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Document 52017AE0342

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux contrôles d’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005» [COM(2016) 825 final — 2016/0413 (COD)]

JO C 246 du 28.7.2017, p. 22–27 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

28.7.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 246/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux contrôles d’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) no 1889/2005»

[COM(2016) 825 final — 2016/0413 (COD)]

(2017/C 246/04)

Rapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Corapporteur:

Mihai IVAŞCU

Consultation

Parlement européen, 19 janvier 2017

Conseil de l’Union européenne, 19 janvier 2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

6 avril 2017

Adoption en session plénière

27 avril 2017

Session plénière no

525

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

154/4/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que la lutte contre le terrorisme et son financement ainsi que la lutte contre le blanchiment de capitaux et d’autres formes de criminalité économique associées doivent constituer des priorités permanentes de la politique de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE apporte son soutien aux mesures introduites dans la proposition de la Commission qui abroge le règlement précédent de 2005 afin d’adapter le cadre réglementaire au contexte actuel, et de remédier aux lacunes constatées dans plusieurs études consacrées à sa mise en œuvre.

1.3.

Le CESE estime que l’extension du champ d’application des contrôles ainsi que de la compétence des autorités de procéder aux contrôles et à la confiscation des biens, chaque fois que des éléments permettent raisonnablement de penser que l’on est en présence d’activités illicites, facilitera la découverte d’un nombre plus élevé de cas de fraude, et de recueillir davantage d’informations.

1.4.

Le CESE considère qu’il est nécessaire d’améliorer la coopération, tant entre les autorités compétentes qu’entre les États membres, dans le but d’obtenir un effet maximum de l’application du nouveau règlement. Il invite tous les États membres à mettre à la disposition d’Europol leurs bases de données anti-terrorisme. La Commission devrait également encourager les mesures de coopération propres à permettre à tous les États membres de se doter des moyens nécessaires à un contrôle efficace des différentes formes d’argent liquide ainsi que de leurs différents modes de transport.

1.5.

Le CESE propose qu’à la suite d’une étude et de consultations approfondies, la Commission soumette un plan de réduction de l’usage de l’argent liquide au sein de l’Union européenne. À cet égard, la question de savoir si le seuil d’obligation de déclaration fixé à 10 000 EUR est approprié mérite d’être examinée.

1.6.

Le CESE estime que la Commission devrait aller plus loin en fixant des sanctions en cas de non-respect de cette obligation. Les sanctions devraient être harmonisées entre les États membres et notifiées de manière cohérente à la Commission afin d’éviter de créer des failles favorables aux fraudeurs.

1.7.

Le CESE réitère ses inquiétudes déjà exprimées dans l’avis ECO/408 (1), concernant une série de facteurs susceptibles de limiter sérieusement l’efficacité du règlement. Le principal problème tient au fait que les paradis fiscaux où les phénomènes de blanchiment d’argent sont les plus massifs — et dont les flux d’argent liquide à destination ou en provenance de l’Union européenne devraient être tout particulièrement contrôlés — ne figurent pas sur la liste des régions et des pays considérés par la Commission comme présentant un risque élevé, qui est intégrée à sa proposition de règlement du 14 juillet 2016.

1.8.

L’enquête visant les flux criminels d’argent liquide est liée à d’autres infractions, notamment à la délinquance fiscale. Le CESE propose donc que les autorités fiscales puissent également avoir accès aux informations recueillies dans le cadre des contrôles de flux d’argent liquide.

1.9.

Le CESE considère qu’en plus de l’or, d’autres «marchandises très liquides» devraient être incluses dans la définition de l’argent liquide dès lors que le nouveau règlement sera adopté.

1.10.

Tout en reconnaissant la valeur sociale des cartes prépayées au sein de l’Union, le CESE attire l’attention sur le risque de détournement de ces instruments par des criminels et des terroristes pour financer leurs activités.

1.11.

En raison de l’augmentation du volume de données collectées et échangées entre les autorités, le CESE recommande de renforcer la protection de ces mêmes données, et d’examiner la possibilité d’appliquer des sanctions administratives et pénales plus sévères à l’encontre des fonctionnaires et des personnes qui en font usage de manière abusive ou illégale.

1.12.

Il s’agit là d’un problème d’ampleur internationale et, par conséquent, les institutions de l’Union européenne doivent elles aussi jouer pleinement leur rôle au côté des organisations internationales actives en la matière.

1.13.

Le CESE accueille favorablement le retrait de la circulation, à partir de 2018, des billets de 500 EUR, dont l’utilisation pour les paiements en espèces dans le cadre de trafics illicites est largement avérée, en raison de la facilité de transport et de stockage de grosses sommes d’argent prenant peu de place.

1.14.

Le CESE rappelle à la Commission que la protection des citoyens européens devrait demeurer une priorité de premier plan, indépendamment des coûts et des efforts qu’elle suppose.

2.   Contexte et proposition de la Commission

2.1.

Conformément au plan d’action (2) destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, la Commission propose un nouveau règlement relatif aux contrôles d’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement de 2005 (3) actuellement en vigueur.

2.2.

En mai 2015, l’Union européenne a adopté le quatrième paquet sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme comprenant, parmi d’autres initiatives, la quatrième directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (quatrième directive antiblanchiment), et le règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds (4), qui sont actuellement en phase de transposition. Le CESE a rendu son avis sur le paquet législatif dans son avis sur le train de mesures antiblanchiment d’argent (5).

2.3.

En février 2016, la Commission a publié son plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme (6), mis en œuvre en deux phases législatives. Durant la première phase (juillet 2016), la Commission a soumis des propositions pour deux directives: la cinquième directive antiblanchiment, modifiant certains aspects de la quatrième directive antiblanchiment, la directive sur l’accès des autorités fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (7) et le règlement délégué de la Commission (8) pour recenser les pays tiers à haut risque (paradis fiscaux) en complément des quatrième et cinquième directives antiblanchiment (9). Le CESE a adopté ses avis sur la cinquième directive antiblanchiment et sur le règlement, ainsi que son avis sur la deuxième directive (10).

2.4.

Au cours de la seconde phase (décembre 2016), en plus du règlement visé par le présent avis, la Commission a présenté une proposition de directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal (11) ainsi qu’un règlement sur la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation des avoirs d’origine criminelle (12).

2.5.

Le règlement de 2005 complète les dispositions de la directive antiblanchiment en introduisant des contrôles des envois d’argent liquide pour un montant de 10 000 EUR et plus. La proposition actuelle de la Commission (13) vise à: combler les failles de la législation actuelle en tenant compte des enquêtes menées par les services de police, de justice et de douanes; développer et compléter les quatrième (14) et cinquième (15) directives antiblanchiment pour s’attaquer au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme; ainsi qu’à adapter la législation de l’Union pour la mettre en conformité avec les normes et recommandations internationales, notamment la recommandation no 32 du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).

2.6.

La proposition à l’examen s’attaque à un certain nombre de problèmes parmi lesquels le contrôle imparfait des mouvements transfrontières d’argent liquide, les difficultés dans l’échange d’informations entre les autorités compétentes, l’impossibilité de saisir des montants inférieurs à un seuil défini (10 000 EUR), la définition incomplète de la notion d’argent liquide, les écarts dans les sanctions pour non-déclaration entre les États membres et aux différents niveaux d’exécution.

2.7.

La proposition de nouveau règlement visant à remplacer la législation actuelle élargit et renforce la définition d’argent liquide, qu’elle divise en quatre catégories: la monnaie, les instruments négociables au porteur (chèques, chèques de voyage, billets à ordre et mandats), les marchandises servant de réserve de valeur très liquide (pièces et lingots d’or) et les cartes prépayées.

2.8.

La proposition introduit une obligation de déclarer l’argent liquide non accompagné, au sens d’argent liquide envoyé par la poste, par un service de messagerie ou de fret pour un montant égal ou supérieur à 10 000 EUR. Certains États membres procèdent à des contrôles de mouvements d’argent liquide au sein même de l’Union européenne.

2.9.

Elle confère aux autorités compétentes le pouvoir de procéder à des contrôles sur des envois d’argent liquide pour un montant inférieur à 10 000 EUR, ainsi que la possibilité de dénoncer et d’enquêter dès lors qu’apparaissent des indices sérieux d’implication criminelle.

2.10.

Elle autorise la rétention de fonds chaque fois qu’il s’agit d’envois en argent liquide non déclarés d’un montant de 10 000 EUR ou plus, ou lorsque les envois, quelle que soit leur valeur, présentent des signes d’une implication criminelle.

2.11.

Elle améliore l’échange d’informations en exigeant une communication active avec les cellules de renseignement financier (CRF); à l’heure actuelle, les autorités compétentes sont uniquement tenues de rendre accessibles les informations qu’elles détiennent. Les informations concernant des opérations irrégulières doivent également être mises à la disposition des autorités compétentes des autres États membres et de la Commission chaque fois qu’il existe des signes d’implication criminelle. Dans la proposition, ces informations peuvent aussi être communiquées à des pays tiers, sous réserve du respect d’un certain nombre d’exigences.

2.12.

Elle encourage l’introduction de sanctions dans tous les États membres en cas de manquement à l’obligation de déclaration, en complément des sanctions pénales prévues pour les activités criminelles. Les sanctions appliquées dans chaque État membre doivent être communiquées à la Commission.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de l’action continue de la Commission dans la lutte mondiale contre le blanchiment de capitaux et contre le terrorisme. Le CESE approuve également les modifications suggérées par la proposition à l’examen qui visent à améliorer la législation en vigueur.

3.2.

La Commission et les autres institutions de l’Union doivent redoubler d’efforts pour que l’opinion publique européenne soit pleinement convaincue de leur volonté de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en ayant recours à tous les instruments légaux nécessaires, au renseignement ainsi qu’à l’action répressive et judiciaire. Le fait de savoir que les actions des institutions en la matière sont menées en coopération avec l’ensemble des États membres renforcera leur crédibilité et leur légitimité. Une série d’indicateurs en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme sont déjà utilisés, mais ils ne peuvent être tous publiés.

3.3.

Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à promouvoir la poursuite de la coopération au niveau international en matière de lutte contre le terrorisme, le blanchiment de capitaux et les actes criminels graves qui y sont associés. L’ensemble des institutions de l’Union devrait s’employer à garantir que les mesures proposées par la Commission soient également adoptées au niveau international. Elles seraient, ce faisant, plus efficaces.

3.4.

La proposition de nouveau règlement vise à lutter contre les flux d’argent liquide illégaux entre l’Union européenne et des pays tiers. Pour y parvenir, la Commission européenne doit coopérer avec les États membres afin de veiller à ce que leurs autorités compétentes respectives soient dotées des ressources techniques et humaines les plus efficaces, ainsi que de tous les autres moyens nécessaires (par exemple, de chiens renifleurs).

3.5.

Les systèmes de financement du terrorisme peuvent être très divers, allant de l’utilisation frauduleuse d’entreprises légales ou d’organisations à but non lucratif bénéficiant d’un statut officiel, à des activités criminelles ou à des violations du système commercial international. Les organisations terroristes font constamment évoluer leurs méthodes de financement afin de contourner les dispositions législatives existantes et, par conséquent, le cadre juridique doit être mis à jour en permanence. Les différences entre les législations des États membres sont généralement exploitées par les criminels et les terroristes, qui choisissent pour effectuer leurs transactions financières les pays où la législation est la plus laxiste.

3.6.

En conséquence de la mise en place du programme européen en matière de sécurité (16), de la réaction aux attentats terroristes perpétrés en Europe et ailleurs, et de l’intérêt de l’opinion publique pour les opérations de blanchiment de capitaux, de fraude et d’évasion fiscale menées par l’entremise de paradis fiscaux, la Commission a adopté de nombreuses initiatives législatives au cours des deux dernières années.

3.7.

Selon le rapport du GAFI (17), l’argent liquide est largement utilisé dans l’économie criminelle, et reste la ressource la plus importante pour financer le terrorisme. Il est difficile d’estimer le volume d’argent «blanchi» de cette manière, mais les estimations avancées dans le rapport du GAFI se situent entre quelques centaines de milliards et mille milliards d’USD par an.

3.8.

Une analyse de l’efficacité de la réglementation actuelle a révélé que le nombre d’envois d’argent liquide entrant dans l’Union ou qui en sortent restait élevé. Toutefois, les contrôles de mouvements d’argent liquide sont limités en nombre (100 000 par an pour l’ensemble des États membres), varient d’un pays à l’autre, et le nombre de cas suspects soumis à une enquête varie considérablement. Seuls neuf pays ont participé à la consultation la plus récente sur le sujet, et les données concernant tant le nombre de cas que les analyses correspondantes sont disparates et limitées.

3.9.

Des lacunes dans l’actuel règlement font que l’argent liquide envoyé par poste, messagerie ou fret n’est pas soumis à suffisamment de contrôles spécifiques. À plusieurs reprises, les autorités compétentes se sont trouvées dans la situation de ne pas disposer des outils nécessaires pour procéder à des contrôles suffisants.

3.10.

L’extension du champ d’application des contrôles et la reconnaissance du pouvoir des autorités compétentes de procéder à des contrôles et de confisquer des biens en cas de soupçon d’implication criminelle, même pour des montants inférieurs au seuil de 10 000 EUR, permettront d’améliorer la détection de cas de fraude et de recueillir des informations supplémentaires. À l’heure actuelle, les informations obtenues ne sont pas utilisées comme il se doit. Les informations sont mises à disposition de manière passive dans certains États membres, et aucune mesure n’est en place pour veiller à ce qu’elles soient traitées correctement. L’amélioration de la communication entre les autorités compétentes doit être considérée comme une nécessité: entre les autorités douanières qui sont pour l’essentiel chargées d’exécuter les contrôles, et les cellules de renseignement financier (CRF) chargées de recevoir et d’analyser les informations; entre les CRF et les autorités fiscales et judiciaires; entre les autorités compétentes des États membres et des pays tiers, en particulier de ceux qui sont responsables de l’augmentation des flux d’argent liquide illégaux en provenance et à destination de l’Union européenne, comme c’est le cas avec les paradis fiscaux.

3.11.

Les sanctions appliquées en vertu de la réglementation actuelle pour défaut de déclaration de l’argent liquide n’ont pas été harmonisées, et les analyses réalisées semblent indiquer qu’elles n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté. Le nouveau règlement exige des États membres qu’ils introduisent des sanctions en cas de manquement à l’obligation de déclaration, indépendamment de tout soupçon d’implication criminelle, ou de la question de savoir si l’argent liquide est lié à des enquêtes portant sur d’autres actes criminels ou infractions; ces sanctions doivent être communiquées à la Commission. Le CESE suggère qu’il y a lieu d’établir une procédure de communication commune pour tous les États membres. Toutefois, chaque État membre est libre de fixer ses propres sanctions. Les sanctions prévues au titre de l’article 13 doivent être harmonisées pour ne pas créer d’occasions dont pourraient se saisir des criminels agissant dans certains pays.

3.12.

La mise en œuvre du règlement et des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent susmentionnées permettra d’accroître considérablement le volume de données personnelles collectées, stockées et mises à la disposition des autorités et organismes compétents dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Si l’on veut défendre les droits fondamentaux des personnes, et en particulier en matière de protection des données à caractère personnel, il importe d’évaluer la nécessité de nouveaux mécanismes de protection, le cas échéant, de les introduire et de promouvoir l’application de sanctions pénales plus sévères à l’encontre des fonctionnaires et de tous ceux qui utilisent ces informations illégalement.

3.13.

Le type de canaux et procédures utilisé pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, y compris contre les envois d’argent liquide illicites, a conduit, à juste titre, la Commission à adopter des mesures législatives dont le champ d’application s’étend à ces deux infractions pénales. Ces dernières sont liées à d’autres infractions similaires ou de plus grande ampleur. Une coordination étroite passant par les mécanismes appropriés entre l’ensemble des autorités et organismes nationaux concernés et les États membres est essentielle à la mise en œuvre efficace du règlement et des autres mesures législatives pertinentes. Il convient de dire que la coopération entre les différentes autorités et institutions dans les États membres — police, renseignement, justice, douane et fisc — est loin d’être optimale. Le CESE est particulièrement préoccupé par le manque de coopération entre les forces de police nationales et l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), comme en témoigne le fait que la plupart des États membres n’ont toujours pas ouvert l’accès à leurs bases de données dédiées à la lutte contre le terrorisme à Europol. Par conséquent, le CESE invite les autorités de l’Union européenne et des États membres à mettre un terme à cette situation.

3.14.

Un autre obstacle important à l’application effective du règlement et des autres dispositions législatives pertinentes pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme tient à l’absence de réelle volonté politique d’éradiquer les paradis fiscaux. La preuve la plus patente en est donnée par la liste «des pays tiers à haut risque présentant des carences stratégiques» qui figure à l’annexe du règlement (UE) 2016/1675 complétant les quatrième et cinquième directives antiblanchiment. Ne figure sur la liste aucun des paradis fiscaux cumulant la majorité des transactions illicites, en particulier les flux d’argent liquide décrits dans la proposition de règlement. Le CESE se trouve contraint de réitérer sa demande formulée dans son avis ECO/408: «La Commission devrait proposer une nouvelle liste de paradis fiscaux qui fusionne en une seule liste les pays tiers et les territoires qui ne coopèrent pas à la poursuite judiciaire de la criminalité financière et du financement du terrorisme.»

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le financement du terrorisme a clairement une composante mondiale, ce qui signifie que les opérations terroristes perpétrées dans un pays sont souvent financées par des activités criminelles menées dans un autre. Des contrôles de l’argent liquide et des changements législatifs profonds sont nécessaires pour bloquer les mouvements d’argent liquide, surveiller et limiter les opérations financières, ainsi que pour faciliter la collecte d’informations importantes sur les terroristes et ceux qui les financent. Pleinement conscient de la dimension extérieure du financement du terrorisme, le CESE préconise l’engagement sans réserve de toutes les institutions de l’Union européenne dans l’ensemble des organisations internationales concernées où elles sont représentées, afin que des mesures similaires puissent être mises en œuvre à l’échelle mondiale.

4.2.

Les envois d’argent liquide demeurent le principal canal par lequel opèrent les blanchisseurs de capitaux et les criminels financiers (18). Le CESE recommande que la Commission, après avoir effectué une étude approfondie, mené une consultation de toutes les parties concernées et instauré des relations de travail étroites avec les États membres, la BCE et les banques centrales nationales, élabore un plan visant à réduire l’utilisation de l’argent liquide au sein de l’Union. La suppression des coupures de 500 EUR constitue un pas dans la bonne direction. Dans le cadre de cette étude, la question de la pertinence de fixer à 10 000 EUR le seuil d’obligation de déclaration mérite d’être examinée.

4.3.

Le CESE demande à la Commission européenne d’accroître ses efforts pour que les dispositions de la Convention de Varsovie (19) soient ratifiées dans l’ensemble de l’Union de manière cohérente. À ce jour, seuls 17 États membres, sur les 26 qui l’ont signée, l’ont ratifiée.

4.4.

Le CESE reconnaît que le règlement proposé pourrait apporter des améliorations significatives aux outils que nous utilisons pour lutter contre le financement du terrorisme, tout en ayant, dans le même temps, une incidence minimale sur les petites et moyennes entreprises européennes.

4.5.

Le CESE estime que le développement de politiques de coopération financière avec les pays du voisinage et avec ceux qui sont à l’origine des flux migratoires particulièrement denses vers l’Union est indispensable pour faciliter la transparence des transactions financières et une diminution de leurs coûts. Les obstacles et les coûts élevés des transferts d’argent (entrant et sortant) avec ces pays encouragent le recours à des envois d’argent liquide et à des transactions opaques et, partant, l’utilisation de ces méthodes à des fins criminelles.

4.6.

Les récents attentats sur le sol de l’Union européenne ont révélé que des cartes prépayées avaient été utilisées par des terroristes, entre autres pour payer des nuits d’hôtel (par exemple lors des attentats de Paris du 13 novembre 2015). Même si la valeur sociale de ces instruments est évidente — puisqu’ils permettent à des personnes vulnérables ou exclues de procéder à des paiements aussi bien en ligne que hors ligne — le CESE attire l’attention sur le risque que des terroristes ou des criminels continuent d’utiliser de tels instruments à leurs propres fins.

4.7.

Le transport illégal d’argent liquide est lié à d’autres types d’infraction: infractions fiscales, blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. La proposition de règlement de la Commission ne permet pas d’échanger régulièrement, à des fins fiscales, les données figurant dans les déclarations d’argent liquide. Le CESE estime que la poursuite de ces infractions devrait être menée dans le cadre d’une approche globale. En particulier, il considère que l’échange décrit plus haut devrait pouvoir intervenir, compte tenu du lien évident entre fraude fiscale et activités de blanchiment de capitaux, lesquelles supposent, dans de nombreux cas des mouvements d’argent liquide.

4.8.

Dans la mesure où les articles 2.2 et 14 de la proposition de règlement confèrent à la Commission le pouvoir d’adopter des actes délégués pour modifier l’annexe, notamment la section établissant que «les marchandises servant de réserve de valeur très liquide» sont considérés comme des formes d’argent liquide, le CESE estime qu’il n’y a aucune raison de limiter d’emblée cette catégorie à l’or seul. D’autres marchandises particulièrement précieuses, telles que les pierres ou les métaux précieux (bruts ou ouvragés), pourraient être intégrées à la première liste approuvée par le Parlement et le Conseil.

4.9.

Le CESE insiste sur le fait que la sécurité de nos citoyens devrait rester l’une des préoccupations principales de l’Union européenne et des États membres, quel que soit le prix de l’effort requis.

Bruxelles, le 27 avril 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 121.

(2)  COM(2016) 50 final.

(3)  Règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil (JO L 309 du 25.11.2005, p. 9).

(4)  Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73) et règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil (JO L 141 du 5.6.2015, p. 1).

(5)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 31.

(6)  COM(2016) 50 final.

(7)  COM(2016) 450 final, 2016/0208 (COD) et COM(2016) 452 final, 2016/0209 (CNS).

(8)  Règlement délégué (UE) 2016/1675 (JO L 254 du 20.9.2016, p. 1).

(9)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 121.

(10)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 127.

(11)  COM(2016) 826 — 2016/0414 (COD).

(12)  COM(2016) 819 — 2016/0412 (COD).

(13)  COM(2016) 825 final — 2016/0413 (COD).

(14)  Directive (UE) 2015/849 (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73).

(15)  Proposition pour la cinquième directive antiblanchiment.

(16)  COM(2015) 185 final.

(17)  Rapport du GAFI: Money laundering through the physical transportation of cash (Blanchiment de capitaux par le transport physique d’argent liquide), 2015.

(18)  «Why is cash still king? — A strategic report on the use of cash by criminal groups as a facilitator for money laundering» (Pourquoi l’argent liquide est-il encore roi? — Rapport stratégique sur l’utilisation d’argent liquide par les organisations criminelles pour faciliter le blanchiment des capitaux). Groupe des renseignements financiers, Europol, 2015.

(19)  Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, 2005.


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