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Document 52020IE1401

Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension industrielle de l’union de la sécurité» (avis d’initiative)

EESC 2020/01401

JO C 364 du 28.10.2020, p. 43–48 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/43


Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension industrielle de l’union de la sécurité»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/06)

Rapporteur:

José CUSTÓDIO LEIRIÃO

Corapporteur:

Jan PIE

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

26.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue la détermination de la nouvelle Commission européenne à renforcer la souveraineté technologique de l’Union et souligne l’importance que revêt le secteur de la sécurité à cet égard. La sécurité passe obligatoirement par les technologies, et l’Europe doit maîtriser celles qui sont cruciales pour la sienne.

1.2.

Afin de réaliser cet objectif, le CESE invite la Commission européenne à lancer une stratégie visant à renforcer les capacités industrielles et technologiques de l’Europe dans le domaine de la sécurité. C’est indispensable, en particulier dans les secteurs sensibles où la dépendance à l’égard de fournisseurs non européens peut devenir en soi un risque pour la sécurité. La stratégie doit soutenir les objectifs de la nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’Union et lui ajouter un volet industriel. Elle devrait contribuer à répondre aux besoins actuels et futurs des utilisateurs finals européens en matière de capacités ainsi qu’à relever les principaux défis auxquels le secteur est confronté en Europe, à savoir la fragmentation du marché, l’absence de planification à long terme en matière de capacités et de technologies ainsi que le manque de cohérence des politiques et instruments de financement de l’Union.

1.3.

La stratégie industrielle en matière de sécurité devrait reposer sur les principes suivants:

a)

une industrie de la sécurité innovante est essentielle pour la souveraineté technologique et l’autonomie stratégique de l’Europe;

b)

la sécurité est une question de souveraineté qui ne peut être laissée aux seules forces du marché. Une volonté et une action politiques sont nécessaires si l’on veut préserver la capacité d’élaborer des solutions complexes en matière de sécurité de haute technologie;

c)

compte tenu de la pandémie de COVID-19, la résilience aux catastrophes naturelles ou d’origine humaine à grande échelle doit devenir une priorité politique essentielle de l’Union et ne peut être réalisée qu’avec le soutien de l’industrie européenne de la sécurité.

La stratégie devrait être élaborée dans le cadre de l’union de la sécurité et améliorer l’efficacité des politiques de l’Union en matière de sécurité. Elle devrait adopter une approche globale et tendre vers les objectifs suivants:

évaluer les points faibles de l’Europe et sa dépendance très importante dans le domaine de la sécurité non militaire,

évaluer les technologies émergentes sous l’angle de leur utilisation potentielle dans le domaine de la sécurité,

recenser des technologies «indispensables» pour la fourniture desquelles l’Europe ne devrait pas dépendre, pour des raisons de sécurité, de pays tiers,

recenser les chaînes de valeur stratégiques dans le secteur de la sécurité,

recourir aux agences de l’Union en tant que moteurs de planification des capacités et d’harmonisation des exigences nationales,

utiliser les outils de l’Union liés à la sécurité (FSI, FGIF, Europe numérique, Horizon Europe, rescEU) en vue d’investir de façon ciblée dans les technologies et applications critiques en matière de sécurité,

utiliser d’autres instruments de l’Union (Fonds structurels, InvestEU, etc.) pour consentir des investissements en matière de sécurité (infrastructures), idéalement à travers la création d’un mécanisme qui garantisse la sécurité de l’Europe (sur le modèle du mécanisme pour l’interconnexion en Europe),

avoir recours aux marchés publics européens et coordonner les marchés publics nationaux pour soutenir la base industrielle pertinente,

utiliser des outils de financement axés sur le renforcement des capacités (tels que le FSI et le FGIF) afin d’inciter le marché à prendre en compte la recherche européenne en matière de sécurité au-delà du programme Horizon Europe,

recenser d’éventuelles nouvelles initiatives législatives, comme la révision de la directive relative à la protection des infrastructures critiques (PIC) ou l’élaboration éventuelle d’un instrument relatif à la sécurité urbaine,

coordonner les programmes pertinents de l’Union en matière de défense, de sécurité, d’espace et de cybersécurité.

Introduction

1.4.

L’environnement sécuritaire de l’Europe est extrêmement complexe. Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité sont souvent multiples, transnationales, en rapide évolution et difficiles à prévoir. Elles peuvent toucher un large éventail d’objectifs dans l’ensemble de l’Union, par exemple, les événements de masse, les transports, les infrastructures critiques et les institutions, et provenir d’une grande variété d’acteurs, qu’il s’agisse, entre autres, de personnes agissant seules, d’organisations criminelles, de groupes terroristes ou d’États-nations. Ces acteurs peuvent être animés par des motivations très diverses, qu’elles soient d’ordre géopolitique, liées à l’extrémisme religieux ou politique, à des intérêts économiques ou financiers ou encore à des troubles mentaux, et avoir recours à toutes sortes de moyens pour accomplir leurs méfaits, par exemple les armes à feu, les engins explosifs improvisés, les substances CBRN, les cyberattaques ou la désinformation.

1.5.

Outre les menaces d’origine humaine, les catastrophes naturelles, telles que les inondations, sécheresses, tempêtes ou pandémies, constituent un risque croissant en raison du changement climatique, de la pollution environnementale et de la surexploitation des ressources naturelles. Les catastrophes naturelles sont généralement encore plus dévastatrices que les catastrophes d’origine humaine et menacent directement et indirectement la sécurité.

1.6.

Si les menaces pesant sur la sécurité varient, il en va de même en ce qui concerne les forces de sécurité et leurs besoins en matière de capacités. Par ailleurs, il est fréquent que les forces de sécurité coopèrent, comme c’est le cas par exemple du personnel de première intervention lors d’une catastrophe, et elles ont besoin d’équipements interopérables à la hauteur du défi que constitue la menace à laquelle elles sont confrontées.

1.7.

Malgré leur diversité, les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité ont une chose en commun, à savoir que l’on ne peut y faire face sans le soutien de la technologie. Si la technologie ne peut, en elle-même, garantir la sécurité, dans nos sociétés complexes et connectées, elle lui est toutefois indispensable dans tous les domaines et aux différentes étapes de son cycle (prévention, préparation, réaction et rétablissement). L’évolution rapide et la prolifération des nouvelles technologies numériques, telles que l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et la chaîne de blocs, renforceront encore l’importance que revêt la technologie pour la sécurité, dans la mesure où elles créent non seulement de nouvelles possibilités, mais multiplient aussi les vulnérabilités tout comme la capacité de nuisance.

1.8.

Sans l’expertise d’une industrie de la sécurité spécialisée, il est impossible de développer les technologies de pointe nécessaires pour faire face aux menaces sécuritaires actuelles et à venir. L’industrie de la sécurité constitue en particulier un partenaire essentiel pour les systèmes de sécurité complexes et la protection contre des acteurs de la menace sophistiqués.

1.9.

La base industrielle et technologique européenne en matière de sécurité est aussi diverse que le sont les besoins des sociétés et des économies modernes dans ce domaine. Cette base se compose d’entreprises de toutes tailles et situées dans l’ensemble de l’Union, qui regroupent différents produits et spécialisations. Nombre d’entre elles ont également des activités dans le domaine de la défense, de l’aérospatial ou de l’informatique commerciale, ou sont des filiales de grands groupes opérant dans ces secteurs. Toutes développent et produisent des systèmes de haute technologie et fournissent les services nécessaires pour protéger nos sociétés, nos entreprises, nos institutions et nos citoyens contre toutes sortes de catastrophes et menaces pour la sécurité. Selon la dernière étude exhaustive réalisée en la matière, l’industrie européenne de la sécurité génère un chiffre d’affaires de près de 200 milliards d’euros et emploie 4,7 millions de personnes (1).

2.   Observations générales

2.1.

L’Union a un intérêt économique, mais aussi stratégique, à développer une base industrielle européenne dynamique dans le domaine de la sécurité. Plus un secteur lié à la sécurité est critique, plus la dépendance vis-à-vis des fournisseurs de pays tiers peut elle-même devenir un risque pour la sécurité. Il est essentiel d’utiliser des technologies, des services et des équipements élaborés à partir de sources fiables, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger des infrastructures critiques et des institutions publiques contre des menaces émanant d’acteurs étatiques ou soutenus par l’État.

2.2.

La pandémie de COVID-19 et ses conséquences directes et indirectes ont par ailleurs mis en lumière la nécessité de disposer d’une industrie européenne solide en matière de sécurité. Le recours massif aux outils numériques, par exemple, a entraîné une augmentation considérable des cyberattaques, tant de la part d’acteurs étatiques que non étatiques, contre des entreprises et des opérateurs qui fournissent des services essentiels. Cette pandémie nous enseigne dès lors qu’il est fondamental de renforcer la cyberrésilience et la cybersécurité concernant toutes les activités numériques des entreprises et institutions. Depuis l’apparition du virus, nous assistons de nouveau à des campagnes de désinformation, qui sont souvent promues par des gouvernements étrangers et ne peuvent être combattues efficacement sans outils technologiques sophistiqués. La COVID-19 a également révélé d’importantes lacunes dans la capacité de l’Union à gérer des crises, telles que l’absence d’une réserve commune de matériel CBRN. En un mot, une multitude de mesures s’imposent pour rendre l’Europe plus résiliente face aux catastrophes de grande ampleur. La plupart de ces mesures revêtant un caractère sensible, il est impératif de les mettre en œuvre avec l’aide de fournisseurs qui soient fiables et assurent la sécurité de l’approvisionnement en période de crise.

2.3.

L’Union européenne a donc un intérêt stratégique à maintenir en Europe les capacités industrielles nécessaires pour assurer un niveau approprié d’autonomie et de souveraineté technologique dans des secteurs critiques de la sécurité. Dans le même temps, les conditions actuelles du marché ne facilitent malheureusement pas la prise en compte de cet intérêt stratégique, que du contraire: eu égard aux caractéristiques spécifiques du marché de la sécurité en Europe, il est souvent difficile pour les entreprises de créer des modèles économiques viables pour les technologies concernées.

2.4.

Sur le plan commercial, la demande de produits de sécurité de pointe coûteux reste marginale. Les opérateurs du marché privé cherchant constamment à réduire les coûts, ils limitent habituellement les investissements en matière de sécurité au strict nécessaire et privilégient les produits standard les moins chers, qu’ils se procurent souvent auprès de fournisseurs de pays tiers.

2.5.

S’agissant de la demande du secteur public sur le marché de la sécurité, il existe une grande variété d’acheteurs et d’utilisateurs finaux, dont la plupart disposent de budgets limités pour les marchés publics, passent des commandes peu importantes et sont légalement tenus d’acheter au prix le plus bas. En outre, la grande majorité des clients du secteur public ne planifient pas le développement des capacités en matière de sécurité. Ils achètent des équipements standard pour répondre à leurs besoins immédiats, sans mener aucune réflexion sur la manière dont les menaces et les technologies sont susceptibles d’évoluer dans le futur, et encore moins sur les investissements nécessaires pour s’y préparer.

2.6.

Compte tenu des particularités que présentent les deux côtés de la demande en matière de sécurité, le marché des technologies et applications critiques est très restreint. Les solutions de sécurité complexes sont souvent conçues sur mesure pour un seul client ou un très petit nombre de clients, ce qui limite au minimum les volumes de production et les économies d’échelle. Dans le meilleur des cas, les technologies mises en œuvre pour ces systèmes peuvent être utilisées pour d’autres applications moins sensibles destinées à un marché plus large. Ainsi, en raison des conditions actuelles du marché, il est impossible d’assurer la pérennité dans l’Union d’une base technologique et industrielle capable de développer les capacités de sécurité dont l’Europe a besoin pour protéger ses frontières extérieures, son territoire et ses citoyens. Cette situation nuit à la crédibilité de l’union de la sécurité et appelle une action renforcée de l’Union.

État des lieux des politiques de l’Union en matière de sécurité

2.7.

Depuis le lancement du programme européen en matière de sécurité en avril 2015, l’Union européenne s’est efforcée de mettre en place une véritable union de la sécurité qui fournisse les outils, les infrastructures et l’environnement requis pour permettre aux autorités nationales et européennes de coopérer réellement afin de relever les défis communs, tout en protégeant les droits et les libertés des citoyens (2). Le nombre même d’initiatives menées dans ce contexte démontre que la sécurité est assurément devenue l’une des grandes priorités politiques de l’Union:

directive relative à la lutte contre le terrorisme (3),

révision des règles sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (4),

création du Système d’information Schengen (SIS) (5),

interopérabilité des systèmes d’information de l’Union dans le domaine de la sécurité, des frontières et des migrations (6),

création de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) (7),

règlement sur la cybersécurité (8),

renforcement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) (9),

système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) (10).

Ces initiatives viennent compléter les programmes et instruments de financement existants, tels que le Fonds pour la sécurité intérieure.

2.8.

Par rapport au cadre financier pluriannuel (CFP) précédent, la proposition de la Commission relative au prochain CFP prévoit une augmentation considérable des principales lignes budgétaires concernées, avec 35,3 milliards d’euros pour la gestion des frontières et des migrations, 4 milliards d’euros pour la sécurité intérieure et 15,6 milliards d’euros pour la résilience et la réaction aux crises (11). L’Union financera également un autre programme de recherche sur la sécurité au titre du programme Horizon Europe, qui a déjà apporté une contribution importante à la conception et au développement des capacités futures dans le cadre du programme Horizon 2020.

2.9.

S’agissant des technologies numériques, la Commission européenne propose également, une augmentation importante des dépenses (par exemple, le programme Horizon Europe ou le programme pour une Europe numérique) afin de renforcer la souveraineté technologique de l’Europe dans des domaines d’importance stratégique. À cet égard, la Commission a notamment déclaré qu’elle avait l’intention de renforcer les synergies entre les secteurs de l’espace, de la défense et de la sécurité.

2.10.

La souveraineté technologique est également un élément-clé de la «nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe», dans laquelle la Commission européenne souligne que «la transformation numérique, la sécurité et la future souveraineté technologique de l’Europe dépendent de nos infrastructures numériques stratégiques» et annonce qu’elle «soutiendra le développement de technologies clés génériques qui revêtent une importance stratégique pour l’avenir industriel de l’Europe» (12).

Observations particulières

2.11.

La compétence de l’Union en matière de sécurité reste limitée et se borne très souvent à assurer la coordination entre les autorités nationales. C’est la raison pour laquelle les politiques de sécurité demeurent fragmentées et souvent inefficaces. Il en va de même dans d’autres secteurs liés à la sécurité, comme la santé publique.

2.12.

La sécurité dans l’Union est une priorité politique sans dimension industrielle. S’il existe un nombre impressionnant de politiques et d’outils de financement liés à la sécurité dotés de budgets considérables, il n’y a toutefois aucune coordination des besoins en matière de capacité ni de politique cohérente visant à soutenir la base industrielle et technologique pertinente. Des concepts tels que la compétitivité industrielle, l’autonomie stratégique, la planification des capacités et les technologies critiques n’ont pas été pris en compte dans le cadre du débat sur l’union de la sécurité et n’ont jamais été considérés comme des objectifs des programmes de financement en matière de sécurité.

2.13.

Le «Plan d’action en faveur d’un secteur industriel de la sécurité innovant et compétitif» présenté par la Commission en 2012 manquait d’ambition, avait une portée limitée et est dès lors resté en grande partie lettre morte.

2.14.

Le programme de recherche de l’Union en matière de sécurité mobilise des ressources considérables mais comporte de graves lacunes. L’exploitation par le marché des résultats de la recherche reste un défi majeur, étant donné qu’il n’existe pas de processus commun de planification des capacités en matière de sécurité qui contribuerait à regrouper les demandes des utilisateurs publics finals et qu’il n’est pas fait systématiquement usage d’autres instruments financiers de renforcement des capacités élaborés par l’Union pour soutenir le déploiement de solutions dans ce domaine.

2.15.

La nouvelle stratégie de sécurité intérieure oriente les politiques de l’Union en matière de sécurité et devrait dès lors s’efforcer de remédier à ces lacunes. Elle devrait permettre de faire face à l’évolution rapide de la technologie et à ses conséquences sur la sécurité, promouvoir une définition commune des besoins en matière de capacités dans le domaine de la sécurité et encourager la coopération européenne afin de répondre à ces besoins. Cela permettrait de renforcer l’union de la sécurité, de contribuer considérablement à la création d’un véritable marché intérieur de la sécurité et à la préservation d’une industrie européenne de la sécurité qui soit compétitive.

2.16.

L’industrie est indispensable pour transformer les technologies en solutions concrètes. Une stratégie industrielle ambitieuse pour les principaux secteurs relevant de la souveraineté devrait dès lors faire partie des priorités politiques de l’Union. Il est particulièrement urgent d’élaborer une telle politique pour le secteur de la sécurité, lequel pâtit actuellement des graves défaillances du marché qui rendent très difficile le maintien des capacités industrielles et technologiques critiques.

2.17.

Le CESE invite dès lors la Commission européenne à élaborer une stratégie industrielle spécifique en matière de sécurité afin de soutenir la nouvelle stratégie de sécurité intérieure et de rendre l’union de la sécurité plus efficace. Cette stratégie industrielle devrait être ambitieuse et générale, c’est-à-dire veiller à ce que l’ensemble des politiques et instruments pertinents contribuent à assurer la souveraineté technologique de l’Union dans les secteurs critiques de la sécurité. Elle devrait également garantir que tous les instruments de l’Union liés à la sécurité (FSI, FGIF, rescEU) comportent un volet industriel, et que tous les programmes en lien avec la technologie (Europe numérique, Horizon Europe) comportent un volet lié à la sécurité. Cela permettrait de répondre aux besoins des entités publiques en matière de sécurité, offrirait de nouvelles possibilités à l’industrie européenne et améliorerait la prise en compte en temps utile des incidences des technologies émergentes sur le plan de la sécurité.

2.18.

À cette fin, il convient de préciser le concept de souveraineté technologique et de le mettre en application. Le CESE se félicite de l’importance que la Commission accorde aux technologies numériques, mais considère qu’il ne faut pas se limiter à celles-ci. La priorité devrait être donnée à toutes les technologies critiques dans les principaux secteurs relevant de la souveraineté, à savoir la sécurité, la défense et l’espace. Ce concept devrait en outre être réexaminé à la lumière de la pandémie de COVID-19 et englober la résilience en tant qu’objectif stratégique.

2.19.

La «nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» de la Commission propose des éléments importants pour renforcer la souveraineté technologique dans des domaines critiques de la sécurité. Le concept de chaînes de valeur stratégiques, en particulier, devrait servir de cadre à une approche globale qui couvre l’ensemble du cycle industriel, de l’approvisionnement en matières critiques à la maintenance, en passant par l’industrialisation, et qui coordonne l’utilisation de tous les instruments de politique appropriés, y compris le contrôle des investissements directs étrangers.

2.20.

Le prochain cadre financier pluriannuel devra être adapté aux besoins de la période (post-)COVID-19, tout comme les politiques qu’il soutient et les programmes qu’il finance. Il convient de réexaminer les priorités et instruments précédemment définis et de prendre en compte les enseignements tirés des difficultés rencontrées par l’Europe pour combattre la pandémie. Cette observation vaut également pour l’union de la sécurité et la nouvelle stratégie de sécurité intérieure, qui devraient mettre l’accent sur la nécessité d’accroître la souveraineté technologique et la résilience.

2.21.

Au cours du prochain cycle budgétaire, afin de surmonter la récession provoquée par la pandémie, l’Union devrait investir principalement dans les secteurs de haute technologie, étant donné qu’ils présentent la valeur ajoutée et les effets multiplicateurs les plus importants pour l’ensemble de l’économie (13). Une stratégie industrielle de l’Union en matière de sécurité qui contribue à rendre l’Europe plus autonome et plus résiliente s’inscrirait parfaitement dans cette approche et devrait par conséquent être lancée de toute urgence dans le cadre du plan de relance de l’Union post-COVID-19.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Compte tenu de la diversité du secteur de la sécurité, celui-ci n’est actuellement pas clairement défini. De plus, seules des estimations approximatives sont disponibles quant à la taille du marché. La classification méthodique du secteur de la sécurité est entravée par une série de facteurs: 1) l’industrie de la sécurité en tant que telle n’est pas couverte par les principales nomenclatures statistiques (NACE, Prodcom, etc.); 2) la production de biens liés à la sécurité dépend de diverses rubriques, et les statistiques pour celles-ci ne font pas de distinction entre les activités liées à la sécurité et celles qui ne le sont pas; 3) aucune source de données statistiques issue du secteur lui-même n’est disponible au niveau européen. Voir l’étude sur l’élaboration de données statistiques relatives à la base industrielle et technologique européenne dans le domaine de la sécurité, Ecorys, rapport final pour la Commission européenne, DG Migration et affaires intérieures, juin 2015.

(2)  Communication de la Commission intitulée «Mise en œuvre du programme européen en matière de sécurité pour lutter contre le terrorisme et ouvrir la voie à une union de la sécurité réelle et effective», Bruxelles, 20.4.2016, COM(2016) 230 final: https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9aeae420-0797-11e6-b713-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_1&format=PDF

(3)  Directive relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 88 du 31.3.2017, p. 6).

(4)  Directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73).

(5)  Règlement sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières (JO L 312 du 7.12.2018, p. 14) et règlement sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale (JO L 312 du 7.12.2018, p. 56).

(6)  Règlement relatif à l’interopérabilité (frontières et visas) (JO L 135 du 22.5.2019, p. 27) et règlement relatif à l’interopérabilité (coopération policière et judiciaire, asile et immigration) (JO L 135 du 22.5.2019, p. 85).

(7)  Règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) (JO L 295 du 21.11.2018, p. 99).

(8)  Règlement relatif à l’ENISA (Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité) et à la certification de cybersécurité des technologies de l’information et des communications (JO L 151 du 7.6.2019, p. 15).

(9)  Règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (JO L 295 du 14.11.2019, p. 1).

(10)  Règlement portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (JO L 236 du 19.9.2018, p. 1).

(11)  À prix courants. Voir la communication de la Commission intitulée «Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe», Bruxelles, 27.5.2020, COM(2020) 442 final: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/about_the_european_commission/eu_budget/1_fr_act_part1_v9.pdf

(12)  Communication de la Commission intitulée «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe», Bruxelles, 10.3.2020, COM(2020) 102 final: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0102&from=ES

(13)  Voir, par exemple, «Il ruolo dell’innovazione et dell’alta technologia in Italia nel confronto con il contesta internazionale» («Le rôle de l’innovation et des techniques de pointe en Italie par rapport au contexte international»), Centro economia digitale, Rome, octobre 2019.


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