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Document 51998IE0453

    Avis du Comité économique et social sur «La prévention des nouvelles entraves dans le marché unique» (Observatoire du Marché unique)

    JO C 157 du 25.5.1998, p. 36 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

    51998IE0453

    Avis du Comité économique et social sur «La prévention des nouvelles entraves dans le marché unique» (Observatoire du Marché unique)

    Journal officiel n° C 157 du 25/05/1998 p. 0036


    Avis du Comité économique et social sur «La prévention des nouvelles entraves dans le marché unique» (Observatoire du Marché unique) (98/C 157/11)

    Le 10 juillet 1997, le Comité économique et social a décidé, conformément à l'article 23, paragraphe 3, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème susmentionné.

    La section de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et des services, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 4 mars 1998 (rapporteur: M. Vever).

    Lors de sa 353e session plénière des 25 et 26 mars 1998 (séance du 25 mars) le Comité économique et social a adopté par 76 voix pour, 7 voix contre et 6 abstentions l'avis suivant.

    1. Introduction

    1.1. L'Union européenne est aujourd'hui engagée, à l'initiative de la Commission, dans un Plan d'action pour compléter l'achèvement du marché unique d'ici fin 1998. Ce Plan d'action répond dans son esprit et son calendrier aux voeux que le Comité avait lui-même exprimés dès 1995, afin de donner un second souffle à des travaux qui tendaient à piétiner et à assurer au marché unique les progrès décisifs qu'appelle la mise en place de l'euro.

    1.2. En appuyant vigoureusement le Plan d'action, le Comité a rappelé, à la suite d'une audition organisée le 5 mars 1997, qu'il ne suffira pas d'adopter les ultimes directives communautaires qui manquent encore pour assurer la libre circulation des personnes, des produits, des services et des capitaux. Un élément décisif pour le fonctionnement durable du marché unique sera de trouver les moyens de prévenir à la source la création de nouvelles entraves, alimentées par un flux permanent et croissant de nouvelles réglementations nationales. En dépit des directives déjà adoptées et des progrès bien réels obtenus dans la libération des échanges intracommunautaires, il reste encore aujourd'hui beaucoup plus facile d'introduire une nouvelle entrave sur le marché unique que de la dissuader en amont ou de la résorber ensuite sur le plan communautaire.

    1.3. En présentant un avis d'initiative sur la prévention des nouvelles entraves au sein du marché unique, le Comité souhaite attirer l'attention des institutions communautaires et des États membres sur cet aspect essentiel de l'achèvement du marché unique, encore trop négligé. La réussite du Plan d'action dépendra largement de l'importance qui aura été accordée aux moyens de remédier de façon efficace et durable à la création excessive de nouvelles entraves à la source.

    2. Situation juridique régissant les réglementations nationales

    2.1. Le fonctionnement du marché unique vise à concilier d'une part la liberté d'établissement et de circulation, et d'autre part la protection sociale, de la santé, du consommateur et de l'environnement, incluant des partages de compétences entre niveaux communautaire, national et éventuellement régional. Le dispositif repose sur quatre éléments essentiels: une obligation de principe d'éliminer les restrictions nationales aux échanges, le rapprochement des législations nationales dans les domaines nécessaires au fonctionnement du marché unique, la reconnaissance mutuelle des dispositions nationales pour permettre la libre circulation, la notification préalable des projets nationaux de réglementation pouvant affecter le marché unique (à laquelle s'ajoute aussi une possibilité de contrôle a posteriori).

    2.2. Les articles 30 à 36 du traité imposent aux États membres d'éliminer toutes les restrictions quantitatives à l'importation, et les mesures d'effet équivalent, sous réserve d'exigences impératives pouvant motiver le maintien de dispositions nationales restrictives. Ces exigences impératives, notamment justifiées par des soucis de protection des consommateurs ou de l'environnement, ne doivent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce des États membres. Elles doivent être motivées et proportionnées, sous contrôle de la Commission et de la Cour de justice. La jurisprudence «Cassis de Dijon» a ainsi bien rappelé que la liberté de circulation doit rester la règle et les restrictions nationales l'exception. On constate toutefois actuellement une tendance des États à légiférer de façon particulièrement active dans le domaine de l'article 36.

    2.3. Afin de promouvoir une convergence minimale de ces dispositions nationales législatives, réglementaires et administratives, l'Union européenne est amenée à adopter, en fonction des besoins, des mesures spécifiques pour contribuer à l'établissement et au fonctionnement du marché unique (article 100A). L'essentiel de la réglementation concernant le rapprochement des dispositions des États membres au titre du marché unique est basé sur cette disposition, soumise à une procédure majoritaire au Conseil en codécision avec le Parlement (à l'exception des dispositions intéressant la fiscalité et la libre circulation des personnes). Cette réglementation commune vise, aux termes même du traité un «niveau de protection élevé» en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, mais n'en laisse pas moins aux États une marge souvent substantielle de liberté pour édicter des mesures complémentaires, ce qui peut contribuer, en l'absence d'une surveillance adéquate, à refractionner le marché unique.

    2.4. L'Union européenne cherche par ailleurs à développer des mécanismes d'équivalence des mesures appliquées dans les États membres, permettant d'assurer une reconnaissance mutuelle préservant la libre circulation au sein du marché unique même en l'absence d'harmonisation ou avec une harmonisation seulement partielle (article 100B). Mais ces mécanismes sont encore loin d'être appliqués de façon efficace et simplifiée par tous les États membres.

    2.5. Pour organiser une transparence et un contrôle des initiatives des États membres pouvant affecter le fonctionnement du marché unique, la directive 83/189 a instauré une procédure d'information préalable, qui a été complétée le 1er janvier 1997 (décision 3052/95) par une obligation de notifier les mesures individuelles pouvant faire obstacle aux reconnaissances mutuelles et qui couvre à présent tous les produits agricoles et industriels. Ce dispositif oblige chaque État membre à informer la Commission européenne, et à travers elle les autres États membres, sur les projets de réglementation technique qui peuvent affecter le fonctionnement du marché unique. Il organise un embargo de trois mois à toute mise en oeuvre, pour permettre à la Commission, qui peut recevoir les observations des autres États membres et consulter aussi les secteurs industriels concernés, d'examiner ces mesures et de prendre le cas échéant des initiatives à leur encontre (demande d'extension du délai de statu quo de trois à six mois, demande de modification des projets notifiés, éventuel avis circonstancié démarrant une procédure d'infraction).

    2.6. La Commission peut ainsi vérifier les effets des mesures notifiées sur le fonctionnement du marché unique, leur adéquation aux règles communautaires - Traité et Réglementation -, leur bien-fondé et leur proportionnalité lorsqu'elles créent des entraves. La Cour de Justice européenne a par ailleurs considéré que les entreprises et les particuliers peuvent se prévaloir d'une absence de notification préalable pour ne pas appliquer une nouvelle réglementation technique nationale. Dans l'ensemble, cette procédure d'information et de contrôle préalables fonctionne, mais l'amplification des notifications indique que beaucoup reste encore à faire pour imposer une meilleure discipline aux États membres. Par ailleurs, la procédure reste actuellement limitée aux projets de réglementations concernant les produits et non les services, bien que la Commission ait présenté des propositions pour l'étendre aux services de la société d'information, propositions approuvées par le CES et en voie d'adoption ailleurs.

    2.7. Par ailleurs le traité a aménagé une possibilité de contrôle a posteriori de la part non seulement de la Commission mais aussi des différents États membres, donnant la possibilité d'ouvrir une procédure en manquement. Mais cette procédure ne paraît guère avoir donné lieu à de telles actions dans la pratique.

    2.8. Enfin, les dispositions concernant la libre circulation des personnes ne relèvent que partiellement des procédures communautaires. Elles concernent aussi pour certains aspects d'ordre politique, sécuritaire, judiciaire, et pour les questions concernant les ressortissants de pays tiers, le fonctionnement du «troisième pilier» mis en place par le traité de Maastricht, soumis à des procédures spéciales de coopération gouvernementale. Le nouveau Traité d'Amsterdam a toutefois cherché à renforcer en ce domaine les liens entre compétences communautaires et compétences intergouvernementales, dans des conditions plus évolutives et plus partagées. En raison de ces particularités, les questions relevant de la libre circulation des personnes ne sont mentionnées dans cet avis qu'à titre indicatif. Elles devront faire l'objet de réflexions plus approfondies du Comité dans un cadre élargi.

    3. Évolution récente des réglementations nationales

    3.1. On constate en premier lieu un net accroissement des réglementations nationales susceptibles de créer de nouvelles entraves. Les notifications annuelles sont passées d'un rythme d'environ 350 lors des premières années de mise en oeuvre de la procédure 83/189 à environ 450 au cours des années suivantes et atteignent le chiffre record de 900 en 1997. Même en constatant que ce chiffre inclut le cas exceptionnel d'un reliquat de 230 notifications néerlandaises tardives, les 670 notifications restantes en 1997 représentent une très forte augmentation de 40 % en un an. Certes, ceci indique que la procédure fonctionne et que les États respectent leurs obligations de notifications. Mais ceci traduit aussi une prolifération des projets de réglementation nationale qui soumet la Commission européenne à une lourde charge de surveillance, impliquant, au-delà de la DG XV et de la DG III, les autres DG concernées en fonction des compétences techniques.

    3.2. Un facteur aggravant est que ces nouvelles initiatives nationales se sont concentrées ces dernières années pour l'essentiel (90 %) dans des domaines théoriquement harmonisés. Sur le plan sectoriel, il s'agit principalement des télécommunications, des produits agricoles et alimentaires, du bâtiment et des travaux publics, de la construction mécanique, des transports. Les réglementations techniques concernées intéressent notamment l'hygiène, la santé et la sécurité, la protection du consommateur, l'environnement. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. D'une part, il s'agit de secteurs et de domaines où la puissance publique a plus de raisons qu'ailleurs à réglementer, que ce soit au niveau communautaire ou national. D'autre part, la réglementation communautaire a laissé de la place aux réglementations nationales dans la mesure où elle s'est principalement centrée sur des «exigences essentielles». Or, si la Commission veille à ce que, dans le domaine santé et sécurité, ces exigences essentielles constituent à la fois des prescriptions minimales et maximales, les États sont parfois tentés de considérer qu'ils peuvent néanmoins surajouter des prescriptions complémentaires, tout en conservant par ailleurs, dans les domaines de la protection du consommateur ou de la protection de l'environnement, de réelles marges de liberté pour édicter des règles allant au-delà de ces prescriptions communes.

    3.3. Il faut également mentionner, au-delà de l'enchevêtrement toujours vivace des réglementations techniques nationales, le développement des marquages et des labels nationaux, voire régionaux, qui, sans avoir d'effet juridique contraignant, peuvent aussi contribuer à entraver la libre commercialisation à l'échelle du marché unique. La reconnaissance mutuelle des certificats nationaux est également parfois entravée par certains acheteurs qui persistent à exiger dans la pratique d'obtention de certificats nationaux.

    3.4. L'analyse des notifications par la Commission a fait apparaître qu'un tiers n'appelait aucune observation de sa part, tandis qu'un tiers suscitait des observations mineures et un tiers des observations plus importantes amenant la Commission à demander d'étendre de 3 à 6 mois l'embargo à la mise en oeuvre du projet notifié. Au total, on peut considérer qu'une notification sur deux posait un réel problème, plus ou moins important, au regard du droit communautaire. Dans la très grande majorité des cas, les États se sont conformés aux observations de la Commission, qui demandait de modifier le projet ou, au moins, d'assurer une clause de reconnaissance mutuelle aux produits importés d'un autre État membre.

    3.5. On notera aussi que les États eux-mêmes ont obtenu à travers cette procédure de notification la possibilité de se contrôler mutuellement, et qu'ils communiquent à la Commission des avis circonstanciés sur les initiatives leur paraissant poser problème. Ils sont ainsi appelés à exercer une sorte de contrôle collectif et partagé, qu'ils exercent effectivement puisqu'ils interviennent à peu près aussi fréquemment que la Commission européenne elle-même, ce qui démontre bien l'utilité de cette procédure.

    3.6. On soulignera enfin que cet accroissement des réglementations nationales a coïncidé avec une évolution inverse de la réglementation communautaire, laquelle a au contraire nettement diminué au cours des dernières années. Cette décrue de la réglementation communautaire s'explique par une double raison. D'une part, la plupart des directives nécessaires au fonctionnement du marché unique ont été adoptées précédemment avec le programme 1992. D'autre part, l'accent mis ces dernières années sur l'objectif d'alléger la réglementation communautaire, notamment à travers les recommandations du rapport Molitor, a incité la Commission européenne à recentrer ses propositions (approche «mieux légiférer») et à présenter moins de nouvelles propositions que par le passé.

    3.7. On se trouve dès lors dans une situation nettement déséquilibrée sur le plan quantitatif. Au cours de la période 1992 à 1994, les États membres ont ainsi adopté 1 346 mesures de réglementation nationale, alors que la Communauté n'adoptait elle-même que 116 mesures. Et les États qui ont souligné avec la plus grande vigueur le besoin de limiter la réglementation communautaire, tels le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, sont paradoxalement ceux qui ont notifié le plus grand nombre de nouveaux projets nationaux. Par ailleurs, tandis que la réglementation communautaire est par vocation déréglementatrice, puisqu'elle vise à transformer 15 dispositions disparates en une seule, les réglementations nationales ne font jamais en principe qu'ajouter de nouvelles mesures sans en supprimer (même si ces mesures peuvent aussi avoir leur justification, dans un contexte donné, pour le citoyen ou pour le consommateur).

    4. Raisons motivant un rééquilibrage

    4.1. À défaut d'agir plus efficacement à l'encontre de la création des entraves à la source, l'achèvement du marché unique apparaîtra comme une ligne d'horizon qui se dérobe au fur et à mesure qu'on progresse vers l'objectif (même s'il est par ailleurs inévitable que des diversités nationales et/ou régionales doivent subsister sur un marché unique considéré comme «achevé»). Aussi, même quand les principales directives auront été adoptées, le maintien du marché unique en bon état de fonctionnement demeurera un problème permanent, qui devra trouver des solutions «autocorrectives» appropriées.

    4.2. De même, il n'y aura pas de réponse satisfaisante à l'allégement, la simplification et la clarification de la réglementation sur le marché unique tant que cette question n'aura pas fait l'objet d'une réflexion et d'actions concernant aussi les réglementations au niveau national et régional.

    4.3. Il apparaît également nécessaire que les États changent de comportement à l'approche de la mise en place de l'euro. De même que le pacte de stabilité et de croissance impose une convergence des politiques économiques et budgétaires, le fonctionnement du marché unique en régime de monnaie unique devrait susciter une meilleure convergence des dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, et, en toute hypothèse, un souci constant d'«eurocompatibilité».

    4.4. Il convient aussi de veiller au renforcement de la transparence sur les nouvelles mesures nationales afin de parer aux risques de dérive qui pourraient, le cas échéant, découler de deux innovations introduites dans le Traité d'Amsterdam signé en 1997. En effet, le nouveau traité laisse aux États membres la possibilité non seulement de préserver mais d'introduire des règles nationales plus sévères que la réglementation communautaire (article 95.5 ex-article 100a4), alors même que l'article 95.3 (ex-article 100a3) fournit déjà aux États membres un niveau de protection élevé de leurs ressortissants. Si la Commission européenne conserve un pouvoir de contrôle sur ces mesures au cours d'un délai de 6 mois, son accord est considéré comme donné de façon tacite à l'issue de cette période. D'autre part, les États peuvent renforcer, dans le domaine de l'environnement, à travers l'article 176 (ex-article 130t), les mesures adoptées par l'Union européenne sur la base de l'article 176 (ex-article 130s).

    4.5. Enfin, cette question va prendre une ampleur accrue avec la perspective de nouveaux élargissements, qui vont multiplier les possibilités de création par les États membres de nouvelles entraves à la source. Des solutions appropriées devront donc avoir été convenues et mises en oeuvre d'ici là.

    4.6. Il faut ainsi retrouver une relation étroite, durable et satisfaisante entre les besoins de fonctionnement du marché unique, la protection du consommateur et de l'environnement, les impératifs de subsidiarité. Cette relation doit se fonder sur des mesures assurant plus de fluidité dans les échanges, plus de simplicité dans la réglementation, plus de compatibilité entre les mesures nationales, et au total plus de transparence à l'échelle du marché unique.

    5. Actions recommandées au niveau national

    5.1. D'une façon générale, il apparaît indispensable d'obtenir des États un changement d'attitude face aux excès de réglementation. Le Conseil européen a déjà lui-même reconnu la nécessité de progresser vers un allégement de la réglementation dans les États membres eux-mêmes. Il importe donc d'appliquer aux États membres eux-mêmes les recommandations que le rapport Molitor avait adressées aux institutions communautaires: une meilleure remise en ordre de la réglementation existante, moins de réglementations nouvelles, plus de simplification dans la réglementation en vigueur. Les États devraient être invités à présenter chaque année à la Commission un rapport faisant le point sur leur contribution à l'allégement et la simplification de la réglementation en Europe. La Commission pourrait dès lors en tirer une synthèse à l'attention du Conseil européen.

    5.2. En particulier, il conviendrait que les États adoptent moins de réglementations nationales dans les domaines qui font l'objet de mesures d'harmonisation sur le plan communautaire. Ceci devrait concerner en premier lieu les mesures de transcription nationale des directives, où les États devraient veiller à ne pas créer des prescriptions administratives excessives allant au-delà de l'objectif de la directive.

    5.3. Lorsqu'un État adopte une mesure de réglementation nationale pouvant affecter le marché unique, il devrait être en principe tenu d'inclure clairement dans cette réglementation une clause libellée sur un modèle type, commun à tous les États membres, précisant qu'il a tenu compte, sous contrôle d'une notification européenne, des moyens permettant d'éviter le plus efficacement possible les obstacles à l'importation de produits librement produits et commercialisés dans un autre État membre.

    5.4. On devrait également s'assurer que, dans la pratique, les organes nationaux de normalisation s'abstiennent d'adopter une norme nationale dans un domaine faisant l'objet d'une norme européenne en préparation.

    5.5. Il faudrait aussi développer la formation des élus, des fonctionnaires, des magistrats et des juristes nationaux vis-à-vis des exigences du marché unique, notamment le principe du «traitement national» des ressortissants communautaires qui n'est pas encore entré dans les cultures administratives (cf. règles concernant la sécurité sociale, la fiscalité, les questions de domiciliation, etc.). Cette nécessité de formation devrait s'étendre aux niveaux régionaux et locaux, où on constate souvent une méconnaissance de la réglementation communautaire. À titre d'exemple, l'application concrète de la reconnaissance des équivalences de qualifications ou du droit de séjour des ressortissants communautaires impose fréquemment d'intervenir directement auprès du service compétent.

    5.6. Un effort d'information devrait aussi être mené en direction des ressortissants communautaires non nationaux, pour faciliter leur connaissance des actes les plus courants et des procédures administratives, et leur simplifier l'exercice effectif de la liberté d'établissement dans l'Union.

    5.7. Les États membres de l'AELE, qui sont déjà étroitement associés à la reprise de l'acquis communautaire, et dans toute la mesure du possible les États candidats à l'adhésion à l'Union européenne, qui doivent intégrer progressivement cet acquis dans leurs réglementations, devraient être incités à prendre des mesures analogues, qui feraient également l'objet d'un suivi approprié de la part de la Commission européenne.

    6. Actions recommandées au niveau communautaire

    6.1. En premier lieu, les recommandations précédentes s'adressant aux États pourraient être plus facilement mises en oeuvre si elles faisaient l'objet d'un engagement commun, tel un code de conduite des États. Un tel code de conduite pourrait prendre la forme d'une recommandation du Conseil, donnant lieu à une surveillance par la Commission.

    6.2. Concernant la réglementation communautaire, il faut rester conscient des limites à son allégement, surtout face à la tendance inchangée des États membres à légiférer et réglementer eux-mêmes de façon excessive. Un des moyens de promouvoir l'allégement et la simplification de la réglementation en Europe consiste en effet à maintenir la réglementation communautaire à un niveau suffisant pour rapprocher les réglementations nationales. Mais il faut surtout renforcer son efficacité.

    6.3. Il faut d'abord constater que l'harmonisation perd une bonne part de son efficacité lorsqu'elle n'impose aux États membres qu'un niveau minimum, mais les laisse libres d'aller au-delà. Tel est fréquemment le cas d'harmonisations intéressant notamment la protection de l'environnement et celle des consommateurs où les États membres peuvent édicter des réglementations nationales allant au-delà de celles adoptées au niveau européen. Cette asymétrie peut ôter à l'harmonisation une bonne part de son efficacité, les dérogations nuisant à une application uniforme du droit communautaire en portant préjudice à la libre circulation des produits, la libre circulation des personnes, la libre prestation des services, ainsi qu'au libre établissement dans le marché unique. Il conviendrait d'en venir à une conception plus efficace de l'harmonisation, en envisageant, en certains domaines où cette approche s'avérerait appropriée, un plus large recours à des règlements plutôt que des directives. De telles mesures, en limitant la possibilité de réglementations nationales complémentaires divergentes, contribueraient en outre grandement à l'allégement et la simplification de la réglementation en Europe. L'adhésion de tous les États membres à ce nouveau type de prescriptions, garante de leur application effective, serait favorisée par une consultation préalable efficace et approfondie impliquant, à côté des États membres, tous les milieux concernés par la mesure en préparation, et portant aussi sur le type de mise en oeuvre le mieux adapté.

    6.4. Il conviendrait également de réexaminer les modalités de recours aux directives ouvertes ou optionnelles. Dans certains cas, la compétence «résiduelle» laissée aux États membres dans l'application de certaines directives peut être très importante (par exemple, possibilité de choisir, parmi des produits ou substances listés au niveau européen, ceux qu'ils souhaitent autoriser ou interdire sur leur territoire). S'il peut être nécessaire de laisser une certaine souplesse dans l'application des directives, il ne faudrait pas que ceci aille à l'encontre des besoins d'harmonisation. Il conviendrait donc de faire un usage plus restrictif du recours à de telles directives optionnelles.

    6.5. Concernant la procédure d'information et de notification préalable des projets de réglementation, il conviendrait de l'étendre aux services, lesquels ne sont pas actuellement inclus dans le champ d'action de la directive 83/189/CEE. Un premier pas en avant serait l'adoption rapide par le Conseil et le Parlement de la proposition de la Commission concernant son extension aux services de la société de l'information ().

    6.6. La Commission devrait consulter directement les représentants européens des secteurs concernés sur les projets de réglementation nationale qui lui sont notifiés. Les notifications de projets de réglementations des États membres devraient également pouvoir être portées à la connaissance de tous les intéressés ce qui pourrait être réalisé en alimentant une banque de données consultable sur Internet. Cette banque de données devrait aussi donner aux utilisateurs du marché unique une vue d'ensemble des réglementations nationales en vigueur au sein du marché unique.

    6.7. Concernant les reconnaissances mutuelles, force est de constater qu'elles ne sont pas toujours effectives dans les domaines où manquent des normes européennes, ce qui contribue à maintenir des entraves sur le marché communautaire. Certains contrôles ne sont pas encore reconnus, notamment pour les produits alimentaires. Par ailleurs, les difficultés de l'Organisation européenne des essais et de la certification (EOTC) à bien jouer son rôle dans les divers domaines intéressant les activités d'entreprises, notamment les systèmes d'assurance de qualité, amène les organismes nationaux de certification à conclure des accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle. La question de l'application pratique du principe de «reconnaissance mutuelle» mérite ainsi d'être posée à nouveau sous plusieurs angles:

    6.7.1. Une vaste campagne d'information sur la signification du marquage CE devrait être relancée à destination des opérateurs économiques par la Commission et les États membres.

    6.7.2. Il conviendrait de travailler à nouveau au niveau européen pour renforcer la transparence en matière de reconnaissance mutuelle des contrôles de conformité des produits. Il est en effet trop souvent constaté que des contrôles multiples subsistent sur les produits entre les États membres, tant dans le domaine réglementé que dans le domaine volontaire. Des références communes devraient être résolument adoptées au niveau européen sur la qualité des contrôles.

    6.7.3. Les déclarations de conformité des fournisseurs aux exigences essentielles édictées par l'Union européenne devraient être généralement considérées comme suffisantes par les États membres, sans qu'il soit besoin d'ajouter des contrôles supplémentaires, à condition qu'un système efficace d'échanges d'information sur les produits non conformes puisse être parallèlement mis en place entre les États membres. Concernant les produits de pays tiers, cette facilité devrait dépendre de l'existence de réciprocités de traitement.

    6.7.4. En ce qui concerne les marquages de conformité eux-mêmes, il n'est pas rare de voir sur les produits des marquages nationaux ou techniques s'ajouter au marquage CE. Cette multiplicité de marquages va à l'encontre de l'objectif de simplification et de transparence qui doit être la règle en matière d'entraves techniques aux échanges. Il serait particulièrement utile que la réflexion soit approfondie sur ce point entre la Commission, les États membres et les différents acteurs en matière de certification de conformité.

    6.7.5. Il conviendrait enfin de renforcer les contrôles aux frontières externes de l'Union et de l'EEE pour s'assurer qu'il n'existe aucune usurpation dans l'apposition du marquage CE sur les produits importés, notamment pour les produits de grande consommation.

    6.8. Pour vérifier que les directives d'harmonisation et les dispositions de reconnaissances mutuelles ont une prise efficace sur la levée des entraves, un test de «levée réelle des entraves», dépassant le strict cadre d'application juridique des directives, devrait être établi dans les «scoreboards» élaborés par la Commission européenne dans le cadre de la mise en oeuvre de son Plan d'action.

    6.9. Il est également fondamental, au-delà des progrès déjà réalisés ces dernières années, de renforcer les moyens des comités européens de normalisation pour disposer du plus grand nombre de références communes possibles.

    6.10. Dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, il serait nécessaire d'assurer une suite du plan d'action «Flynn» () basé sur les recommandations du «Groupe Veil» en mars 1997.

    6.11. Enfin, force est de constater que les entreprises petites et moyennes, qui représentent, selon la définition communautaire, 99,8 % des entreprises de la Communauté, sont les principales victimes des dysfonctionnements du marché unique. Les obstacles sont particulièrement pénalisants pour les toutes petites entreprises et l'artisanat qui n'ont pas les ressources juridiques, humaines et financières nécessaires. Ce sont des milliers et des milliers d'entreprises qui, ainsi, sont privées de bénéfices espérés du grand marché.

    Le Comité appelle donc la Commission européenne et les États membres à lancer une campagne d'information et d'explication auprès des petites entreprises concernant leurs droits au sein du marché unique et à renforcer les structures d'informations, notamment les Euro-Info-Centres dans cette perspective.

    7. Conclusions

    Malgré les progrès incontestables accomplis dans le fonctionnement du marché unique, les États continuent d'adopter sur le plan national de nombreuses réglementations dans des domaines censés relever de l'harmonisation communautaire. Cette situation, qui impose une lourde charge de surveillance à la Commission, apparaît doublement préoccupante. D'une part, elle indique que les États ne s'appliquent guère à eux-mêmes les objectifs d'allégement de la réglementation qu'ils revendiquent au niveau européen. D'autre part, elle alimente un processus permanent de création de nouvelles barrières potentielles aux échanges, même si la procédure de notification préalable permet d'en corriger un grand nombre.

    Il apparaît donc indispensable d'être vigilant sur cette situation et de poursuivre son analyse (nouveaux développements, secteurs concernés, formes prises par les nouvelles entraves). En effet, le développement de ce phénomène sur sa lancée actuelle remettrait en cause le fonctionnement du marché unique et compromettrait son achèvement. D'ores et déjà, le Comité souligne la nécessité d'engager rapidement de nouvelles initiatives, tant au niveau national que communautaire, pour y remédier.

    7.1. Sur le plan national:

    7.1.1. Les États devraient s'appliquer les disciplines demandées à l'Union pour alléger et clarifier la réglementation en Europe, et présenter chaque année un rapport faisant le point sur leur contribution en ce domaine.

    7.1.2. Ils devraient notamment veiller, dans la transcription des directives, à ne pas créer des prescriptions administratives excessives allant au-delà de l'objectif fixé par ces directives.

    7.1.3. Les projets de réglementation nationale pouvant affecter le marché unique devraient inclure une clause type précisant que l'État membre a tenu compte, sous contrôle d'une notification européenne, des moyens permettant d'éviter le plus efficacement possible les obstacles à l'importation de produits librement produits et commercialisés dans un autre État membre.

    7.1.4. Des actions devraient être engagées pour sensibiliser et former dans les États membres les élus, les fonctionnaires et les juristes, aux exigences du marché unique.

    7.1.5. Les ressortissants communautaires non nationaux devraient bénéficier d'une information plus claire des procédures applicables, leur simplifiant notamment le droit d'établissement.

    7.1.6. Les pays européens associés au marché unique (AELE, États candidats) devraient être incités à prendre des mesures analogues.

    7.2. Sur le plan communautaire:

    7.2.1. En premier lieu, les recommandations précédentes s'adressant aux États pourraient être plus facilement mises en oeuvre si elles faisaient l'objet d'un engagement commun, tel un code de conduite des États.

    7.2.2. La réglementation communautaire devrait se maintenir à un niveau suffisant pour rapprocher efficacement les réglementations nationales.

    7.2.3. En certains domaines où cette approche s'avérerait appropriée, les directives devraient céder la place à des règlements.

    7.2.4. Il faudrait ne recourir à des directives ouvertes ou optionnelles que dans des cas limitatifs et strictement justifiés.

    7.2.5. La notification préalable des projets de réglementation devrait être élargie pour englober non seulement les produits mais aussi les services, à commencer par les services de la société de l'information.

    7.2.6. Les représentants des partenaires socio-économiques européens devraient être consultés sur ces notifications, qui devraient par ailleurs être consultables sur une banque de données Internet, où il serait souhaitable de réunir aussi une vue d'ensemble des réglementations nationales en vigueur au sein du marché unique.

    7.2.7. Il faudrait relancer une campagne d'information sur le marquage CE, renforcer la transparence sur la reconnaissance mutuelle des contrôles de conformité, mieux harmoniser les contrôles aux frontières externes. Les déclarations de conformité des fournisseurs devraient suffire, tout en étant complétées par un système efficace d'échanges communautaires d'information sur les produits non conformes.

    7.2.8. Les «scoreboards» de la Commission sur l'application des directives devraient inclure un test de «levée réelle des entraves».

    7.2.9. Les moyens des comités européens de normalisation devraient être renforcés pour disposer du plus grand nombre de références communes possibles.

    7.2.10. Concernant la libre circulation des travailleurs, une suite devrait être donnée au plan d'action «Flynn».

    7.2.11. Une campagne d'information pour les petites et moyennes entreprises devrait être lancée et les moyens des Euro-Info-Centres devraient être renforcés.

    Bruxelles, le 25 mars 1998.

    Le Président du Comité économique et social

    Tom JENKINS

    () JO C 158 du 26.5.1997.

    () COM(97) 586 final, 12 novembre 1997.

    ANNEXE I à l'avis du Comité économique et social

    Les passages suivants de l'avis de la section, dont le maintien a été demandé par plus d'un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés à la suite d'amendements adoptés par l'assemblée.

    Paragraphe 6.3

    «Il convient d'en venir à une conception plus efficace de l'harmonisation, en envisageant, en certains domaines techniques où cette approche s'avérerait appropriée, un plus large recours à des règlements plutôt que des directives, ou le cas échéant l'adoption de directives plus contraignantes imposant non seulement des prescriptions minimales mais aussi des prescriptions maximales. De telles mesures, en limitant la possibilité de réglementations nationales complémentaires divergentes, contribueraient en outre grandement à l'allégement et la simplification de la réglementation en Europe. L'adhésion de tous les États membres à ce nouveau type de prescriptions, garante de leur application effective, serait favorisée par une consultation préalable efficace et approfondie impliquant, à côté des États membres, tous les milieux concernés par la mesure en préparation, et portant aussi sur le type de mise en oeuvre le mieux adapté.»

    Résultat du vote sur la suppression de la phrase en italiques

    Voix pour: 45; voix contre: 26; abstentions: 8.

    Paragraphe 7.2.1

    «Pour faciliter la mise en oeuvre de ces recommandations, le Conseil devrait exprimer un engagement des États membres qui pourrait se traduire par une recommandation incluant un code de conduite pour éviter de créer de nouvelles entraves non souhaitables à la source.»

    Résultat du vote sur la suppression de ce paragraphe

    Voix pour: 52; voix contre: 3; abstentions: 5.

    ANNEXE II à l'avis du Comité économique et social

    >TABLE>

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