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Document 52018AE3800

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments» [COM(2018) 317 final — 2018/0161 (COD)]

EESC 2018/03800

OJ C 440, 6.12.2018, p. 100–103 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.12.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 440/100


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments»

[COM(2018) 317 final — 2018/0161 (COD)]

(2018/C 440/16)

Rapporteur unique:

M. János WELTNER

Consultation

Conseil, 21.6.2018

Parlement européen, 2.7.2018

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4.9.2018

Adoption en session plénière

20.9.2018

Session plénière no

537

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

167/2/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) prend note que dans le document de travail de ses services (SWD), la Commission a analysé quatre pistes pour traiter les problèmes que posent aujourd’hui le régime actuel du certificat complémentaire de protection (CCP).

1.2.

Le CESE rejoint la Commission européenne dans sa conclusion de proposer d’apporter, par des amendements au règlement (CE) no 469/2009, des modifications qui correspondent à la quatrième option (1), c’est-à-dire qui édictent des dérogations autorisant la fabrication à des fins aussi bien d’exportation que de stockage.

1.3.

Le CESE se félicite que cette proposition n’entame pas la protection fournie par les CCP pour ce qui est de mettre les produits concernés sur le marché de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE approuve également l’exclusivité sur le marché dont le détenteur d’un CCP dans l’Union européenne bénéficiera dans les États membres sur toute la durée de la période de protection que le certificat assure.

1.5.

Le CESE juge qu’il est de la plus haute importance que sur les marchés des pays tiers où cette protection n’existe pas ou est venue à expiration, les fabricants établis dans l’Union européenne qui y introduisent des médicaments génériques et biosimilaires bénéficient d’un environnement de concurrence loyale.

1.6.

Le CESE soutient avec force ces garanties qui assurent la transparence et offrent une protection face au risque que ne soient réintroduits sur le marché de l’Union des génériques et biosimilaires pour lesquels le produit original est protégé par un CCP.

1.7.

Le CESE adhère à la position adoptée par la Commission en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises (PME), vu le rôle important qu’elles jouent dans la fabrication des génériques et le développement de biosimilaires. Si la nouvelle version du CCP entre en vigueur, elles seront ainsi plus à même de planifier leurs activités de marché.

1.8.

Le CESE apporte son soutien au plan de la Commission pour une évaluation de la législation sur les médicaments orphelins et pédiatriques, prévoyant une analyse plus poussée en 2018-2019.

1.9.

Le CESE comprend le point de vue de la Commission quand elle affirme que, quels qu’en seraient les avantages, elle ne présentera pas de proposition pour un CCP unitaire, dès lors que le train de mesures sur le brevet unitaire n’est pas encore entré en vigueur.

1.10.

Le CESE adhère à la modification du règlement (CE) no 469/2009, telle que la présente le document COM(2018) 317. Il recommande cependant à la Commission de proposer de modifier ledit règlement tel qu’il apparaît dans la communication à l’examen de manière à permettre l’application immédiate d’une dérogation au CCP pour la fabrication.

2.   Contexte

2.1.

Un CCP a pour effet d’étendre la période de protection effective pour les brevets portant sur de nouveaux médicaments qui sont soumis à une autorisation de mise sur le marché.

2.2.

L’entité qui est titulaire, tout à la fois, d’un brevet et d’un CCP bénéficie d’une période de protection d’un maximum de quinze années, à dater du moment où le produit concerné obtient pour la première fois une autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne.

2.3.

Les avantages qu’un CCP procure à son titulaire sont significatifs. Étant donné que ce certificat lui confère les mêmes droits que le brevet de base, il bénéficie de l’extension du monopole découlant de ce brevet (de référence) et de la possibilité d’empêcher que dans les États membres où il lui a été octroyé, ses concurrents fassent usage de son invention, qu’il s’agisse de fabriquer le médicament concerné, de le proposer à la vente, de le stocker, etc.

2.4.

Un CCP a pour fonction de contrebalancer les investissements consentis dans la recherche. Il devrait également offrir une compensation pour les recherches ultérieures, le suivi et l’attente dans la période qui sépare le dépôt d’une demande de brevet et la réception de l’autorisation de mettre le produit concerné sur le marché.

2.5.

Dans l’Union européenne, un CCP peut être accordé lorsque sont réunies les conditions suivantes:

2.5.1.

à la date de la demande de protection complémentaire, le produit est protégé par un brevet de base;

2.5.2.

le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat complémentaire de protection;

2.5.3.

une première autorisation administrative valide lui a été octroyée pour sa mise sur le marché en tant que médicament.

2.6.

Les positions des parties prenantes (2) font apparaître qu’avec les CCP actuels, les fabricants de médicaments génériques et biosimilaires établis dans l’Union européenne sont défavorisés par rapport à ceux qui sont capables d’en produire hors de ses frontières.

2.7.

Dans sa forme actuelle, le dispositif de l’Union européenne en matière de CCP accroît sa dépendance à l’égard des médicaments et produits pharmaceutiques qu’elle importe de pays tiers.

2.8.

Le marché pharmaceutique mondial a changé. La croissance élevée de certaines économies, qualifiées de pays «pharmémergents», se combine avec le vieillissement de la population des régions plus anciennement industrialisées pour induire une demande massive de médicaments. De 2012 à 2017, le montant total des dépenses en la matière est passé de 950 à 1 100 milliards d’EUR, dont 40 % pour les États-Unis, 20 % pour la Chine et moins de 15 % pour l’Europe. D’ici à 2022, les produits biologiques représenteront, en valeur, 25 % du marché pharmaceutique. Cette évolution se double d’un glissement par lequel la part de marché des génériques et biosimilaires ne cesse d’augmenter, de sorte qu’en 2020, ils pourraient représenter, en quantité, 80 % des médicaments et assurer quelque 28 % des ventes mondiales.

2.9.

Selon Medicines for Europe («Médicaments pour l’Europe»), sur le volume total de médicaments qui est aujourd’hui fourni dans l’Union européenne, 56 % sont des génériques et biosimilaires.

2.10.

L’exception Bolar (3) a éliminé un effet collatéral qu’avait produit, sans qu’il ait été voulu, la forte protection conférée par les brevets, reposant sur l’idée que dès que ce dispositif protecteur arrive à expiration, la libre concurrence doit être autorisée. Cette exception consiste en une dérogation pour la fabrication qui est accordée à des fins d’expérimentation et d’essais cliniques, dans le but d’assurer que l’entrée d’un générique sur le marché puisse s’effectuer aussi rapidement que possible aussitôt que la protection du brevet ou du CPP afférent a expiré.

2.11.

En ce qui concerne la dérogation pour fabrication dans le cas d’un CCP, les entreprises de l’Union européenne sont confrontées à une situation analogue à celle qui prévalait avant l’exception Bolar. Si un CCP poursuit l’objectif légitime d’interdire, tant qu’il sera en vigueur, la fabrication de produits concurrents aux fins de leur commercialisation sur le marché de l’Union européenne, il n’en débouche pas moins sur deux conséquences qui n’étaient ni voulues, ni attendues, à savoir:

2.11.1.

il prohibe, sur toute la durée de sa validité dans l’Union européenne, la production de génériques et biosimilaires et leur exportation vers des pays tiers, où ils ne sont pas juridiquement protégés;

2.11.2.

il empêche qu’ils soient fabriqués, et ensuite stockés, suffisamment tôt dans l’Union européenne pour qu’ils puissent être mis sur le marché européen dès la veille de la date d’expiration (jour J-1).

2.12.

Les fabricants de génériques et biosimilaires qui sont établis dans un État membre où la demande de CPC pour le médicament de référence a été introduite se heurtent aux problèmes suivants:

2.12.1.

Durant la période de protection dans l’Union européenne couverte par le certificat du médicament de référence, il leur est interdit de le fabriquer à toute fin que ce soit, y compris pour l’exportation hors de l’Union européenne, vers des États où sa protection au titre d’un CCP a pris fin ou n’a jamais existé, alors que leurs homologues établis dans ces pays sont autorisés à entreprendre cette fabrication.

2.12.2.

Dans la période qui suit immédiatement la fin de validité du certificat, ils ne sont pas prêts à entrer sur le marché de l’Union européenne dès la veille de cette expiration, étant donné que le régime de CCP de l’Union ne les autorise pas, jusqu’à cette date, à fabriquer le médicament concerné sur son territoire. À l’opposé, les fabricants installés dans des pays tiers où la protection octroyée par un CCP pour le médicament de référence a déjà expiré, si tant est qu’elle ait jamais été octroyée, sont prêts à investir le marché de l’Union européenne avec leurs exportations dès le jour J-1 et se ménagent ainsi un avantage compétitif considérable.

2.13.

Le secteur des génériques et biosimilaires assure 160 000 postes de travail dans l’Union européenne, selon Medicines for Europe. Il convient, en modifiant d’urgence le règlement sur le CCP, d’éviter des pertes d’emplois, en particulier à hautes qualifications, ainsi qu’une déperdition de savoir-faire et une fuite de matière grise vers des pays tiers, notamment en Asie.

2.14.

L’Union européenne a joué un rôle pionnier dans le développement de procédures réglementaires pour approuver les biosimilaires: l’Agence européenne des médicaments (AEM) a autorisé le premier d’entre eux en 2006, alors que son équivalent américain, la FDA, ne l’a fait qu’en 2015. Néanmoins, on relève certains indices qui montrent clairement que la position avantageuse que l’Europe occupe sur le terrain de la concurrence est en train de s’éroder, et que ses partenaires commerciaux sont occupés à combler le retard qu’ils ont sur elle. Aussi s’impose-t-il de toute urgence qu’elle rétablisse la compétitivité des fabricants de génériques et biosimilaires qui sont établis sur son territoire. Si elle reste dans l’inaction ou reporte toute initiative, son industrie continuera à s’affaiblir et son avantage concurrentiel comme sa place de pionnière, en particulier dans le secteur des biosimilaires, ne feront que s’effilocher encore.

2.15.

Dans la logique de la stratégie pour le marché unique, il y a lieu de procéder à un recalibrage ciblé de certains aspects des CCP, afin d’affronter les problèmes suivants:

2.15.1.

la perte de marchés d’exportation dans des pays tiers non protégés;

2.15.2.

l’entrée au jour J-1 sur les marchés des États membres pour les fabricants de génériques et biosimilaires qui sont établis dans l’Union européenne, difficulté à résoudre en prévoyant dans la législation de l’Union européenne sur les CCP une «dérogation CCP pour la fabrication», qui donnera l’autorisation de fabriquer ces médicaments sur son territoire durant la période où un certificat complémentaire de protection est en vigueur;

2.15.3.

la situation de compartimentation qui résulte d’une application hétérogène, selon les États membres, du régime actuel des CCP, à laquelle il serait possible de remédier dans le cadre du brevet unitaire qui est en phase d’instauration et donnera peut-être lieu, dans la foulée, à la création d’un dispositif de CCP unitaire;

2.15.4.

la mise en œuvre de l’exception Bolar pour la recherche, qui s’effectue en ordre dispersé.

3.   Observations générales

3.1.

Que pouvons-nous attendre du nouveau règlement?

3.1.1.

Qu’il consolide la capacité de production et le savoir-faire de l’Union européenne et les maintienne sur son territoire, en réduisant ainsi les délocalisations et externalisations inutiles.

3.1.2.

Qu’il y renforce l’accessibilité des médicaments pour les patients, en diversifiant les sources géographiques d’approvisionnement et en confortant ainsi leur production interne.

3.1.3.

Qu’il élimine les obstacles qui y entravent la création d’entreprises de génériques et biosimilaires, en particulier dans le cas des PME, qui éprouvent davantage de difficultés à les surmonter et peuvent se trouver en mauvaise posture quand elles doivent affronter la concurrence de pays tiers.

3.1.4.

Étant donné que la capacité de production établie à des fins d’exportation peut, avant l’expiration du certificat, être utilisée en vue d’approvisionner le marché de l’Union européenne à partir du jour J-1, elle devrait également stimuler, dans une certaine mesure, l’accès aux médicaments dans l’Union en permettant aux médicaments génériques et biosimilaires d’entrer plus rapidement sur le marché après que les certificats sont venus à expiration, et assurer ainsi la disponibilité d’un plus large choix de médicaments abordables, une fois la période de protection de brevet et de CCP terminée. Une telle évolution devrait avoir un effet positif sur les budgets nationaux de la santé.

3.1.5.

Dans une certaine mesure, la proposition favorisera l’accessibilité des médicaments pour les patients européens, en particulier dans les États membres où il est difficile d’obtenir certains médicaments de référence, comme certains produits biologiques, et ce, en créant des conditions grâce auxquelles les génériques et les biosimilaires pourront entrer plus vite sur le marché de l’Union une fois que les certificats correspondants sont venus à expiration. Elle permettra également de diversifier l’origine géographique des médicaments disponibles dans l’Union européenne, renforçant ainsi la chaîne de l’approvisionnement et sa sécurité.

4.   Observations particulières

4.1.

La Commission européenne pourrait trouver le moyen que les fonds de l’Union européenne soient utilisés pour aider à créer dans les États membres des capacités de production à finalité exportatrice durant la durée de validité des CCP. Une telle démarche pourrait accélérer la montée en puissance de la fabrication pour investir le marché de l’Union au jour J-1.

4.2.

Il serait envisageable que la Commission soutienne les activités d’ONG concernées, visant à élaborer des indicateurs de suivi et d’évaluation des nouveaux CCP dans la perspective d’accroître à l’avenir la part de l’Union européenne sur le marché des génériques et biosimilaires fabriqués sur son territoire.

Bruxelles, le 20 septembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  SWD(2018) 240 final, p. 29.

(2)  SWD(2018) 242 final.

(3)  Directives 2001/83/CE et 2001/82/CE.


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