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Document 52007AE0805

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert — Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXI e siècle COM(2006) 708 final

JO C 175 du 27.7.2007, p. 65–73 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

27.7.2007   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 175/65


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert — Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle»

COM(2006) 708 final

(2007/C 175/17)

Le 22 novembre 2006, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le «Livre vert — Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 mai 2007 (rapporteur: M. Retureau).

Lors de sa 436e session plénière des 30 et 31 mai 2007 (séance du 30 mai 2007), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 140 voix pour, 82 voix contre et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le livre vert sur la modernisation du droit du travail entend:

Identifier les principaux défis qui sont le reflet évident d'un fossé entre les cadres juridique et contractuel existants et les réalités du monde du travail. L'accent est placé principalement sur le champ d'application personnel du droit du travail plutôt que du droit collectif du travail;

Lancer un débat pour examiner comment le droit du travail pourrait contribuer à promouvoir la flexibilité associée à la sécurité dans l'emploi, indépendamment de la forme du contrat, et contribuer à la création d'emplois et à la réduction du chômage;

Stimuler le débat sur la façon dont différents types de relations contractuelles, ainsi que des droits du travail applicables à tous les travailleurs, pourraient profiter tant aux travailleurs qu'aux entreprises en facilitant les transitions sur le marché du travail, en encourageant l'apprentissage tout au long de la vie et en développant la créativité de la main-d'œuvre dans son ensemble;

Contribuer à l'objectif «mieux légiférer» en encourageant la modernisation du droit du travail, sans oublier de considérer globalement ses bénéfices et ses coûts, et particulièrement les problèmes que les petites et moyennes entreprises peuvent rencontrer.

1.2

Ce faisant, le livre vert se propose pertinemment d'aborder des domaines aussi divers que les relations d'emploi triangulaires, le cas des travailleurs sous statut indépendant, mais de fait dépendants économiquement de l'entreprise employeuse, ainsi que la révision de la Directive «temps de travail» et la question sérieuse du travail non déclaré.

1.3

En ce qui concerne les orientations possibles de modernisation du droit du travail pour lesquelles l'UE peut mener une action complémentaire à celle des États membres, le livre vert repose sur l'idée que le contrat standard (contrat à temps plein et à durée indéterminée) et les protections qui l'entourent pourraient s'avérer inadéquats pour bon nombre d'employeurs et de salariés, en compliquant l'adaptation rapide des entreprises et les évolutions du marché et risquerait dès lors de constituer un obstacle à la création de nouveaux emplois, d'où la nécessité d'en proposer la révision.

1.4

La Commission annonce que le livre vert à côté de la question du droit du travail individuel, prépare un débat qui contribuera à une Communication sur la flexicurité, à paraître courant juin 2007, destinée à développer ce concept, qui existe dans plusieurs Pays membres et qui associe selon ce que l'on en sait, la flexibilité externe et interne des travailleurs à une sécurité dont la portée et le financement ne sont pas autrement explicités à ce stade. La discussion au second semestre se poursuivra donc sur une thématique élargie, dans laquelle il conviendrait d'aborder certainement les éléments de flexibilité déjà acquis à travers la loi ou la négociation collective et le financement de cette flexicurité, sans se focaliser sur l'un ou l'autre modèle.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité accueille avec intérêt l'initiative prise par la Commission de lancer un travail de réflexion sur la façon dont le droit du travail rencontre les objectifs de la stratégie de Lisbonne, lesquels allient la recherche d'une croissance durable, riche en emplois plus nombreux mais aussi de meilleure qualité, outre la cohésion sociale et le développement durable. Il déplore cependant que cette consultation se déroule selon un timing aussi serré et qu'une série de travaux préparatoires fassent défaut.

2.2

Le rapport Wim Kok en novembre 2003 soulignait: «Il convient de promouvoir la flexibilité du marché du travail, associée à la sécurité, essentiellement en améliorant l'organisation du travail et en rendant plus attrayants — pour les travailleurs comme pour les employeurs — les contrats de travail types et atypiques, en vue d'éviter l'émergence d'un marché du travail à deux vitesses. La notion de sécurité de l'emploi doit être modernisée et élargie, afin de couvrir non seulement la protection de l'emploi, mais également de mobiliser la capacité des travailleurs à rester dans l'emploi et d'y progresser. Il importe de créer le plus d'emplois possibles et d'améliorer la productivité en réduisant les obstacles à la création de nouvelles entreprises et en promouvant une meilleure anticipation et une meilleure gestion des restructurations».

2.3

Il est utile de rappeler tous ces différents ingrédients des conclusions de la Task Force approuvées par le Conseil car elles donnent une vue plus complète des réformes du marché du travail destinées à répondre à la stratégie de Lisbonne révisée que ne le fait le livre vert de la Commission en se focalisant sur des points limités du droit du travail individuel. Le livre vert en effet ne retient que partiellement les éléments visés par Kok et n'aborde pas la question de «l'environnement plus sûr» de l'Agenda social.

2.4

Une approche réductrice risquerait de susciter une perte de confiance de la part de citoyens européens déjà de plus en plus frappés de scepticisme quant au projet social européen. La Commission juge opportun d'envisager la révision du degré de flexibilité prévu dans les contrats standards (contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein) en ce qui concerne les délais de préavis, les coûts et les procédures dans les licenciements individuels ou collectifs ou encore la définition du «licenciement abusif» alors que ces éléments sont historiquement la pierre angulaire de la sécurité professionnelle du travailleur.

2.5

Le Comité est préoccupé par l'implication selon laquelle le droit du travail serait actuellement incompatible avec la stratégie de Lisbonne révisée, en faisant obstacle à l'emploi, et qu'en l'état actuel, ce droit du travail serait incapable de garantir une adaptabilité suffisante des entreprises et des travailleurs.

2.6

Le Comité constate que la stratégie fixée en 2000 n'a pas atteint tous ses objectifs. Il estime néanmoins qu'il faut être prudent dans les analyses des causes de cette situation, et éviter de tout focaliser sur le droit du travail. La stratégie de Lisbonne révisée, doit viser à rendre l'Europe plus compétitive mais aussi capable de retrouver le plein emploi dans une société plus orientée vers le respect de l'équilibre entre vie familiale et professionnelle, mieux adaptée aux choix de carrière en investissant dans l'adaptabilité des personnes et en combattant l'exclusion sociale. La modernisation du droit du travail ne doit être qu'un élément parmi d'autres pouvant permettre d'atteindre cet objectif.

2.7

Le Comité entend donc, avant de se prononcer sur les orientations à donner à une entreprise de modernisation du droit du travail en Europe, s'efforcer de remettre en perspective une série de considérations ou d'initiatives émanant de la Commission elle-même tel le rapport qu'elle a demandé au professeur Supiot et dont on reparle trop peu dans ce contexte ou par exemple, les conclusions du Conseil EPSCO des 30.11.2006 et 1.12.2006 sur «un travail décent pour tous». Le rapport du professeur Supiot a eu pour but de procéder à une enquête longitudinale et constructive sur l'avenir de l'emploi et du droit du travail dans un cadre communautaire, interculturel et interdisciplinaire, mais le Livre vert ne semble pas s'en être inspiré suffisamment.

2.8

Quel tableau, ou bilan peut-on dresser, à partir des statistiques publiques, des performances du cadre protecteur du droit du travail, en ayant en vue l'objectif de «more and better jobs»?

2.9

Le rapport final du groupe Supiot a évoqué une série de thèmes qui regroupent les bonnes questions en matière d'évolution de la relation de travail, à savoir la mondialisation de la concurrence et des activités économiques, l'impact des attitudes et habitudes de consommation, la libéralisation des marchés, les changements technologiques, le fait que les travailleurs eux-mêmes changent, sont plus éduqués et qualifiés, plus autonomes et plus mobiles, plus individualistes, sans oublier les nouvelles pratiques d'entreprises en termes de gestion des ressources humaines, de récompense des travailleurs, d'exigences de polyvalence ou de flexibilité des temps de travail. Le rapport Supiot a abordé la question de la flexibilité et de la sécurité et aussi le thème très important de la transition professionnelle en annonçant la «fin du modèle de la carrière professionnelle linéaire».

2.10

Au nombre des exigences démocratiques spécifiques que le droit social a porté dans le champ socio économique, le groupe Supiot a été attentif à quatre points qui conservent toute leur actualité dans le débat porté par le livre vert (1).

Ainsi:

L'exigence d'égalité, avec la problématique de l'égalité hommes/femmes et plus générale de la non discrimination reste une approche actuelle car c'est à travers ce prisme qu'on peut mieux appréhender la solution aux problèmes de précarité et de marché du travail à deux vitesses;

l'exigence de liberté qui exige qu'on protège le travailleur contre la dépendance reste une solution aux questions de la relation de travail déguisée, des faux indépendants et du travail au noir;

l'exigence de sécurité individuelle reste une réponse à l'accroissement de l'incertitude sociale au sens le plus large que ressentent les travailleurs ou allocataires sociaux;

les droits collectifs qui se concrétisent dans la participation des travailleurs au sens du travail, à ses finalités ainsi qu'au développement économique.

2.11

Le Comité estime que la Commission devrait positionner le débat de la modernisation du droit du travail et celui des protections normalement articulées autour du contrat de travail, telles que santé sécurité, accidents du travail, aménagements du temps de travail, congés payés, etc. en s'inspirant des exigences précédentes.

2.12

Le livre vert met en évidence le fossé existant dans la plupart des pays entre les cadres juridiques et contractuels existants et les réalités actuelles du monde du travail qui se sont opérées dans un temps relativement bref depuis la fin des années 80-début des années 90. Mais à aucun moment le rôle historique protecteur et émancipateur du droit du travail au sens large, y compris celui issu des négociations collectives, avec ses spécificités liées aux approches culturelles, sociales, économiques et juridiques des différents États membres, n'est évoqué.

2.13

Le respect d'un certain équilibre entre les parties est pris en charge non seulement par le droit du travail, mais aussi par le dialogue social.

2.14

Tout raisonnement qui considèrerait un droit du travail protecteur comme un obstacle à la croissance et à l'emploi constituerait une vision réductrice, dans laquelle le droit du travail serait ramené à un simple outil de politique du marché de l'emploi ou à une variable économique.

2.15

Étant donné que les travailleurs sont toujours en position de dépendance vis-à-vis des employeurs, il y a lieu de réaffirmer le rôle fondamentalement protecteur et d'émancipation du droit du travail. Son application devrait être mieux assurée afin d'éviter que les travailleurs ne subissent des pressions et afin de prendre en compte les nouveaux défis que sont la mondialisation et le vieillissement de la population. Il y a là un rôle certain pour l'Union européenne vis-à-vis de ses États membres.

2.16

Une initiative a été engagée en 2000 par la Commission qui devait aboutir à des discussions concernant le besoin d'évaluer les éléments essentiels du système législatif et de conventions collectives, afin de s'assurer qu'ils correspondaient à une organisation moderne mais également à une amélioration des relations de travail.

2.17

Cette initiative d'amélioration n'a pas été poursuivie, bien qu'il apparaît évident qu'elle aurait dû être menée à bonne fin pour matérialiser l'ambition d'une modernisation et d'une amélioration des conditions de travail, thème repris des années plus tard par l'actuelle Commission sous un autre angle.

2.18

Le Comité se doit de constater différentes et importantes lacunes, qui affaiblissent singulièrement le raisonnement et les perspectives posées par le livre vert: Le Comité met en évidence dès lors certains points qu'il regrette de ne pas voir approfondis ou mis en évidence.

le souci d'une croissance économique performante n'est pas antinomique avec la dimension sociale de la construction européenne et de son développement,

le droit du travail ne se rapport pas uniquement au contrat de travail individuel, mais également aux normes collectives du travail,

le concept de travail décent consacré dans les engagements de coopération UE- Organisation Internationale du Travail (OIT) et des efforts positifs témoignés par les Pays membres et candidats de l'UE en juin 2006 lors de l'adoption de la Recommandation no 198 de l'OIT qui avance de bonnes définitions et des principes opérationnels en vue de lever les incertitudes quant à l'existence d'une relation de travail et ainsi garantir une concurrence loyale et la protection effective des travailleurs dans une relation de travail, ne doivent pas rester lettre morte (2),

les partenaires sociaux tant au niveau national qu'européen ont déjà contribué par leurs accords et conventions collectives à la sécurisation de nouvelles formes de contrat y compris atypiques, démontrant ainsi leur aptitude à adapter la relation de travail à de nouvelles réalités, et à envisager des formes de souplesse, entourées de garanties adéquates,

le dialogue social est un instrument de corégulation, et il convient dès lors de le promouvoir et de le rendre plus effectif et efficace pour qu'il serve à mieux encadrer la flexibilité du contrat de travail,

la sécurité dans la relation de travail est une condition du progrès de la productivité, car la précarité ne crée pas de nouveaux emplois. La mobilité et la flexibilité peuvent permettre une augmentation de la productivité et de la sécurité, mais la mise en œuvre des modifications en matière de droit du travail ne doit pas avoir pour conséquence la multiplication des travailleurs pauvres,

la réponse ne se situe pas dans un raisonnement qui oppose entre eux les travailleurs et leur renvoie la responsabilité de trouver une solution au chômage, à l'inadéquation entre formation et demande de compétences,

le nouveau type de contrat standard flexible envisagé pour répondre au prétendu conflit entre travailleurs «insiders» et «outsiders», ne saurait leur renvoyer la responsabilité des arbitrages à faire pour sortir de la dualité du marché du travail; au surplus, ce contrat, s'il venait à exister, ne supprimerait pas les vrais obstacles à la création d'emplois.

2.19

Le Comité estime que le temps est venu de procéder à une analyse complète et sérieuse, basée principalement:

sur un bilan des systèmes juridiques dans les États membres, quant aux protections mises en place, leurs objectifs, leur effectivité, l'accès à des organes et à des procédures de règlement des conflits, judiciaires et non judiciaires,

sur l'apport du dialogue social dans l'approche de la modernisation et de l'amélioration du droit du travail, du travail décent et dans la lutte contre le travail au noir ainsi que sur la question du fonctionnement du marché du travail et de l'organisation du travail dans les entreprises aux niveaux appropriés (européen, national, régional, entreprises et groupes et aussi transfrontalier, selon le cas),

sur une prise en considération des services publics, et du rôle actif que des services publics efficaces et de qualité jouent dans l'emploi et la croissance,

sur la prise en considération de la gouvernance d'entreprise, de la participation des travailleurs, et des mécanismes de contrôle et d'alerte des instances représentatives des travailleurs (au sein des comités d'entreprise, en particulier), dans l'adaptation au changement et face aux restructurations,

sur la place reconnue aux vrais travailleurs indépendants dont le rôle est primordial pour promouvoir l'esprit d'entreprise et la création de PME, aussi dans l'économie sociale, et l'instauration d'une protection appropriée des travailleurs dépendants économiques, en tenant compte des spécificités de certains indépendants, par exemple ceux qui pratiquent la vente directe,

sur la promotion de la Recommandation OIT de 2006 sur la relation de travail (no 198),

sur l'impact du travail au noir et se basant sur les outils de répression de cette pratique via une meilleure coordination européenne des administrations compétentes: un Europol social?

sur l'impact des mouvements migratoires, qu'il faudra mieux coordonner,

sur les solutions «win-win» (gagnant-gagnant), c'est à dire d'un bon usage de la flexibilité par rapport aux besoins des entreprises et aux besoins et demandes des travailleurs, qui peuvent se réapproprier ainsi leur projet de vie,

sur la réflexion et les initiatives en matière d'éducation et de formation initiale et continue des travailleurs par exemple, soit actifs, soit menacés par des restructurations, soit des travailleurs réintégrant le marché du travail après des périodes d'interruption de carrière pour raisons personnelles, et sur une sécurisation des parcours professionnels, au lieu de tabler sur certaines propositions d'un hypothétique «contrat unique».

2.20

L'agenda de la Présidence allemande, la remise en perspective de la «qualité» du travail lors de la rencontre informelle des Ministres de l'emploi et des affaires sociales de janvier 2007, ainsi que la lettre récente de 9 Ministres de l'emploi en vue «d'un nouvel élan pour l'Europe sociale» avec en particulier les pistes mentionnées dans l'annexe sur les politiques pour l'emploi et flexicurité, ont ouvert des perspectives pour l'analyse approfondie souhaitée par le Comité et pour la relance de la composante sociale de la construction européenne.

3.   Observations particulières: réponses ou commentaires relatifs aux questions posées par la Commission européenne

3.1   Quelles seraient, selon vous, les priorités d'un programme conséquent de réforme du droit du travail?

3.1.1

Le droit du travail n'a pas perdu sa validité en tant que droit protecteur, tant en ce qui concerne les salariés que les employeurs; aux premiers il assure une base équitable d'établissement d'un contrat de travail légalement formé, dans l'équilibre des droits et des obligations, compte tenu des pouvoirs de direction et de commandement de l'employeur auquel ils sont subordonnés; aux seconds, il offre une sécurité juridique extrêmement importante dans la mesure où les divers types de contrats standards sont clairement établis et leurs clauses essentielles fixées ou encadrées selon le cas, y compris en cas de rupture unilatérale; de plus, en matière de responsabilité civile, par exemple, le droit du travail assure également aux travailleurs et aux employeurs des garanties et une sécurité juridique en termes d'indemnisation et de reconnaissance des invalidités éventuelles pour le salarié et de limitation de la responsabilité civile sans faute, si les normes de sécurité étaient respectées, pour l'employeur; la négociation collective, les institutions consultatives, contribuent à de bonnes relations industrielles, et si nécessaire à la recherche des solutions appropriées en cas de différend.

3.1.2

En termes de changements prioritaires souhaitables, il conviendrait que, dans le respect des lois et pratiques propres à chaque pays membre, le droit du travail encadre les nouvelles formes flexibles de contrats qui se développent pour poursuivre, dans des conditions nouvelles, son rôle protecteur et d'équilibre de la relation de travail, ainsi que de garantie de la sécurité juridique pour les parties en cas de licenciement motivé, d'accident du travail ou de maladie professionnelle; par ailleurs, le droit du travail moderne devrait permettre aux salariés de se constituer des droits en matière de parcours professionnel tout au long de leur vie active, pour pouvoir alterner la formation permanente, des formes diverses de contrats qui à un moment ou un autre peuvent répondre à des besoins individuels d'adaptation du travail et de la vie privée, de promotion ou de reconversion professionnelle, etc., les employeurs ayant quant à eux tout à gagner, à long terme, du travail fourni par des salariés satisfaits.

3.1.3

Les réformes du droit du travail doivent encourager les actions positives dans l'intérêt des plus exclus du marché de l'emploi. Sans pour autant créer d'emplois précaires, ces réformes doivent donc être des instruments permettant de trouver des voies pour entrer sur le marché du travail, y compris en encourageant l'accès à la formation tout au long de la vie et les initiatives de l'économie sociale qui proposent une intégration professionnelle.

3.1.4

II conviendrait aussi de mieux encadrer les relations de travail triangulaires afin de préciser les droits et obligations de toutes les parties prenantes, y compris en termes de responsabilité civile ou pénale; le cas des travailleurs dépendant économiquement d'un employeur principal auquel ils sont de fait subordonnés dans la conduite du travail, devraient également jouir de protections appropriées, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, les maladies professionnelles et la protection sociale. Dans ce domaine, les modifications des normes ne doivent cependant s'effectuer qu'après mûre réflexion et auront à tenir compte des spécificités des différents groupes de travailleurs indépendants ayant un lien de dépendance économique (par exemple, dans le cas de ceux qui exercent une activité de vente directe) afin de ne pas les priver de leurs sources de revenus et d'une forme d'activité qui répond à leurs attentes.

3.1.5

En outre, la lutte contre le travail non déclaré et la formalisation des relations de travail dans le cadre légal sont indispensables; un renforcement des inspections du travail est souhaitable à cet égard, et plus généralement pour garantir l'effectivité des dispositions légales ou contractuelles applicables.

3.1.6

La recommandation 198 de l'OIT sur la relation de travail, adoptée par la Conférence internationale du travail en juin 2006, offre des sources importantes d'inspiration aux États membres pour l'adaptation du droit du travail aux évolutions technologiques, économiques et sociales qui modifient en profondeur la production, les services et les échanges mondiaux depuis plus d'une vingtaine d'années (3).

3.2   L'adaptation du droit du travail et des conventions collectives peut-elle contribuer à améliorer la flexibilité et la sécurité dans l'emploi et à réduire la segmentation du marché du travail? oui/non

3.2.1

La pratique montre que sans régulation pertinente, la multiplication des contrats flexibles augmente la segmentation du marché et accroît l'insécurité, par exemple en termes de revenus plus faibles dans les contrats les plus répandus (temps partiel), ce qui ne permet pas de faire face aux besoins fondamentaux de manière satisfaisante, et en termes de moindre protection sociale (seuils d'accès aux prestations chômages, à une retraite complémentaire, à une formation continue). L'amplitude de la journée de travail devrait également être prise en compte, car en cas de fractionnement du temps partiel ou du temps plein au long de la journée, les travailleurs ne peuvent disposer en pratique du temps non travaillé pour leurs poursuites personnelles.

3.2.2

La pratique montre encore que les contrats flexibles les plus répandus (CDD et temps partiel) sont souvent offerts à des personnes, qui souhaiteraient plutôt un emploi à temps plein. Si ces types de contrats peuvent constituer un point de départ pour la vie professionnelle des jeunes ou une opportunité de réconcilier travail et vie de famille, ou études et travail, ils ne sont pas toujours le résultat d'un choix volontaire. Les travailleurs âgés trouvent difficilement des emplois, même à durée déterminée. La fragmentation du marché n'est pas imputables aux travailleurs; elle résulte d'un choix des employeurs qui, en dernière instance, décident unilatéralement du type de contrat à offrir. Le droit du travail doit viser à empêcher les discriminations envers les jeunes, les femmes et les travailleurs âgés dans l'accès au marché du travail et dans les rémunérations.

3.2.3

Pour que la flexibilité soit choisie, non discriminatoire, pour offrir davantage de sécurité, permettre aux travailleurs d'organiser leur vie de manière autonome (jeunes en CDD contraints de vivre chez leurs parents compte tenu du coût trop élevé du logement, famille monoparentale dont le parent est dans un contrat à temps partiel non choisi, devenant souvent ainsi un(e) travailleur(se) pauvre), il convient d'engager des réformes profondes du droit du travail dans le sens indiqué dans la réponse à la première question, en priorité par le dialogue social, tripartite ou bipartite selon les pays et au niveau approprié.

3.3   La réglementation existante — sous la forme de lois et/ou de conventions collectives — freine-t-elle ou stimule-t-elle les entreprises et les travailleurs dans leurs efforts pour saisir les opportunités d'accroître la productivité et s'adapter aux nouvelles technologies et aux changements liés à la concurrence internationale? Comment la qualité de la réglementation applicable aux PME peut-elle être améliorée, tout en préservant les objectifs de celle-ci?

3.3.1

Le Comité ne peut répondre à la place des 27 États membres. Il formule cependant quelques observations particulières; faire face à la concurrence, c'est innover la plupart du temps, ou jouer l'atout qualité.

3.3.2

Les facteurs réels de productivité consistent dans la compétence des travailleurs et donc la formation et l'expérience, ainsi que la mise en œuvre de nouvelles technologies, ce qui dépend des investissements d'éducation formation et de recherche développement, tant publics que privés (ce sont ces derniers qui font essentiellement défaut en Europe).

3.3.3

La réglementation (légale ou contractuelle comme le cadre d'action des partenaires sociaux sur la formation) doit donc viser à poursuivre l'éducation et la formation et l'adaptation aux nouvelles technologies dans le cadre du travail ou de la carrière professionnelle, et concerner équitablement les différentes catégories de salariés; l'entreprise qui veut former les compétences et les retenir supportera un effort, partagé avec les pouvoirs publics ou des institutions adéquates. En retour, l'entreprise bénéficiera d'un avantage concurrentiel et les travailleurs d'une employabilité accrue; la législation peut favoriser l'amélioration des compétences et des qualifications en organisant ou facilitant la mise en place des financements, des structures de formation, en précisant des droits et des incitations à la formation (congé-formation, épargne-temps) sur la carrière professionnelle (à travers contrats et employeurs successifs), selon les lois et pratiques en vigueur ou a mettre en place, et la négociation collective (4).

3.3.4

Une mutualisation des efforts de qualification-formation peut être encouragée par la législation et des financements locaux en ce qui concerne les PME, par exemple, afin de répartir les coûts sur un territoire, compte tenu de l'impossibilité pour les très petites entreprises (TPE) et les travailleurs indépendants d'organiser et financer des formations d'une certaine durée, en dehors de l'acquisition d'expérience dans l'emploi lui-même.

3.3.5

Le droit du travail au sens large ne peut cependant se saisir que d'une partie restreinte (formation continue, implication des travailleurs) des éléments indispensables à la maîtrise de nouvelles technologies et à l'adaptation aux mutations industrielles et sociales; l'enseignement supérieur, la recherche, le capital risque, les «incubateurs» de start-up et les pôles d'innovation ont aussi leur rôle à jouer dans le cadre d'une politique industrielle compétitive et coordonnée, au plan régional, national et européen.

3.4   Comment faciliter le recrutement au moyen de contrats à durée indéterminée et déterminée, que ce soit par la voie législative ou le biais de conventions collectives, de manière à accroître la souplesse de ces contrats tout en garantissant un niveau suffisant de sécurité dans l'emploi et de protection sociale?

3.4.1

Une telle approche est difficilement recevable, si la flexibilité suppose des formes d'embauche soit plus nombreuses, soit plus précaires; la flexicurité se définit comme la possibilité d'associer différents types de flexibilité et de sécurité en matière d'emploi, dans le but de renforcer d'une manière équilibrée la capacité d'adaptation du salarié comme de l'entreprise, tout en les protégeant tous deux des risques. La flexicurité est donc plus qu'un équilibre entre la flexibilité externe et le système de sécurité sociale. Plus le contrat est flexible, plus la sécurité dans l'emploi est faible, et plus la protection doit être forte (protection sociale, parcours professionnel sécurisé ou sécurité professionnelle sur toute la vie active) (5).

3.4.2

La question implique que la flexibilité crée des emplois; aucune démonstration ni preuve n'accompagne cette assertion. La sécurité dépend davantage du droit social, non traité par le livre vert.

3.5   Cela vaudrait-il la peine d'envisager de combiner un assouplissement de la législation de protection de l'emploi à un système bien conçu de soutien aux chômeurs, sous la forme de compensations pour perte de revenu (politiques passives du marché du travail) mais aussi de politiques actives du marché du travail?

3.5.1

Un soutien aux chômeurs véritablement bien conçu doit, en tout état de cause et quelque soit le niveau de «protection» de l'emploi, être assorti de formations sérieuses ou de recyclages crédibles. Un tel soutien suppose en outre une aide sur mesure pour les entreprises disposées à engager des personnes situées en marge du marché du travail (chômeurs de longue durée, etc.). Une «politique active du marche du travail» ne signifie pas «obligation d'accepter tout emploi proposé, même moins qualifié et moins bien payé sous peine de perdre toute allocation».

3.5.2

Selon l'histoire, la situation sociale, la place des négociations collectives, les solutions varieront selon les pays; la subsidiarité est appelée à jouer un rôle important en matière de droit du travail, y compris dans la mise en œuvre des directives européennes, qu'elles résultent d'un accord-cadre européen ou d'une initiative communautaire; il est certain que le niveau communautaire doit aussi prendre ses responsabilités, encourager la négociation, soumettre des propositions concrètes dans ses domaines de compétences, et ne pas confondre «meilleure législation» avec «dérégulation».

3.6   Quel pourrait être le rôle de la loi et/ou des conventions collectives négociées par les partenaires sociaux dans la promotion de l'accès à la formation et les transitions entre les différentes formes de contrats afin de soutenir la mobilité verticale tout au long d'une vie professionnelle pleinement active?

3.6.1

II est essentiel de disposer de supports normatifs solides et pérennes pour assurer la formation permanente et les transitions professionnelles; le poids respectif de la norme et de la convention collective varieront, en fonction des «modèles» existants dans des pays ou les conditions législatives, sociales, et la force des organisations représentatives, ainsi que les traditions et pratiques diffèrent, en fonction de l'histoire sociale et des moyens de garantir le respect sur le très long terme des compromis acceptés par les partenaires sociaux. Cela revient à la création d'un véritable statut protecteur du salariat.

3.6.2

Le système à mettre en place s'inscrit à la fois dans les contrats de travail, et doit se matérialiser dans des institutions qui assurent le soutien des transitions, soutien financier (formes de financement à négocier ou discuter) et établissements de formation publics, collectifs ou mutualisés, ou conceptions formatives de travail dans l'entreprise (entreprise qualifiante) avec reconnaissance des qualifications ainsi acquises.

3.6.3

C'est sur ce terrain que le droit du travail pourrait contribuer de la manière efficace aux objectifs de Lisbonne, tant sur le terrain de la société de la connaissance que sur celui d'une sécurité qui permette d'organiser sa vie, d'envisager l'avenir et de construire des projets, ce qui contribue aussi directement à la productivité et à la qualité du travail.

3.7   Les définitions juridiques nationales du travail salarié et du travail indépendant doivent-elles être clarifiées de manière à faciliter les transitions en toute bonne foi entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant et inversement?

3.7.1

La réflexion peut certes être engagée, sur la base d'études comparatives suffisamment approfondies, mais cette question semble largement théorique, dans la mesure où l'harmonisation du droit du travail ou de la protection sociale ne sont pas à l'ordre du jour; les définitions nationales et les jurisprudences qui leur correspondent sont opérationnelles, et il semble plus approprié de les conserver, car il s'agit de la summa divisio entre droit du travail et droit civil (commercial).

3.8   Est-il nécessaire de prévoir un «socle de droits» relatif aux conditions de travail de tous les travailleurs, indépendamment de la forme de leur contrat de travail? Quelle serait, selon vous, l'incidence de ces obligations minimales sur la création d'emplois et la protection des travailleurs?

3.8.1

Tout dépend de ce que l'on inscrit dans ce «socle de droits relatifs aux conditions de travail»; s'il s'agit de questions comme la durée du travail, la modulation des horaires, la rémunération, elles sont déterminées par la forme du contrat et les conditions générales légalement applicables.

3.8.2

S'il s'agit des droits de participation, des libertés fondamentales, du principe d'égalité et de la non discrimination, de droit à la protection contre les aléas — accidents, maladie, chômage … —, etc., il est évident qu'ils sont, par nature, indépendants du contrat de travail, en tant que droits fondamentaux. II est absolument exclu d'envisager leur qualification «d'obligations minimales» ou leur «flexibilité».

3.9   Pensez-vous que les responsabilités des différentes parties aux relations de travail multiples devraient être précisées, pour déterminer à qui incombe la responsabilité du respect des droits du travail? Serait-il faisable et efficace de recourir à la responsabilité subsidiaire pour établir cette responsabilité dans le cas de sous-traitants? Dans la négative, voyez-vous d'autres moyens permettant de garantir une protection suffisante des travailleurs parties à des relations de travail triangulaires?

3.9.1

Le droit du travail repose sur un ordre public social, qui s'impose à toutes les parties. Les donneurs d'ordres doivent disposer d'un certain pouvoir de contrôle ou de supervision sur leurs sous-traitants, et prendre la précaution d'inscrire certains principes (respect des normes en vigueur, sociales et techniques) dans les contrats, s'ils ne veulent pas se trouver contre leur gré complices de violations du droit du travail ou d'autres normes nationales applicables au chantier ou à l'établissement de travail.

3.9.2

Une responsabilité solidaire, avec faculté pour le donneur d'ordre de se retourner contre les sous-traitants défaillants parait la solution la plus protectrice des droits des travailleurs, qui peuvent avoir de grandes difficultés pour se défendre eux-mêmes si le siège social du sous-traitant est dans un autre pays, éventuellement tiers, alors qu'ils travaillent sur un chantier du donneur d'ordre qui en assure la direction. Cette règle de solidarité, pour les conditions de travail et la garantie du paiement des salaires, devrait s'appliquer, que le donneur d'ordre soit une personne de droit privé ou de droit public, ou un établissement mixte.

3.9.3

Il y a lieu d'améliorer la protection des employés travaillant à l'étranger. Les sous-traitants non nationaux devraient cotiser aux caisses ou institutions destinées à protéger les créances des salariés en cas de défaillance de l'employeur; les États membres devraient également prévoir des dispositions légales en matière d'indemnisation du rapatriement éventuel dans les obligations du donneur d'ordre en cas de défaillance de son sous-traitant.

3.9.4

Un des problèmes des relations de travail triangulaires, voire emboîtées, réside dans des risques plus grands, pour les employés/travailleurs, de défaillance d'un des points de la chaîne et de dilution des responsabilités. Dans le cas des employés des sous-traitants étrangers, seule la responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre d'une part et n'importe lequel de ses sous-traitants d'autre part, soutenue par les réglementations légales, offre une protection suffisamment complète pour le respect des droits et le paiement du travail effectué et des cotisations sociales. Les systèmes de garantie nationaux adéquats, créés sur la base de la directive relative à la protection des créances des salariés en cas de défaillance de l'employeur, devraient être suffisamment efficaces, et même être étendus aux entreprises de pays tiers si leur système national de garantie est insuffisant ou inexistant; en ce cas, la responsabilité solidaire des donneurs d'ordre s'en trouverait diminuée en proportion. En outre, les systèmes juridiques nationaux doivent prévoir un mécanisme permettant l'utilisation d'une partie des paiements des donneurs d'ordre aux sous-traitants étrangers à l'abondement d'un mécanisme de garantie de la couverture des obligations restantes de ces derniers envers leurs employés au cas de défaillance de leur employeur (6).

3.10   Est-il nécessaire de clarifier le statut des travailleurs employés par des agences de travail intérimaire?

3.10.1

L'absence d'un cadre juridique communautaire entraînerait des risques d'abus, comme le contournement de la législation sur le détachement temporaire. Il serait utile de tout faire pour que le Conseil parvienne à un consensus qui permettrait d'instaurer des règles régissant les principes de fonctionnement des agences de travail intérimaires au niveau européen.

3.11   Comment pourrait-on adapter les obligations minimales en matière d'aménagement du temps de travail afin d'offrir plus de flexibilité aux employeurs et aux travailleurs, tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs? Quels devraient être les aspects de l'aménagement du temps de travail à traiter en priorité par la Communauté?

3.11.1

La directive de 1993 en vigueur, sous réserve de l'inclusion de la jurisprudence de la Cour, offre un cadre protecteur qui peut être encore aménagé, complété ou développé au niveau national en tant que de besoin, notamment par le biais de la négociation collective à différents niveaux.

3.11.2

La question reconnaît implicitement le lien entre durée/amplitude des horaires de travail et les risques d'accidents ou d'atteintes à la santé; il existe en effet un tel lien, et la réduction du temps de travail effectif peut, sur le long terme, améliorer l'état de santé des travailleurs, avant tout par la réduction du stress et de la fatigue permanente auxquels ils sont soumis, permettant, par la même occasion de créer de nouveaux emplois.

3.12   Comment les droits du travail des travailleurs effectuant des prestations dans un contexte transnational, notamment des travailleurs frontaliers, peuvent-ils être garantis dans l'ensemble de la Communauté? Pensez-vous qu'il est nécessaire d'améliorer la cohérence des définitions du «travailleur» contenues dans les directives européennes, de manière à garantir que ces travailleurs puissent exercer leurs droits du travail, quel que soit l'Etat membre dans lequel ils travaillent? Ou bien estimez-vous que les États membres devraient garder une marge de manœuvre dans ce domaine?

3.12.1

Voir réponse question 1 et recommandation 198 de l'OIT; en raison des divergences actuelles, la définition devrait rester de la compétence des États membres, car elle concerne non seulement les contrats de travail, mais l'application du droit social (définition des bénéficiaires, des conditions d'accès aux prestations).

3.12.2

Il ne semble pas y avoir un véritable problème posé par les directives européennes, qui définissent les personnes visées en fonction de la nature de la législation; une étude approfondie à ce sujet serait sans doute nécessaire, avant d'envisager un changement si cela s'avérait nécessaire.

3.13   Pensez-vous qu'il soit nécessaire de renforcer la coopération administrative entre les autorités compétentes, de manière à ce qu'elles puissent contrôler plus efficacement le respect du droit du travail communautaire? Pensez-vous que les partenaires sociaux aient un rôle à jouer dans cette coopération?

3.13.1

Le rôle des partenaires sociaux est indispensable, dans le contexte du dialogue social et dans l'esprit des traités et de la Charte, pour examiner la mise en œuvre et le respect du droit du travail communautaire.

3.14   Pensez-vous que d'autres initiatives soient nécessaires au niveau de I'UE en vue de soutenir l'action des États membres dans la lutte contre le travail non déclaré?

3.14.1

Le rôle d'Eurostat devrait être développé pour bien comprendre les phénomènes en œuvre dans les différents pays; il semble que le rôle du travail informel ou non déclaré soit sous-estimé dans la formation des PIB nationaux; si les causes sont plus inhérentes aux situations nationales particulières, comme certaines études le laissent penser, c'est l'action propre des États membres qui devrait être particulièrement soutenue et encouragée.

3.14.2

Néanmoins, s'agissant de phénomènes mal connus, il conviendrait de clarifier les liens entre ces formes de travail et la contrefaçon, et l'importance des circuits criminels dans le travail non déclaré, les liens avec l'immigration clandestine, ce qui pourrait justifier une coopération judiciaire active au sein de l'Union, et un rôle accru de l'UE, dans la mesure où ces formes de travail affectent en outre le marché intérieur et la concurrence.

3.14.3

Les partenaires sociaux ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le travail non déclaré et la diminution de l'économie souterraine. Des actions devraient être prises au niveau de l'Union pour encourager les partenaires sociaux des États membres à initier des projets nationaux et sectoriels, à la fois entre eux et de concert avec les autorités, afin de résoudre ces problèmes. À l'échelle communautaire, les partenaires sociaux pourraient analyser ensemble les bonnes pratiques en vigueur dans les États membres et les diffuser.

3.14.4

Pour lutter contre le travail non déclaré, il convient que les autorités des États membres engagent des actions transfrontalières efficaces de coopération, de contrôle et d'information concernant les sanctions encourues par toute personne proposant ou exerçant un travail non déclaré.

Bruxelles, le 30 mai 2007.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  Au délà de l'emploi, editions Flammarion 1999, page 294 et suivantes.

(2)  Le groupe des employeurs n'a pas soutenu l'adoption de la Recommandation no 198 de l'OIT sur la relation de travail.

(3)  Le groupe des employeurs n'a pas soutenu l'adoption de la Recommandation no 198 de l'OIT sur la relation de travail.

(4)  Voir OCDE, PISA 2003 et PISA 2006 sur l'efficacité des systèmes éducatifs; les pays nordiques européens y sont très bien classés, en premier la Finlande.

(5)  Dans ce contexte, il est important de rappeler qu'en Europe, 78 % des contrats de travail sont à temps plein et à durée indéterminée et que 18,4 % des travailleurs travaillent à temps partiel sur la base de contrats à durée indéterminée. Les contrats à durée déterminée concernent environ 14,5 % de la force de travail de l'Union européenne tandis que 2 % des emplois dans l'UE27 sont des emplois temporaires, néanmoins, plus de 60 % des nouveaux contrats de travail sont des contrats flexibles.

(6)  Voir Directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283 du 28.10.1980, p. 23).


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les propositions d'amendement suivantes ont été rejetées au cours des délibérations, mais ont obtenu au moins un quart des suffrages:

Remplacer l'avis entier par le texte suivant:

«L'Europe est actuellement confrontée à des défis majeurs, comme une économie en mutation, passant d'une économie industrielle à une économie orientée vers les services et basée sur la connaissance, la mondialisation, le progrès technologique rapide, le vieillissement de la population européenne, la baisse des taux de natalité, et les mutations de la société et de ses besoins.

Si l'on veut relever ces défis tout en préservant notre modèle social européen, il est entre autres nécessaire de moderniser le droit du travail.

Aussi le Comité économique et social européen (CESE) salue-t-il le Livre vert de la Commission qui lance un débat public sur la modernisation du droit du travail. Les contributions à ce Livre vert enrichiront la communication que la Commission prévoit de publier sur la flexicurité. L'équilibre entre flexibilité et sécurité de l'emploi devrait permettre de satisfaire mutuellement les besoins des salariés comme ceux des entreprises.

Il convient que la modernisation du droit du travail aille dans le sens des objectifs de la stratégie de Lisbonne que sont la croissance, la compétitivité, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, ainsi que l'inclusion sociale. Afin d'atteindre ces objectifs, le CESE émet les propositions suivantes:

1.

Il convient de conserver la diversité existante des formes contractuelles d'emploi, pour autant qu'existe un cadre juridique stable prenant en compte les besoins des salariés ainsi que ceux des entreprises, et en particulier des PME. 78 % des contrats de travail sont à durée indéterminée et à temps plein, mais le nombre de nouvelles formules contractuelles flexibles est en augmentation dans toute l'Europe. Les contrats de travail flexibles, par exemple à temps partiel ou à durée déterminée, peuvent contribuer à l'acquisition de compétences de travail qui ne peuvent être enseignées dans une salle de classe, augmentant ainsi les chances de décrocher un contrat à durée indéterminée et à temps plein. Les contrats de travail flexibles peuvent constituer un bon point de départ pour la vie professionnelle future des jeunes, ainsi qu'une excellente occasion de concilier vie professionnelle et vie familiale; ils peuvent dès lors contribuer à créer un marché de l'emploi favorisant l'insertion. Il importe que ces travailleurs soient protégés contre les discriminations, conformément aux directives européennes concernant le travail à temps partiel et à durée déterminée, qui sont basées sur les conventions sociales européennes.

2.

La modernisation du droit du travail doit s'opérer principalement au niveau des États membres. Le droit du travail n'étant qu'un élément du principe de flexicurité, le juste équilibre entre flexibilité et sécurité doit être défini au sein des cadres nationaux respectifs. Les réformes nationales devraient être assorties de mesures européennes visant à accroître la sensibilisation en identifiant les meilleures pratiques et en encourageant leur échange.

3.

Il y a lieu d'appuyer le rôle central joué par les partenaires sociaux à l'échelon national, sectoriel et de l'entreprise pour ce qui est de moderniser le droit du travail et de parvenir à un équilibre entre flexibilité et sécurité. Les négociations collectives doivent être basées sur le principe d'autonomie des partenaires sociaux et varieront en fonction de l'histoire et de la culture des relations industrielles dans les différents États membres.

4.

Il convient d'associer à une protection de l'emploi plus flexible dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée des politiques actives du marché de l'emploi apportant un soutien taillé sur mesure aux employés qui acquièrent de nouvelles qualifications en fonction des besoins du marché de l'emploi. Il y a lieu de se concentrer sur la sécurité de l'emploi en général plutôt que sur la protection d'emplois spécifiques. Les actions positives émanant de l'économie sociale et des entreprises devraient être soutenues afin d'intégrer sur le marché du travail les personnes souffrant au premier chef de l'exclusion. Un étroit partenariat tripartite associant employeurs, travailleurs et secteur public aide à identifier les besoins en formation et à partager les coûts. Des dispositifs de protection sociale propices à l'emploi pour les salariés ainsi que pour les indépendants devraient contribuer à faciliter les transitions entre différentes formes de travail.

5.

L'emploi indépendant encourage fortement l'esprit d'entreprise, domaine où l'Europe accuse du retard par rapport à ses principaux concurrents dans le monde et qui est le meilleur indicateur du dynamisme d'une économie moderne. Il faut toutefois faire une distinction claire entre les travailleurs indépendants économiquement dépendants, d'une part, et les faux indépendants, d'autre part: ces derniers devraient bénéficier du même niveau de protection que les salariés en ce qui concerne par exemple la sécurité sociale, la sécurité et la santé, ainsi que la protection de l'emploi.

6.

Le travail non déclaré fausse la concurrence et mine la base financière des systèmes nationaux de sécurité sociale et des systèmes fiscaux. Il s'agit d'un phénomène complexe aux causes multiples. La lutte contre le travail non déclaré nécessite dès lors un bon dosage de politiques: adaptation du droit du travail, simplification des obligations administratives, politiques salariales cohérentes, incitations fiscales, amélioration des infrastructures publiques et des services publics, mais aussi contrôles et sanctions dissuasives. La Commission européenne devrait par conséquent prendre l'initiative afin de rassembler les bonnes pratiques et d'encourager leur diffusion entre les États membres afin de promouvoir des mesures contre le travail non déclaré».

Exposé des motifs

Sera présenté oralement.

Résultat du vote

Pour: 89

Contre: 126

Abstentions: 7

Nouveau paragraphe 3.9.2

Ajouter un nouveau paragraphe:

«D'une manière générale, le donneur d'ordres n'a aucune possibilité d'influer sur l'accomplissement au jour le jour des obligations du prestataire vis-à-vis de ses salariés; il ne connaît pas sa situation financière, ni n'exerce d'influence sur elle; en conséquence, il n'est pas en mesure d'évaluer si le prestataire peut remplir ses devoirs envers ses salariés. De ce fait, il ne peut assumer la responsabilité du risque financier qui s'y rapporte».

Exposé des motifs

La question posée par la Commission dans le «Livre vert» est générale et ne s'applique pas aux relations transnationales. Pour cette raison, je propose d'ajouter un paragraphe d'ordre général entre les paragraphes 3.9.1 et 3.9.2. En ce cas, le paragraphe 3.9.2, qui décrit en détail les exceptions à cette déclaration générale (relations transnationales), serait correct.

Résultat du vote

Pour: 75

Contre: 122

Abstentions: 12


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