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Document 52020IE1132

    Avis du Comité économique et social européen sur «Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2» (avis d’initiative)

    EESC 2020/01132

    JO C 364 du 28.10.2020, p. 21–28 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    28.10.2020   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 364/21


    Avis du Comité économique et social européen sur «Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2»

    (avis d’initiative)

    (2020/C 364/03)

    Rapporteur:

    Krister ANDERSSON

    Décision de l’assemblée plénière

    20.2.2020

    Base juridique

    Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

    Compétence

    Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

    Adoption en section

    24.6.2020

    Adoption en session plénière

    16.7.2020

    Session plénière no

    553

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    209/1/6

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’il existe des raisons fondées de mettre en place des règles uniformes au sein de l’Union européenne pour lutter contre le réchauffement de la planète et, sur cette base, d’engager des discussions au niveau international avec d’autres blocs commerciaux.

    1.2.

    Les discussions menées jusqu’à présent ont principalement porté sur les réglementations et les taxes environnementales, en particulier les taxes visant à réduire les émissions. Le CESE fait valoir qu’il est nécessaire de lutter contre le réchauffement planétaire de manière globale et symétrique, en tenant compte du niveau de CO2 présent dans l’atmosphère.

    1.3.

    Lors de ses travaux sur la réduction des émissions de carbone, la Commission a concentré son attention sur le système d’échange de quotas d’émission. Le CESE estime qu’à l’avenir, il pourrait être utile, voire nécessaire, d’élaborer également de nouvelles mesures fiscales susceptibles de compléter le SEQE actuel et les taxes nationales sur le carbone, en vue de créer un cadre d’action efficace et symétrique pour remédier à l’augmentation des émissions de CO2.

    1.4.

    Le CESE salue l’approche de la Commission, qui lui semble être une avancée positive dans l’établissement d’une tarification plus efficace du carbone dans l’ensemble de l’économie. Il conviendrait de coordonner cet outil avec d’autres instruments supplémentaires, notamment une nouvelle approche en matière de fiscalité, au sein du marché intérieur de l’Union dans un cadre politique cohérent, ainsi qu’avec d’autres outils similaires mis en place dans d’autres juridictions à travers le monde.

    1.5.

    Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts consentis pour réduire de manière effective le niveau de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère.

    1.6.

    Le CESE est d’avis que, même avec la mise en œuvre de nouvelles taxes et de mesures supplémentaires, le réchauffement de la planète risque de se poursuivre, à moins que l’on ne puisse retirer de l’atmosphère le CO2 déjà émis.

    1.7.

    Le CESE encourage à réaliser des investissements spécifiques pour développer les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) et de captage et d’utilisation du carbone (CUC), au niveau européen comme national, dans la mesure où celles-ci contribuent à l’objectif consistant à réduire l’impact des émissions de CO2 et, plus généralement, aux objectifs de développement durable promus par les Nations unies, ainsi qu’aux objectifs définis dans l’accord de Paris sur le changement climatique.

    1.8.

    Les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone devraient être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2 aux échelons local, régional et national.

    1.9.

    Le CESE attire l’attention sur d’autres instruments d’action permettant de réduire les émissions de carbone. Ceux-ci vont des nouvelles technologies aux pratiques de gestion des terres, qu’il faut encourager et soutenir tant au niveau de l’Union qu’à l’échelon national. En tout premier lieu, les forêts éliminent naturellement le dioxyde de carbone, et les arbres, grâce à la photosynthèse, sont particulièrement efficaces pour stocker le carbone absorbé dans l’atmosphère. L’expansion, la restauration et la gestion correcte des forêts peuvent permettre d’optimiser la capacité de photosynthèse afin d’éliminer le CO2.

    1.10.

    Si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat.

    1.11.

    Le CESE tient à souligner qu’il est primordial de mettre en œuvre des mesures efficaces d’une manière qui soit socialement acceptable pour tous.

    2.   Observations générales

    2.1.

    Le réchauffement planétaire est source de préoccupation pour tous et les gouvernements sont à la recherche de méthodes efficaces pour limiter la hausse de la température du globe. Plusieurs facteurs sont en cause dans ce phénomène, mais les émissions de dioxyde de carbone (CO2) y jouent un rôle particulièrement important.

    2.2.

    Le CO2 est le gaz à effet de serre le plus produit par les activités humaines et est ainsi responsable à 64 % du réchauffement de la planète provoqué par l’homme (1). La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère a enregistré une augmentation considérable depuis plusieurs décennies et est actuellement 40 % plus élevée qu’elle ne l’était au début de l’industrialisation.

    2.3.

    La température moyenne de la surface de la Terre a augmenté de 0,9 oC depuis la fin du XIXe siècle (2). Cette évolution est due à la hausse des rejets dans l’atmosphère de dioxyde de carbone et d’autres émissions causées par l’homme, qui seraient, selon de nombreux chercheurs, responsables de l’augmentation globale de la température planétaire.

    2.4.

    Les activités humaines modifient le cycle du carbone à la fois en rejetant davantage de CO2 dans l’atmosphère, ce qui joue sur la capacité des puits naturels, comme les forêts, à éliminer le CO2 présent dans l’atmosphère, et en affectant la capacité des sols à stocker le carbone. La principale activité humaine génératrice de CO2 est la combustion de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) dans les secteurs de l’énergie et des transports, suivie de certains procédés industriels et pratiques d’utilisation des sols.

    2.5.

    Responsable de 53 % des émissions mondiales, l’Asie est à l’heure actuelle le plus grand émetteur régional au monde, la Chine étant à l’origine de 10 milliards de tonnes (soit plus d’un quart du total mondial), tandis que l’Amérique du Nord est le deuxième plus grand émetteur (18 % des émissions mondiales), suivie de près par l’Europe (17 %) (3).

    2.6.

    L’opinion publique et la société civile, de même que les partis politiques au niveau européen comme à l’échelon national, prennent peu à peu conscience de l’incidence des émissions de CO2 sur la température de la Terre et le changement climatique.

    2.7.

    À son tour, la Commission européenne a hissé le développement d’initiatives concrètes pour lutter contre le changement climatique au rang des priorités absolues de son programme politique, à l’exemple du pacte vert pour l’Europe (4), avant d’être contrainte de se focaliser sur la situation d’urgence liée à la COVID-19 durant les premiers mois de 2020.

    2.8.

    Le pacte vert pour l’Europe (5) est une pierre angulaire du nouveau programme politique de la Commission européenne. Il vise à répondre efficacement aux actuels défis en matière d’environnement et constitue une stratégie de croissance dans l’objectif de parvenir, au sein de l’Union, à des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles à l’horizon 2050.

    2.9.

    Le pacte vert pour l’Europe couvre les principaux secteurs de l’économie européenne, notamment les transports, l’énergie, l’agriculture et la construction, ainsi que certaines industries spécifiques comme celles de l’acier, du ciment, des TIC, du textile et des produits chimiques. La Commission travaille actuellement à l’élaboration de la première «loi européenne sur le climat» et s’attache à établir des stratégies et des investissements supplémentaires spécifiques en vue de favoriser une croissance économique respectueuse de l’environnement. Le Fonds pour une transition juste est important, mais il pourrait nécessiter davantage de ressources (6).

    3.   Instruments d’action pouvant être utilisés pour réduire les émissions de CO2  (7)

    3.1.

    Nombreuses sont les activités qui peuvent entraîner une pollution dommageable aux autres acteurs de l’économie. Au moment de décider d’entreprendre une activité, il se peut que ces effets ne soient pas pris en compte. L’exercice d’une activité a alors lieu sans considération des externalités qui en découlent, c’est-à-dire sans tenir compte du coût social réel de l’activité en question. Il importe, lors de la prise de décisions, d’intégrer le coût social de la pollution. À cette fin, il est possible d’imposer une taxe sur l’activité concernée. L’externalité sera alors internalisée dans la décision et la pollution diminuera en fonction des coûts qu’elle engendre.

    3.2.

    Cependant, une activité peut aussi entraîner une réduction des niveaux globaux de pollution, créant alors une externalité positive. Il convient d’encourager ces activités afin qu’elles prennent un tel essor que les bénéfices soient entièrement compensés. Pour ce faire, il est possible d’instaurer une subvention ou un impôt négatif.

    3.3.

    Étant donné que les émissions de CO2 ont des effets sur la planète entière, le prix à payer pour polluer devrait être le même partout pour des incidences négatives équivalentes. Ce n’est qu’à cette condition que la taxe sera mise en place de manière efficace par rapport aux coûts. Une approche mondiale est dès lors nécessaire (8).

    3.4.

    Il est toutefois difficile d’évaluer avec exactitude la quantité de CO2 que chaque activité génère et il n’existe aucun marché mondial où une taxe uniforme peut être imposée sur les activités productrices de CO2. C’est pourquoi les pays ont dû recourir à des mesures parcellaires. Il importe d’étendre les mesures prises à de plus vastes régions et à des activités plus polluantes.

    3.5.

    Le CESE estime qu’il existe des raisons fondées de mettre en place des règles uniformes au sein de l’Union européenne et, sur cette base, d’engager des discussions au niveau international avec d’autres blocs commerciaux.

    3.6.

    L’utilisation de permis d’échange dans l’Union et ailleurs est une méthode qui permet de répondre à la nécessité d’instaurer un prix uniforme par tonne de CO2 émise.

    3.7.

    Les discussions menées jusqu’à présent ont toutefois porté principalement sur les réglementations et les taxes environnementales, en particulier les taxes visant à réduire les émissions. Le CESE fait valoir qu’il est nécessaire de lutter contre le réchauffement planétaire de manière globale et symétrique, en tenant compte du niveau de CO2 présent dans l’atmosphère.

    3.8.

    Sachant que l’on peut lutter contre le réchauffement de la planète en diminuant le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, il est tout aussi avantageux de réduire une certaine part des émissions de CO2 que d’en retirer la même quantité de l’atmosphère. Par conséquent, il conviendrait de traiter de manière symétrique la hausse ou la baisse de ce taux. Ainsi, l’ajout de CO2 dans l’atmosphère (pollution) devrait engendrer un surcoût (taxe), tandis que les activités qui réduisent le niveau de CO2 devraient être subventionnées (impôt négatif).

    3.9.

    Jusqu’à présent, l’accent a néanmoins été placé presque exclusivement sur la prévention de nouvelles émissions. Même avec la mise en œuvre de nouvelles taxes et de mesures supplémentaires, le réchauffement de la planète risque de se poursuivre, à moins que l’on ne puisse retirer de l’atmosphère le CO2 déjà émis. Le CESE estime dès lors que les États membres devraient instaurer des mesures symétriques.

    3.10.

    L’objectif d’une taxe sur les émissions de carbone et d’un impôt négatif sur les réductions de CO2 dans l’atmosphère consiste à influencer les comportements et à internaliser l’externalité du réchauffement planétaire. La taxe et/ou la subvention auront toutefois des répercussions sur les possibilités de production et d’emploi dans tous les secteurs de l’économie. A priori, il ne va pas de soi que les taux d’imposition positif et négatif devraient être de la même ampleur (9).

    3.11.

    Il est de la plus haute importance d’harmoniser les différentes incitations destinées à stimuler les investissements durables, pour autant que l’on prenne en considération les externalités positives associées. Une méthodologie harmonisée appliquée aux indicateurs de faibles émissions de carbone doit servir de guide pour le calcul d’autres impacts.

    3.12.

    Afin que la transition vers une économie sans carbone soit plus stable sur le plan économique et plus crédible politiquement, il faut sans plus attendre prendre des mesures pour diminuer les subventions directes et indirectes destinées au secteur des combustibles fossiles, lequel génère des coûts élevés pour l’environnement.

    3.13.

    Étant donné que les besoins financiers du pacte vert pour l’Europe sont très importants et que les ressources budgétaires communes de l’Union sont assez limitées, le rôle du secteur privé est considérable. Un accord sur le cadre financier pluriannuel doit en tenir compte. Cependant, les taxes sur le CO2 servent essentiellement à répondre à la nécessité de modifier le comportement des ménages, des entreprises et des entités publiques, et non à dégager des revenus. Le CESE tient à souligner qu’il est primordial de mettre en œuvre des mesures efficaces d’une manière qui soit socialement acceptable pour tous.

    4.   Systèmes d’échange de quotas d’émission

    4.1.

    Le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE) (10) constitue un moyen d’action possible pour réduire les émissions de CO2. Il repose sur le principe de plafonnement et d’échange, en vertu duquel un plafond est fixé pour la quantité totale de certains gaz à effet de serre que peuvent émettre les installations soumises au système. Ce plafond est abaissé au fil du temps, ce qui contraint à réduire les émissions totales. Dans les limites de celui-ci, les entreprises soumises au système reçoivent ou achètent des quotas d’émission, qu’elles peuvent échanger en cas de besoin (11).

    4.2.

    Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la Commission a indiqué dans sa communication sur «Le pacte vert pour l’Europe» [COM(2019) 640] qu’elle réexaminera, d’ici juin 2021, plusieurs instruments d’action pertinents liés au climat (12). Cela comprendra notamment l’actuel système d’échange de quotas d’émission, qui pourrait éventuellement être étendu à de nouveaux secteurs, ainsi que des mesures supplémentaires concernant: i) les objectifs assignés aux États membres pour réduire les émissions dans les secteurs qui ne relèvent pas du SEQE; ii) la réglementation relative à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie.

    4.3.

    Le CESE salue l’approche de la Commission, qui lui semble être une avancée positive dans l’établissement d’une tarification plus efficace du carbone dans l’ensemble de l’économie. Il conviendrait de coordonner cet outil avec d’autres instruments supplémentaires, notamment une nouvelle approche en matière de fiscalité, au sein du marché intérieur de l’Union dans un cadre politique cohérent, ainsi qu’avec d’autres outils similaires mis en place dans d’autres juridictions à travers le monde.

    4.4.

    À l’échelle internationale, le nombre de systèmes d’échange de quotas d’émission dans le monde a augmenté. Outre le système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE de l’Union), des systèmes nationaux ou infranationaux sont déjà en place ou en cours d’élaboration au Canada, en Chine, au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Corée du Sud, en Suisse et aux États-Unis.

    4.5.

    Le CESE accueille favorablement les initiatives régionales visant à réduire de manière substantielle les émissions de CO2, qu’il considère comme des mesures nécessaires pour lutter efficacement contre le changement climatique provoqué par ces émissions. À cet égard, il encourage la Commission européenne à poursuivre et à accroître ses efforts pour faire de l’Europe un chef de file dans ce domaine.

    5.   Taxes sur les émissions de carbone

    5.1.

    L’un des autres instruments d’action possibles est l’instauration de taxes sur le carbone. Celles-ci permettent de diminuer les émissions de deux manières principales: i) en augmentant le coût des carburants et de l’électricité produits à partir du carbone; ii) en encourageant de ce fait les entreprises à passer aux énergies propres, par exemple, l’énergie hydraulique, solaire ou éolienne.

    5.2.

    Si elles sont conçues de manière appropriée, les taxes sur le carbone sont conformes au «principe du pollueur-payeur», selon lequel le pollueur devrait assumer le coût des mesures visant à réduire la pollution en fonction de l’ampleur des dommages causés à la société, tel qu’énoncé dans la déclaration de Rio des Nations unies (13) en 1992 et dans la directive 2004/35/CE sur «la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux» (14).

    5.3.

    Lors de ses travaux sur la réduction des émissions de carbone, la Commission a concentré son attention sur le système d’échange de quotas d’émission. Le CESE estime qu’à l’avenir, il pourrait être utile, voire nécessaire, d’élaborer également de nouvelles mesures fiscales susceptibles de compléter le SEQE actuel et les taxes nationales sur le carbone, en vue de créer un cadre d’action efficace et symétrique pour remédier à l’augmentation des émissions de CO2. Comme l’a dûment expliqué le FMI (15), il est de prime importance de coordonner les efforts au niveau mondial.

    5.4.

    En Europe, un certain nombre de pays ont imposé des taxes sur l’énergie, ou des taxes sur l’énergie fondées en partie sur la teneur en carbone. Il s’agit de la Suède, du Danemark, de la Finlande, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Slovénie, de la Suisse et du Royaume-Uni (16).

    5.5.

    La Suède perçoit le taux d’imposition sur le carbone le plus élevé, soit 112,08 EUR par tonne d’émissions de carbone, ce qui lui a permis de diminuer ses émissions de 23 % au cours des 25 dernières années. La taxe suédoise sur le carbone a été instaurée en 1991 à un taux correspondant à 250 SEK (23 EUR) par tonne de dioxyde de carbone fossile émis et a été progressivement augmentée pour atteindre 1 190 SEK (110 EUR) en 2020; elle demeure l’une des pierres angulaires de la politique suédoise en matière de climat (17).

    5.6.

    La taxe suédoise sur le carbone sert d’incitation à réduire la consommation d’énergie, à améliorer l’efficacité énergétique et à accroître le recours aux énergies renouvelables. Le relèvement du niveau d’imposition étant progressif, les parties intéressées ont disposé d’un délai pour s’adapter et ont pu mieux accepter sur le plan politique les hausses de la taxe au fil du temps.

    5.7.

    De manière générale, l’expérience suédoise montre qu’il est possible de réduire les émissions, même si cela requiert une transformation radicale de l’économie. Au cours de la période 1990-2017, le PIB de la Suède a augmenté de 78 %, tandis que ses émissions nationales de gaz à effet de serre ont diminué de 26 % au cours de cette même période, lui permettant ainsi de figurer à la huitième place selon l’indice de compétitivité mondiale.

    5.8.

    En 1990, la Finlande était le premier pays au monde à introduire une taxe carbone. À l’origine, cette taxe était uniquement fondée sur la teneur en carbone liée à la production de chaleur et d’électricité. Elle a ensuite été étendue pour s’appliquer tant au carbone qu’à l’énergie et pour inclure également les carburants destinés aux transports.

    5.9.

    Le Danemark a introduit en 1992 une taxe sur le carbone qui couvrait la totalité de la consommation de combustibles fossiles (gaz naturel, pétrole brut et charbon). En Norvège, la taxe sur le carbone couvre jusqu’à 55 % de l’ensemble des émissions; celles qui restent sont soumises au système national d’échange de droits d’émission (18).

    5.10.

    Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts consentis pour réduire de manière effective le niveau de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. Parvenir à un tel résultat peut cependant prendre du temps, selon les besoins propres à chaque pays.

    5.11.

    L’adoption de taxes carbone similaires dans les différents États membres devrait servir à inciter les partenaires commerciaux à prendre des mesures analogues, permettant ainsi d’étendre les efforts à l’échelle mondiale et de limiter les répercussions sur la compétitivité européenne. Une solution mondiale est indispensable pour éviter des règles de compensation complexes.

    5.12.

    En outre, si elles sont correctement conçues, ces taxes pourraient contribuer à la croissance économique en générant, entre autres, des investissements productifs dans les nouvelles technologies. Cela vaut en particulier pour le développement de technologies visant à réduire les niveaux de CO2 déjà présent dans l’atmosphère.

    6.   Technologies de captage et de stockage du CO2, ainsi que de captage et d’utilisation du CO2

    6.1.

    Un autre instrument d’action possible est le recours aux techniques qui permettent de réduire les niveaux existants de CO2 dans l’atmosphère. Il sera probablement nécessaire d’utiliser ces techniques en sus du SEQE et des taxes carbone. Une approche symétrique s’impose. Pour limiter le réchauffement planétaire, les activités permettant de diminuer le niveau de CO2 déjà présent dans l’atmosphère sont tout aussi utiles que la réduction des activités qui en émettent.

    6.2.

    Les deux principales technologies visant à réduire les niveaux de CO2 sont les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) et de captage et d’utilisation du carbone (CUC) (19). Ces technologies permettent toutes deux d’extraire le CO2 de l’atmosphère, de le comprimer et de le transporter vers un lieu de stockage. Elles sont porteuses d’un grand potentiel pour atténuer le changement climatique (20). Des technologies différentes existent aussi et bien d’autres encore devraient voir le jour dans un avenir proche.

    6.3.

    La différence entre le CSC et le CUC réside dans la destination finale du CO2 capté. La technique de captage et de stockage du carbone consiste à transporter le CO2 capté vers un site approprié pour l’y stocker à long terme, tandis que celle de captage et d’utilisation du carbone vise à transformer le CO2 capté en produits commerciaux.

    6.4.

    Le CUC désigne le captage et l’utilisation du CO2 comme matière première dans la production de minéraux, de composants chimiques, de combustibles synthétiques et de matériaux de construction. Il peut être employé pour limiter les émissions de CO2 en réutilisant le dioxyde de carbone dans des produits, en le séquestrant de manière permanente dans des matériaux de construction comme le béton, ainsi qu’en le recyclant par captage atmosphérique direct. Il peut également offrir des possibilités de stockage d’électricité par la production de méthane de synthèse.

    6.5.

    L’Union européenne a établi un cadre réglementaire pour commercialiser et subventionner cette nouvelle technologie, même si le coût du captage et du stockage demeure un facteur défavorable de taille. Actuellement, la phase de captage est la partie la plus coûteuse du processus.

    6.6.

    Aujourd’hui, les plus grandes installations de CSC et de CUC sont situées aux États-Unis.

    6.7.

    En Europe, la Norvège utilise les techniques de CSC et de CUC depuis 1996 (21). Chaque année, des millions de tonnes de CO2 provenant de la production de gaz naturel dans plusieurs installations spécialisées sont captées et stockées sur des sites appropriés, ce qui représente à ce jour l’expérience la plus concluante de recours au captage et au stockage du carbone en Europe. Ces dernières années, d’autres formes de technologies de CSC et de CUC ont été développées en Suède, aux Pays-Bas, en Belgique, en France et en Irlande (22).

    6.8.

    Le CESE encourage à réaliser des investissements spécifiques pour développer les technologies de CSC et de CUC, au niveau européen comme national, dans la mesure où celles-ci contribuent à l’objectif consistant à réduire l’impact des émissions de CO2 et, plus généralement, aux objectifs de développement durable promus par les Nations unies, ainsi qu’aux objectifs définis dans l’accord de Paris sur le changement climatique.

    6.9.

    Si l’on veut limiter le réchauffement de la planète de manière efficace et rentable, il convient de promouvoir les technologies de CSC et de CUC (23). Les budgets nationaux devraient en particulier jouer un rôle crucial pour favoriser un recours accru à ces technologies, par la promotion des investissements publics ainsi que des incitations fiscales. À cet égard, la Commission européenne envisage de réviser les lignes directrices pertinentes en matière d’aides d’État, notamment les lignes directrices relatives à l’environnement et à l’énergie, qui feront l’objet de modifications d’ici 2021 afin d’accorder aux États membres une plus grande souplesse.

    6.10.

    Les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone pourraient de préférence être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2.

    6.11.

    Les fonds européens consacrés à la recherche dans le domaine du captage et du stockage du carbone et du captage et de l’utilisation du carbone pourraient être renforcés sur le plan financier et ciblés de manière stratégique pour produire des résultats concrets plus importants s’agissant de la capacité de captage de CO2 et des solutions de stockage.

    6.12.

    Le rôle des règles relatives aux marchés publics ne doit pas être sous-estimé (24). Il conviendrait que les gouvernements nationaux et les administrations publiques locales exploitent de manière plus poussée et plus efficace les objectifs écologiques et les outils environnementaux spécifiques énoncés dans la directive 2014/24/UE (25), la directive 2014/25/UE (26) et la directive 2014/23/UE (27) concernant la passation des marchés publics et les concessions. Ainsi, les investissements nationaux et les dépenses publiques pourraient fonctionner en synergie avec les mesures envisagées dans le pacte vert pour l’Europe.

    7.   Outils supplémentaires pour réduire les émissions

    7.1.

    Enfin, le CESE attire l’attention sur d’autres instruments d’action permettant de réduire les émissions de carbone. Ceux-ci vont des nouvelles technologies aux pratiques de gestion des terres, qu’il faut encourager et soutenir tant au niveau de l’Union qu’à l’échelon national. En tout premier lieu, les forêts éliminent naturellement le dioxyde de carbone, et les arbres, grâce à la photosynthèse, sont particulièrement efficaces pour stocker le carbone absorbé dans l’atmosphère. L’expansion, la restauration et la gestion correcte des forêts peuvent permettre d’optimiser la capacité de photosynthèse afin d’éliminer le CO2.

    7.2.

    Si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat.

    7.3.

    Par ailleurs, les sols stockent naturellement le carbone. La dernière politique agricole commune a introduit certaines mesures d’écologisation dans le but d’accroître la contribution de l’agriculture européenne à la croissance verte en Europe. Il conviendrait d’encourager ces mesures dans la mesure où elles sont compatibles avec la nécessité d’une production alimentaire croissante et la réalisation des objectifs environnementaux. L’économie circulaire peut aussi offrir des possibilités accrues s’agissant de réaliser les objectifs en matière d’environnement et de climat.

    Bruxelles, le 16 juillet 2020.

    Le président du Comité économique et social européen

    Luca JAHIER


    (1)  Les causes du changement climatique, Commission européenne (Énergie, changement climatique, environnement) — https://ec.europa.eu/clima/change/causes_fr

    (2)  Changement climatique planétaire, NASA — https://climate.nasa.gov/evidence/

    (3)  Projet mondial sur le carbone (Global Carbon Project), émissions de CO2 — http://www.globalcarbonatlas.org/fr/CO2-emissions

    (4)  Voir la communication de la Commission européenne intitulée «Un pacte vert pour l’Europe — Notre ambition: être le premier continent neutre pour le climat».

    (5)  Voir l’avis du CESE sur le «Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe» (en cours d’élaboration) et l’avis du CESE (JO C 282 du 20.8.2019, p. 51).

    (6)  Voir l’avis du CESE sur le «Fonds pour une transition juste et modifications du règlement portant dispositions communes» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 55).

    (7)  Voir le rapport 2019 du PNUE sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions s’agissant des efforts à l’échelle mondiale.

    (8)  Si aucune solution véritablement mondiale n’est trouvée, la question de savoir comment traiter les produits provenant de pays tiers devient un problème; surviennent alors la nécessité d’un mécanisme d’ajustement fiscal aux frontières et les conséquences qui en résultent.

    (9)  D’aucuns pourraient faire valoir que la subvention par tonne de CO2 éliminée devrait être plus élevée que le taux d’imposition sur les émissions de dioxyde de carbone, puisque les effets sur l’emploi d’une moindre production des activités émettrices de CO2 sont susceptibles de donner lieu à un chômage persistant. En outre, il est probablement plus facile d’obtenir le soutien de l’opinion publique en faveur d’un changement structurel de l’économie débouchant sur le développement de nouvelles technologies plutôt que sur une restriction des méthodes de production existantes.

    (10)  Voir l’avis du CESE sur la révision du système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE) (JO C 71 du 24.2.2016, p. 57).

    (11)  Le SEQE et la tarification des permis ont suscité de nombreux débats. Le nombre de permis et le cycle économique conjoncturel tendent à exercer une forte influence sur le prix des permis. La situation économique actuelle, à la suite de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, est également susceptible d’entraîner de nouvelles discussions sur le système d’échange de quotas d’émission.

    (12)  Voir l’avis du CESE sur le «Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 63).

    (13)  Voir le rapport de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement.

    (14)  JO L 143 du 30.4.2004, p. 56.

    (15)  Fonds monétaire international, «Comment atténuer le changement climatique», Moniteur des finances publiques, 2019: «Les différents instruments de politique économique ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais compte tenu de l’urgence de la crise climatique et de la menace existentielle qu’elle représente, les principales parties prenantes sont invitées à prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier. Les ministres des finances peuvent, en ce qui les concerne, instaurer une taxation du carbone ou des mesures analogues, en rendant l’atténuation du changement climatique plus acceptable par des mesures fiscales ou budgétaires complémentaires, en veillant à une budgétisation adéquate des investissements dans les technologies propres et en coordonnant leurs stratégies au niveau international», résumé en français, p. 2.

    (16)  L’introduction de taxes sur les émissions de carbone ou leur augmentation impliquent souvent des compromis difficiles. Ces taxes créent un besoin de réformer les techniques de production et les moyens de transport, ce qui peut déboucher sur du chômage dans certains secteurs et rendre nécessaire une transition vers d’autres types de travail. Pour les personnes concernées, les coûts sociaux peuvent être élevés. Les pays disposent de possibilités différentes s’agissant de fournir une protection sociale et il faut en tenir compte afin que toute mesure mise en œuvre puisse être socialement acceptable.

    (17)  Taxe suédoise sur le carbone, services du gouvernement suédois — https://www.government.se/government-policy/taxes-and-tariffs/swedens-carbon-tax/

    (18)  «Donner un prix au carbone par une taxe», Groupe de la Banque mondiale — https://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/SDN/background-note_carbon-tax.pdf

    (19)  «Le potentiel du CSC et du CUC en Europe», Commission européenne — https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/iogp_-_report_-_ccs_ccu.pdf

    (20)  Voir l’avis du CESE (JO C 341 du 21.11.2013, p. 82).

    (21)  Captage et stockage du carbone, Norwegian Petroleum — https://www.norskpetroleum.no/en/environment-and-technology/carbon-capture-and-storage/

    (22)  «Comment les infrastructures européennes de transport et de stockage du CO2 peuvent-elles permettre une transition industrielle innovante», Parlement européen — https://zeroemissionsplatform.eu/wp-content/uploads/ZEP-Conference-Presentations.pdf

    (23)  En 2020, une commission gouvernementale suédoise est parvenue à la conclusion que la Suède pourrait atteindre un bilan carbone neutre à l’horizon 2045, si les recettes provenant des taxes sur le carbone étaient utilisées pour subventionner l’élimination du CO2 dans l’atmosphère. Les taux d’imposition positif et négatif seraient alors de la même ampleur. Voir les enquêtes officielles du gouvernement suédois, SOU 2020:4.

    (24)  La Commission européenne a insisté sur ce point dans sa publication sur les marchés publics pour une économie circulaire, datant d’octobre 2017 — https://ec.europa.eu/environment/gpp/circular_procurement_en.htm. La Banque mondiale a également souligné le rôle des règles en matière de marchés publics dans ses propres procédures de marchés publics — https://www.worldbank.org/en/about/corporate-procurement/vendors

    (25)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 65.

    (26)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 243.

    (27)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 1.


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