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Document 52006AE0597

    Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux informations concernant le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds (COM(2005) 343 final — 2005/0138 (COD))

    JO C 185 du 8.8.2006, p. 92–96 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    8.8.2006   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 185/92


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux informations concernant le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds»

    (COM(2005) 343 final — 2005/0138 (COD))

    (2006/C 185/16)

    Le 26 septembre 2005, le Conseil, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

    La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 23 mars 2006 (rapporteur: M. BURANI).

    Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 85 voix pour, 15 voix contre et 6 abstentions.

    1.   Introduction

    1.1

    La proposition à l'examen vise à transposer la recommandation spéciale VII (RS VII) du Groupe d'action financière (GAFI) dans le droit communautaire. Cette recommandation a pour objectif «d'empêcher les terroristes et autres criminels d'avoir un accès sans entrave aux virements électroniques lors du déplacement de leurs fonds et de détecter ces abus lorsqu'ils se produisent» (1). Elle fait partie d'une série de dispositions législatives et réglementaires visant d'une part le gel des avoirs terroristes  (2) et d'autre part la prévention du blanchiment de capitaux provenant d' activités terroristes  (3).

    1.2

    En substance, les mesures proposées par la Commission dans le document à l'examen sont présentées de façon simple mais sont denses en contenu et leur mise en œuvre s'avère lourde de conséquences. La proposition prévoit l'obligation pour les «prestataires de services de paiement» — concrètement, les institutions financières procédant aux virements de fonds — de collecter les informations concernant le donneur d'ordre: celles-ci doivent accompagner les virements de fonds et être transmises par le prestataire du donneur d'ordre au prestataire du destinataire final (ou bénéficiaire). Cette règle s'applique aux mouvements de capitaux au sein de l'UE et, sauf rares exceptions et dérogations, aux virements à destination et en provenance de pays tiers.

    1.3

    Le CESE souscrit pleinement à la nécessité d'un règlement tirant sa légitimité de l'article 95 du Traité. Cette solution a également reçu un accord préalable des États membres et du secteur des prestataires des services de paiement. Il existe un consensus général sur l'opportunité d'adopter un instrument d'application directe tel que le règlement plutôt qu'une directive, dont la transposition dans les législations nationales ne saurait être homogène. Les actions prévues dans le document de la Commission sont, d'une façon générale, correctes et rationnelles. Le CESE reste cependant perplexe quant à leur efficacité réelle, du moins à court terme.

    1.4

    Le CESE estime en effet que ce règlement présente certaines «insuffisances», ce pour deux raisons essentielles: il laisse aux prestataires de services de paiement une grande marge d'évaluation individuelle et prévoit des modalités techniques très faciles à contourner par les criminels.

    2.   Observations générales et commentaires

    2.1

    Le problème de la lutte contre les activités illégales (euphémisme — qu'il serait d'ailleurs temps d'abandonner — utilisé dans le jargon communautaire pour désigner les activités du crime organisé) a été soulevé pour la première fois de façon organique, du moins d'un point de vue conceptuel, par le Conseil de Dublin en 1996. Les débats sur ce thème ont débouché sur l'adoption d'un programme d'action par le Conseil d'Amsterdam en 1997 (4). Il s'agissait d'une trentaine de recommandations détaillées et coordonnées qui auraient dû être mises en œuvre en 1998 au plus tard et qui après huit ans n'ont pour la plupart toujours pas été concrétisées.

    2.2

    Le concept de «criminalité organisée» a évolué depuis sa création: en 1998, l'OLAF (5) (UCLAF à l'époque) a attiré l'attention sur la fraude fiscale de grande envergure perpétrée par le crime organisé au détriment des intérêts financiers de la Communauté. Plus tard, à la suite des événements du 11 septembre et des attentats qui ont suivi, le concept a été élargi clairement et fermement aux actes de terrorisme.

    2.3

    Le groupe d'action financière (GAFI) mis en place par les pays industrialisés du G8, qui jusqu'à ce jour constitue le premier intermédiaire entre les gouvernements, s'est mis au diapason de l'évolution des mentalités et de l'adaptation des actions menées sur le terrain. Créé afin de lutter contre le blanchiment de capitaux du fait du crime organisé, le GAFI est désormais compétent pour toutes les activités financières liées au terrorisme: les neuf recommandations spéciales, qui ont pour la plupart donné lieu à des textes communautaires relatifs au blanchiment et aux systèmes de paiement, revêtent une importance non négligeable. La proposition de règlement à l'examen constitue la transposition de la recommandation spéciale VII relative aux virements électroniques effectués par des terroristes «et autres criminels».

    2.4

    L'adoption du principe selon lequel les activités financières illégales, qu'elles soient liées au terrorisme ou au crime organisé, constituent un phénomène mondial contre lequel il faut lutter de façon coordonnée aurait le mérite d'apporter une clarification linguistique qui s'avère importante notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des actions de lutte sur le terrain. Il arrive que la priorité soit accordée à l'un ou l'autre, tant au niveau communautaire qu'au niveau national: la multitude d'initiatives adoptées dans ce domaine parlent tantôt de «crime organisé, y compris le terrorisme» tantôt de «terrorisme et autres activités criminelles». Il n'est pas toujours facile — pour les enquêteurs et à plus forte raison pour les prestataires de services de paiement — de classifier les activités financières illégales selon des catégories bien précises, d'autant que dans certains domaines, le terrorisme a développé des liens étroits avec le crime organisé et inversement: trafic d'armes et de drogue, immigration clandestine, falsification de billets et de documents, entre autres.

    2.5

    En ce qui concerne la lutte contre les activités financières illégales, le crime organisé et le terrorisme constituent donc deux aspects d'un même phénomène. Le fait que cette réalité semble parfois ignorée est notamment due à l'introduction de la proposition de règlement à l'examen, qui parle à plusieurs reprises de «lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme». Sans entrer pour l'instant dans les détails des mesures prévues, le CESE estime néanmoins que cette formulation risque de prêter à confusion, pour des raisons qui seront exposées plus clairement dans les commentaires relatifs aux différents articles. Il doit être bien clair qu'il est ici question de crime organisé et de terrorisme.

    2.6

    Il faut noter à cet égard que la confusion provient des textes du GAFI lui-même: le titre des neufs recommandations spéciales évoquées au paragraphe 2.3 est «Financement du terrorisme» sans plus de précisions, les notes interprétatives qui les accompagnent sont intitulées «Recommandations spéciales sur le financement du terrorisme» (6) tandis que le texte parle «d'empêcher les terroristes et autres criminels d'avoir un accès sans entrave» (7) . Lorsqu'elle a transposé la recommandation du GAFI, la Commission a repris cette distinction en classant la proposition de règlement parmi les mesures de lutte contre le terrorisme. Selon le CESE, ces mesures devraient au contraire être considérées comme des moyens de lutte contre le blanchiment de capitaux et le crime organisé. Si du point de vue juridique cette distinction n'est pas très importante, il en va tout autrement sur le plan pratique et opérationnel, comme nous tenterons de l'expliquer dans les commentaires exprimés ci-après.

    3.   Observations relatives au texte de la proposition

    3.1

    Article 2: Champ d'application. Le règlement est applicable aux virements de fonds qui sont envoyés ou reçus par un prestataire de services de paiement établi dans la Communauté et dont le bénéficiaire ou le donneur d'ordre est également établi dans la Communauté. Il est également applicable (article 7) aux virements de fonds effectués depuis la Communauté à destination de bénéficiaires de pays tiers et vice versa (article 8) moyennant quelques adaptations.

    3.1.1

    Le règlement n'est pas applicable aux virements de fonds résultant d'une opération commerciale effectuée à l'aide d'une carte de crédit ou de débit, à condition qu'un identifiant unique permettant de remonter jusqu'au donneur d'ordre accompagne tous les virements de fonds résultant de cette opération. Les opérations réalisées au moyen de monnaie électronique («e-money»), c'est-à-dire de cartes prépayées, ne sont pas nommément exclues mais pas non plus explicitement mentionnées. Les modalités techniques feront l'objet de commentaires de la part des prestataires de services de paiement Pour sa part, le CESE constate que les exigences relatives aux opérations effectuées à l'aide d'une carte ne sont pas les mêmes que celles relatives aux ordres de paiement: le prestataire de services de paiement du donneur d'ordre (à qui est envoyé un extrait de compte reprenant dans le détail les opérations effectuées) n'est pas informé des activités exercées par le bénéficiaire ni de la nature du rapport entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire. Dans la plupart des cas, non seulement il sera impossible de faire la distinction entre les opérations commerciales et les autres opérations, mais de plus il sera souvent techniquement impossible d'identifier le donneur d'ordre.

    3.2

    Article 5: informations accompagnant les virements de fonds. Les prestataires de services de paiement doivent veiller à ce que les virements de fonds soient accompagnés des informations complètes sur le donneur d'ordre, après les avoir vérifiées et s'être assuré qu'elles sont complètes et fiables. Pour les virements de fonds à des bénéficiaires en dehors de la Communauté à concurrence de 1 000 euros, les prestataires de services de paiement «peuvent» déterminer l'étendue de cette vérification. Cette marge de manœuvre — raisonnable et réaliste — peut toutefois permettre d'importants flux financiers considérés comme des envois de fonds de la part des émigrés mais destinés en apparence seulement aux familles restées dans le pays d'origine. Par ailleurs, la vérification généralement exigée pour tous les autres ordres de paiement pose un problème pour ce type de virements, souvent effectués au comptant via différents prestataires de services de paiement par une multitude d'individus dont l'identification ne présente pas un intérêt particulier.

    3.2.1

    Quoi qu'il en soit, l'exemption applicable aux virements inférieurs à 1 000 euros oblige les prestataires de services de paiement à mettre en œuvre des procédures distinctes, coûteuses et inutiles. Il serait préférable de faire référence, dans cet article, aux actuelles réglementations en matière de blanchiment de capitaux applicables aux virements effectués par des donneurs d'ordre qui ne seraient pas titulaires d'un compte courant.

    3.3

    Article 9: Virements de fonds pour lesquels les informations sur le donneur d'ordre manquent ou sont incomplètes. Selon l'article 6, le prestataire de services de paiement du donneur d'ordre doit communiquer au prestataire de services de paiement du bénéficiaire les informations complètes sur le donneur d'ordre. Lorsque ces informations sont manquantes ou incomplètes, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire doit les demander auprès du prestataire de services de paiement du donneur d'ordre. Celui-ci peut soit refuser le virement, soit conserver les fonds soit mettre les fonds à la disposition du bénéficiaire, sous sa responsabilité et dans le respect des réglementations relatives au blanchiment de capitaux. Lorsque ce fait se répète, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire doit refuser tous les ordres de paiement provenant de ce prestataire de services de paiement ou mettre fin à sa relation commerciale avec lui. Ce fait doit être déclaré «aux autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme».

    3.3.1

    L'obligation imposée à un établissement de crédit de mettre fin dans les cas prévus à ses relations avec un autre établissement de crédit pose à l'évidence un problème de proportionnalité: en effet, les relations entre les établissements de crédit internationaux ne se limitent pas aux virements de fonds, qui n'en constituent généralement qu'une petite partie, mais incluent aussi des lignes de crédit, des services, des opérations sur titres, etc., qui mettent en jeu des sommes bien supérieures à un virement de fonds illégal ou supposé tel. Une interruption immédiate des relations commerciales, comme le propose la Commission, occasionnerait des dommages considérables et injustifiés tant aux prestataires de services de paiement qu'à leurs clients.

    3.3.2

    Les termes «autorités responsables» posent le problème de fond évoqué dans l'introduction du présent document. Sachant que les dispositions générales en matière de blanchiment de capitaux attribuent de lourdes responsabilités — y compris pénales — aux prestataires de services de paiement et à leur personnel, il n'est pas toujours facile de déterminer si une opération, une fois qu'elle a été jugée «suspecte», est imputable à la «petite délinquance» ou au terrorisme. Tous les pays sont dotés de divers services de renseignements et de répression: police criminelle (parfois scindée en deux organes distincts), police financière, douanes, services secrets. En l'absence d'indications précises, c'est aux prestataires de services de paiement qu'il reviendra d'identifier les autorités auxquelles ils doivent s'adresser. Le règlement exige donc des prestataires de services de paiement qu'ils prennent des décisions sortant de leurs compétences professionnelles.

    3.3.3

    Il conviendrait donc d'élaborer une réglementation contraignant les États membres à créer un point de contact unique pour la collecte des notifications et pour leur diffusion parmi les services de renseignements compétents (8). Cette proposition figurait déjà dans le programme du Conseil de 1998.

    3.4

    Article 10: Évaluation des risques. Cet article stipule que des informations incomplètes sur le donneur d'ordre doivent être considérées comme suspectes par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire, qui doit le déclarer aux autorités compétentes. La réglementation en vigueur laisse au prestataire de services de paiement la faculté de déterminer au cas par cas s'il s'agit d'une erreur, d'une omission ou d'un cas suspect: cette tâche peut s'avérer ardue si l'on considère qu'un prestataire de services de paiement doit traiter quotidiennement une quantité impressionnante d'opérations. Les observations exprimées aux paragraphes 3.3.2 et 3.3.3 s'appliquent également à la notification.

    3.5

    Article 13: Limites techniques. Cet article s'applique aux virements provenant de pays tiers: les informations sur le donneur d'ordre, qu'elles soient ou non complètes, doivent être conservées par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire pendant au moins cinq ans. Lorsque le prestataire de services de paiement intermédiaire est situé dans la Communauté, il doit en informer le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ces dispositions ne suscitent pas de commentaire particulier, si ce n'est que la conservation des données pour une période aussi longue peut entraîner des coûts considérables et la nécessité de stocker des millions d'informations: une telle mesure n'est justifiable que si elle se révèle vraiment utile. Il serait peut-être préférable de réfléchir sur ce point et de limiter l'obligation de conserver les informations aux virements supérieurs à un certain montant.

    3.6

    Article 14: Obligations de coopération. Les prestataires de services de paiement sont soumis à l'obligation de coopérer avec les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme, et de fournir avec célérité les informations demandées qui sont en leur possession. Ces autorités ne peuvent exploiter ces informations «qu'à des fins de prévention, d'investigation, de détection ou de poursuite des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme».

    3.6.1

    Le CESE approuve totalement ces dispositions. Il souhaite cependant émettre un commentaire en réponse aux réserves manifestées par certains concernant une éventuelle violation des réglementations relatives à la protection de la vie privée: l'intérêt supérieur de la collectivité dans sa lutte contre un danger social extrêmement préoccupant exige dans certains cas que l'on déroge aux grands principes afin de la protéger. L'obligation pour les autorités de n'utiliser les informations récoltées qu'à des fins bien déterminées constitue en soi une garantie contre d'éventuelles dérives. Plus généralement, il faut partir du principe en vertu duquel le donneur d'ordre d'un virement en faveur d'organismes remplissant de «véritables» missions sociales ou d'utilité publique n'a rien à craindre: il ne s'agit en effet ni d'évasion fiscale ni d'infraction à la législation ni d'acte répréhensible.

    3.6.2

    Par ailleurs, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité pratique de telles mesures. Pour les prestataires de services de paiement devrait valoir le principe général d'une bonne connaissance de la clientèle qui, s'il était appliqué, permettrait d'exempter des contrôles et de l'obligation de notification les clients dont l'honorabilité est connue et prouvée. Cette règle est assez facile à appliquer en ce qui concerne le bénéficiaire. En revanche, le contrôle du donneur d'ordre est bien plus difficile et complexe à mettre en oeuvre, surtout lorsque les virements sont effectués selon les modalités évoquées au paragraphe 3.1.1 ci-dessus.

    3.7

    Article 19: Virements de fonds à des organisations charitables à l'intérieur d'un État membre. Cet article prévoit une dérogation aux dispositions de l'article 5: les États membres peuvent exempter les prestataires de services de paiement des obligations relatives à la communication des informations sur le donneur d'ordre pour les virements de fonds destinés à des organisations exerçant des activités à finalité charitable, religieuse, culturelle, éducative, sociale, fraternelle ou environnementale et visant le développement durable, à condition que:

    a)

    ces organisations soient soumises à des obligations d'information et d'audit externe ou à la surveillance d'une autorité publique;

    b)

    ces virements de fonds soient limités à un montant de 150 euros;

    c)

    ces virements de fonds soient effectués exclusivement sur le territoire de cet État membre.

    3.7.1

    Pour les États membres appliquant le régime dérogatoire prévu, il sera sans doute extrêmement difficile de tenir un registre des organisations concernées et de contrôler le respect des réglementations. Le prestataire de services de paiement serait en outre dans l'obligation de vérifier au cas par cas que le donneur d'ordre est inscrit sur une liste «blanche» constamment mise à jour, ce qui constituerait sans aucun doute une lourde tâche. La situation varie néanmoins d'un pays à l'autre: dans les États où la réglementation est insuffisante, il sera très difficile de faire respecter la disposition visée au paragraphe 3.7 a).

    3.7.2

    L'exemption prévue par la proposition de règlement est fondée sur le fait que les objectifs sociaux poursuivis par ces organisations constituent en soi une garantie en ce qui concerne l'utilisation correcte des fonds. C'est exact en ce qui concerne la plupart de ces organismes, les organisations connues et les souscriptions ouvertes en cas de calamités publiques; mais il n'en est pas moins vrai que des organisations terroristes s'infiltrent ou trouvent une couverture parmi d'autres organismes de moindre importance et moins connus poursuivant des objectifs à finalité prétendument sociale ou d'utilité publique. S'agissant des activités mentionnées à la fin du paragraphe 3.7, le règlement ne saurait faire de discriminations fondées sur la religion: tout le monde sait cependant que le financement du terrorisme s'opère parfois par l'entremise d'organisations sans but lucratif présentant une «façade» apparemment inoffensive et dont l'on ne découvre qu'après coup la menace qu'elles représentaient. Il existe en substance parmi les organisations sans but lucratif, à côté d'une majorité d'organisations «transparentes», certaines autres qui doivent faire l'objet d'une surveillance attentive, la difficulté consistant à trouver le moyen de les identifier.

    3.7.3

    Le document semble également ignorer que sous la couverture des organisations sans but lucratif peuvent se cacher des organisations criminelles qui ne sont pas forcément terroristes: les revenus du petit trafic de drogue, de la prostitution et du racket peuvent facilement se dissimuler derrière des dons adressés à des organisations sans but lucratif aux noms séduisants et dont les représentants sont — du moins aux yeux des prestataires de services de paiement — tout à fait irréprochables. En réalité, il existe des systèmes de contrôle indirects qui dans certains cas peuvent mettre à jour des cas suspects: la fréquence des virements provenant d'un même individu et toujours effectués au comptant est par exemple caractéristique des activités évoquées ci-dessus. Mais ces méthodes sont connues des criminels, qui ont donc recours à toutes sortes de moyens: fractionnement des virements, recours à des prestataires différents, etc. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est donc le mieux placé pour détecter d'éventuels cas suspects sur la base de la fréquence des virements provenant d'un même donneur d'ordre. Par ailleurs, les systèmes électroniques actuels de gestion des comptes ne permettent un contrôle de ce type que s'ils sont équipés des programmes ad hoc, réalisés sur mesure. Il s'agit là d'une solution difficile à mettre en oeuvre.

    3.7.4

    Le CESE attire en conséquence l'attention sur le fait que l'exemption, qui selon le règlement incombe aux prestataires de services de paiement, amenés à agir de leur propre initiative et sur la base des informations qu'ils possèdent en matière de finalité, de contrôle, d'honorabilité des représentants, etc., doit être considérée comme une faille du système. La collaboration des prestataires de services de paiement, même si elle est menée avec toute la bonne volonté possible, restera toujours insuffisante pour lutter contre les phénomènes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme: il faut avant tout que les autorités compétentes jouent un rôle actif et signalent les cas suspects. Pour ce faire, il faudrait concrétiser l'idée d'une autorité centralisatrice dont il a été question précédemment.

    3.7.5

    Le CESE souhaite également soumettre à l'attention des autorités responsables une autre considération. À moins d'une notification directe par les prestataires de services de paiement, les données sont conservées pendant cinq ans, généralement en vue d'une consultation par les autorités afin de prouver des agissements criminels antérieurs. Il s'agit donc le plus souvent de mesures à caractère probatoire, ni préventives ni répressives. L'on est en droit de se demander comment il sera possible dans la pratique de détecter des cas particuliers parmi les centaines de millions d'opérations enregistrées au fil des années.

    3.7.6

    Enfin, il est à noter que l'exposé des motifs du règlement ne fait aucunement référence aux coûts du système au regard de ses bénéfices potentiels. Tous les prestataires de services de paiement ne disposent pas de structures suffisantes pour se conformer aux dispositions prévues, mais même ceux qui en sont dotés devront supporter des charges supplémentaires et des contraintes organisationnelles, dont le coût retombera nécessairement sur l'ensemble des utilisateurs des systèmes de paiement. Un tel sacrifice n'est acceptable que pour autant que l'on puisse démontrer que le nouveau règlement apporte des bénéfices concrets et tangibles.

    Bruxelles, le 21 avril 2006.

    La Présidente

    du Comité économique et social européen

    Anne-Marie SIGMUND


    (1)  GAFI, «Note interprétative révisée à la Recommandation Spéciale VII: Virements électroniques».

    (2)  Règlements (CE) du Conseil no 2580/2001 et 881/2002.

    (3)  Directives 91/308/CEE, 2001/97/CE, …

    (4)  Programme d'action relatif à la criminalité organisée, JO C 251 du 15.08.1997.

    (5)  COM(1998) 276 final, «Protection des intérêts financiers des Communautés et lutte contre la fraude – Rapport annuel 1997».

    (6)  «Special recommendations on terrorist financing».

    (7)  «Preventing terrorists and other criminals from having unfettered access».

    (8)  La nécessité de créer un point de contact unique n'est pas nouvelle et a déjà été évoquée par le CESE: en effet, elle apparaît déjà dans le programme du Conseil de 1997 mentionné au paragraphe 2.1, selon lequel tout État membre aurait dû créer un point de contact unique donnant accès à tous les services de répression. Malgré les années qui se sont écoulées depuis, un tel organisme n'existe pas encore et la collaboration entre les services de renseignement et de répression au niveau national et communautaire pose un problème qui n'a pas encore trouvé de solution définitive.


    ANNEXE 1

    À l'Avis du Comité économique et social européen

    Les amendements ci-dessous ont été repoussés au cours des débats mais ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés (article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur).

    Paragraphe 3.7.2

    Modifier comme suit:

    L'exemption prévue par la proposition de règlement est fondée sur le fait que les objectifs sociaux poursuivis par ces organisations constituent en soi une garantie en ce qui concerne l'utilisation correcte des fonds. C'est exact en ce qui concerne la plupart de ces organismes., les organisations connues et les souscriptions ouvertes en cas de calamités publiques; Mais il n'en est pas moins vrai que des organisations terroristes s'infiltrent ou trouvent une couverture parmi d'autres organismes de moindre importance et moins connus poursuivant des objectifs à finalité prétendument sociale ou d'utilité publique. S'agissant des activités mentionnées à la fin du paragraphe 3.7, le règlement ne saurait faire de discriminations fondées sur la religion: tout le monde sait cependant que le financement du terrorisme s'opère parfois par l'entremise d'organisations sans but lucratif présentant une «façade» apparemment inoffensive et dont l'on ne découvre qu'après coup la menace qu'elles représentaient. Il existe en substance parmi les organisations sans but lucratif, à côté d'une majorité d'organisations «transparentes», certaines autres qui doivent faire l'objet d'une surveillance attentive, la difficulté consistant à trouver le moyen de les identifier.

    Exposé des motifs

    La motivation sera donnée oralement.

    Résultat du vote:

    Voix pour: 37

    Voix contre: 44

    Abstentions: 8

    Paragraphe 3.7.4

    Modifier comme suit:

    Le CESE attire en conséquence l'attention sur le fait que Même si l'exemption, qui selon le règlement incombe aux prestataires de services de paiement, amenés à agir de leur propre initiative et sur la base des informations qu'ils possèdent en matière de finalité, de contrôle, d'honorabilité des représentants, etc., doit peut constituer être considérée comme une faille du système , elle se justifie au regard des fonctions des organisations sans but lucratif au sein d'une société démocratique. La collaboration des prestataires de services de paiement, même si elle est menée avec toute la bonne volonté possible, restera toujours insuffisante pour lutter contre les phénomènes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme: il faut avant tout que les autorités compétentes jouent un rôle actif et signalent les cas suspects. Pour ce faire, il faudrait concrétiser l'idée d'une autorité centralisatrice dont il a été question précédemment.

    Exposé des motifs

    Les paragraphes du nouveau texte expliquent suffisamment ce qui motive la proposition de supprimer les passages en question. L'on observe parmi les ONG une forte réaction d'opposition aux règles proposées par le GAFI. Si le CESE se prononçait en faveur desdites règles, cela susciterait en outre d'importants problèmes pour les relations du Comité avec ces ONG.

    Résultat du vote:

    Voix pour: 43

    Voix contre: 52

    Abstentions: 7


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