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Document 62017CC0379

Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 20 juin 2018.
Procédure engagée par Società Immobiliare Al Bosco Srl.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 44/2001 – Reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Délai prévu dans le droit de l’État membre requis pour exécuter une ordonnance de saisie conservatoire – Applicabilité de ce délai à un titre de saisie conservatoire obtenu dans un autre État membre et déclaré exécutoire dans l’État membre requis.
Affaire C-379/17.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:472

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 20 juin 2018 ( 1 )

Affaire C‑379/17

Società Immobiliare Al Bosco Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Reconnaissance et exécution des décisions – Délai d’exécution prévu dans le droit de l’État requis pour saisir un bien – Applicabilité de ce délai à un titre adopté dans un autre État membre et déclaré exécutoire dans l’État requis »

I. Introduction

1.

Dans le cadre du règlement (CE) no 44/2001 ( 2 ), une décision de saisie conservatoire rendue dans un État membre peut, en principe, être exécutée dans un autre État membre après avoir été déclarée exécutoire dans ce dernier. Toutefois, les modalités d’exécution des décisions de saisie conservatoire sont caractérisées par de profondes différences. Dès lors, il n’est pas évident de déterminer quelles dispositions du droit de l’État membre dans lequel l’exécution est demandée sont applicables lors de l’exécution de décisions étrangères. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’affaire au principal.

2.

Le présent renvoi préjudiciel permettra à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si, sous le régime du règlement no 44/2001, une disposition du droit national de l’État membre dans lequel l’exécution est demandée, qui fixe le délai à l’intérieur duquel un créancier doit procéder à l’exécution d’une décision de saisie conservatoire, s’applique à de telles décisions émanant d’autres États membres.

3.

Plus précisément, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’applicabilité d’une disposition du droit allemand, à savoir l’article 929, paragraphe 2, de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile, ci-après la « ZPO »), dans le cadre de l’affaire au principal qui concerne l’exécution d’une décision de saisie conservatoire rendue par des autorités italiennes ( 3 ).

4.

Toutefois, la pertinence de l’arrêt que la Cour sera amenée à prononcer en l’espèce dépasse le cadre des États visés dans la présente affaire. En effet, il s’agit d’une problématique potentiellement importante pour tous les États membres dont le droit national prévoit un délai pour introduire une demande d’exécution d’une décision de saisie conservatoire. Par ailleurs, cette problématique se poserait également dans le cadre du règlement (UE) no 1215/2012 ( 4 ), qui a remplacé le règlement no 44/2001.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 44/2001

5.

Le chapitre III du règlement no 44/2001, qui comprend les articles 32 à 58 de ce règlement, régit essentiellement la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par les juridictions des États membres, y compris la procédure d’exequatur.

6.

Aux termes de l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 :

« Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. »

2. Le règlement no 1215/2012

7.

Le chapitre III du règlement no 1215/2012 comprend les articles 36 à 57 et concerne la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par les juridictions des États membres. Toutefois, lors de l’adoption du règlement no 1215/2012, le législateur de l’Union a décidé d’introduire le système de la reconnaissance et de l’exécution automatiques. À cette fin, l’article 39 du règlement no 1215/2012 prévoit que les décisions rendues dans d’autres États membres peuvent être exécutées sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’exequatur.

8.

Par ailleurs, l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 est libellé comme suit :

« Sous réserve des dispositions de la présente section, la procédure d’exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l’État membre requis. Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans l’État membre requis est exécutée dans ce dernier dans les mêmes conditions qu’une décision rendue dans l’État membre requis. »

B.   Le droit allemand

9.

L’article 929, paragraphe 2, de la ZPO dispose :

« L’exécution d’un ordre de saisie n’est pas autorisée après l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’ordre a été donné ou notifié à la partie à la demande de laquelle il a été émis. »

10.

Par ailleurs, aux termes de l’article 932, paragraphes 1 et 3, de la ZPO :

« (1)   L’exécution d’une saisie immobilière […] a lieu par inscription d’une hypothèque en garantie de la créance […].

[…]

(3)   La demande d’inscription de l’hypothèque tient lieu, au sens de l’article 929, paragraphes 2 et 3, d’exécution de l’ordre de saisie. »

III. Les faits de l’affaire au principal

11.

Le 19 novembre 2013, Società Immobiliare Al Bosco Srl, société de droit italien, a obtenu devant le Tribunale di Gorizia (tribunal de Gorizia, Italie) une saisie conservatoire (sequestro conservativo) à concurrence d’un million d’euros sur les biens mobiliers et immobiliers de M. Gunter Hober (ci-après le « défendeur »).

12.

Par décision du 22 août 2014, la juridiction compétente a déclaré la décision exécutoire en Allemagne.

13.

Plus de huit mois après, le 23 avril 2015, la requérante a demandé, en garantie de sa créance, l’inscription d’une hypothèque sur un bien immobilier situé en Allemagne et appartenant au défendeur.

14.

Cette demande d’inscription a été rejetée par la juridiction de première instance.

15.

Par la suite, la juridiction d’appel a rejeté le recours formé par la requérante à l’encontre de cette décision. Cette juridiction a considéré que l’hypothèque n’aurait pas dû être inscrite en raison du fait que la requérante n’avait pas respecté le délai d’un mois fixé à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO.

16.

Selon la juridiction d’appel, le caractère exécutoire conféré par l’article 38 du règlement no 44/2001 à une décision rendue dans un autre État membre correspond, en substance, au caractère exécutoire conféré à une décision nationale équivalente. En outre, l’exécution proprement dite des décisions rendues dans d’autres États membres serait soumise à la lex fori.

17.

Par ailleurs, selon la juridiction d’appel, la saisie en vertu du droit italien (sequestro conservativo) et la saisie conservatoire en vertu du droit allemand sont similaires. Partant, en raison de cette similarité, il conviendrait de respecter, dans l’affaire au principal, les dispositions procédurales applicables à ce type de décision et, par conséquent, l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO.

18.

Par son pourvoi sur un point de droit autorisé par la juridiction d’appel et introduit devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), la requérante maintient sa demande d’inscription de l’hypothèque en garantie de la créance.

IV. La question préjudicielle et la procédure devant la Cour

19.

C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le fait d’appliquer également à un titre comparable au regard de sa fonction, émis dans un autre État membre et reconnu et déclaré exécutoire dans l’État d’exécution, un délai prévu par le droit de l’État d’exécution, en vertu duquel, après l’écoulement d’un certain laps de temps, un titre ne peut plus être exécuté, est-il conforme à l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 ? »

20.

La demande de décision préjudicielle est parvenue au greffe de la Cour le 26 juin 2017.

21.

Des observations écrites ont été déposées uniquement par la Commission. Le gouvernement allemand et la Commission européenne ont participé à l’audience qui s’est tenue le 11 avril 2018.

V. Analyse

22.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’application d’un délai prévu par le droit de l’État membre d’exécution, en vertu duquel une décision de saisie conservatoire ne peut plus être exécutée après l’écoulement d’un certain laps de temps, à une décision de saisie conservatoire rendue dans un autre État membre est conforme à l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 44/2001.

23.

Afin de répondre à la question préjudicielle telle que formulée par la juridiction de renvoi, il convient de déterminer, en substance, si une disposition du droit de l’État membre d’exécution, en vertu de laquelle une décision de saisie conservatoire ne peut plus être exécutée après l’écoulement d’un certain laps de temps, se rattache au caractère exécutoire de la décision, qui est réglementé par le droit de l’État membre dans lequel cette décision a été rendue (l’État membre d’origine), ou si cette disposition doit être considérée comme une règle, relative à l’exécution proprement dite, du droit de l’État membre dans lequel l’exécution de la décision a été demandée (l’État membre requis).

24.

La juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle la saisie conservatoire italienne devrait être considérée, au regard de sa fonction, comme une saisie conservatoire en droit allemand. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la question de savoir si, en l’espèce, les conditions de l’exécution de la décision italienne en Allemagne sont régies par les dispositions allemandes en matière d’exécution des décisions de saisie conservatoire.

25.

La juridiction de renvoi indique, d’une part, que, du point de vue de la technique juridique, le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO ne se rattache pas – contrairement, par exemple, à une disposition relative à la prescription de droits conférés par une décision – au droit matériel. Dans cette optique, ce délai serait susceptible de relever du droit en matière d’exécution proprement dite, laquelle n’est pas régie par le règlement no 44/2001.

26.

D’autre part, la juridiction de renvoi reconnaît que l’application du délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO a pour conséquence que le caractère exécutoire du titre prend fin du fait de l’écoulement d’un certain laps de temps. L’effet de ce délai n’est, en définitive, pas différent de celui d’une invalidation du titre dans le cadre de la procédure de recours. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si une telle limitation temporelle d’une décision de saisie conservatoire en application du droit de l’État membre requis pourrait être incompatible avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’application des dispositions procédurales de l’État membre d’exécution ne doit pas mettre en cause les principes posés par le règlement no 44/2001.

A.   Positions des parties

27.

Le gouvernement allemand indique, en premier lieu, que le règlement no 44/2001 concerne uniquement la procédure d’exequatur. En revanche, l’exécution proprement dite des décisions ne serait pas régie par ce règlement. Dès lors, les décisions relevant du règlement no 44/2001 seraient exécutées conformément aux dispositions procédurales du droit national de l’État membre requis, telles que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO.

28.

En deuxième lieu, le gouvernement allemand se réfère aux arrêts Apostolides ( 5 ) et Prism Investments ( 6 ) et rappelle que la Cour a déjà indiqué qu’il n’y a aucune raison d’attribuer à une décision, lors de son exécution, des effets qu’une décision du même type, rendue directement dans l’État membre requis, ne produirait pas. Ce gouvernement estime que, à la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu d’appliquer le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO à la décision de saisie conservatoire rendue en Italie en raison du fait qu’une décision similaire, adoptée en Allemagne, ne pourrait plus être exécutée après l’expiration du délai d’un mois.

29.

Enfin, en troisième lieu, le gouvernement allemand, invoquant les dispositions du règlement no 1215/2012, estime que le libellé de l’article 41, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce règlement corrobore la position présentée ci-dessus.

30.

En revanche, la Commission considère qu’un raisonnement essentiellement fondé sur l’arrêt Prism Investments ( 7 ) ne tient pas dûment compte du caractère transfrontalier de l’affaire au principal.

31.

La Commission rappelle que la Cour a souligné dans sa jurisprudence que la distinction entre la procédure d’exequatur et l’exécution proprement dite ne saurait faire échec à des principes fondamentaux du règlement no 1215/2012, notamment celui de la libre circulation des jugements. Partant, même si la procédure d’exequatur prévue par le règlement no 44/2001 avait pour effet d’intégrer une décision étrangère dans l’ordre juridique de l’État membre requis, une application « aveugle » du droit de cet État membre omettrait de tenir compte de l’origine du titre à exécuter. En l’espèce, il pourrait s’avérer que, en raison de l’application de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO lors de l’exécution de la décision de saisie conservatoire de droit italien, l’exécution de cette décision ne soit plus possible dans l’État membre requis, bien qu’elle soit exécutoire dans l’État membre d’origine.

32.

Compte tenu des doutes nourris par la juridiction de renvoi et des arguments avancés par les parties, j’analyserai tout d’abord le point de savoir si une règle qui instaure un délai pour introduire la demande d’exécution d’une mesure conservatoire, telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, est à qualifier de disposition procédurale de la lex fori de l’État membre requis. Je réexaminerai ensuite les enseignements tirés de cet exercice de qualification à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative aux effets produits par les décisions étrangères dans le système du règlement no 44/2001 en matière d’exequatur. Enfin, je confronterai les développements précédents avec les solutions retenues par le législateur de l’Union dans le cadre du règlement no 1215/2012.

B.   Sur l’exercice de qualification

1. Observations liminaires

33.

Pour rappel, la Cour a considéré, dans le contexte de la convention de Bruxelles ( 8 ), que cette convention se limitait à régler la procédure d’exequatur des titres exécutoires étrangers et ne touchait pas à l’exécution proprement dite, qui reste soumise au droit national du juge saisi ( 9 ). Par la suite, la Cour a confirmé que cette jurisprudence était transposable au règlement no 44/2001 dans la mesure où celui-ci prévoit également la procédure d’exequatur ( 10 ).

34.

Dans ce contexte jurisprudentiel, le gouvernement allemand indique, à l’instar de la juridiction de renvoi, que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO est qualifié, selon le droit allemand, de disposition du droit procédural. En conséquence, tout au moins selon la juridiction de renvoi, le délai prévu par cette disposition serait susceptible de relever du droit en matière d’exécution proprement dite, laquelle n’est pas régie par le règlement no 44/2001.

35.

À cet égard, j’observe que la plupart des concepts utilisés par le législateur de l’Union dans les actes relevant de la coopération judiciaire en matière civile, y compris le règlement no 44/2001, revêtent un caractère autonome ( 11 ). Par conséquent, la qualification de règles telles que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO dans le contexte national ne saurait être décisive pour résoudre le problème juridique soulevé dans le cadre de la question préjudicielle.

36.

Par ailleurs, aux fins de l’application du règlement no 44/2001, la qualification autonome de « règle du droit procédural » qui est attribuée à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO n’est pas non plus décisive s’agissant de la réponse à apporter à la question préjudicielle. En l’occurrence, il n’est pas contesté que le droit italien prévoit également un délai pour l’introduction de la demande d’exécution d’une décision de saisie conservatoire. Rien n’indique qu’une disposition prévoyant un tel délai ne puisse pas être également qualifiée de « règle du droit procédural », de la même manière que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO. En effet, ce qui est décisif, c’est le point de savoir si, selon la qualification autonome, cette disposition de la ZPO devrait être appliquée lors de l’exécution en Allemagne des décisions de saisie conservatoire rendues dans d’autres États membres ( 12 ).

37.

La juridiction de renvoi estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si le droit italien prévoit également un délai pour introduire la demande d’exécution d’une décision de saisie conservatoire.

38.

Plus précisément, cette juridiction soutient que, dans le cadre de la procédure au principal, l’autorité allemande chargée de la tenue du registre foncier ne saurait déterminer si le droit de l’État membre dans lequel la décision a été rendue prévoit un délai d’exécution, ni les modalités de cette exécution, pas plus qu’elle ne serait autorisée à appliquer une règle de droit étranger. S’agissant de la procédure suivie par cette autorité, le seul élément pertinent résiderait dans le point de savoir si l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO doit ou non être appliqué. Enfin, si, en raison de l’expiration du délai prévu en droit italien, le titre devait ne plus être susceptible d’exécution forcée, le débiteur devrait toutefois faire valoir cet aspect par un recours formé à l’encontre de la déclaration d’exequatur.

39.

Ainsi, la juridiction de renvoi estime que, en dehors de la procédure d’exécution, le délai prévu en droit italien est également applicable à la décision dont l’exécution a été demandée dans la procédure au principal. Il s’ensuivrait que, sur le territoire allemand, une décision de saisie conservatoire rendue à l’étranger serait soumise aux deux régimes instaurés, d’une part, par l’État membre d’origine et, d’autre part, par l’État membre requis.

40.

Dans ce contexte, je me demande si le respect de cette double exigence par le créancier n’illustre pas le point faible de l’interprétation selon laquelle l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO devrait être appliqué en tant que règle de la lex fori en matière d’exécution proprement dite des décisions étrangères de saisie conservatoire. Dans ce cas, d’une part, la disposition du droit allemand qui prévoit un délai pour l’introduction de la demande d’exécution serait appliquée en tant que disposition régissant l’exécution proprement dite. D’autre part, une disposition du droit de l’État membre d’origine instaurant un délai similaire serait appliquée à titre de règle déterminant le caractère exécutoire d’une décision étrangère ( 13 ).

41.

À la lumière de cette constatation, je nourris des doutes, en premier lieu, sur l’articulation entre, d’une part, le caractère exécutoire d’une décision de saisie conservatoire, apprécié à la lumière d’une disposition du droit de l’État membre d’origine qui prévoit un délai pour introduire la demande d’exécution de cette décision et, d’autre part, une limitation de l’exécution effective au moyen d’un délai similaire, prévue par une disposition de l’État membre requis.

42.

En deuxième lieu, je m’interroge sur le point de savoir si, dans une perspective systémique, une disposition telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO a vocation à être appliquée de manière isolée, indépendamment du contexte transfrontalier et de l’origine de la décision dont l’exécution est demandée en Allemagne.

43.

Enfin, en troisième lieu, je me demande si la finalité de cette disposition du droit allemand pourrait être conciliée avec son application, qui ne tient pas compte du contexte transfrontalier et de l’origine d’une décision de saisie conservatoire.

2. L’articulation entre le caractère exécutoire et une limitation de l’exécution effective

44.

Selon les observations de la Commission, si, en droit allemand, la saisie conservatoire perd sa validité juridique du fait de l’expiration d’un délai, tel n’est pas le cas en droit italien, qui prévoit que seule l’annulation formelle de cette saisie conservatoire la priverait de toute validité juridique. Par ailleurs, tandis que, en vertu du droit allemand, le non-respect de ce délai serait relevé d’office, ce serait, selon le droit italien, le défendeur lui-même qui devrait invoquer l’expiration de ce délai. L’exécution d’une saisie conservatoire de droit italien resterait donc en principe possible même après l’expiration du délai.

45.

Dès lors, il est possible que la force exécutoire de la décision de saisie conservatoire, qui, aux termes de l’article 38 du règlement no 44/2001, constitue une condition de l’exécution de cette décision dans l’État membre requis ( 14 ), soit compromise dans la mesure où un créancier ne pourrait pas l’exécuter en Allemagne, indépendamment du caractère exécutoire de cette décision selon le droit de l’État membre d’origine.

46.

Cette observation peut constituer une indication du fait que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO ne concerne pas l’exécution d’une mesure conservatoire, mais plutôt sa force exécutoire, et ce au moins dans la même mesure qu’une disposition similaire du droit italien.

3. Le rapport entre les conditions d’octroi d’une saisie conservatoire et le délai pour l’introduction d’une demande d’exécution d’une mesure de saisie

47.

Une saisie conservatoire constitue une exception à la règle générale selon laquelle seules les décisions qui sont prises au terme de la procédure au fond et qui sont devenues définitives peuvent faire l’objet de l’exécution forcée. Partant, nonobstant le fait que, en raison de son caractère exceptionnel, une saisie conservatoire ne satisfait pas le créancier ( 15 ), celle-ci ne peut être ordonnée que si certaines conditions sont réunies.

48.

Certes, dans la plupart des systèmes juridiques, c’est le fait que l’exécution ultérieure d’une décision sur le fond soit impossible qui constitue une telle condition de base. Toutefois, selon des analyses comparatives, tandis que l’objectif essentiel de la saisie conservatoire détermine cette condition générale, les réglementations nationales présentent des différences en ce qui concerne les conditions détailléesauxquelles une décision de saisie conservatoire peut être adoptée ( 16 ).

49.

En fait, les conditions d’octroi d’une saisie conservatoire sont déterminées par les choix législatifs effectués par les États membres dans leur recherche de l’équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs. L’instauration d’un délai pour l’introduction de la demande d’exécution d’une mesure conservatoire par le créancier est également un effet de cette recherche.

50.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la finalité poursuivie par l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO consiste à protéger le débiteur. Plus précisément, selon la juridiction de renvoi, cette disposition vise à empêcher que des décisions adoptées à la suite d’une procédure sommaire de référé restent exécutables et, donc, susceptibles d’exécution forcée pendant une période relativement longue et malgré d’éventuelles modifications de la situation. Dans la même veine, le gouvernement allemand a indiqué lors de l’audience que le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO vise à empêcher qu’une décision de saisie conservatoire puisse être exécutée après l’écoulement d’un mois même si les circonstances ont considérablement changé.

51.

Par ailleurs, même la partie de la doctrine estimant que ce sont surtout les effets des mesures conservatoires qui sont caractérisés par de profondes différences, tandis que leurs conditions d’octroi seraient beaucoup plus semblables ( 17 ), considère que ces conditions font ressortir le fait que les mesures conservatoires sont irréductiblement liées aux procédures dans lesquelles elles sont rendues ( 18 ). On pourrait dès lors avancer la thèse que, dans le contexte transfrontalier, un tel lien existe entre une décision de saisie conservatoire et des réglementations de l’État membre d’origine.

52.

Au demeurant, dans cette optique, l’instauration par un législateur d’un délai tel que celui prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO serait en quelque sorte comparable à la situation dans laquelle la juridiction préciserait dans sa décision le délai pendant lequel des actions spécifiques doivent être effectuées par le créancier. Si une décision contenait une telle précision, celle-ci constituerait indubitablement un élément intrinsèque de cette décision.

53.

Par conséquent, je considère qu’un délai tel que celui qui est prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO ne saurait être dissocié des conditions auxquelles une saisie conservatoire peut être prononcée et, de manière générale, du droit de l’État membre d’origine. Partant, un tel délai ne saurait être appliqué en tant que règle d’exécution proprement dite de la lex fori dans le cadre de l’exécution des décisions étrangères en Allemagne ( 19 ).

4. La finalité d’une disposition prévoyant un délai pour l’introduction de la demande d’exécution d’une mesure de saisie

54.

Pour mémoire, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO a pour principal objectif de garantir qu’une mesure conservatoire ne soit pas exécutée après une période relativement longue et malgré d’éventuelles modifications de la situation. Par ailleurs, en ce qui concerne les décisions étrangères, il ressort de l’ordonnance de renvoi, ainsi que des explications du gouvernement allemand, que ce délai est calculé à partir de la date de la notification d’une déclaration d’exequatur à un créancier.

55.

Toutefois, un créancier n’est pas tenu d’introduire une demande d’exequatur d’une décision de saisie conservatoire immédiatement après l’obtention de cette décision dans l’État membre d’origine. Il pourrait donc reporter l’introduction d’une telle demande, nonobstant une éventuelle modification des circonstances survenue après l’obtention de la décision de saisie conservatoire.

56.

Ainsi, la solution selon laquelle l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO s’applique en tant que règle de la lex fori de l’État membre requis et selon laquelle le délai prévu par cette disposition est calculé à partir de la date de la notification d’une déclaration d’exequatur permettrait à un créancier de faire systématiquement abstraction d’une telle modification éventuelle des circonstances et de procéder à l’exécution d’une mesure conservatoire.

57.

Dès lors, j’estime que l’application de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO dans le cadre de l’exécution des décisions étrangères ne saurait être conciliée avec la finalité de cette disposition, telle qu’explicitée par la juridiction de renvoi et le gouvernement allemand.

58.

Il résulte de cette analyse, en premier lieu, qu’une disposition nationale telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO concerne plutôt la force exécutoire d’une décision de saisie conservatoire que son exécution proprement dite. En deuxième lieu, un tel délai ne saurait être appliqué de manière isolée, indépendamment de l’origine d’une décision dont l’exécution est demandée. En troisième lieu, si l’on souscrivait au point de vue de la juridiction de renvoi et du gouvernement allemand quant à la finalité de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, cette disposition ne saurait remplir son rôle si elle était appliquée aux décisions étrangères dont l’exécution a été demandée en Allemagne.

59.

À la lumière de ce qui précède, j’estime qu’une disposition nationale qui prévoit un délai pour l’introduction de la demande d’exécution par le créancier, telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, ne devrait pas être qualifiée de règle de procédure qui serait applicable dans le cadre de l’exécution en Allemagne d’une décision de saisie conservatoire rendue dans un autre État membre.

C.   Sur l’équivalence des effets des décisions nationales et étrangères

60.

Il est de jurisprudence constante, d’une part, qu’il n’y a aucune raison d’accorder à une décision rendue dans un État membre, lors de son exécution dans un autre État membre, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ( 20 ). C’est ce que l’on appelle généralement la doctrine de l’« extension des effets» ( 21 ). Il ressort de l’arrêt Health Service Executive ( 22 ), rendu dans le cadre du règlement (CE) no 2201/2003 ( 23 ) mais, à mon sens, transposable au règlement no 44/2001, qu’il convient notamment de comprendre cette limitation en ce sens qu’une décision étrangère peut uniquement servir de fondement à l’exécution dans l’État membre requis dans les limites qui résultent de la décision elle-même.

61.

D’autre part, il n’y a aucune raison d’attribuer à une telle décision des effets qu’une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis ne produirait pas ( 24 ). Cette limitation quant aux effets des décisions exécutées dans l’État membre requis est dénommée « doctrine de l’équivalence des effets» ( 25 ).

62.

En s’inspirant de cette jurisprudence, le gouvernement allemand estime que, afin d’assurer l’équivalence de traitement des décisions étrangères et nationales, l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO devrait être appliqué lors de l’exécution des décisions de saisie conservatoire de droit italien en Allemagne.

63.

Je ne partage pas ce point du vue. J’estime, à l’instar de la Commission, que la position du gouvernement allemand ne tient pas compte de certains aspects du caractère transfrontalier de l’affaire au principal et des conséquences de l’application de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO dans le cadre d’une telle affaire. En outre, je considère que cette position est fondée sur une lecture incomplète de la jurisprudence de la Cour.

1. Sur l’absence éventuelle de cohérence entre des règles procédurales des États membres d’origine et requis

a) La détermination de la problématique

64.

Il ressort de l’ordonnance de renvoi, ainsi que de la position du gouvernement allemand qui a été présentée lors de l’audience, que dans les situations internes, lorsque ce sont les autorités allemandes qui prononcent une décision de saisie conservatoire et exécutent ensuite cette décision, le créancier qui n’a pas respecté le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, peut obtenir de nouveau, sans délai, une saisie conservatoire.

65.

Toutefois, en supposant que, dans un contexte transfrontalier, l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO s’applique en tant que règle de la lex fori de l’État membre requis, il n’y a pas de réponse claire à la question de savoir comment le créancier doit procéder lorsqu’il n’a pas respecté le délai prévu par cette disposition.

66.

Il me semble symptomatique que ni la juridiction de renvoi ni le gouvernement allemand n’aient avancé la thèse selon laquelle le créancier pourrait introduire à nouveau une demande de déclaration d’exequatur en Allemagne afin de rouvrir le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO. Je me demande si une telle solution serait conforme à l’esprit de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO. En tout état de cause, le renouvellement de la demande permettrait de reporter indéfiniment la date de l’inscription de l’hypothèque en garantie de la créance sur la base de la même décision. Il me semble qu’une telle possibilité irait à l’encontre de la logique de cette disposition.

67.

J’observe que, en réponse à une question posée lors de l’audience, le gouvernement allemand a affirmé qu’un créancier pourrait demander à nouveau une saisie conservatoire dans l’État membre d’origine, dès lors que les délais prévus dans cet État membre ont également expiré. En revanche, la Commission a indiqué que, en l’espèce, le créancier ne pouvait pas demander une seconde décision en Italie, la décision de saisie conservatoire initiale rendue par les autorités de cet État membre étant encore exécutoire pour les raisons exposées au point 44 des présentes conclusions.

68.

Il ressort de ces observations qu’un créancier n’ayant pas respecté le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO devrait probablement s’adresser aux juridictions de l’État membre d’origine, en l’espèce les juridictions italiennes, pour obtenir une seconde décision de saisie conservatoire.

b) L’articulation entre les règles procédurales de l’État membre d’origine et celles de l’État membre requis

69.

Nonobstant ces considérations, il me semble que l’analyse relative à la question préjudicielle déférée à la Cour ne devrait pas se limiter au contexte de la présente affaire. En l’occurrence, la décision dont l’exécution a été demandée en Allemagne a été rendue en application du droit italien qui prévoit un délai assez similaire à celui qui est prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO. Toutefois, je suppose que les mêmes doutes quant à l’application de cette dernière disposition dans le cadre de l’exécution d’une mesure conservatoire, déclarée exécutoire en Allemagne, apparaîtraient en ce qui concerne toute décision de saisie conservatoire rendue dans d’autres États membres.

70.

Ainsi, sans vouloir me prononcer sur la situation actuelle de la requérante au regard du droit italien, il me semble que, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, le créancier serait en principe tenu de démontrer de nouveau, à l’appui de sa seconde demande introduite devant les autorités de l’État membre d’origine, à tout le moins, la plausibilité des circonstances dans lesquelles une décision de saisie conservatoire peut être prononcée. Dès lors, il ne s’agirait pas d’un second prononcé de la même décision, mais de l’adoption d’une nouvelle décision précédée d’une nouvelle appréciation de toutes les conditions qui devraient être réunies afin d’ordonner une saisie conservatoire.

71.

Par ailleurs, on ne saurait exclure d’emblée la possibilité que le droit de l’État membre d’origine ne prévoie pas, pour différentes raisons, la faculté d’introduire effectivement une nouvelle demande de décision. Par exemple, dans l’optique des autorités de l’État membre d’origine, une nouvelle demande pourrait être irrecevable tant que la décision antérieure n’a pas été annulée ou n’a pas perdu sa validité juridique pour d’autres motifs ( 26 ).

72.

Dans certains cas, il pourrait ainsi s’avérer que l’application des modalités fixées dans l’État membre requis, à savoir, en l’espèce, le délai prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, lors de l’exécution d’une décision rendue dans un autre État membre conduise à une impasse. En particulier, le créancier n’ayant pas respecté le délai prévu à cette disposition ne pourrait plus procéder à l’exécution de cette décision en Allemagne et, en même temps, ne pourrait pas demander une nouvelle décision devant les autorités de l’État membre d’origine.

2. Sur la préservation de l’effet utile du règlement no 44/2001

a) Rappel de la jurisprudence sur la préservation de l’effet utile du règlement no 44/2001

73.

Je rappelle que, en ce qui concerne les dispositions de la convention de Bruxelles, la Cour a indiqué que l’application des règles de procédure de l’État membre requis ne doit pas porter atteinte à l’effet utile du système prévu par cette convention ( 27 ). Dans les arrêts s’inscrivant dans ce courant jurisprudentiel, la Cour a également indiqué, s’agissant plus précisément des règles nationales régissant l’exécution proprement dite, que l’application des règles de procédure de l’État membre requis dans le cadre de l’exécution ne saurait porter atteinte à l’effet utile du système de la convention de Bruxelles en matière d’exequatur en faisant échec aux principes posés en la matière, que ce soit de façon expresse ou implicite, par le règlement no 44/2001 lui-même ( 28 ). Par la suite, la Cour a confirmé la transposabilité de cette jurisprudence au règlement no 44/2001 ( 29 ).

74.

J’observe, par ailleurs, que cette logique a également inspiré la jurisprudence relative aux injonctions interdisant à une partie d’introduire ou de poursuivre une action en justice devant une juridiction étatique. En effet, la Cour a considéré que de telles injonctions sont susceptibles de limiter l’application des règles de compétence et de priver de leur effet utile les mécanismes spécifiques prévus en cas de litispendance et de connexité ( 30 ). Par la suite, la Cour a jugé que, en entravant la juridiction d’un autre État membre dans l’exercice des pouvoirs que le règlement no 44/2001 lui confère, de telles injonctions, prononcées dans le cadre d’un arbitrage, ferment à un requérant l’accès à la juridiction étatique qu’il a saisie en vertu des règles de compétence prévues par ce règlement et privent dès lors ce requérant d’une forme de protection juridictionnelle à laquelle il a droit ( 31 ).

b) Application concrète de la jurisprudence relative à la préservation de l’effet utile du règlement no 44/2001

75.

En ce qui concerne les mesures conservatoires, je considère que le fait que l’application d’une règle, telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, aux décisions étrangères de saisie conservatoire soit susceptible de conduire à une impasse, ainsi qu’il a été exposé aux points 71 et 72 des présentes conclusions, pourrait porter atteinte à l’effet utile du système du règlement no 44/2001.

76.

Certes, à l’instar de la Commission, je considère qu’il ne saurait être exclu que, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, le créancier puisse demander, en vertu de l’article 31 ( 32 ) du règlement no 44/2001, une mesure conservatoire devant les autorités de l’État membre requis. Néanmoins, ce créancier se trouverait dans une situation défavorable dans la mesure où il serait obligé de s’adresser aux juridictions d’un autre État membre, avec toutes les conséquences qui en découlent ( 33 ). Cela confirme, à mon sens, la possibilité de créer une impasse du fait de l’application de l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO dans le cadre de l’exécution de la décision étrangère.

77.

Dans ce cas, d’une part, il pourrait s’avérer que les juridictions d’un État membre, compétentes pour connaître du fond, ne puissent pas assurer à un créancier la protection juridictionnelle à laquelle il a droit dans la phase de la procédure menant à l’adoption de la décision finale. D’autre part, il serait porté atteinte à la compétence de ces juridictions fondée sur les dispositions du règlement no 44/2001 si un créancier était tenu de s’adresser aux juridictions d’un autre État membre pour introduire une demande d’une décision de saisie conservatoire alors qu’il souhaitait, à juste titre, introduire cette demande devant la juridiction compétente pour connaître du fond.

78.

En conséquence, à la lumière de la jurisprudence relative à la préservation de l’effet utile du règlement no 44/2001, j’estime qu’une règle de l’État membre requis, telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, n’a pas vocation à être appliquée lors de l’exécution de décisions de saisie conservatoire provenant d’autres États membres.

c) Conclusion intermédiaire

79.

Je rappelle qu’il résulte de ce qui précède qu’une disposition telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO ne saurait être qualifiée de règle en matière d’exécution proprement dite des décisions étrangères sous le régime du règlement no 44/2001 ( 34 ).

80.

Même si l’on considérait que cette disposition devait être qualifiée de disposition en matière d’exécution proprement dite de la lex fori de l’État membre requis, elle ne saurait être appliquée dans le cadre de l’exécution de décisions étrangères en Allemagne dans la mesure où elle porterait atteinte à l’effet utile de ce règlement.

81.

Au demeurant, à mon sens, la logique et les effets de l’application de la jurisprudence relative à la préservation de l’effet utile du règlement no 44/2001 rappellent la solution récemment adoptée par la Cour dans sa jurisprudence relative au règlement (UE) no 650/2012 ( 35 ). Il ressort de cette jurisprudence que la qualification des dispositions nationales aux fins de leur application dans les situations relevant du règlement no 650/2012 ne saurait entraver la réalisation des objectifs de ce règlement ainsi que l’effet utile de ses dispositions ( 36 ). En conséquence, l’effet utile d’un acte du droit de l’Union qui porte sur la coopération judiciaire en matière civile est susceptible d’avoir une incidence sur la qualification autonome, effectuée aux fins de l’application de cet acte, des dispositions nationales qui entrent dans son champ d’application. Dans la même veine, l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO ne devrait pas non plus être qualifié de règle en matière d’exécution proprement dite dans la mesure où il est susceptible de porter atteinte à l’effet utile du règlement no 44/2001.

D.   Sur l’incidence de l’abolition de la procédure d’exequatur sous le régime du règlement no 1215/2012 sur les considérations précédentes

82.

La présente demande de décision préjudicielle porte uniquement sur le règlement no 44/2001. Néanmoins, la juridiction de renvoi estime que la présente question préjudicielle se pose de la même manière dans le cadre du règlement no 1215/2012. Par ailleurs, les parties ont également invoqué ce règlement dans leurs plaidoiries présentées lors de l’audience.

83.

À cet égard, j’estime que les enseignements tirés du règlement no 1215/2012 ne sont pas susceptibles de remettre en cause les considérations exposées ci-dessus.

84.

Premièrement, si le règlement no 44/2001 ne régit pas de manière explicite la question du rôle de la lex fori de l’État membre requis dans le cadre de l’exécution des décisions étrangères, le règlement no 1215/2012 dispose quant à lui, à son article 41, paragraphe 1, notamment, que les décisions étrangères sont exécutées dans l’État membre requis dans les mêmes conditions qu’une décision rendue dans cet État membre ( 37 ).

85.

Toutefois, nonobstant l’abolition de la procédure d’exequatur sous le régime du règlement no 1215/2012, la distinction entre la force exécutoire et l’exécution proprement dite, régie par la lex fori de l’État membre requis, a été maintenue par le législateur de l’Union dans le cadre de ce règlement ( 38 ).

86.

C’est également l’interprétation avancée par le gouvernement allemand qui, tout en aboutissant à des conclusions différentes, constate que l’article 41, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1215/2012 énonce les principes ayant été appliqués dans le cadre du règlement no 44/2001. Par ailleurs, certains auteurs considèrent que cette disposition du règlement no 1215/2012 codifie les principes énoncés par la Cour dans sa jurisprudence relative au règlement no 44/2001 ( 39 ).

87.

Par conséquent, rien n’indique que l’entrée en vigueur du règlement no 1215/2012 soit susceptible d’avoir une incidence sur la qualification d’une disposition telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO.

88.

Deuxièmement, je considère que, sous le régime du règlement no 1215/2012, le problème d’une impasse créée par l’application d’une règle nationale, telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, en tant que règle de l’État membre requis se poserait de la même manière. De ce fait, la jurisprudence relative à la préservation de l’effet utile du système du règlement no 1215/2012 aurait vocation à s’appliquer ( 40 ).

89.

Pour ces motifs, j’estime que ni les enseignements tirés de l’abolition de l’exequatur ni ceux tirés de l’introduction d’une disposition telle que l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 ne sont susceptibles de justifier la thèse selon laquelle, sous le régime du règlement no 44/2001, une disposition telle que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO pourrait être appliquée dans le cadre de l’exécution de décisions étrangères en Allemagne.

90.

Pour conclure, une disposition, premièrement, qui relève non pas de l’exécution d’une décision étrangère mais plutôt de la procédure d’exequatur ( 41 ) et, deuxièmement, dont l’application lors de l’exécution porte atteinte à l’effet utile du système du règlement no 44/2001 ne constitue pas une règle de la lex fori de l’État membre requis en matière d’exécution ( 42 ). Ces considérations ne sauraient être remises en cause par les enseignements tirés de l’analyse du règlement no 1215/2012. Ce règlement n’a changé ni la logique ni les principes régissant les limites de l’application de la lex fori de l’État membre requis.

VI. Conclusion

91.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle posée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) :

Le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et notamment son article 38, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une disposition du droit de l’État membre requis, telle que celle en cause au principal, qui prévoit un délai pour l’introduction de la demande d’exécution d’une décision de saisie conservatoire, dans le cadre de l’exécution proprement dite d’une décision de saisie conservatoire émanant d’un autre État membre.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

( 3 ) À ma connaissance, la présente affaire permet pour la deuxième fois à la Cour d’interpréter des règles en matière de reconnaissance et d’exécution des décisions étrangères dans le cadre d’une affaire dans laquelle les dispositions de la ZPO qui concernent la saisie conservatoire sont susceptibles d’être appliquées. Voir arrêt du 10 février 1994, Mund & Fester (C‑398/92, EU:C:1994:52).

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

( 5 ) Arrêt du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271).

( 6 ) Arrêt du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653).

( 7 ) Arrêt du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653).

( 8 ) Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32).

( 9 ) Voir arrêts du 2 juillet 1985, Deutsche Genossenschaftsbank (148/84, EU:C:1985:280, point 19) ; du 3 octobre 1985, Capelloni et Aquilini (119/84, EU:C:1985:388, point 16) ; du 4 février 1988, Hoffmann (145/86, EU:C:1988:61, point 27) ; ainsi que du 29 avril 1999, Coursier (C‑267/97, EU:C:1999:213, point 28).

( 10 ) Voir arrêts du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 69), et du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653, point 40).

( 11 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Mahnkopf (C‑558/16, EU:C:2017:965, point 32). Voir, également, mes conclusions présentées dans l’affaire Hőszig (C‑222/15, EU:C:2016:224, points 31 et 47).

( 12 ) J’observe à cet égard que la doctrine n’est pas unanime quant à l’application de dispositions nationales prévoyant un délai pour introduire la demande d’exécution d’une mesure conservatoire lors de l’exécution de décisions étrangères. Certains auteurs tendent à considérer que de telles dispositions n’ont pas vocation à être appliquées dans ce cas. Voir, notamment, Kropholler, J., von Hein, J., Europäisches Zivilprozessrecht : Kommentar zu EuGVO, Lugano-Übereinkommen, 9e édition, Verlag Recht und Wirtschaft, C.H. Beck, Francfort-sur-le-Main, 2011, p. 615 et 616, point 10. Voir, a contrario, Schack, H., Internationales Zivilverfahrensrecht : mit internationalem Insolvenz- und Schiedsverfahrensrecht, C.H. Beck, Munich, 2014, point 1066.

( 13 ) Voir, en ce sens, en ce qui concerne la force exécutoire d’une décision dont l’exécution est demandée sous le régime du règlement no 44/2001, arrêt du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653, points 37 et 39).

( 14 ) En ce qui concerne le caractère exécutoire d’une décision étrangère, voir arrêts du 29 avril 1999, Coursier (C‑267/97, EU:C:1999:213, point 23), et du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, points 65 et 66). Je relève que, dans la doctrine, il a même été avancé que l’application d’une disposition du droit espagnol, qui prévoit un délai similaire à celui prévu à l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, lors de l’exécution d’une décision étrangère n’est pas conforme à l’article 38 du règlement no 44/2001 dans la mesure où une décision ne saurait être exécutée dans l’État membre requis indépendamment du caractère exécutoire de cette décision selon le droit de l’État membre d’origine. Voir Steinmetz, A., « Anwendbarkeit der Ausschlussfrist in der spanischen ZPO auch auf ausländische Vollstreckungstitel ? », Recht der internationalen Wirtschaft, no 5, 2009, p. 304.

( 15 ) En effet, j’estime qu’une décision de saisie conservatoire, telle que celle dont l’exécution a été demandée dans l’affaire au principal, constitue une « mesure conservatoire » au sens de l’article 31 du règlement no 44/2001. Il s’agit donc d’une mesure destinée à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond. Voir arrêt du 26 mars 1992, Reichert et Kockler (C‑261/90, EU:C:1992:149, point 34).

( 16 ) Voir, en ce sens, Goldstein S., « Recent Developments and Problems in the Granting of Preliminary Relief : a Comparative Analysis », Revue hellénique de droit international, 1987-1988, 40e et 41e années, p. 13. Il me semble que les conditions auxquelles une décision de saisie conservatoire peut être prononcée présentent des différences du point de vue, notamment, du caractère et de la gravité de la menace créée par le défaut de saisie. Voir, par exemple, en droit allemand, l’article 917 de la ZPO, qui dispose qu’une décision de saisie conservatoire peut être rendue lorsque l’exécution de la décision finale est impossible ou considérablement plus difficile, cette dernière condition étant décrite par la doctrine comme une condition « beaucoup plus spécifique ». Voir Cuniberti, G., Les mesures conservatoires portant sur des biens situés à l’étranger, LGDJ, Paris, 2000, p. 267. Une condition similaire est prévue, par exemple, en droit polonais, à l’article 7301, paragraphe 2, du Kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile) du 17 novembre 1964 (Dz. U. de 2014, position 101). En ce qui concerne le droit italien, l’article 671 du codice di procedura civile (code de procédure civile) dispose qu’une saisie conservatoire peut être prononcée lorsqu’il existe un risque pour ce qui est du recouvrement de la créance (periculum in mora). Ainsi, l’article 671 de ce code ne vise pas explicitement les cas où l’absence de saisie pourrait provoquer des difficultés lors de l’exécution de la décision finale. Sur la saisie conservatoire du droit italien, voir, également, de Cristofaro, M., « National Report – Italy », in Harsági, V., Kengyel, M. (sous la dir. de), Grenzüberschreitende Vollstreckung in der Europäischen Union, Sellier, Munich, 2011, p. 119. Toutefois, je suis conscient qu’il faut tenir compte du fait que les conditions du prononcé d’une saisie qui sont énoncées dans les textes juridiques font l’objet de développements jurisprudentiels susceptibles d’élargir ou de limiter les différences entre les systèmes juridiques des États membres.

( 17 ) Cuniberti, G., Les mesures conservatoires portant sur des biens situés à l’étranger, LGDJ, Paris, 2000, p. 267.

( 18 ) Cuniberti, G., op. cit. p. 255. En ce qui concerne les mesures conservatoires en général, sans mention de la question de la diversité des conditions d’octroi, voir, en ce sens, Hess, B., « The Brussels I Regulation : Recent Case Law of the Court of Justice and the Commission’s Proposed Recast », Common Market Law Review 2012, p. 1098.

( 19 ) Voir, en ce sens, Wittmann, J., « BGH, 11.05.2017 - V ZB 175/15 : Anwendbarkeit der Vollziehungsfrist aus § 929 Abs. 2 ZPO bei Vollstreckung ausländischer Titel nach Maßgabe der EuGVVO », Zeitschrift für Internationales Wirtschaftsrecht 2018, no 1, p. 42, qui met toutefois l’accent sur le fait que la limitation temporelle imposée par l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, est fondée non pas sur la procédure d’exécution elle-même, mais sur la procédure d’urgence menant à l’exécution.

( 20 ) Voir, en ce sens, sous le régime de la convention de Bruxelles, arrêt du 4 février 1988, Hoffmann (145/86, EU:C:1988:61, point 11). En ce qui concerne le règlement no 44/2001, voir arrêts du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 66) ; du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653, point 40) ; ainsi que du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a. (C‑456/11, EU:C:2012:719, point 34) .

( 21 ) Voir, en ce sens, De Miguel Asensio, P.A., « Recognition and Enforcement of Judgments in Intellectual Property Litigation : the Clip Principles », in Basedow, J., Kono, T., et Metzger, A. (sous la dir. de), Intellectual Property in the Global Arena – Jurisdiction, Applicable Law, and the Recognition of Judgments in Europe, Japan and the US, Mohr Siebeck, Tübingen, 2010, p. 251 ; Requejo Isidro, M., « The Enforcement of Monetary Final Judgments Under the Brussels Ibis Regulation (A Critical Assessment) », in V. Lazić, Stuij S. (sous la dir. de), Brussels Ibis Regulation : Changes and Challenges of the Renewed Procedural Scheme, Springer, La Haye, 2017, p. 88.

( 22 ) Arrêt du 26 avril 2012, Health Service Executive (C‑92/12 PPU, EU:C:2012:255, points 141 et 143).

( 23 ) Règlement du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1).

( 24 ) Voir arrêts du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 66), et du 13 octobre 2011, Prism Investments (C‑139/10, EU:C:2011:653, point 40). Il y a lieu de relever que cette limitation quant aux effets attribués à une décision étrangère a été introduite par la Cour dans sa jurisprudence bien plus tard que la première limitation, relative à la doctrine de l’extension des effets, qui a déjà été consacrée par l’arrêt du 4 février 1988, Hoffmann (145/86, EU:C:1988:61, point 11). J’observe que, dans ses conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’avocat général Darmon a également envisagé cette seconde limitation. Il a considéré que cette limitation s’expliquait par la nécessité d’uniformiser les interprétations et le souci de prévenir des recours excessifs à la clause d’ordre public. Voir conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Hoffmann (145/86, non publiées, EU:C:1987:358, point 20). Toutefois, ces considérations ne se reflètent pas dans l’arrêt de la Cour.

( 25 ) Voir publications citées à la note de bas de page 21.

( 26 ) Au demeurant, il pourrait s’avérer que l’adoption d’une deuxième décision de saisie conservatoire dans l’État membre d’origine entraîne l’annulation de la décision antérieure. Ainsi, dans la situation dans laquelle un créancier a précédemment saisi des actifs du débiteur situés dans l’État membre d’origine sur la base de cette décision, l’adoption d’une deuxième décision serait susceptible d’annihiler les effets de cette saisie.

( 27 ) S’agissant des dispositions procédurales régissant la portée du contrôle effectué par le juge de cassation, voir arrêt du 15 novembre 1983, Duijnstee (288/82, EU:C:1983:326, points 13 et 14). S’agissant des règles procédurales relatives à la recevabilité des demandes, voir arrêt du 15 mai 1990, Hagen (C‑365/88, EU:C:1990:203, points 21 et 22).

( 28 ) Voir arrêts du 3 octobre 1985, Capelloni et Aquilini (119/84, EU:C:1985:388, point 21), et du 4 février 1988, Hoffmann (145/86, EU:C:1988:61, point 29).

( 29 ) Voir arrêt du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 69).

( 30 ) Voir arrêt du 27 avril 2004, Turner (C‑159/02, EU:C:2004:228, points 29 et 30).

( 31 ) Voir arrêt du 10 février 2009, Allianz et Generali Assicurazioni Generali (C‑185/07, EU:C:2009:69, point 31).

( 32 ) Aux termes de l’article 31 du règlement no 44/2001, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet État, même si, en vertu de ce règlement, une juridiction d’un autre État membre est compétente pour connaître du fond.

( 33 ) En tout état de cause, il s’agirait d’une nouvelle demande, fondée sur les circonstances actuelles et examinée de nouveau par les autorités judiciaires d’un autre État membre. Par ailleurs, seules les mesures prévues par la loi de cet État membre pourraient être demandées. De plus, le créancier serait obligé de suivre la procédure instituée par le droit de cet État membre. À cet égard, il convient de noter que, selon les États membres contractants de la convention de Bruxelles, les règles organisant les procédures nationales de référé sont susceptibles de varier davantage que celles organisant les procédures au fond. Voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2002, Italian Leather (C‑80/00, EU:C:2002:342, point 42).

( 34 ) Voir points 33 à 59 des présentes conclusions.

( 35 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107).

( 36 ) Voir arrêt du 1er mars 2018, Mahnkopf (C‑558/16, EU:C:2018:138). Voir, également, mes conclusions présentées dans l’affaire Mahnkopf (C‑558/16, EU:C:2017:965, points 101 et 102). Voir également, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2017, Kubicka (C‑218/16, EU:C:2017:755, point 56).

( 37 ) Au demeurant, il a été soutenu dans la doctrine que la référence aux « mêmes conditions », à l’article 41, paragraphe 1, de ce règlement, ne vise pas uniquement le rôle de la lex fori, mais établit également le principe de non-discrimination des décisions étrangères. Voir, en ce sens, Grzegorczyk, P., « Wykonywanie w Polsce orzeczeń pochodzących z państw członkowskich Unii Europejskiej objętych reżimem automatycznej wykonalności », in Marciniak, A. (sous la dir. de), Egzekucja sądowa w świetle przepisów z zakresu międzynarodowego postępowania cywilnego, Currenda, Sopot, 2015, p. 142. Par ailleurs, une référence aux « mêmes conditions » figure également à l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 2201/2003. Dans l’arrêt du 1er juillet 2010, Povse (C‑211/10 PPU, EU:C:2010:400), la Cour a considéré que cette référence devait être interprétée strictement. Selon la Cour, cette référence ne saurait viser que les modalités procédurales suivant lesquelles l’exécution doit se dérouler. En outre, cette référence ne pourrait en aucun cas fournir un motif de fond pour s’opposer à la décision en cause en raison du fait que les circonstances avaient changé après son adoption. Le motif visé était ainsi fondé sur la même logique que l’article 929, paragraphe 2, de la ZPO, à savoir, selon la juridiction de renvoi et le gouvernement allemand, empêcher l’exécution en raison d’une modification potentielle des circonstances.

( 38 ) Voir, en ce sens, Cuniberti, G., Rueda, I., « European Commentaries on Private International Law », vol. I, Brussels Ibis Regulation-Commentary, Magnus, U., et Mankowski, P. (sous la dir. de), Otto Schmidt, Cologne, 2016, p. 846 ; Hartley, T., Civil Jurisdiction and Judgments in Europe. The Brussels I Regulation, the Lugano Convention, and the Hague Choice of Court Convention, Oxford University Press, Oxford, 2017, p. 302 ; Kramer, X., « Cross-Border Enforcement and the Brussels I-bis Regulation : Towards a New Balance between Mutual Trust and National Control over Fundamental Rights », Netherlands International Law Review, 2013, no 60(3), p. 360 ; Nuyts, A., « La refonte du règlement Bruxelles I », Revue critique de droit international privé, 2013, no 1, p. 1. et suiv., point 15.

( 39 ) Kramer, X., op. cit., p. 360.

( 40 ) Voir points 73 à 77 des présentes conclusions.

( 41 ) Voir points 33 à 59 des présentes conclusions.

( 42 ) Voir points 75 à 77 des présentes conclusions.

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