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Document 52019IP0081(01)

Résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur les mesures prises récemment par la Fédération de Russie à l’encontre des juges, procureurs et enquêteurs lituaniens chargés d’enquêter sur les événements tragiques du 13 janvier 1991 à Vilnius (2019/2938(RSP))

JO C 232 du 16.6.2021, p. 54–57 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

16.6.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 232/54


P9_TA(2019)0081

Mesures récentes prises par la Fédération de Russie contre les juges, procureurs et enquêteurs lituaniens participant à l’enquête sur les tragiques événements du 13 janvier 1991 à Vilnius

Résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur les mesures prises récemment par la Fédération de Russie à l’encontre des juges, procureurs et enquêteurs lituaniens chargés d’enquêter sur les événements tragiques du 13 janvier 1991 à Vilnius (2019/2938(RSP))

(2021/C 232/09)

Le Parlement européen,

vu ses résolutions antérieures sur la Fédération de Russie,

vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention européenne des droits de l’homme),

vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,

vu la convention d’entraide judiciaire de l’Union européenne,

vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

vu les principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la magistrature,

vu le récent échange de vues qui s’est tenu au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures le 12 novembre 2019 (1),

vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,

A.

considérant que l’annexion par l’URSS communiste de la République de Lituanie, entre autres pays, est la conséquence directe du pacte germano-soviétique;

B.

considérant que la Fédération de Russie, en vertu de ses engagements au regard de la déclaration universelle des droits de l’homme et de la convention européenne des droits de l’homme, et en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, est tenue de respecter les principes de la démocratie et de l’état de droit ainsi que les libertés fondamentales et les droits de l’homme;

C.

considérant que, entre le 11 et le 13 janvier 1991, les forces armées de l’URSS ont commis un acte d’agression contre l’État indépendant de Lituanie et sa population, qui tentait de défendre pacifiquement l’émetteur de télévision de Vilnius, lequel a fait 14 victimes et quelque 800 blessés; que les mesures répressives des forces armées soviétiques se sont poursuivies jusqu’à la tentative de coup d’État qui a eu lieu en août 1991 à Moscou;

D.

considérant que ce massacre a été dénoncé par la communauté internationale, y compris par le chef du Conseil suprême de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, au cours d’une manifestation de masse qui a eu lieu à Moscou quelques jours plus tard;

E.

considérant que la Fédération de Russie a reconnu le rétablissement l’État indépendant de Lituanie, le 11 mars 1990, dans le traité conclu entre celle-ci et la République socialiste fédérative soviétique de Russie sur le fondement des relations entre États du 29 juillet 1991;

F.

considérant que la Fédération de Russie a pris en charge les droits et obligations de l’ancienne Union soviétique, à laquelle celle-ci a succédé;

G.

considérant que, le 27 mars 2019, le tribunal régional de Vilnius a rendu un jugement dans l’affaire dite du «13 janvier», dans lequel Dimitri Yazov, ancien ministre de la défense de l’Union soviétique, Vladimir Uskhopchik, ancien commandant d’armes de l’armée soviétique à Vilnius, Mikhaïl Golovatov, ancien commandant des forces spéciales du KGB, ainsi que soixante-quatre citoyens russes, biélorusses et ukrainiens, sont reconnus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en raison de leur participation à l’acte d’agression contre l’État de Lituanie;

H.

considérant que tous les accusés ont été jugés par contumace, à l’exception de deux d’entre eux, Iouri Mel et Gennady Ivanov, anciens officiers de l’armée soviétique, et ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 14 ans d’emprisonnement; que les jugements rendus au printemps 2019 concernent les événements tragiques qui ont suivi la déclaration d’indépendance de la Lituanie du 11 mars 1990 et les tentatives soviétiques de contraindre la Lituanie à révoquer sa déclaration d’indépendance, qui ont commencé avec un blocus économique pendant la première moitié de l’année 1990 et ont culminé avec une brutale tentative de renversement du gouvernement lituanien en janvier 1991;

I.

considérant que, lors de l’instruction préparatoire dans l’affaire du 13 janvier, les autorités de la République de Lituanie ont insisté auprès des autorités compétentes de la Fédération de Russie pour obtenir une assistance juridique dans le cadre de ces procédures pénales, mais que cette dernière n’a pas coopéré;

J.

considérant que la Russie est réputée accueillir et protéger activement les principaux responsables et auteurs des actes d’agression armée contre des civils innocents et non armés, comme Mikhaïll Golovatov, officier de haut rang pendant les événements de janvier 1991, et qu’elle prend toutes les mesures possibles pour les aider à échapper à leurs responsabilités;

K.

considérant que la première réaction de la Russie à la décision de justice rendue a été négative, la Douma russe ayant déclaré que ce procès était «motivé par des considérations politiques» et constituait «une tentative de réécrire l’histoire», et le ministère russe des affaires étrangères ayant annoncé que cette affaire «ne serait pas sans conséquences»;

L.

considérant qu’entre juillet 2018 et avril 2019, la commission d’enquête de la Fédération de Russie a engagé des procédures pénales à l’encontre de procureurs, d’enquêteurs et de juges de la République de Lituanie chargés d’enquêter ou de statuer sur l’affaire du 13 janvier en s’appuyant sur les articles 299 et 305 du code pénal de la Fédération de Russie, qui criminalisent le fait d’«engager la responsabilité pénale d’une personne notoirement innocente» et engagent la responsabilité pénale des intéressés lorsqu’«un juge (ou des juges) rende(nt) sciemment un jugement, une décision ou un autre acte juridique inique»;

M.

considérant que les poursuites pénales engagées par la Fédération de Russie, lesquelles reposent sur des motivations politiques, pourraient se traduire par un recours abusif au système Interpol et à d’autres accords bilatéraux et multilatéraux de coopération dans le but de restreindre les droits des procureurs chargés de l’instruction et des juges du fond dans le cadre des recherches, des interrogatoires et des arrestations effectués dans le cadre de l’affaire du 13 janvier; considérant que la Fédération de Russie pourrait tenter d’obtenir l’émission de mandats d’arrêt internationaux à l’encontre des fonctionnaires lituaniens impliqués dans des procédures;

N.

considérant que les médias étatiques ainsi que les représentants officiels de la Fédération de Russie mènent une campagne de propagande et de désinformation visant à donner crédit à des théories du complot concernant l’affaire du 13 janvier, et que cette démarche s’inscrit dans le cadre des menaces hybrides dirigées contre l’Union européenne et les démocraties;

O.

considérant que l’état de droit, notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire, compte au rang des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée; que la Commission, en collaboration avec le Parlement européen et le Conseil, est tenue, en vertu des traités, de garantir le respect de l’état de droit en tant que valeur fondamentale de l’Union et de veiller à ce que le droit, les valeurs et les principes de l’Union européenne soient respectés;

P.

considérant que les juges des États membres sont aussi des juges de l’Union européenne dans son ensemble;

Q.

considérant que l’indépendance du pouvoir judiciaire est un fondement de l’état de droit et qu’elle est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie et au respect des droits de l’homme; que l’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme;

R.

considérant que les principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la magistrature prévoient qu’il incombe à toutes les institutions, gouvernementales et autres, de respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire; qu’ils proscrivent également toute intervention injustifiée ou ingérence dans les procédures judiciaires (2);

S.

considérant que la déclaration universelle des droits de l’homme consacre en particulier les principes d’égalité devant la loi, de présomption d’innocence et de droit à être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi;

T.

considérant que l’article premier de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, que la Fédération de Russie a ratifiée, dispose que «[les] Parties contractantes s’engagent à s’accorder mutuellement, selon les dispositions de la présente convention, l’aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante»;

U.

considérant que la Fédération de Russie enfreint de plus en plus de lois et d’engagements internationaux et qu’elle adopte des positions qui vont à l’encontre des relations de bon voisinage, compromettant ainsi toute perspective de coopération future;

1.

exprime sa solidarité et adresse ses condoléances aux familles des victimes des événements du 13 janvier;

2.

prend acte du fait que les actions entamées par les autorités russes en ce qui concerne les juges et les procureurs lituaniens violent des valeurs juridiques fondamentales, notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que le principe selon lequel la limitation des libertés fondamentales et des droits de l’homme n’est légale qu’aux fins pour lesquelles de telles restrictions sont imposées par le droit international;

3.

rappelle que le fait d’engager des poursuites pénales contre des procureurs et des juges pour leurs activités professionnelles constitue une forme d’ingérence inacceptable qui interfère avec la primauté du droit;

4.

souligne que les poursuites engagées dans de telles affaires pénales ne sauraient être considérées comme légitimes;

5.

condamne fermement ces violations des principes fondamentaux et normes du droit international commises par les autorités russes et s’oppose à ces procédures pénales motivées par des considérations politiques;

6.

exprime sa solidarité à l’égard des procureurs, des enquêteurs et des juges lituaniens poursuivis par la Fédération de Russie dans cette affaire ainsi qu’à l’égard du gouvernement lituanien dans ses efforts pour attirer l’attention sur cette affaire et limiter les préjudices et les dangers auxquels sont exposées les personnes illégalement accusées par les autorités russes;

7.

souligne que les garanties universellement reconnues de l’indépendance des juges et des procureurs proscrivent toute ingérence, de quelque nature que ce soit, dans l’administration de la justice par les tribunaux, l’exercice de toute influence, aussi minime soit-elle, sur un jugement, ainsi que la poursuite d’un juge pour un arrêt rendu ou l’ingérence dans les investigations du parquet;

8.

demande aux pouvoirs publics de la Fédération de Russie de mettre un terme aux poursuites pénales engagées contre les procureurs, les enquêteurs et les juges dans l’affaire du 13 janvier;

9.

demande aux autorités de la Fédération de Russie, en application du traité conclu le 29 juillet 1991 entre la Lituanie et la République socialiste fédérative soviétique de Russie sur le fondement des relations entre États, de déterminer la responsabilité des personnes qui ont dirigé l’acte d’agression perpétré du 11 au 13 janvier 1991 contre l’État de Lituanie ou qui y ont participé, et de prêter assistance aux autorités répressives de la République de Lituanie pour que justice soit faite dans l’affaire du 13 janvier;

10.

demande aux autorités de la Fédération de Russie et de la Biélorussie de se conformer aux demandes d’entraide judiciaire de la République de Lituanie dans l’affaire du 13 janvier;

11.

demande aux autorités russes de mettre fin à la campagne irresponsable de désinformation et de propagande menée par des représentants de la Fédération de Russie;

12.

exhorte les États membres, s’ils devaient recevoir des demandes d’entraide judiciaire de la part de la Fédération de Russie en lien avec les poursuites pénales engagées dans la Fédération de Russie contre les procureurs et les juges travaillant sur l’affaire du 13 janvier, de considérer ces demandes comme étant motivées par des considérations politiques, de coopérer étroitement avec les autorités lituaniennes et de rejeter les demandes en question;

13.

invite la Commission de contrôle des fichiers d’Interpol (CCF), chargée d’empêcher l’émission de mandats d’arrêt abusifs de nature politique, à rester vigilante concernant toute demande de mandat d’arrêt international à l’encontre des fonctionnaires lituaniens accusés; invite tous les États membres et autres signataires du statut de l’O.I.P.C.-INTERPOL à faire fi de tous les mandats d’arrêt internationaux contre les fonctionnaires lituaniens accusés; demande à Interpol d’ignorer toutes les demandes de mandat d’arrêt liées à l’affaire du 13 janvier;

14.

invite tous les États membres à s’abstenir de communiquer à la Russie des données à caractère personnel susceptibles d’être utilisées dans des procédures pénales contre les juges, procureurs et enquêteurs lituaniens;

15.

invite les États membres à coopérer pleinement au niveau européen au regard de leurs politiques à l’égard de la Russie, une plus grande cohérence et une meilleure coordination étant essentielles pour parvenir à une politique européenne plus efficace, et à redoubler d’efforts pour renforcer la résilience et trouver des solutions concrètes pour soutenir et renforcer les processus démocratiques et l’indépendance du pouvoir judiciaire;

16.

demande aux présidents du Conseil et de la Commission, à la VP/HR et aux États membres de continuer à suivre de près ces affaires, de les aborder dans différents cadres et réunions avec la Fédération de Russie, et d’informer le Parlement des échanges avec les autorités russes, tout en informant dûment les autorités russes de l’unité et de la solidarité de l’Union européenne en l’espèce, comme dans d’autres affaires connexes; invite instamment les États membres à aborder cette affaire dans le cadre de leurs échanges avec les autorités russes;

17.

charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et au président, au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie.

(1)  https://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20191112-0900-COMMITTEE-LIBE

(2)  https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/IndependenceJudiciary.aspx


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