COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 12.5.2022
COM(2022) 217 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Un plan d’action pour la création de corridors de solidarité UE-Ukraine
en vue de faciliter les exportations agricoles et les échanges bilatéraux de l’Ukraine avec l’UE
1.Introduction
L’économie ukrainienne est durement touchée par la guerre d’agression menée par la Russie. Les exportations en particulier sont considérablement freinées en raison du blocus des ports ukrainiens de la mer Noire par la marine russe, car 90 % des exportations de céréales et d’oléagineux transitaient par ces ports avant la guerre.
L’invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie a déjà des répercussions importantes sur les marchés alimentaires mondiaux et compromettra encore plus la sécurité alimentaire mondiale. Sans une action rapide, l’offre mondiale de céréales en subira également les conséquences l’année prochaine. Dans des circonstances normales, 75 % de la production ukrainienne de céréales était exportée, ce qui représentait environ 20 % des recettes annuelles d’exportation du pays. Environ un tiers des exportations est destiné respectivement à l’Europe, à la Chine et à l’Afrique.
L’UE est déterminée à soutenir l’économie et la reprise économique de l’Ukraine, ainsi qu’à contribuer à stabiliser les marchés alimentaires mondiaux et à améliorer la sécurité alimentaire mondiale. L’enjeu commun est donc de permettre à l’Ukraine d’exporter les marchandises de son choix, de continuer à soutenir la production locale et d’améliorer significativement la connectivité avec l’Europe pour les exportations et les importations. Dans cette perspective, la Commission a récemment proposé d’éliminer temporairement tous les droits de douane dus sur les importations en provenance d’Ukraine en vertu de l’accord d’association UE-Ukraine, ainsi que de suspendre toutes les mesures de défense commerciale relatives à l’acier ukrainien
.
En ce qui concerne la sécurité alimentaire mondiale en particulier, il est urgent et important de permettre à l’Ukraine d’exporter sur les marchés mondiaux les produits agricoles actuellement stockés dans le pays. Nous devons aider l’Ukraine afin qu’elle puisse stocker en toute sécurité les prochaines récoltes et assurer les nouveaux semis.
Pour que les produits agricoles arrivent sur le marché mondial et sur celui de l’Union, et aussi pour que l’Ukraine puisse importer des biens de première nécessité (tels que l’aide humanitaire, les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, les engrais et le carburant), il est urgent de mettre en place d’autres itinéraires logistiques exploitant tous les modes de transport entre l’Union et l’Ukraine, tant que l’accès de cette dernière aux liaisons sur la mer Noire n’est pas rétabli. Cela nécessite d’augmenter et de développer les services de fret correspondants sur les itinéraires logistiques reliant l’Ukraine aux ports maritimes de l’Union, d’où les marchandises pourraient être expédiées ailleurs, voire également stockées. Cette mesure est primordiale, non seulement pour les agriculteurs ukrainiens mais aussi pour les consommateurs de l’Union et des pays tiers.
La présente communication recense les principaux goulets d’étranglement signalés par les États membres de l’Union, les autorités ukrainiennes ainsi que les acteurs européens et ukrainiens. Dans le cadre de la réaction de solidarité de l’Union avec l’Ukraine, la Commission européenne propose actuellement un plan d’action assorti de mesures à court, moyen et long termes pour y remédier. Elle collaborera avec les États membres, les autorités ukrainiennes, les opérateurs de transport, les fournisseurs d’équipement et tous les autres acteurs concernés des deux parties pour mettre en place d’autres itinéraires logistiques optimisés: les nouveaux «corridors de solidarité UE-Ukraine». Ces corridors faciliteront notamment l’acheminement de produits agricoles depuis l’Ukraine, mais aussi nos échanges bilatéraux de marchandises et l’accès de l’Ukraine aux marchés internationaux et aux chaînes d’approvisionnement mondiales, garantissant ainsi l’arrivée des précieuses céréales sur le marché mondial.
2.Goulets d’étranglement
Actuellement, des milliers de wagons attendent de passer la douane du côté ukrainien de la frontière avec les États membres voisins. D’autres céréales sont encore stockées dans des silos, prêtes à être exportées. Le temps d’attente moyen des wagons est actuellement de 16 jours et peut atteindre 30 jours à certains points de passage frontalier entre l’Union et Ukraine. Pour les camions, le temps d’attente aux frontières concernées est également trop long. En raison de ces obstacles logistiques, les autorités ukrainiennes ont dû imposer des restrictions d’exportation dans certaines directions.
La Commission, en étroite coopération avec les États membres de l’Union, les autorités publiques ukrainiennes et les représentants des secteurs du transport et de l’agriculture, a recensé plusieurs goulets d’étranglement susceptibles d’entraver le si nécessaire réacheminement des exportations et importations ukrainiennes:
-l’Ukraine utilise un écartement des rails de 1 520 mm
(voie large) tandis que l’écartement standard de l’Union (gabarit UIC) est de 1 435 mm. Par conséquent, il est impossible d’utiliser les wagons ukrainiens dans la plupart des États membres de l’Union, ce qui nécessite de transborder les marchandises des wagons circulant sur voie large dans des wagons répondant à l’écartement standard de l’Union. Ce transbordement doit s’effectuer sur des sites logistiques proches des points de passage frontalier
des deux côtés de la frontière, soit en changeant les bogies des wagons, soit en chargeant les marchandises transportées sur voie large dans des wagons répondant à l’écartement standard de l’Union;
-les capacités actuelles de transbordement sont tout à fait insuffisantes et ne sont pas adaptées pour gérer de gros volumes de marchandises. Par ailleurs, ces opérations de transbordement sont chronophages et nécessitent des machines spéciales, qui peuvent se trouver en quantité insuffisante aux points de transbordement ou dont les capacités ne permettent pas de faire face à l’augmentation soudaine de la demande;
-malgré le blocus des ports maritimes ukrainiens par la Russie, certains navires de mer peuvent également atteindre les ports fluviaux ukrainiens situés sur le Danube. Toutefois, pour l’heure, ces navires ne peuvent couvrir qu’une partie relativement faible du besoin total d’exportation, et ils s’exposent à des risques accrus lorsqu’ils naviguent dans les parties septentrionales de la mer Noire; l’accès ferroviaire et routier depuis Odessa et également vulnérable;
-la connectivité par camion est difficile en raison du manque de véhicules disponibles, de certaines restrictions découlant du cadre régissant les droits de transport, d’autres règles entravant la circulation transfrontière des véhicules, de problèmes administratifs liés à la délivrance et à la validité des documents, ainsi que de la pénurie de conducteurs de camions en Ukraine et dans l’Union. Le temps d’attente des camions aux frontières dépasse souvent 12 heures;
-d’après les retours d’information des acteurs concernés, les expéditions continuent de subir des retards inutiles et coûteux en raison des contrôles frontaliers (contrôles phytosanitaires et vétérinaires et dédouanement).
3.Plan d’action pour les corridors de solidarité UE-Ukraine
La Commission européenne ne peut pas remplacer les accords commerciaux conclus entre les opérateurs de l’Union et les vendeurs de céréales ukrainiens, mais elle peut aider à faciliter la coordination entre les acteurs ainsi que les autorités compétentes. Les mesures à court terme doivent libérer le potentiel logistique existant, tandis que les actions supplémentaires à moyen et long termes devraient favoriser le commerce de l’Ukraine après la guerre et soutenir la reconstruction du pays.
Le blocus naval temporaire au nord de la mer Noire et l’immobilisation au sol de l’aviation civile en Ukraine requièrent l’organisation de nouveaux itinéraires d’approvisionnement pour les exportations et importations ukrainiennes, principalement au moyen du transport terrestre et fluvial. Les États membres se trouvant à proximité de l’Ukraine allouent des ressources considérables et consentent d’importants efforts pour fluidifier les exportations de l’Ukraine vers l’Union et au-delà. La Commission reconnaît les efforts déployés par ces États membres de l’Union situés en première ligne et a l’intention de continuer à soutenir les mesures qu’ils prennent à cet effet.
La priorité est maintenant de mobiliser et d’exploiter au mieux les infrastructures et les équipements existants, de développer les capacités dans la mesure du possible, et d’accroître ainsi que de diversifier les itinéraires susceptibles d’être empruntés pour assurer la continuité du commerce. Il est également nécessaire d’investir dans de nouveaux équipements et infrastructures et d’améliorer ceux qui existent, mais il s’agit souvent d’un travail à moyen et long termes.
Mesures à court terme
3.1Matériel roulant de fret, navires, bateaux et camions supplémentaires
Il faut un grand nombre de wagons répondant à l’écartement standard de l’Union pour répondre à la demande continue de la chaîne logistique à destination des marchés d’exportation pertinents. Il serait possible de répondre partiellement à ce besoin en exploitant le matériel roulant de la manière la plus efficace possible (par exemple, en réduisant au minimum le temps de trajet ainsi que la durée de chargement et de déchargement dans les centres de transbordement et dans les ports), mais il est évident que l’offre insuffisante de wagons répondant à l’écartement standard de l’Union reste un goulet d’étranglement important.
Il existe un besoin urgent de wagons à grains et intermodaux ainsi que de conteneurs et de conteneurs-citernes (pour les liquides tels que l’huile de tournesol). Concernant le transport sur le Danube, il faut un plus grand nombre de chalands et de caboteurs. Étant donné la plus grande disponibilité de wagons intermodaux au sein de l’Union, il est possible de développer relativement vite le grutage (mobile) de conteneurs aux points de passage frontalier. Il est donc important d’évaluer d’urgence la possibilité d’accroître l’utilisation de conteneurs pour le transport des céréales, de même que leur disponibilité en Ukraine comme dans l’Union.
Pour faire correspondre l’offre et la demande de matériel roulant, de chalands et caboteurs, ainsi que d’autres véhicules et équipements utiles, la Commission mettra en place une plateforme de mise en relation. Du côté de l’Ukraine, les ministères, les autorités douanières, le tout nouveau conseil ukrainien de coordination de la logistique dans le secteur agricole et les acteurs ukrainiens sont les mieux placés pour prévoir la demande de services de transport. Dans l’Union, en plus de la participation des acteurs du secteur concernés (par exemple, les sociétés de transport, les opérateurs de transbordement, les corridors de fret ferroviaire et les ports), il sera demandé à chaque État membre de désigner un point de contact spécifique pour les corridors de solidarité (guichet unique), qui sera chargé de collaborer avec les acteurs nationaux de la chaîne logistique et de veiller à la résolution rapide de tous les problèmes logistiques liés à des questions relevant de leurs autorités respectives. La Commission pilotera la mise en place de la plateforme et jouera le rôle de facilitateur entre les différents acteurs pour améliorer significativement l’organisation des opérations de transport. La mission de conseil de l’Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) continuera à conseiller les autorités ukrainiennes.
Actions:
1) La Commission appelle les acteurs du marché de l’Union à mettre de toute urgence à disposition les équipements, le matériel roulant, les véhicules, les chalands et les bateaux nécessaires. Les associations sectorielles concernées devraient mobiliser leurs membres de toute urgence à cet effet.
2) La Commission travaillera en étroite collaboration avec les États membres, les autorités ukrainiennes et les acteurs du secteur pour créer une plateforme de mise en relation destinée à faciliter les échanges entre les acteurs de la chaîne logistique et à optimiser le flux de marchandises.
3) La Commission appelle chaque État membre à désigner un point de contact spécifique pour les corridors de solidarité, ce qui permettrait aux acteurs de signaler les problèmes rencontrés dans la chaîne logistique.
3.2Capacité des réseaux de transport et des terminaux de transbordement
Les lignes de fret de plusieurs États membres sont souvent encombrées; la planification et l’utilisation efficace de l’infrastructure ferroviaire revêtent donc une grande importance lorsqu’il s’agit gérer une forte augmentation du volume de marchandises. Alors que les opérateurs économiques ukrainiens concentrent actuellement la plupart de leurs efforts sur les expéditions par la Roumanie et la Pologne, il convient d’envisager activement l’exploitation d’autres lignes de fret, des capacités de transbordement et de transport par conteneur et des infrastructures de ports maritimes dans d’autres États membres susceptibles de disposer d’une capacité inutilisée, par exemple les États baltes ou la Bulgarie.
Compte tenu de l’urgence, il est également justifié de donner temporairement la priorité aux trains de marchandises liés aux exportations ukrainiennes sur le réseau de transport européen. Pour ce faire, il est nécessaire de garantir une disponibilité suffisante de créneaux ferroviaires entre les centres de transbordement et les ports de l’Union.
Les capacités actuelles de transbordement (y compris par le changement des roues ou bogies de wagons) sont tout à fait insuffisantes et ne sont pas adaptées pour gérer un volume élevé de marchandises. Le transbordement est une activité chronophage et requiert des machines spéciales, qui ne sont pas disponibles en quantité suffisante aux points de transbordement. Les chargeurs mobiles de céréales peuvent fortement accélérer le transbordement, mais la production de cet équipement est rare dans l’Union. Il convient donc d’étudier la possibilité de transférer l’équipement actuellement disponible vers les terminaux frontaliers UE-Ukraine, par exemple au moyen de contrats de location temporaire.
Le chargement des wagons répondant à l’écartement standard de l’Union peut s’effectuer des deux côtés de la frontière, dans la mesure où les écartements de voie différents pénètrent en certains points (jusqu’à 60 km) sur le territoire ukrainien et vice versa. Néanmoins, les propriétaires de wagons de l’Union ont jusqu’à présent été réticents à autoriser l’entrée de leur matériel roulant et de leurs véhicules en Ukraine. Cette dernière a adopté un décret gouvernemental visant à couvrir financièrement le coût du préjudice lié à la perte de wagons et de chalands. Toutefois, d’autres garanties pourraient être nécessaires afin d’encourager les opérateurs de l’Union à poursuivre leurs opérations. Il faudra déterminer si l’Union, en coopération avec ses États membres (par exemple, les agences nationales de crédit à l’exportation), ou les institutions financières internationales devraient mettre en place un instrument complémentaire pour offrir des garanties supplémentaires en ce qui concerne l’utilisation des capacités de transbordement des deux côtés de la frontière.
Il convient également d’envisager d’autres options, telles que le transport routier. Cela nécessitera de surmonter certaines des limitations actuelles liées aux permis de transit, aux cartes tachygraphiques des chauffeurs, aux permis de conduire, aux certificats de compétence professionnelle ou à d’autres règles entravant la circulation des camions et chauffeurs ukrainiens au sein de l’Union. Il importe également d’envisager des simplifications appropriées, y compris des garanties, pour faciliter l’exploitation des camions de l’Union en Ukraine. Le 6 avril 2022, la Commission a adopté une recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations en vue d’un accord sur le transport de marchandises par route entre l’Union européenne et l’Ukraine, qui pourrait s’appliquer au-delà de sa durée initiale, tant que les infrastructures et opérations de transport resteront durement touchées par l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine. Cette recommandation vise à accorder certains droits d’accès aux transporteurs ukrainiens et de l’Union en ce qui concerne le transit et les opérations bilatérales entre les territoires concernés.
Actions:
4) La Commission demande que la priorité soit donnée à l’acheminement des exportations agricoles ukrainiennes vers les corridors de fret offrant les meilleures capacités disponibles. La plateforme de mise en relation indiquée dans l’action 2) devrait aider de manière continue à localiser ces capacités.
5) La Commission demande aux gestionnaires de l’infrastructure de mettre à disposition les créneaux ferroviaires nécessaires entre les centres de transbordement et les ports de l’Union.
6) La Commission, par l’intermédiaire de la plateforme de mise en relation, travaillera avec les États membres et le secteur pour répertorier les principaux centres de transbordement et de changement de gabarit aux frontières entre l’Union et l’Ukraine et au-delà, afin de déterminer comment optimiser les volumes susceptibles d’être transbordés quotidiennement, pour le transport en vrac et par conteneurs.
7) La Commission demande aux acteurs du marché de produire d’urgence des chargeurs mobiles de céréales et/ou de prêter ou vendre ces équipements aux sites de transbordement concernés. Elle aidera à déterminer les disponibilités existantes et à établir des liens entre les autorités et entreprises intéressées et les producteurs de ces machines par l’intermédiaire de la plateforme de mise en relation.
8) Grâce à la plateforme de mise en relation, la Commission lancera un appel à manifestation d’intérêt aux ports de l’Union afin de recenser ceux vers lesquels il serait possible de lancer des services ferroviaires et routiers, et elle évaluera comment donner la priorité à ces expéditions dans les ports.
9) La Commission étudiera de manière plus approfondie la nécessité de prévoir des garanties complémentaires et envisagera de coopérer avec les agences nationales de crédit à l’exportation des États membres de l’Union, les institutions financières internationales (telles que la Banque mondiale, la BEI et la BERD) et d’autres fournisseurs de services financiers pour mettre en place des garanties supplémentaires en vue de soutenir les entreprises de fret ferroviaire et de transport fluvial ainsi que les propriétaires de wagons et de camions.
10) La Commission s’efforcera de conclure rapidement un accord de transport routier avec l’Ukraine, dès que le Conseil l’en aura chargée.
11) La Commission suivra l’évolution de la délivrance des cartes tachygraphiques des chauffeurs et pourra fournir d’autres orientations, qui seront consultables en ligne. Le réseau de points de contact nationaux pour les transports jouera un rôle important à cet égard. La Commission entend également adopter une proposition législative de règlement prévoyant des mesures spécifiques et temporaires relatives aux documents des chauffeurs, compte tenu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
3.3Opérations douanières et autres contrôles
Même si notre but est de faciliter la logistique, les procédures douanières restent nécessaires pour toutes les expéditions et le dédouanement peut prendre jusqu’à plusieurs jours en raison de la longueur des procédures. Il semble donc urgent de déterminer quelles procédures douanières ne sont pas essentielles et pourraient être simplifiées, et d’examiner si des capacités supplémentaires seraient nécessaires.
La législation de l’Union n’exige aucune certification vétérinaire ou phytosanitaire pour les importations de céréales ou le transit par l’Union. Dans le cadre d’un programme de contrôle national, les États membres peuvent prélever des échantillons pour vérifier la conformité aux exigences de l’Union en ce qui concerne tant les importations que le marché national. Ces contrôles doivent cependant être fondés sur les risques, proportionnés et non discriminatoires. Actuellement, ces contrôles peuvent malheureusement prendre jusqu’à plusieurs jours et différer d’un point de passage frontalier à l’autre et entre les États membres. Non seulement ces retards nuisent à la rapidité du transit, mais ils entraînent également des frais supplémentaires pour les opérateurs économiques et les opérateurs de transport.
Tous les points de passage frontalier ne disposent pas non plus du nombre d’agents requis pour gérer des arrivées de wagons 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L’augmentation des capacités liées aux procédures de contrôle et d’inspection, l’application plus proportionnée de ces dernières ou leur suppression grâce à une meilleure compréhension des règles applicables accéléreraient considérablement les procédures. Les États membres doivent donc affecter un nombre adéquat d’agents aux postes-frontières pour accélérer tous les contrôles en vigueur et fournir des services 24 heures sur 24 à tous les points de passage frontalier concernés. Par ailleurs, il convient de réaliser des contrôles et des inspections ailleurs qu’à la frontière (par exemple, dans les ports maritimes ou à destination).
Il convient d’encourager cette même approche dans les ports où il importe d’effectuer rapidement les contrôles administratifs, frontaliers et douaniers ou le dédouanement afin de réduire au minimum le temps de rotation du matériel roulant dans la zone portuaire.
La Commission appelle de ses vœux une simplification supplémentaire des procédures de délivrance des certificats d’exportation nécessaires en Ukraine, qui permettrait d’éviter d’accumuler du retard dans le transport des céréales hors d’Ukraine.
La mission de conseil de l’Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) et la mission de l’UE d’assistance à la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine (EU BAM), conformément à leur mandat respectif, peuvent épauler les autorités frontalières et douanières ukrainiennes afin de faciliter l’entrée de marchandises dans l’Union.
Dans ses lignes directrices pour la gestion des frontières extérieures afin de faciliter le franchissement des frontières entre l’UE et l’Ukraine, la Commission a également recommandé, si la configuration d’un point de passage frontalier le permet et qu’un nombre suffisant d’agents de contrôle frontalier et des douanes peut être déployé par les États membres, la désignation de «voies d’aide d’urgence» pour les camions afin de garantir la continuité de la fourniture de produits et de services.
12) La Commission, avec la participation des autorités nationales et à l’aide de la plateforme de mise en relation, recensera les goulets d’étranglement dus aux procédures de certification de l’Union ou nationales ou à d’autres procédures et encouragera les autorités douanières des États membres à adopter des mesures pour y remédier, par exemple le déplacement des contrôles ailleurs qu’à la frontière.
13) La Commission demande instamment aux États membres d’appliquer des contrôles et des échantillonnages proportionnés et fondés sur les risques. Elle les invite à faire preuve d’une souplesse maximale, voire à renoncer temporairement aux exigences non essentielles découlant de la législation nationale, et à faciliter les procédures administratives pour réduire au minimum la charge administrative.
14) Les États membres devraient garantir des capacités et une présence adéquates d’agents de contrôle frontalier et des douanes ainsi que d’inspecteurs phytosanitaires et vétérinaires aux frontières pour accélérer les procédures de contrôle.
15) La Commission convoquera des réunions régulières pour résoudre les problèmes qui pourraient se manifester et appliquer une approche coordonnée entre les États membres. Il convient également d’organiser des réunions régulières avec les autorités ukrainiennes pour suivre la situation et remédier à tout goulet d’étranglement. Enfin, la Commission convoquera des réunions avec le secteur pour qu’aucune demande de certificat officiel ne soit effectuée si cela n’est pas exigé par les autorités compétentes de destination.
3.4Stockage des marchandises sur le territoire de l’Union
Même si la priorité la plus importante est le transfert des produits agricoles vers les ports maritimes, cela ne devrait pas exclure l’utilisation des capacités de stockage disponibles dans l’Union pour libérer celles de l’Ukraine. Ainsi, il serait possible de créer un tampon (de préférence à proximité des points de passage frontalier et des gares situées le long des lignes à voie large disponibles dans l’Union et dans les ports maritimes de l’Union) et d’utiliser plus efficacement le matériel roulant. À cette fin, une cartographie des capacités de stockage est nécessaire. Cette évaluation des capacités de stockage des ports de l’Union serait bénéfique non seulement à court terme, mais aussi à moyen terme (récolte à l’été-automne 2022) étant donné qu’un certain nombre d’installations de stockage des céréales en Ukraine pourraient être inaccessibles, voire détruites.
Action:
16) La Commission évaluera les capacités de stockage disponibles dans l’Union et se coordonnera avec les États membres afin de contribuer à augmenter les capacités de stockage temporaire.
Mesures à moyen et long termes
3.5Augmentation des capacités d’infrastructure dans les nouveaux corridors d’exportation
Au-delà de l’urgence de trouver de nouveaux itinéraires pour faire face au problème crucial des exportations de céréales, il convient également de mettre en œuvre au plus vite des mesures à moyen terme pour améliorer l’infrastructure (notamment les terminaux de transbordement et les terminaux multimodaux ainsi que les connexions rail-route nécessaires dans les ports concernés) au sein de l’Union et sur les territoires ukrainien et moldave, et pour accroître la connectivité avec l’Union.
La Commission continuera à évaluer les lacunes actuelles et à repérer d’autres goulets d’étranglement. Par exemple, certains des points de passage frontalier à double écartement ne sont plus utilisés depuis longtemps ou les capacités se sont réduites ces dernières années. Une exploitation accrue, néanmoins, nécessiterait une rénovation urgente de ces lignes sur le territoire de l’Union. Les programmes 2021-2017 financés par le Fonds de cohésion et le Fonds européen de développement régional (dans le cadre des programmes Interreg), associés aux instruments de financement extérieur de l’Union, pourraient contribuer aux travaux en question en utilisant les procédures de passation de marché appropriées. Le développement des capacités des changeurs d’écartement pour les wagons et des capacités de l’infrastructure de transport aux points frontaliers constitue une autre priorité, que les instruments susmentionnés peuvent également soutenir.
Action:
17) La Commission fournira des orientations relatives aux financements disponibles et aux procédures de passation de marché les plus appropriées à utiliser pour soutenir la (re)construction ou le renforcement de l’infrastructure lorsque des interventions rapides peuvent donner des résultats rapides.
3.6Nouvelles connexions d’infrastructure
De nouvelles connexions d’infrastructure devront être mises en place dans le cadre de la reconstruction de l’Ukraine, qui iront bien plus loin que ce qui était envisagé jusque-là dans le cadre du plan économique et d’investissement pour l’Ukraine. Il importe d’axer l’évaluation des besoins futurs sur les points suivants:
·l’amélioration des connexions transfrontalières (route-route, rail-route et rail-rail) entre l’Union et l’Ukraine ainsi que l’optimisation et la modernisation des flux de transport par les capacités d’infrastructure, l’interopérabilité et l’efficacité des services de passage frontalier, y compris la réouverture de points de passage frontalier supplémentaires. Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) peut soutenir les investissements nécessaires;
·le développement de nouveaux corridors du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) central reliant l’Union à l’Ukraine et à la Moldavie;
·l’amélioration de la connectivité et de la navigabilité sur le corridor Rhin-Danube pour rendre le trafic plus efficace grâce à une coopération renforcée entre les ports et les autorités fluviales de l’Union, de l’Ukraine et de la Moldavie.
Les appels à propositions au titre du MIE permettront de soutenir des projets améliorant les connexions de transport entre l’Union et l’Ukraine. Il existe notamment des possibilités de financer les connexions ferroviaires, les terminaux rail-route et rail-rail (y compris pour le changement d’écartement) et les projets visant à faciliter les flux de trafic dans les zones de contrôle frontalier à la frontière extérieure de l’Union. Les projets destinés à accroître la navigabilité sur le Danube peuvent également faire l’objet d’un soutien au titre du MIE. Les projets de double usage pour les routes et les aéroports sont également admissibles au titre des appels du MIE spécifiques à la mobilité militaire. En plus du MIE, une évaluation relative aux autres mécanismes de financement de l’Union susceptibles d’être mobilisés pour répondre aux besoins est en cours. Dans ce contexte, une évaluation est actuellement menée concernant la faisabilité de la rénovation et de l’amélioration, à l’aide des fonds de l’Union, de certains points de passage frontalier du territoire ukrainien à la frontière avec l’Union (par exemple, deux avec la Roumanie et un avec la Slovaquie), en vue d’augmenter leur capacité et de leur permettre de traiter des marchandises. Des points de passage frontalier supplémentaires pourraient être envisagés à l’avenir.
Actions
18) Dans le cadre de la révision en cours du RTE-T, la Commission étudiera l’extension des corridors du RTE-T en Ukraine pour accroître la connectivité avec l’Union par le développement de lignes ferroviaires à écartement standard de l’Union en Ukraine et en Moldavie.
19) Pour préparer le terrain, la Commission adoptera en urgence une décision consistant à conclure, après y avoir été habilitée par le Conseil, un accord de haut niveau avec l’Ukraine concernant la révision des cartes du RTE-T.
20) L’appel à propositions du MIE permettra d’axer tout particulièrement le soutien sur les projets visant à améliorer l’interopérabilité et la connectivité du réseau de transport de l’Union avec l’Ukraine.
4.Conclusions
Compte tenu du degré élevé d’incertitude et d’instabilité qui régnera tant que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine se poursuivra, il faudra faire preuve de flexibilité, d’agilité et de résilience pour garantir le fonctionnement des itinéraires de transport et des chaînes d’approvisionnement entre l’Union et l’Ukraine.
À court terme, il est essentiel que l’Ukraine reste entièrement intégrée aux chaînes d’approvisionnement et aux marchés agricoles mondiaux.
Il est essentiel d’augmenter l’approvisionnement des marchés mondiaux en produits agricoles pour lutter contre l’aggravation de l’insécurité alimentaire mondiale résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de ses conséquences désastreuses. Pour absorber dans toute la mesure possible les volumes qui transitaient auparavant par les ports maritimes ukrainiens, tous les modes de transport doivent être mobilisés au maximum de leurs capacités.
La mise en place de corridors de solidarité UE-Ukraine et les autres actions susmentionnées visent à faire face à l’urgence de la situation en ce qui concerne les exportations ukrainiennes, mais elles joueront également un rôle important pour répondre aux besoins de l’Ukraine en matière d’importation de biens de première nécessité. Pour mettre en œuvre ces actions, la Commission collaborera avec les États membres, les autorités ukrainiennes, les opérateurs de transport européens et ukrainiens, les gestionnaires de l’infrastructure, les propriétaires de matériel roulant, de navires, de bateaux et de véhicules, les institutions financières internationales ainsi que les autres acteurs concernés dans toute la région.