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Document 52007AE1449

    Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Rapport de situation sur les biocarburants — Rapport sur les progrès accomplis en matière d'utilisation de biocarburants et d'autres carburants renouvelables dans les États membres de l'Union européenne COM(2006) 845 final

    JO C 44 du 16.2.2008, p. 34–43 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    16.2.2008   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 44/34


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Rapport de situation sur les biocarburants — Rapport sur les progrès accomplis en matière d'utilisation de biocarburants et d'autres carburants renouvelables dans les États membres de l'Union européenne»

    COM(2006) 845 final

    (2008/C 44/10)

    Le 10 janvier 2007, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

    La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 septembre 2007 (rapporteur: M. IOZIA).

    Lors de sa 439e session plénière des 24 et 25 octobre 2007 (séance du 24 octobre 2007), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 13 voix contre et 8 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le Comité prête la plus grande attention aux questions liées à l'efficacité énergétique, au changement climatique et à la réduction des gaz à effet de serre et approuve d'une manière générale les conclusions du Conseil européen de printemps des 8 et 9 mars 2007, qui a réaffirmé les trois fondements de la politique énergétique pour l'Europe (PEE):

    accroître la sécurité de l'approvisionnement;

    assurer la compétitivité des économies européennes et la disponibilité d'une énergie abordable;

    promouvoir la viabilité environnementale et lutter contre le changement climatique.

    1.2

    Dans le rapport de situation sur les biocarburants, la Commission fait observer qu'en l'absence d'objectifs contraignants, il ne sera pas possible d'atteindre un niveau satisfaisant d'utilisation des biocarburants. Ce rapport indique que l'objectif d'une part de marché de 5,75 % en 2010 n'est pas réalisable. En conséquence, pour répondre aux exigences définies par le Conseil, il y a lieu de fixer un objectif jugé réalisable par la Commission, à savoir 10 % d'ici à 2020, en se servant pour ce faire de la possibilité prévue à l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/30/CE, dite «clause de réexamen». Curieusement, la Commission expose les avantages d'un scénario dans lequel la part d'utilisation des biocarburants serait de 14 %, ce alors que l'objectif déclaré est de 10 %, et fait état de résultats non réalistes, comme pour «enjoliver» la communication.

    1.3

    Cela étant, les biocarburants de la première génération présentent de multiples contre-indications et ne répondent pas parfaitement aux objectifs européens. En effet, ils ont un coût de production élevé, un lourd coût environnemental, ils soustraient des céréales à l'alimentation humaine et animale et, comme l'affirme la FAO, ils ont une part de responsabilité dans l'augmentation du prix des céréales sur les marchés mondiaux.

    1.4

    L'utilisation des biocarburants de la première génération pose donc des problèmes éthiques, tels que la concurrence entre les denrées alimentaires et les carburants, problème que la Commission tend à minimiser. Le Comité insiste sur la nécessité de renforcer la coopération avec les institutions et les agences mondiales opérant dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation, telles justement que la FAO et le PAM, le Programme alimentaire mondial.

    1.5

    Ni le document de la Commission ni l'étude d'impact qui l'accompagne ne font état de difficultés significatives.

    S'agissant en particulier du biodiesel, l'on relève les problèmes suivants:

    une productivité limitée;

    des coûts élevés (0,4-0,7 EUR/l);

    des problèmes de stabilité (présence de composés oxygénés), avec des difficultés de stockage.

    Quant au bioéthanol, les inconvénients sont les suivants:

    une productivité limitée (mais moins que dans le cas du biodiesel);

    une consommation élevée d'eau et de fertilisants;

    une inadaptation au transport sur les oléoducs actuels destinés aux carburants à base de pétrole (problèmes de corrosion).

    1.6

    Le Comité souligne la nécessité d'évaluer avec soin l'impact social, environnemental et économique ainsi que les problématiques techniques liées au développement des biocarburants. Une question en particulier mérite d'être examinée, celle du rendement des matières premières destinées à la production de biocombustibles: 1 tonne de betterave à sucre permet de produire environ 400 litres de bioéthanol (près de 1 500 Mcal). Ce rendement paraît peu satisfaisant et dénote un faible niveau d'efficacité, compte tenu de l'énergie nécessaire pour convertir la biomasse en biocarburants. Il serait beaucoup plus intéressant d'utiliser la biomasse directement pour la production d'énergie électrique, pour le chauffage ou pour le transport maritime et les transports publics urbains.

    1.7

    Le Comité souligne que d'un point de vue strictement environnemental, il y a lieu de prendre en compte les risques de la déforestation et ceux liés au stockage des matières premières: les problèmes biologiques et biochimiques correspondants devront faire l'objet d'un traitement clair et attentif.

    1.8

    Le Comité soulève également un problème d'«éthique scientifique». La planète Terre est un système ouvert qui décline inexorablement vers un état d'équilibre qui coïncidera avec sa fin. Il incombe à la science de freiner cette tendance au déclin et à la politique de favoriser les mesures et les études correspondantes.

    1.9

    Le Comité recommande la réalisation d'une étude sérieuse visant à examiner dans le domaine de la chimie de la combustion, pour des molécules autres que les hydrocarbures, la formation éventuelle et le développement de radicaux libres, responsables du stress oxydatif, considéré comme un état pathologique préliminaire à des formes de maladie plus graves. Cette recommandation se justifie par le manque de données disponibles en la matière.

    1.10

    Le Comité estime indispensable de se montrer particulièrement vigilant en ce qui concerne l'entretien et la protection du sol. Sa protection est nécessaire parce qu'il assure notre survie. La baisse graduelle du niveau des nappes phréatiques et leur dégradation progressive sont provoquées par des politiques aberrantes d'exploitation et d'appauvrissement des sols. Il faut garantir l'alternance des cultures de manière à favoriser la revitalisation des sols.

    1.11

    Le Comité recommande à la Commission et à l'ensemble des institutions européennes de tenir particulièrement compte de la consommation d'eau pour la production de biocarburants. Parmi les innombrables incidences négatives du changement climatique, celle de la réduction des ressources en eau peut devenir dramatique dans certaines régions. Des études récentes de l'IWMI (International Water Management Institute) ont montré que pour produire 1 litre de biocarburants, il faut entre 1 000 litres au minimum et 4 000 litres d'eau, suivant le type de produit et la zone de production.

    1.12

    Ces préoccupations mises à part (lesquelles pourraient s'estomper pour autant que l'on adopte des mesures de contrôle et de certification des méthodes de production des biocarburants, notamment en assurant la traçabilité des produits), le Comité estime qu'il faut soutenir encore la recherche et le développement des biocarburants de la deuxième et de la troisième génération, comme le biobutanol. Le biobutanol a une faible pression de vapeur et une bonne tolérance à la contamination de l'eau dans les mélanges d'essence, qui en facilite l'utilisation dans les circuits actuels d'approvisionnement et de distribution d'essence. Le biobutanol peut être mélangé à l'essence à des concentrations supérieures à celles des biocarburants existants sans qu'il soit nécessaire de modifier les véhicules. Il offre en outre un meilleur rendement énergétique par rapport aux mélanges essence-éthanol, améliorant ainsi l'efficacité énergétique et réduisant la consommation par litre. Les carburants de la nouvelle génération sont à fort rendement énergétique et à faible coût environnemental, grâce à l'utilisation des déchets et de la biochimie, qui permet de favoriser les processus naturels de déstructuration de la cellulose, qui sont complexes et coûteux.

    1.13

    Le Comité prend également en considération les possibilités que le développement des biocarburants pourrait offrir à l'économie européenne en contribuant à la réalisation des objectifs de l'agenda de Lisbonne. Le septième programme-cadre prévoit explicitement ce domaine d'intervention, mais une plus grande synergie s'impose entre les différents acteurs concernés par cette question: les producteurs agricoles, l'industrie de transformation, mais aussi les associations de protection de l'environnement et des territoires et les organisations de travailleurs, toujours plus désireuses de combiner les questions liées au développement durable avec des modèles de plus en plus perfectionnés de responsabilité sociale des entreprises.

    1.14

    Le développement des biocarburants offre au monde agricole une opportunité qui doit être favorisée, pour autant que les agriculteurs aient eux aussi à cœur de protéger les biens environnementaux primaires et de sauvegarder les ressources communes telles que l'eau et les denrées destinées à l'alimentation humaine et animale. Il revient aux organisations agricoles de diffuser auprès du monde rural les règles qui seront définies par la communauté internationale pour réglementer la production et le commerce des biocarburants. La diffusion des pratiques de certification et de traçabilité, ainsi que le contrôle de la conformité, sont des thèmes à propos desquels l'on attend une contribution déterminante des diverses organisations agricoles, tant au niveau européen qu'au niveau national et local. S'agissant de cette question et d'autres thèmes liés à l'efficacité énergétique, à la réduction des gaz à effet de serre et au changement climatique, le Comité est disposé à établir une coopération avec les CES nationaux, qui ont déjà manifesté à plusieurs reprises leur vif intérêt pour ces problèmes et participent activement à l'élaboration de certains avis du CESE en la matière.

    1.15

    En matière de fiscalité, s'agissant en particulier des accises sur les biocarburants et des facilités offertes aux agriculteurs, à l'industrie automobile pour soutenir les nécessaires dépenses de recherche, aux consommateurs pour qu'ils puissent réaliser les interventions indispensables sur les automobiles non adaptées à l'utilisation des biocarburants, et aux producteurs mêmes de biocarburants, la foule de candidats à l'octroi d'un soutien public s'avère à l'évidence infinie. L'Allemagne a récemment réduit de manière significative les avantages fiscaux, ce qui a entraîné un recul immédiat de la consommation et des protestations tout aussi immédiates de la part de l'industrie. Un climat de sécurité et de stabilité est nécessaire aux investissements, mais les marchés des biocarburants sont encore pratiquement inexistants. En tout état de cause, les aides éventuelles ne devront pas provoquer de distorsions de concurrence.

    1.16

    S'agissant du secteur des transports, il n'est pas soumis au système des quotas d'émission. Le Comité recommande à la Commission d'étudier la possibilité d'étendre à ce secteur le système des certificats d'émission, qui peuvent constituer une incitation supplémentaire à améliorer la recherche de nouvelles solutions susceptibles de réduire les émissions polluantes. Dans un avis exploratoire sur cette question, élaboré à la demande du Vice-président BARROT, le Comité s'apprête à proposer une approche possible dans ce domaine.

    1.17

    Le Comité approuve la Résolution du PE sur une stratégie en faveur de la biomasse et des biocarburants, dans laquelle le Parlement «invite la Commission à mettre en place une certification obligatoire et exhaustive permettant une production durable de biocarburants à tous les stades [et] demande à la Commission de soutenir la mise en œuvre et l'utilisation du système de surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité (GMES) afin de contrôler l'utilisation des sols pour la production de bioéthanol, l'objectif étant d'éviter la destruction de forêts pluviales et l'apparition d'autres incidences négatives pour l'environnement».

    1.18

    Au vu des problèmes constatés dans le présent avis, le Comité demande instamment à la Commission de reconsidérer en permanence l'objectif des 10 % et d'être prête à avancer des propositions visant à le modifier si ces problèmes ne peuvent être résolus de manière satisfaisante et durable.

    2.   La communication de la Commission

    2.1

    La Commission souligne dès le début de son «rapport de situation sur les biocarburants» que pour la période 2005/2020, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 77 MT par an pour le seul secteur des transports (uniquement en ce qui concerne le CO2), soit plus de 60 % de l'augmentation totale des émissions, qui devrait être de 126 MT par an.

    2.2

    Ce rapport met en avant un autre point faible, à savoir la dépendance quasi-totale des transports vis-à-vis des importations de pétrole, qui est la source d'énergie présentant le plus de risques en termes de sécurité d'approvisionnement. Grâce à une augmentation significative de l'utilisation des biocarburants, cette dépendance devrait diminuer.

    2.3

    Le développement des biocarburants n'a pas d'incidences positives sur la réduction des gaz à effet de serre lorsque par exemple l'on convertit pour ce faire des cultures déjà existantes ou que l'on utilise des terres particulièrement riches en termes de biodiversité, comme les forêts ombrophiles.

    2.4

    En 2001, la part des biocarburants sur le marché était de 0,3 % et seuls cinq États membres avaient une expérience de leur utilisation. La directive 2003/30/CE n'imposait pas d'obligations mais prévoyait seulement pour 2010 un objectif de 5,75 % du marché de l'essence et du gazole de transport, avec un objectif intermédiaire de 2 % pour 2005.

    2.5

    Dans son article 4, paragraphe 2, la directive prévoit une clause spécifique de réexamen qui permet à la Commission, lorsque les résultats atteints s'écartent de manière significative et non justifiée de l'objectif de 2 %, de présenter une proposition d'objectifs nationaux obligatoires.

    2.6

    La politique agricole commune joue un rôle fondamental, notamment depuis la réforme de 2003 qui, en raison du découplage entre les paiements versés aux agriculteurs et les productions, a permis de réaffecter les terres retirées de la production à des cultures non alimentaires, bien souvent destinées à la production de biocarburants.

    2.7

    En 2007 sera accordé un crédit en faveur des cultures «énergétiques», en sus des mesures promouvant la valorisation énergétique du bois et des aides prévues dans le cadre de la politique de développement rural en faveur des sources d'énergie renouvelables (1).

    2.8

    La progression de l'utilisation des biocarburants a été significative, mais deux pays seulement ont atteint les objectifs visés, si bien que le résultat global est de 1 % en 2005, avec une part de 1,6 % pour le biodiesel et de 0,4 % pour le bioéthanol. Dans ces conditions, la Commission conclut que l'objectif de 5,75 % en 2010 ne sera pas atteint.

    2.9

    L'expérience a montré que des résultats concrets ont été obtenus soit grâce à la mise en œuvre de politiques d'exonérations fiscales, sans que soit limitée la quantité admissible au bénéfice de l'exonération, soit à travers des obligations imposant aux fournisseurs de commercialiser un pourcentage déterminé de biocarburants. La Commission estime que les obligations sont l'instrument le plus efficace.

    2.10

    Dans sa communication, la Commission soutient qu'«il est urgent que l'Union affiche clairement sa détermination à réduire sa dépendance à l'égard du pétrole dans les transports». Elle considère que le recours aux biocarburants, qui sont un moyen de se protéger contre les prix élevés du pétrole, représente la seule issue possible.

    2.11

    Pour être crédible vis-à-vis des producteurs de pétrole, qui vendent 300 MT sur le marché de l'UE pour le seul secteur des transports, cette détermination doit s'exprimer à travers des objectifs juridiquement contraignants.

    2.12

    La promotion collective par les 27 États membres de la recherche et du développement technologique est une stratégie plus à même de produire des résultats. La fixation d'un niveau de 10 % du marché d'ici à 2020 apparaît un objectif réalisable.

    2.13

    Pour permettre aux constructeurs automobiles de planifier leur production en conséquence, il est essentiel de créer un cadre réglementaire sûr assorti de charges administratives réduites et définissant des objectifs intermédiaires, par exemple 2015.

    2.14

    Dans le cadre de l'analyse des incidences économiques et environnementales sont envisagés divers scénarios, qui sont fonction d'une part de l'évolution des cours du pétrole, des importations et de la compétitivité des prix agricoles et d'autre part du développement de nouvelles technologies susceptibles de faire avancer la mise au point des biocarburants de la «deuxième génération», lesquels permettraient d'atténuer l'impact environnemental.

    2.15

    S'agissant des coûts, dans l'hypothèse d'une progression de l'utilisation des biocarburants jusqu'à un niveau de 14 %, le surcoût devrait être compris entre 11,5 et 17,2 milliards d'euros en 2020, pour un prix du baril de 48 dollars américains environ, et entre 5,2 et 11,4 milliards d'euros pour un prix du baril de 70 dollars américains. Le seuil de rentabilité pour le biodiesel et le bioéthanol se situe respectivement dans une fourchette de 69-76 et de 63-85 euros le baril (NDLR: 92,76-102,18 et 84,76-114,28 USD/b, taux de change au 25.5.2007 de 1,3444 USD par euro).

    2.16

    Toujours dans l'hypothèse d'une part de marché de 14 % pour les biocarburants en 2020, la réduction des coûts de stockage des réserves de pétrole permettrait de réaliser des économies jusqu'à un milliard d'euros (NDLR: 720 millions d'euros dans l'hypothèse de 10 %). La diversification des sources d'approvisionnement entre pays tiers et pays communautaires représente la meilleure solution, parallèlement à la commercialisation souhaitée des biocarburants de la deuxième génération.

    2.17

    Le scénario évoqué ci-dessus aurait des effets positifs à la fois sur l'emploi, en permettant la création de 144 000 emplois (NDLR: 100 000 emplois dans l'hypothèse de 10 %) — à supposer que la production de bioéthanol soit principalement intérieure — et sur le PIB de l'UE (croissance de 0,23 %). Enfin, les effets positifs sur les résultats de la recherche, notamment en ce qui concerne les biocarburants de la deuxième génération, contribueraient à maintenir la position concurrentielle de l'UE dans le secteur des sources d'énergie renouvelables.

    2.18

    La Commission calcule qu'avec les meilleures techniques économiquement les plus avantageuses utilisées aujourd'hui, la réduction des gaz à effet de serre devrait se situer entre 35 % et 50 %, selon la méthode de calcul «du puits à la roue». L'éthanol produit à partir de canne à sucre au Brésil permet de réduire ces émissions de 90 %, tandis que le biodiesel produit à partir d'huile de palme et de soja entraîne une diminution respective de 50 % et de 30 %. La production de biocarburants de la deuxième génération devrait induire des baisses de l'ordre de 90 %. Toujours dans l'hypothèse où les biocarburants atteindraient une part de marché de 14 %, les émissions de gaz à effet de serre devraient connaître une diminution annuelle de l'ordre de 101/103 MT CO2eq (NDLR: 71-75 MT CO2eq dans l'hypothèse de 10 %).

    2.19

    S'agissant des incidences sur l'environnement, il est estimé dans la communication qu'une part de biocarburants de 14 % est gérable, pour autant que la production ne s'effectue par sur des terres qui ne s'y prêtent pas, comme les forêts ombrophiles ou les habitats de grande valeur environnementale.

    2.20

    La Commission conclut son rapport en affirmant que le développement des biocarburants aura des effets bénéfiques notables en termes d'émissions de gaz à effet de serre et d'amélioration de la sécurité d'approvisionnement. Une politique ciblée d'incitations et de soutiens devrait permettre de conjurer les risques de l'utilisation de terres présentant un degré élevé de biodiversité ou de l'application pour la production de biocarburants de systèmes nocifs, en favorisant le développement de ceux de la deuxième génération.

    2.21

    Pour atteindre les objectifs visés, il sera nécessaire de:

    revoir la norme diesel (EN 590) et probablement aussi la norme essence (EN 228), afin de développer les possibilités de réaliser des mélanges de biocarburants avec des carburants fossiles;

    procéder sur les véhicules neufs à des aménagements (à faible coût);

    développer les technologies BTL (conversion biomasse-liquide);

    introduire l'exploitation du bois et la culture du colza;

    surveiller de manière suivie l'impact environnemental.

    2.22

    La Commission propose enfin de revoir la directive sur les biocarburants, de fixer à 10 % les objectifs minimaux pour la part des biocarburants en 2020 et de garantir l'utilisation de biocarburants efficaces et respectueux de l'environnement.

    3.   Les biocarburants — Quelques données techniques

    3.1

    Le biodiesel s'obtient par le pressage de graines oléagineuses de colza, de soja, de tournesol et par une réaction dite de transestérification qui entraîne le remplacement des composants alcooliques d'origine (glycérol) par de l'alcool méthylique (méthanol). Le bioéthanol est un alcool (éthanol ou alcool éthylique) obtenu par un processus de fermentation de divers produits agricoles riches en hydrates de carbone et en sucres tels que les céréales (maïs, sorgho, blé, orge), les plantes sucrières (betterave et canne à sucre), les fruits, les pommes de terre et le marc de raisin. Sont également considérés comme biocarburants les produits obtenus par combinaison chimique de molécules d'origine biologique avec des molécules d'origine fossile. L'exemple le plus significatif est celui de l'ETBE (éthyl-tertio-butyl-éther), obtenu par réaction entre le bioéthanol et l'isobutène.

    3.2

    L'éthanol a les caractéristiques d'un excellent carburant: il présente un indice d'octane élevé et peut être mélangé (E 5, E 10), sans qu'il soit nécessaire de modifier profondément le moteur, tandis qu'une concentration plus élevée (E 85) requiert des moteurs spéciaux.

    3.3

    Les principaux points faibles de l'utilisation de l'éthanol concernent les mélanges avec l'essence. Même dans le cas de pourcentages faibles d'éthanol, la pression de vapeur augmente de manière significative (environ 10 kPa) et avec elle les émissions de vapeur. L'affinité de l'éthanol avec l'eau peut provoquer des problèmes quant à la qualité du produit final. Il y a lieu d'éviter le mélange d'une essence ordinaire à base d'hydrocarbures avec une essence contenant de l'éthanol, en utilisant pour cette dernière un circuit logistique et de distribution séparé.

    3.4

    Le biodiesel peut être utilisé dans les moteurs diesel en mélange avec le gazole. Dans les pays européens, il est communément mélangé à raison d'un pourcentage maximal de 5 % (B5) à du gazole de qualité standard et ce mélange ne pose pas de problème de compatibilité. Un gazole à forte teneur en biodiesel (plus de 8-10 %) peut présenter des inconvénients pour les véhicules dont les joints sont en matériau polymère non compatible. Les problèmes les plus significatifs concernent les filtres à particules et à poussières fines, qui devraient subir de profondes et coûteuses modifications. C'est pourquoi, alors que certains constructeurs ont déjà adapté les caractéristiques des véhicules, d'autres limitent leurs garanties à l'utilisation de mélanges B5. Certaines propriétés hygroscopiques, détersives et de faible stabilité au stockage peuvent exiger, pour les mélanges à forte concentration, l'installation de dispositifs de protection particuliers sur les véhicules et dans les systèmes de distribution du produit.

    3.5

    La Commission défend de manière convaincante la nécessité de soutenir avec plus de détermination le développement des biocarburants. De manière réaliste, elle n'envisage pas pour l'avenir la possibilité de remplacer l'actuelle production d'essence (1,2 milliards de tonnes au niveau mondial en 2004) par des biocombustibles (46 millions de tonnes en 2005, dont 3 dans l'UE, comme il ressort du tableau ci-après), mais vise à compléter en un peu plus de 13 ans les carburants actuels par un pourcentage d'au moins 10 % de biocarburants, via l'adoption d'une directive et la fixation d'objectifs pour chaque État membre.

    2005

    Millions de litres

    États-Unis

    16 130

    Brésil

    15 990

    Chine

    3 800

    Inde

    1 700

    Union européenne

    2 900

    Autres

    5 480

    3.6

    L'hydrogène, déjà utilisé — tout au moins à titre expérimental — comme source d'énergie par certains constructeurs automobiles européens, est encore essentiellement produit ou bien par électrolyse, ou bien à partir de gaz naturel ou d'autres combustibles fossiles. Il n'y aurait donc pas dans ce cas de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Même si les recherches se poursuivent afin de produire de l'hydrogène à partir de la biomasse, notamment en recourant aux biotechnologies, ou encore à partir de sources d'énergie renouvelables, la diffusion et la commercialisation éventuelles de véhicules fonctionnant à l'hydrogène dépend également du coût élevé de l'achat des piles à combustible. Mais pour que l'hydrogène devienne une énergie alternative économiquement viable, il y a lieu d'abaisser les coûts de production. Une recherche est en cours à l'University of New South Wales pour essayer d'atteindre cet objectif en utilisant des panneaux solaires spécifiques faits de céramique à base d'oxyde de titane. Le titane est un matériau très répandu dans le secteur de l'hydrogène solaire: il a toutes les qualités d'un semi-conducteur et il est résistant à l'eau. Mais à l'état naturel, s'il n'est pas traité, il reste encore insuffisamment efficace.

    4.   Observations générales

    Quelques inconvénients

    4.1

    La Commission, alors qu'elle en expose les avantages éventuels, évite d'attirer l'attention sur les problèmes et les inconvénients liés au développement des biocarburants, même si elle émet de temps à autres certaines mises en garde. Le Comité estime quant à lui qu'il convient d'analyser soigneusement et attentivement la proposition de la Commission, afin d'éviter qu'en essayant de résoudre un problème, l'on provoque d'autres difficultés plus graves encore, ou que l'on ne montre pas, à côté des aspects positifs, également les inconvénients. Il est singulier que pour mettre en avant les bénéfices de la proposition, l'on parte d'un scénario irréaliste, celui d'atteindre d'ici à 2020 une part de 14 %! Si l'on atteignait l'objectif de 10 %, les bénéfices seraient objectivement plus limités.

    4.2

    Ni le document de la Commission ni l'étude d'impact correspondante ne font état d'inconvénients significatifs. D'une manière générale, par exemple, la question de l'élimination des déchets de la production de biocarburants doit être modernisée et évaluée à la lumière des systèmes modernes de piles à biocombustibles (biofuel cells) et des technologies électroniques liées à la production.

    4.3

    S'agissant en particulier du biodiesel, l'on observe:

    une productivité limitée;

    des coûts élevés (0,4-0,7 EUR/l);

    des problèmes de stabilité (présence de composés oxygénés), avec des difficultés de stockage.

    4.4

    S'agissant du bioéthanol, l'on observe:

    une productivité limitée (mais moins que dans le cas du biodiesel);

    une consommation élevée d'eau et de fertilisants;

    une inadaptation au transport sur les oléoducs actuels destinés aux carburants à base de pétrole (problèmes de corrosion).

    Les avantages en revanche concernent la possibilité d'élargir le cycle des cultures en alternant les cultures traditionnelles, alimentaires, destinées à la consommation humaine et animale, avec d'autres cultures spécifiques destinées à la production de biomasse à des fins énergétiques. Il importe que cette évolution se fasse en prêtant particulièrement attention aux productions régionales. Les productions européennes sont en tout état de cause soumises aux règlements en matière de protection des sols et d'utilisation de fertilisants.

    4.5

    Les biocombustibles demandent des cultures appropriées, développées à grande échelle. Mais pour ce faire il faut sacrifier d'autres cultures plus essentielles à la satisfaction du besoin des pays les plus pauvres d'obtenir des denrées alimentaires à un coût aussi bas que possible. L'hypothèse de l'utilisation de la cellulose comme produit de base pour la production de biocarburants est intéressante, mais il y a lieu de souligner que la production nécessite un traitement physico-chimique préalable (sorte d'explosion en masse) afin de rendre la cellulose réactive au processus de biotransformation. Il convient enfin d'attirer l'attention sur la question des résidus et des catalyseurs usés, qui aggravent le problème de l'élimination des déchets en aval de ces processus.

    4.6

    Pour une utilisation sur une large échelle, on peut envisager d'employer le glycérol comme combustible, soit brut, soit pur, ou encore mélangé à d'autres combustibles. Cette solution présente notamment les inconvénients suivants: le coût du glycérol s'il est utilisé à l'état pur, le coût du processus de transformation dans le cas de glycérol brut, le faible pouvoir calorique et dans tous les cas la nécessité de détruire les substances toxiques qui se forment durant la combustion (principalement l'acroléine, également connue sous l'appellation d'aldéhyde acrylique).

    4.7

    Une autre solution pourrait consister à recourir à la modification génétique de certains organismes susceptibles de rendre certaines cultures particulièrement adaptées au processus de biotransformation, avec des rendements accrus et par voie de conséquence une baisse de la consommation énergétique lors de la production. L'ingénierie génétique pourrait également être mise à contribution pour modifier les organismes capables de faciliter l'utilisation de la cellulose.

    4.8

    D'un point de vue technique se pose également la question du rendement des matières premières destinées à la production de biocombustibles: à partir d'1 tonne de betterave à sucre, l'on obtient environ 400 litres de bioéthanol (soit environ 1 500 Mcal). Un tel résultat peut-il être considéré comme suffisant pour l'obtention d'un bilan globalement positif, compte tenu des risques et des inconvénients potentiels pour l'environnement de l'utilisation de cette forme d'énergie?

    4.9

    Un autre aspect ne doit pas être négligé, celui des procédés d'extraction et de leur sélectivité et celui des procédés de fermentation, relativement coûteux s'ils tendent expressément à l'obtention d'un produit final de qualité. D'autre part, la présence éventuelle d'impuretés dans le combustible pourrait avoir au moment de son utilisation une incidence économique négative bien supérieure en termes de réactions secondaires, de la qualité du combustible obtenu et de caractéristiques des déchets et des résidus produits.

    La protection de l'environnement

    4.10

    D'un point de vue strictement environnemental, il y a lieu de prendre en compte les risques de la déforestation (comme c'est le cas en Malaisie et en Indonésie, pour la production d'huile de palme, ou au Malawi et en Ouganda, avec la culture du jatropha dans des zones destinées à la production alimentaire ou dans des zones de forêt pluviale particulièrement dignes de protection) et ceux liés au stockage des matières premières. Les problèmes biologiques et biochimiques correspondants devront faire l'objet d'un traitement clair et attentif.

    4.11

    Il existe en outre une dimension «éthique» qui mérite d'être encore approfondie: la concurrence entre les produits alimentaires et les carburants. Le prix des matières premières nobles telles que le blé, le maïs, le riz augmente inexorablement en raison de la demande croissante des «distilleries» de biocarburants (rapport FAO et PAM 2007). Au Mexique, le prix des «tortillas» a augmenté de 60 %, ce qui a entraîné des troubles importants et des manifestations de protestation. La hausse du prix du soja provoque une montée du prix de la viande en Chine, qui a connu une majoration de 43 % depuis le début de l'année, et des œufs, qui ont augmenté de 16 %. La hausse du maïs et de l'avoine a été respectivement de 40 et de 20 %. En Inde, la cote des céréales est montée de 10 % et le blé a augmenté de 11 %. Aux États-Unis également, la volaille, les œufs et le lait augmenteront respectivement de 10 %, 21 % et 14 %, selon le département de l'agriculture américain. Si à l'avenir la valeur des céréales utilisées comme carburant devait dépasser leur valeur en tant qu'aliments, le marché se tournera vers le secteur de l'énergie et le prix des aliments s'accroîtra avec celui du pétrole, ce qui accroîtra le risque de pénurie alimentaire au niveau européen également.

    4.12

    Le développement des installations de production (selon les États-Unis, 79 nouvelles usines sont en construction, qui viennent s'ajouter aux 116 actuellement en activité) induira une croissance exponentielle de la consommation de céréales, évaluée par l'EPI (Earth Policy Institute) à quelque 139 millions de tonnes, soit le double des estimations de l'USDA (Département de l'agriculture américain). Si l'on considère que le rendement est de 110 gallons d'éthanol (416,19 litres) par tonne de maïs (ce qui représente un peu plus de quatre pleins pour un «SUV» (véhicule utilitaire de sport — Sport Utility Vehicle), alors la question se présente sous un jour véritablement préoccupant.

    4.13

    Dans un récent avis (2), le Comité a en outre souligné la nécessité de préserver la biodiversité et en particulier les forêts humides, qui non seulement abritent une faune qui sinon serait irrémédiablement condamnée à disparaître, mais qui constituent le seul poumon vert qui subsiste sur la planète. Les cultures intensives de canne à sucre au Brésil et de palmiers à huile en Malaisie et en Indonésie, qui sacrifient quotidiennement des centaines d'hectares de forêts pour les vouer à la monoculture, doivent cesser.

    4.14

    Il existe également un problème d'«éthique scientifique». La planète Terre est un système ouvert qui décline inexorablement vers un état d'équilibre qui coïncidera avec sa fin. Il incombe à la science de freiner cette tendance au déclin et à la politique de favoriser les mesures et les études correspondantes.

    4.15

    Il importe de déterminer précisément les coûts de ces développements, non seulement sur le plan économique, mais aussi les coûts environnementaux et sanitaires. D'importants efforts doivent être déployés afin d'évaluer et d'étudier au mieux l'impact de cette évolution.

    4.16

    Dans le domaine de la chimie de la combustion, il faut examiner avec soin, pour des molécules autres que les hydrocarbures, la formation éventuelle et le développement de radicaux libres en raison du stress oxydatif lié à ces processus (les radicaux libres étant l'un des principaux facteurs à l'origine des maladies cancéreuses). L'on ne dispose pas de données fiables quant à leur augmentation éventuelle en liaison avec la production des biocarburants.

    4.17

    Il est essentiel d'entretenir et de protéger le sol. Sa protection est nécessaire parce qu'il assure notre survie. La baisse graduelle du niveau des nappes phréatiques et leur dégradation progressive sont provoquées par des politiques aberrantes d'exploitation et d'appauvrissement des sols. Il faut garantir l'alternance des cultures de manière à favoriser la revitalisation des sols.

    La sécurité alimentaire

    4.18

    S'agissant de la sécurité alimentaire, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO, lors de sa 33e session tenue à Rome du 7 au 10 mai 2007, a consacré un important chapitre à cette question. On peut ainsi lire au point 45 que «La bioénergie offre des opportunités mais présente des risques pour les quatre dimensions de la sécurité alimentaire, à savoir la disponibilité, l'accès, la stabilité et l'utilisation. Les conséquences de la bioénergie pour la sécurité alimentaire dépendront de l'ampleur et du type de système considéré, de la structure des marchés des produits de base et de l'énergie, et des politiques concernant l'agriculture, l'énergie, l'environnement et le commerce. Les progrès technologiques sont rapides dans le secteur de la bioénergie et sont pour beaucoup dans l'incertitude qui entoure les perspectives de sécurité alimentaire».

    4.19

    Toujours dans ce rapport, la FAO souligne que «la principale caractéristique des marchés des produits alimentaires et fourragers en 2006 a été la flambée des prix des céréales, en particulier du blé et du maïs, lesquels avaient atteint en novembre des niveaux jamais vus depuis une décennie. Les mauvaises récoltes enregistrées dans de grands pays producteurs et la croissance rapide de la demande de biocombustibles ont été les principaux facteurs ayant une influence sur les marchés céréaliers. Des problèmes d'approvisionnement ont par ailleurs prévalu en ce qui concerne l'économie du riz».

    4.20

    La Chine a elle aussi pris récemment des mesures pour réduire la production d'éthanol à partir de maïs, comme le rapporte le journal en ligne Asia Times Online du 21 décembre 2006: «En Chine, le plus important est de nourrir nos 1,3 milliards d'habitants, après quoi nous soutiendrons la production de biocarburants», a déclaré Wang XIAOBING, responsable du ministère de l'agriculture.

    4.21

    En Italie, le journal La Repubblica a publié le 20 juillet 2007 un article intitulé «La guerre entre les biocarburants et les spaghettis». L'envolée du maïs destiné à la production de biocarburants entraînera une augmentation du prix des pâtes de 20 %. Le prix du blé dur, principal composant des pâtes italiennes, s'est accru de plus de 30 % depuis que les agriculteurs ont abandonné cette culture pour passer à celle du maïs pour la production de bioéthanol. Le bushel (27 kg) de blé à la bourse de Chicago est passé de 3,6404 $ le 3 avril 2007 à 5,64 $ le 14 juin dernier. Les Italiens, qui sont les premiers consommateurs au monde avec 28 kg par habitant et par an, ainsi que les premiers producteurs, avec 3,2 millions de tonnes, sont très sensibles à ces variations de prix.

    L'eau

    4.22

    Le problème de la consommation d'eau pour la production de biocarburants a lui aussi été négligé. Des études très récentes de l'IWMI (International Water Management Institute — Institut international de gestion des ressources en eau), publiées le 10 mai 2007, montrent ainsi qu'au Sri Lanka, de 1 000 à 4 000 litres d'eau sont nécessaires pour produire 1 litre d'éthanol, en fonction du type de plante et des techniques de production utilisées. Au Brésil, on estime à 2 200 litres d'eau la quantité nécessaire pour produire 1 litre d'éthanol, tandis qu'en Inde, en l'absence de pluies abondantes et compte tenu de la nécessité d'irriguer, il faut 3 500 litres d'eau d'irrigation pour produire le même litre d'éthanol! Ces données sont confirmées par l'«UNESCO-IHE Institute for Water Education», institut international de Delft créé en 2003, qui collabore avec l'université locale, ainsi que par des études récentes de l'université du Colorado, faculté d'agronomie, qui met au point des variétés spéciales de maïs nécessitant moins d'eau. Les données reprises ici peuvent également être consultées sur le site www.waterfootprint.org.

    4.23

    En Europe, le problème de l'eau concerne surtout les régions du Sud, qui souffrent depuis de nombreuses années déjà de pénurie hydrique, et qui, du fait de l'augmentation de la température et de l'évaporation qui en résulte, vont voir leurs problèmes s'aggraver, tandis que, pour l'instant du moins, ce problème ne semble pas toucher les régions du Nord.

    Les coûts

    4.24

    Le tableau ci-dessous (présenté par M. Mario MARCHIONNA de l'ENI lors d'un récent congrès organisé par l'AIDIC — Association italienne de l'ingénierie chimique) établit une comparaison des coûts, à valeur énergétique égale, entre les carburants fossiles et les biocarburants.

    Comparaison de coûts entre certains composants de biocarburants

    (à valeur énergétique égale)

    Prix de référence: Brent = 70 (56) $/bl

    Carburant

    Équivalent €¢/lt

    Essence  (3)

    39 (31)

    Bioéthanol

    UE

    75

    Brésil

    39

     États-Unis

    47

     Italie

    (Val padana)

    70-75

    Gazole  (4)

    46 (37)

    Biodiésel

     UE

    78

     Malaisie

    48

     États-Unis

    60

     Italie

    78

    4.25

    La Commission estime que pour produire au sein de l'UE les biocarburants nécessaires à la réalisation de l'objectif de 10 % en 2020, 18 millions d'hectares cultivables devraient être mis à contribution:

    7 millions d'hectares de terres non cultivées,

    7 millions d'hectares via la reconversion de terres destinées à la production de céréales et bénéficiant d'aides à l'exportation,

    4 millions d'hectares qui devraient être retirés de l'utilisation agricole.

    Des avantages pour les pays pauvres?

    4.26

    La Commission soutient que l'utilisation accrue des biocarburants pourra être très profitable, en particulier pour les pays en voie de développement, qui pourront développer leurs productions destinées à l'exportation. Toutefois, les agriculteurs africains se montrent préoccupés par le retour économique des investissements effectués jusqu'ici. Le journal African Agriculture publie dans son numéro de mai 2007 un article consacré au jatropha (qui est un arbuste fournissant des graines oléagineuses toxiques pour l'homme, mais qui produisent un biodiesel de qualité raisonnable et qui ne requièrent pas de soins particuliers). Cet article, intitulé précisément «L'engouement pour le jatropha serait-il illusoire?», soulève de fortes interrogations.

    4.27

    Les associations environnementalistes africaines font elles aussi entendre leur voix, comme le rapporte l'hebdomadaire The East African Business (journal en ligne publié par le principal groupe éditorial kenyan, Nation Media Group) dans son numéro du 7 mai 2007. En Ouganda, la déforestation s'accroît de 2,2 % par an, pour une moyenne mondiale de 0,2 % par an. À ce rythme, la déforestation risque d'être totale d'ici à 2040. Un groupe d'activistes de la société civile a formé une coalition appelée «Save Mabira», du nom de la forêt que le gouvernement ougandais a décidé de concéder à la Sugar Corporation of Uganda Ltd., afin de disposer de davantage de terres pour la culture de la canne à sucre, destinée à la production de bioéthanol. Un quart de la forêt vierge, la plus vaste du pays, à savoir 7 100 ha, sera sacrifié pour produire quelques tonnes de bioéthanol, peut-être destinées précisément aux autobus écologiques européens!

    4.28

    La Commission ne dit pratiquement rien à ce sujet, se contentant de déclarer en passant qu'il faut s'opposer d'une façon ou d'une autre à l'utilisation de terres destinées à la production de denrées alimentaires et à l'exploitation d'habitats de grande valeur naturelle, les solutions devant selon elles être recherchées dans la mise en œuvre de politiques économiques dissuasives. À dire vrai, la Commission paraît adopter une attitude assez timorée dans ce contexte. Le Comité exprime sa profonde préoccupation face à ces risques environnementaux, qui devraient aller de pair avec une prolifération des cultures d'OGM qui, utilisées dans ce but, pourraient sembler plus acceptables. Le risque de propagation des OGM est réel et ce n'est qu'après avoir réalisé toutes les études scientifiques qui s'imposent quant à leurs risques, tout en sauvegardant la biodiversité subsistant dans l'UE, que l'on pourra évaluer leur utilisation.

    4.29

    Le Comité juge indispensable d'intensifier la coopération avec les organismes internationaux œuvrant à la lutte contre la faim dans le monde, notamment la FAO et le PAM, le Programme alimentaire mondial, et déplore que la Commission ait omis dans son analyse d'impact de se mettre en rapport avec ces agences internationales qui effectuent un travail sérieux dans ce domaine, sans faire l'impasse sur toutes les difficultés et les risques liés au développement des biocarburants, notamment pour ce qui est de la consommation d'eau.

    Le Conseil européen

    4.30

    Le Comité prend acte des conclusions du Conseil de printemps des 8 et 9 mars 2007, qui a accordé une large place à la politique énergétique pour l'Europe (PEE), dont les trois principaux objectifs sont les suivants:

    accroître la sécurité de l'approvisionnement;

    assurer la compétitivité des économies européennes et la disponibilité d'une énergie abordable;

    promouvoir la viabilité environnementale et lutter contre le changement climatique.

    4.31

    Le Conseil européen soutient et fait siennes les propositions de la Commission en matière énergétique en général et concernant les biocarburants en particulier, même si la formule utilisée, relative à l'objectif contraignant de 10 %, présente une large marge d'incertitude: «Le caractère contraignant de ce seuil se justifie, sous réserve que la production ait un caractère durable, que des biocarburants de deuxième génération soient mis sur le marché et que la directive sur la qualité des carburants soit modifiée en conséquence, pour prévoir des niveaux de mélange adéquats».

    4.32

    Il sera extrêmement important de comprendre comment les limites qui restreignent ce caractère contraignant pourront être effectivement utilisées par les États membres. En particulier, la référence à la disponibilité sur le marché de biocarburants de la deuxième génération apparaît à ce jour poser un réel problème. La conversion des établissements industriels actuels, de ceux en phase avancée de construction et de ceux prévus dans les années à venir, qui produisent des biocarburants de la première génération selon des processus très différents de ceux nécessaires pour la deuxième génération, est très coûteuse. Cela signifie qu'en l'absence d'une telle disponibilité, le caractère contraignant de la décision du Conseil sera réduit à néant. S'agissant de la durabilité, il faudra adopter, parallèlement aux directives existantes, d'autres actes législatifs européens afin de garantir que les productions de biomasse répondent strictement aux critères fixés et que les productions destinées à la fourniture de biocarburants n'entrent pas en compétition avec celles réservées à l'alimentation humaine et animale. En ce qui concerne les modifications à apporter à la directive sur la qualité des carburants, la procédure est plutôt complexe et il reviendra aux organismes de normalisation de s'en charger, notamment le CEN, qui devra analyser les problèmes correspondants au moyen des techniques spécifiques appropriées.

    Les biocarburants de la deuxième génération

    4.33

    En ce qui concerne les biocarburants de la deuxième génération, certaines solutions sont déjà possibles pour la production d'éthanol, soit par un processus biologique de fermentation et de distillation, soit par un processus thermochimique de gazéification de la biomasse pour l'obtention de gaz de synthèse (H2 + CO) qui par fermentation produit de l'éthanol et crée de l'énergie au moyen d'un cycle combiné ou par cogénération. Une première installation ayant une capacité de 180 000 t/a sera opérationnelle dès cette année à Porvoo en Finlande et une autre est programmée pour la fin 2008, toujours dans la même localité. Ces processus présentent toutefois un rendement énergétique très faible, quand il n'est pas négatif, comme il arrive parfois. C'est pourquoi a été explorée la possibilité de recourir à un processus photochimique, en utilisant la lumière solaire comme source d'énergie et des catalyseurs adaptés capables d'en exploiter les propriétés. Le biobutanol représente une solution possible pour les biocarburants de la nouvelle génération. Le biobutanol a une faible pression de vapeur et une bonne tolérance à la contamination de l'eau dans les mélanges d'essence, qui en facilite l'utilisation dans les actuels circuits d'approvisionnement et de distribution d'essence. Le biobutanol peut être mélangé à l'essence à des concentrations supérieures à celles des biocarburants existants sans qu'il soit nécessaire de modifier les véhicules. Il offre en outre un meilleur rendement énergétique par rapport aux mélanges essence-éthanol, améliorant ainsi l'efficacité énergétique et réduisant la consommation par litre. Le biobutanol peut être produit en utilisant la filière et les installations de production du bioéthanol.

    4.34

    Le septième programme-cadre a consacré des ressources importantes au développement de ces technologies, qui présentent des caractéristiques très intéressantes et produisent des biocarburants «propres»:

    ils ne contiennent ni soufre ni composés aromatiques polycycliques;

    ils sont stables;

    ils entraînent des émissions très faibles;

    ils ont un indice de cétane très élevé (85-100);

    ils dépassent les limites d'utilisation à basse température de certains types de biocarburants;

    ils peuvent être ajoutés au diesel normal en proportions très élevées (jusqu'à 60 %);

    leurs caractéristiques techniques sont déjà définies et ils figurent dans la liste des biocarburants à l'article 2, paragraphe 2 de la directive 2003/30/CE.

    Le CESE estime que l'Europe devrait allouer davantage de ressources financières à la recherche sur les biocarburants de deuxième génération.

    5.   Observations particulières

    5.1

    Le Comité approuve les objectifs de la PEE, lesquels nécessitent de mobiliser les financements nécessaires aux investissements en faisant appel aux institutions financières européennes.

    5.2

    Le Comité estime nécessaire d'accorder une attention particulière à la recherche dans le secteur des biocarburants, en particulier ceux de la deuxième génération, sans sacrifier d'autres possibilités telles que celles liées au développement de l'hydrogène solaire ou de l'hydrogène tiré du traitement de la biomasse.

    5.3

    Le Comité recommande de prêter une attention particulière au respect de la biodiversité et à l'utilisation exclusive de cultures non alimentaires pour la production de biocarburants, pour prévenir le risque d'une concurrence entre les denrées alimentaires et les carburants, ce alors que des millions d'êtres humains continuent à manquer de nourriture et meurent de faim. Le rapport de la FAO précité affirme en effet dans ses conclusions: «Il reste dans le monde 854 millions de personnes sous-alimentées, ce qui est considérable et témoigne de l'insuffisance des progrès vers l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation et vers les Objectifs du Millénaire pour le développement. Alors que de nombreux pays, en particulier en Afrique subsaharienne, auraient la possibilité de réduire le nombre de personnes qui souffrent de la faim, ce chiffre reste menacé par l'augmentation des prix alimentaires, un resserrement potentiel des marchés céréaliers, les conflits, les maladies et le changement climatique». Les chercheurs américains Ford RUNGE et Benjamin SENAUER de l'université du Minnesota estiment, sur la base de l'évolution du prix des céréales à usage alimentaire, que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde, au lieu de descendre à 600 millions en 2025, comme prévu, devrait doubler, pour atteindre 1 milliard 200 millions!

    5.4

    Pour atteindre les objectifs de protection de l'environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'optimisation de la consommation d'énergie, d'utilisation d'énergies alternatives, d'indépendance énergétique et de sécurité d'approvisionnement, le Comité propose que les produits qui plus que d'autres contribuent fortement à la réalisation de ses objectifs fassent l'objet d'un traitement différencié (incitations fiscales, administratives, etc.).

    5.5

    Le Comité considère qu'en l'état actuel des choses, les technologies existantes nécessitent une consommation très élevée d'énergie, d'eau et de superficies (le rendement à l'hectare est tel que si l'on réservait un tiers de la superficie totale du territoire italien à la culture de colza, l'on obtiendrait une quantité de biodiesel juste suffisante pour remplacer 10 % de la consommation totale de produits pétroliers en Italie et 40 % de la consommation de gazole destiné aux transports).

    5.6

    Le Comité estime que la proposition de directive doit s'accompagner d'un vaste et ambitieux processus d'évaluation de l'impact économique, environnemental et social qui, pour le moment en tout cas, ne semble pas être aussi approfondi que la question le mériterait.

    5.7

    Il est fondamental, pour ne pas réduire à néant les effets de la lutte contre la pollution, d'obtenir les biocarburants au moyen de produits agricoles nationaux «zéro kilomètre». Ces produits ne doivent pas être transportés d'un pays à l'autre sur de longues distances, avec pour corollaire une consommation importante de combustibles fossiles. La récupération d'énergie à partir des résidus agroalimentaires pose des problèmes liés d'une part à leur grande dispersion sur le territoire, qui nécessiterait des déplacements coûteux vers les centres de traitement, et d'autre part à leur contenu élevé en eau, qui impose de traiter des volumes importants. Pour ces raisons, le traitement de ces biomasses devrait de préférence s'effectuer sur place.

    5.8

    Le Comité estime qu'il convient de soutenir la recherche dans le domaine des technologies liées aux piles à biocombustibles (biofuel cells), c'est-à-dire les piles à combustible biologique qui utilisent des biocatalyseurs pour convertir l'énergie chimique en énergie électrique. Ce processus de production d'énergie au moyen de piles permet de récupérer tous les électrons que la plante dont est tirée la biomasse a accumulés lors du processus de photosynthèse (24 électrons par molécule de glucose oxydée en CO2 et en eau).

    5.9

    Le Comité partage les estimations du Parlement européen qui, dans sa Résolution sur une stratégie en faveur de la biomasse et des biocarburants adoptée à Strasbourg le 14 décembre 2006, soulignait dans ses «considérants» que «le secteur des transports est responsable de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, bien que ce secteur ne soit pas repris dans le mécanisme d'échange de quotas d'émissions; …». Le Comité recommande dès lors à la Commission d'examiner la possibilité d'étendre l'application du système des certificats blancs au secteur automobile.

    5.10

    Dans cette même résolution, le Parlement européen «invite la Commission à mettre en place une certification obligatoire et exhaustive permettant une production durable de biocarburants à tous les stades, comprenant des normes pour les phases de la culture et de la transformation, ainsi que pour le bilan au regard des émissions de gaz à effet de serre tout au long de leur cycle de vie, et s'appliquant de la même façon aux biocarburants produits au sein de l'Union et à ceux importés vers l'Union [et] demande à la Commission de soutenir la mise en œuvre et l'utilisation du système de surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité (GMES) afin de contrôler l'utilisation des sols pour la production de bioéthanol, l'objectif étant d'éviter la destruction de forêts pluviales et l'apparition d'autres incidences négatives pour l'environnement». Le Comité approuve et soutient les propositions du Parlement européen.

    5.11

    Le Comité souligne que le parc automobile de certains États membres ayant adhéré récemment à l'UE est particulièrement obsolète et se compose des véhicules usagés les moins performants des marchés plus riches. Le revenu par habitant de ces pays est plutôt bas, comme c'est également le cas pour des couches importantes de la population des pays à revenu par habitant plus élevé. Cela signifie qu'il n'est pas possible d'imposer des obligations et des coûts à ces citoyens européens pour lesquels l'automobile représente un indispensable outil de travail.

    5.12

    Le Comité est d'avis que les biocarburants, à condition que leur production soit strictement contrôlée afin d'éviter les risques environnementaux et sociaux exposés dans le présent avis, peuvent apporter dans la période actuelle un soutien au marché des carburants, mais ne peuvent pas représenter une réponse structurelle aux demandes émanant de ce secteur. Au vu des problèmes potentiels constatés dans le présent avis, le Comité estime que la Commission devrait reconsidérer en permanence l'objectif des 10 % et être prête à proposer de le modifier si ces problèmes ne peuvent être résolus de manière satisfaisante et durable.

    Bruxelles, le 24 octobre 2007.

    Le Président

    du Comité économique et social européen

    Dimitris DIMITRIADIS


    (1)  À l'heure actuelle, il semble que soient confirmés les mêmes chiffres que l'an dernier, sans la moindre augmentation, et la Commission a récemment fait part de ses doutes concernant le maintien de ce crédit en 2008.

    (2)  Avis du CESE sur la communication de la Commission «Enrayer la diminution de la biodiversité à l'horizon 2010 et au-delàPréserver les services écosystémiques pour le bien-être humain», JO C 97 du 28.4.2007.

    (3)  Pour l'essence, l'indicateur de référence est le Platt's CIF High Méditerranée.

    (4)  Pour le gazole, l'indicateur de référence est le Platt's CIF High Méditerranée.


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