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Document 51999AC0698

Avis du Comité économique et social sur «Gérer le changement - Groupe d'experts de haut niveau sur les implications économiques et sociales des mutations industrielles - Rapport final»

JO C 258 du 10.9.1999, p. 1–5 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

51999AC0698

Avis du Comité économique et social sur «Gérer le changement - Groupe d'experts de haut niveau sur les implications économiques et sociales des mutations industrielles - Rapport final»

Journal officiel n° C 258 du 10/09/1999 p. 0001 - 0005


Avis du Comité économique et social sur "Gérer le changement - Groupe d'experts de haut niveau sur les implications économiques et sociales des mutations industrielles - Rapport final"

(1999/C 258/01)

Le 15 décembre 1998, la Commission européenne a décidé de consulter le Comité économique et social, en vertu de l'article 198 du Traité instituant la Communauté européenne, sur "Gérer le changement - Groupe d'experts de haut niveau sur les implications économiques et sociales des mutations industrielles - Rapport final".

La section "Marché unique, production et consommation", qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 juin 1999. Le rapporteur était M. Little et le corapporteur M. Sepi.

Lors de sa 365e session plénière des 7 et 8 juillet 1999 (séance du 7 juillet), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 103 voix pour et 4 abstentions.

1. Introduction

1.1. Un rapport sur les implications économiques et sociales des mutations industrielles a été rendu public au mois de novembre 1998 par un "groupe d'experts de haut niveau" composé de membres choisis par la Commission européenne et présidé par M. Pehr G. Gyllenhammar. Ce groupe a été invité par le Conseil européen, lors du sommet de Luxembourg sur l'emploi qui a eu lieu au mois de novembre 1997, à analyser les mutations industrielles survenant dans l'Union européenne et à envisager les moyens par lesquels il serait possible d'anticiper et de gérer ces mutations ainsi que leurs effets économiques et sociaux. Le rapport reconnaît qu'il n'est en mesure que de traiter d'un nombre choisi de secteurs et de présenter des exemples, et il reconnaît aussi que les problèmes qu'il aborde sont difficiles et contagieux. Le groupe recommande que la publication du rapport soit suivie d'un dialogue entre la Commission et des organisations du secteur privé en vue d'étudier quelle serait la meilleure manière de progresser dans l'anticipation et la gestion des mutations en question.

1.2. Conformément à une demande formulée par M. P. Flynn, membre de la Commission, le CES a décidé d'examiner le rapport du groupe d'experts de haut niveau (ci-après dénommé "le rapport") et d'émettre un avis à ce sujet préalablement à l'examen du rapport par le Conseil européen. Certains aspects de ce sujet qui est vaste et important ont été traités antérieurement, en de nombreuses occasions, par le Comité, et c'est pour cela que les observations qui suivent privilégient principalement les questions qui sont directement évoquées dans le rapport.

2. Observations générales

2.1. Le Comité estime que le rapport constitue une incitation à envisager le phénomène des mutations industrielles ainsi que la manière de promouvoir l'adoption de mesures efficaces pour les gérer. Ce document nous apporte un commentaire utile sur le contexte des mutations industrielles. Le Comité accueille avec une satisfaction particulière le fait que le rapport reconnaisse que les mutations industrielles créent de nouvelles possibilités et le fait que le rapport mette l'accent sur la création de nouveaux emplois, et non sur la défense d'emplois désuets. La stratégie d'ensemble qui consiste à chercher à créer des incitations à partir d'une démarche reposant sur l'étalonnage ("benchmarking"), l'innovation et la cohésion sociale est une stratégie valable.

2.2. De nombreux facteurs différents sont susceptibles de motiver les mutations industrielles, mais la création de possibilités nouvelles constitue un trait commun. Le rapport s'efforce de mettre en évidence des moyens de transformer les mutations en possibilités de cette nature. Le Comité maintient que, pour ce faire, il faut non seulement prévoir, préparer et gérer le changement, mais aussi l'exploiter activement pour lui faire produire les plus grands avantages possibles en termes économiques et sociaux. Au coeur de cette entreprise se trouve la nécessité pour l'industrie européenne d'assurer une productivité essentielle et d'améliorer la compétitivité au plan global.

2.2.1. Le Comité marque son accord sur l'idée que les entrepreneurs, les représentants des travailleurs, y compris les syndicats, les travailleurs eux-mêmes, les gouvernements nationaux et les collectivités locales ont tous leur rôle à jouer dans l'exploitation du changement.

2.2.2. Cependant, le Comité regrette que certaines des propositions n'aillent pas au-delà des possibilités d'information (reposant la plupart du temps sur le volontariat), qui ne sont pas liées à des consultations efficaces permettant de préparer des décisions politiques et économiques. De telles consultations devraient avoir pour but d'influer à temps sur les décisions, de telle sorte que les mutations structurelles aboutissent à la meilleure solution économique et sociale possible.

2.3. Un aspect qui est inhérent à des mutations radicales est la création du besoin de qualifications nouvelles et la demande de compétences nouvelles. Si cet aspect n'est pas envisagé en parallèle avec les changements organisationnels, administratifs et technologiques, la période de réalisation du changement se trouvera prolongée et l'on risque de voir se réduire les avantages potentiels.

2.4. L'employabilité d'un individu est définie dans le rapport comme l'aptitude de cet individu à s'insérer dans le marché du travail. Pour pouvoir s'insérer ou se réinsérer, l'individu a besoin, selon le Comité, de mobilité, d'adaptabilité et d'engagement, en même temps qu'il a besoin de qualifications appropriées. L'individu doit avoir la possibilité de se former et de se recycler pendant le déroulement de sa carrière, étant donné qu'il faut maintenant envisager les qualifications de manière dynamique. Le Comité marque son accord sur l'idée selon laquelle la responsabilité est partagée pour ce qui est d'acquérir et de maintenir l'employabilité. Le champ couvert par la formation et l'apprentissage va de l'enseignement formel concernant chaque discipline jusqu'à la formation et au recyclage pendant le temps de travail et en dehors du temps de travail, cette formation et ce recyclage étant assurés par les entreprises ou facilités par les pouvoirs publics. L'innovation dans les méthodes d'apprentissage pendant le temps de travail est appelée à revêtir un caractère essentiel.

2.5. Le plaidoyer que présente le rapport en faveur de la reconnaissance par les entreprises d'obligations auxquelles elles sont tenues vis-à-vis d'autres intervenants, en plus de leurs obligations légales vis-à-vis des actionnaires, n'est pas une démarche nouvelle, et le Comité continue d'en être partisan. Nombreuses sont les grandes entreprises qui pratiquent de la sorte et le Comité accueille avec satisfaction l'idée selon laquelle l'étalonnage, la comparaison et le partage de l'information à titre volontaire seraient des moyens d'encourager et d'aider d'autres entreprises à améliorer leurs politiques et leurs procédures.

2.6. Cela fait longtemps que le Comité reconnaît les avantages qu'il y a à disposer de moyens efficaces d'information et de consultation des travailleurs. Une communication de qualité, l'ouverture et le dialogue dans la relation avec les travailleurs améliorent la motivation, laquelle contribue de façon fondamentale à l'optimisation des résultats des entreprises et à la réalisation sans heurts des changements essentiels. Il y a lieu de préférer pour un dialogue de ce type les dispositifs établis sur une base volontaire, qui recueillent l'engagement de toutes les parties concernées et que l'on adapte aux dimensions et à la culture de l'organisation.

2.6.1. Lorsque l'information est égale pour tous, la participation des travailleurs s'en trouve stimulée et l'on peut s'attendre à ce que la négociation collective, à condition qu'elle ait lieu au niveau approprié, soit plus constructive et apporte des avantages en termes de productivité et de flexibilité accrues. Le Comité regrette que le rapport ne fasse pas expressément référence à la négociation collective.

2.6.2. Le dialogue ouvert revêt une importance particulière pour la réalisation sans heurts des changements essentiels et devrait faire partie intégrante du processus.

2.7. Tout en approuvant les objectifs d'ensemble du rapport et tout en accueillant avec satisfaction l'impulsion qu'il devrait donner à une planification et à des actions d'ordre stratégique, le Comité ne saurait donner son aval à l'intégralité du contenu du rapport. Celui-ci contient un certain nombre de suggestions qui sont utiles, sans que toutes soient nouvelles, et que le Comité approuve. Toutefois, le rapport contient aussi des recommandations qui sont vagues à l'extrême et dont certaines sont pour le moins discutables. En outre, le plan du rapport prête passablement à confusion, avec ses quatre chapitres qui contiennent des redites inutiles et qui, problème plus important encore, manquent d'harmonie les uns avec les autres, voire dans certains cas, se contredisent mutuellement.

2.7.1. Bien que le rapport soit assez complet, il souffre, selon le Comité, d'étonnantes omissions. Il ne mentionne pas du tout la nécessité d'améliorer l'accès aux marchés des capitaux à risque, et il ne mentionne pas non plus, dans le texte principal, l'effet stimulant que pourrait avoir pour l'emploi l'achèvement du Marché unique. Il a le tort de ne pas mettre suffisamment l'accent sur la nécessité de la compétitivité à l'échelle internationale en vue de préserver l'emploi, non plus que sur le potentiel de croissance de l'emploi que représentent les PME et le secteur tertiaire.

2.7.2. En outre, il eût été souhaitable, de l'avis du Comité, que le rapport insiste sur la nécessité de chercher à réaliser les objectifs de cette initiative par des mesures appropriées à prendre dans le secteur industriel, telles que l'achèvement du Marché unique, l'ouverture des marchés publics et l'institution de la société européenne. De telles mesures peuvent contribuer à l'expansion et à la croissance de l'économie européenne, expansion et croissance qui sont nécessaires au renouveau de l'industrie européenne.

2.7.3. Par ailleurs, le rapport n'envisage aucunement d'inciter les entreprises de pays tiers, concurrentes des entreprises européennes sur le marché unique, à pratiquer elles aussi une meilleure concertation sociale et à appliquer des normes sociales minimales dans l'entreprise. Le Comité considère au contraire que la question des implications économiques et sociales des mutations industrielles nécessite une approche globale, incluant une forte pression de l'Union européenne pour obtenir un meilleur encadrement des conditions de concurrence sur le plan international, entre autres à travers des clauses sociales minimales.

2.7.4. Le Comité s'étonne de constater que le rapport ne fait pas état de la stimulation dont bénéficierait la compétitivité, et donc l'emploi, si chaque État membre procédait à une réforme de la fiscalité des entreprises et si l'on éliminait les conséquences négatives de la concurrence déloyale entre États membres qui résulte de la fiscalité des entreprises.

3. Observations particulières concernant le rapport

3.1. Observatoire sur les mutations industrielles (sous-chapitre 1.3)

3.1.1. Le rapport recommande la création d'un observatoire européen sur les mutations industrielles qui pourrait constituer une ressource permettant d'aider à l'anticipation et à l'organisation des évolutions économiques sectorielles et régionales. Le Comité attend avec intérêt les conclusions d'une étude de faisabilité qui concerne cette proposition et que met actuellement en train la Commission.

3.1.2. Le Comité considère qu'indépendamment des conclusions de cette étude, la Commission européenne doit s'impliquer directement dans une observation permanente des mutations industrielles, lui permettant d'adapter sa propre action et les politiques communautaires qu'elle propose au Parlement et au Conseil. À cette fin, elle devra impérativement développer la concertation sur les mutations industrielles avec les milieux industriels et les partenaires sociaux, et réformer profondément son organisation interne, notamment à travers une approche de "task-forces" pluridisciplinaires, mettant fin aux cloisonnements qui existent entre directions générales et qui l'empêchent actuellement d'assumer un tel rôle avec la cohérence requise.

3.1.3. Quel que soit le forum choisi, le Comité entend cependant souligner la nécessité d'un lien avec les décisions politiques et économiques, ainsi que la nécessité d'une implication des partenaires sociaux selon des modalités qui leur permettent de participer à ces décisions.

3.2. Un "rapport sur la gestion du changement" (RGC) concernant l'emploi et les conditions de travail (sous-chapitre 1.4)

3.2.1. Le Comité accueille avec satisfaction la recommandation du rapport selon laquelle il convient d'encourager les entreprises à présenter des rapports à leurs propres salariés sur les conditions d'emploi et les conditions de travail, sur base volontaire et flexible. Le Comité reconnaît que les meilleures pratiques se mettent en place non par la voie législative, mais par l'adoption volontaire des normes les plus élevées, dans l'intérêt même de l'entreprise et de ses salariés.

3.2.2. Toutefois, le degré d'obligation que suggère le rapport pour le RGC proposé est nettement excessif, et l'hypothèse selon laquelle l'on devrait s'en tenir à une méthodologie unique ne coïncide pas avec les idées de reconnaissance de la diversité culturelle et de faculté d'adaptation. La publication d'un tel rapport pourrait poser des problèmes à des entreprises éprouvant des réticences à divulguer à leurs concurrents leurs pratiques innovantes.

3.2.3. Le Comité voudrait néanmoins encourager toutes les entreprises, tant européennes que sous contrôle étranger, employant plus de 1000 salariés à l'intérieur de l'Union européenne à élaborer, sur base volontaire, un document prenant la forme d'un rapport sur "la gestion du changement". Ce rapport pourrait fournir des informations sur les mutations structurelles prévues et il devrait proposer une démarche d'anticipation sur la manière dont sera géré le changement. Il devrait préciser la nature des politiques et du programme de l'entreprise concernant les matières suivantes :

- le processus et les méthodes d'apprentissage mis en oeuvre pour répondre aux nouveaux impératifs de qualification et de compétence,

- l'évolution des technologies et de l'organisation,

- le maintien de l'égalité des chances (les mutations de grande envergure tendent à avoir, à court terme, des effets disproportionnés sur les catégories défavorisées),

- le dialogue avec les autres forces qui sont à l'oeuvre dans la société pour ce qui concerne la gestion du changement.

3.2.4. L'effet des mutations industrielles ne se limite pas au secteur privé. En conséquence, le Comité voudrait aussi encourager les organismes publics qui emploient plus de 1000 personnes à adopter la pratique consistant à élaborer un rapport sous cette forme.

3.2.5. L'implication des salariés et de leurs représentants lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre du rapport est considérée comme essentielle au succès de cette pratique.

3.2.6. Le Comité demande à ce que ce rapport soit effectué à partir de critères objectifs et qu'il soit certifié par une instance indépendante à désigner par l'entreprise.

3.2.7. Le Comité est d'avis que l'on pourrait encourager la Communauté et les États membres à prendre en compte, pour l'octroi d'aides publiques, la forme des rapports certifiés sur la gestion du changement, dans le sens proposé par le Comité au paragraphe 3.2.3 ci-dessus. Cela créerait une incitation à la propagation de cette pratique vers un plus grand nombre de grandes organisations sans que la liberté de décision des dirigeants ait à en souffrir.

3.2.8. Toutefois, le Comité est fermement opposé à la recommandation, présentée parallèlement dans le rapport, selon laquelle le RGC proposé devrait être un critère à prendre en compte pour l'attribution des marchés publics. Pour qu'un tel critère puisse s'appliquer, il faudrait porter des jugements sur l'entreprise et sur ses RGC à tous les niveaux nationaux, régionaux et locaux où sont passés des marchés publics. Cela porterait atteinte aux droits et obligations de nature commerciale non seulement des fournisseurs, mais aussi de l'État et de ses organes, étant donné que les marchés publics devraient normalement - et, dans certains cas, doivent impérativement - être attribués en fonction de considérations de meilleur prix. Préconiser qu'un tel rapport soit considéré comme un critère d'attribution de tous les marchés publics est totalement incompatible avec l'affirmation selon laquelle il importe "d'éliminer d'emblée l'idée de toute forme d'obligation". Le rapport lui-même reconnaît que le caractère obligatoire entraînerait des controverses concernant les définitions et provoquerait des difficultés au lieu de favoriser des efforts réels visant à faire connaître les bonnes pratiques de manière ouverte et novatrice.

3.3. L'infrastructure des nouvelles technologies (sous-chapitre 2.1)

3.3.1. Le Comité approuve l'affirmation figurant dans le rapport selon laquelle l'un des principaux rôles économiques des pouvoirs publics est de créer des infrastructures qui facilitent le développement économique. Le Comité est favorable aux priorités choisies et accueille avec une satisfaction particulière le fait que l'accent soit mis sur les technologies de l'information, ainsi que l'appel à la libéralisation du secteur des télécommunications. Le Comité accueille avec satisfaction la proposition de prévoir des incitations financières visant à favoriser le démarrage de ce secteur.

3.4. L'employabilité ainsi que l'éducation et la formation tout au long de la vie (sous-chapitre 2.2)

3.4.1. L'une des grandes causes du chômage en Europe est, comme l'indique le rapport, le fait que l'offre et la demande d'emploi ne puissent pas facilement coïncider en période de profondes mutations technologiques et de globalisation.

3.4.2. Le Comité partage l'idée exprimée dans le rapport selon laquelle les entreprises ont l'obligation de contribuer au maintien de l'employabilité de leur travailleurs, et y ont aussi un intérêt direct. Toutefois, la réalité est que les entreprises qui réussissent et qui anticipent consentent toujours, dans leur propre intérêt, des investissements plus importants en faveur de leurs salariés que ne le font d'autres entreprises.

3.4.3. Le rapport reconnaît que les travailleurs et les pouvoirs publics ont une part de responsabilité en matière d'employabilité, mais il ne consacre pas assez de développements au rôle de l'individu, qui est le bénéficiaire en dernière instance. Par exemple, c'est à l'individu qu'incombe l'obligation de s'investir activement lorsque l'occasion lui est offerte d'acquérir un complément de formation. Le rôle de l'État est correctement défini comme consistant à faciliter le processus d'apprentissage continu. Le Comité approuve pleinement l'idée selon laquelle la formation et l'apprentissage tout au long de la vie sont d'une importance primordiale pour la recherche de l'employabilité, mais le Comité fait remarquer que cela vaut non seulement pour les salariés à temps complet, mais aussi, et tout autant, pour les salariés à temps partiel, pour les télétravailleurs et pour les travailleurs indépendants.

3.4.4. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le rapport ne peut pas valablement évoquer une obligation qui incomberait aux entreprises de "sauvegarder" l'employabilité des travailleurs. La responsabilité qui incombe aux entreprises de prendre certaines mesures ne saurait, en soi, être une garantie de succès.

3.4.5. Pour s'acquitter de cette responsabilité, l'entreprise doit assurer la formation, le perfectionnement et la reconversion des travailleurs pour les emplois qu'ils occupent conformément à leur contrat, ainsi que pour des fonctions que l'on pourrait leur demander d'exercer à l'avenir pour l'entreprise. De cette manière, les travailleurs acquièrent généralement des qualifications réutilisables et améliorent leur employabilité. Selon le Comité, tout autre est l'idée selon laquelle les entreprises devraient être considérées comme chargées d'assurer la formation des travailleurs pour que ceux-ci puissent trouver un emploi au cas où ils quitteraient l'entreprise. Les entreprises peuvent prendre des mesures pour aider les travailleurs à trouver d'autres emplois lorsqu'elles n'ont plus besoin de leurs services, en ayant recours par exemple au "décrutement", et dans de nombreux cas, elles le font sans que cela résulte d'une obligation contractuelle ou légale.

3.4.6. Le Comité marque son accord sur l'idée selon laquelle les pouvoirs publics devraient jouer un rôle dans le financement de la formation qui pourrait être nécessaire pour permettre aux personnes à réinsérer de trouver un nouvel emploi qui leur convienne. De l'avis du Comité, les "Fondations du travail", qui sont un système de partenariat existant en Autriche entre le secteur public et le secteur privé, constituent un excellent exemple de bonne pratique qui pourrait être adoptée plus largement. Grâce à cette initiative - conçue pour permettre d'assurer, de façon concentrée, la réinsertion professionnelle de personnes touchées par des licenciements -, il est possible de fournir un service complet d'assistance à la recherche d'un nouvel emploi, sous forme de conseils en "décrutement", de formation ou de recyclage et d'aide à l'installation comme indépendant ou à la création d'une entreprise.

3.4.7. La recommandation selon laquelle toute entreprise qui "omet manifestement de prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder l'employabilité des travailleurs licenciés ne devrait plus pouvoir bénéficier d'une quelconque forme d'aide publique" est impossible à appliquer parce que les employeurs ne peuvent pas préserver l'employabilité alors que les individus et les pouvoirs publics ont aussi une part de responsabilité. Toutefois, il est concevable que, dans des circonstances appropriées, les entreprises puissent bénéficier d'incitations financières et de financements en vue d'assurer la formation qui serait nécessaire pour faciliter le redéploiement de salariés vers de nouveaux emplois qui leur conviennent. De telles incitations ne porteraient pas atteinte à la liberté de choix des entreprises mais viendraient à l'aide de celles qui souhaiteraient prendre une part active à la croissance de l'industrie européenne dans son ensemble.

3.4.8. Le rapport ne met pas en évidence le lien qui est indispensable entre les instances éducatives et l'industrie pour faire en sorte que l'éducation et la formation maintiennent le contact avec le monde du travail qui est en évolution rapide. Il existe au Royaume-Uni, par exemple, un certain nombre de partenariats volontaires entre l'éducation et les entreprises, et ce système pourrait être adopté ailleurs en tant que bonne pratique.

3.5. Nouveaux domaines d'emploi (sous-chapitre 2.3)

3.5.1. Le rapport donne deux exemples de secteur qui pourraient jouer un rôle accru dans le marché du travail au cours de la prochaine décennie. Le Comité reconnaît que ces secteurs pourraient représenter une croissance potentielle, mais il est déçu de constater que le rapport ne présente aucun exemple plus frappant et n'évoque nulle part de nouvelles formes de commerce.

3.5.2. Néanmoins, le Comité constate avec satisfaction que les deux exemples en question sont pris en compte en tant que facteurs de croissance de l'emploi. Ces deux secteurs, qui sont les services de proximité aux personnes et la création artistique et les loisirs, jouent l'un et l'autre un rôle important dans la société, non seulement au plan économique, mais aussi dans l'amélioration de la qualité de la vie.

3.5.3. Dans le cas des services de proximité aux personnes, deux aspects relatifs à la fiscalité sont envisagés, aspects qui, l'un et l'autre, comportent un élément de subsidiarité. La proposition selon laquelle il conviendrait d'accorder une exonération fiscale aux "employeurs" en ce qui concerne les services essentiels de proximité aux personnes est intéressante par certains côtés, mais à l'inverse, il faut considérer que cela constituerait, de fait, un impôt dégressif pour les personnes matériellement les plus avantagées qui, dans de tels cas, joueraient le rôle d'employeurs.

3.5.4. Le rapport note que plusieurs pays ont pris des mesures actives pour réduire le coût de la charge fiscale et sociale relative aux bas salaires et recommande que soient largement adoptées des mesures de ce type afin de faire baisser les coûts réels des salariés moins qualifiés. Le Comité approuve cette recommandation car de telles mesures apporteraient une stimulation à la fois à l'emploi et à la compétitivité, surtout pour les entreprises ayant des activités à haute intensité de main-d'oeuvre, en particulier s'il y a une participation active des partenaires sociaux.

3.5.5. La proposition visant à encourager et à stimuler la création artistique et les activités de divertissement pourrait présenter de l'intérêt. Cependant, toute mesure prise en ce domaine doit être compatible, et manifestement compatible, avec des marchés ouverts et une libre concurrence dans une perspective mondiale. Le Comité estime que le financement public d'Oscars européens ne saurait se justifier.

3.5.6. Outre qu'elle crée de nouveaux secteurs d'activité, tels que les technologies de l'information, la mutation structurelle crée aussi de nouvelles formes d'emploi dont le télétravail, sous tous ses aspects, constitue un exemple important. Le Comité recommande que la Commission élabore une analyse des études récentes portant sur ces nouvelles formes d'emploi.

3.6. Création et développement des PME (sous-chapitre 2.4)

3.6.1. Le Comité constate avec satisfaction qu'un certains nombre des politiques qu'il préconise en vue d'une saine évolution des PME se trouvent intégrées dans le rapport. Il accueille avec une satisfaction toute particulière le fait que le rapport mette l'accent sur l'entreprenariat et sur l'innovation.

3.6.2. Il y a lieu d'approuver l'idée de création d'un plus grand nombre de "guichets uniques", bien que l'on se doive de faire observer que ceux qui existent déjà ne constituent pas une garantie de simplicité administrative. Le Comité attire l'attention sur la nécessité d'un appui national et local en faveur de telles opérations.

3.7. Gérer les situations de crise (chapitre 3)

3.7.1. Ce chapitre du rapport contient un certain nombre d'affirmations contradictoires, et les propositions qui y figurent manquent de clarté quant à la question de savoir lesquelles de ces mesures s'appliqueraient à des entreprises individuelles et lesquelles s'appliqueraient à toutes les entreprises opérant dans un secteur industriel d'une région donnée.

3.7.2. Les petites et moyennes entreprises, et même les grandes entreprises, ne peuvent pas, à elles seules, surmonter les problèmes d'industries en déclin, ou les problèmes dus à des crises graves et brutales. Pour continuer elles-mêmes d'exister, les entreprises ont besoin de trouver de nouveaux marchés et de nouveaux clients, puis de répondre aux demandes de ces marchés et de ces clients.

3.7.3. Le Comité est favorable au principe général selon lequel, au niveau régional, les grandes mutations doivent être gérées au travers d'un effort collectif comme l'on a entrepris de le faire, dans de nombreux cas avec succès, pour la sidérurgie, les charbonnages et les chantiers navals. Il convient d'encourager des partenariats territoriaux flexibles et de nature volontaire. Il conviendrait de mobiliser des ressources financières tant communautaires que nationales pour faciliter le passage, qui peut être géré avec succès, d'industries en déclin à de nouveaux secteurs de croissance.

Bruxelles, le 7 juillet 1999.

La Présidente

du Comité économique et social

Beatrice RANGONI MACHIAVELLI

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