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Document 52016IE0941

    Avis du Comité économique et social européen sur «Les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile» (avis d’initiative)

    JO C 487 du 28.12.2016, p. 7–13 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    28.12.2016   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 487/7


    Avis du Comité économique et social européen sur «Les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile»

    (avis d’initiative)

    (2016/C 487/02)

    Rapporteur:

    M. Adam ROGALEWSKI

    Décision de l’assemblée plénière

    21.1.2016

    Base juridique

    Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

     

    Avis d’initiative

    Compétence

    Section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté»

    Adoption en section spécialisée

    9.9.2016

    Adoption en session plénière

    21.9.2016

    Session plénière no

    519

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    168/2/6

    1.   Recommandations

    1.1.

    Il est nécessaire d’engager une discussion sur l’établissement en Europe d’une définition commune de la profession des «prestataires de services à la personne logés à domicile», qui reconnaisse cette activité comme une forme de prestation de services à la personne dispensée à domicile. La définition des services à la personne fournis par des prestataires logeant à domicile devrait couvrir les formes de travail dans lesquelles les travailleurs (salariés ou indépendants) résident dans des domiciles privés, où leur activité principale consiste notamment à prodiguer des services à des personnes âgées ou handicapées. Il convient de rattacher les prestataires de services à la personne logeant au domicile du bénéficiaire au secteur des services de longue durée à la personne, indépendamment de leur statut de salariés ou d’indépendants. L’introduction d’une définition commune de cette profession vise à reconnaître l’existence des prestataires de services à la personne logeant à domicile sur le marché européen du travail et à améliorer la qualité des services de prise en charge à long terme qu’ils fournissent.

    1.2.

    Dans un souci d’éclairer l’élaboration des politiques, Eurostat devrait recueillir des données adéquates sur les prestataires de services à la personne logés à domicile.

    1.3.

    Le Comité économique et social européen (CESE) appelle la Commission européenne à mener des recherches sur la situation de ces travailleurs, concernant notamment leurs nombre, nationalité, statut migratoire, mobilité transfrontière, intégration réelle au marché du travail et aux systèmes de protection sociale, conditions de travail et de vie, ainsi que leur contribution effective et potentielle aux économies européennes.

    1.4.

    Le CESE souligne que les prestataires de services à la personne logés à domicile devraient être traités de la même manière que les autres travailleurs du secteur des services à la personne. En conséquence, ils devraient bénéficier d’une protection similaire, par exemple en ce qui concerne les limites fixées à leur temps de travail (y compris les périodes d’astreinte) et le travail indépendant fictif. Les prestataires de services à la personne logés à domicile qui sont salariés ne devraient pas être exclus du champ d’application des réglementations afférentes dans l’Union européenne et ses États membres qui ont trait à l’emploi et qui portent, entre autres, sur une rémunération décente, la protection de la santé et de la sécurité, la sécurité sociale et la liberté d’association, et de négociation collective.

    1.5.

    Il convient d’agir de manière résolue pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des services de longue durée à la personne en Europe, en garantissant des conditions de travail et de rémunération décentes, en inversant la tendance au sous-investissement, en assurant le respect des principes de la libre circulation, en éliminant les entraves qui empêchent ces travailleurs d’exercer leurs droits et en créant des passerelles à l’intention des migrants pour qu’ils aient accès à un emploi régulier.

    1.6.

    Le CESE invite l’Union européenne à collaborer étroitement avec les États membres pour coordonner l’offre de prestataires de services à la personne logés à domicile et la mobilité de ces travailleurs dans le cadre d’une stratégie visant à améliorer la capacité globale du secteur à offrir des prestations de qualité. Les mesures spécifiques devraient comprendre les points suivants:

    améliorer les garanties prévues par la directive 2009/52/CE sur les sanctions à l’encontre des employeurs, afin de protéger les droits des travailleurs sans-papiers dans le contexte de la lutte contre leur emploi irrégulier. Il y a lieu d’appliquer rigoureusement les dispositions de la directive 2012/29/UE sur les droits des victimes, afin de fournir, quel que soit leur statut migratoire, une assistance efficace aux prestataires de services à la personne logés à domicile qui sont victimes d’exploitation,

    aligner toutes les directives de l’Union européenne concernées sur la convention no 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui octroie des droits aux travailleurs domestiques,

    inclure les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile et les bénéficiaires de ces prestations dans les futures révisions ou propositions de législation de l’Union européenne et des États membres,

    inscrire la réforme des régimes de services à la personne par des prestataires logés à domicile au rang des priorités au sein de la plate-forme européenne de lutte contre le travail non déclaré, une initiative à laquelle le CESE a réservé bon accueil,

    inscrire les droits des travailleurs du secteur des services à la personne dans le cadre du semestre européen et les inclure dans les consultations menées sur le thème «Un nouvel élan pour concilier vie professionnelle et vie privée»,

    lancer une campagne d’information, à l’échelle européenne, à destination des bénéficiaires et des prestataires de ces services, sur les droits desdits prestataires de services à la personne logés à domicile,

    promouvoir et soutenir la mise en place d’organisations et de coopératives de prestataires de services à la personne logés à domicile,

    appliquer des procédures de reconnaissance, d’harmonisation et de transférabilité des qualifications et expériences acquises par les prestataires de services à la personne logés à domicile, à l’aide de dispositifs servant à la reconnaissance des qualifications, notamment ceux récemment introduits par la stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois (1),

    réaffecter des fonds européens pour financer l’organisation de formations à l’intention des prestataires de services à la personne logés à domicile qui exercent déjà cette activité ou qui pourraient s’y destiner, afin d’améliorer la qualité des prestations,

    surveiller et améliorer le détachement des prestataires de services à la personne logés à domicile en appliquant le principe «à travail égal, salaire égal».

    En outre, il convient de noter que la proposition de la Commission relative au socle européen des droits sociaux (SEDS) ne contient aucune référence à la situation des prestataires de services à la personne logés à domicile. Dans la suite des préparatifs concernant ce socle, sur lequel le CESE est en train d’élaborer un avis, il conviendrait d’envisager que les droits de ces prestataires soient pris en compte.

    1.7.

    Les États membres devraient s’assurer de la protection des droits des bénéficiaires et des prestataires de services à la personne, y compris ceux qui sont logés à domicile. Les mesures spécifiques devraient comprendre les points suivants:

    ratifier et mettre en œuvre la convention no 189 de l’OIT (2) et régulariser les prestataires de services à la personne logés à domicile qui sont sans-papiers,

    lancer des mesures de soutien, en jouant notamment un rôle d’intermédiaire pour aider les bénéficiaires de services à la personne à trouver un prestataire de ces services qui les assure en logeant à leur domicile,

    mettre en place un système complet d’aide à l’intention des bénéficiaires de services et de leurs familles, moyennant notamment des incitations fiscales ou des subventions,

    offrir des programmes de formation aux prestataires de services à la personne logés à domicile, qui devraient bénéficier de congés payés afin d’y assister,

    promouvoir la liberté d’association et de négociation collective dans le secteur, en soutenant notamment le droit des prestataires de services à la personne logés à domicile et de leurs employeurs à rejoindre ou constituer des associations,

    lutter contre le dumping social et l’exploitation,

    réglementer par anticipation le secteur des services de longue durée à la personne, en vue notamment d’y assurer le respect du droit du travail, afin de garantir la protection de leurs bénéficiaires comme des prestataires de services à la personne logés à domicile. Ces dispositions doivent donner aux services d’inspection du travail et autres organisations, publiques ou non gouvernementales, compétentes la possibilité d’avoir accès aux lieux de travail situés dans des logements privés.

    1.8.

    Le CESE souligne qu’il y a lieu de concrétiser, par un investissement public adéquat et pérenne, une aide financière en faveur des destinataires de services à la personne qui dépendent de prestataires logés à leur domicile.

    1.9.

    Les syndicats, les employeurs et les organisations de la société civile doivent être associés à la planification des politiques au niveau des États membres et de l’Union européenne. Il convient de promouvoir le dialogue social et civil avec toutes les parties prenantes et à tous les niveaux.

    1.10.

    Le CESE devrait jouer un rôle actif pour encourager le développement de politiques européennes destinées à accompagner les prestataires de services à la personne, les destinataires de ces prestations et leurs familles, notamment par l’organisation d’une conférence sur l’avenir en Europe des prestataires logés au domicile des bénéficiaires.

    2.   Contexte

    2.1.

    Les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé constituent une «bombe à retardement». La crise en la matière est persistante (3) et s’aggravera si des mesures appropriées ne sont pas engagées pour y répondre. En 1994 déjà, la Commission européenne qualifiait les services à la personne de secteur stratégique. En 2010, elle adressait une mise en garde en indiquant qu’il manquerait deux millions de professionnels du secteur de la santé, d’ici 2020, si aucune action n’était entreprise d’urgence afin de juguler la pénurie au niveau de l’offre de travail, attendu qu’il manquait jusqu’à un million de prestataires dans le secteur des services de longue durée à la personne (4).

    2.2.

    Parmi les travailleurs du secteur des services de longue durée à la personne, les prestataires de services à la personne logés à domicile forment une catégorie numériquement importante mais marginalisée. Ils se caractérisent par une grande mobilité et occupent le bas de la hiérarchie professionnelle de leur branche d’activité. Ils sont souvent laissés pour compte dans la réflexion de l’Union européenne et des États membres sur la planification de ce domaine des services de longue durée à la personne.

    2.3.

    Faute de données, il est difficile de connaître le nombre exact de prestataires de services à la personne logés à domicile. En effet, cette catégorie de travailleurs est souvent négligée par les systèmes de collecte de données. Dans un contexte où la main-d’œuvre employée dans le secteur des services à la personne est peu reconnue et mal rémunérée, les prestataires de ces services qui sont logés au domicile des bénéficiaires restent depuis trop longtemps invisibles aux yeux des décideurs politiques.

    2.4.

    On trouve des prestataires de services à la personne logés à domicile dans tous les États membres. Ce sont souvent des migrants issus de pays tiers mais aussi des citoyens européens, qui travaillent dans leur pays d’origine ou à l’étranger. Certains sont des migrants sans-papiers et employés de manière irrégulière, et d’aucuns se rattachent à des circuits de migration circulaire ou temporaire. Bon nombre d’entre eux exercent leur activité dans des conditions précaires, qui peuvent notamment prendre la forme d’un travail indépendant fictif.

    2.5.

    En l’absence d’une définition de leur profession à l’heure actuelle, les prestataires de services à la personne logés à domicile ont une situation assimilée à celle des travailleurs domestiques (5). L’OIT estime que le travail domestique, services à la personne compris, représente entre 5 et 9 % de l’emploi total dans les pays industrialisés (6).

    2.6.

    Certains États membres ont progressé dans la régularisation et l’intégration des migrants sans-papiers qui travaillent comme prestataires de services à la personne, en signant la convention no 189 de l’OIT.

    2.7.

    Le CESE a déjà apporté une contribution à l’élaboration des politiques touchant aux services d’aide de longue durée à la personne en rédigeant des avis sur les droits des travailleurs domestiques (7), sur la nécessité d’engager des investissements sociaux (8) et sur l’aide sociale à long terme et la désinstitutionalisation (9). Le présent avis s’appuie sur ces prises de position, en se concentrant sur la situation spécifique des prestataires de services à la personne logés à domicile.

    3.   Pénurie de main-d’œuvre, austérité, migration et prestataires de services à la personne logés à domicile

    3.1.

    Les services aux personnes à domicile se développent rapidement, sous l’influence du choix de plus en plus fréquent que font les personnes qui ont besoin de ces services de les recevoir chez eux, de leur coût prohibitif en institution pour de nombreux citoyens, ainsi que de l’insuffisance de l’investissement dans les infrastructures de services à la personne.

    3.2.

    Les mesures d’austérité engagées par la plupart des États membres ont abouti à réduire les infrastructures qui étaient en place, alors qu’elles étaient déjà limitées, et à diminuer l’offre de main-d’œuvre dans le secteur des services de longue durée à la personne. Le CESE estime qu’il convient d’avoir une vision positive de l’investissement dans les services de longue durée à la personne, en les considérant comme une perspective favorable pour l’économie et un relais privilégié de la création d’emplois, de l’accompagnement social des familles et de l’égalité entre les sexes. Investir dans ce domaine augmente les taux de participation au marché de l’emploi et ouvre une piste envisageable pour sortir de la crise économique (10).

    3.3.

    Dans de nombreux États membres, on relève une pénurie de main-d’œuvre dans les professions des services à la personne. Le recrutement de prestataires de services à la personne logés à domicile, qu’ils soient en situation régulière ou sans-papiers, atténue le manque de travailleurs dans le secteur des services de longue durée à la personne. Les systèmes de santé du sud de l’Europe, en particulier, s’appuient massivement sur ces prestataires de services à la personne logés à domicile. En Italie, ceux de ces prestataires qui sont des immigrés représentent ainsi les trois quarts environ des effectifs des services à la personne assurés à domicile (11).

    3.4.

    Les pays d’Europe centrale et orientale sont également affectés par la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des services à la personne, ainsi que par la demande croissante pour ces services en Europe occidentale. La Pologne, par exemple, fournit à d’autres pays de nombreux prestataires de services à la personne logés à domicile, alors même que dans ce secteur des services domestiques, ses ressources en travailleurs s’épuisent. Ce déficit de personnel est comblé par l’arrivée sur son territoire de travailleurs en provenance d’Ukraine et d’autres pays tiers.

    3.5.

    Malgré une prise de conscience grandissante de l’importance que le secteur des services à la personne revêt pour la prospérité économique, la contribution qu’apportent à l’économie européenne les prestations de services à la personne assurées par des travailleurs résidant au domicile des bénéficiaires n’a pas été mesurée et devrait faire l’objet de recherches à l’échelle européenne.

    3.6.

    De nombreuses femmes en Europe se trouvent dans une situation où elles sont comme prises en étau, dans la mesure où l’on attend d’elles qu’elles s’occupent à la fois de leurs parents et de leurs enfants. Pour assumer cette tâche, elles font de plus en plus appel à des prestations rémunérées de services à la personne. La mondialisation des activités de services à la personne débouche sur l’essor de filières mondiales assurant ces prestations (12). Il est fréquent que les travailleurs migrants du secteur des services à la personne qui quittent leur pays pour trouver du travail soient contraints eux-mêmes d’embaucher des prestataires d’aide à la personne issus d’autres milieux, souvent plus démunis, pour s’occuper des membres de leur propre famille.

    4.   Les conditions de travail des prestataires de services à la personne logés à domicile

    4.1.

    Le manque de considération qui touche les prestataires de services à la personne logés à domicile est le fruit de stéréotypes sexistes, selon lesquels les prestations d’aide à la personne constitueraient des «métiers de femmes» peu qualifiés. Ces préjugés sont entretenus aussi par la marginalisation structurelle des femmes immigrées. Diverses enquêtes sur la force de travail rangent les travailleurs domestiques dans la catégorie des actifs faiblement qualifiés, voire non qualifiés. Cependant, bon nombre de prestataires de services à la personne logés à domicile possèdent des compétences et qualifications, qui sont le fruit d’années d’expérience ou de programmes non reconnus de formation ou de certification. Il leur est souvent demandé de prouver, pour être embauchés, qu’ils ont de l’expérience ou disposent de qualifications, sans pour autant que ces atouts ne trouvent une traduction dans leurs conditions de travail.

    4.2.

    Ils sont nombreux à être confrontés à des régimes d’emploi non réglementés et beaucoup exercent leur activité de manière irrégulière. Il est fréquent qu’ils soient empêchés de faire valoir leurs droits et soient victimes d’exploitation. Ces conditions s’assimilent parfois à de l’esclavage moderne: ces travailleurs peuvent subir l’isolement, être victimes de violences ou de maltraitance, être forcés de travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans bénéficier de conditions d’hébergement d’un niveau élémentaire, par exemple sans disposer d’un espace personnel privatif. D’autres encore sont employés dans un cadre de travail indépendant fictif. Dans bien des cas, l’inspection du travail, les autres organismes gouvernementaux d’inspection ou les syndicats ne peuvent pas rencontrer ces aidants sur leurs lieux de travail, en l’occurrence des domiciles privés.

    4.3.

    Il convient d’encourager les mesures visant à régulariser et légaliser la situation des prestataires de services à la personne logés à domicile, afin de jeter des passerelles juridiques vers le secteur des services à la personne. Depuis 2002, l’Espagne et l’Italie ont régularisé quelque 500 000 travailleurs domestiques sans-papiers (13). Il y a lieu de développer des politiques de migration professionnelle qui donnent à des ressortissants de pays tiers la possibilité de travailler dans le secteur des services à la personne, en leur assurant l’égalité de traitement et le droit de changer d’employeur.

    4.4.

    Au sein de la main-d’œuvre du secteur des services de longue durée à la personne, les prestataires qui sont logés au domicile des bénéficiaires constituent l’un des segments dont la mobilité est la plus élevée. Ceux issus des pays d’Europe centrale et orientale sont souvent des femmes d’âge moyen, qui ont elles-mêmes des obligations familiales (14). Il est fréquent que les prestataires de services à la personne qui sont originaires de cette région travaillent pour des périodes allant jusqu’à trois mois consécutifs dans un État d’Europe occidentale avant de regagner leur pays d’origine.

    4.5.

    Pour leur pays d’origine, l’émigration de prestataires qualifiés de services à la personne logés au domicile des bénéficiaires constitue une «fuite de main-d’œuvre» d’ampleur significative. Quand leurs qualifications ne sont pas reconnues dans l’État de destination, il en résulte une perte économique et sociale, dans un contexte où l’Europe et le monde entier sont touchés par des pénuries généralisées de main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé.

    4.6.

    Ce tableau d’ensemble témoigne des carences dans la protection que les cadres juridiques actuels, au niveau de l’Union européenne comme à celui des États membres, offrent aux prestataires de services à la personne logés à domicile.

    4.7.

    Les États membres devraient encourager et aider ces prestataires à ne pas travailler de manière irrégulière.

    5.   Le rôle des bénéficiaires de services à la personne et de leurs familles

    5.1.

    Les destinataires de services à la personne et leurs familles éprouvent des difficultés à trouver des prestataires pour les assurer. Dans la plupart des cas, le recrutement s’effectue par le canal de réseaux informels de parents ou d’amis. Généralement, le personnel recruté de la sorte n’offre guère de garantie quant à la qualité des prestations de services à la personne qui sont dispensées. Les familles doivent souvent faire face à l’absence de directives claires sur la façon d’embaucher en toute légalité des prestataires de services à la personne.

    5.2.

    Les bénéficiaires de ces prestations d’aide à la personne et leurs familles devraient recevoir une assistance adaptée de l’État. Pour le court terme, cette assistance devrait inclure une campagne d’information et un soutien continu concernant les droits du travail et les droits sociaux des prestataires de services à la personne logés à domicile. Pour le long terme, les États membres devraient prendre des mesures afin d’assurer une supervision, ainsi que la présence d’un intermédiaire pour assister les bénéficiaires dans leur recherche de prestataires de services à la personne logés à domicile.

    5.3.

    Il convient d’offrir aux bénéficiaires des prestations d’aide à la personne et à leurs familles une palette de services d’accompagnement qui soit fonction de leurs besoins et pourra comprendre, par exemple, des services à la personne effectués à domicile à temps partiel ou complet. Tous les dispositifs de prestation de services à la personne doivent garantir des conditions décentes au personnel employé, qu’il soit salarié ou indépendant.

    5.4.

    Il conviendrait également d’encourager les bénéficiaires de prestations d’aide à la personne et leurs familles à être davantage conscients des besoins des prestataires de ces services à la personne qui sont logés à domicile et à les traiter comme des travailleurs à qui l’on doit le respect et qui possèdent des droits. Les activités d’aide à la personne sont très exigeantes, d’un point de vue tant physique que psychologique. Les prestataires de services à la personne logés à domicile devraient donc bénéficier d’un hébergement adéquat et d’un espace privatif, et dans le cas des salariés, les limites établies pour leur temps de travail, y compris les périodes d’astreinte, doivent être respectées.

    5.5.

    Parallèlement, il conviendrait également d’assurer le respect du droit de bénéficier de prestations adéquates qu’ont les destinataires de services à la personne. Cet impératif vaut tout particulièrement pour les personnes appartenant à des catégories vulnérables ou ayant des besoins spéciaux, par exemple celles qui souffrent de démence.

    6.   Le rôle des employeurs

    6.1.

    Un grand nombre de petites entreprises, notamment des agences de recrutement, sont de plus en plus actives dans le secteur des services à la personne assurés par du personnel logeant à domicile et exercent leurs activités parallèlement à un marché informel très peu réglementé.

    6.2.

    Le secteur des services à la personne peut contribuer à créer des emplois décents au domicile de particuliers et à insuffler de la croissance dans l’économie européenne. Seuls des postes de qualité sont à même de garantir des prestations d’aide à la personne d’un niveau satisfaisant.

    6.3.

    Du fait de l’absence de réglementation en ce qui concerne l’emploi transfrontière des prestataires de services à la personne logés à domicile, certaines entreprises peuvent appliquer des prix inférieurs pour un travail similaire, favorisant ainsi le dumping social. Ce constat est particulièrement flagrant pour les agences polonaises et slovaques qui envoient en Europe occidentale des prestataires de services à la personne logés à domicile (15). La persistance d’une telle concurrence déloyale est néfaste, tant pour les employeurs que pour l’économie européenne.

    7.

    Le rôle de la société civile

    7.1.

    Les organisations à base locale et les groupements de nature confessionnelle (16) jouent, aux côtés des employeurs, publics et privés, un rôle déterminant dans la fourniture de prestations d’aide à la personne à différents niveaux. De nombreuses organisations de terrain ont contribué à la régularisation de prestataires immigrés de services à la personne logés au domicile des bénéficiaires (17).

    7.2.

    Néanmoins, dans bon nombre d’États membres, le soutien apporté à ces prestations d’aide à la personne n’est pas adéquat. Dans toute l’Europe, la récente crise économique a entraîné un sous-investissement dans les services à la personne, déclenchant ainsi des évolutions négatives, telles qu’une dégradation dans la qualité des prestations et les conditions de travail de ce secteur.

    7.3.

    Il convient d’assurer un financement adéquat des organisations de prestataires de services à la personne, afin de répondre à la demande croissante pour ces prestations. Compte tenu de leur expérience, elles doivent être associées à un véritable dialogue social et sociétal, qui débouche sur l’établissement d’un ensemble de réglementations sectorielles régissant la manière dont il convient d’organiser et de dispenser les prestations d’aide à la personne.

    8.   Le rôle des États membres et de l’Union européenne

    8.1.

    La Suède fournit un bon exemple de pays qui assure des prestations d’aide de qualité aux personnes en associant à la démarche toutes les parties prenantes. Ce dispositif s’appuie sur un niveau élevé de soutien public, financé par la fiscalité (18). Les systèmes de chèques, comme il en existe en France et en Belgique, ont contribué à officialiser le travail domestique et, dans certains cas, à améliorer les conditions de travail des personnes actives dans les services aux ménages. Pour ce qui est de la Belgique, les prestations d’aide à la personne sont exclues de ce dispositif (19).

    8.2.

    Pour répondre aux besoins de services de longue durée à la personne, l’Autriche a développé un système de prestataires indépendants de services à la personne logés à domicile et a établi des exigences légales concernant la qualité et le cadre général de la fourniture de ces prestations. En 2015, elle a adopté des dispositions supplémentaires pour accroître les exigences de qualité et la transparence de ce dispositif. La population autrichienne a largement recours à ce système, lequel fait néanmoins l’objet de critiques de la part des syndicats autrichiens qui considèrent qu’il fragilise les normes en matière d’emploi.

    8.3.

    Dans la mesure où les modèles de bonnes pratiques en matière de prestations de qualité pour les services à la personne ne sont pas toujours intégralement transposables dans tous les États membres, c’est au niveau européen qu’il faudrait coordonner une approche globale, garantissant, à tous les échelons, la participation de l’ensemble des intervenants.

    8.4.

    Le CESE a la conviction que l’Union européenne devrait assurer un suivi concernant l’offre, en Europe, de prestataires de services à la personne logés à domicile, ainsi que la mobilité de ces professionnels, et promouvoir des méthodes qui viseront à renforcer la capacité globale du secteur à offrir des prestations d’aide de qualité et à créer des emplois décents.

    8.5.

    Les problèmes de pénurie de main-d’œuvre constatés en Europe dans le secteur des services à la personne doivent être placés au rang des priorités d’action de l’Union européenne. Il y a lieu d’attirer l’attention sur la situation des prestataires de services à la personne logés à domicile, qui sont très largement négligés dans les schémas actuels d’action politique.

    Bruxelles, le 21 septembre 2016.

    Le président du Comité économique et social européen

    Georges DASSIS


    (1)  COM(2010) 682 final: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52010DC0682&from=FR

    (2)  La convention no 189 de l’OIT, entrée en vigueur le 5 septembre 2013, a été ratifiée à ce jour par l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et la Suisse, ainsi que par 14 pays en dehors de l’Europe.

    (3)  UNI Europa, Unicare (2016).

    (4)  Commission européenne (2013).

    (5)  Dans sa définition du travail domestique, Eurostat inclut les activités des ménages en tant qu’employeurs de personnel domestique, qu’il s’agisse de bonnes, cuisiniers, serveurs, valets de chambre, blanchisseuses, jardiniers, concierges, gouvernantes, gardiennes d’enfants, tuteurs, secrétaires, etc.

    (6)  Organisation internationale du travail (2012).

    (7)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 39; JO C 12 du 15.1.2015, p. 16; JO C 242 du 23.7.2015, p. 9.

    (8)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 91, JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

    (9)  JO C 332 du 8.10.2015, p. 1.

    (10)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

    (11)  Service de recherche du Parlement européen (2016).

    (12)  Hochschild, A. R. «Global Care Chains and Emotional Surplus Value» («Chaînes de soins mondiales et valeur ajoutée émotionnelle»), in Hutton, W. et Giddens, A. (éd.) On The Edge: Living with Global Capitalism («Dans les marges — vivre avec le capitalisme mondial»), Londres, 2000.

    (13)  Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (2013).

    (14)  Témoignage d’une prestataire de services à la personne qui est logée au domicile du bénéficiaire, Mme Alina Badowska, lors de l’audition publique SOC/535 (2016).

    (15)  Conclusions du projet pour une mobilité équitable de la Confédération allemande des syndicats (DGB): www.faire-mobilitaet.de.

    (16)  En Allemagne, Caritas et Diakonie jouent notamment un rôle de soutien important pour les prestataires de services à la personne logés à domicile et pour les bénéficiaires de leurs prestations.

    (17)  Voir par exemple: www.gfambh.com.

    (18)  Sweden.se (2016).

    (19)  Organisation internationale du travail (2013).


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