunes, entrent pour la première fois en contact avec des mondes virtuels. Le CESE préconise dès lors que ce secteur, en particulier, soit tenu responsable et associé à l’élaboration de normes de protection des consommateurs.

3.10.   Exemples actuels d’utilisation des mondes virtuels dans l’industrie

3.10.1.

Le CESE attire l’attention sur les calculs effectués par le constructeur automobile Renault, qui a annoncé en novembre 2022 que son métavers industriel permettrait de réaliser des économies de 780 millions d’EUR à différents stades du cycle de production. D’ici à 2025, des économies supplémentaires de 320 millions d’EUR pourraient être réalisées, ainsi que 260 millions d’EUR d’économies d’inventaire, une réduction de 60 % des délais de livraison des véhicules et une réduction de 50 % de l’empreinte carbone de ses usines de production.

3.10.2.

Dans le domaine des soins de santé, Pfizer utilise des solutions de formation en réalité virtuelle pour améliorer le respect des protocoles d’essais cliniques. Les stagiaires sont formés au cours d’une expérience réaliste et immersive dans un laboratoire virtuel où ils peuvent interagir et expérimenter en toute sécurité, dans des conditions proches de la réalité. Pfizer utilise déjà des technologies similaires pour former ses opérateurs de terrain sur les sites de production. Le respect des protocoles et réglementations stricts du secteur, tant dans le domaine de la recherche que dans celui de la production, est nettement plus élevé de la part des employés qui ont terminé ces sessions de formation immersive. Outre cet exemple, le métavers est susceptible d’entraîner des changements profonds dans l’accès aux soins de santé et dans la qualité des soins en contribuant à combler les déficits en matière de soins, en particulier dans les zones rurales et reculées.

3.10.3.

En ce qui concerne le secteur aéronautique et spatial, Airbus et Boeing utilisent déjà le concept de jumeau numérique, fondement du métavers industriel, en vue d’établir une future plateforme qui permettra de créer une réplique 3D de leurs nouveaux aéronefs et des systèmes de production destinés à soutenir les activités d’ingénierie et de simulation.

3.10.4.

Dans le secteur financier, plusieurs banques et compagnies d’assurance améliorent actuellement leur expérience client et leurs interactions avec les clients au moyen de solutions immersives et liées au métavers. AXA, par exemple, a acheté un terrain virtuel sur une plateforme web 3.0 afin d’interagir avec de nouveaux groupes de clients et de construire une agence virtuelle à long terme. Allianz utilise la réalité augmentée pour sensibiliser davantage les clients.

3.10.5.

Le CESE note que le secteur des consommateurs, des produits, du commerce de détail et de la distribution est probablement celui où l’on a constaté ces derniers temps le plus d’initiatives en matière de métavers et de web 3.0. Les exemples d’utilisation vont des magasins virtuels en 3D et du shopping social immersif aux avatars, à la politique de la marque et au marketing, aux nouvelles initiatives locales et aux nouveaux programmes de fidélisation fondés sur les technologies NFT et web 3.0.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20221212IPR64513/travailleurs-des-plateformes-protection-et-conditions-de-travail-ameliorees


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/81


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La transition vers un système de transport durable à long terme»

(avis exploratoire à la demande de la présidence suédoise)

(2023/C 228/11)

Rapporteur:

Stefan BACK

Corapporteur:

Mateusz SZYMAŃSKI

Consultation

Présidence suédoise, 14.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Décision de l’assemblée plénière

14 décembre 2022

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

12.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La transition vers un système de transport durable à long terme doit s’effectuer de manière que les citoyens et les entreprises, y compris le secteur industriel et celui des transports, s’approprient à la fois l’objectif d’une réduction des émissions de 90 % dans le secteur des transports d’ici à 2050 et les moyens mobilisés pour l’atteindre.

1.2.

Pour ce faire, la transition doit être mise en œuvre de telle façon que les citoyens et les entreprises la considèrent comme acceptable d’un point de vue financier, social et pratique, et soient donc prêts et disposés à la soutenir activement. Sans cela, il existe un risque sérieux non seulement d’échec, mais aussi, dans le pire des cas, de troubles sociaux.

1.3.

Le Comité économique et social européen (CESE) est d’avis que le succès de la transition dépend des conditions suivantes:

les entreprises doivent ressentir qu’elles ne se voient pas infliger des coûts exorbitants et qu’elles pourront conserver leur compétitivité, et ce pas uniquement à l’intérieur de l’Union européenne (UE),

les travailleurs doivent vivre la transition comme une expérience acceptable et se voir accorder la possibilité de s’adapter aux nouvelles conditions de travail d’une manière qui soit satisfaisante d’un point de vue social,

les citoyens des zones urbaines aussi bien que des zones rurales doivent bénéficier d’une accessibilité et d’une mobilité qui soient disponibles à un coût raisonnable et dans de bonnes conditions d’ensemble.

1.4.

Si l’objectif de 2050 semble faire consensus, les moyens qu’il est actuellement prévu de déployer pour y parvenir ne sont pas accueillis de manière aussi unanime. C’est le cas, par exemple, concernant le transport par poids lourds, où il apparaît que les possibilités d’électrification sont extrêmement limitées et que la disponibilité des carburants de substitution est insuffisante.

1.5.

L’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur des transports devrait tenir compte des différents types d’énergies renouvelables et de leurs différentes sources, de manière à assurer l’indépendance par rapport aux fournisseurs et aux pays retenus. Les dépendances liées aux matières premières et aux composants utilisés dans la production de voitures électriques doivent également être prises en considération.

1.6.

Il est primordial de recourir à la multimodalité pour tirer le meilleur parti de chaque mode de transport, y compris les nouveaux modes à émissions nulles. La numérisation, ainsi que l’optimisation et la coordination des capacités, contribueront à faire des transports un système cohérent.

1.7.

La disponibilité d’infrastructures de transport, notamment pour la distribution de carburants de substitution, ainsi que les investissements et une utilisation efficace de ces infrastructures, forment une condition préalable à une évolution du secteur, y compris en ce qui concerne l’accessibilité des transports, l’utilisation de carburants propres, l’intégration des modes de transport, le déploiement des innovations et les nouveaux modes de transport. Le CESE souligne le problème de cohérence entre, d’une part, le calendrier prévu pour le déploiement des infrastructures relatives aux carburants de substitution et à l’hydrogène et, d’autre part, les délais fixés pour la mise en œuvre du réseau RTE-T, et note l’absence de disposition législative concernant les zones rurales qui ne sont pas couvertes par ledit réseau.

1.8.

Pour permettre aux différents pays de développer durablement leur secteur des transports, il est nécessaire de tenir compte des caractéristiques et préférences qui leur sont propres.

1.9.

Le développement durable des transports, tel qu’il est défini dans les documents de l’UE, peut être compromis par des facteurs externes, mais les changements recherchés doivent être encouragés afin de garantir que les résultats puissent être atteints de manière acceptable.

1.10.

Des transports socialement durables doivent être accessibles, inclusifs et abordables de façon à éviter le problème de la précarité en matière de mobilité. Le CESE estime que les transports publics ont un rôle essentiel à jouer dans le processus de transformation. Leur caractère inclusif permet d’atteindre à la fois des objectifs environnementaux et sociaux.

1.11.

Le processus de transformation ne peut être mené à bien sans la participation des travailleurs, qui fait largement défaut dans le secteur à l’heure actuelle. Il importe donc que le secteur des transports se taille une réputation d’employeur de qualité qui le rendra plus attractif. Le dialogue social et la négociation collective sont essentiels à cet égard.

1.12.

Le CESE insiste sur l’importance de vastes consultations avec toutes les parties concernées et d’une sensibilisation à toutes les étapes de la transition.

2.   Contexte général

2.1.

La présidence suédoise a demandé un avis exploratoire sur la transition vers un système de transport durable à long terme.

Celui-ci s’inscrit dans le contexte des objectifs ambitieux du pacte vert, à savoir une réduction de 90 % des émissions de CO2 du secteur des transports d’ici à 2050 et de 55 % à l’horizon 2030, dont la mise en œuvre a débuté dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55». L’aboutissement de ce processus permettra également d’améliorer la sécurité.

2.2.

Comme convenu, une réduction de 55 % des émissions de CO2 pour les voitures et de 50 % pour les camionnettes doit être atteinte d’ici à 2030 et une réduction de 100 % pour les voitures et camionnettes neuves d’ici à 2035. La Commission a l’intention de proposer l’autorisation de véhicules utilisant du carburant neutre en carbone après 2035 et d’évaluer les effets sociaux et économiques de l’accord en 2026.

D’autres propositions importantes intéressant le volet «transports» du paquet «Ajustement à l’objectif 55», pour lequel des accords de trilogue ont été conclus, portent sur l’échange de quotas d’émission, qui couvre notamment les transports routier, aérien et maritime, sur une révision de la directive sur les carburants renouvelables, et sur le règlement relatif aux infrastructures de distribution des carburants renouvelables (règlement AFIR).

2.3.

Une proposition de révision du règlement établissant des orientations pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T), visant une mise en œuvre plus rapide et plus efficace du réseau tout en promouvant la durabilité, ainsi qu’une communication sur la mobilité urbaine et une proposition sur la communication informatique, ont été présentées en décembre 2021. Une approche commune sur la proposition RTE-T a été adoptée lors du Conseil des ministres «Transports» de décembre 2022.

2.4.

Le programme de travail de la Commission pour 2023 comprend un paquet sur l’écologisation du transport de marchandises, prévoyant notamment une révision de la directive sur les poids et dimensions des véhicules utilitaires lourds et une révision de la directive sur le transport combiné.

2.5.

En mars 2023, la Commission a présenté une communication relative à une banque européenne de l’hydrogène, axée sur le financement.

2.6.

Une communication sur un espace européen commun des données relatives à la mobilité est programmée pour 2023.

2.7.

Les accords conclus lors des trilogues en cours au sujet du paquet «Ajustement à l’objectif 55» pourraient avoir un effet décisif sur les possibilités d’atteindre les objectifs du pacte vert fixés pour 2050. C’est également le cas des propositions susmentionnées programmées pour 2023, dont le sort est entre les mains des colégislateurs. Il est particulièrement important pour le succès de ces démarches de trouver un moyen efficace de gérer la période de transition, en ce qui concerne tant le développement des systèmes et des techniques que les aspects sociaux.

3.   Observations générales

3.1.

Le domaine des transports recouvre de nombreuses questions, dont beaucoup sont spécifiques à un mode de transport. Les éléments essentiels à la mise en œuvre et, le cas échéant, à l’accélération de la transition dans le secteur des transports sont en substance les suivants: la réduction des émissions, le développement des énergies renouvelables, la numérisation, l’amélioration de l’efficacité des moyens de transport et l’offre de nouveaux modes de transport dans le cadre de la mobilité urbaine. Ces éléments, ainsi que la disponibilité d’une infrastructure adéquate en matière de carburants, s’avèrent communs à tous les modes de transport, qu’ils soient de marchandises ou de passagers. Il importe que des ressources suffisantes, privées ou publiques, soient mises à disposition pour la recherche et le développement de véhicules à émission nulle et à faibles émissions, de carburants renouvelables et de solutions numériques pour les transports.

3.2.

Il importe de faire en sorte, dans la mesure du possible, que toute la législation en la matière soit cohérente avec les objectifs de la transition écologique et favorise la réduction des émissions, sans toutefois nuire aux intérêts sociaux des travailleurs.

3.3.

Il convient d’accorder toute l’attention requise aux conséquences sociales importantes de la transformation des transports, tant pour le personnel que pour les usagers, et de faire en sorte qu’elle n’ait pas d’effets négatifs sur les travailleurs, tout en veillant à ce que les transports soient disponibles et financièrement accessibles aux usagers et à ce que les chaînes logistiques fonctionnent efficacement et à un coût raisonnable. Il est important d’apporter des solutions adéquates à ces questions afin que la transition soit bien acceptée par les travailleurs, le grand public et les entreprises.

3.4.

Compte tenu du niveau d’ambition très élevé et de l’augmentation attendue de la demande de transport, qui devrait plus que doubler d’ici à 2050 par rapport à aujourd’hui, une gestion efficace et crédible de la transition s’impose, sachant également qu’il importe que les mesures de mise en œuvre soient réalisables et considérées comme telles et que les signaux adéquats soient envoyés au marché.

3.5.

La crédibilité sera également essentielle pour inciter les citoyens à modifier leurs habitudes et leur mode de vie de manière à favoriser la transition, qu’il s’agisse d’investir dans des véhicules équipés de nouveaux systèmes de propulsion, de privilégier le covoiturage, de recourir davantage aux transports collectifs ou aux modes de mobilité actifs tels que le vélo ou la marche, en particulier dans les villes, ou encore, pour les entreprises de transport de marchandises, d’échanger des informations afin d’améliorer les possibilités d’utilisation efficace des ressources par le partage des capacités.

3.6.

La sensibilisation est essentielle, tout comme le suivi de ces activités afin d’en garantir l’impact. Les organisations de la société civile et les parties prenantes concernées jouent un rôle important à cet égard.

3.7.

L’urbanisation et le développement du commerce électronique entraîneront un changement des besoins et des schémas de transport, que mettent notamment en évidence la proposition RTE-T susmentionnée et la communication sur la mobilité urbaine. Les zones urbaines offrent un cadre propice à la promotion de modes de mobilité actifs et verts et de solutions écologiques pour le transport de marchandises.

3.8.

Dans une Union à 27 États membres où des facteurs comme la nature, la démographie, la densité de population, les conditions de vie générales et le niveau de coût des entreprises varient considérablement, il faudrait peut-être admettre, pour des raisons pratiques et de faisabilité, qu’une approche uniforme n’est pas forcément adaptée à tous et qu’il peut s’avérer nécessaire d’être flexible et d’accepter des solutions différentes pour autant qu’elles ne perturbent pas concrètement le fonctionnement du marché intérieur. À titre d’exemple, on peut citer la taille globale des ensembles de véhicules, la mesure dans laquelle les produits forestiers peuvent être utilisés dans la production de biocarburants, ou encore la part des biocarburants dans l’offre globale d’énergie renouvelable pour les transports.

3.9.

La neutralité technologique devrait être un principe fondamental de la conception et de la mise en œuvre de solutions au niveau de l’UE et au niveau national, de façon que les spécificités nationales puissent être prises en considération.

3.10.

Ces dernières années, l’Europe a été exposée à des situations de crise influant sur le fonctionnement du système de transport, comme la pandémie de COVID-19 qui a touché le transport de passagers et a compliqué le fonctionnement des liaisons de transport de marchandises. La guerre en Ukraine et les sanctions qu’elle a provoquées ont eu des effets considérables sur la disponibilité et les prix de l’énergie, notamment en ce qui concerne les carburants destinés aux transports. Il ne peut être exclu que les problèmes énergétiques et la tarification aient des effets sur les possibilités de développement des carburants renouvelables tout en créant des circonstances qui favorisent, par exemple, le développement des transports collectifs.

3.11.

Ces éléments mettent en lumière l’importance d’éviter la dépendance à l’égard d’un unique fournisseur pour l’approvisionnement en une source d’énergie.

Conditions en matière d’émission de CO2 — carburants renouvelables/moyens de propulsion — disponibilité et choix

3.12.

La Commission européenne privilégie l’électricité produite à partir de sources renouvelables et l’hydrogène vert en tant que principales sources d’énergie. Le récent accord sur la directive relative aux énergies renouvelables fixe à l’horizon 2030 une part minimale globale de 42,5 % de carburants provenant de sources renouvelables, dont 29 % dans le secteur des transports, comprenant un sous-objectif combiné contraignant de 5,5 % pour les biocarburants avancés et les carburants renouvelables d’origine non biologique, avec une exigence minimale de 1 % de carburants renouvelables d’origine non biologique. Cette évolution soulève la question de la modification du règlement relatif à l’utilisation des terres et de la foresterie (UTCATF), qui limite l’utilisation de produits forestiers pour la production de biocarburants et le recours aux déchets de biomasse issus du secteur agroalimentaire pour produire des carburants. Ces considérations forment une composante importante de toute solution globale à la question de l’approvisionnement énergétique, au même titre que les possibilités liées à l’énergie géothermique et les nouveaux carburants d’aviation.

3.13.

La proposition à venir concernant la limitation des émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds soulève la question des éventuels inconvénients de la propulsion électrique, en particulier pour le transport sur de longues distances, et celle de l’adéquation de l’approvisionnement en carburants de substitution pour ces véhicules et de leur coût total de propriété. Dans ce contexte, l’industrie automobile a évoqué une autre option consistant à développer des carburants fossiles à faible intensité de carbone ou à faibles émissions, afin de réduire les émissions sans nécessiter le renouvellement des parcs de véhicules et la mise en place d’infrastructures spécifiques. Pour se donner toutes les chances d’atteindre l’objectif fixé, une stratégie combinée fondée sur ces deux piliers pourrait être adoptée. Elle permettrait le développement rapide de carburants à émissions faibles ou nulles, y compris divers types d’hydrogène, ainsi que des possibilités inhérentes de réduction des émissions dans les segments des transports où l’électrification n’est actuellement pas envisageable.

3.14.

Le CESE préconise également de recourir à une méthode plus globale pour l’évaluation des émissions de CO2 des véhicules, en remplaçant l’actuelle méthode «du réservoir aux roues» par une méthode «du puits aux roues», qui offre une meilleure base pour une telle évaluation.

3.15.

Un point important concerne la disponibilité des infrastructures pour la distribution des énergies renouvelables et de l’hydrogène, qui est essentielle pour permettre l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports, notamment avec la capacité élevée nécessaire pour les véhicules utilitaires lourds. L’accord en trilogue sur le règlement AFIR fixe notamment des objectifs de déploiement pour les voitures, les camionnettes et les véhicules utilitaires lourds concernant les réseaux central et global du RTE-T à partir de 2025, et de 2030 pour l’hydrogène. La couverture pour les véhicules utilitaires lourds devrait être complète d’ici à 2030. Cet objectif pourrait engendrer un problème de cohérence, étant donné que le réseau central du RTE-T devra être achevé d’ici à 2040 et le réseau global d’ici à 2050. La disponibilité des infrastructures dans les zones rurales qui ne sont pas couvertes par le réseau RTE-T risque également de poser problème. En tout état de cause, compte tenu des retards fréquents concernant la mise en œuvre de projets d’infrastructure, il y a lieu de veiller à ce que les investissements en la matière constituent une priorité et à ce que le suivi soit efficace.

L’efficacité au service de la transition

3.16.

L’efficacité accroît la durabilité des transports et peut être atteinte grâce à une meilleure capacité de chargement, à des infrastructures améliorées rendant le transport plus rapide ou à des infrastructures de terminaux améliorées qui accélèrent le chargement/déchargement ou le changement de mode de transport. Les nouvelles technologies et les nouveaux modes d’utilisation des moyens de transport, tels que le covoiturage, peuvent notamment réduire les volumes de trafic urbain. La possibilité d’utiliser des installations qui renforcent l’efficacité ne devrait pas être subordonnée, par exemple, aux qualités écologiques d’un véhicule, car cela limiterait la portée de l’accroissement visé de la durabilité.

3.17.

Ainsi, par exemple, une meilleure capacité de chargement résultant de l’acceptation de véhicules et/ou d’ensembles de véhicules plus grands et plus lourds ne devrait pas être subordonnée aux qualités environnementales d’un véhicule, comme des émissions nulles, ni être liée à une utilisation spécifique.

3.18.

Il est cependant tout aussi important de faire en sorte que les véhicules, les avions ou les navires à émissions faibles ou nulles bénéficient de conditions de concurrence équitables en veillant, dans la mesure du possible, à ce que les prescriptions techniques leur garantissent la même capacité de chargement que les autres véhicules, avions et navires. Promouvoir le recours aux combustibles non fossiles nécessite de définir des objectifs ambitieux qui seront une source de sécurité pour les investisseurs.

3.19.

La numérisation est un autre moyen important de renforcer l’efficacité. L’échange d’informations entre entreprises pourrait contribuer à une efficacité accrue et permettre l’intégration des moyens de transport, la coordination des opérations et, partant, l’accroissement de la durabilité.

Multimodalité et transition

3.20.

L’un des éléments principaux du pacte vert est l’amélioration de la durabilité de tous les modes de transport, chacun d’eux pouvant être considéré comme faisant partie d’un système. L’objectif devrait donc être de promouvoir une multimodalité efficace et fluide dans laquelle chaque mode pourrait livrer son plein potentiel, au service d’une meilleure durabilité globale. La numérisation, ainsi que l’optimisation et la coordination des capacités, contribueront à articuler les différents modes en un système cohérent. L’accès aux réseaux devrait être le même pour chacun d’eux, et la multimodalité devrait être facilitée. Chaque mode de transport devrait être traité sur un pied d’égalité et tirer parti de la modernisation pour accroître son efficacité et pour contribuer à la décarbonation et à un secteur des transports plus durable et plus résilient.

Approche globale

3.21.

Pour accroître la durabilité, l’approche de base devrait consister à utiliser de manière optimale des solutions qui sont disponibles et ont fait leurs preuves. Des ressources doivent incontestablement être consacrées au développement de solutions nouvelles et innovantes, d’une manière neutre d’un point de vue technologique. Il n’en reste pas moins tout aussi important de ne pas entraver l’utilisation des options déjà disponibles. La transition dans le domaine des transports doit être crédible et réaliste et produire des résultats mesurables.

3.22.

Les solutions à mettre au point devraient donc être socialement crédibles et acceptables. Cela signifie que des plans concrets et coordonnés doivent être élaborés et faire l’objet d’un dialogue social entre les parties concernées sur la manière de permettre aux travailleurs de s’adapter aux nouvelles exigences en matière de compétences et d’éviter une inactivité transitoire.

3.23.

Il est important que les solutions proposées soient financièrement crédibles. Dès lors, par exemple, le coût de l’utilisation de carburants à émissions faibles ou nulles doit être financièrement supportable pour les consommateurs et permettre des transactions à un niveau de profit acceptable pour les opérateurs commerciaux. Il convient d’éviter un type de solution comme le soutien financier direct. Il est préférable d’accorder des allègements fiscaux aux consommateurs ou aux entreprises qui investissent dans des solutions durables.

3.24.

Le rôle du système des marchés publics est à mettre en avant en tant que moyen de promouvoir des objectifs durables lors de la réalisation d’investissements publics. La possibilité d’introduire le respect du droit du travail en tant que condition spécifique devrait être promue. Le cofinancement par l’UE du secteur des transports devrait être aligné sur les politiques et la planification nationales, dans le respect du cadre en vigueur au sein de l’Union.

3.25.

La sûreté et la sécurité sont essentielles à tout système de transport durable. Elles touchent tous les usagers des transports et tous les prestataires de services. Il y a donc lieu d’améliorer en permanence les normes en la matière dans tous les modes de transport.

Participation et consultation

3.26.

Il importe, aux fins d’une transition écologique réussie, de parvenir à un consensus grâce au dialogue social et à une large consultation de toutes les parties prenantes et du grand public. Cette approche contribuera à définir les problèmes, à trouver des solutions acceptables pour tous, ainsi qu’à susciter une confiance dans les mesures envisagées et un soutien général à leur égard. Elle doit être considérée comme une condition indispensable pour traverser avec succès le processus complexe de transformation du secteur des transports et pour accroître la transparence des procédures législatives et la qualité de la législation.

3.27.

Le CESE insiste sur la nécessité d’associer étroitement la société civile organisée aux initiatives visant à promouvoir des transports durables et suggère d’approfondir encore la coopération à un stade précoce avec toutes les parties concernées.

4.   Observations particulières

Aspects sociaux — accessibilité des transports

4.1.

Des transports socialement durables doivent être accessibles, inclusifs, sûrs et abordables de façon à éviter la précarité en matière de mobilité. Ils doivent répondre aux besoins spécifiques de différents groupes, par exemple les femmes. L’accessibilité suppose, entre autres, une planification territoriale adéquate, notamment en ce qui concerne l’interface entre les agglomérations et les zones rurales environnantes, et tenant dûment compte des solutions spécifiques pour les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite (trottoirs roulants, funiculaires, etc.). L’offre de transport écologique pour le tourisme urbain devrait être améliorée. Le CESE souligne la nécessité de promouvoir et de développer des plans de mobilité urbaine durable.

4.2.

Le CESE demande qu’une attention particulière soit accordée aux utilisatrices afin que les transports contribuent à l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en mettant l’accent sur la sécurité dans les transports publics.

4.3.

Il convient de soutenir les transports partagés et actifs, en particulier dans les villes, notamment par la promotion de modes de déplacement écologiques avec systèmes de transport intelligents, le recours au concept de la mobilité en tant que service et l’amélioration de la sécurité routière. Il y a lieu également de prendre en considération les questions liées à la qualité de vie, telles que la nécessité de réduire la pollution sonore.

4.4.

Le CESE estime que les transports publics ont un rôle essentiel à jouer dans le processus de transformation. Leur caractère inclusif permet d’atteindre à la fois des objectifs environnementaux et sociaux. Ils peuvent être complétés par des solutions de micromobilité.

4.5.

Les prix des transports publics doivent être abordables et équitables, sans entraîner pour autant une réduction de l’offre de transports ou des effectifs, et toutes les parties prenantes doivent être prises en considération. En tant que service public, les transports publics ne doivent pas reposer uniquement sur la rentabilité ni conduire à une exclusion sociale liée aux transports. Il en découle une nécessité socialement justifiable de maintenir également des liaisons non rentables afin de préserver la cohésion sociale, par exemple en instaurant des obligations de service public. Il pourrait donc être nécessaire de recourir à des modes de propulsion fondés sur un moteur à combustion pour maintenir un niveau de service adéquat.

Aspects sociaux — les ressources humaines

4.6.

Un problème majeur du secteur des transports réside dans la pénurie de ressources humaines, laquelle risque d’entraver le développement du secteur, notamment dans le contexte de la transition écologique prévue. Il importe dès lors de garantir des conditions de travail satisfaisantes et équitables ainsi qu’une rémunération équitable dans le secteur, y compris pour les travailleurs des plateformes. Si les relations de travail restent une compétence nationale, il y a néanmoins lieu d’attirer l’attention sur les possibilités de négociation collective pour parvenir à un accord, à l’échelon national et transnational, sur des conditions de travail attrayantes dans le secteur des transports, notamment sur le plan des salaires et sur celui de la sécurité et de la santé au travail.

4.7.

Les nouvelles technologies peuvent ouvrir de nouvelles possibilités à cet égard. Il y a lieu de souligner l’importance de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie, en particulier comme moyen de permettre aux travailleurs de s’adapter aux nouvelles exigences en matière de compétences dues à la transition écologique, et notamment à la numérisation du secteur.

4.8.

Des mesures telles que celles exposées aux paragraphes 4.3 et 4.5 ci-dessus donneront au secteur des transports une image positive et le rendront attractif pour les jeunes et les femmes.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

578e session plénière du CESE — Session Renouvellement, 26.4.2023-27.4.2023

29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne

[COM(2023) 38 final — 2023/0012 (NLE)]

et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne: exploiter tout son potentiel au service de transitions justes»

[COM(2023) 40 final]

(2023/C 228/12)

Rapporteur:

Pekka RISTELÄ

Corapporteure:

Mariya MINCHEVA

Consultation

Commission européenne, 8.3.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/52/17

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la communication de la Commission sur le thème «Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne» (ci-après dénommée «communication»), ainsi que sa proposition de recommandation relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne (ci-après dénommée «recommandation»).

1.2.

Le dialogue social au niveau national et européen joue un rôle essentiel pour élaborer des politiques qui, sur le terrain de l’économie, du travail et du social, contribuent à réaliser entre les États membres une convergence vers le haut dans les conditions de vie et d’activité. Le CESE souscrit pleinement au point de vue selon lequel le dialogue social peut être un outil bénéfique pour stimuler la résilience économique et sociale, la compétitivité ainsi qu’une croissance durable et inclusive.

1.3.

On ne saurait néanmoins tenir pour acquis les résultats positifs obtenus par le dialogue social, car celui-ci ne peut être considéré comme un simple instrument que l’on pourrait se contenter d’appliquer. La Commission devrait examiner les modèles nationaux, régionaux et sectoriels qui ont fait leurs preuves et déterminer ce qui explique leur succès.

1.4.

Le CESE adhère au point de vue exprimé dans la communication à l’examen selon lequel il faut consentir des efforts supplémentaires, tant à l’échelon national qu’à celui de l’Union, pour augmenter le taux de couverture des négociations collectives. À cet égard, la recommandation, si elle énumère des mesures importantes pour accroître cette couverture, fait toutefois l’impasse sur un point très pertinent qui figure dans la communication, à savoir l’importance que revêtent les conventions collectives sectorielles.

1.5.

Le CESE se félicite que la recommandation vise à améliorer le dialogue social tripartite tant au niveau européen qu’au niveau national, tout en faisant observer que, dans certains États membres, la dimension tripartite du dialogue social est plus formaliste que constructive. Le CESE estime que la mise en place, au niveau national, d’un cadre commun efficace pour la participation des partenaires sociaux pourrait contribuer à garantir la tenue de consultations fructueuses et de qualité avec les partenaires sociaux nationaux. Les États membres devraient aussi être tenus d’insérer les conclusions des consultations menées avec les partenaires sociaux dans leurs programmes nationaux en matière de réformes et d’investissements. En l’absence d’une participation constructive, la Commission devrait prendre des mesures.

1.6.

Le CESE est préoccupé par le manque de clarté en ce qui concerne la mise en œuvre des accords entre partenaires sociaux au moyen de directives du Conseil. Faute de clarté, de transparence et de prévisibilité, le large pouvoir d’appréciation de la Commission européenne en la matière risque d’avoir pour conséquence involontaire de dissuader les partenaires sociaux de négocier ce type d’accords. Le CESE appelle une nouvelle fois la Commission à débattre de cette question avec eux.

1.7.

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct. Cette distinction devrait aussi être faite lorsqu’il s’agit de soutenir le renforcement des capacités des partenaires sociaux et de la société civile au sens large.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission sur le thème «Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne» (ci-après dénommée «communication»), ainsi que sa proposition de recommandation relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne (ci-après dénommée «recommandation»).

2.2.

Comme il l’a souligné dans son avis SOC/644 (1), le CESE considère que le dialogue social, au niveau national et européen, joue un rôle essentiel pour élaborer des politiques qui, sur le terrain de l’économie, du travail et du social, contribuent à réaliser entre les États membres une convergence vers le haut des conditions de vie et d’activité, ainsi que pour relever avec efficacité les défis auxquels l’Europe est confrontée s’agissant du monde du travail.

2.3.

Dans la communication à l’examen, la Commission reconnaît que les partenaires sociaux connaissent mieux que quiconque la situation sociale et en matière d’emploi «sur le terrain». Leur contribution peut permettre de réaliser un juste équilibre entre les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs, et de rendre les politiques et la législation plus acceptables et plus efficaces. La Commission souligne en outre à juste titre que le rôle des partenaires sociaux est bien distinct de celui des autres parties prenantes.

2.4.

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct.

2.5.

Dans un de ses précédents avis (2), le CESE soulignait que l’une des principales fonctions du dialogue social, des négociations collectives en particulier, était de contribuer à façonner l’environnement des entreprises et à gérer les changements dans la vie professionnelle au moyen d’informations, d’anticipation, de participation et de facilitation, de manière à bâtir une confiance mutuelle entre les partenaires sociaux à tous les niveaux.

2.6.

Le CESE souscrit pleinement au point de vue selon lequel le dialogue social peut être un outil bénéfique pour stimuler la résilience économique et sociale, la compétitivité ainsi qu’une croissance durable et inclusive. Cependant, on ne saurait tenir pour acquis les résultats positifs obtenus par le dialogue social, car celui-ci ne peut être considéré comme un simple instrument que l’on pourrait se contenter d’appliquer. La Commission devrait examiner les modèles nationaux, régionaux et sectoriels qui ont fait leurs preuves et déterminer ce qui explique leur succès. Le partage des connaissances et un examen par les pairs entre les États membres pourraient également contribuer à améliorer la situation dans les pays où le dialogue social est peu développé.

2.7.

Afin d’aider davantage les partenaires sociaux à s’engager dans un dialogue social, à mettre en œuvre les accords qui en sont issus et à augmenter la couverture des négociations collectives, que ce soit au niveau de l’Union ou au niveau national, il importe que les partenaires sociaux des pays où le dialogue social est actuellement moins développé puissent bénéficier d’un soutien supplémentaire pour renforcer leurs capacités. Cette observation vaut notamment pour le Fonds social européen+ (FSE+), dans le cadre duquel il serait important d’opérer une distinction entre le soutien au renforcement des capacités accordé aux partenaires sociaux et celui destiné à la société civile au sens large. Cette distinction devrait être intégrée dans le règlement FSE+ et le règlement portant dispositions communes pour la prochaine période financière. Dans le même temps, il convient de proposer de meilleures solutions financières aux organisations de la société civile.

2.8.

Ainsi que la Commission européenne l’a constaté, le dialogue social a joué un rôle de premier plan dans la conception et la mise en œuvre des mesures visant à atténuer les effets de la pandémie sur le monde du travail. Par ailleurs, les partenaires sociaux contribuent largement à amortir les lourdes conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, en facilitant l’intégration sur le marché du travail des personnes déplacées en provenance d’Ukraine, ainsi que d’autres réfugiés et migrants. Les partenaires sociaux ont aussi pour mission essentielle de trouver des solutions durables permettant d’ajuster les salaires et les conventions collectives pour répondre à la crise du coût de la vie et au niveau élevé d’inflation.

2.9.

Le CESE a constaté (3) que pour être efficace, le dialogue social devait inclure les éléments suivants:

des partenaires sociaux représentatifs et légitimes, dotés du savoir, des compétences techniques et de la possibilité d’accéder en temps utile aux informations qui sont requis pour pouvoir jouer un rôle de parties prenantes,

la volonté et la diligence nécessaires, de la part du politique, pour s’engager dans le dialogue social,

le respect pour les prérogatives fondamentales et le droit desdits partenaires sociaux à l’autonomie, à la liberté d’association et à la négociation collective, ainsi qu’un cadre juridique et institutionnel émancipateur, qui soutienne les procédures du dialogue entre interlocuteurs sociaux grâce à des institutions en bon état de fonctionnement.

Le CESE se félicite que tous ces éléments se retrouvent dans l’initiative de la Commission à l’examen.

2.10.

Par ailleurs, il subsiste au sein de l’Union des exemples de dialogue social peu développé ou se déroulant dans un environnement négatif. Il arrive parfois que le cadre juridique en vigueur ne permette pas aux partenaires sociaux de négocier. Si cette situation affaiblit les positions des partenaires sociaux, elle réduit également leur capacité à s’engager dans des négociations collectives et à attirer de nouveaux membres. Dans les États membres qui ne bénéficient pas encore d’une longue tradition en matière de dialogue social, il est essentiel de disposer de critères objectifs ouverts, transparents et prédéfinis pour déterminer la représentativité des organisations de partenaires sociaux, qui soient fixés en accord avec elles et évitent les charges administratives excessives. En outre, il convient de respecter la grande variété des pratiques nationales en vigueur, notamment la reconnaissance mutuelle entre organisations de partenaires sociaux.

2.11.

Le CESE adhère au point de vue exprimé dans la communication à l’examen selon lequel il faut consentir des efforts supplémentaires, tant à l’échelon national qu’à celui de l’Union, pour augmenter le taux de couverture des négociations collectives (4). À cet égard, il se félicite que la recommandation évoque les différents moyens d’y parvenir: supprimer les obstacles institutionnels ou légaux au dialogue social et à la négociation collective portant sur les nouvelles formes de travail ou les emplois atypiques; veiller à ce que les parties à la négociation aient la liberté de décider des questions à négocier; garantir que toute possibilité de déroger aux conventions collectives soit convenue entre les partenaires sociaux et limitée en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elle peut s’appliquer; et veiller à l’existence et à la mise en œuvre d’un système d’application des conventions collectives.

2.12.

Si la recommandation énumère ces mesures importantes pour accroître la couverture des négociations collectives, elle fait toutefois l’impasse sur un point très pertinent qui figure dans la communication, à savoir l’importance que revêtent les conventions collectives sectorielles. Comme indiqué dans la communication, la part des travailleurs concernés par des négociations collectives est élevée (supérieure à 50 %) uniquement dans les pays où il existe au moins une forme de négociation sectorielle. Cette constatation figure également dans la récente directive relative à des salaires minimaux adéquats [directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil (5)], selon laquelle les États membres favorisent la constitution et le renforcement des capacités des partenaires sociaux à s’engager dans des négociations collectives en vue de la fixation des salaires, en particulier au niveau sectoriel ou interprofessionnel.

2.13.

Il importe par ailleurs de préserver le caractère volontaire des négociations collectives et de créer un environnement propre à rendre le processus attrayant et bénéfique pour les deux parties. Ce processus doit être aussi inclusif que possible. Il convient en outre de mettre en place des systèmes efficaces de règlement des litiges. Les États membres devraient mettre au point, avec la participation des partenaires sociaux, des mécanismes permettant d’assurer le suivi de la couverture des conventions collectives.

2.14.

Le CESE se félicite que la recommandation vise à améliorer le dialogue social tripartite tant au niveau européen qu’au niveau national, en évoquant, entre autres, l’importance de consacrer suffisamment de temps aux consultations tout au long du processus d’élaboration des politiques et de garantir des cadres institutionnels adéquats ainsi que l’accès aux informations pertinentes nécessaires pour participer au dialogue social.

2.15.

Dans certains États membres, la dimension tripartite du dialogue social est plus formaliste que constructive. Si elle fait l’objet d’une mise en œuvre et d’un suivi adéquats, la recommandation peut constituer une avancée de taille pour améliorer cette situation. Il serait particulièrement important de promouvoir le dialogue tripartite au niveau européen en ce qui concerne les aspects liés à l’emploi et à la protection sociale, par exemple en accordant toute l’attention requise à la création de comités consultatifs tripartites sur ces questions.

2.16.

Dans de précédents avis, le CESE a recommandé, par exemple, que les partenaires sociaux prennent part comme il se doit à la conception et à la mise en œuvre des plans de relance nationaux, et de favoriser une amélioration de la coopération entre les partenaires sociaux et la Commission européenne, de sorte à garantir une utilisation cohérente des ressources de l’Union (6). Il convient aussi de veiller à ce que d’autres organisations de la société civile soient mieux associées à ce processus.

2.17.

Le CESE partage l’avis de la Commission quant à l’importance que revêtent les accords issus du dialogue social européen, qui constituent l’un des principaux résultats du dialogue social de l’Union. Le CESE prend également acte de l’appel lancé par la Commission aux partenaires sociaux européens pour qu’ils négocient et concluent davantage d’accords entre eux, tout en soulignant qu’il appartient aux partenaires sociaux eux-mêmes de décider s’il y a lieu d’entamer des négociations et, dans l’affirmative, sur quels points il convient de le faire. Il s’agit là d’un aspect fondamental de leur autonomie.

2.18.

Le CESE est par ailleurs préoccupé par le manque de clarté en ce qui concerne la mise en œuvre des accords entre partenaires sociaux au moyen de directives du Conseil. En l’absence d’une procédure plus claire, le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission européenne en la matière et qu’autorisent les récents arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (7) risque d’avoir pour conséquence involontaire de dissuader les partenaires sociaux de négocier ce type d’accords.

2.19.

C’est la raison pour laquelle le CESE réitère son appel à la Commission pour qu’elle examine cette question avec les partenaires sociaux, dans le respect de leur autonomie et conformément à la procédure prévue à l’article 155 du TFUE. Le CESE renouvelle également son invitation à la Commission l’engageant à prévoir des critères clairs et transparents concernant la mise en œuvre des accords sectoriels entre partenaires sociaux (8).

3.   Observations particulières

3.1.   Observations particulières concernant la communication à l’examen

3.1.1.

Dans la communication à l’examen, la Commission propose que ses services fournissent un soutien et des conseils juridiques aux partenaires sociaux engagés dans des négociations, notamment sur les aspects qui pourraient nuire à la mise en œuvre d’un accord par l’intermédiaire du droit de l’Union. Il est essentiel que les partenaires sociaux décident d’un commun accord s’ils ont besoin de ces conseils et de ce soutien dans le cadre de leurs négociations.

3.1.2.

La Commission se réfère en outre à la pratique confirmée par l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-928/19 P, qui consiste à apprécier, entre autres, l’opportunité de l’éventuelle mise en œuvre de l’accord négocié entre partenaires sociaux par l’intermédiaire du droit de l’Union. La Commission fait valoir que dans ce contexte, il peut être procédé à une analyse d’impact. Elle s’engage à informer dans un délai de trois mois les partenaires sociaux concernés de ses considérations préliminaires, y compris, le cas échéant, du fait qu’une analyse d’impact sera réalisée ou non.

3.1.3.

Si le CESE reconnaît l’utilité du soutien et des conseils proposés par la Commission, ainsi que de son engagement à réaliser ses évaluations dans un délai donné, il estime toutefois que ces mesures ne sont pas suffisantes pour conférer au processus la clarté, la transparence et la prévisibilité dont les partenaires de négociation ont besoin.

3.1.4.

Le CESE souligne combien il importe que le dialogue social sectoriel bénéficie d’un cadre de soutien adéquat et prend note de la lettre ouverte rédigée par les partenaires sociaux sectoriels européens (9). Il convient d’examiner avec la plus grande attention les préoccupations exprimées par les organisations sectorielles s’agissant du financement et de l’organisation des comités de dialogue social sectoriel.

3.1.5.

S’agissant de la promotion du dialogue social tripartite européen, le CESE se félicite de l’annonce de la Commission selon laquelle elle nommera un coordinateur ou une coordinatrice du dialogue social dans chacun de ses services. Leur présence, au sein des directions générales et des services concernés de la Commission, est susceptible de sensibiliser à la question du dialogue social et d’améliorer la qualité de celui-ci et, partant, d’aider la Commission à concrétiser les avantages qu’un dialogue tripartite efficace peut représenter pour l’élaboration des politiques européennes.

3.1.6.

S’agissant du semestre européen pour la coordination des politiques économiques et de l’emploi, le CESE se réjouit que la Commission reconnaisse le rôle important que jouent les partenaires sociaux, lorsqu’ils sont associés de manière constructive et en temps utile aux niveaux européen et national, pour veiller à ce que les réformes et les investissements soient conçus et mis en œuvre efficacement. Si, à l’échelon de l’Union, des dialogues structurés avec les partenaires sociaux sont régulièrement organisés à des moments clés du cycle du semestre européen, au niveau national toutefois, les gouvernements ont trop souvent omis de les associer au dialogue, dont l’efficacité dépend dès lors dans une large mesure de la bonne volonté des gouvernements plutôt que de pratiques ou de règles bien établies.

3.1.7.

Le CESE partage l’avis selon lequel il est également important de promouvoir le dialogue social et la négociation collective dans le contexte des négociations d’élargissement en cours, et il se félicite que la Commission apporte son soutien à des projets visant à améliorer le dialogue social dans les pays candidats ou candidats potentiels. Il en va de même en ce qui concerne la politique européenne de voisinage et les partenariats «Global Gateway» de l’Union, dans le cadre desquels l’Union s’engage à juste titre à défendre des normes élevées en matière de droits de l’homme, de droits sociaux et de droits des travailleurs.

3.2.   Observations particulières concernant la recommandation à l’examen

3.2.1.

Le CESE se félicite que la recommandation à l’examen respecte le rôle et l’autonomie des syndicats et des organisations patronales en matière de négociations collectives. Le CESE considère qu’il importe de préciser que la notion d’organisations de travailleurs visée au considérant 12 est interprétée conformément à la jurisprudence des organes de surveillance de l’Organisation internationale du travail (en particulier les conventions no s 98 et 154), et de supprimer le terme «généralement» de cette définition. En outre, il serait judicieux d’introduire, au considérant 13, une référence à la convention no 98 de l’Organisation internationale du travail, en plus de la référence à sa convention no 135.

3.2.2.

Le CESE se félicite que la proposition à l’examen invite les États membres à veiller à ce que les partenaires sociaux soient associés systématiquement, utilement et en temps opportun à la conception et à la mise en œuvre des politiques, en particulier en ce qui concerne le semestre européen et la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Le CESE estime que la mise en place, au niveau national, d’un cadre commun efficace pour la participation des partenaires sociaux ainsi que des organisations de la société civile pourrait contribuer à garantir la tenue de consultations fructueuses et de qualité.

3.2.3.

En ce qui concerne le semestre européen, les États membres devraient être tenus d’insérer, dans leurs programmes nationaux en matière de réformes et d’investissements, les conclusions des consultations menées avec les partenaires sociaux ainsi que leur position ou contribution. Cette observation vaut également pour le FSE+ et autres fonds de cohésion, le cas échéant et dans le plein respect du principe de partenariat. Dans tous les cas, il est essentiel que les partenaires sociaux soient effectivement associés et que leur participation ne se borne pas à «cocher des cases». En outre, en l’absence d’une participation constructive ou si le dialogue social est compromis au niveau national, la Commission devrait prendre des mesures. Par exemple, l’approbation des projets de plans/d’accords de partenariat pourrait être mise en suspens.

3.2.4.

La recommandation reconnaît, dans ses considérants, que les directives de l’Union sur la passation des marchés publics (10) imposent aux États membres de respecter le droit d’organisation et de négociation collective. Le CESE estime que cette question, qui est étroitement liée à l’accroissement souhaité de la couverture des négociations collectives, devrait figurer dans les recommandations concrètes adressées aux États membres.

3.2.5.

La recommandation indique qu’il faut renforcer, dans certains États membres, les capacités des partenaires sociaux nationaux en vue de mettre en œuvre, à l’échelon national, les accords autonomes entre partenaires sociaux conclus au niveau de l’Union. Le CESE estime qu’accroître le soutien dans ce domaine (notamment par l’intermédiaire du FSE+) aiderait à promouvoir les résultats du dialogue social européen au niveau national et à améliorer le processus de mise en œuvre sur le terrain.

3.2.6.

Le CESE se félicite de l’attention particulière accordée aux financements nationaux et européens disponibles pour soutenir les partenaires sociaux. Le FSE+ est un instrument précieux pour renforcer la capacité des partenaires sociaux, parmi lesquels les représentants de PME et de microentreprises, à s’engager dans des dialogues sociaux tripartites et bipartites, mais aussi pour soutenir les actions conjointes qu’ils entreprennent afin d’anticiper, de modifier et de traiter les conséquences qu’ont sur le plan social et de l’emploi les défis que posent différentes évolutions économiques et sociales comme la transition numérique et écologique, pour ne citer qu’un exemple. Il convient de mettre clairement l’accent sur cet aspect dans le cadre d’une approche spécifique du soutien au renforcement des capacités des partenaires sociaux au titre du FSE+.

3.2.7.

Étant donné que la Commission reconnaît, à juste titre, le dialogue civil, associant un ensemble plus large de parties prenantes, comme un processus distinct, elle devrait adopter la même approche en ce qui concerne le soutien octroyé au titre du FSE+. Il y a lieu d’opérer une distinction entre les lignes budgétaires consacrées aux partenaires sociaux et celles consacrées aux organisations de la société civile, afin de mieux définir les rôles spécifiques de chacun de ces acteurs et d’assurer un meilleur suivi des résultats. En outre, s’agissant des tests relatifs aux aides d’État, il est nécessaire de disposer d’un ensemble clair de critères (approuvés par la Commission), cet aspect semblant poser problème dans certains États membres. Les autorités nationales devraient appliquer ces critères lorsqu’elles évaluent la compatibilité des activités prévues par les projets des partenaires sociaux avec les règles en matière d’aides d’État. Ces critères devraient être élaborés en tenant compte du rôle particulier que jouent les partenaires sociaux, afin de les aider à mieux participer et à apporter une contribution effective au dialogue social à différents niveaux (international, européen, national, régional, sectoriel). Il convient de prévoir des règles similaires pour les organisations de la société civile.

3.2.8.

Le CESE juge important que la recommandation comporte des dispositions claires et efficaces en matière de suivi. Le texte recommande que les États membres présentent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la recommandation, une liste des mesures élaborées en concertation avec les partenaires sociaux et destinées à sa mise en œuvre. Pour sa part, la Commission entend élaborer des indicateurs communément admis afin de suivre la mise en œuvre de la recommandation à l’examen avec le comité de l’emploi et les partenaires sociaux concernés. Ces derniers devraient jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de ces indicateurs.

3.2.9.

Le CESE se félicite de la disposition selon laquelle ce suivi devrait permettre aux partenaires sociaux, entre autres choses, de détecter les situations dans lesquelles ils ont été exclus des consultations organisées à l’échelon national sur les politiques nationales et de l’Union, ou auxquelles ils ont été insuffisamment associés. Le CESE estime qu’il serait également important d’élaborer une procédure qui permette d’assurer le suivi de ces situations une fois qu’elles ont été détectées et de progresser dans ce domaine.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Avis du CESE sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies» (JO C 10 du 11.1.2021, p. 14).

(2)  Avis du CESE sur «Le rôle du dialogue social dans la promotion de l’innovation dans l’économie numérique» (JO C 159 du 10.5.2019, p. 1).

(3)  Avis du CESE sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies» (JO C 10 du 11.1.2021, p. 14).

(4)  Avis du CESE sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies» (JO C 10 du 11.1.2021, p. 14).

(5)  Directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne (JO L 275 du 25.10.2022, p. 33).

(6)  Avis du CESE sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies» (JO C 10 du 11.1.2021, p. 14) et sur les lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (JO C 517 du 22.12.2021, p. 97).

(7)  Arrêt du Tribunal du 24 octobre 2019, affaire T-310/18, et arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 septembre 2021, affaire C-928/19 P.

(8)  Avis du CESE sur «Le dialogue social comme pilier important de la durabilité économique et de la résilience des économies» (JO C 10 du 11.1.2021, p. 14).

(9)  Lettre ouverte des partenaires sociaux sectoriels européens — EuroCommerce.

(10)  Directives 2014/24/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65), 2014/25/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243) et 2014/23/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 74, paragraphe 3, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 1

SOC/764

Renforcer le dialogue social

Paragraphe 2.3

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Dans la communication à l’examen, la Commission reconnaît que les partenaires sociaux connaissent mieux que quiconque la situation sociale et en matière d’emploi «sur le terrain». Leur contribution peut permettre de réaliser un juste équilibre entre les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs, et de rendre les politiques et la législation plus acceptables et plus efficaces. La Commission souligne en outre à juste titre que le rôle des partenaires sociaux est bien distinct de celui des autres parties prenantes.

Dans la communication à l’examen, la Commission reconnaît que la contribution des partenaires sociaux peut permettre de réaliser un juste équilibre entre les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs, et de rendre les politiques et la législation plus acceptables et plus efficaces. La Commission souligne en outre à juste titre que le rôle des partenaires sociaux est bien distinct de celui des autres parties prenantes. Néanmoins, le CESE met l’accent sur toute la valeur que revêtent la coopération et l’échange de vues entre les participants aux dialogues social et civil. Bon nombre d’organisations de la société civile disposent aussi d’une expérience unique et de connaissances approfondies acquises sur le terrain, et qui peuvent être mises à profit au-delà de la sphère du dialogue civil. Il est intéressant de mettre en lumière les pratiques adoptées dans certains États membres, où les partenaires sociaux convient les représentants de certaines organisations de la société civile à des réunions organisées dans le cadre du dialogue social, dans le but de les écouter et de tirer parti de leurs connaissances, de leur expertise et de leur expérience.

Exposé des motifs

Dans bien des domaines relevant des réalités sociales «sur le terrain», les organisations de la société civile disposent de connaissances beaucoup plus étendues, par exemple en matière de lutte contre la pauvreté, d’assistance aux personnes handicapées ou à d’autres groupes de citoyens vulnérables, d’intégration des migrants, de droits des minorités ethniques et d’aide aux enfants exposés au risque d’exclusion sociale. L’avis exploratoire devrait rendre compte de ce constat, pour ne pas donner l’impression que seuls les partenaires sociaux sont au fait des réalités sociales «sur le terrain». Ladite expertise est connue, reconnue et bien comprise par les partenaires sociaux de certains États membres, qui invitent des représentants de certaines organisations de la société civile à rencontrer les acteurs engagés dans les structures de dialogue tripartite, afin d’approfondir leurs connaissances et d’enrichir leur expérience.

Résultat du vote:

Voix pour:

83

Voix contre:

153

Abstentions:

9

AMENDEMENT 2

SOC/764

Renforcer le dialogue social

Paragraphe 2.4

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct.

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct. Le CESE souligne la nécessité d’une coopération et d’un échange de vues entre les participants aux dialogues social et civil, sachant que les intérêts de nombreux groupes sociaux ne sont pas représentés au premier chef par les partenaires sociaux, mais par d’autres organisations de la société civile. Il faut donc éviter les situations dans lesquelles des partenaires sociaux concluent des accords sans tenir compte des points de vue et arguments émanant d’autres organisations de la société civile, qui représentent les citoyens européens et influent sur leur vie de manière significative.

Exposé des motifs

Le présent amendement vise à souligner que les intérêts de certains groupes sociaux, qui ne sont pas véritablement représentés par les partenaires sociaux mais le sont principalement par d’autres organisations de la société civile, doivent être pris en compte tout au long du dialogue social.

Résultat du vote:

Voix pour:

79

Voix contre:

157

Abstentions:

7

AMENDEMENT 3

SOC/764

Renforcer le dialogue social

Paragraphe 3.1.5

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

S’agissant de la promotion du dialogue social tripartite européen, le CESE se félicite de l’annonce de la Commission selon laquelle elle nommera un coordinateur ou une coordinatrice du dialogue social dans chacun de ses services. Leur présence, au sein des directions générales et des services concernés de la Commission, est susceptible de sensibiliser à la question du dialogue social et d’améliorer la qualité de celui-ci et, partant, d’aider la Commission à concrétiser les avantages qu’un dialogue tripartite efficace peut représenter pour l’élaboration des politiques européennes.

S’agissant de la promotion du dialogue social tripartite européen, le CESE se félicite de l’annonce de la Commission selon laquelle elle nommera un coordinateur ou une coordinatrice du dialogue social dans chacun de ses services. Leur présence, au sein des directions générales et des services concernés de la Commission, est susceptible de sensibiliser à la question du dialogue social et d’améliorer la qualité de celui-ci et, partant, d’aider la Commission à concrétiser les avantages qu’un dialogue tripartite efficace peut représenter pour l’élaboration des politiques européennes. Dans le même temps, le CESE souligne que de tels coordinateurs devraient être nommés au sein de chaque direction générale de la Commission européenne pour promouvoir le dialogue civil au sein de l’Union. Tant le dialogue civil que le dialogue social doivent se voir renforcés en parallèle par la Commission, sans privilégier l’un ou l’autre.

Exposé des motifs

La Commission européenne propose actuellement de créer un poste de coordinateur du dialogue social au sein de chaque direction générale et dans d’autres services de la Commission. Cette initiative mobilise des ressources humaines considérables dans le but de renforcer le dialogue social, puisque les directions générales sont déjà au nombre de trente, sans compter les nombreux autres services concernés. On peut douter, du moins dans certaines directions générales, de la pertinence de nommer un coordinateur spécial pour le dialogue social, lorsque celles-ci traitent de domaines d’activité principalement représentés par des organisations de la société civile autres que les partenaires sociaux. Il en va ainsi pour l’environnement, le climat, l’agriculture et le développement rural, l’éducation, la jeunesse, le sport et la culture, ainsi que la justice et les consommateurs. Il convient de mener en parallèle des actions visant à soutenir le dialogue civil: rien ne justifie que la Commission européenne se concentre sur un seul type de dialogue, en affectant à ce soutien des ressources humaines importantes, qui pourraient représenter au total plus de 50 personnes.

Résultat du vote:

Voix pour:

78

Voix contre:

156

Abstentions:

7

AMENDEMENT 4

SOC/764

Renforcer le dialogue social

Paragraphe 1.7

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct. Cette distinction devrait aussi être faite lorsqu’il s’agit de soutenir le renforcement des capacités des partenaires sociaux et de la société civile au sens large.

Ainsi qu’il est exposé dans la recommandation, le rôle spécifique joué par les organisations de partenaires sociaux doit être pleinement reconnu et respecté dans les structures et les processus de dialogue social, tout en reconnaissant que le dialogue civil, associant un plus large éventail de parties prenantes autour de thèmes plus variés, constitue un processus distinct. Cette distinction devrait aussi être faite lorsqu’il s’agit de soutenir le renforcement des capacités des partenaires sociaux et de la société civile au sens large. Dans le même temps, le CESE souligne toute la valeur que revêtent la coopération et l’échange de vues entre les participants aux dialogues social et civil. Bon nombre d’organisations de la société civile disposent aussi d’une expérience unique et de connaissances approfondies acquises sur le terrain, et qui peuvent être mises à profit au-delà de la sphère du dialogue civil.

Exposé des motifs

Le présent amendement vise à mieux faire écho au corps du texte.

Résultat du vote:

Voix pour:

83

Voix contre:

153

Abstentions:

9


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/97


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers (API) en vue de renforcer et de faciliter les contrôles aux frontières extérieures, modifiant le règlement (UE) 2019/817 et le règlement (UE) 2018/1726, et abrogeant la directive 2004/82/CE du Conseil

[COM(2022) 729 final]

et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, et modifiant le règlement (UE) 2019/818

[COM(2022) 731 final]

(2023/C 228/13)

Rapporteur:

Tymoteusz Adam ZYCH

Saisine du Comité par le

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 77, paragraphe 2, points b) et d), et article 79, paragraphe 2, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

137/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les propositions de la Commission européenne relatives aux informations préalables sur les passagers (1). Il est en effet nécessaire de procéder à une collecte et un transfert efficaces des informations préalables sur les passagers (données API) et des données des dossiers passagers (données PNR) aux fins de la gestion des frontières et de la lutte contre l’immigration illégale, ainsi que pour des raisons de sécurité, notamment la prévention du terrorisme et des formes graves de criminalité et la lutte contre ceux-ci.

1.2.

Le CESE est convaincu que la mise en œuvre des directives API (2) et PNR (3) continuera de faire l’objet de disparités non souhaitables entre les États membres aussi longtemps que les données API et PNR seront régies par lesdites directives.

1.3.

Afin d’harmoniser la mise en œuvre de ces deux directives et d’améliorer l’efficacité de la collecte et du transfert des données API et PNR, des règlements s’imposent étant donné qu’ils élimineront les disparités résultant des pratiques multiples des États membres, accroîtront la sécurité juridique, accéléreront le flux de passagers et réduiront les difficultés administratives rencontrées par les transporteurs aériens.

1.4.

Le CESE souligne l’importance que revêt la Charte des droits fondamentaux s’agissant de l’application des règlements proposés. À cet égard, il y a lieu de prendre dûment en compte les droits des groupes vulnérables, en particulier des personnes handicapées.

1.5.

Les critiques formulées à l’encontre des actuelles directives API et PNR, parce qu’elles ne respectent pas les normes en vigueur en matière de protection des données à caractère personnel, sont un argument non négligeable en faveur de l’adoption des propositions à l’examen.

1.6.

Le CESE constate que les coûts supportés par l’agence eu-LISA pour la conception, la mise au point, l’hébergement et la gestion technique du routeur sont nécessaire et qu’ils doivent être supportés par le budget général de l’Union européenne (UE). Il en va de même pour les coûts exposés par les États membres concernant leur connexion au routeur et l’intégration à celui-ci.

1.7.

Le CESE fait toutefois observer qu’en plus d’apporter d’importantes modifications techniques au système actuel, les propositions de règlement à l’examen introduisent de profonds changements sur le plan juridique. Les nouveaux cadres API et PNR doivent dès lors faire l’objet d’un suivi continu et approfondi, non seulement par les États membres, mais aussi par la Commission, les transporteurs aériens et les autorités compétentes, ainsi que par l’eu-LISA, en particulier en ce qui concerne les données à caractère personnel. Aussi le CESE insiste-t-il sur l’absolue nécessité d’organiser une campagne d’information sur la nouvelle législation, ainsi que des formations à l’intention des transporteurs aériens. Il convient par ailleurs de réaliser des audits de manière plus fréquente ainsi que d’envisager des procédures supplémentaires pour contrôler le fonctionnement des nouveaux cadres pour la collecte et le transfert des données API et PNR.

1.8.

Le CESE est conscient que le champ d’application des propositions à l’examen ne couvre pas tous les passagers qui franchissent les frontières extérieures de l’UE. Toutefois, eu égard au principe de proportionnalité ainsi qu’à la spécificité du transport aérien, il semble justifié de limiter pour le moment les propositions à l’examen au transport aérien. Lors d’une analyse d’impact ex post, la Commission devrait évaluer la nécessité d’élargir leur champ d’application à d’autres modes de transport, en particulier le transport maritime.

1.9.

En outre, le CESE comprend les préoccupations que suscite l’application pratique des dispositions énoncées dans les propositions. Il préconise de mieux clarifier les dispositions relatives aux sanctions imposées aux opérateurs privés dans le secteur de l’aviation. Il est impossible, dans la pratique, de garantir l’exactitude totale des données API. Le CESE propose dès lors d’envisager un «seuil de tolérance» au niveau de l’UE concernant les erreurs en matière de collecte et de transfert des données. Il conviendrait par ailleurs de préciser que des sanctions sont imposées aux transporteurs qui ne coopèrent pas ou que ces sanctions ne sont imposées que si les données API ne répondent pas au niveau de qualité minimal acceptable tel qu’il est défini au niveau de l’UE.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis porte essentiellement sur la proposition de règlement relative à la collecte et au transfert de données API aux fins de la gestion des frontières (4). Le paragraphe 7 ci-après aborde en outre brièvement la seconde proposition de règlement, qui concerne la collecte et le transfert des données API dans le contexte des formes graves de criminalité et des infractions terroristes (5) et qui comporte de nouvelles dispositions relatives aux données PNR découlant des modifications qu’il est prévu d’apporter aux données API.

2.2.

Les propositions de règlements à l’examen portent exclusivement sur le transport aérien: les autres moyens de transport, tels que les transports maritime et terrestre, ne sont pas concernés. Les propositions s’appliquent tant aux vols charters qu’aux vols d’affaires.

2.3.

Les règlements proposés abrogent la directive API en vigueur. Une fois adoptés, ils feront partie de l’acquis de Schengen.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE constate que face à l’expansion croissante du transport aérien, les systèmes de gestion des passagers ne sont plus suffisamment efficaces, notamment pour assurer la fluidité des flux de voyageurs, et doivent être améliorés. En 2019, l’Organisation de l’aviation civile internationale a fait état de 4,5 milliards de passagers dans le monde ayant emprunté des services réguliers de transport aérien, dont plus d’un demi-milliard de passagers entrant dans l’Union européenne ou en sortant chaque année. Ni la pandémie de COVID-19 ni l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’ont modifié cette situation, de sorte qu’il est impératif de trouver des solutions innovantes pour accélérer et améliorer le processus de vérification aux frontières. Le transport aérien est par ailleurs en train de se relever après l’effondrement qu’il a connu en 2020 et 2021 à la suite de la pandémie de COVID-19.

3.2.

Le CESE est par ailleurs conscient du fait que l’efficacité des contrôles et la rapidité de la gestion des passagers aériens doivent aussi être étayées par des instruments permettant de lutter efficacement contre le phénomène de l’immigration clandestine et de sécuriser les frontières de l’UE.

3.3.

Le CESE considère que l’utilisation de systèmes automatiques de collecte de données peut apporter des avantages considérables, entre autres une efficacité accrue, des avancées technologiques et une acquisition des données plus qualitative et plus rapide.

3.4.

Comme toute technologie innovante, l’automatisation de la collecte et du transfert de données comporte également des risques et pose des défis politiques complexes, notamment en ce qui concerne la sécurité, la sûreté et le contrôle, les aspects socio-économiques, l’éthique et le respect de la vie privée ou la fiabilité.

3.5.

Les données API sont un ensemble d’informations relatives à l’identité des passagers, qui sont contenues dans leurs documents de voyage et combinées aux informations de vol recueillies lors de l’enregistrement puis transférées aux autorités frontalières du pays de destination. Les données API comprennent des données biographiques des passagers, lesquelles sont en principe extraites de la zone de lecture automatique de leurs documents de voyage, ainsi que certaines informations concernant leur vol.

3.6.

Le système de collecte et de transfert des données API implique la transmission de ces données aux autorités compétentes avant l’arrivée d’un vol, afin que celles-ci puissent, conformément à la législation applicable, filtrer préalablement les voyageurs sur la base de profils de risque, de listes de surveillance et de bases de données.

3.7.

Le CESE sait que la directive en vigueur impose aux transporteurs aériens de transférer, à la demande des autorités frontalières du pays de destination, des données API avant le décollage; elle n’impose cependant pas aux États membres de réclamer les données API aux transporteurs aériens, ce qui crée des incohérences entre États membres, certains recueillant ces données, là ou d’autres s’y refusent. Selon les informations fournies par la Commission dans la proposition à l’examen, on estime que les données API sont recueillies sur 65 % des vols entrants, et qu’il est donc facile, dans la pratique, d’esquiver les contrôles et les vérifications. En outre, comme l’indique la Commission dans son évaluation de la directive API (6), même lorsque les États membres réclament les données API, leurs autorités nationales ne les utilisent pas toujours de manière cohérente.

3.8.

Le CESE est conscient des faiblesses du système mis en place par la directive actuelle. L’évaluation a mis en évidence que le manque de normalisation et d’harmonisation sapait les avantages liés au traitement des données API, créait une charge pour les parties prenantes et engendrait une certaine insécurité juridique.

3.9.

Le CESE considère en outre que l’utilisation de systèmes automatiques de collecte de données pourrait constituer une menace pour les salariés du secteur de l’aviation. Aussi le CESE juge-t-il nécessaire d’organiser des formations pour ces salariés, ce qui pourrait contribuer à résoudre les problèmes potentiels liés à la mise en œuvre des règlements proposés.

3.10.

Le CESE estime toutefois que la proposition de règlement sur la gestion des frontières ne devrait pas avoir d’incidences négatives sur l’emploi et la situation des salariés, mais seulement améliorer l’efficacité et la fiabilité des méthodes de collecte et de transfert des données, lesquelles sont déjà automatisées.

4.   Le nouveau règlement API doit améliorer et faciliter les contrôles aux frontières

4.1.

Il ressort de l’expérience acquise dans le cadre de l’application et de l’évaluation de la directive en vigueur que le système actuel présente de nombreuses lacunes: il est notamment inefficace et coûteux tout en étant source de difficultés formelles et administratives pour les transporteurs. Par ailleurs, certaines dispositions de la directive ne sont pas claires, suscitent des doutes quant à leur interprétation, sont appliquées de manière divergente dans les différentes États membres et présentent des incohérences par rapport à d’autres dispositions du droit de l’Union.

4.2.

Les principales lacunes de la directive API en vigueur sont actuellement les suivantes:

les transporteurs aériens doivent se familiariser avec les systèmes nationaux de transfert de données API des différents États membres et s’y adapter,

les transporteurs sont parfois tenus d’envoyer les mêmes données à des autorités différentes,

à ce jour, le nombre et le type de données demandés par les autorités compétentes varient également d’un État membre à l’autre,

l’article 3, paragraphe 2, de la directive comporte une liste non exhaustive d’éléments de données, et cette liste n’est pas conforme aux normes internationales,

l’article 6, paragraphe 1, de la directive autorise le transfert de données «par voie électronique ou, en cas d’échec, par tout autre moyen approprié», une procédure qui ne requiert aucun protocole ou format de messagerie spécifiques. Cette situation donne non seulement lieu à un surcroît de travail pour les transporteurs, qui doivent par exemple respecter les divers formats imposés par les autorités compétentes pour le transfert des données, mais elle a également des conséquences sur l’actualité et la qualité des données API et, partant, sur leur utilité,

les procédures opérationnelles concernant la saisie, la transmission, le traitement et l’analyse des données API varient d’un État membre à l’autre en ce qui concerne les méthodes, le moment, le format et la fréquence de la transmission,

à l’exception de l’article 6, paragraphe 1, selon lequel, s’agissant du contrôle des frontières et de la migration, les autorités sont tenues d’effacer les données API dans les vingt-quatre heures qui suivent leur transmission, la directive elle-même ne prévoit pas de garanties détaillées en matière de protection des données à caractère personnel, alors que des dispositions analogues d’autres actes juridiques, comme le règlement sur la création d’un système d’entrée/de sortie (EES, chapitre VII, articles 51 à 59), le règlement sur un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS, chapitre XII, protection des données, articles 59 à 70) et la directive relative à l’utilisation des dossiers passagers (PNR, articles 12 et 13) comportent des dispositions plus détaillées en matière de protection des données.

4.3.

Les critiques formulées à l’encontre de la directive, parce qu’elle ne respecte pas les normes en vigueur en matière de protection des données à caractère personnel, sont un argument non négligeable en faveur de l’adoption de la proposition de règlement à l’examen. Les aspects suivants de la directive sont préoccupants:

la liste des données API demandées aux transporteurs aériens n’est pas exhaustive, ce qui est contraire au principe de minimisation des données,

la finalité de la collecte de données API (que ce soit à des fins de contrôle aux frontières et/ou à des fins répressives) n’est pas claire,

s’agissant des exigences en matière de contrôle aux frontières, la limite de conservation des données fixée à 24 heures est trop courte et pose des difficultés d’ordre pratique,

les règles relatives à la conservation et à l’utilisation ultérieure des données manquent de précision et de clarté.

4.4.

Pour remédier à ces défauts, la proposition de règlement à l’examen prévoit la création d’un routeur API central. Cette solution devrait améliorer les vérifications préalables aux frontières extérieures pertinentes grâce à des données API complètes et de qualité et faciliter le flux des voyageurs.

5.   Champ d’application et contenu du règlement

5.1.

Compte tenu de ce qui précède, le CESE considère que la mise en place, au niveau de l’UE, d’un système uniforme pour tous les États membres permettra, entre autres, de créer un guichet unique pour les données des passagers, c’est-à-dire de centraliser le processus de collecte de l’ensemble des données provenant des transporteurs et de les transférer par la suite aux autorités compétentes. Un système unifié permettrait d’améliorer la qualité des données obtenues et d’automatiser complètement l’ensemble du processus, ce qui réduirait les coûts supportés par les entités publiques, les transporteurs et les voyageurs eux-mêmes.

5.2.

Le règlement proposé vise à unifier et à simplifier la procédure de collecte et de transfert des données API, ce dont tireront parti, non seulement les autorités des États membres, mais aussi et surtout le secteur de l’aviation, même si ce dernier est tenu de collecter et de transférer ces données pour l’ensemble des vols intra-UE. Quoi qu’il en soit, le règlement proposé instaurera une sécurité et une prévisibilité juridiques et, partant, renforcera le respect des règles par les transporteurs aériens.

5.3.

Le CESE estime que les objectifs fixés par la directive API sont le mieux à même d’être réalisés par la proposition de règlement à l’examen. Il est peu probable que les avantages liés à la mise en œuvre de systèmes API par les différents États membres auraient pu être obtenus sans l’intervention de l’UE. La proposition de règlement à l’examen trouve donc son origine dans la conviction que le manque d’harmonisation constaté s’agissant de la mise en œuvre de la directive constitue une entrave à son efficacité et à sa cohérence.

5.4.

Le CESE considère par ailleurs que la modification de la directive se justifie notamment eu égard au temps écoulé depuis son entrée en vigueur, compte tenu notamment de l’évolution des technologies de l’information enregistrée depuis 2004. Conformément au règlement proposé, le nouveau système sera pleinement cohérent avec les mécanismes déjà en vigueur, à savoir le système d’information Schengen (SIS), le système d’information sur les visas (VIS), le système Eurodac, le système d’entrée/de sortie (EES), le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et le système centralisé permettant d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides (ECRIS-TCN).

6.   L’efficacité des solutions proposées

6.1.

Le CESE est favorable à l’adoption de solutions qui garantiront des vérifications aux frontières extérieures efficaces et une approche cohérente dans l’ensemble de l’espace Schengen, y compris en ce qui concerne la possibilité de procéder à des vérifications préalables des voyageurs sur la base des données API.

6.2.

Même s’il soutient d’une manière générale la proposition de règlement à l’examen, le CESE s’inquiète toutefois des risques d’abus liés à la centralisation du processus de collecte et de transfert des données API, et notamment des données à caractère personnel. Ces craintes sont également justifiées par le fait que le routeur servant au transfert des données est toujours en cours de planification, sa conception, sa mise au point, son développement, sa gestion et sa maintenance technique ayant été confiés à l’agence eu-LISA.

6.3.

Le CESE constate que l’adoption de la proposition de règlement à l’examen aura une incidence sur le budget et les besoins en personnel de l’eu-LISA et des autorités frontalières concernées des États membres. L’on estime que les coûts supplémentaires nécessaires sont de 45 millions d’euros (33 millions au titre de l’actuel CFP) pour mettre le routeur en place, de 9 millions d’euros par an à partir de 2029 pour assurer la gestion technique de celui-ci, et de quelque 27 millions d’euros pour les États membres. Ces montants seront à la charge du budget de l’UE.

6.4.

Le CESE apprécie la précision et l’exhaustivité des informations énumérées à l’article 4, paragraphes 2 et 3 de la proposition à l’examen qui doivent être transférées dans le cadre des données API aux fins du renforcement et de la facilitation des contrôles aux frontières extérieures.

6.5.

Le CESE souligne que la proposition de règlement à l’examen permet à la Commission de clarifier de nombreux détails, notamment techniques, au moyen d’actes délégués qui seront adoptés ultérieurement. Aussi l’évaluation finale du règlement proposé dépend-t-elle des dispositions détaillées qui seront publiées à l’avenir, ainsi que de la qualité des solutions techniques qui seront adoptées.

6.6.

Le CESE se doit dès lors de mettre l’accent sur un certain nombre de préoccupations en matière de sécurité liées à la protection des données à caractère personnel. Le CESE considère qu’il est particulièrement important d’envisager une protection efficace des données dans le cadre de la protection des droits fondamentaux, dont, en particulier, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel, lequel comprend le droit à l’information sur l’acquisition, la conservation et le traitement des données à caractère personnel. Aussi le CESE approuve-t-il pleinement la nouvelle obligation consistant à soumettre périodiquement la protection des données à caractère personnel à des audits. Le CESE suggère par ailleurs d’examiner si les autorités nationales compétentes en matière de protection des données ne devraient pas s’assurer que le traitement des données API constituant des données à caractère personnel soit contrôlé plus d’une fois tous les quatre ans.

6.7.

Si l’on veut que le routeur soit le plus performant possible, il convient d’assurer la coopération entre l’eu-LISA, les États membres et les transporteurs aériens. Le CESE se félicite dès lors que l’eu-LISA soit tenue de dispenser une formation aux personnes concernées par l’utilisation technique du routeur.

6.8.

Eu égard au principe de proportionnalité, et guidé par la volonté d’assurer une protection maximale des données à caractère personnel, le CESE est favorable à ce que l’obligation statistique ne concerne pas des données telles que la nationalité, le sexe et la date de naissance.

7.   L’importance du règlement PNR (seconde proposition de règlement)

7.1.

Le CESE voit dans la seconde proposition de règlement une modification nécessaire et cohérente du système de collecte et de transfert des données PNR, laquelle s’inscrit dans le sillage de la réforme des données API.

7.2.

L’uniformisation du système grâce à l’adoption des deux propositions de règlements au niveau de l’UE et à la création d’un routeur géré par l’eu-LISA renforcera par conséquent la sécurité en permettant d’identifier d’une manière plus efficace les voyageurs à haut risque et en mettant en évidence les comportements de voyage des personnes suspectes.

8.   Le coût des règlements

8.1.

Le CESE conclut que l’adoption des propositions de règlements entraînera des coûts pour le budget de l’UE, des dépenses pour les États membres, et qu’elle nécessitera des besoins d’investissement de la part du secteur de l’aviation (estimés à quelque 75 millions d’euros selon l’analyse d’impact). Cependant, dans l’ensemble, les avantages l’emporteront sur les coûts, car ceux-ci seront compensés par la rationalisation et la centralisation du transfert des informations aux autorités nationales compétentes.

8.2.

Les règlements proposés réduisent les coûts de fonctionnement ainsi que les sanctions généralement imposées lorsque les données sur les déplacements sont insuffisantes ou font défaut. En outre, l’entrée en vigueur des règlements améliorera la surveillance des points de passage frontaliers, le travail des services aéroportuaires et des autorités frontalières nationales, et contribuera également à renforcer la sécurité et à lutter contre l’immigration clandestine. Compte tenu de ces considérations et à la lumière de la balance positive entre les coûts et les avantages figurant dans l’analyse d’impact de la Commission, le CESE estime que les propositions de règlements à l’examen se justifient.

9.   Observations particulières

9.1.

Le Comité souligne l’importance que revêt la Charte des droits fondamentaux s’agissant de l’application du règlement proposé, tout particulièrement en ce qui concerne les groupes vulnérables, notamment les personnes handicapées. À cet égard, il convient de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ainsi que des affaires actuellement pendantes.

9.2.

La jurisprudence de la CJUE revêt une importance particulière concernant les nouvelles règles relatives à la collecte et au transfert de données PNR dans le cadre institutionnel proposé, en particulier l’arrêt rendu dans l’affaire C-817/19. Le CESE préconise en outre que la terminologie des deux propositions de règlements à l’examen tienne compte de la jurisprudence constante de la CJUE.

9.3.

Comme indiqué au paragraphe 1.6 ci-dessus, le CESE estime que le champ d’application des propositions de règlements à l’examen est justifié à ce stade. Toutefois, lors d’une analyse d’impact ex post, la Commission devrait évaluer la nécessité d’élargir ce champ d’application à d’autres modes de transport, en particulier au transport maritime. Cette évaluation devrait tenir compte de facteurs tels que la spécificité de chaque mode de transport, la charge administrative imposée aux transporteurs ainsi que l’efficacité et l’efficience de la sécurisation des frontières de l’UE.

9.4.

Comme mentionné au paragraphe 1.7 ci-dessus, le CESE préconise par ailleurs de préciser davantage les dispositions relatives aux sanctions imposées aux opérateurs privés dans le secteur de l’aviation, d’envisager un «seuil de tolérance» au niveau de l’UE concernant les erreurs en matière de collecte et de transmission des données, et de n’imposer des sanctions que sous certaines conditions.

9.5.

Le CESE souligne que l’entrée en vigueur des propositions de règlements à l’examen devrait être assortie d’une vaste campagne d’information, une telle opération étant susceptible de contribuer à faire connaître les objectifs poursuivis au grand public et à réduire la probabilité que des circonstances imprévues ne surviennent lors de la mise en œuvre des nouvelles dispositions.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Les propositions sont au nombre de deux: a) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers (API) en vue de renforcer et de faciliter les contrôles aux frontières extérieures, modifiant le règlement (UE) 2019/817 et le règlement (UE) 2018/1726, et abrogeant la directive 2004/82/CE du Conseil: et b) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la collecte et au transfert des informations préalables sur les passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, et modifiant le règlement (UE) 2019/818.

(2)  Directive 2004/82/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant l’obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers (JO L 261 du 6.8.2004, p. 24).

(3)  Directive (UE) 2016/681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière (JO L 119 du 4.5.2016, p. 132).

(4)  COM(2022) 729 final.

(5)  COM(2022) 731 final.

(6)  Commission européenne, document de travail des services de la Commission, Évaluation de la directive 2004/82/CE du Conseil concernant l’obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers (directive API), Bruxelles, le 8 septembre 2020, SWD(2020) 174 final.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/103


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, au regard de leurs émissions et de la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009

[COM(2022) 586 final — 2022/0365(COD)]

(2023/C 228/14)

Rapporteur:

Bruno CHOIX

Corapporteur:

Guido NELISSEN

Consultation

Parlement européen, 15.12.2022

Conseil de l’Union européenne, 21.12.2022

Base juridique

Article 114 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles

Adoption en section

27.3.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’industrie automobile s’est engagée actuellement dans la plus grande transformation de son histoire, à savoir la décarbonation et la numérisation du transport routier. Ce nouveau paradigme aura un impact profond sur la structure de l’industrie ainsi que sur la quantité et qualité des emplois. Compte tenu de l’ampleur de la transition, le Comité économique et social européen (CESE) appelle à une politique industrielle globale qui intègre les trois dimensions du développement durable: économique, environnementale et sociale. La dimension de l’emploi doit être abordée au moyen d’efforts accrus en matière de formation professionnelle, de perfectionnement et de reconversion de la main-d’œuvre, de programmes régionaux/locaux de reconversion économique et de reclassement professionnel. Ces efforts doivent être soutenus par un dialogue social bien établi et par l’ambition de garantir la préservation et la création d’emplois décents dans le secteur.

1.2.

Le CESE soutient l’introduction des normes d’émission Euro 7 comme un élément important pour atteindre les objectifs de l’Union européenne (UE) en matière de qualité de l’air ambiant. En même temps, cela permettra également à l’Union de maintenir son leadership industriel en matière de technologies automobiles propres.

1.3.

Le Comité se félicite des nombreuses améliorations apportées à la proposition de règlement: prévention de la manipulation, utilisation des technologies numériques, réduction de la complexité, intégration des véhicules électriques et des émissions autres que les gaz d’échappement.

1.4.

Pour plusieurs raisons, le CESE préconise d’adopter une approche «réaliste» et «rentable» lors de la fixation des nouvelles normes d’émission:

1.4.1.

le respect du principe de proportionnalité: étant donné que les moteurs à combustion interne deviendront probablement une technologie obsolète à partir de 2035, les budgets nécessaires pour respecter les nouvelles normes ne seront plus disponibles pour investir directement dans des groupes motopropulseurs propres;

1.4.2.

la mobilité automobile individuelle doit rester abordable afin d’éviter la «précarité en matière de mobilité» (les options de transport alternatives n’étant pas suffisamment disponibles en dehors des agglomérations urbaines);

1.4.3.

un coût trop élevé des normes d’émission Euro 7 risque d’être contre-productif car les consommateurs reporteront le remplacement de leur voiture et continueront à conduire leur véhicule plus polluant, limitant ainsi les avantages potentiels des normes d’émission Euro 7 sur la santé.

1.5.

Il est donc important que tous les éléments du nouveau règlement soient basés sur une analyse scientifique des coûts-bénéfices. À cet égard, toutes les parties prenantes doivent impérativement avoir la même compréhension de la manière dont sont calculés les coûts des nouvelles normes.

1.6.

Le CESE estime que l’offre d’incitations aux consommateurs accélérerait le renouvellement du parc automobile et aurait des effets bénéfiques importants sur la santé, car le remplacement de véhicules Euro 1/I à 5/V par des véhicules Euro 6/VI entraînerait une réduction de 80 % des émissions de NOx.

1.7.

Le Comité demande un processus d’adoption rapide du règlement et un délai minimum de deux ans pour les voitures/véhicules utilitaires et de trois ans pour les bus et les poids lourds afin de garantir la viabilité technique et économique du règlement proposé.

2.   Contexte de la proposition

2.1.

Le secteur automobile représente environ 10 % de la valeur ajoutée produite par l’industrie au sein de l’UE et emploie 13 millions d’européens, soit près de 7 % de la population active de l’Union.

2.2.

En croissance continue depuis plus d’un siècle, l’industrie automobile est confrontée depuis 2018 à une récession et une crise de son modèle économique. La persistance des situations de crise a conduit à réviser négativement les perspectives de redressement de la production automobile mondiale, particulièrement en Europe.

2.3.

Dans le même temps, les acteurs de la filière automobile doivent pourtant engager les plus grandes transformations qu’aura connues le produit automobile depuis son invention: l’électrification du groupe motopropulseur et la digitalisation du véhicule.

2.4.

Confrontée à cette transition structurelle, la filière automobile est ainsi engagée dans une lourde phase d’investissement qui pèse sur son modèle économique, financée par la réduction des investissements dans les technologies historiques (dont les motorisations thermiques), et la réduction des coûts de production.

2.5.

En outre, l’introduction de l’électronique de puissance et du numérique ouvre la porte à de nouveaux concurrents et rebat les cartes dans la filière, fragilisant la position des équipementiers historiques. Cette transition est un facteur important d’évolution de l’emploi.

2.6.

Quantitativement, l’emploi dans cette filière industrielle est en baisse, en relation avec la réduction des capacités et la simplification des nouveaux systèmes de traction. Qualitativement, l’emploi évolue fortement: les besoins de l’électrification et du numérique nécessitent que soit renforcé le savoir-faire au sein de la filière automobile dans de nouveaux champs de compétences.

2.7.

L’on retrouve également ces dynamiques d’emploi dans la filière des services de l’automobile: les nouveaux systèmes de traction réduisent le besoin de maintenance et impliquent une évolution des compétences.

2.8.

C’est dans ce contexte qu’a été publiée, le 10 novembre 2022, après des retards répétés, la proposition de la Commission européenne portant sur de nouvelles normes d’émission Euro 7 pour les voitures, les véhicules utilitaires, les camions et les bus.

2.9.

La proposition de nouvelles normes d’émissions Euro 7 fait partie d’un ensemble beaucoup plus vaste de politiques de l’UE visant à lutter contre la pollution atmosphérique liée aux transports. Les réglementations européennes relatives à la qualité de l’air ambiant, au contrôle technique périodique, aux émissions de CO2, à la qualité des carburants, aux infrastructures pour carburants alternatifs, aux véhicules propres ou encore à l’Eurovignette, reflètent toutes la nécessité de réduire l’importante contribution des transports à la pollution atmosphérique. Elles se complètent mutuellement pour atteindre l’ambition climatique et de non-pollution du pacte vert pour l’Europe et contribuer au passage à la mobilité durable.

2.10.

Les nouvelles normes Euro 7 seront probablement les dernières applicables aux voitures thermiques car dans le cadre du programme «Ajustement à l’objectif 55» de 2021, il a été décidé d’accélérer la décarbonation du secteur automobile, ce qui a conduit à un accord entre le Parlement européen et le Conseil (le 27 octobre 2022) prévoyant la réduction des émissions CO2 des voitures de 55 % en 2030 et l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique (hybrides inclus) dès 2035.

3.   Contenu de la proposition

Les principaux changements proposés par le règlement:

des limites d’émissions plus strictes s’appliqueront aux voitures et aux camions, diesel comme à essence (bien que les limites NOx pour les voitures restent au même niveau),

les conditions d’essai pour les émissions en conduite réelle seront élargies, tandis que les facteurs de conformité seront supprimés,

un plus grand accent sera mis sur les trajets plus courts: la distance sur laquelle est calculé le budget d’émissions de démarrage à froid sera ramenée de 16 à 10 km,

les émissions hors échappement de particules de freins et de microplastiques provenant des pneus seront mesurées et réglementées,

les exigences en matière de durabilité seront renforcées: 200 000 km ou 10 ans pour les voitures/véhicules commerciaux et 875 000 km sans limite de temps pour les camions/autobus,

un contrôle continu des émissions grâce à la surveillance embarquée sera instauré: des capteurs mesureront les émissions réelles tout au long de la vie d’un véhicule,

la longévité des batteries sera évaluée en vérifiant l’évolution de leur capacité au fur et à mesure que le kilométrage augmentera,

des règles plus strictes garantiront que les véhicules ne soient pas manipulés,

des limites d’émissions seront fixées pour des polluants auparavant non réglementés (ammoniac pour les voitures, formaldéhyde pour les camions). Pour la première fois, des limites encadreront les émissions causées par l’évaporation lors du remplissage du carburant.

4.   Observations générales

4.1.

Bien qu’en 2019, les décès prématurés attribués à l’exposition aux polluants atmosphériques aient diminué de 33 % dans l’EU-27 par rapport à 2005, des limites plus ambitieuses sont toujours nécessaires. À cet égard, le transport routier représente 37 % des émissions totales de NOx et il est estimé que chaque année, les particules fines et les oxydes d’azote provenant du trafic routier sont responsables de plus de 70 000 décès prématurés dans l’EU-27.

4.2.

La Commission a opté pour une approche «réaliste» pour établir les nouvelles règles. Les voitures à moteur à combustion interne resteront abordables même si le durcissement des normes applicables aux diesels accélérera probablement le déclin de l’offre de ce type de véhicules. Il ne faut pas oublier non plus que les nouvelles normes de CO2 auront également un impact sur le prix d’achat des véhicules.

4.3.

Bien qu’elle soit moins ambitieuse que ce à quoi beaucoup s’attendaient en matière de fixation des valeurs d’émission, la norme Euro 7 constitue une révision d’envergure qui remédie à un certain nombre de faiblesses de la norme Euro 6, telles que le risque de manipulation, la complexité des règles, le vieillissement des véhicules et les émissions en conditions réelles. Elle adopte également une approche beaucoup plus large en intégrant les véhicules électriques et les émissions hors échappement.

4.4.

La pression réglementaire exercée par les normes d’émission Euro successives a favorisé l’innovation dans la conception des systèmes de contrôle des émissions et des groupes motopropulseurs et a contribué à la primauté industrielle de l’Union. Pour cette raison, il est important que les normes de l’UE gardent une longueur d’avance sur les normes en cours d’élaboration sur les marchés clés. Être à la pointe de l’intégration des technologies numériques et propres est un atout important pour accéder aux marchés internationaux. À cet égard, il convient également d’envisager des normes plus ambitieuses, comme les exigences américaines en matière de durabilité (240 000 km ou 15 ans).

4.5.

Le CESE est d’avis que l’offre d’incitations aux consommateurs accélérerait le renouvellement du parc automobile, ce qui aurait un impact évident sur la qualité de l’air et la réduction des émissions. Le fait de remplacer la flotte ancienne par les véhicules les plus récents, conformes à la norme Euro 6, associé à l’électrification en cours, permettrait une réduction considérable (de 80 %) des émissions de NOx du transport routier d’ici 2035.

4.6.

Le CESE demande qu’une analyse coûts-bénéfices solide et scientifique soit consacrée à chacun des nouveaux éléments devant faire l’objet d’une réglementation, afin de clarifier dans quelle mesure ces exigences prises séparément pourraient contribuer à une réduction rentable des émissions. À cet égard, il est important que toutes les parties prenantes aient la même compréhension de l’analyse des surcoûts liés à la mise en application de la norme Euro 7.

4.7.

Le CESE est convaincu que la mobilité automobile individuelle doit rester accessible et abordable pour tous, plus particulièrement pour les personnes qui n’ont pas accès à des transports publics de qualité (ou à d’autres solutions de transport). C’est pourquoi le Comité invite l’industrie automobile à continuer à maintenir une offre de véhicules d’entrée de gamme accessibles à tous. Comme le prix des voitures augmente nettement plus vite que le pouvoir d’achat et puisque les services de mobilité partagée ne constituent pas encore une alternative valable, le Comité est également convaincu qu’il est grand temps de prendre sérieusement en compte le problème de «précarité en matière de mobilité».

4.8.

D’une manière générale, le CESE est d’avis qu’il convient de trouver un équilibre entre les trois dimensions du développement durable. Le fait d’investir à la fois dans la transition vers les véhicules électriques et dans la réingénierie du moteur thermique pourrait engendrer des désavantages concurrentiels pour l’industrie automobile européenne par rapport aux fabricants qui produisent uniquement des véhicules électriques ou aux constructeurs automobiles étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations. En outre, il faut éviter que des prix trop élevés pour les automobiles conformes à la norme Euro 7 aient pour conséquence que les consommateurs reportent le remplacement de leur voiture plus polluante. Cela réduirait considérablement les bénéfices potentiels de la norme Euro 7, tout en provoquant des restructurations industrielles résultant de l’effondrement des ventes.

4.9.

Vu l’ampleur de la transformation, le CESE appelle à une politique industrielle cohérente capable de relever le triple défi auquel l’industrie automobile est confrontée:

environnement: contribuer à la réalisation des objectifs du «pacte vert» et aux nouvelles normes d’émission de la directive sur la qualité de l’air ambiant,

économie: maintenir la primauté industrielle, préserver la chaîne d’approvisionnement automobile au sein de l’UE, développer un écosystème solide pour les voitures électriques,

aspect social: un cadre pour la transition juste, une information et une consultation préalables/un dialogue social pour anticiper et gérer la transition, des plans de reconversion régionaux, une reconversion professionnelle et le maintien d’emplois de qualité.

5.   Observations particulières

5.1.

La Commission prévoit dans son projet deux dates d’application: juillet 2025 pour les véhicules légers et juillet 2027 pour les véhicules lourds. Dans les deux cas, la date correspond à celle où les États membres devront refuser l’immatriculation des véhicules qui ne respecteront pas la réglementation Euro 7.

Le choix de ces dates soulève des interrogations, en particulier en ce qui concerne les véhicules légers.

5.1.1.

La proposition de juillet 2025 semble peu réaliste. En effet, les constructeurs devront changer de production plusieurs mois avant ce délai pour éviter de produire des stocks de véhicules Euro 6 qui ne seront plus immatriculables, et il faut habituellement plus d’un an pour homologuer l’ensemble du parc. Les homologations devraient donc commencer dès le début de l’année 2024, soit immédiatement après l’adoption du règlement Euro 7, et éventuellement avant la publication de ses textes d’application.

La proposition de juillet 2027 pour les véhicules lourds peut sembler plus adaptée, mais il y a lieu de tenir compte des délais nécessaires pour développer les solutions techniques innovantes telles que le catalyseur réchauffé électriquement, qui seront nécessaires pour atteindre les limites d’émission. Par conséquent, le CESE est d’avis qu’une adoption rapide du règlement et un délai minimum (après son adoption) de deux ans pour les voitures/véhicules utilitaires et de trois ans pour les bus/poids lourds sont nécessaires pour garantir la viabilité technique et économique du règlement proposé.

5.2.

Concernant les véhicules légers, le projet de règlement prévoit de remplacer les différentes limites d’émission accordées aux véhicules utilitaires selon leur masse par un jeu unique de valeur couvrant l’ensemble des véhicules utilitaires, pour autant que le rapport de la puissance sur la masse reste inférieur à 35 kW/t. Cet effort de simplification est louable, mais il est de nature à affecter sensiblement l’activité du secteur des véhicules utilitaires légers, et notamment celui des véhicules transformés, et ce d’autant plus que les dates d’application pour les véhicules légers et les véhicules lourds ne concordent pas. Dans ce contexte, le CESE plaide pour des dérogations et pour une souplesse dans l’application, par exemple en cas de conversion d’un utilitaire léger de catégorie N1 (masse inférieure à 3 500 kg) vers un minibus de catégorie M2 (masse inférieure à 5 000 kg).

5.3.

Dans le cadre de l’ambition numérique portée par le pacte vert, la Commission propose d’introduire dans les véhicules légers et les véhicules lourds un dispositif novateur baptisé OBM («On Board Monitoring», contrôle à bord) et destiné à enregistrer de manière continue, à bord du véhicule, le niveau des émissions polluantes afin:

d’identifier une situation de sur-émissions non détectée par l’OBD,

de transmettre périodiquement les valeurs d’émission vers des serveurs pour faciliter les activités de surveillance du marché, les contrôles de conformité en service et le contrôle technique.

Si un tel dispositif peut effectivement contribuer à simplifier les processus de surveillance, son développement suppose l’élaboration rapide d’une réglementation technique qui permettra de préciser le matériel qui sera nécessaire (capteurs, logiciels, etc.). Cette évolution, qui aura un impact potentiellement fort sur les usagers, nécessitera à elle seule un délai de trois ans, après publication du règlement technique, pour une mise en service.

5.4.

Concernant les véhicules légers, les valeurs limites proposées par la Commission peuvent sembler peu ambitieuses en ce qu’elles correspondent, en principe, à l’harmonisation sur la valeur la plus basse prévue par la réglementation Euro 6 pour les motorisations essence et diesel. Il importe néanmoins de constater que:

dans ses annexes, le projet de règlement prévoit de redéfinir les conditions qui garantissent aujourd’hui la représentativité de l’essai routier autour de l’usage courant du véhicule, ce qui obligera les constructeurs à redimensionner les systèmes de post-traitement,

l’harmonisation des limites sur la mieux-disante engendre une augmentation des contraintes pour les motorisations essence (limite abaissée de 50 % sur le CO pour les véhicules particuliers essence) comme pour les diesels (limite NOx abaissée de 40 % pour les véhicules utilitaires lourds diesel),

contrairement au règlement Euro 6, il est prévu de ne plus accorder aucune tolérance dans le règlement Euro 7 dont le fondement sera l’essai sur route.

5.5.

Étant donné que les microplastiques provenant des pneumatiques sont une des sources les plus importantes de pollution des océans et qu’aucune limite n’a encore été fixée en raison de l’absence d’une procédure au niveau de l’ONU, il est urgent qu’une telle procédure soit développée dans les meilleurs délais.

5.6.

La Commission s’interroge sur la nécessité d’introduire des normes d’émission d’ammoniac pour les voitures. Étant donné que le secteur des transports représente moins de 1 % des émissions européennes d’ammoniac, le coût de cette mesure ne semble pas être proportionnel aux avantages. La commission se pose également des questions sur la pertinence d’imposer aux véhicules un système pour limiter les émissions liées à l’évaporation lors du remplissage de carburant, alors que l’Europe a déjà mis en place un dispositif de réaspiration au niveau des pompes de distribution de carburant

5.7.

Concernant les véhicules lourds, les valeurs limites proposées par la Commission marquent une rupture par rapport aux valeurs du règlement Euro 6, avec des objectifs de réduction qui sont respectivement de — 80 % pour les NOx et particules en nombre et jusqu’à — 95 % pour le CO. Par ailleurs, au titre de leur impact sur l’effet de serre, la Commission propose de réglementer individuellement les seuils de CH4 (méthane) et de N2O (oxyde nitreux) à un niveau particulièrement bas pour ce dernier. Il va de soi que ces changements vont nécessiter des investissements importants qui devront être pris en compte dans les discussions à venir sur la trajectoire CO2 des véhicules lourds (1).

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  COM(2023) 88 final.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/108


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes

[COM(2022) 732 final — 2022/0426(COD)]

et sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains (quatrième rapport)»

[COM(2022) 736 final]

(2023/C 228/15)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteur:

Pietro Vittorio BARBIERI

Consultation

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

125/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La traite des êtres humains constitue un crime abominable et une violation grave des droits fondamentaux des personnes. La stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité, adoptée en 2020, met en avant le rôle que joue la criminalité organisée dans la traite des êtres humains et le coût humain qu’elle implique.

1.2.

En 2011 a eu lieu l’adoption de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil (1) concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. En 2021, la Commission européenne a approuvé la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025, dans laquelle elle faisait déjà valoir la nécessité d’évaluer, aux fins de l’améliorer, la mise en œuvre de la directive précitée.

1.3.

Le Comité économique et sociale européen (CESE) salue le quatrième rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains, qui met en relief l’évolution de ce phénomène, et se félicite de la proposition de modification de la directive y afférente. Cette directive vise à prévenir et combattre la traite des êtres humains ainsi qu’à protéger les personnes qui en sont victimes. À cette fin, elle s’articule autour de trois cadres d’action: i) l’érection en infraction pénale de la traite des êtres humains ainsi que les enquêtes et les poursuites relatives à ce phénomène, y compris la définition des infractions, des peines et des sanctions; ii) l’assistance et l’aide aux victimes de la traite des êtres humains, et la protection de celles-ci; et iii) la prévention de la traite des êtres humains.

1.4.

Le CESE accueille de manière positive l’élargissement de la définition des différentes formes d’exploitation. Le CESE reconnaît qu’il ne faut pas considérer la liste de ces infractions comme exhaustive, car malheureusement, les formes d’exploitation revêtent chaque jour de nouvelles facettes. Il estime que c’est ainsi que les États membres doivent appréhender la question de la traite des êtres humains, en examinant sous un angle global les enjeux liés à l’exploitation.

1.5.

Le CESE est d’avis qu’il faudrait renforcer la perspective de genre dans le contenu et la mise en œuvre de la directive, étant donné que l’immense majorité des victimes sont des femmes et des jeunes filles. De même, il y a lieu de prêter attention aux situations de vulnérabilité susceptibles de favoriser le recrutement et l’exploitation, entre autres, par les réseaux criminels, et d’accorder en outre davantage de considération à d’autres groupes vulnérables, dont les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes sans papiers ou possédant un statut de résident précaire.

1.6.

Le CESE voit d’un œil positif la référence explicite à la dimension en ligne de cette forme de criminalité qu’est la traite des êtres humains. Le recours aux nouvelles technologies a favorisé les infractions de traite des êtres humains, en ce qu’elles offrent un accès plus étendu aux victimes, facilitent leur exploitation et entravent le suivi des profits tirés de ces infractions.

1.7.

Le CESE approuve le fait que la Commission ait développé un meilleur système de sanctions. L’évaluation ayant montré que la plupart des États membres n’avaient pas mis pleinement en œuvre les mesures de sanction facultatives, le nouveau régime obligatoire, qui établit une distinction entre les infractions standard et les infractions aggravées, permet de renforcer la lutte contre les infractions de traite des êtres humains.

1.8.

Le CESE juge également positif que les personnes morales puissent être passibles de sanctions consistant notamment en l’exclusion du bénéfice d’aides ou de soutiens publics, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ou encore l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale. Il estime qu’un lien pourrait être établi entre l’utilisation, en connaissance de cause, de services résultant de l’exploitation et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, de sorte que les entreprises qui profitent des différentes formes d’exploitation puissent aussi être tenues pour responsables.

1.9.

Le CESE estime que la directive devrait porter une plus grande attention aux victimes de la traite des êtres humains, et il tient à rappeler que les États membres ont l’obligation de les prendre en charge, de les protéger et de garantir, dans la mesure du possible, leur inclusion sociale. En plus de réaffirmer la nécessité de ne pas sanctionner les victimes de la traite des êtres humains, la directive devrait viser le renforcement des mécanismes et instruments d’assistance et d’aide aux victimes, en particulier s’agissant de groupes vulnérables.

1.10.

Le CESE demande à la Commission d’inclure dans sa proposition de directive l’exigence de se conformer à la directive 2004/81/CE du Conseil (2) relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes.

1.11.

Le CESE rappelle l’importance d’œuvrer à la prévention de la traite des êtres humains, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire la demande de toute forme d’exploitation. Comme l’indique le rapport, la demande de main-d’œuvre bon marché ou de prostitution, quoique souvent liée à l’existence d’infractions de traite des êtres humains, continue d’augmenter.

1.12.

Le CESE convient de la nécessité d’améliorer la collecte de données, mais aussi de perfectionner les outils disponibles afin de mieux détecter ces infractions. Comme le souligne le rapport, il ne fait aucun doute qu’un nombre élevé de cas ne sont pas signalés, situation qu’il importe également de corriger et de traiter dans le cadre d’une coordination et d’une collaboration entre les États membres, ainsi qu’avec les institutions européennes.

1.13.

Le CESE estime qu’il faudrait tirer parti de la présentation de la proposition de directive à l’examen pour mieux communiquer sur la nécessité d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains et renforcer la sensibilisation à ce sujet. La violation des droits engendrée par les différentes formes d’exploitation appelle une réponse globale et multidimensionnelle, dans laquelle le rôle des citoyens est capital pour lutter contre l’impunité et la normalisation de ces abus.

1.14.

Le CESE rappelle que les facteurs qui influent sur le phénomène de traite des êtres humains comprennent notamment: la «féminisation de la pauvreté», les différences d’accès aux études et aux ressources entre les hommes et les femmes, les inégalités en matière de soins médicaux et de santé, la propagation de la violence sexiste dans le monde et les disparités sociales qui existent de manière plus générale entre les femmes et les hommes.

1.15.

La création, par les États membres, d’autres mécanismes d’orientation nationaux associant les organisations de la société civile à l’identification des victimes et à la fourniture de services d’aide est une étape importante et nécessaire. Dans chacun des États membres, un nouvel outil pourrait être mis en place, à savoir un organe indépendant de suivi et d’assurance, comprenant un rapporteur national chargé de contrôler l’efficacité des mesures mises en œuvre par les États membres pour lutter contre la traite des êtres humains, d’effectuer des recherches et de collaborer avec les acteurs publics et privés qui s’occupent de ce phénomène à différents niveaux.

2.   Observations générales

2.1.

En 2000, l’Organisation des Nations unies a défini la traite des êtres humains au niveau international comme suit:

l’expression «traite des personnes» désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation» (article 3 du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 2000),

le terme «exploitation» désigne «l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes».

2.2.

La traite des êtres humains constitue un crime abominable et une violation grave des droits fondamentaux des personnes. La stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité, adoptée en 2020, met en avant le rôle que joue la criminalité organisée dans la traite des êtres humains et le coût humain qu’elle implique.

2.3.

En 2011 a eu lieu l’adoption de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes (directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains), étape importante dans l’harmonisation des règles entre les États membres. En 2021, la Commission a approuvé la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025, dans laquelle elle faisait déjà valoir la nécessité d’évaluer, aux fins de l’améliorer, la mise en œuvre de la directive précitée.

2.4.

L’évaluation réalisée par la Commission couvre la période courant de la date de transposition de la directive (avril 2013 jusqu’au mois de mars 2022) et repose sur des données recueillies au niveau européen ainsi que sur des informations qualitatives issues de discussions avec des experts et des entités spécialisées.

2.5.

L’évaluation interne de la Commission a fait ressortir les difficultés qu’il y a à déterminer correctement le nombre réel de victimes, sachant que celui de 55 314 victimes identifiées entre 2013 et 2022 est considéré comme une sous-estimation. La traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle reste la forme d’exploitation la plus répandue, représentant 55,7 % des cas signalés en 2021, alors que l’exploitation par le travail prend de plus en plus d’ampleur, en particulier dans des secteurs tels que l’agriculture, la construction ou les services de soins. Les enfants représentent 21 % du nombre total de victimes de la traite des êtres humains, lesquelles sont à 75 % des femmes et des jeunes filles.

2.6.

Il ressort de l’évaluation et du rapport que le nombre de poursuites et de condamnations est très faible, ce qui peut favoriser une culture de l’impunité chez les trafiquants. Les réseaux sociaux ont ouvert de nouvelles possibilités pour les réseaux criminels opérant dans l’Union européenne, dont la plupart sont impliqués dans la traite des êtres humains. La guerre en Ukraine est également susceptible d’entraîner une augmentation du trafic et de la traite des êtres humains, laquelle reste une infraction comportant des risques faibles pour des profits élevés.

2.7.

Si la directive a servi à mettre en place un cadre législatif commun pour combattre la traite des êtres humains, elle a aussi mis en évidence les difficultés à faire progresser la lutte contre certaines formes d’exploitation qui ne relèvent ni de la définition de la traite des êtres humains ni de la criminalité transfrontière. La directive recense également des marges d’amélioration pour ce qui est des procédures d’enquête et de poursuite des trafiquants, et elle relève la nécessité de renforcer les capacités des autorités répressives et judiciaires à conduire des enquêtes financières liées à la traite des êtres humains.

2.8.

Même si la directive est principalement axée sur la protection contre la traite des êtres humains, l’évaluation a montré que des améliorations sont possibles, notamment sur des questions telles que l’application des principes consistant à ne pas poursuivre ni sanctionner les victimes, la protection des victimes dans le cadre des procédures d’enquête ou judiciaires et la fourniture d’une assistance adaptée aux caractéristiques et aux besoins des victimes, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants et de groupes vulnérables. La faiblesse caractérisant la collecte et le traitement des données relatives à la traite des êtres humains est également considérée comme un problème.

2.9.

L’évaluation reconnaît que la directive a marqué un tournant important dans la lutte contre la traite des êtres humains au sein de l’Union européenne. Elle souligne par ailleurs la nécessité de progresser dans la mise en place d’instruments visant à accroître la surveillance, la prévention, la poursuite et le traitement judiciaire de la traite des êtres humains et des trafiquants, ainsi qu’à améliorer l’assistance apportée aux victimes.

2.10.

Dans ce contexte, la Commission présente une proposition de modification de la directive, dans l’objectif d’avancer une série de mesures destinées à renforcer la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène dans l’Union européenne, ainsi qu’à améliorer la protection des victimes.

3.   La directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains

3.1.

La directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains vise à prévenir et combattre ce phénomène ainsi qu’à protéger les personnes qui en sont victimes. À cette fin, elle s’articule autour de trois cadres d’action: i) l’érection en infraction pénale de la traite des êtres humains ainsi que les enquêtes et les poursuites relatives à ce phénomène, y compris la définition des infractions, des peines et des sanctions; ii) l’assistance et l’aide aux victimes de la traite des êtres humains, et la protection de celles-ci; et iii) la prévention de la traite des êtres humains.

3.2.

Le CESE salue la proposition de modification de cette directive, qui reconnaît la nécessité de continuer à progresser et à apporter des améliorations dans la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes. Il convient que l’infraction que constitue la traite des êtres humains est devenue une menace de plus en plus présente, qui intervient dans un contexte plus difficile qu’en 2011.

3.3.

Le CESE accueille de manière positive l’élargissement de la définition des différentes formes d’exploitation et se félicite que le rapport y fasse référence. S’il est vrai que l’exploitation sexuelle reste la forme la plus courante de traite des êtres humains, suivie de l’exploitation par le travail, la directive couvre encore d’autres formes, comme l’exploitation de la mendicité, l’exploitation à des fins d’activités criminelles ou le trafic d’organes, dont certaines ont également pris de l’ampleur ces dernières années. De même, d’autres méthodes sont apparues qui ne relevaient pas de la directive, mais que l’on pourrait aussi considérer comme des formes de traite des êtres humains, par exemple les mariages forcés, la gestation pour autrui illégale ou les adoptions illégales. Le CESE apprécierait qu’il soit fait référence aux «conditions de travail particulièrement abusives», telles que définies dans la directive européenne relative aux sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Le CESE juge nécessaire que la Commission fournisse des orientations supplémentaires sur les définitions de toutes ces différentes formes possibles afin de garantir une application plus uniforme par les États membres.

3.4.

Le CESE reconnaît qu’il ne faut pas considérer la liste de ces infractions comme exhaustive, car malheureusement, les formes d’exploitation revêtent chaque jour de nouvelles facettes. Il estime que c’est ainsi que les États membres doivent appréhender la question de la traite des êtres humains, en examinant sous un angle global les enjeux liés à l’exploitation.

3.5.

Le CESE est d’avis qu’il faudrait renforcer la perspective de genre dans le contenu et la mise en œuvre de la directive, étant donné que l’immense majorité des victimes sont des femmes et des jeunes filles. De même, il y a lieu de prêter attention à certains groupes vulnérables spécifiques, dont les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes sans papiers ou possédant un statut de résident précaire, ainsi qu’aux situations de vulnérabilité susceptibles de favoriser le recrutement et l’exploitation par les réseaux criminels. Le CESE souligne que les facteurs qui influent sur le phénomène de traite des êtres humains comprennent notamment: la «féminisation de la pauvreté», les différences d’accès aux études et aux ressources entre les hommes et les femmes, les inégalités en matière de soins médicaux et de santé, la propagation de la violence sexiste dans le monde et les disparités sociales qui existent de manière plus générale entre les femmes et les hommes.

3.6.

Le CESE voit d’un œil positif la référence explicite à la dimension en ligne de cette forme de criminalité qu’est la traite des êtres humains. Le recours aux nouvelles technologies a favorisé les infractions de traite des êtres humains, en ce qu’elles offrent un accès plus étendu aux victimes, facilitent leur exploitation et entravent le suivi des profits tirés de ces infractions. Les réseaux sociaux ont simplifié le recrutement et l’exploitation des victimes, et ont créé de nouvelles formes d’abus associées aux situations d’exploitation, telles que la diffusion d’images, de vidéos, etc.

3.7.

Le CESE approuve le fait que la Commission ait développé un meilleur système de sanctions. L’évaluation ayant montré que la plupart des États membres n’ont pas mis pleinement en œuvre les mesures de sanction facultatives, le nouveau régime obligatoire, qui établit une distinction entre les infractions standard et les infractions aggravées, permet de renforcer la lutte contre les infractions de traite des êtres humains.

3.8.

Le CESE juge également positif que les personnes morales puissent être passibles de sanctions consistant notamment en l’exclusion du bénéfice d’aides ou de soutiens publics, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ou encore l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale. Il estime qu’un lien pourrait être établi entre l’utilisation, en connaissance de cause, de services résultant de l’exploitation et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, de sorte que les entreprises qui profitent des différentes formes d’exploitation puissent aussi être tenues pour responsables. Les expériences en matière d’exploitation par le travail peuvent ainsi servir de référence.

3.9.

Le CESE estime que la proposition de modification constitue une avancée en ce qu’elle érige en infraction pénale l’utilisation de services ou d’activités résultant de l’exploitation en ayant connaissance du fait que la personne qui fournit ce service ou exerce cette activité est victime d’une infraction de traite des êtres humains, c’est-à-dire l’utilisation en connaissance de cause des services résultant de l’exploitation. Les États membres peuvent par ailleurs adopter des mesures plus sévères à cet égard. Le CESE considère qu’il importe d’aider de manière plus soutenue les États membres à appliquer cette mesure et d’évaluer, dans le rapport de transposition que la Commission devra présenter au Parlement et au Conseil, son incidence sur le plan tant de la prévention que de la poursuite de la traite des êtres humains, afin de s’assurer qu’elle n’a pas eu d’effets néfastes sur les victimes ou les groupes vulnérables, et qu’elle a fait progresser la lutte contre la «culture de l’impunité» face à ces infractions.

3.10.

Le CESE juge opportun que la Commission adapte le cadre réglementaire et répressif à l’environnement en ligne. À cet égard, il est particulièrement bienvenu que la directive prévoie le gel et la confiscation d’avoirs, conformément aux cadres réglementaires établis par l’Union européenne en la matière. Les avoirs saisis auprès des auteurs de telles infractions devraient être mis à disposition pour indemniser les victimes, lesquelles devraient se voir accorder la priorité dans le classement des créanciers.

3.11.

Le CESE voit d’un œil positif que la Commission insiste sur la nécessité d’améliorer la coopération pour ce qui est des infractions de traite des êtres humains commises dans différents États membres. La coopération transfrontière est essentielle et peut être améliorée grâce à l’échange d’informations ou à des actions conjointes, ainsi qu’à la formation des professionnels chargés de s’occuper des victimes dans les affaires transfrontières, en particulier les services répressifs.

3.12.

La création, par les États membres, d’autres mécanismes d’orientation nationaux associant les organisations de la société civile à l’identification des victimes et à la fourniture de services d’aide est une étape importante et nécessaire. Le CESE est d’avis que la Commission doit aider les États membres à mettre sur pied ou à renforcer de tels instruments, lesquels peuvent être coordonnés au niveau européen dans l’optique d’améliorer la prise en charge et la protection des victimes de la traite des êtres humains. Il serait nécessaire de progresser dans la mise en place d’un instrument d’orientation européen afin d’harmoniser davantage la prise en charge des victimes et l’assistance qui leur est fournie, tout comme dans le développement de systèmes d’aide à leur intention. Dans chacun des États membres, un nouvel outil pourrait être mis en place, à savoir un organe indépendant de suivi et d’assurance, comprenant un rapporteur national chargé de contrôler l’efficacité des interventions mises en œuvre par les États membres pour lutter contre la traite des êtres humains, d’effectuer des recherches et de collaborer avec les acteurs publics et privés qui s’occupent de ce phénomène à différents niveaux.

3.13.

Le CESE estime que la directive devrait porter une plus grande attention aux victimes de la traite des êtres humains, et il tient à rappeler que les États membres ont l’obligation de les prendre en charge, de les protéger et de garantir, dans la mesure du possible, leur inclusion sociale. En plus de réaffirmer la nécessité de ne pas sanctionner les victimes de la traite des êtres humains, la directive devrait viser le renforcement des mécanismes et instruments d’assistance et d’aide aux victimes, en particulier s’agissant de groupes vulnérables comme les mineurs, les minorités, les réfugiés ou encore les migrants sans papiers. Elle devrait en outre explorer plus avant et renforcer les instruments de réparation en faveur des victimes et les mesures de prévention, tout en prévoyant des mécanismes sûrs de signalement et de plainte, ainsi que des fonds d’indemnisation.

3.14.

Pour réussir à s’intégrer dans leur pays de destination, les victimes de la traite des êtres humains doivent avoir accès à des projets personnalisés d’assistance, d’information, d’autonomisation et d’émancipation, ce qui passe par un accueil dans des structures spécifiques protégées; la délivrance obligatoire d’un titre de séjour, condition sine qua non pour s’affranchir de la traite; l’assistance, l’information et la prévention en matière de santé; un soutien psychologique et une médiation culturelle; des informations et des conseils en matière sociale et juridique; des cours de langue et d’alphabétisation; l’évaluation des aptitudes et des compétences; l’orientation et la formation professionnelles; et enfin l’insertion sur le marché du travail.

3.15.

La directive fait l’impasse sur des modifications législatives concernant la protection des droits des victimes de la traite des êtres humains, ainsi que l’assistance et le soutien qui leur sont apportés, domaines dans lesquels la marge d’amélioration est encore grande. Le CESE rappelle que la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil (3) établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité répond, entre autres, aux besoins spécifiques de catégories particulières de victimes que sont les victimes de la traite des êtres humains, d’abus sexuels, d’exploitation sexuelle et de pédopornographie.

3.16.

Le CESE demande à la Commission d’inclure dans sa proposition de modification de la directive l’exigence de se conformer à la directive 2004/81/CE.

3.17.

La coopération de la victime doit s’entendre comme la volonté dont elle fait preuve d’adhérer à un projet individualisé d’intégration sociale et d’affranchissement de sa condition de personne exploitée. Le titre de séjour ne saurait être octroyé uniquement aux personnes qui décident de collaborer avec la justice, car les solutions pour s’affranchir de la traite des êtres humains, notamment l’accès à des services territoriaux favorisant l’autonomisation et l’émancipation, passent inévitablement par la délivrance d’un titre de séjour.

3.18.

Les victimes sont réticentes à témoigner contre leurs trafiquants. Elles subissent souvent une situation de chantage permanent et sont obligées de risquer leur vie et celle de leur famille pour apporter leur témoignage. À cet égard, il convient de rappeler que le consentement d’une victime de la traite des êtres humains à l’exploitation est indifférent [article 3, alinéa b), du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 2000].

3.19.

Par ailleurs, le CESE invite la Commission à faire progresser la mise en œuvre des recommandations qu’elle a formulées dans sa publication intitulée Les droits des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne (4), afin que les États membres accordent toujours un titre de séjour aux victimes de ce phénomène dans les cas suivants:

la présence de la victime est indispensable à l’enquête ou à la procédure judiciaire,

la victime fait preuve d’une volonté manifeste de coopérer,

la victime a rompu toute relation avec l’auteur ou les auteurs de l’infraction de traite des êtres humains,

la victime ne représente aucun danger pour l’ordre public ni pour la sécurité.

Le CESE invite en outre les États membres à recourir davantage à la possibilité d’octroyer, pour des raisons humanitaires ou personnelles, un titre de séjour aux victimes, même lorsque les conditions ci-dessus ne sont pas remplies.

3.20.

Le CESE rappelle l’importance d’œuvrer à la prévention de la traite des êtres humains, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire la demande de toute forme d’exploitation. La demande de main-d’œuvre bon marché ou de prostitution, quoique souvent liée à l’existence d’infractions de traite des êtres humains, continue d’augmenter.

3.21.

Le CESE estime qu’il convient de renforcer les nombreuses activités visant à améliorer l’information sur ces questions et la sensibilisation à celles-ci, y compris en envisageant de nouveaux outils de communication, des formations, des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation qui permettront d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains dans tous les États membres.

3.22.

Le CESE convient de la nécessité d’améliorer la collecte de données, mais aussi de perfectionner les outils disponibles afin de mieux détecter ces infractions. Il ne fait aucun doute qu’un nombre élevé de cas ne sont pas signalés, situation qu’il importe également de corriger et de traiter dans le cadre d’une coordination et d’une collaboration entre les États membres, ainsi qu’avec les institutions européennes. La proposition relative à l’élaboration d’un rapport statistique annuel sur la traite des êtres humains peut aider à obtenir des données de meilleure qualité, à améliorer les mesures prises et à mieux faire connaître ces infractions auprès du grand public.

3.23.

De même, le CESE juge positif que la Commission établisse la nécessité de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport annuel sur les travaux menés par les États membres en matière de lutte contre la traite des êtres humains, qui mette en évidence la mise en œuvre des mesures prévues et leur incidence.

3.24.

Le CESE estime qu’il faudrait tirer parti de la présentation de cette proposition de modification de la directive pour mieux communiquer sur la nécessité d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains et renforcer la sensibilisation à ce sujet. La violation des droits engendrée par les différentes formes d’exploitation appelle une réponse globale et multidimensionnelle, dans laquelle le rôle des citoyens est capital pour lutter contre l’impunité et la normalisation de ces abus.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO L 101 du 15.4.2011, p. 1).

(2)  Directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes (JO L 261 du 6.8.2004, p. 19).

(3)  Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO L 315 du 14.11.2012, p. 57).

(4)  Les droits des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/114


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE

[COM(2022) 677 final — 2022/0396 (COD)]

(2023/C 228/16)

Rapporteur:

István KOMORÓCZKI

Corapporteur:

Panagiotis GKOFAS

Consultation

Parlement européen, 13.3.2023

Conseil, 8.3.2023

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

13.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

153/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Très dommageables à notre santé, notre existence, nos économies et notre planète lorsqu’ils ne sont pas gérés convenablement, les déchets générés par les emballages continuent de croître en quantité à l’échelle mondiale, et c’est pourquoi le Comité économique et social européen (CESE) se réjouit de l’initiative à l’examen. Il demande à la Commission européenne de régler de façon coordonnée les problématiques liées aux emballages, à leurs déchets et aux politiques qui s’y rapportent, ainsi que d’harmoniser les règles dans toute l’Union.

1.2.

Afin d’assurer des résultats optimaux du point de vue environnemental, il est nécessaire de prendre des mesures stratégiques, fondées sur des éléments probants. Les défis que pose le changement climatique offrent à l’Europe l’occasion de se doter d’une base industrielle qui présente un caractère durable et soit tournée vers l’avenir. Le CESE recommande que toutes les initiatives à venir soient fondées sur des données scientifiques éprouvées et une compréhension assurée de leurs incidences réelles pour l’environnement. Il est judicieux, d’un point de vue stratégique, de soutenir la méthodologie de l’analyse sur le cycle de vie (ACV), comme instrument d’évaluation de l’impact environnemental des produits, considérés sur la totalité de leur cycle de vie.

1.3.

Le CESE soutient les efforts actuellement consentis pour réduire les déchets d’emballages, compte tenu des lourds dommages que ces déchets occasionnent dans l’environnement. Pour autant, il regrette que la proposition ne contienne pas une analyse détaillée de ses conséquences attendues pour l’environnement, la santé humaine et les opérateurs économiques. Les emballages jouent un rôle essentiel pour garantir la qualité des denrées alimentaires et faire en sorte qu’elles soient saines et sans danger. De ce point de vue, la nouvelle réglementation doit prendre en considération aussi bien la protection de l’environnement que la sécurité des consommateurs.

1.4.

Le CESE souligne que, du point de vue du changement climatique et de l’environnement, le réemploi et la recharge représentent de loin les meilleures options. En raison de longues distances d’acheminement par rapport à des dispositifs locaux de collecte et de recyclage, le fait de rendre la logistique plus complexe aura un effet négatif. Le nettoyage des bouteilles rechargeables ou de la vaisselle réutilisable fait augmenter la consommation d’eau et d’énergie ainsi que les émissions. Là aussi, le CESE regrette l’absence d’une analyse d’impact en bonne et due forme.

1.5.

Les incidences économiques dépendront à l’évidence du libellé exact des actes délégués envisagés, lesquels devront être adoptés dans les cinq ans à compter de l’adoption du texte à l’examen. Le fait même que les paramètres concrets des règles ne seront connus qu’après l’adoption du règlement proposé génère une incertitude colossale pour les entreprises et met sérieusement en péril le cycle des investissements et de l’innovation.

1.6.

Le CESE demande que l’ensemble des acteurs concernés soient associés à la mise en œuvre du nouveau règlement, qu’il s’agisse des partenaires sociaux, des opérateurs économiques, des travailleurs, des consommateurs et des organisations qui défendent leurs intérêts, des organisations de protection de l’environnement ou encore de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire. La transposition de la réglementation mise à jour dans les législations nationales ne doit pas imposer inutilement des charges administratives ou opérationnelles aux PME. Il importe à cet égard de veiller à ce que les délais prévus pour sa mise en œuvre et son entrée en vigueur soient adéquats. Le CESE fait observer que la fonction attribuée au recyclage telle que l’avait établie le train de mesures sur l’économie circulaire est remplacée, dans le texte à l’examen, par son article 26 qui s’applique directement à tous les opérateurs économiques, qu’ils soient ou non vertueux sur le plan environnemental, et qui est assorti d’une restriction légale à l’utilisation des emballages, indépendamment du fait qu’il en résulte ou non un risque pour la santé ou une dégradation de l’environnement.

1.7.

S’agissant des critères posés pour le recyclage «à l’échelle», le CESE préconise un relèvement du seuil appliqué au recyclage à l’échelle des déchets d’emballages (emballages collectés, triés et recyclés dans les États membres), qui passerait de 75 % à 90 % de la population de l’Union européenne en même temps que serait exigée la couverture d’au moins deux tiers des États membres de l’Union d’ici à 2030, afin d’assurer une mise en œuvre efficace du dispositif. Le CESE est favorable également à la mise en œuvre des «classes de performance en matière de recyclabilité» ainsi qu’à la disparition progressive des emballages les moins performants, correspondant à la classe E, d’ici à 2030.

1.8.

Le CESE recommande que des objectifs obligatoires relatifs à la teneur en matières recyclées ne soient envisagés et appliqués que pour certains matériaux d’emballage uniquement, lorsque leur adoption est susceptible d’accroître l’utilisation des matières recyclées (par exemple pour les plastiques). Dans le cas des emballages en acier, des objectifs obligatoires relatifs à la teneur en matières recyclées seraient préjudiciables et pourraient déstabiliser le marché de la ferraille. En outre, les critères déterminant l’aptitude au recyclage des emballages devraient inclure les exigences propres à la conception en vue du recyclage, la collecte séparée, l’efficacité du tri et la possibilité d’en recycler le matériau à de multiples reprises. Tout objectif de réduction des déchets proposé dans le règlement devrait par ailleurs être fixé par matériau (objectifs spécifiques pour chaque matériau), en tenant compte des spécificités et du taux de recyclage de chacun d’entre eux.

1.9.

Le CESE exprime aussi des doutes quant à l’efficacité d’un objectif uniformément fixé à 15 %, dont l’effet est discriminatoire pour les consommateurs issus de pays où la production de déchets d’emballages par habitant est relativement faible. Les chiffres montrent que la production de déchets d’emballages est jusqu’à trois fois supérieure dans les pays où la consommation est plus importante que dans ceux qui consomment peu, et pourtant il est attendu de tous les pays sans distinction qu’ils réduisent de 15 % leur quantité d’emballages par consommateur. Il serait préférable de calculer l’objectif sur la base du nombre d’habitants, de l’activité économique, de la production industrielle et du revenu des ménages.

1.10.

Le CESE préconise la mise en place suivie d’effet de dispositifs de protection et de soutien (sensibilisation du public, formations, négociation collective, régimes d’indemnisation, transferts vers d’autres secteurs) pour accompagner le basculement vers d’autres filières des travailleurs employés dans les secteurs qui sont en transition et seront prochainement touchés par la mise en œuvre de la réglementation révisée.

1.11.

Le CESE encourage les États membres à lancer des stratégies pour développer leurs filières et magasins de réparation et, pour ce faire, à prévoir des incitations à l’investissement dans des machines de réparation, à réduire le prix des pièces détachées et à dégager des synergies entre secteurs.

1.12.

L’industrie de l’emballage se développe rapidement et constitue un vaste vivier d’emplois. Par conséquent, il est impératif de soumettre régulièrement les nouvelles réglementations à des analyses d’impact et à un suivi rigoureux dans les États membres, tant au niveau de l’administration centrale qu’à celui des collectivités, ce qui est indispensable pour en évaluer les effets sur la viabilité économique, l’emploi et la durabilité environnementale.

1.13.

La Commission européenne est invitée à adopter un cadre différencié et individualisé pour l’évaluation, le suivi et la comparaison des stratégies appliquées en matière d’emballage à différents produits. Dans l’objectif de réduire la quantité des déchets d’emballages, il conviendrait d’évaluer périodiquement la nécessité réelle de recourir à des emballages et de repenser des solutions optimisées. Pour ce qui concerne le bon fonctionnement des systèmes nationaux de consigne, il sera important de trouver des moyens de conserver les systèmes préexistants au niveau national et de les faire coexister avec les nouveaux codes-barres européens.

1.14.

Les consommateurs doivent être associés à cette démarche et encouragés à réutiliser, renvoyer ou recycler les matériaux d’emballage de manière optimale, au moyen de mécanismes de compensation positifs et négatifs. Les consommateurs joueront un rôle important dans le système de consigne, le réemploi et la recharge, et le CESE demande que des campagnes de sensibilisation et d’éducation soient menées pour leur permettre de mieux comprendre et appréhender la place qu’ils occupent à cet égard.

1.15.

Le CESE invite le Conseil et le Parlement européen à collaborer étroitement avec les collectivités locales et régionales et avec les opérateurs économiques dans la recherche des modalités optimales pour mettre en pratique le système d’étiquetage.

1.16.

La qualité et la quantité des déchets déterminent leur aptitude à être recyclés. Le CESE invite les États membres à évaluer les incidences environnementales et économiques des opérations nécessaires à la gestion des déchets au moment de leur planification.

1.17.

Du point de vue des principes législatifs, le règlement mêle une norme qui touche directement les opérateurs économiques à titre individuel avec une directive qui adresse aux États membres des objectifs généraux. Il y aurait donc lieu de scinder le texte en deux actes législatifs. Le premier serait une directive fixant les objectifs destinés aux États membres quant à la gestion des emballages et de leurs déchets, tandis que le second serait un règlement énonçant les exigences fondamentales applicables aux emballages et des exigences concernant leur aptitude au recyclage et leur étiquetage.

1.18.

En ce qui concerne la réduction des déchets, le CESE recommande d’assortir la révision de la législation relative aux emballages et aux déchets d’emballages d’une révision de la directive sur la mise en décharge [directive 1999/31/CE du Conseil (1)] afin de réduire la mise en décharge des déchets d’emballages.

2.   Contexte et fondements

Les effets des emballages sur l’environnement doivent à tout moment être pris en compte

2.1.

À l’échelle mondiale, la plupart des emballages sont à usage unique et sont jetés ou recyclés au lieu d’être réutilisés. Les autorités chargées de l’environnement dans de grands pays industrialisés estiment que les denrées alimentaires et les matériaux utilisés dans les emballages alimentaires constituent près de la moitié de l’ensemble des déchets solides produits à l’échelle des municipalités (2).

2.2.

Le gaspillage de ressources précieuses et la pollution qui sont la conséquence de ce système de consommation et d’élimination mettent gravement en péril notre santé, l’environnement, la durabilité et le climat de la planète.

2.3.

Il est par conséquent essentiel que la Commission européenne procède à un suivi régulier des déchets d’emballages ainsi que de leur collecte, de leur gestion et de leur réutilisation, en concertation avec tous les acteurs concernés.

2.4.

On s’attend à ce que les secteurs en transition, mais aussi les salariés et les petits entrepreneurs dans certains secteurs qui se retrouvent passés au crible, se heurtent à de graves difficultés et subissent des pertes d’emplois ou de revenus en raison de la baisse de leur chiffre d’affaires global induite par l’effet de substitution. Des dispositifs de protection sociale et des initiatives de reconversion pourraient atténuer ces effets.

2.5.

De la même manière, des régions qui sont tributaires de la production industrielle d’emballages et de certaines technologies dans ce domaine pourraient, à brève échéance, déplorer des suppressions d’emplois et assister au départ vers d’autres territoires de leurs travailleurs, qu’ils soient hautement qualifiés ou moins spécialisés. Il est essentiel de décliner les politiques à l’échelle locale pour éviter une fuite des cerveaux et une désertification des zones rurales et des bassins industriels.

2.6.

Il est fondamental aussi de surveiller les effets produits par la mise en œuvre de la législation au moyen d’un mécanisme d’évaluation permanent, afin de pouvoir vérifier le bilan de chaque pays, échanger de bonnes pratiques et proposer la révision de certains paramètres. Il faut enfin tenir compte de potentielles avancées dans la capacité technologique des industries à réutiliser et recycler certains matériaux (comme les plastiques biodégradables), en insistant particulièrement sur la santé publique et les conséquences à long terme pour l’environnement.

Les outils préconisés par la Commission européenne pour traiter les problèmes liés aux emballages et aux matériaux d’emballage

2.7.

Dans sa proposition de règlement, la Commission précise le rôle fondamental que jouent la numérisation et la durabilité dans la réduction des emballages et des déchets d’emballages. Il est impératif d’aligner l’un sur l’autre ces deux aspects, car ils sont essentiels pour réaliser les objectifs du pacte vert et renforcer la résilience de l’Europe, sa prospérité future et sa durabilité.

Les ressources naturelles et énergétiques nécessaires aux emballages — craintes et solutions

2.8.

Les emballages alimentaires modernes, qui constituent l’un des principaux usages des matériaux d’emballage, sont un moyen de s’assurer de la qualité des denrées alimentaires, d’en garantir l’hygiène et la conservation, et de faire en sorte qu’elles soient sans danger. Toutefois, la plupart des emballages alimentaires sont aujourd’hui encore à usage unique et ne peuvent pas être entièrement recyclés s’ils ne sont pas convenablement collectés et séparés des fragments provenant d’autres matériaux, car ils sont soit souillés par des denrées alimentaires, soit trop petits, soit multicouches.

2.9.

Tous les types d’emballage requièrent de nombreuses ressources, notamment de l’énergie, de l’eau, des substances chimiques, du pétrole, des minéraux, du bois et des textiles. En outre, leur production génère fréquemment des eaux résiduaires et des boues contenant des substances chimiques nocives et elle rejette dans l’atmosphère des gaz à effet de serre, des métaux lourds et des particules.

2.10.

Les emballages alimentaires modernes sont conçus à partir de divers matériaux manufacturés ou de synthèse, notamment la céramique, le verre, le métal, le papier, le carton, la cire, le bois ou encore, et de plus en plus, le plastique. La plupart de ces emballages sont composés de verre, de plastique rigide, de papier et de carton. En ce qui concerne les plastiques, même si certains, plus récents, sont fabriqués à partir de maïs ou d’autres matières végétales, il s’agit encore, pour une majorité d’entre eux, de dérivés du pétrole qui contiennent des additifs tels que des polymères.

2.11.

Il est crucial que la Commission européenne fixe dans sa proposition une teneur minimale obligatoire en matières biosourcées d’au moins 60 % pour les emballages compostables. Les cartons comportent souvent un revêtement plastique qui n’est pas visible et, sur de nombreux emballages de formes diverses, c’est une impression à l’encre qui est utilisée pour libeller l’étiquette.

2.12.

L’utilisation accrue de différents types d’emballages, associée à de faibles taux de réutilisation et de recyclage, peut faire obstacle à la création d’une économie circulaire sobre en carbone dans l’Union européenne.

2.13.

Le CESE considère que les emballages compostables qui sont sans danger lorsqu’ils entrent en contact avec des denrées alimentaires constituent la solution la plus appropriée, et qu’ils jouent un rôle essentiel pour faire en sorte que davantage de déchets soient biodégradables. Ils permettraient également de réduire la quantité de plastiques non biodégradables qui, autrement, contaminent le compost.

3.   Les emballages en plastique

3.1.

Les Nations unies ont qualifié la pollution des océans par le plastique de «catastrophe planétaire», causée principalement par la quantité d’emballages alimentaires en plastique qui se retrouvent dans les cours d’eau (3). Cette pollution est inquiétante pour toutes les espèces aquatiques.

3.2.

Les États membres devront envisager une nouvelle approche du plastique fondée sur l’économie circulaire. Ils peuvent favoriser le développement de choix d’emballages circulaires en optant pour d’autres matériaux ou pour des matériaux polymères spécifiques afin de garantir une aptitude au recyclage bien supérieure. Lorsque les plastiques ne sont pas recyclables, ils devraient être utilisés pour la production de biocarburant.

4.   Les matériaux permanents, les données sur le recyclage et le problème des objectifs de recharge dans le cas des bouteilles pour boissons alcoolisées

4.1.

Les différents matériaux d’emballage alimentaire ont des caractéristiques et des propriétés différentes, ce qui influe sur leur potentiel de recyclage. Des matériaux tels que l’aluminium, le verre et l’acier sont considérés comme des «matériaux permanents», ce qui signifie qu’ils subissent une dégradation minimale au cours de leur durée de vie utile et qu’ils peuvent être recyclés indéfiniment sans perdre leur qualité ou leurs propriétés intrinsèques.

4.2.

L’intérêt pour les matériaux permanents s’est accru significativement en parallèle de la réflexion sur l’économie circulaire. Ces matériaux doivent être dûment reconnus dans la future législation, et les futures politiques doivent soutenir efficacement leur recyclage.

4.3.

Un des moyens d’induire une croissance qui soit découplée de la consommation de ressources consiste à utiliser des matériaux à base de fibres ou d’autres matières naturelles pour réaliser des emballages, lesquels se composeront de matières renouvelables, tout en étant par ailleurs durables, attrayants, recyclables et biodégradables. Des études récentes ont indiqué que pareils emballages en fibres peuvent être recyclés plus de 25 fois et ont démontré ainsi qu’ils représentent un rouage essentiel de l’économie circulaire.

4.4.

Le taux de recyclage des emballages en verre dans l’Union s’élevait en moyenne à 76 % (4) en 2020, et il reste une certaine marge d’amélioration des systèmes de collecte et du tri dans certains États membres. En 2017, ces taux étaient de 95 % en Suède, 88,4 % en Allemagne, 78 % en Italie et 61 % en France (5).

4.5.

Il est prévu dans la proposition à l’examen d’appliquer aux bouteilles pour boissons alcoolisées des objectifs obligatoires de réemploi et de recharge. Or, certains opérateurs économiques de premier plan sont fermement convaincus que ces objectifs risquent de poser des difficultés considérables à la fois pour l’approvisionnement et du point de vue de la santé publique, sachant que les consommateurs font régulièrement usage des bouteilles à d’autres fins pratiques également. Cette obligation de réemploi pourrait causer des problèmes, notamment de contamination due à la prolifération d’agents pathogènes, bactériens ou autres.

5.   La pollution de l’eau et des sols par les emballages alimentaires

5.1.

La mise en décharge des emballages, surtout ceux en plastique, au-delà même de la pollution des terres et de l’environnement qui en résulte, qui est considérable et inacceptable, a aussi pour effet que les substances chimiques contenues dans leurs matériaux, comme l’encre et les colorants utilisés pour l’étiquetage, s’infiltrent dans les eaux souterraines et dans le sol.

5.2.

Il est fréquent notamment que les déchets plastiques soient transportés jusque dans les régions les plus reculées du globe, où ils représentent un danger pour les êtres humains, les oiseaux et la faune marine. La pollution des océans par les plastiques est devenue si grave que la responsable des affaires maritimes aux Nations unies l’a qualifiée de crise planétaire.

5.3.

La contamination des océans n’est que l’un des effets pervers du plastique sur l’écosystème. Une étude a montré qu’un tiers de l’ensemble des matières plastiques est jeté et finit par se retrouver dans les cours d’eau ou dans le sol. D’autres études révèlent que la pollution par les microplastiques est, en volume et à l’échelle mondiale, entre 4 et 23 fois plus importante encore dans les sols que dans les océans.

5.4.

Les microplastiques présents dans les sols auront un effet délétère sur le comportement des animaux qui y vivent, comme les vers de terre, avec pour conséquences la propagation de maladies et d’autres effets pernicieux. On a même constaté la présence de microplastiques chez les nouveau-nés. Par ailleurs, les plastiques qui se dégradent absorbent des substances nocives, comme des pesticides tels que le DDT, une fois qu’ils se retrouvent dans le sol ou les cours d’eau.

6.   La pollution de l’air et des océans par les emballages alimentaires

6.1.

Les déchets d’emballages alimentaires qui ne peuvent pas être compostés ou recyclés finissent souvent par être mis en décharge, d’où ils rejettent des émissions dans l’atmosphère, notamment de gaz à effet de serre. Les décharges libèrent du méthane, de l’ammoniac et du sulfure d’hydrogène. Pour leur part, les incinérateurs rejettent du mercure, du plomb, du chlorure d’hydrogène, du dioxyde de soufre, du protoxyde d’azote, des particules en suspension et des dioxines, qui sont les composés les plus dangereux.

6.2.

La plupart des récipients et couvercles pour café, des dosettes de café, des récipients en polystyrène, des bouteilles et bouchons en plastique, des anneaux porte-canettes et des sacs à provisions en plastique sont conçus pour un usage unique. Pourtant, à défaut d’être recyclés, ils s’amoncellent dans nos cours d’eau, où les animaux les prennent à tort pour de la nourriture et viennent s’y empêtrer.

6.3.

La quantité de plastique qui dérive sur les océans représente un immense danger pour les animaux. L’organisation Ocean Conservancy (6) indique que «du plastique a été retrouvé sur 59 % des oiseaux marins tels que les albatros et les pélicans, 100 % des espèces de tortues marines et plus de 25 % des poissons recueillis comme échantillon sur des marchés de produits de la mer».

6.4.

Sur les quantités astronomiques de matières plastiques, elles-mêmes composées de myriades d’éléments, qui dérivent au gré du courant sur les océans, seulement 5 % de cette masse environ est visible à la surface; le reste flotte en dessous ou s’est échoué dans les fonds marins.

6.5.

Le CESE juge essentiel de promouvoir le recyclage organique des déchets alimentaires et des déchets d’emballages alimentaires compostables, d’autant que la collecte séparée aux fins du recyclage organique des déchets alimentaires sera rendue obligatoire à partir du 31 décembre 2023. Les résidus d’élevage tels que les lisiers et fumiers offrent la possibilité de produire des engrais organiques, du biogaz ou du biométhane.

7.   Observations générales

7.1.

Le CESE soutient l’ambition qu’a la Commission européenne de réviser les exigences applicables aux emballages et déchets d’emballages, afin de limiter la quantité, la taille et le poids de ces emballages au sein du marché unique de l’Union, de prévenir la production de déchets d’emballages superflus, de favoriser un recyclage de qualité et d’accroître l’aptitude des emballages à être recyclés et réutilisés.

7.2.

Toute révision de la législation relative aux emballages et aux déchets d’emballages doit être entièrement alignée sur les objectifs cardinaux du pacte vert pour l’Europe que sont la neutralité climatique, l’utilisation durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement, et elle doit se faire dans la cohérence par rapport à la législation connexe, comme le plan d’action pour une économie circulaire, la directive-cadre relative aux déchets, la directive sur les plastiques à usage unique, la directive sur l’écoconception et la législation de l’Union sur les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.

7.3.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire d’imposer des critères stricts quant à l’aptitude au recyclage des emballages. Pour être considérés comme «recyclables», les emballages devraient non seulement respecter les critères de conception fixés, et leurs matériaux faire l’objet d’une collecte séparée et pouvoir être triés sans donner lieu à des contaminations, mais ils doivent aussi pouvoir être recyclés à de multiples reprises et former ainsi une boucle les assimilant à des matériaux permanents.

7.4.

Le CESE estime que les taux érigés en critères pour le recyclage «à l’échelle» des emballages devraient être complétés par une exigence quantitative quant à la couverture d’un nombre suffisant d’États membres de l’Union.

7.5.

Le CESE est favorable à la mise en œuvre des «classes de performance en matière de recyclabilité» établies sur la base des «critères de conception en vue du recyclage» par catégorie d’emballage. Il se félicite de l’harmonisation proposée pour tous les matériaux et escompte la disparition des emballages correspondant à la classe de performance E d’ici à 2030.

7.6.

En 2020, les taux de recyclage moyens dans l’Union s’élevaient à 85,5 % pour les emballages en acier, 74 % pour ceux en verre et 82 % pour ceux en papier. Ces matériaux s’inscrivent donc dans des boucles circulaires relativement efficaces. Cependant, l’adoption d’un objectif relatif à la teneur en matières recyclées qui, pour prendre cet exemple, s’appliquerait aux emballages en acier pourrait entraîner une déstabilisation et un morcellement du marché des matières premières secondaires et de la ferraille, avec à la clé des effets dommageables pour l’environnement. Les objectifs obligatoires relatifs à la teneur en matières recyclées ne devraient s’appliquer qu’à certaines catégories et certains matériaux d’emballage uniquement, lorsque leur adoption est susceptible d’apporter des améliorations sur le marché et d’accroître l’utilisation des matières recyclées (par exemple pour les plastiques).

7.7.

Le CESE souligne qu’il devrait être tenu compte, pour évaluer le potentiel de réduction des déchets, des parts de marché correspondant à chaque matériau d’emballage par rapport au volume global des déchets d’emballages des États membres. Des objectifs de réduction devraient être fixés pour chacun de ces matériaux (plastique, papier, métaux ferreux, aluminium, etc.) en tenant compte de l’évolution des taux de recyclage dans le temps, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables et de prévenir le remplacement inutile de certains matériaux d’emballage par d’autres qui se prêteraient mal au recyclage.

7.8.

Il convient d’inciter efficacement les États membres de l’Union à soutenir de nouveaux investissements dans les infrastructures et les technologies de recyclage, ainsi que dans la recherche et le développement.

7.9.

Le CESE considère que la révision de la directive relative aux emballages et aux déchets d’emballages devrait aussi s’accompagner d’une révision de la directive sur la mise en décharge afin de réduire la mise en décharge des déchets d’emballages. Une réduction des quantités de déchets mises en décharge serait un prolongement logique de l’engagement de l’Union européenne en faveur du recyclage et de la réduction des déchets.

7.10.

Le règlement révisé devra respecter et appliquer le principe de neutralité à l’égard des matériaux, c’est-à-dire laisser le choix du matériau d’emballage en fonction de son adéquation à un usage donné, de ses caractéristiques techniques et structurelles et de ses performances globales du point de vue environnemental.

8.   Observations particulières

8.1.

Outre la législation proposée, notamment en ce qui concerne l’étiquetage, la communication, la collecte, le tri et la réutilisation, le CESE estime que les États membres devraient envisager d’introduire des restrictions dans la production de matériaux d’emballage et peut-être de les compléter par des instruments fiscaux afin de respecter les échéances fixées par le pacte vert.

8.2.

Le CESE propose que l’Union et les États membres soutiennent par tous les moyens dont ils disposent la recyclabilité et la réutilisation des emballages, soit en encourageant l’utilisation de matériaux de substitution recyclables ou renouvelables, soit en décourageant le recours à des matériaux d’emballage qui se prêtent mal au recyclage.

8.3.

Les opérateurs économiques qui évoluent dans ce secteur important, et qui ont de grandes responsabilités à l’égard des salariés et de leurs lieux de travail, devraient être soutenus financièrement par les États membres dans le processus de transition.

8.4.

Des politiques nationales et internationales claires devraient être mises en place pour recenser les producteurs de déchets qui transportent ces derniers vers d’autres États membres.

8.5.

Les États membres devraient encourager les parties prenantes à développer des concepts nouveaux en matière d’emballages et d’étiquetage approprié afin d’atteindre les objectifs du pacte vert et d’éviter toute fraude liée aux produits européens d’origine.

8.6.

Il faudrait enfin définir clairement le rôle des municipalités dans la collecte et la gestion des déchets afin d’éviter de multiplier les procédures et infrastructures de gestion des déchets.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182 du 16.7.1999, p. 1).

(2)  https://foodprint.org/issues/the-environmental-impact-of-food-packaging/

(3)  https://www.newscientist.com/article/mg25333710-100-pollution-is-the-forgotten-global-crisis-and-we-need-to-tackle-it-now/

(4)  https://www.statista.com/statistics/1258851/glass-recycling-rate-in-europe/

(5)  https://feve.org/glass_recycling_stats_2018/

(6)  https://oceanconservancy.org/about/


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/121


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges

[COM(2022) 748 final — 2022/0432 (COD)]

(2023/C 228/17)

Rapporteur:

John COMER

Consultation

Parlement européen, 13.2.2023

Conseil, 10.2.2023

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

13.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

145/0/0

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen (CESE):

1.1.

souligne que, bien qu’il soit possible pour l’Union européenne (UE) de proposer une mise à jour du système général harmonisé (SGH) des Nations unies conformément au règlement CLP révisé, rien ne garantit que l’ensemble des parties accepteront cette proposition de l’UE. Une divergence temporaire pourrait ainsi devenir un problème à long terme. En effet, il semble qu’il soit pratiquement impossible de mettre en œuvre les nouvelles propositions concernant les ventes en ligne réalisées depuis des pays tiers si ces dispositions ne sont pas approuvées par le système général harmonisé des Nations unies;

1.2.

estime qu’il est primordial que l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) dispose des ressources, de l’expertise et du personnel adéquats pour mettre en œuvre le règlement révisé. Plus particulièrement, l’ajout de nouvelles classes de danger exigera de l’ECHA et des États membres qu’ils accroissent leurs ressources pour faire face notamment au surcroît de travail;

1.3.

regrette qu’aucune disposition spécifique ne soit prévue pour alerter le consommateur lorsque les ingrédients chimiques d’un produit de marque sont modifiés mais que la marque reste inchangée. Les consommateurs qui utilisent une marque déjà connue n’en contrôleront pas l’étiquette, à moins que celle-ci ne comporte un avertissement explicite. Les fabricants de détergents ménagers en modifient fréquemment la composition, par exemple en changeant les enzymes et les solvants. Le consommateur devrait être averti de ces modifications si la marque reste identique;

1.4.

recommande que le cadre mis en place par la Commission pour suivre la mise en œuvre du règlement CLP révisé évalue soigneusement les répercussions sur les chaînes de valeur essentielles impliquant des produits chimiques, de manière à éviter toute incidence négative. Le Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC) estime que pas moins de 12 000 substances pourraient être concernées par les modifications qu’il est proposé d’apporter au règlement CLP et à l’approche générique de la gestion des risques. Il se peut donc que beaucoup de produits utilisés d’ordinaire par les consommateurs et les professionnels ne soient plus disponibles sur le marché;

1.5.

demande que soit accordée une attention particulière au bien-être des travailleurs de l’industrie chimique. La santé et la sécurité doivent toujours avoir la priorité. Les travailleurs du secteur doivent se voir offrir une formation intensive pour pouvoir maîtriser pleinement les produits chimiques avec lesquels ils sont en contact par leur travail. Tous les équipements doivent être entretenus convenablement. Les données issues du système de notification des accidents majeurs (eMars) indiquent qu’en moyenne, chaque année, plus de 30 accidents industriels se produisent dans les 12 000 établissements industriels à haut risque enregistrés au sein de l’Union;

1.6.

fait valoir qu’il importe d’adopter une approche de précaution pour protéger la santé et l’environnement, en exploitant les données disponibles concernant des produits structurellement proches pour pouvoir prendre une décision à titre préventif avant que le risque n’ait été pleinement démontré scientifiquement;

1.7.

note que le rapport du Bureau européen de l’environnement (BEE) sur la législation relative aux substances chimiques, publié en juillet 2022, a mis en évidence trois principaux goulets d’étranglement dans le processus de réglementation des substances chimiques:

les groupes industriels soumettent des dossiers dont les données sont incomplètes ou manquent de fiabilité,

les scientifiques de l’Union ne parviennent pas à agir de manière décisive à titre de précaution,

la Commission tarde à traiter les dossiers alors qu’elle est légalement tenue de se prononcer dans un délai de trois mois.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La Commission propose de réviser le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil (1) relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (ci-après dénommé «règlement CLP»).

L’objectif de ce règlement est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement, ainsi que la libre circulation des substances chimiques, des mélanges et de certains articles. Le règlement CLP impose aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de substances chimiques et de mélanges d’étiqueter et d’emballer les produits chimiques dangereux avant de les mettre sur le marché. Il établit des règles juridiquement contraignantes en matière d’identification et de classification des dangers. Il fixe par ailleurs des règles communes en matière d’étiquetage afin d’informer correctement les consommateurs et les travailleurs quant à l’utilisation de produits dangereux.

2.2.

La Commission déclare que l’Union a réussi à créer un marché unique efficace pour les produits chimiques.

Elle estime que le règlement CLP doit être révisé du fait de certaines faiblesses et lacunes juridiques dans ses dispositions actuelles. Les propositions prévoient notamment d’introduire de nouvelles classes de danger pour les perturbateurs endocriniens et d’autres produits chimiques dangereux (au moyen d’un acte délégué), ainsi que des règles spécifiques pour les produits chimiques contenus dans des récipients rechargeables; d’assurer une meilleure communication, y compris en ligne, grâce à un étiquetage plus clair et plus lisible; de permettre à la Commission d’élaborer des propositions de classification; ainsi que d’améliorer et d’accélérer les processus.

2.3.

L’UE est attachée au programme de développement durable à l’horizon 2030 et à ses objectifs de développement durable (ODD). La Commission estime que cette révision du règlement CLP contribuera à plusieurs des ODD, notamment ceux visant à assurer une bonne santé et le bien-être, des modes de consommation et de production durables, ainsi qu’une eau propre et un assainissement adéquat. D’après elle, ce réexamen constitue aussi un «résultat important» de la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, une composante du pacte vert.

2.4.

La Commission affirme qu’il est nécessaire de mieux reconnaître et classer les produits chimiques dangereux en raison du risque qu’ils présentent pour la santé humaine et l’environnement. Il convient par ailleurs de remédier aux inefficacités procédurales et aux lacunes en matière de communication sur les produits chimiques dangereux. On constate un nombre élevé de classifications erronées ou obsolètes de substances dans l’inventaire de l’Agence européenne des produits chimiques (ci-après dénommée «ECHA»). Les causes en sont multiples et incluent notamment l’absence de révision et de mise à jour des classifications et les modifications apportées à la classification harmonisée des substances-composants. Les «fiches de données de sécurité» (FDS) inexactes peuvent également poser problème. Les informations reprises dans ces fiches peuvent entraîner de très graves répercussions en aval, surtout si elles sont erronées. En outre, des substances autrefois considérées comme non dangereuses peuvent, à la lumière de nouvelles études, être désignées comme dangereuses. L’acide borique, par exemple, était autrefois classé comme non dangereux, avant d’être catalogué comme très dangereux du fait de sa toxicité pour la reproduction, de sorte qu’il a fallu revoir les fiches de données de sécurité concernées.

2.5.

Dans le cadre du paquet de révision du règlement CLP, la Commission propose un acte délégué pour permettre aux substances et aux mélanges présentant des propriétés de perturbation endocrinienne (PE), persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), très persistantes et très bioaccumulables (vPvB ou very persistent and very bioaccumulative), persistantes, mobiles et toxiques (PMT) ou très persistantes et très mobiles (vPvM ou very persistent and very mobile) d’être classées dans de nouvelles classes de danger établies.

2.6.

La révision propose de permettre à la Commission d’engager et de financer davantage de dossiers de classification harmonisés.

2.7.

Des améliorations sont proposées en ce qui concerne la méthode de classification des substances par les entreprises, notamment en imposant d’exposer les motifs de divergence des classifications notifiées dans l’inventaire de l’ECHA, et en fixant un délai à une étape précoce pour les mises à jour des notifications.

2.8.

La transparence et la prévisibilité des propositions que les différents acteurs ont l’intention de soumettre à l’ECHA seront améliorées, car ils seront tenus de lui faire part de ces intentions.

2.9.

La révision propose d’améliorer la communication sur les produits chimiques dangereux par les moyens suivants:

la proposition vise à rendre l’étiquetage plus clair et plus compréhensible pour les consommateurs, moins contraignant pour les fournisseurs et plus facile à faire respecter. Elle introduit pour cela des règles de formatage obligatoires afin d’accroître la lisibilité des étiquettes, y compris une taille minimale des caractères, et autorise une utilisation plus large des étiquettes dépliantes,

la vente de produits chimiques dans des conteneurs rechargeables fera l’objet de règles spécifiques, et ce système sera limité aux produits chimiques qui présentent des risques moins importants,

l’étiquetage numérique volontaire des produits chimiques sera autorisé, mais les informations relatives à la protection de la santé et de l’environnement devront demeurer sur l’étiquette de l’emballage,

des dérogations seront introduites pour les produits chimiques vendus aux consommateurs en vrac, comme le carburant, et pour les articles vendus dans de très petits emballages, comme les instruments d’écriture.

2.10.

La proposition de révision aborde également les lacunes juridiques et ambiguïtés des ventes en ligne et des notifications aux centres antipoison.

2.11.

Pour les ventes en ligne, le fournisseur devra s’assurer qu’une substance ou un mélange mis sur le marché de l’UE répond aux exigences du règlement CLP, et ce même pour les ventes en ligne réalisées depuis des pays tiers.

2.12.

La disposition relative à la notification aux centres antipoison sera précisée. Tous les acteurs concernés devront s’assurer qu’ils notifient les informations requises aux centres antipoison de l’ensemble de l’Union.

2.13.

La proposition prévoit également un changement important dans le domaine de la publicité. Il deviendra ainsi obligatoire de veiller à ce que la publicité pour les substances et mélanges dangereux contienne toutes les informations les plus importantes en matière de sécurité et de protection de l’environnement. La classe de danger ainsi que les mentions et les pictogrammes de danger devront figurer dans les publicités.

2.14.

Parmi les actions prévues par la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, la Commission entend notamment établir, au moyen de sa proposition, un système juridiquement contraignant d’identification des dangers liés aux perturbateurs endocriniens, sur la base de la définition de l’OMS et en s’appuyant sur les critères déjà définis pour les pesticides et les biocides, et l’appliquer dans l’ensemble de la législation. Les nouvelles classes et les nouveaux critères de danger sont conçus pour tenir pleinement compte de la toxicité pour l’environnement ainsi que de la persistance, de la mobilité et de la bioaccumulation dans l’environnement.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de la proposition de révision ciblée du règlement CLP destinée à garantir un fonctionnement efficace et efficient de ce dernier.

3.2.

Le CESE salue la proposition d’acte délégué qui vise à établir de nouvelles classes de danger pour les perturbateurs endocriniens, ainsi que pour les substances et produits non biodégradables qui risquent de s’accumuler dans des organismes vivants ou d’entrer dans les systèmes d’adduction d’eau, y compris dans l’eau potable.

3.3.

L’une des grandes lacunes du règlement CLP en vigueur tient au fait que de nombreux produits chimiques vendus en ligne dans l’Union ne satisfont pas aux exigences légales dudit règlement, ce qui représente un risque pour la santé humaine et l’environnement. Le CESE accueille favorablement la proposition, qui tente de remédier à ce problème.

3.4.

Il est difficile de savoir comment les changements proposés dans les règles relatives à la publicité seront appliqués: l’entité qui diffuse une publicité contraire à ces règles sera-t-elle passible de sanctions, au même titre que le vendeur du produit qui l’a fait paraître?

3.5.

Dans un document officieux publié en mai 2022, le BEE fait valoir que les entreprises soumettent régulièrement des données incomplètes ou erronées concernant les effets dangereux de leurs produits chimiques, mais que cela ne les empêche pas d’accéder au marché (au mépris de la règle «pas de données, pas de marché»). Cet organisme estime en conséquence que la piètre qualité des dossiers d’enregistrement soumis par les entreprises fait fortement obstacle à la réglementation.

3.6.

Dans une lettre conjointe adressée à la Commission le 27 février 2023, le BEE et diverses ONG ont formulé la déclaration suivante: «Les réformes des systèmes réglementaires REACH et CLP offrent une occasion décisive de combler les lacunes indéniables qui existent en matière de données et de répondre à la nécessité d’accélérer l’action réglementaire sur les produits chimiques nocifs. Par cette lettre, nous voulons exprimer nos vives préoccupations quant à ces lacunes en matière de données, qui font obstacle à une identification et une gestion des risques efficaces pour les produits chimiques les plus préoccupants.».

3.7.

Les révisions des règlements REACH et CLP sont complémentaires. Par exemple, de nouvelles exigences en matière d’informations introduites par le règlement REACH révisé fourniront des informations sur les propriétés intrinsèques des substances et permettront leur classification dans les nouvelles classes de danger du règlement CLP révisé.

3.8.

Afin de respecter le droit de la concurrence, l’ECHA a conseillé aux entreprises de faire preuve de prudence dans l’échange d’informations, en limitant strictement ces échanges aux données qui sont requises pour ne pas devoir dupliquer des essais onéreux.

4.   Observations particulières

4.1.

Le 11 juillet 2022, le Bureau européen de l’environnement a publié un rapport sur la législation relative aux produits chimiques, mettant en évidence trois principaux goulets d’étranglement dans le processus de réglementation en la matière:

les groupes industriels soumettent des dossiers dont les données sont incomplètes ou manquent de fiabilité,

les scientifiques de l’Union ne parviennent pas à agir de manière décisive à titre de précaution,

la Commission tarde à traiter les dossiers alors qu’elle est légalement tenue de se prononcer dans un délai de trois mois.

4.2.

Le BEE suggère dès lors de fixer des délais de décision contraignants, d’imposer de nouvelles sanctions aux organisations qui ne fournissent pas toutes les données nécessaires et d’adopter une approche de précaution en matière de réglementation des produits chimiques.

4.3.

La révision fixe des délais pour mettre à jour les étiquettes après un changement de classification, et propose que le délai de six mois s’applique aussi lorsqu’une nouvelle classe de danger vient s’ajouter à une classe de danger existante. En cas de divergences entre les classifications plus récentes et obsolètes, les notifiants devraient être tenus de mettre à jour leurs notifications dans les six mois suivant le changement de classification.

4.4.

Dans son rapport de juin 2022, l’ECHA signale la nécessité de confirmer les dangers avant de pouvoir engager des mesures de gestion des risques et précise qu’il faut souvent commencer par recueillir davantage de données, estimant par conséquent que les entreprises doivent mettre à jour leurs enregistrements de manière proactive, grâce à des informations actualisées.

4.5.

Il est impératif de disposer d’informations à jour pour assurer la réussite de ce processus, dans lequel tous les acteurs doivent donc s’engager pour préserver la santé humaine et l’environnement. Des sanctions devraient s’appliquer lorsqu’il existe des preuves manifestes d’un retard injustifié ou dans les cas où des données inadéquates sont communiquées.

4.6.

L’ECHA devra augmenter ses effectifs pour pouvoir mettre en œuvre efficacement cette proposition de nouveau règlement. En outre, beaucoup d’États membres manquent de ressources, ce qui limite leur capacité à soumettre des dossiers.

4.7.

Il incombe aux autorités nationales de faire respecter le règlement CLP, ce qui suppose de vérifier l’enregistrement ou l’enregistrement préalable de la substance et de contrôler l’exactitude des fiches de données de sécurité. Si l’ECHA n’est aucunement chargée de faire respecter le règlement, elle héberge néanmoins un forum sur lequel les États membres peuvent échanger des informations concernant sa mise en œuvre.

4.8.

La Commission est en train d’élaborer un cadre pour surveiller le fonctionnement du règlement révisé. Il est capital que ce processus de suivi prenne en compte les répercussions sur les chaînes de valeur tributaires des produits chimiques ainsi que l’incidence globale sur le marché unique des produits chimiques.

4.9.

Les nouvelles dispositions relatives aux ventes en ligne exigent qu’il y ait un fournisseur établi dans l’UE pour veiller à ce que la substance chimique concernée respecte les exigences du règlement. Cette condition vaut également pour les ventes en ligne à destination de l’UE réalisées depuis des pays tiers. La proposition à l’examen entend éviter que le consommateur ne devienne de jure et de facto un importateur de produits provenant de l’extérieur de l’UE, sans formuler de proposition claire quant aux moyens d’appliquer cette mesure avec succès. En effet, il semble qu’il soit pratiquement impossible de mettre en œuvre de telles dispositions tant que le règlement CLP révisé ne sera pas aligné sur le système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (SGH) des Nations unies.

4.10.

Les fabricants qui modifient les ingrédients d’un produit de marque sans pour autant changer le nom de la marque devraient être tenus d’apposer un avertissement explicite sur l’étiquette, de façon à informer le consommateur des modifications apportées à la composition chimique du produit.

4.11.

D’après le Conseil européen de l’industrie chimique (2), les évolutions du règlement CLP influeront sur l’ensemble des chaînes de valeur, et il est essentiel que la Commission mène une analyse minutieuse pour déterminer si et comment les chaînes de valeur stratégiques et essentielles risquent d’être touchées négativement par cette révision.

4.12.

Le principe de précaution veut que des mesures soient prises pour réduire les risques associés à des produits chimiques si l’on suspecte, sans en être certain, que ceux-ci risquent de provoquer des dommages: il convient donc d’intervenir même si le risque n’a pas encore été pleinement démontré scientifiquement.

4.13.

La sécurité des travailleurs de l’industrie chimique revêt une importance capitale. Il convient d’évaluer régulièrement la sécurité sur le lieu de travail, tout en veillant à ce que les différents protocoles en matière de santé et de sécurité soient dûment appliqués dans leur intégralité.

4.14.

La manipulation incorrecte de produits chimiques et l’absence de procédures adéquates d’évaluation des risques constituent des problèmes graves qui doivent être mis en évidence sur le lieu de travail. Les travailleurs de l’industrie chimique doivent se voir offrir une formation intensive pour pouvoir maîtriser pleinement les produits chimiques avec lesquels ils sont en contact dans le cadre de leur travail. Dans les usines chimiques, il est essentiel que tous les équipements soient entretenus convenablement, afin d’éviter que des travailleurs ne soient blessés voire tués en raison d’installations défectueuses. Les données issues du système de notification des accidents majeurs (eMars) montrent qu’en moyenne, chaque année, plus de 30 accidents industriels se produisent dans les 12 000 établissements industriels à haut risque enregistrés au sein de l’Union. Ces données n’incluent pas les accidents survenus dans des installations dangereuses qui ne sont pas couvertes par la directive Seveso, ni les incidents ayant trait aux canalisations ou au transport.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO L 353 du 31.12.2008, p. 1).

(2)  www.cefic.org


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/126


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable»

[COM(2022) 592 final]

(2023/C 228/18)

Rapporteur:

Zsolt KÜKEDI

Consultation

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

27.4.2023

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

13.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

147/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la communication de la Commission visant à créer un «secteur des algues de l’UE fort et durable». Les algues peuvent contribuer de nombreuses manières à atténuer les effets du changement climatique ou à nourrir et à approvisionner durablement en énergie la population mondiale en pleine explosion.

1.2.

Les opinions sur les algues sont partagées au sein de la population européenne. En particulier, dans les zones voisines d’eaux polluées, la prolifération d’algues est jugée préoccupante. Dans le même temps, les algues sont aussi considérées comme une solution possible aux problèmes de nombreux pays, en partie grâce à l’innovation européenne. Le CESE fait observer que, dans le contexte de la création d’un secteur des algues, il y a lieu de susciter la confiance dans les produits et d’accorder une attention accrue à leur sécurité.

1.3.

Le CESE constate que la communication n’insiste pas suffisamment sur la possibilité de créer une source alimentaire dans un environnement d’eau douce. En outre, l’utilisation des algues ne doit pas nécessairement se limiter à cette fonction, mais peut également s’étendre aux eaux douces eutrophisées, aux eaux thermales usagées et aux eaux résiduaires, où elles peuvent servir à des fins environnementales ou énergétiques. Il convient de mettre cette ressource énorme, mais sous-utilisée, au service du développement de l’Europe, et en particulier de ses zones rurales.

1.4.

Les macroalgues présentes dans les eaux marines côtières peuvent générer des recettes supplémentaires pour les entreprises de pêche. Leur extraction réduit l’eutrophisation et peut générer des produits et des services écosystémiques précieux, notamment en fournissant de nouveaux habitats pour certaines espèces. Le secteur des macroalgues d’eau douce commence tout juste à se développer et devrait donc être pris en compte dans les futurs documents stratégiques.

1.5.

Dans l’Union européenne (UE), la culture en continu des microalgues est surtout possible en réacteur fermé, ce qui implique un énorme besoin en capitaux. En revanche, elle est très productive et fiable, et de qualité prévisible. Les microalgues peuvent également être cultivées dans les eaux douces et les lacs du sud de l’Europe.

1.6.

Elle est pour ainsi dire la seule option disponible pour certains États membres ne disposant pas d’un littoral maritime (par exemple la Hongrie, la Tchéquie et la Slovaquie). Dans le même temps, quelques-uns de ces pays possèdent un niveau élevé de connaissances scientifiques et technologiques dont il convient de tirer parti lors de la création d’un secteur européen des algues.

1.7.

Il convient de ne pas traiter de la même façon les macroalgues et les microalgues, qui offrent des possibilités très variées et ont des caractéristiques, des incidences et des besoins réglementaires différents. Le CESE reconnaît que la communication ménage un équilibre raisonnable entre les macroalgues et les microalgues, mais il préconise d’examiner comment certains États membres (ceux ne disposant pas d’un littoral maritime) pourraient tirer parti de l’algoculture en eau douce. Le CESE recommande d’adopter une approche plus équilibrée et intégrée aux secteurs connexes, d’établir une distinction claire entre les compétences de l’UE et celles des États membres et de protéger éventuellement le marché intérieur des produits d’importation peu coûteux.

1.8.

L’approvisionnement alimentaire dans l’Union ne pose pas encore de problème, contrairement à la disponibilité et au prix de l’énergie (tant en ce qui concerne la production que les importations), des engrais et des ingrédients destinés à l’alimentation animale, à l’augmentation des déchets organiques et à la diminution des terres arables. Les technologies capables de résoudre globalement ces problèmes urgents, et la production et l’exploitation des algues en font partie, méritent amplement d’être soutenues.

1.9.

Le CESE constate que la communication prévoit un énorme potentiel économique pour les algues, mais que leur culture présente un potentiel théorique encore plus élevé et qu’elle est donc capable de répondre à une demande croissante. Toutefois, étant donné que les fonds européens ne doivent être utilisés que pour des solutions économiquement viables et durables, le CESE demande à la Commission de prêter une attention particulière à l’efficacité économique de la production d’algues ainsi qu’à ses dimensions environnementale et sociale.

1.10.

Le CESE a suggéré de promouvoir, lors de l’établissement d’un secteur des algues, les connaissances et la sensibilisation concernant cette nouvelle industrie afin de garantir son acceptation par la société et le marché; il invite dès lors la Commission européenne à accorder une importance particulière à cette proposition en envisageant des enquêtes représentatives, des plans d’action par pays et la participation, voire la création, d’organisations sectorielles.

1.11.

Le CESE recommande à la Commission européenne, aux États membres concernés et à l’industrie algale d’examiner les propositions suivantes en relation avec la création d’un secteur des algues:

intégrer la production d’algues dans les chaînes de valeur existantes de denrées alimentaires agricoles, d’aliments pour animaux et de matières premières industrielles et énergétiques,

mettre davantage l’accent, dans la communication, sur la production d’algues en eau douce,

lancer un processus de normalisation englobant l’ensemble des algues, qui pourrait également prévoir l’élaboration d’une stratégie intégrée pour les produits de la mer,

sur la base des meilleures pratiques administratives, mettre un terme à la fragmentation de la législation et étendre les modèles d’autorisation aux algues,

faire figurer les différentes espèces d’algues dans le catalogue alimentaire de l’UE,

combler les lacunes en matière de connaissances techniques, ainsi que de technologie et d’innovation, au moyen d’un programme ambitieux de financement de la recherche à court et moyen termes,

mettre en place des banques de matériels de multiplication d’algues, financer leur fonctionnement et veiller à ce que les matières premières soient disponibles à des prix raisonnables pour les producteurs d’algues et les projets de R & D,

réexaminer les aspects économiques de la production et des applications potentielles afin de créer un secteur des algues économiquement viable: il convient de protéger le marché intérieur contre les produits d’importation peu coûteux.

1.12.

Le CESE invite les institutions européennes à commencer à accorder la priorité à la question de l’eau et à élaborer un «pacte bleu pour l’Europe» afin de préserver les ressources en eau, de mieux les utiliser et de relever de manière adéquate les défis qui y sont liés. Dans ce contexte, la création d’un secteur des algues de l’UE constitue une étape importante.

2.   Observations générales

2.1.

Le 15 novembre 2022, la Commission européenne a publié sa proposition sur le thème «Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable» (1). La communication propose de mettre au point de nouveaux moyens durables pour alimenter une population mondiale en pleine explosion et l’approvisionner en énergie soutenable. La communication souligne que pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en matières premières et en énergie, il y a lieu d’exploiter pleinement le potentiel des algues comme ressource renouvelable en Europe.

2.2.

La communication de la Commission européenne est logique et s’inscrit dans le droit fil de la série de documents publiés jusqu’à présent sur le sujet, qui reconnaissent le potentiel économique important ainsi que les avantages sociaux et environnementaux de la culture à grande échelle des microalgues et des macroalgues au sein de l’UE. Elle recense 23 actions visant à améliorer le cadre de gouvernance et la législation; à rendre l’environnement des entreprises plus favorable à l’exploitation des algues; à accroître la prise de conscience sociale et l’acceptation par les consommateurs des algues et des produits à base d’algues, ainsi qu’à combler les lacunes dans les domaines de la connaissance, de la recherche et de la technologie.

2.3.

Les politiques européennes, qu’il s’agisse du pacte vert pour l’Europe (2) ou de la stratégie «De la ferme à la table» (3), ont souligné le potentiel que recèlent les algues (marines) et autres produits à base d’algues en tant que source de protéines pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux à faible empreinte carbone. La communication intitulée «Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et compétitive dans l’Union européenne pour la période 2021-2030» (4) fait valoir qu’il est nécessaire de promouvoir la culture d’algues — tant les macroalgues (algues marines) que les microalgues — afin de contribuer à la réalisation de plusieurs objectifs du pacte vert pour l’Europe. Dans sa communication sur «Des cycles du carbone durables» (5), la Commission reconnaît les possibilités qu’offrent les algues pour l’économie du carbone bleu. La communication relative à une économie bleue durable (6) évoque également les possibilités que recèlent les algues lorsqu’il s’agit d’assurer un système alimentaire durable et la sécurité alimentaire mondiale.

2.4.

Non seulement les algues constituent une matière première respectueuse de l’environnement (et donc «verte»), mais leur exploitation systémique est aussi conforme au principe fondamental de réduction maximale des déchets sous-tendant l’économie bleue, ce qui en fait potentiellement un produit à la fois «bleu» et «vert».

2.5.

La culture des algues apporte une valeur ajoutée à presque tous les éléments du pacte vert pour l’Europe:

la protection du climat, grâce à la décarbonation,

un approvisionnement énergétique, grâce à la production de biogaz et de biocarburants,

l’avènement de la circularité, par sa contribution à la gestion des déchets et à l’objectif «zéro pollution»,

la promotion d’un système alimentaire sain et respectueux de l’environnement,

la préservation et le rétablissement des écosystèmes et de la biodiversité, ainsi que le développement des services environnementaux,

l’objectif «zéro pollution».

L’intensification de la production d’algues ouvre les possibilités concrètes suivantes (7):

production durable de denrées alimentaires (y compris les aliments pour bébés) ou de compléments alimentaires (par exemple, vitamines ou carraghénanes), sans utilisation de terres cultivables,

production de biogaz et de biocombustibles de dernière génération,

production de produits cosmétiques, de produits de santé (extraits médicamenteux, pigments, thalassothérapie) et de matières premières industrielles (pâte à papier/fibres biosourcées) à haute valeur ajoutée,

production de compléments alimentaires (amélioration du rendement et/ou de la qualité, réduction des besoins en farines de soja ou de poisson),

production de biostimulants pour les cultures (amendements pour sols, pulvérisation foliaire),

avantages sur le plan de la protection de l’environnement (traitement des eaux usées, mesure de la pureté de l’eau, quotas d’émission de carbone).

2.6.

La communication de la Commission «traite du potentiel des algues au sein de l’UE et définit une approche cohérente, y compris des actions ciblées, pour soutenir le développement de la culture et de la production d’algues régénératrices dans l’ensemble de l’UE, ainsi que pour développer les marchés des applications alimentaires et non alimentaires des algues et les rendre accessibles au grand public».

2.7.

Non seulement la «culture et production d’algues régénératrices» permet de transformer l’énergie solaire et les nutriments en biomasse végétale et de soutenir la restauration des écosystèmes, mais «la culture des algues marines permet de produire des biens et des services écosystémiques précieux, notamment en fournissant de nouveaux habitats pour les poissons et les espèces invertébrées mobiles».

2.8.

Pour l’heure, les mers et l’océan représentent une ressource certes immense mais quasiment inexploitée: «bien que couvrant plus de 70 % de la surface terrestre, [ils] ne sont actuellement à l’origine que de 2 % de la nourriture humaine». Dans le même temps, l’exploitation des milieux aquatiques peut concerner non seulement les mers et les océans, mais aussi les eaux douces eutrophisées (qu’il s’agisse de rivières et de lacs, ou, notamment, de réservoirs ou canaux d’irrigation artificiels), les eaux thermales usagées et les eaux résiduaires.

2.9.

Les algues permettraient d’atténuer efficacement et durablement le problème de disponibilité des engrais, des ingrédients d’aliments pour animaux et de l’énergie engendré par la guerre russo-ukrainienne (8).

2.10.

Le potentiel de croissance de la demande d’algues est énorme (9): alors que la demande européenne d’algues marines avoisinait les 270 000 tonnes en 2019, elle pourrait passer à 8 millions de tonnes et atteindre 9 milliards d’EUR en valeur en 2030. Une telle augmentation pourrait créer quelque 85 000 emplois, éliminer chaque année des milliers de tonnes de phosphore et d’azote des mers européennes, atténuer jusqu’à 5,4 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an et alléger la pression exercée sur les terres. Le CESE constate que la culture des algues présente un potentiel théorique encore plus élevé que la demande actuelle et qu’elle est donc capable de répondre à la demande croissante.

3.   Observations particulières

3.1.

Généralement, l’européen moyen, comme les entreprises, ont une perception négative des algues: à leur évocation, les images qui viennent à l’esprit sont celles d’une plage envahie d’algues marines ou d’un lac d’eau douce changeant de couleur en raison de la prolifération d’algues. Pourtant, les algues sont des organismes uniques et utiles en raison de leur structure physique et de leur mode de vie.

3.2.

Le terme «algues» désigne en fait un groupe composé d’environ 72 500 espèces (10) d’organismes photosynthétiques aquatiques. 20 % des espèces sont des macroalgues, c’est-à-dire des algues pluricellulaires de grande taille, généralement présentes dans les mers, tandis que le reste est constitué de microalgues pouvant aussi être cultivées artificiellement de manière efficace et dont l’utilisation est plus polyvalente, mais dont la production est plus onéreuse. L’initiative ménage un équilibre raisonnable entre les macroalgues et les microalgues, puisque la production mondiale actuelle est de 36 millions de tonnes de macroalgues et de 0,05 million de tonnes de microalgues.

3.3.

La communication ouvre des perspectives ambitieuses mais réalistes pour le secteur européen de la production d’algues. Le secteur des algues, avec ses possibilités et ses limites, est, dans une large mesure, analysé avec précision, le programme est cohérent et les mesures semblent généralement concrètes et pertinentes pour le développement du secteur européen des algues dans un avenir proche. Toutefois, certains éléments méritent davantage de clarifications et d’explications. En ce qui concerne la mise en œuvre, il y a lieu de veiller à la cohérence avec d’autres secteurs, tels que le secteur agroalimentaire traditionnel et les secteurs des produits de la mer (pêche et aquaculture animale).

3.4.

À l’heure actuelle, la production d’algues est totalement séparée des autres secteurs de production agricole. Il importe cependant que la production d’algues ne soit pas considérée comme un secteur totalement distinct, mais plutôt intégrée dans les chaînes de valeur existantes de denrées alimentaires agricoles, d’aliments pour animaux et de matières premières industrielles et énergétiques. Le CESE souligne la nécessité de réglementer la production d’algues et les activités connexes dans le cadre d’un système commun, en particulier en ce qui concerne les aspects suivants:

le secteur des centrales électriques et du traitement des eaux usées (traitement complexe des eaux usées, récupération de la chaleur résiduelle et du CO2),

l’intégration des installations de production de biogaz agricole avec la production et/ou l’utilisation des algues (par exemple, valorisation du lisier, réduction de la demande de terres agricoles, utilisation d’algues comme cosubstrat pour produire du biogaz),

le remplacement partiel des besoins en aliments protéiques pour l’élevage (recherches connexes en nutrition et diététique),

la restauration durable des écosystèmes d’eau vive touchés par l’eutrophisation.

3.5.

Étant donné qu’il s’agit d’un nouveau secteur peu développé, il convient d’accorder une attention particulière à la stimulation de son développement et de lancer un processus de normalisation. Cette démarche pourrait s’accompagner de l’élaboration d’une stratégie intégrée dans le domaine des produits de la mer et autres aliments issus du milieu marin qui engloberait les activités telles que la pêche, l’exploitation des organismes sauvages et l’aquaculture animale, et aborderait également, outre le secteur alimentaire, la question des biocarburants à base d’algues. La culture d’algues marines peut également représenter une activité de substitution pour les pêcheurs qui doivent faire face à une baisse de la production d’autres matières premières et à une augmentation des coûts, et peuvent être amenés à réorienter leurs activités traditionnelles. Cette approche intégrée ne se retrouve guère dans la communication à l’examen.

3.6.

De nombreuses mesures qui y sont prévues se concentrent principalement sur l’algoculture en mer. Cette approche est compréhensible compte tenu des taux de production actuels des macro- et microalgues et du fait que la culture des microalgues est actuellement sous-développée en Europe, mais l’objectif de développement devrait concerner tous les types d’algues. Les algues marines peuvent être cultivées dans les pays disposant d’un littoral maritime et d’îles, généralement dans des conditions naturelles, en fonction des espèces et de leur utilisation. Par ailleurs, la culture des microalgues, qui se fait généralement à terre, revêt également une grande importance, en particulier pour la production de protéines et de lipides, et ne doit pas être oubliée. Il s’agit notamment de micro- et macroalgues d’eau douce et de cultures appliquées aux eaux usées, qui constituent une source prometteuse de biomasse destinée à être utilisée comme matière première biologique, et permettent ainsi de diversifier la structure économique des territoires isolés et dépeuplés, contribuant ainsi à une vision à long terme pour les zones rurales de l’Union (11).

3.7.

L’un des principaux obstacles notoires à la production, en particulier pour les macroalgues, tant en mer qu’à terre, est la fragmentation de la législation et ses grandes disparités, non seulement entre les États membres mais aussi entre les régions d’un même pays, voire l’absence totale de réglementation sur les algues, étant donné que les modèles d’autorisation ont généralement été conçus pour les animaux aquatiques (poissons, coquillages, etc.). Très souvent, les algues ne sont pas mentionnées dans les formulaires utilisés pour la procédure d’autorisation, de sorte qu’il n’est même pas possible de demander une autorisation pour la culture d’algues. Le CESE recommande l’établissement d’un inventaire paneuropéen complet de l’ensemble des législations et procédures administratives applicables à chaque étape de la culture des algues et à chacun de leurs domaines d’application (alimentation, aliments pour animaux, biocarburants, cosmétiques, produits pharmaceutiques, etc.) et de l’utiliser comme exemple à l’intention des États membres dans le cadre du développement de bonnes pratiques administratives, et afin de créer des conditions de concurrence équitables pour les échanges à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union.

3.8.

Il est essentiel, pour le développement d’un secteur de l’algue alimentaire véritablement européen, d’encourager l’inclusion d’espèces ou de groupes d’algues dans le catalogue des aliments de l’Union. Bon nombre des espèces actuellement reconnues proviennent de pays tiers (en particulier d’Asie), ce qui peut constituer un obstacle, en particulier pour les entreprises et les investisseurs de plus petite envergure qui souhaitent cultiver des espèces européennes étroitement apparentées ou similaires. Par ailleurs, il convient de revoir les parties du catalogue des aliments relatives aux algues et d’encourager l’inclusion de nouvelles espèces ou familles.

3.9.

Étant donné la forte réticence sociétale à l’égard des algues — dénuée de fondement et due au manque de connaissances en la matière —, il y a lieu de promouvoir, à tous les niveaux administratifs, les connaissances et la sensibilisation concernant cette nouvelle industrie, ainsi que son intégration et sa systématisation, ce qui devrait se refléter dans les mesures proposées. Les étapes suivantes pourraient être envisagées:

mener des enquêtes uniformes, représentatives au niveau national, auprès du grand public et des entreprises, avec des questions et une méthodologie homogènes,

sur cette base, élaborer des plans d’action par pays pour changer les comportements,

créer des organisations sectorielles.

3.10.

Étant donné que l’industrie algale est un secteur nouveau pour l’Europe, il existe d’importantes lacunes en matière de compétences techniques, ainsi qu’au niveau de la technologie et de l’innovation. Les lacunes en matière de connaissances ont été largement recensées, mais il convient de les combler au moyen d’un programme ambitieux de financement de la recherche à court et moyen termes. À cet égard, la recherche, tant fondamentale (stratégique) qu’appliquée, est essentielle, à tous les niveaux de l’algoculture:

soutien prioritaire à la recherche fondamentale: principalement la recherche liée à la technologie de culture (pour les microalgues), à l’efficacité de la récolte et aux essais relatifs à l’éventail des espèces dans les eaux marines de différents pays (pour les macroalgues), et aux possibilités de valorisation pour toutes les espèces d’algues,

en ce qui concerne la recherche appliquée à forte valeur ajoutée (produits pharmaceutiques, cosmétiques, engrais foliaires, denrées alimentaires), amélioration de l’environnement du marché.

3.11.

Étant donné qu’en Europe, une qualité certaine (éventail des espèces) et des rendements élevés en algues ne peuvent être obtenus que dans des systèmes fermés ou semi-fermés, qui nécessitent du matériel de multiplication propre dont la production n’est pas rentable dans les systèmes industriels, il est nécessaire de mettre en place un nombre suffisant de banques de matériels de multiplication d’algues, de financer leur fonctionnement et de veiller à ce que les matières premières soient disponibles à des prix raisonnables pour les producteurs d’algues et les projets de R & D.

3.12.

Le secteur des algues recèle un potentiel important de création d’emplois, qui devraient être bien rémunérés et assortis de conditions de travail décentes. Le secteur des algues devrait bénéficier en particulier des compétences nécessaires à la mise en place du pacte bleu pour l’Europe; il importe d’investir dans la formation. Les obstacles à l’entrée dans le secteur des algues ne devraient pas empêcher les PME d’y accéder. Le CESE se réjouit de la création de chaînes de production d’algues marines qui évitent les pratiques déloyales.

3.13.

L’amélioration de l’environnement des entreprises est essentielle à la croissance efficace du secteur des algues. Il y a lieu d’examiner attentivement les aspects économiques de la production et des applications potentielles, ainsi que la manière dont ils peuvent être améliorés. Par exemple, la mesure no 7 porte sur la promotion du remplacement des aliments pour animaux à base de poisson par des aliments à base d’algues (dans l’aquaculture). Dans les aliments pour poissons, la quasi-totalité des ingrédients à base de poisson peuvent facilement être remplacés par des ingrédients à base d’algues (protéines, acides gras, etc.), mais leur production est beaucoup plus coûteuse que les produits à base de poisson ou de soja présentant des caractéristiques similaires. Dans la mesure où les aliments pour animaux représentent l’un des principaux coûts de production pour les pisciculteurs, dont les marges bénéficiaires sont généralement faibles, les aliments à base d’algues ne sont tout simplement pas envisageables d’un point de vue économique. Il convient donc de prévoir des mesures visant à réduire les coûts de production des ingrédients à base d’algues, tout en évitant des exigences de surveillance et de normalisation plus strictes pour les algues que pour les autres produits agricoles. Tous les producteurs de (composants de) denrées alimentaires devraient être traités sur un pied d’égalité afin de garantir des conditions de concurrence équitables sur le marché. S’il est prouvé que les ingrédients à base d’algues sont plus durables, leur utilisation pourrait faire l’objet d’une écocertification (écolabel), ce qui peut inciter les consommateurs à accepter un prix plus élevé pour un produit plus écologique.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable, COM(2022) 592 final, 15 novembre 2022.

(2)  Le pacte vert pour l’Europe, COM(2019) 640 final, 11 décembre 2019.

(3)  Une stratégie «De la ferme à la table» pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement, COM(2020) 381 final, 20 mai 2020.

(4)  Orientations stratégiques pour une aquaculture plus durable et compétitive dans l’Union européenne pour la période 2021-2030, COM(2021) 236 final, 12 mai 2021.

(5)  Des cycles du carbone durables, COM(2021) 800 final, 15 décembre 2021.

(6)  Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable, COM(2021) 240 final, 17 mai 2021.

(7)  Référence et autres possibilités: Babich e.a., «Algae: Study of Edible and Biologically Active Fractions, Their Properties and Applications», Plants 2022, 11(6), 780, https://doi.org/10.3390/plants11060780, ainsi que Poonam Sharma, Nivedita Sharma (2017), «Industrial and Biotechnological Applications of Algae: A Review», Journal of Advances in Plant Biology — 1(1):01-25. DOI 10.14302/issn.2638-4469.japb-17-1534, https://openaccesspub.org/article/530/japb-17-1534.pdf

(8)  Conclusions de la réunion du Conseil européen des 23 et 24 juin 2022.

(9)  Estimations provenant d’une étude réalisée par la coalition Seaweed for Europe, intitulée «Hidden Champion of the Ocean: Seaweed as a Growth Engine for a Sustainable European Future» (Champion caché de l’océan: les algues marines comme moteur de croissance pour un avenir européen durable).

(10)  Dans son étude intitulée «How many species of algae are there?» (Combien existe-t-il d’espèces d’algues?), Michael D. Guiry estime le nombre d’espèces d’algues à 1 million, mais ce chiffre de 72 500 provient de la base de données taxinomique en ligne AlgaeBase. Voir Guiry (2012), https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27011267/, DOI: 10.1111/j.1529-8817.2012.01222.x.

(11)  Une vision à long terme pour les zones rurales de l’UE — Vers des zones rurales plus fortes, connectées, résilientes et prospères à l’horizon 2040, COM(2021) 345 final et JO C 290 du 29.7.2022, p. 137.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/132


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Cadre d’action de l’UE sur les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables»

[COM(2022) 682 final]

(2023/C 228/19)

Rapporteur:

András EDELÉNYI

Corapporteur:

Alessandro MOSTACCIO

Consultation

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

13.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

134/0/4

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen (CESE):

1.1.

salue la communication relative au cadre stratégique de l’Union européenne sur les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables, s’agissant d’un secteur qui lui ouvre des possibilités de se rapprocher de ses objectifs en matière de durabilité et de circularité. S’ils sont correctement réglementés, les bioplastiques peuvent servir d’instruments de développement «vert» en entraînant une baisse de la consommation d’énergies fossiles, une réduction de la pollution due aux plastiques et une progression de la collecte sélective des déchets;

1.2.

souligne que l’Europe, comme il convient de s’en féliciter, joue un rôle de pionnière dans l’élaboration de bioplastiques et de plastiques biodégradables et que, de 2007 à 2020, elle a financé plus de 130 projets de recherche, à hauteur d’un milliard d’euros (1). L’Union européenne est le deuxième producteur mondial de bioplastiques, et elle devrait renforcer sa position sur la scène internationale, en se concentrant sur les produits qui présentent la plus forte valeur ajoutée, c’est-à-dire ceux qui sont à la fois biosourcés et compostables, la production asiatique se limitant principalement aux produits compostables mais non renouvelables;

1.3.

estime que l’Union pourra se montrer encore plus compétitive à l’échelle mondiale, en opérant un maximum d’avancées environnementales, si le nouveau cadre réglementaire est en mesure de cibler les applications industrielles présentant la plus grande valeur ajoutée du point de vue de l’environnement et que l’ensemble des nouveaux produits mis sur le marché comportent une communication claire et précise, permettant aux consommateurs d’adopter une démarche volontariste dans la transition vers l’économie circulaire;

1.4.

encourage la Commission à tirer ses conclusions sur la base d’une analyse comparative des avantages des plastiques biosourcés, biodégradables et compostables par rapport à ceux d’origine fossile. Certaines recommandations non comparatives, péchant par excès de prudence, risquent de ne pas fournir d’orientations suffisantes à la recherche, à l’innovation et au lancement d’activités d’investissement, et, ainsi, de freiner les progrès et d’entamer l’avantage concurrentiel dont jouit l’Union européenne;

1.5.

recommande d’examiner systématiquement, en fonction des découvertes scientifiques les plus récentes, toutes les mesures qui ont une incidence, directe et indirecte, sur l’environnement législatif et normatif en la matière. Pareille démarche pourrait atténuer le flou en la matière et protéger les utilisateurs;

1.6.

demande que le système de la hiérarchisation des priorités en fonction d’une utilisation en cascade soit appliqué à l’évaluation des matériaux, des produits et des processus, y compris pour ce qui est des aspects liés à la circularité et à la durabilité. Cette recommandation vaut pour les matières premières, la biomasse et les chaînes alimentaires, ainsi que pour les cascades de recyclage. La mise en œuvre de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) établira en outre l’ordre de priorité en vertu duquel la réutilisation ou le recyclage des matières, en l’occurrence renouvelables, prime sur la réutilisation à des fins énergétiques, ressortissant aux énergies renouvelables;

1.7.

est persuadé que l’analyse du cycle de vie constitue un excellent outil pour évaluer certains aspects liés à la durabilité des produits et contribue ainsi à orienter les activités de recherche, d’innovation et d’investissement, prévues ou en cours. Il s’impose toutefois de consentir, dans une mesure considérable, des efforts supplémentaires pour combler les lacunes inhérentes aux méthodes utilisées actuellement, le but étant de réduire les incertitudes découlant de la non-prise en compte de l’avantage que présente le carbone d’origine biologique (2) et des incidences sur le capital naturel;

1.8.

juge que la plupart des méthodes actuelles de comptabilisation des coûts et de fixation des prix ne parviennent pas à internaliser et reconnaître, pour ce qui est des inconvénients et avantages induits, l’incidence produite par les composants supplémentaires qui sont recyclés et réintroduits dans le cycle de production. Grâce à un régime de responsabilité élargie des producteurs (REP) qui repose sur l’analyse du cycle de vie et soit adapté aux besoins spécifiques, il sera possible de recalculer et corriger le handicap de compétitivité qui affecte les produits biopolymères du point de vue des tarifs;

1.9.

suggère qu’un éventail de domaines d’intervention bien ciblés, qui devraient relever des compétences d’une Union européenne «vectrice de valeur ajoutée» (3), pourra contribuer à détecter et éliminer les goulets d’étranglement qui freinent les progrès rapides qu’il est nécessaire d’accomplir. Pareille approche revêt une pertinence toute particulière en ce qui concerne les données, le suivi et les discussions, ainsi que l’aide apportée à la recherche et l’innovation;

1.10.

préconise que la Commission poursuive les examens cycliques des grandes évolutions qui s’opèrent dans l’écosystème des biopolymères. Les méthodes et outils de consultation publique qui sont intégrés dans les procédures constituent un bon moyen d’y associer toutes les parties prenantes, en veillant au premier chef que la société civile organisée participe à la démarche par le truchement des différentes associations représentatives;

1.11.

incite les États membres à imposer des pourcentages de teneur en matières plastiques biosourcées tant pour les plastiques biosourcés que pour ceux de type compostable. Il est proposé que tous les dispositifs publicitaires, concernant, par exemple, la promotion ou l’image de marque, obéissent à des normes et règles fixées de manière définitive. Pour ce qui est de déterminer la teneur certifiée en carbone d’origine biologique, la méthode à utiliser est celle du carbone 14. La méthode du bilan massique, quant à elle, peut être admise pour exprimer la teneur en biomasse d’un recyclage plus complexe, multiple ou intermédiaire, mais les consommateurs doivent en être informés;

1.12.

prend acte de la réglementation interdisant les plastiques à usage unique, mais préconise de préciser les définitions de son champ d’application et de sa formulation, car il a la conviction que cette réglementation ne devrait pas exclure un certain nombre de produits et applications qui, dans le domaine du plastique, sont destinés par nature à un usage unique, ne sont pas consignés et ne peuvent donc être réutilisés ou recyclés mécaniquement. Dans ces cas, l’utilisation de plastiques biosourcés ou de plastiques biodégradables et compostables est à privilégier;

1.13.

considère que le recyclage mécanique, en circuit court, est souvent bénéfique, en raison de sa simplicité relative, mais comporte des points faibles, notamment en ce qu’il aboutit à recycler de manière dévalorisante, du fait des mélanges, ou présente des carences concernant les limites d’épaisseur, les rendements qu’il produit ou ses besoins en énergie. Des comparaisons fouillées du point de vue de la durabilité pourraient aboutir à la conclusion qu’il est préférable d’utiliser des polymères biosourcés ou des filières de recyclage différentes, c’est-à-dire organiques ou chimiques. Dans ce cas, l’option la plus appropriée pourrait consister à utiliser des matières plastiques qui soient tout à la fois biosourcées et compostables. Des techniques de dissociation doivent encore être mises au point pour les feuilles minces;

1.14.

est d’avis que les plastiques biodégradables certifiés aux normes européennes offrent des possibilités d’atténuer la pollution plastique en réduisant l’accumulation de déchets constitués de microplastiques et nanoplastiques et, partant, les dommages que causent les types non biodégradables. À l’heure actuelle, les applications disponibles pour une biodégradation contrôlée dans des environnements naturels spécifiques de type ouvert sont fort peu nombreuses, quoique très importantes. Il convient de consentir des efforts supplémentaires pour élaborer des méthodes systémiques combinant les propriétés matérielles et les conditions afin de tirer parti des options de biodégradation dans les sols et d’autres environnements ouverts spécifiques;

1.15.

est convaincu que le compostage industriel et l’utilisation de plastiques compostables constituent un excellent moyen d’améliorer la collecte et l’utilisation des déchets alimentaires. Outre le retour du carbone dans le sol, ces techniques permettent d’éliminer et recycler conjointement les déchets alimentaires et les emballages, tout comme d’autres catégories d’objets compostables. Il convient d’encourager et d’aider les États membres à mettre en œuvre la collecte sélective obligatoire des déchets organiques à partir de 2024. Pour franchir cette étape, il importe de disposer de plastiques compostables, par exemple pour la fabrication de sacs et d’autres applications liées aux denrées alimentaires, ainsi que de mettre en place les infrastructures et l’organisation requises et de lancer les campagnes de sensibilisation nécessaires;

1.16.

demande que la gamme d’applications qu’offrent les plastiques compostables ne se limite pas à celles énumérées dans la proposition de la Commission relative aux emballages et aux déchets d’emballages. L’expérience et les bonnes pratiques montrent que les plastiques compostables peuvent jouer un rôle bénéfique dans bon nombre de domaines, principalement en ce qui concerne le contact avec les denrées alimentaires, les circuits fermés et les feuilles minces.

2.   Contexte de l’avis, glossaire et état des lieux dans le secteur

2.1.   Définitions des plastiques renouvelables

Le mot «bioplastiques» est un terme collectif générique qui ne devrait être utilisé ni dans le cadre de la commercialisation de plastiques ni dans celui de leurs applications, étant donné qu’il peut être employé à mauvais escient, induire en erreur ou susciter des associations négatives. Dans le cas présent, il fait référence aux «plastiques biosourcés, biodégradables et compostables».

Les plastiques biosourcés (plastiques à base de plantes) sont des plastiques fabriqués à partir de matières premières renouvelables et non fossiles (4). Ils peuvent être biodégradables ou non. Les plastiques biosourcés de substitution sont chimiquement identiques à leurs analogues d’origine fossile. Les plastiques «bioattribuables» peuvent être définis comme des plastiques dont la composition comporte un contenu biologique donné.

Les plastiques biodégradables sont des plastiques qui, à la fin de leur vie utile, subissent une décomposition par des micro-organismes, aboutissant à produire de l’eau, de la biomasse, des sels minéraux et du dioxyde de carbone (CO2), ou du méthane, en cas de digestion anaérobie. Ils peuvent être fabriqués à partir de matières premières tant biologiques que fossiles.

Les plastiques compostables constituent un sous-ensemble de la classe des plastiques biodégradables, dans lequel le processus de biodégradation a lieu dans des conditions contrôlées, grâce à l’utilisation de micro-organismes, afin produire de résidus organiques stabilisés, de l’eau, ainsi que du CO2, en présence d’oxygène, ou du méthane, en son absence, les deux gaz finaux pouvant être collectés. Le compostage normalisé et strictement contrôlé s’effectue dans des usines de compostage, à savoir des centres de recyclage organique, qui répondent aux exigences de la norme EN 13432 (5) et donnent par ailleurs la garantie que les additifs utilisés sont écologiques. Le compostage domestique n’est pas encadré par des conditions aussi strictes et ne peut donc pas fournir un produit final prédéterminé.

Les plastiques qui sont tout à la fois biosourcés et biodégradables, y compris dans leurs versions compostables, offrent naturellement la combinaison la plus avantageuse, comme dans le cas de l’acide polylactique (APL), qui est largement utilisé.

2.2.   Le secteur des matières plastiques

La production de plastiques et bioplastiques à l’échelle mondiale

Données de 2021-2022 — Production mondiale de plastiques et bioplastiques  (6)

Année

Plastiques fossiles

[Mt]

Bioplastiques

[Mt]

Bioplastiques

[%]

Plastiques biosourcés

[Mt; (%)]

Plastiques biodégradables et compostables

[Mt; (%)]

2021

367

1,80

0,49

0,74 ; (41,2 )

1,05 ; (58,7 )

2022 (*1)

390

2,22

0,57

1,07 ; (48,2 )

1,14 ; (51,3 )

Source: European Bioplastics, Faits et chiffres (https://www.european-bioplastics.org/market/).

Les bioplastiques représentent actuellement environ 1 % de la production totale de plastiques à l’échelle mondiale.

D’ici à 2027, leur tonnage produit devrait toutefois passer de 1,8 à 6,2 millions de tonnes.

2.2.1.   Les bioplastiques dans le monde

L’Asie, dont la Chine en particulier, constitue le principal pôle de production de bioplastiques (41,4 % en 2022), suivie par l’Union européenne (26,5 %) et les États-Unis (18,9 %).

D’ici à 2027, la part du continent asiatique devrait passer à 63 %, tandis qu’en l’absence de mesures de soutien, il est prévu que celle de l’Union diminue de manière significative.

2.2.2.   La demande européenne de bioplastiques

Dans l’Union européenne, la demande de bioplastiques est passée de 210 000 tonnes en 2019 à quelque 320 000 tonnes en 2021 (7). Son taux de croissance annuel a excédé 23 %. La demande européenne intervient pour environ 18 % dans la production mondiale de bioplastiques. L’Europe joue un rôle de premier plan en ce qui concerne la balance du commerce extérieur et l’innovation technique.

Il est essentiel de mieux sensibiliser les consommateurs à faire la distinction entre plastiques d’origine fossile et utilisation optimale des bioplastiques.

2.3.   Les enjeux environnementaux des plastiques

2.3.1.   Incidence sur le climat

En comparaison, notamment, des chaînes de valeur de l’énergie, des produits chimiques et d’autres matériaux, celle des plastiques contribue dans une mesure limitée aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Il a été estimé qu’en 2018, les émissions totales de gaz à effet de serre dues à la chaîne de valeur des plastiques dans l’Union européenne atteignaient 208 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (équivalent CO2). Pour leur majeure partie, en l’occurrence 63 %, elles sont imputables à la production de polymères plastiques. La transformation de ces polymères en produits intervient pour 22 % des émissions, et le traitement des déchets plastiques en fin de vie en dégage les 15 % restants, principalement du fait de leur incinération (8).

2.3.2.   Incidence sur le capital naturel

Indépendamment de leur incidence sur le climat, les plastiques présentent également un taux de recyclage qui reste trop faible. Il en résulte qu’ils produisent des répercussions sur l’environnement et le capital naturel mondial, ou empreinte écologique, parce qu’ils entament un stock limité de ressources naturelles et infligent des dommages aux écosystèmes mondiaux, tels que les sols, les terres, l’air, l’eau, les organismes vivants et, en bout de chaîne, la santé et le bien-être humains. L’accumulation de microplastiques dans l’eau douce et l’eau de mer constitue un problème spécifique.

2.3.3.   Efforts visant à atténuer le problème

La chaîne de valeur des bioplastiques est susceptible de réduire les émissions de dioxyde de carbone, grâce à celui qui est capturé ou est d’origine biologique, pour autant que ces matières soient nettement plus utilisées et que les déchets de plastiques biosourcés soient recyclés plutôt qu’incinérés. Fabriquer des plastiques grâce à la biomasse ou veiller à ce que des produits en plastique puissent se biodégrader dans certains environnements offre un certain nombre d’avantages par rapport aux plastiques conventionnels, mais encore faut-il qu’ils soient reconnus et pris en compte. Dans le rapport ETC/WMGE 2021/3 d’Eionet, il a été calculé qu’un scénario où tous les plastiques d’origine fossile seraient remplacés par des plastiques biosourcés dans l’Union européenne aboutirait à des émissions annuelles totales de gaz à effet de serre de 146 millions de tonnes d’équivalent CO2 pour ces matières plastiques biosourcées, soit 30 % de moins que les 208 millions de tonnes d’équivalent CO2 provenant de la chaîne de valeur de celles d’origine fossile (9).

3.   Observations générales

3.1.

Les bioplastiques ont pour caractéristique commune de présenter de grandes potentialités pour améliorer et préserver un cycle du carbone durable et équilibré. En conséquence, ils contribuent à une incidence nette sur le climat et le capital naturel qui soit nulle. Les deux principales catégories de plastiques concernées doivent toutefois être traitées séparément. Les plastiques biosourcés, à base végétale, sont des outils qui permettent la transition d’une économie où les plastiques sont d’origine fossile à celle où ils proviendront de la biomasse. Parallèlement, les plastiques biodégradables et compostables présentent des avantages exceptionnels pour la gestion des produits en fin de vie et pour la réalisation des objectifs du pacte vert, s’agissant, par exemple, de réduire le gaspillage alimentaire ou d’assurer la durabilité de la production et de la consommation.

Il est judicieux d’utiliser des plastiques à la fois biosourcés et compostables afin de réduire le bilan net en émissions de gaz à effet de serre en en soustrayant la quantité de CO2 absorbée de l’environnement.

3.2.

La communication de la Commission européenne fournit une analyse approfondie et étendue du secteur des plastiques biosourcés, biodégradables et compostables, en passant en revue les données disponibles. Ses conclusions et recommandations se révèlent par trop prudentes sur plusieurs points et risquent de décourager l’innovation et les investissements dans certains domaines essentiels. L’analyse devrait s’effectuer sur un mode comparatif, en examinant côte à côte les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables et leurs équivalents actuels d’origine fossile, même si le remplacement systématique, «un pour un», des plastiques par des bioplastiques ne constitue pas un scénario viable dans tous les cas de figure.

3.3.

Au sein de la société, l’image et l’acceptation globales des matériaux et produits durables et de leur utilisation se situent à des niveaux fort élevés, atteignant généralement des taux de 80 à 90 % dans les enquêtes d’opinion. Parmi les consommateurs interrogés, 25 % seraient prêts à payer un prix supérieur de 20 % à celui des produits équivalents fabriqués à partir de matières plastiques d’origine fossile et 4 % accepteraient de débourser 50 % de plus pour des produits biopolymères durables.

3.4.

La conception et la mise en œuvre d’un cadre stratégique réaliste nécessitent:

d’établir des définitions et classifications claires et univoques des différents types de biopolymères, de leurs caractéristiques et des domaines où leur utilisation est optimale,

de veiller à ce que tout un chacun sache que l’adjectif «biosourcé» se rapporte uniquement à l’origine des matières premières utilisées pour fabriquer ces matériaux, tandis que les qualificatifs «biodégradables» et «recyclables» renvoient à une propriété systémique, qui dépend de leur matière et de l’environnement ou des conditions de leur fin de vie fonctionnelle,

de réaliser un examen et une harmonisation systématiques de l’environnement législatif régissant la conception, la fabrication, l’utilisation et la remise en circulation des produits en plastique, soit leur cycle de vie complet,

de procéder à une nouvelle harmonisation de l’ensemble des normes et des prescriptions d’étiquetage connexes, en tenant compte des résultats de recherches récentes, des évolutions techniques et des innovations,

de fournir aux consommateurs des informations scientifiquement prouvées sur ces matériaux, de mettre en place des infrastructures efficaces pour qu’ils puissent prendre part au processus de réalisation des objectifs convenus d’un commun accord en matière de durabilité, ainsi que de continuer à étudier les incidences des bioplastiques sur la santé et l’environnement.

3.5.

Le cadre doit intégralement obéir à un système de hiérarchisation des priorités en fonction d’une utilisation en cascade, qui couvre également l’utilisation des plastiques à la source et en amont d’elle. Il doit couvrir la totalité de la chaîne de valeur et respecter les principes prescrivant de préserver, réutiliser, recycler et valoriser, afin de conserver les composants dans la filière. Dans la mesure du possible, le stock, le flux et le cycle du carbone doivent être contrôlés dans leur ensemble: cet impératif couvre celui qui est concentré dans les matières premières, telles que le charbon, le pétrole ou le gaz, celui qui est produit, traité, capturé, sous forme de CO2, celui qui est collecté, en tant que déchet, et recyclé, ainsi que celui qui est dispersé, tel que présent dans les produits usagés, le sol et l’air. En matière de recyclage, les options optimisées du point de vue de la durabilité, englobent des circuits de type soit court, s’agissant du recyclage mécanique, soit intermédiaire, se rapportant au recyclage physique, chimique ou combinant ces deux formes, soit complet, couvrant toute la boucle, de type biochimique, en fonction de la manière dont les différentes substances peuvent être réintégrées dans la filière.

3.6.

Les exigences susmentionnées induisent toute une série de nouveaux enjeux en matière d’ingénierie de l’écoconception. Outre les tâches traditionnelles liées à la fonctionnalité, à la commodité et à l’esthétique des produits, les ingénieurs du domaine de l’écoconception doivent désormais prendre en compte l’approvisionnement en matières premières, la durée de vie, les prévisions de fin de vie, la circularité et la durabilité optimisée.

3.7.

Un approvisionnement en matières premières durables mérite une attention particulière si l’on considère que sur le marché des plastiques, ceux qui sont biosourcés détiennent une part de 1 % tout en ne mobilisant que 0,02 % des terres arables. Si, selon dans une hypothèse théorique, mais irréaliste, ils se substituaient à 100 % à ceux d’origine fossile, leur production ne nécessiterait que 4 à 5 % de ces terres. Les cultures, destinées à la production de sucre, d’amidon et d’huile, représentent actuellement une part de deux tiers dans les sources de matières premières nécessaires à la fabrication de ces matériaux, tandis que les produits non comestibles, comme le bois ou l’huile de ricin, en forment le tiers restant. Malgré cette faible consommation de terres, l’objectif sera d’opérer une descente dans l’utilisation en cascade des denrées alimentaires et de la biomasse, c’est-à-dire de réorienter l’approvisionnement en matières premières pour la production de ces plastiques pour que des cultures ou des denrées alimentaires, il migre vers des sous-produits, comme la paille ou les déchets de bois, et les déchets recyclables, tels que les déchets organiques de lignocellulose, d’hydrocarbures et d’hydrates de carbone, qui seraient utilisés à cette fin plutôt que d’être destinés à une valorisation énergétique. Cette démarche s’applique également aux initiatives relatives à de nouvelles matières premières telles que les déchets d’algues.

3.8.

Les technologies de fabrication, pour la plupart, sont déjà en place et celles destinées aux plastiques d’origine fossile peuvent être appliquées à la transformation de ces matières premières. En ce qui concerne la chaîne de circularité, d’autres étapes doivent toutefois être ajoutées aux deux extrémités du processus linéaire, à savoir la production de matières premières et le bioraffinage, d’une part, et la collecte et le traitement des déchets, suivis d’un recyclage ou d’une valorisation, d’autre part, ces mesures étant nécessaires pour les flux de matières plus diffus. Au besoin et lorsqu’il est possible de le faire, il convient de recourir à des processus centralisés pour la capture du CO2 .

3.9.

La recherche sur les matériaux et l’ingénierie afférente devraient s’attacher à élargir le spectre des utilisations des nouveaux biopolymères ou des mélanges, grâce à de combinaisons inédites de propriétés physiques, chimiques, fonctionnelles ou portant sur la dégradabilité, tant en ce qui concerne les caractéristiques des matières que les conditions.

3.10.

Les aspects liés au travail n’ont pas encore fait l’objet d’une analyse approfondie. Selon les estimations, 175 000 à 215 000emplois supplémentaires devraient être créés d’ici à 2030 (note de bas de page no 16). Qui dit nouvelles technologies dit demande de nouvelles compétences, en particulier en ce qui concerne le traitement des matières premières, le recyclage et l’ingénierie de l’écoconception. Ces besoins devront être pris en compte grâce à des plans de développement et d’investissement, ainsi que des programmes de formation, d’éducation, de reconversion et de perfectionnement professionnels. Dans ces métiers, la satisfaction professionnelle et le prestige augmentent, mais il convient d’accorder la même attention à l’élaboration de conditions de travail décentes.

3.11.

Les modèles actuellement utilisés pour la comptabilisation des coûts et la fixation des prix recourent pour la plupart à l’approche traditionnelle ou linéaire «du berceau à la porte». Dans cette comparaison, les biopolymères sont désavantagés en raison des niveaux de prix élevés de leurs matériaux de base, d’un accès plus dispersé aux matières premières, de productions en séries de moindre volume et de la courbe d’apprentissage. Ce handicap pourrait toutefois disparaître totalement dans un paradigme de recyclage permanent ou «du berceau au berceau» qui internalise les coûts de la remise en circulation durable. Des méthodes modulaires de responsabilité élargie des producteurs correctement appliquées seraient susceptibles de compenser ce désavantage.

3.12.

Les méthodes et calculs d’analyse du cycle de vie sont utilisés afin d’évaluer l’empreinte environnementale des biens et des matériaux usagés. Des efforts considérables ont été déployés pour définir et quantifier cette incidence, qui est exprimée en émissions nettes de gaz à effet de serre mesurées en équivalent CO2. Il est nécessaire de procéder à davantage d’expériences, de recherches et de modélisations pour affiner les méthodes actuelles de calcul de l’empreinte environnementale de produit (EEP), car elles s’avèrent inopérantes pour établir les avantages que présente le carbone d’origine biologique ou pour quantifier les effets découlant du changement d’affectation des terres et les incidences, difficiles à estimer, produites sur le capital naturel. Disposer d’une analyse du cycle de vie qui soit réaliste et reconnue constitue un préalable obligé pour la mise en place d’un système crédible et modulaire de responsabilité élargie des producteurs. Des investigations et des prévisions qui pourraient s’appuyer sur une telle analyse réduiraient les risques, en orientant dès l’amont les décisions en matière de recherche et d’innovation et d’investissement.

3.13.

Les pratiques et les législations des États membres varient considérablement. Pour être «vectrice de valeur ajoutée» (10), l’Union européenne devrait donc soutenir en priorité des domaines tels que la collecte de données et la transparence, la détection et la diffusion de bonnes pratiques, le suivi des progrès scientifiques, économiques, financiers et sociaux, ainsi que la mise en évidence des goulets d’étranglement et l’aide visant à les éliminer ou les dénouer, afin de préserver sa compétitivité dans ce secteur.

4.   Observations particulières

4.1.   Introduction

4.1.1.

Dans un certain nombre de cas, le recyclage mécanique n’est pas réalisable, car il se peut que les emballages soient contaminés par des denrées alimentaires ou qu’il ne soit pas possible ou pratique de recycler mécaniquement ceux qui sont de petite taille ou de faible épaisseur. Dans ces cas de figure, les plastiques compostables constituent une bonne solution car ils permettent l’élimination et le recyclage conjoints des déchets alimentaires et des emballages.

4.2.   Plastiques biosourcés

4.2.1.

Le cadre d’action devrait préciser que les plastiques biosourcés sont tenus de comporter une quantité minimale de matières biosourcées et recyclées, à commencer dans le cas de la proposition de la Commission européenne relative aux emballages et aux déchets d’emballages, du 30 novembre 2022. Ce contenu en plastique biosourcé pourrait remplacer ou compléter la quantité minimale de matières recyclées. La sécurité alimentaire exige l’utilisation de matériaux vierges ou recyclés chimiquement pour les produits en contact avec les denrées alimentaires, comme les couverts, les gobelets, les plateaux ou les films d’emballage. Les bouteilles et plateaux en polytéréphtalate d’éthylène (PET) sont les seuls objets qui peuvent être recyclés mécaniquement et retraités en vue d’un contact direct avec des denrées alimentaires.

4.2.2.

Il existe d’ores et déjà des dispositifs de certification des contenus biosourcés, tels que le système «OK biobased» de TÜV Austria OK (11) et celui de DIN CERTCO (12). Sont également disponibles des normes européennes et internationales spécifiques (13), y compris des approches fondées sur le bilan massique certifiées par des tiers. En outre, certains États membres ont défini des niveaux obligatoires de concentration en matières tant recyclées que biosourcées. Dans le cadre d’une certification, la teneur en carbone d’origine biologique devrait être définie à l’aide de la méthode radiochimique du carbone 14. Toutefois, pour les produits recyclés à plusieurs reprises et non homogènes et les plastiques contenant du plastique biosourcé, la méthode de la concentration massique pourrait également s’avérer recevable.

4.2.3.

Certaines méthodes de chaîne de contrôle ouvrent la voie à l’utilisation de matières premières biosourcées dans des produits intermédiaires ou pour lesquels la complexité des chaînes de valeur ou l’échelle atteinte ne permettent pas encore d’opérer de distinctions (14).

4.2.4.

À titre de méthode la plus harmonisée disponible, le cadre d’action mentionne celle de l’«analyse du cycle de vie des plastiques» (15) du Centre commun de recherche, qui s’appuie elle-même sur celle de l’empreinte environnementale de produit (EEP) de l’Union européenne. Toutefois, cette méthode EEP se révèle insuffisante lorsqu’il s’agit d’évaluer correctement les changements d’affectation des sols, ainsi que le carbone d’origine biologique, et contredit même, sur ce point, certaines normes communément admises (16) prenant en considération l’absorption initiale de carbone d’origine biologique dans les produits et plastiques biosourcés.

4.3.   Plastiques biodégradables et compostables

Les propriétés de biodégradabilité et de compostabilité ne constituent pas des facteurs négatifs qui entraîneraient une augmentation des déchets sauvages. Il n’existe aucune preuve, étude ou démonstration confirmant l’hypothèse voulant que la biodégradabilité pourrait avoir une incidence négative du point de vue des déchets abandonnés. Ce problème peut être réglé au moyen d’un système d’étiquetage, tel que celui déjà mis en place en Italie. Aucun matériau ne peut finir en déchet sauvage. Ils doivent tous être collectés, triés et recyclés.

4.3.1.   Plastiques biodégradables

La biodégradabilité des plastiques dans l’environnement ouvert ne constitue pas un outil de gestion des déchets. Au contraire, et conformément à la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil (17) et à la norme EN 13432, les plastiques compostables doivent être recyclés de manière organique, avec les déchets alimentaires ou les effluents d’élevage et le lisier, dans des installations de compostage, afin de produire du compost organique susceptible d’être utilisé comme engrais organique pour traiter et amender les sols. L’objectif est de recourir à ces matériaux lorsqu’ils présentent des avantages avérés du point de vue de la durabilité, par exemple dans le domaine des denrées alimentaires. Cet emploi de plastiques compostables peut contribuer tout à la fois à augmenter les taux de collecte des déchets organiques et à réduire la contamination des déchets organiques par les plastiques ordinaires.

4.3.1.1.

Des recherches intensives supplémentaires devraient être menées sur l’optimisation systémique des matériaux et les conditions de biodégradation contrôlée dans des environnements naturels spécifiques, de type ouvert. Les enduits hydrodégradables ou les emballages polymères, dégradables dans les sols, contenant des engrais à libération lente ou contrôlée en fournissent de bons exemples. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour développer la dégradation, car elle peut fortement contribuer à prévenir et atténuer la pollution par accumulation de microplastiques et nanoplastiques.

4.3.1.2.

Comme le reconnaît la communication de la Commission européenne, les plastiques biodégradables jouent un rôle important dans l’agriculture. Dans ce secteur, ils constituent une solution de substitution avantageuse, car ils se dégradent dans le sol sans générer de microplastiques. En outre, ils évitent les pertes de sol qui se produiraient si l’on utilisait en lieu et place des films de paillage ultrafins en plastique ordinaire, d’une épaisseur inférieure à 25 micromètres.

4.3.2.   Plastiques compostables de manière industrielle

4.3.2.1.

Le CESE souligne le rôle essentiel que jouent les plastiques compostables dans la plupart des emballages et des autres éléments qui entrent en contact avec des denrées alimentaires, notamment, pour ne citer que les quelques exemples mentionnés par la Commission, les autocollants des fruits et légumes, les sachets de thé, les dosettes de café et les sacs en plastique très légers. Par conséquent, il convient d’encourager l’utilisation d’autres emballages et éléments compostables de grande diffusion, comme les couverts, les gobelets, les plateaux ou les films d’emballage, y compris dans le cas de manifestations, d’utilisations et de sites en circuit fermé, plutôt que de les interdire au titre de l’article 22, combiné avec l’annexe V, de la proposition relative aux emballages et aux déchets d’emballages. Cette situation n’est pas en cohérence avec l’obligation faite, à partir du 31 décembre 2023, de collecter séparément les biodéchets ou de les recycler à la source dans tous les pays de l’Union européenne (18), les plastiques compostables étant appelés à jouer un rôle essentiel pour augmenter le taux de récupération des biodéchets et réduire la contamination du compost par des plastiques non biodégradables.

Étant donné que certains plastiques compostables et biosourcés se trouvent déjà sur le marché, l’option la plus appropriée semble être d’exiger que les plastiques compostables contiennent une teneur minimale en plastiques biosourcés, comme le prévoient déjà certaines législations nationales, par exemple en Italie et en France.

4.3.2.2.

La révision de la directive sur les engrais a mis en évidence un déséquilibre manifeste dans les schémas européens de fertilisation, qui présentent une surconsommation, en moyenne, de nutriments synthétiques à base d’azote, de phosphore et de potassium, qui est susceptible de provoquer une eutrophisation des eaux, tandis qu’en parallèle, un déficit en apport d’engrais organiques, comme le fumier, le compost issu de déchets ou les boues, peut entraîner une baisse de la teneur en carbone des sols.

4.3.2.3.

La communication de la Commission européenne considère que la question de la contamination croisée constitue un argument pour limiter l’utilisation des plastiques compostables. Toutefois, ce phénomène concerne non seulement les plastiques compostables, mais aussi d’autres matériaux, comme les métaux présents dans les flux de plastiques et les plastiques non compostables mêlés aux biodéchets. Les flux de plastiques font également l’objet d’une contamination croisée, de sorte qu’il est souhaitable de séparer les différents polymères avant leur introduction dans la plupart des processus de recyclage, si l’on veut éviter que les produits obtenus soient de moindre valeur. Dans la pratique, la contamination croisée des flux de plastiques par les bioplastiques n’est pas prouvée: les données italiennes montrent que la présence de plastiques compostables dans ces flux est inférieure à 1 %. La raison en est que certains produits ne peuvent être fabriqués qu’en plastique compostable, comme dans le cas des sacs, couverts ou assiettes en plastique à usage unique, et qu’il existe un système d’étiquetage clair pour les plastiques tant compostables qu’ordinaires, grâce auquel le consommateur peut les distinguer et les mettre au rebut dans la filière de recyclage appropriée, en plaçant les plastiques compostables dans les poubelles prévues pour les biodéchets et non dans celles recueillant les plastiques non compostables. Par conséquent, les pays qui ont mis en place des systèmes adéquats de gestion des déchets pour les plastiques compostables évitent de provoquer des contaminations croisées et ne sèment pas la confusion dans l’esprit du consommateur (19). Ces États, ainsi que leurs cadres législatifs, leurs systèmes de gestion des déchets et leurs dispositifs d’étiquetage pourraient offrir des exemples de bonnes pratiques en ce qui concerne les bioplastiques.

Bien qu’il soit envisageable de procéder à une mise à jour de la norme EN 13432, la communication de la Commission européenne n’a pas su reconnaître que les usines de compostage qui recourent aux meilleures pratiques et technologies disponibles pour les processus en la matière, en particulier pour ce qui est de leur durée, sont en mesure de traiter et de biodégrader complètement les plastiques compostables et les déchets alimentaires, comme le montrent les entretiens menés par Biorepack dans certaines de ces installations (20). Ni les bioplastiques ni la norme EN 13432 ne peuvent être incriminés si certaines usines de compostage, surtout dans les États membres de l’Union européenne dont les systèmes de gestion des déchets alimentaires sont moins efficaces, ne respectent pas les processus et les délais appropriés en la matière. Les équipements concernés ont tout simplement besoin d’une mise à niveau.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Entreprise commune «Une Europe fondée sur la bioéconomie circulaire».

(2)  Dans les calculs de l’empreinte environnementale, l’absorption, ou séquestration, du carbone d’origine biologique qui est retiré de l’environnement devrait être déduite des émissions de carbone, et donc portée au crédit des effets positifs sur le climat.

(3)  Ce concept vise les domaines dans lesquels les États membres peuvent créer une valeur ajoutée en agissant ensemble, plutôt que séparément, sans coordination ni ressources communes.

(4)  La famille des plastiques biosourcés peut également comprendre les plastiques «bioattribués», qui peuvent être définis comme des plastiques dont la composition comporte un contenu biologique, qui peut être déterminé au moyen de la répartition des matières premières.

(5)  JO L 190 du 12.7.2001, p. 21.

(*1)  Bilan préliminaire.

(6)  Source: Production mondiale de plastiques en 2020, Plastics Europe, 2021. European Bioplastics, Faits et chiffres (https://www.european-bioplastics.org/market/).

(7)  Plastic Consult, Les bioplastiques en Europe, mise à jour des données sur le marché, 23.9.2022.

(8)  Rapport ETC/WMGE 2021/3, Eionet.

(9)  Rapport ETC/WMGE 2021/3, Eionet.

(10)  Ce concept, qui est l’inverse de la notion de «coût de la non-Europe», fait référence aux avantages qu’offrent des actions qui sont entreprises en synergie plutôt que menées isolément.

(11)  https://www.tuv-at.be/green-marks

(12)  https://www.dincertco.de

(13)  CEN/TS 16640; ASTM D6866.

(14)  Dans les processus industriels complexes et longs utilisant de multiples matières premières, une distinction physique entre les produits fossiles et biologiques, ou entre ceux qui sont «neufs» et «recyclés», nécessiterait des investissements non durables. Les méthodes de chaîne de contrôle permettent, tout au long de la chaîne de valeur, d’assurer une comptabilisation des coûts fiable et transparente, ainsi qu’un étiquetage et des informations sur le contenu d’un produit qui soient clairs et univoques.

(15)  https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC125046

(16)  ISO 22526-1, 2 et 3, EN 16760, EN 15804 et ISO 14067.

(17)  Directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365 du 31.12.1994, p. 10).

(18)  Article 22 de la directive 2008/98/CE.

(19)  Voir les systèmes de responsabilité élargie des producteurs de Biorepack pour les plastiques compostables en Italie, (https://eng.biorepack.org/).

(20)  https://eng.biorepack.org/communication/news/composting-plants-talk.kl


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/141


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des règles spécifiques concernant les médicaments à usage humain destinés à être mis sur le marché en Irlande du Nord

[COM(2023) 122 final — 2023/0064 (COD)]

(2023/C 228/20)

Rapporteur général:

Jack O’CONNOR

Consultation

Conseil, 9.3.2023

Parlement européen, 13.3.2023

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

154/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) confirme qu’un règlement est l’instrument idoine pour donner effet aux solutions définies d’un commun accord et se félicite de l’opportunité du moment où la Commission a présenté la proposition de règlement.

1.2.

Le CESE convient que:

les dispositions de la proposition de règlement se limitent comme il se doit au domaine d’action concerné et qu’il n’est pas nécessaire d’évaluer sa cohérence avec d’autres politiques de l’Union,

la proposition utilise comme base juridique les dispositions de l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

les mesures envisagées sont en adéquation avec les objectifs à atteindre,

la proposition contient également des mécanismes de sauvegarde pertinents pour garantir la protection du marché unique de l’Union européenne (UE),

le règlement proposé est exempté de l’analyse d’impact, compte tenu de l’urgence et du caractère sensible de la situation.

1.3.

Le CESE soutient l’adoption et la mise en œuvre rapide du règlement proposé, qui garantiraient la continuité de l’approvisionnement en médicaments à usage humain en Irlande du Nord, amélioreraient les perspectives de mise en œuvre du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, et contribuerait à la protection de l’accord de Belfast/du Vendredi saint.

1.4.

Les articles 9 et 10 de la proposition de règlement permettent à la Commission de suspendre les règles spécifiques en cas de non-respect par le Royaume-Uni. Le CESE convient qu’une telle disposition est essentielle, mais souligne toutefois l’importance de procéder, avant une telle suspension, à la consultation avec le Royaume-Uni envisagée à l’article 9, paragraphe 3, ainsi qu’avec les experts désignés par chaque État membre (article 10, paragraphe 4).

1.5.

Le CESE encourage la consultation permanente des principales parties prenantes afin de contribuer à garantir une mise en œuvre en temps utile, ainsi qu’un suivi de tout risque futur pesant sur la réalisation des objectifs de la proposition de règlement. À cet égard, les institutions européennes devraient également être régulièrement informées de l’état d’avancement de la mise en œuvre avant janvier 2025.

2.   Observations générales

2.1.

Le règlement proposé s’inscrit dans le contexte des solutions convenues entre l’UE et le Royaume-Uni dans le cadre de Windsor.

2.2.

Le règlement proposé relève d’un ensemble complet de solutions communes convenues entre l’UE et le Royaume-Uni pour répondre aux préoccupations énumérées dans l’exposé des motifs de la proposition de règlement. Il concerne l’adoption de règles spécifiques relatives aux médicaments à usage humain destinés à être mis sur le marché en Irlande du Nord conformément à l’article 6 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil (1). Il s’agit d’établir des règles spécifiques pour les dispositions énumérées à l’annexe 2 du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord (ci-après dénommé «le protocole»), qui régissent l’activité dans le secteur des médicaments.

2.3.

Les difficultés que la proposition de règlement vise à résoudre sont pratiquement apparues dès l’entrée en vigueur du protocole, le 1er janvier 2021. Elles ont persisté même après l’expiration de la période de transition prévue dans l’accord de retrait entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, en particulier en ce qui concerne la disponibilité, en Irlande du Nord, des médicaments fabriqués en Grande-Bretagne, en raison de la complexité du nouvel environnement réglementaire. Afin de garantir la continuité de l’approvisionnement en médicaments depuis la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord, l’Union a adopté, le 12 avril 2022, la directive (UE) 2022/642 du Parlement européen et du Conseil (2), qui a introduit des dérogations à certaines obligations relatives à certains médicaments à usage humain mis à disposition au Royaume-Uni en ce qui concerne l’Irlande du Nord.

2.4.

Pour l’essentiel, ces dérogations ont permis aux producteurs britanniques de maintenir des fonctions se rapportant à l’expérimentation et aux fonctions réglementaires dans des parties du Royaume-Uni autres que l’Irlande du Nord. Elles ont également facilité la fourniture de nouveaux médicaments en permettant aux autorités britanniques compétentes d’autoriser, pour une durée limitée, un tel approvisionnement aux patients en Irlande du Nord, même s’ils ne disposaient pas encore d’une autorisation dans l’UE.

2.5.

L’expérience acquise par la suite a révélé que ces solutions engendraient un certain nombre de problèmes pratiques. L’obligation de ne pas fournir les mêmes emballages et notices destinées aux patients pour la Grande-Bretagne et pour l’Irlande du Nord imposerait une charge économique considérable aux fabricants compte tenu de la taille restreinte du marché que représente l’Irlande du Nord. Des inquiétudes ont également été exprimées quant au fait que la coexistence d’autorisations de mise sur le marché potentiellement divergentes pour la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord pour le même médicament créerait une insécurité juridique en ce qui concerne les règles applicables aux médicaments. D’autres questions étaient liées à la complexité des réglementations applicables à l’exportation et à la réimportation de médicaments, que la Commission a abordées dans le règlement délégué (UE) 2022/315 (3), qui prévoit une dérogation de trois ans pour les grossistes.

2.6.

Les solutions communes adoptées par la suite grâce à un accord entre l’UE et le Royaume-Uni visent à apporter une solution durable à ces problèmes. Elles prévoient que:

les médicaments nouveaux et innovants légalement mis sur le marché en Irlande du Nord ne doivent être couverts que par une autorisation de mise sur le marché en cours de validité délivrée par le Royaume-Uni,

les dispositifs de sécurité de l’UE n’apparaîtront pas sur les emballages de médicaments en Irlande du Nord,

les médicaments mis sur le marché en Irlande du Nord ne seront mis à disposition dans aucun État membre de l’UE,

les emballages britanniques seront estampillés «UK only» (Royaume-Uni uniquement),

les autorités britanniques surveilleront en permanence l’activité sur le marché afin de garantir la conformité,

la Commission peut suspendre unilatéralement les nouvelles règles en cas de non-respect par le Royaume-Uni de ses obligations.

2.7.

La proposition vise à donner un effet législatif à cet ensemble de solutions communes.

2.8.

Le CESE confirme qu’un règlement est l’instrument idoine pour donner effet aux solutions définies d’un commun accord et se félicite de l’opportunité du moment où la Commission a présenté la proposition de règlement.

2.9.

Le CESE convient que:

les dispositions de la proposition de règlement se limitent comme il se doit au domaine d’action concerné et qu’il n’est pas nécessaire d’évaluer sa cohérence avec d’autres politiques de l’UE,

la proposition utilise comme base juridique les dispositions de l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

les mesures envisagées sont en adéquation avec les objectifs à atteindre,

la proposition contient également des mécanismes de sauvegarde adéquats pour garantir la protection du marché unique de l’UE,

le règlement proposé est exempté de l’analyse d’impact, compte tenu de l’urgence et du caractère sensible de la situation.

2.10.

Étant donné que de vastes consultations avec des associations sectorielles et d’autres parties prenantes ont précédé les discussions avec le Royaume-Uni avant l’adoption de la première série de solutions en avril 2022 et que cet ensemble supplémentaire de solutions communes ne répond qu’à quelques nouvelles questions apparues entre-temps, le CESE convient qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une consultation publique ouverte avant l’adoption. Toutefois, le Comité encourage la consultation permanente des principales parties prenantes afin de contribuer à garantir une mise en œuvre en temps utile, ainsi qu’un suivi de tout possible risque futur pour la réalisation des objectifs de la proposition de règlement. À cet égard, les institutions de l’UE devraient également être régulièrement informées de l’état d’avancement de la mise en œuvre avant janvier 2025.

2.11.

Le CESE soutient l’adoption et la mise en œuvre rapide du règlement proposé, qui garantiraient la continuité de l’approvisionnement en médicaments à usage humain en Irlande du Nord, amélioreraient les perspectives de mise en œuvre du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, et contribuerait à la protection de l’accord de Belfast (du Vendredi saint).

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311 du 28.11.2001, p. 67).

(2)  Directive (UE) 2022/642 du Parlement européen et du Conseil du 12 avril 2022 modifiant les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE en ce qui concerne les dérogations à certaines obligations relatives à certains médicaments à usage humain mis à disposition au Royaume-Uni en ce qui concerne l’Irlande du Nord ainsi qu’à Chypre, en Irlande et à Malte (JO L 118 du 20.4.2022, p. 4).

(3)  Règlement délégué (UE) 2022/315 de la Commission du 17 décembre 2021 modifiant le règlement délégué (UE) 2016/161 en ce qui concerne la dérogation à l’obligation incombant aux grossistes de désactiver l’identifiant unique des médicaments exportés vers le Royaume-Uni (JO L 55 du 28.2.2022, p. 33).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/144


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les règles spécifiques applicables à l’entrée en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni de certains envois de biens de consommation, de végétaux destinés à la plantation, de plants de pommes de terre, de machines et de certains véhicules utilisés à des fins agricoles ou forestières, ainsi qu’aux mouvements non commerciaux de certains animaux de compagnie à destination de l’Irlande du Nord

[COM(2023) 124 final — 2023/0062 (COD)]

(2023/C 228/21)

Rapporteur général:

Klaas Johan OSINGA

Consultation

Conseil, 10.3.2023

Parlement européen, 13.3.2023

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, article 114, article 168, paragraphe 4, point b), et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

147/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite du cadre de Windsor (1) car il démontre que, lorsque le Royaume-Uni et l’Union européenne s’associent de bonne foi pour chercher des solutions d’un commun accord, les relations entre ces deux parties peuvent produire des résultats concrets au profit de leurs sociétés civiles respectives.

1.2.

Le CESE approuve la proposition de règlement (2) présentée par la Commission, visant à réglementer l’entrée et la mise sur le marché en Irlande du Nord de certains produits agricoles, dont les végétaux destinés à la plantation, les machines et certains véhicules utilisés à des fins agricoles ou forestières et les plants de pommes de terre, ainsi que les mouvements non commerciaux de chiens, de chats et de furets domestiques à destination de l’Irlande du Nord depuis d’autres parties du Royaume-Uni, c’est-à-dire la Grande-Bretagne.

1.3.

Le CESE relève le caractère à la fois pressant et technique de la proposition de règlement à l’examen comme des matières qu’elle entend régir. Il prend également acte des efforts considérables déployés pour concilier les impératifs de simplifier les procédures, de préserver l’intégrité du marché intérieur de l’Union européenne et de protéger la santé publique, ainsi que celle de la faune et de la flore.

1.4.

Le CESE fait observer que le délai prévu pour le marquage des biens de consommation préemballés entrant en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni peut poser des problèmes à certaines entreprises de cet État, notamment celles qui subissent des contraintes plus importantes d’ordre financier et technique, telles que les petites et moyennes entreprises (PME).

1.5.

Le CESE exprime des préoccupations analogues pour ce qui est de concevoir à l’intention des entreprises sises en Grande-Bretagne un jeu unique de données en vue de satisfaire aux exigences sanitaires et phytosanitaires, ainsi que douanières, qui s’appliquent lorsqu’elles fournissent leurs clients en Irlande du Nord. Il relève que tout retard pris sur l’échéance proposée pourrait entraîner des contrôles d’identité plus longs que ceux que le règlement lui-même prévoit.

1.6.

Le CESE presse la Commission d’apporter des clarifications supplémentaires et de proposer des solutions pour les domaines où se manifestent des divergences plus saillantes entre les normes sanitaires et phytosanitaires respectives du Royaume-Uni et de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne l’utilisation de produits phytopharmaceutiques en Irlande du Nord. Il relève qu’une persistance de l’incertitude en la matière produirait des effets discriminatoires à l’égard des agriculteurs d’Irlande du Nord.

1.7.

Plusieurs problèmes subsistent pour ce qui est de l’entrée ou de la sortie d’Irlande du Nord d’animaux vivants et de matières végétales, qu’ils proviennent de l’Union européenne ou d’autres parties du Royaume-Uni. Le CESE demande à la Commission d’y remédier dès que possible car les acteurs ont besoin de clarté.

1.8.

Les effets du «modèle cible opérationnel pour les frontières» («Border Target Operating Model») dont le Royaume-Uni a rendu public un projet dans le dessein de le mettre en place à partir d’octobre 2023 et qui expose un nouveau modèle pour les importations vers la Grande-Bretagne, y compris pour ce qui est des contrôles sanitaires et phytosanitaires, sont susceptibles d’ajouter encore aux incertitudes, alors qu’il s’impose de l’éviter à tout prix. De telles ambiguïtés entourent dès à présent la mise en œuvre du projet de loi britannique sur le droit de l’Union européenne maintenu en droit interne.

2.   Observations générales

2.1.

La proposition de règlement à l’examen établit des règles spécifiques applicables à l’entrée et à la mise sur le marché en Irlande du Nord de certains envois de biens de consommation en provenance d’autres parties du Royaume-Uni, ainsi que de végétaux destinés à la plantation, de machines et de véhicules utilisés à des fins agricoles ou forestières et de plants de pommes de terre.

2.2.

Ce règlement établit également des règles spécifiques relatives aux mouvements non commerciaux de chiens, de chats et de furets de compagnie à destination d’Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni. Il définit également des règles régissant la suspension de l’application des règles spécifiques qu’il prévoit.

2.3.

Conformément à l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, un certain nombre de textes législatifs de l’Union touchant aux mesures sanitaires et phytosanitaires s’appliquent au Royaume-Uni et sur son territoire en ce qui concerne l’Irlande du Nord après l’expiration de la période de transition que prévoit ledit accord.

2.4.

Par conséquent, l’entrée en Irlande du Nord de certains envois en provenance d’autres parties du Royaume-Uni de produits d’origine animale ou végétale, dont les aliments pour animaux, les végétaux destinés à la plantation, les machines et certains véhicules qui ont été utilisés à des fins agricoles ou forestières et les plants de pommes de terre, tombe sous le coup de ces textes et elle est soumise à des contrôles officiels, à des exigences en matière de certification et à des interdictions. Ces dispositions valent également pour les mouvements non commerciaux de certains animaux de compagnie.

2.5.

Le Royaume-Uni et certaines parties intéressées qui y sont sises ont exprimé de vives préoccupations quant à la lourdeur disproportionnée de la charge administrative que l’accord de retrait impose pour l’entrée en Irlande du Nord de certains produits soumis à des mesures sanitaires et phytosanitaires en provenance de Grande-Bretagne, dans le cas où ils sont destinés à des consommateurs finals qui sont également en Irlande du Nord. Cette situation compromettrait la place qu’elle occupe au sein du marché intérieur du Royaume-Uni.

2.6.

Sur cette base, la Commission et le Royaume-Uni se sont mis d’accord sur un ensemble complet de solutions communes qui, prenant en charge, les questions courantes de toutes les communautés d’Irlande du Nord, protègent l’intégrité du marché intérieur de l’Union comme de celui du Royaume-Uni. Il s’agit notamment:

de simplifier les exigences et les procédures applicables à l’entrée en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni de certains biens de consommation relevant d’actes de l’Union prévoyant des mesures sanitaires et phytosanitaires et destinés à des consommateurs finals en Irlande du Nord,

d’appliquer un nouvelle solution pour l’entrée en Irlande du Nord, en provenance d’autres parties du Royaume-Uni, de produits appréciés, y compris les plants de pommes de terre, les végétaux destinés à la plantation et les machines et véhicules qui ont été utilisés à des fins agricoles ou forestières,

d’appliquer les normes du Royaume-Uni en matière de santé publique et de protection des consommateurs aux biens de consommation déplacés vers l’Irlande du Nord à partir d’autres parties du Royaume-Uni et consommés en Irlande du Nord,

de simplifier les documents de voyage pour les mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie lorsque leurs propriétaires entrent en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni.

2.7.

Dans tous les cas, ces solutions prévoiraient de protéger de manière adéquate la santé publique, ainsi que celle de la faune et de la flore, et de préserver l’intégrité du marché intérieur de l’Union européenne.

3.   Observations particulières

3.1.

Pour ce qui est du marquage des biens de consommation, l’article 4, paragraphe 1, point a), de la proposition de règlement à l’examen prévoit que les biens de consommation entrant en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni et destinés à être consommés en Irlande du Nord doivent porter le marquage «Not for UE», comme le précise l’article 6.

3.2.

L’article 6, paragraphe 1, point a), exige d’appliquer un tel marquage à partir du 1er octobre 2023. Néanmoins, certaines entreprises sises en Grande-Bretagne fournissant des clients en Irlande du Nord risquent d’éprouver des difficultés à respecter cette échéance. En particulier, les PME pourraient ne pas disposer des ressources nécessaires, qu’elles soient techniques ou financières, soit pour se conformer à ce délai, soit pour consentir l’investissement nécessaire au regard de leur chiffre d’affaires.

3.3.

Ce délai serré pourrait également poser des problèmes en matière de gestion des données. Les jeux de données dont auront besoin les entreprises sises en Grande-Bretagne pour respecter les exigences sanitaires, phytosanitaires et douanières, seront similaires à ceux qu’elles devront fournir lorsqu’elles desserviront leurs clients en Irlande du Nord. Il serait avantageux de disposer d’un jeu unique de données, non seulement pour les entreprises, mais aussi s’agissant de contrôler le respect des exigences sanitaires, phytosanitaires et douanières. Il pourrait s’avérer compliqué d’élaborer un tel jeu de données d’ici le 1er octobre 2023.

3.4.

S’il s’avère impossible d’appliquer au 1er octobre 2023 l’article 6, paragraphe 1, point a), du règlement à l’examen, le taux de contrôle d’identité appliqué aux envois entrant en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni pourrait être temporairement supérieur à celui prévu par l’article 4, paragraphe 3. Il n’apparaît pas non plus clairement de quelle manière des produits de consommation emballés d’origine «Union européenne» pourraient en pratique être munis d’un marquage «Not for EU» dans les centres logistiques de la vente en détail en supermarché qui approvisionnement à la fois l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

3.5.

Un autre problème qui, mettant en évidence les conséquences d’une divergence entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, pourrait se poser en Irlande du Nord, est celui des produits phytopharmaceutiques. En Irlande du Nord, en effet, la plupart de ces produits sont utilisés pour les prairies et ils sont, pour l’heure, achetés dans l’Union européenne et les autres parties du Royaume-Uni. Or, des limites maximales applicables aux résidus de ces produits sont spécifiquement définies pour chacun d’eux, et dans certains cas, elles ne sont pas les mêmes au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. Cet état des choses place les agriculteurs d’Irlande du Nord dans une situation compliquée; aussi serait-il utile de réexaminer ce dispositif.

3.6.

Un autre facteur qu’il convient de prendre en considération est l’incidence des effets du projet de «modèle cible opérationnel pour les frontières» («Border Target Operating Model») publié par le Royaume-Uni le 5 avril 2023, qui définit un nouveau cadre pour les importations en Grande-Bretagne, y compris les contrôles sanitaires et phytosanitaires et sera mis en place à partir de la fin du mois d’octobre 2023. Il crée une incertitude supplémentaire pour les acteurs économiques, qui s’ajoute à celle qu’entraîne la loi britannique sur le droit de l’Union européenne maintenu en droit interne, laquelle pourrait conduire à abroger des milliers de règles européennes à la fin de l’année 2023.

3.7.

Bien que l’Union ait modifié son «règlement délégué» autorisant les bovins et les ovins à sortir de sa juridiction, et donc d’Irlande du Nord, pour y revenir dans les quinze jours suivants, il n’en continue pas moins de poser des problèmes pratiques aux éleveurs de bovins d’Irlande du Nord.

3.8.

Les marchés au bétail de Grande-Bretagne doivent être des centres d’exportation approuvés par l’agence britannique pour la santé animale et végétale (APHA) et tous les animaux qui y transitent doivent avoir le même statut sanitaire. Le statut «officiellement indemne de tuberculose» de l’Écosse exempte les centres qui s’y trouvent de devoir effectuer un dépistage sur les animaux avant qu’ils ne soient vendus ou exposés en Grande-Bretagne, tandis qu’aux mêmes fins, les éleveurs d’Angleterre et du Pays de Galles y sont contraints. Étant donné qu’en Grande-Bretagne, la demande pour des centres d’exportation approuvés par l’APHA est faible, voire nulle, il n’en existe à présent qu’un seul, à Carlisle, qui est donc le seul marché où le bétail d’Irlande du Nord peut être vendu et se prévaloir du règlement délégué de l’Union européenne. Il en résulte que lorsqu’il advient que des animaux d’Irlande du Nord proposés à la vente dans un marché qui n’est pas approuvé par l’APHA ne sont pas vendus, ils doivent alors rester pendant six mois en Grande-Bretagne avant de revenir en Irlande du Nord, alors que pareil cas de figure n’est pas viable d’un point de vue financier.

3.9.

À l’heure actuelle, on ne voit pas bien comment devrait fonctionner le remarquage du bétail envoyé en Irlande du Nord en provenance d’autres parties du Royaume-Uni. Pour l’heure, les têtes de bétail qui entrent en Irlande du Nord en provenance de Grande-Bretagne doivent être porteuses, en sus de leurs deux marquages britanniques, d’un marquage supplémentaire pour l’exportation de cette même Grande-Bretagne. Dans les vingt jours suivant leur entrée en Irlande du Nord, il sera de surcroît nécessaire de les munir de deux marquages nord-irlandais. À moins d’enlever les marquages concernés, cette procédure n’est absolument pas pratique et pourrait également avoir des conséquences sur le bien-être des animaux.

3.10.

Pour ce qui est du problème du matériel de multiplication des végétaux, tel que les plants de pomme de terre, le cadre autorise leur entrée en Irlande du Nord en provenance des autres parties du Royaume-Uni, ainsi que de l’Union européenne. Il permet ainsi de poursuivre les échanges commerciaux en particulier entre l’Écosse et l’Irlande du Nord, qui se sont développés des années durant avant que le Royaume-Uni ne se retire de l’Union européenne.

3.11.

Il est peu probable que tels que proposés, la documentation et les contrôles dont s’assortira cette circulation de plants de pommes de terre posent des problèmes aux entreprises. Les récoltes de pommes de terre issues de ces plants nord-irlandais peuvent être écoulées tant au sein du marché unique qu’en Grande-Bretagne. Les pommes de terre de conservation peuvent entrer en Irlande du Nord en provenance du marché unique en vue d’être transformées puis vendues dans les autres parties du Royaume-Uni.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/fs_23_1272

(2)  COM(2023) 124 final.


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/148


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques européennes sur la population et le logement, modifiant le règlement (CE) no 862/2007 et abrogeant les règlements (CE) no 763/2008 et (UE) no 1260/2013

[COM(2023) 31 final — 2023/0008 (COD)]

(2023/C 228/22)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 15.2.2023

Base juridique

Article 338, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

142/0/1

Ayant estimé que le contenu de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques européennes sur la population et le logement, modifiant le règlement (CE) no 862/2007 et abrogeant les règlements (CE) no 763/2008 et (UE) no 1260/2013 est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 578e session plénière des 26 et 27 avril 2023 (séance du 27 avril 2023), a décidé, par 142 voix pour et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/149


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles en matière de TVA adaptées à l’ère numérique

[COM(2022) 701 final — 2022/0407 (CNS)]

et sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 904/2010 en ce qui concerne les modalités de coopération administrative en matière de TVA nécessaires à l’ère numérique

[COM(2022) 703 final — 2022/0409 (CNS)]

(2023/C 228/23)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Corapporteur:

Krister ANDERSSON

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 10.2.2023 et 13.2.2023

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

18.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

145/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’initiative de la Commission, qui vise à actualiser des règles vieilles de 30 ans en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin d’améliorer le fonctionnement du marché unique en le rendant moins fragmenté et de l’adapter à l’ère numérique.

1.2.

Le CESE estime que la proposition devrait avant tout avoir pour objectif d’instaurer un système de TVA qui soit mieux adapté aux évolutions actuelles de l’économie numérique, améliorant ainsi le fonctionnement du marché unique. En outre, elle devrait rendre la perception de la taxe efficace et rapide, réduisant la fraude à la TVA et par conséquent l’écart de TVA.

1.3.

Les entreprises ont besoin d’une application uniforme des règles en matière de TVA dans l’ensemble de l’Union européenne (UE) pour pouvoir tirer pleinement parti du marché unique. Cette condition ne peut être remplie qu’en prenant des mesures au niveau de l’Union afin d’éviter les lourdeurs administratives, les divergences et les lacunes dans les règles applicables en matière de TVA. Le CESE invite la Commission à poursuivre ses efforts en ce qui concerne la mise en œuvre et souligne l’importance de notes explicatives ou d’orientations similaires pour garantir l’uniformité.

1.4.

Le CESE relève avec satisfaction que les règles proposées pour les plateformes numériques et leur contribution à la perception de la TVA sont cohérentes avec les initiatives précédentes de la Commission sur l’économie numérique.

1.5.

Le CESE salue le fait que le mécanisme national d’autoliquidation sera applicable aussi bien à la fourniture de biens qu’à celle de services. Il souligne que, dans les échanges intracommunautaires, le système actuel traite différemment les biens et les services. Le Comité regrette que la proposition d’ensemble de la Commission ne saisisse pas l’occasion d’harmoniser le traitement de la TVA entre les biens et les services. Cela aurait permis de réduire la charge administrative pesant sur les entreprises, en particulier les PME.

1.6.

Le CESE estime que le délai de deux jours proposé pour la déclaration des fournitures intracommunautaires de biens et de services semble déraisonnablement court. Le Comité craint que cette limite temporelle de deux jours pour la facturation électronique et la déclaration ne constitue un obstacle aux échanges intracommunautaires, d’autant que de nombreuses PME sont déjà confrontées à des problèmes dans le cadre réglementaire actuel, qui prévoit une date butoir bien plus éloignée.

1.7.

Dans sa proposition, la Commission suggère de supprimer la possibilité d’établir des factures périodiques. Le CESE considère qu’il faudrait la maintenir, pour éviter de créer des problèmes dans de nombreux secteurs. Le recours à ce type de factures devrait toujours être autorisé pour les opérations nationales. Pour les opérations intracommunautaires, le Comité relève qu’une autre option pourrait consister à restreindre l’émission de factures périodiques, par exemple en instaurant une limite de sept jours.

1.8.

Le CESE encourage la Commission à poursuivre ses efforts en vue d’inclure les déductions de TVA dès que possible dans le guichet unique et de permettre les remboursements de TVA en temps utile.

1.9.

Le CESE craint que les coûts considérables de mise en œuvre des mesures prévues par le paquet TVA dans son ensemble ne fassent grimper les prix pour les consommateurs.

1.10.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le fait que la fraude à la TVA ait lieu au sein de l’Union nécessite une intervention à l’échelle de celle-ci, dans le droit fil d’une bonne application du principe de subsidiarité.

1.11.

Le CESE observe que les informations collectées et échangées entre les administrations fiscales pourraient comprendre des données à caractère personnel ainsi que des données commerciales sensibles. De telles informations doivent être protégées et traitées avec le plus grand soin, de sorte à préserver l’intégrité des consommateurs et des entreprises.

2.   Introduction et contexte

2.1.

Le 8 décembre 2022, la Commission a publié un ensemble de dispositions législatives (1) visant à moderniser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’échelle de l’UE, avec un double objectif: adapter le système de TVA à l’ère numérique et le rendre plus résistant à la fraude, de façon à réduire l’écart de TVA actuel (estimé à quelque 93 milliards d’EUR) (2).

2.2.

Plus spécifiquement, le paquet est composé de trois mesures législatives: i) une proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles en matière de TVA adaptées à l’ère numérique (3); ii) une proposition de règlement modifiant le règlement (UE) no 904/2010 du Conseil (4) en ce qui concerne les modalités de coopération administrative en matière de TVA, et iii) une proposition de règlement d’exécution du Conseil modifiant le règlement d’exécution (UE) no 282/2011 en ce qui concerne les exigences en matière d’information applicables à certains régimes de TVA (5).

2.3.

Ce paquet législatif poursuit trois objectifs principaux: i) moderniser les obligations relatives à la déclaration de la TVA en introduisant des obligations de déclaration numérique; ii) relever les défis liés à la TVA dans le contexte de l’«économie des plateformes», en clarifiant les règles applicables afin de garantir l’égalité de traitement entre les opérateurs et en renforçant le rôle des plateformes dans la perception de la TVA; iii) éviter qu’il faille procéder à plusieurs enregistrements à la TVA au sein de l’Union en introduisant un système d’enregistrement à la TVA unique.

2.4.

Un système obligatoire de déclaration opération par opération sera mis en place pour les échanges intracommunautaires afin de fournir rapidement des informations aux États membres. Ceux-ci disposeront d’une marge de manœuvre pour décider s’il y a lieu d’introduire un tel système pour les opérations nationales. La facturation électronique jouera un rôle crucial dans le nouveau système de déclaration, et deviendra le mode d’émission par défaut pour les factures ainsi que la base de la déclaration numérique.

2.5.

Tous les assujettis seront en mesure de communiquer des données provenant de factures électroniques conformes à la norme européenne. Les États membres pourront prévoir la transmission de données provenant de factures électroniques émises dans un format différent, pour autant qu’ils autorisent également l’utilisation de la norme européenne. Les formats de données approuvés par les États membres devront garantir l’interopérabilité avec la norme européenne applicable aux opérations intracommunautaires.

2.6.

Un régime de «prestataire présumé» (au titre duquel les plateformes comptabilisent la TVA sur la prestation sous-jacente lorsque aucune TVA n’est facturée par le prestataire) sera introduit dans les secteurs de la location de logements de courte durée et du transport de passagers de l’économie des plateformes.

2.7.

La mise en œuvre du guichet unique et du guichet unique pour les importations (IOSS) a été une réussite porteuse de simplifications. Toutefois, certaines fournitures de biens et services ne sont pas couvertes par le régime de simplification du guichet unique. Le champ d’application du système actuel sera étendu pour réduire encore la nécessité d’enregistrements multiples à la TVA au sein de l’Union. De plus, l’IOSS sera rendu obligatoire pour les plateformes afin de simplifier davantage le processus d’importation de biens commercialisés en ligne et de le rendre plus résistant à la fraude.

2.8.

D’après l’analyse d’impact (6), parmi toutes les options réglementaires disponibles, les trois propositions présentées établissent le meilleur équilibre possible en termes d’efficacité, de proportionnalité et de subsidiarité. Selon les estimations qui y sont exposées, entre 2023 et 2032, les mesures mises en place devraient générer entre 172 et 214 milliards d’EUR de bénéfices nets, dont 51 milliards d’EUR d’économies (41,4 milliards d’EUR provenant de la déclaration de la TVA, 0,5 milliard d’EUR issus de la rationalisation et des clarifications dans l’économie des plateformes et 8,7 milliards issus de la suppression des obligations d’enregistrement à la TVA).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission, qui vise à actualiser des règles vieilles de 30 ans en matière de TVA afin d’améliorer le fonctionnement du marché unique en le rendant moins fragmenté et de l’adapter à l’ère numérique. Il s’agit d’une étape attendue de longue date dans le plan d’action sur la TVA mis en œuvre ces dernières années par la Commission. Le Comité considère en outre que cette proposition constitue une étape importante du soutien au marché unique grâce au renforcement de la coopération et de l’uniformité de toutes les administrations fiscales.

3.2.

Le CESE estime que la proposition devrait avant tout avoir pour objectif d’instaurer un système de TVA qui soit mieux adapté aux évolutions actuelles de l’économie numérique, améliorant ainsi le fonctionnement du marché unique. En outre, elle devrait rendre la perception de la taxe efficace et rapide, de façon à réduire la fraude à la TVA et à garantir l’égalité des conditions de concurrence.

3.3.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le fait que la fraude à la TVA ait lieu au sein de l’Union nécessite une intervention à l’échelle de celle-ci, dans le droit fil d’une bonne application du principe de subsidiarité. L’écart de TVA actuel indique que les instruments nationaux ne suffisent pas pour lutter contre la fraude transfrontière.

3.4.

Les règles harmonisées en matière de déclaration de TVA se traduiront par un meilleur fonctionnement et une plus grande consolidation du marché unique. La fragmentation et les différences entre les régimes de TVA de chaque État membre engendrent des charges administratives pour les entreprises et peuvent constituer un obstacle à la vente transfrontière au sein du marché unique. Le CESE est conscient du fait que les États membres ont activement élaboré leurs propres régimes de déclaration, et que le fonctionnement du marché unique est rendu moins efficace par leur diversité. Une approche commune est bienvenue pour réduire cette fragmentation. Le Comité estime qu’il est important que la nouvelle obligation de déclaration entraîne la suppression des états récapitulatifs.

3.5.

Pour bénéficier pleinement du marché unique, les entreprises réclament et requièrent une application uniforme des règles en matière de TVA dans toute l’Union, afin d’éviter de devoir se conformer à des mises en œuvre différentes des règles communes selon les États membres. Cette condition ne peut être remplie qu’en prenant des mesures au niveau de l’Union afin d’éviter les lourdeurs administratives, les divergences et les lacunes dans les règles applicables en matière de TVA. Le CESE invite la Commission à poursuivre ses efforts en vue d’une mise en œuvre cohérente et souligne l’importance de notes explicatives ou d’orientations similaires pour garantir l’uniformité.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE rappelle que les entreprises, et surtout les PME, supporteront les coûts non négligeables résultant de la charge administrative supplémentaire induite par l’introduction des obligations de déclaration numérique. Même si ces coûts sont nécessaires pour moderniser efficacement le système actuel, les frais d’adaptation des entreprises devraient être aussi réduits que possible, et faire l’objet d’une surveillance continue durant le processus de mise en œuvre afin d’évaluer la charge liée à la mise en conformité.

4.2.

Le CESE souligne en outre que les coûts de mise en œuvre estimés seront considérables pour les entreprises de l’ensemble de l’Union (7). Il avertit que, surtout dans le cas des entreprises, ces frais supplémentaires pourraient être répercutés sur les consommateurs, comme le montre une étude qui établit une corrélation entre la réglementation (excessive) et les prix appliqués par de nombreuses sociétés (8).

4.3.

Le CESE souligne que, même si les obligations de déclaration pour les opérations intracommunautaires s’appliquent uniquement aux opérations interentreprises, les informations collectées et échangées entre les administrations fiscales peuvent contenir des données à caractère personnel, lesquelles seront conservées pendant une période d’au moins cinq ans. Elles comporteront probablement aussi des informations commerciales sensibles qu’il convient également de protéger. Dans ce cadre, le Comité insiste sur le principe de minimisation des données et sur la nécessité d’une protection totale de ces informations, qui doivent être garantis et contrôlés au fil du temps.

4.4.

Le CESE relève avec satisfaction que les règles proposées pour les plateformes numériques et leur contribution à la perception de la TVA sont cohérentes avec les initiatives précédentes de la Commission sur l’économie numérique, y compris avec la proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail des personnes exerçant leur activité via des plateformes numériques. Il remarque en outre que l’obligation d’avoir recours à l’IOSS sera bénéfique pour les consommateurs: l’achat de biens sur les plateformes leur sera plus facile, alors que la perception de la TVA sur ces achats sera améliorée.

4.5.

Le CESE souligne que, dans les échanges intracommunautaires, le système actuel traite différemment les biens et les services, seuls ces derniers étant soumis au mécanisme d’autoliquidation. Le Comité regrette que la proposition d’ensemble de la Commission ne saisisse pas l’occasion d’harmoniser le traitement de la TVA entre les biens et les services. Une telle mise à jour des règles aurait permis de les aligner sur la réalité économique actuelle, où les clients achètent généralement des formules de solutions plutôt que simplement des biens ou des services. Ce changement aurait limité la charge administrative pesant sur les entreprises, et surtout sur les PME, qui sont aujourd’hui contraintes de faire la distinction entre les différents composants desdites formules, du seul fait des règles en matière de TVA.

4.6.

Le CESE soutient l’objectif général de la Commission, qui cherche à donner aux plateformes un plus grand rôle dans le cadre réglementaire de la TVA. Les propositions peuvent être considérées comme une approche efficace pour lutter contre les distorsions de concurrence. Les préoccupations qui sous-tendent les propositions relatives à une taxe sur les services numériques ont ainsi été prises en compte de manière appropriée et suffisante.

4.7.

Le CESE se félicite de l’élargissement du recours au guichet unique. Pour les entreprises, cela entraînera une diminution des enregistrements à la TVA à l’étranger, rendant la conformité moins contraignante et moins coûteuse, en particulier pour les PME.

4.8.

La déclaration en temps réel proposée repose sur la facturation électronique. Si le CESE se félicite du recours à la numérisation dans le domaine de la fiscalité, il tient à relever que le degré d’utilisation de la facturation électronique varie fortement d’un État membre à l’autre. La Commission devrait donc peut-être prendre acte des besoins de soutien technique qui pourraient se faire sentir dans différents États membres et examiner si elle pourrait se charger, avec les États membres, de proposer une telle aide aux entreprises. De plus, le Comité estime que la Commission devrait être plus claire au sujet de la norme européenne sur la facturation électronique et du fait qu’elle évoluera au fil du temps. Il recommande à la Commission de publier cette norme dans les meilleurs délais afin de permettre aux entreprises de commencer à se préparer aux changements.

4.9.

Le CESE souligne que la proposition renforce les exigences en matière d’information pour les factures, l’identifiant international de compte bancaire (numéro IBAN) ou son équivalent et la date de paiement devant tous deux être communiqués. Cela peut entraîner des incertitudes et des coûts administratifs plus importants pour les entreprises. Le Comité note en outre qu’il est fréquent que les entreprises indiquent plusieurs numéros IBAN sur une facture et qu’il faut donc clarifier davantage la nature des informations devant être déclarées. Il recommande à la Commission d’examiner si ces indications peuvent être utilisées par les administrations fiscales pour assurer la perception de la TVA. Si elles ne peuvent pas servir à cette fin ou aux contrôles en la matière, elles représentent simplement une charge supplémentaire pour les entreprises.

4.10.

Le CESE estime que le délai de deux jours proposé pour la déclaration des fournitures intracommunautaires de biens et de services semble déraisonnablement court. Le Comité craint de plus qu’il ne constitue un obstacle à l’entrée sur le marché unique, d’autant que de nombreuses PME sont déjà confrontées à des problèmes dans le cadre réglementaire actuel, qui prévoit une date butoir bien plus éloignée.

4.11.

Le CESE souligne que ce délai de deux jours pourrait être excessivement contraignant pour l’acheteur. Il devrait donc être allongé significativement, en tenant aussi compte de la taille des entreprises concernées, et en prévoyant éventuellement des exceptions pour les plus petites d’entre elles. Le Comité remarque que des échéances plus courtes entraînent souvent davantage d’erreurs et de corrections rétroactives, qui sont quant à elles sanctionnées différemment d’un État membre à l’autre. Il encourage donc la Commission à conseiller aux États membres de limiter les pénalités et les taux d’intérêt, en particulier au cours des premières années d’adoption.

4.12.

Dans sa proposition, la Commission suggère de supprimer la possibilité d’établir des factures périodiques. Le CESE estime que cela peut s’avérer très difficile pour le fonctionnement de certains secteurs. Il encourage la Commission et le Conseil à examiner de plus près les bénéfices de la suppression de cette possibilité et à les comparer avec les coûts et les problèmes qui en découlent pour différents secteurs. Le recours à ce type de factures devrait toujours être autorisé pour les opérations nationales. Pour les opérations intracommunautaires, le Comité relève qu’une autre option pourrait consister à restreindre l’émission de factures périodiques, par exemple en instaurant une limite de sept jours.

4.13.

Les déductions de la TVA en amont sont un élément clé du bon fonctionnement d’un système de TVA et différencient cette dernière des taxes sur les biens et services et autres impôts indirects. Même s’il comprend que les réalités des États membres n’ont pas permis à la Commission de proposer que le guichet unique comprenne des déductions de la TVA, le CESE encourage la Commission à poursuivre ses travaux en la matière. Quand bien même ces déductions ne pourraient pas être intégrées immédiatement au guichet unique, il pousse la Commission à envisager la possibilité d’accélérer les remboursements de la TVA pour les entreprises qui se conforment aux règles par l’intermédiaire du système de guichet unique, ce qui permettrait d’améliorer le fonctionnement du marché unique. Sur le long terme, le Comité encourage la Commission à poursuivre ses efforts en vue d’inclure les déductions de la TVA dans le guichet unique de demain.

4.14.

Le CESE craint que les coûts élevés de mise en œuvre des mesures prévues par le paquet TVA dans son ensemble ne fassent grimper les prix pour les consommateurs. Il est donc très important de réduire autant que possible la complexité et les frais administratifs pour les entreprises en garantissant un système de déclaration uniforme et une mise en œuvre homogène des règles dans tous les États membres.

4.15.

Le CESE s’inquiète également des calendriers avancés par la Commission. Alors que les principales modifications devraient entrer en vigueur en 2028, il est suggéré que certains volets de la proposition prennent effet dès 2024. Le Comité rappelle à la Commission qu’il y a lieu de prévoir un délai suffisant pour garantir une réalisation adéquate. Il encourage dès lors la Commission à l’allonger en le modifiant de sorte à prévoir au moins un an pour la mise en œuvre après l’accord du Conseil sur la proposition.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Paquet législatif sur la TVA à l’ère du numérique (en anglais), 8.12.2022.

(2)  Il convient toutefois de noter que l’écart de TVA varie considérablement d’un État membre à l’autre.

(3)  COM(2022) 701 final.

(4)  JO L 268 du 12.10.2010, p. 1.

(5)  COM(2022) 704 final.

(6)  SWD(2022) 393 final (en anglais).

(7)  Les coûts de mise en œuvre sont estimés à 11,3 milliards d’EUR pour les entreprises et 2,2 milliards d’EUR pour les administrations fiscales.

(8)  «Regulations could be increasing consumer prices» («Les réglementations pourraient faire augmenter les prix à la consommation», en anglais).


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/154


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/413 facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière

[COM(2023) 126 final]

(2023/C 228/24)

Consultation

Parlement européen, 16.3.2023

Conseil de l’Union européenne, 23.3.2023

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

133/0/0

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/155


Avis du Comité économique et social européen sur le document de travail des services de la Commission — «Évaluation des règles relatives aux subventions publiques en faveur des services sociaux et de santé d’intérêt économique général (SIEG) et du règlement de minimis spécifique aux SIEG»

[SWD(2022) 388 final]

(2023/C 228/25)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Corapporteur:

Paulo BARROS VALE

Consultation

Commission européenne, 8.3.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

4.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

138/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) fait observer qu’au vu du vieillissement progressif de la population et de l’augmentation du nombre de personnes handicapées et défavorisées nécessitant une assistance appropriée, il s’impose de renforcer les services sociaux et de santé dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette situation exige d’étoffer l’offre d’assistance et de soins de longue durée, avec l’appui d’investissements publics dans ce domaine, des entreprises et de la société civile, en vue de susciter l’innovation sociale et de favoriser l’apport d’une réponse adéquate aux défis actuels.

1.2.

Le CESE estime qu’il conviendra de soutenir, par des ressources financières appropriées, déployées sous la forme d’investissements publics pertinents, et par des aides d’État spécifiquement destinées aux secteurs concernés, les efforts requis pour garantir des services sociaux et de santé adéquats. Les règles en vigueur en matière d’aides d’État, qui ont été approuvées en 2012, devraient dès lors être adaptées pour assurer une concurrence loyale et la réalisation d’objectifs d’intérêt général. Cela étant dit, le CESE note que le train de mesures approuvé en 2012 concernant les aides d’État dans le cadre des SIEG a effectivement permis d’améliorer le précédent cadre juridique, datant de 2005, sur le plan de la simplification et de la prévisibilité.

1.3.

Le CESE rappelle, comme il l’avait noté dans un précédent avis (1), que l’actuel plafond des aides de minimis pour le secteur des SIEG, fixé par le règlement (UE) no 360/2012 de la Commission (2) à 500 000 EUR sur une période de trois exercices financiers, devrait assurément être relevé, notamment en ce qui concerne les services sociaux et de santé, étant donné les conséquences passées et futures de l’inflation, ainsi que le rôle particulier que jouent ces mêmes services en faveur des pans les plus vulnérables de la population et de la cohésion sociale.

1.4.

Le CESE préconise donc une augmentation significative du plafond de minimis pour les services sociaux et de santé, plus importante que celle récemment envisagée dans la proposition de modification du plafond de minimis horizontal fixé par le règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission (3), qui tiendrait dûment compte du rôle de plus en plus stratégique qu’assurent les services sociaux et de santé dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.5.

Le CESE recommande également que, outre la modification des seuils maximaux applicables aux aides de minimis, certaines précisions soient apportées en ce qui concerne: i) une définition plus large de la notion de «logement social»; ii) une définition plus juste de la notion de «marge bénéficiaire raisonnable», qui établirait une différenciation en faveur des entreprises de l’économie sociale, dont les marges économiques sont liées à une finalité sociale; iii) la notion de «défaillance du marché».

1.6.

Pour ce qui est de la notion de «marge bénéficiaire raisonnable», le CESE jugerait utile que la Commission définisse des critères et des indicateurs permettant de déterminer la marge bénéficiaire que les opérateurs économiques seraient autorisés à dégager en fonction de leur capacité à poursuivre des objectifs d’intérêt général, produisant ainsi des retombées sociales positives.

2.   Observations générales

2.1.

Dans le document de travail intitulé «Évaluation des règles relatives aux subventions publiques en faveur des services sociaux et de santé d’intérêt économique général (SIEG) et du règlement de minimis spécifique aux SIEG», élaboré par ses services, la Commission résume les résultats de l’évaluation qu’elle a réalisée concernant le «paquet Almunia», en vigueur depuis 2012.

2.2.

En ce qui concerne les services sociaux et de santé, le paquet de 2012 avait pour principaux objectifs: i) de simplifier les critères de compatibilité; et ii) d’alléger la charge administrative pesant sur les États membres qui souhaitent octroyer une compensation aux entreprises chargées de fournir aux franges les plus vulnérables de la population des SIEG à des conditions équitables et abordables.

2.3.

Dans son évaluation, la Commission a donc cherché à déterminer dans quelle mesure les règles applicables aux services sociaux et de santé ont atteint leurs objectifs et si elles sont toujours adaptées au contexte social et économique actuel.

2.4.

Plus précisément, l’évaluation de la Commission portait sur l’efficacité, l’efficience, la cohérence et la valeur ajoutée européenne des règles relatives aux SIEG applicables aux services sociaux et de santé au cours des dix dernières années, et s’attachait en particulier à comprendre les difficultés concrètes que les États membres ont rencontrées jusqu’à présent pour mettre en œuvre les règles en question. L’évaluation visait également à déterminer comment le règlement relatif aux aides de minimis spécifique aux SIEG est appliqué.

2.5.

L’analyse de la Commission suggère que le paquet SIEG de 2012 est assez efficace sur le plan de la clarification et de la simplification, puisqu’il a simplifié le paquet SIEG de 2005 en introduisant, par exemple, un règlement relatif aux aides de minimis spécifique aux SIEG. Il a aussi précisé et affiné certaines notions de base pertinentes pour l’application des règles relatives aux SIEG.

2.6.

Cependant, l’évaluation indique que des améliorations sont encore possibles, en particulier pour préciser certaines notions clés relatives au champ d’application à la fois de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du cadre juridique spécifique aux SIEG, notamment: i) l’activité économique/non économique; ii) l’effet sur le commerce; iii) le bénéfice raisonnable; iv) la défaillance du marché; v) les logements sociaux. L’évaluation fait également ressortir la possibilité d’augmenter le plafond des aides de minimis actuellement applicable aux SIEG et met en avant le large consensus qui existe entre les parties prenantes à cet égard.

2.7.

En ce qui concerne l’efficience, l’évaluation indique que le règlement relatif aux aides de minimis spécifique aux SIEG et la modification de la décision SIEG mise en œuvre en 2012 ont permis de réduire la charge administrative qui pèse sur les pouvoirs publics, même si celle-ci pourrait être allégée encore davantage. D’autres éléments recueillis suggèrent de réduire les coûts liés à l’application des exigences fixées par les règles relatives aux SIEG.

2.8.

S’agissant de la cohérence, l’évaluation laisse supposer que les règles relatives aux aides d’État inscrites dans le paquet SIEG de 2012 sont cohérentes sur le plan interne et à même d’assurer une meilleure répartition des tâches entre les États membres et la Commission, apportant ainsi une valeur ajoutée européenne largement reconnue par les acteurs publics comme privés.

2.9.

De manière générale, il existe un consensus sur le fait que le paquet SIEG de 2012 est parvenu à garantir un environnement juridique stable pour les États membres et qu’il est approprié pour répondre aux besoins recensés au sein de l’Union. Toutefois, les conséquences et les incertitudes provoquées par la crise de la COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’ont pas encore pu être pleinement évaluées, et certaines autres améliorations pourraient être apportées à l’avenir.

2.10.

Il conviendrait en premier lieu que, dans l’ensemble de l’Union, les systèmes de protection sociale et de santé soient garantis et soutenus par des investissements publics adéquats, de pair avec le rôle toujours plus important que jouent les opérateurs économiques privés et les entités de l’économie sociale. Tous les acteurs, publics comme privés, qui interviennent dans la fourniture de services sociaux et de santé devraient respecter des normes et critères appropriés permettant de concilier concurrence et objectifs d’intérêt général.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE salue les nombreux travaux de consultation et d’évaluation ultérieure qu’a menés la Commission afin de déterminer l’incidence et les effets actuels des règles de 2012 relatives aux aides d’État octroyées pour indemniser les entreprises fournissant des SIEG, en particulier en ce qui concerne les services sociaux et de santé.

3.2.

Le CESE se félicite que la Commission ait pris en considération son avis d’initiative sur les «Règles en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général (SIEG) dans le domaine des services sociaux et de santé dans un scénario d’après-pandémie — Réflexions et propositions sur l’évaluation de la Commission visant à modifier le paquet législatif de 2012» (4), ainsi que les travaux effectués par le Comité des régions sur ce même sujet.

3.3.

Le CESE apprécie la consultation publique menée par la Commission entre le 31 juillet 2019 et le 4 décembre 2019, tout comme l’étude réalisée par des experts entre juin 2020 et mai 2021. Ces consultations ont participé à rendre le processus d’évaluation plus transparent et démocratique, malgré la nature hautement technique du sujet à l’examen.

3.4.

Le CESE tient une nouvelle fois à souligner que le «paquet Almunia» de 2012 établissant des règles en matière d’aides d’État applicables aux SIEG a certainement apporté des éléments positifs de modernisation et de simplification par rapport à l’ancienne réglementation, qui remontait à 2005. Aussi conviendrait-il, à l’avenir, de conserver l’approche réglementaire adoptée dans le cadre de ce paquet, et de simplement mettre à jour certaines questions et rechercher encore davantage de simplification, de clarté et de sécurité juridique.

3.5.

Le CESE estime que le relèvement du seuil d’exemption de notification pour certains services sociaux induit par la décision 2012/21/UE de la Commission (5) — et soumis à l’évaluation de la Commission dans son document de travail — a facilité la fourniture de SIEG dans le domaine des services sociaux et de santé au niveau national. Il a en effet permis d’alléger la charge administrative qui pèse sur les pouvoirs publics, en garantissant aux entreprises davantage de prévisibilité juridique et de flexibilité. Cette extension démontre en pratique que la Commission considère les services sociaux et de santé comme une sous-catégorie dotée de caractéristiques autonomes dans le contexte plus large des SIEG.

3.6.

Le CESE juge que l’on pourrait étendre légèrement la disposition relative au «logement social», actuellement libellée comme suit: «les entreprises assurant des services sociaux, y compris la fourniture de logement social aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux moins avantagés qui, pour des raisons de solvabilité, ne sont pas en mesure de trouver un logement aux conditions du marché, doivent aussi bénéficier de l’exemption de notification prévue dans la présente décision». Il serait important d’y inclure d’autres cas graves et dûment vérifiables touchant des personnes qui ne sont pas strictement «défavorisées» ou «moins avantagées», et qui, d’un point de vue technique, ne sont pas «insolvables» ou confrontées à des problèmes de «solvabilité», par exemple les personnes vulnérables, y compris les femmes victimes de violence domestique, ainsi que les personnes âgées. Par ailleurs, l’accès au logement est une condition essentielle à l’inclusion sociale, et la situation des jeunes en Europe justifierait des politiques d’investissement public dans des logements à leur intention.

3.7.

Le CESE réitère sa demande de précision concernant la notion de «marge bénéficiaire raisonnable» que les prestataires de SIEG peuvent percevoir en plus de la compensation couvrant les coûts de fourniture des services. Sur ce point, il partage l’observation du Comité des régions selon laquelle «les collectivités locales et régionales ne disposent pas des moyens suffisants pour déterminer les points de référence d’un bénéfice raisonnable». Outre des précisions supplémentaires sur la notion de «marge bénéficiaire raisonnable», la Commission pourrait fournir des orientations additionnelles sur cette question afin d’aider les pouvoirs publics. Le CESE souligne combien il importe que les collectivités locales soient en mesure de connaître les règles applicables et de les pratiquer de manière claire et aisée. La marge bénéficiaire pouvant être considérée comme raisonnable devrait être déterminée moyennant une évaluation de la contribution concrète des entreprises qui participent à fournir des services sociaux et de santé en faveur de l’intérêt général.

3.8.

D’après l’évaluation de la Commission, certains États membres ont fait savoir qu’«en raison de la complexité de ce concept, ils n’autorisent pas les prestataires de SIEG à percevoir un bénéfice raisonnable dans le cadre de la compensation», ce qui ne fait qu’empirer la situation.

3.9.

Le CESE estime que la définition de «marge bénéficiaire raisonnable» devrait établir une différenciation en faveur des entreprises de l’économie sociale, qui sont tenues de réinvestir les marges économiques qu’elles génèrent dans leurs propres activités statutaires, créant ainsi un cercle économique vertueux qu’il convient d’encourager et de soutenir.

3.10.

Le CESE insiste sur la nécessité de tenir compte de la jurisprudence la plus récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) quant à la notion d’«activité économique» aux fins de l’adaptation future des règles du paquet SIEG de 2012, tout en soulignant que certaines activités liées aux services sociaux et de santé pourraient ne pas être de nature économique. Si une entité exerce simultanément des activités économiques et non économiques, tenir une comptabilité claire et distincte est un moyen très utile de garantir la transparence et d’éviter les subventions croisées.

3.11.

Le CESE tient à rappeler que, dans chacun des États membres, les services sociaux et de santé revêtent souvent — et quasiment toujours, pour ce qui est des services d’aide sociale — une dimension régionale, provinciale, voire municipale. Il en résulte que la mobilité interne des usagers est négligeable entre les différentes régions et provinces d’un pays, excluant à plus forte raison tout effet crédible sur les échanges entre États membres.

3.12.

Dans leur évaluation, les services de la Commission notent qu’il est a priori difficile d’exclure, pour tous les services sociaux et de santé, un effet sur le commerce, et que, même si le montant de l’aide octroyée est relativement faible ou si l’entreprise bénéficiaire est de taille plutôt modeste, cela ne signifie pas a priori que les échanges entre États membres ne peuvent être affectés. Si la position de la Commission est compréhensible et conforme à la jurisprudence de la CJUE, le CESE fait néanmoins valoir que l’on pourrait garantir la concurrence et les investissements interétatiques en permettant un financement stable des services sociaux et de santé au niveau local, tout en laissant aux entités qui souhaitent entrer sur un marché donné dans un autre État membre la possibilité de bénéficier d’incitations publiques, sur une base non discriminatoire.

3.13.

Selon un grand nombre de parties prenantes, la clarification de la notion de «défaillance du marché» inscrite dans le paquet de 2012 a facilité, du moins en partie, le respect des règles relatives aux SIEG applicables aux services sociaux et de santé. À cet égard, le CESE souhaite faire observer qu’une défaillance du marché peut être signalée non seulement dans le cas où un service donné n’est pas fourni par le marché, mais aussi et surtout lorsque ce dernier n’est pas en mesure de fournir une qualité adéquate, ainsi qu’un accès équitable et abordable à ce service pour tous, ce qui entraîne des conséquences négatives sur la cohésion sociale et l’égalité des chances.

3.14.

Le CESE souscrit à l’avis de la majorité des parties prenantes consultées par la Commission selon lequel le plafond de 500 000 EUR en vigueur fixé par le règlement (UE) no 360/2012 n’est pas adapté aux besoins financiers actuellement requis pour la gestion d’un SIEG, puisqu’il apparaît dans de nombreux cas que le plafond de minimis est facilement atteint, le montant moyen des aides d’État étant en forte augmentation depuis 2012. Il y a lieu de relever encore davantage ce plafond pour les entités qui, en vertu de leurs statuts et de la loi, sont tenues de réinvestir les recettes dégagées conformément à l’objectif social qu’elles poursuivent, comme tel est le cas des entreprises sociales (6).

3.15.

Pour ce qui est du sujet traité, le CESE souligne les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les services sociaux et de santé, ainsi que l’incidence de l’inflation, qui a accusé une hausse vertigineuse ces trois dernières années. Dès lors, à la lumière du rôle stratégique joué par les services sociaux et de santé dans l’ensemble de l’Union, il serait justifié et, partant, il conviendrait d’envisager sérieusement de relever le plafond de minimis à un niveau éventuellement encore plus haut que celui récemment proposé, ainsi que d’adapter le règlement (UE) no 1407/2013, même si le plafond ordinaire prévu par ce même règlement est en vigueur depuis longtemps.

3.16.

Le CESE fait observer que le relèvement du seuil de minimis, actuellement fixé à 500 000 EUR sur trois exercices financiers, offrirait une sécurité juridique aux opérateurs, ainsi qu’aux administrations et collectivités locales désireuses de soutenir les infrastructures sociales et médicales. La situation de l’accès aux soins est préoccupante dans de nombreux États membres, et la Commission doit soutenir les efforts de ceux qui souhaitent investir dans ce secteur.

3.17.

Comme il l’a exprimé dans son avis sur un «Plan d’action pour l’économie sociale» (7), le CESE insiste sur l’importance que revêt l’économie sociale pour les services sociaux et de santé, et réaffirme la nécessité de soutenir ses activités en précisant les conditions d’accès relatives au secteur des SIEG tout comme le montant de l’aide disponible au titre des aides d’État en faveur des entités de l’économie sociale.

3.18.

Le CESE relève que les conséquences de la pandémie de COVID-19 et de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine sur le paquet SIEG de 2012 ne font pas l’objet d’une analyse complète dans le document de travail de la Commission, mais qu’elles sont prises en considération le cas échéant. À cet égard, il y a lieu de noter que tant la pandémie de COVID-19 que l’invasion de l’Ukraine ont rendu le rôle des services sociaux et de santé encore plus important et crucial que par le passé (8), et qu’elles ont porté préjudice à l’activité et au fonctionnement des acteurs intervenant dans la fourniture de ces services. Il est par conséquent d’autant plus nécessaire de disposer d’un cadre juridique propre à garantir un financement public stable, efficace et simplifié des services sociaux et de santé.

3.19.

Le CESE observe que la Commission européenne s’est récemment attelée à concevoir un cadre juridique plus souple et plus efficace pour financer la transition écologique, en vue d’adapter en conséquence les politiques européennes à la loi sur la réduction de l’inflation adoptée par les États-Unis d’Amérique. La compétitivité de l’Union à l’échelle internationale constitue certainement un bon motif pour adapter l’actuel cadre juridique en matière d’aides d’État. Dans le même ordre d’idées, il serait tout aussi justifié d’adapter et de simplifier de manière adéquate les règles en vigueur relatives aux services sociaux et de santé, ce qui favoriserait sans nul doute l’amélioration des services aux personnes, compte tenu également des besoins d’assistance croissants que relèvent les documents relatifs à la stratégie européenne en matière de soins pour les aidants et les bénéficiaires de soins (9).

3.20.

Enfin, le CESE rappelle qu’il importe tout particulièrement de surveiller attentivement l’utilisation des aides d’État dans le domaine des services sociaux et de santé afin de prévenir toute irrégularité ou tout abus de la part des opérateurs économiques qui interviennent dans des secteurs aussi critiques.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 131.

(2)  Règlement (UE) no 360/2012 de la Commission du 25 avril 2012 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général (JO L 114 du 26.4.2012, p. 8).

(3)  Règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (JO L 352 du 24.12.2013, p. 1).

(4)  JO C 323 du 26.8.2022, p. 8.

(5)  Décision 2012/21/UE de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 7 du 11.1.2012, p. 3).

(6)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 131.

(7)  JO C 323 du 26.8.2022, p. 38.

(8)  Comme le montre l’augmentation des dépenses des États membres dans le domaine des services sociaux et de santé ces dernières années, mise en évidence par la Commission dans son évaluation.

(9)  https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&furtherNews=yes&newsId=10382#navItem-relatedDocuments


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