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Document 52018AE2072

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend. Cadre financier pluriannuel 2021-2027”» [COM(2018) 321 final], la «Proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027» [COM(2018) 322 final/2 — 2018/0166 (APP)], la «Proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne» [COM(2018) 325 final — 2018/0135 (CNS)], la «Proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres fondées sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, sur le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés ainsi qu’aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie» [COM(2018) 326 final — 2018/0131 (NLE)], la «Proposition de règlement du Conseil portant mesures d’exécution du système des ressources propres de l’Union européenne» [COM(2018) 327 final — 2018/0132 (APP)] et sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom) n° 1553/89 concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres venant de la taxe sur la valeur ajoutée» [COM(2018) 328 final — 2018/0133 (NLE)]

    EESC 2018/02072

    JO C 440 du 6.12.2018, p. 106–115 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    6.12.2018   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 440/106


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend. Cadre financier pluriannuel 2021-2027”»

    [COM(2018) 321 final]

    la «Proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027»

    [COM(2018) 322 final/2 — 2018/0166 (APP)]

    la «Proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne»

    [COM(2018) 325 final — 2018/0135 (CNS)]

    la «Proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres fondées sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, sur le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés ainsi qu’aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie»

    [COM(2018) 326 final — 2018/0131 (NLE)]

    la «Proposition de règlement du Conseil portant mesures d’exécution du système des ressources propres de l’Union européenne»

    [COM(2018) 327 final — 2018/0132 (APP)]

    et sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom) no 1553/89 concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres venant de la taxe sur la valeur ajoutée»

    [COM(2018) 328 final — 2018/0133 (NLE)]

    (2018/C 440/18)

    Rapporteur:

    Javier DOZ ORRIT

    Consultation

    Commission européenne, 18.6.2018

    Conseil de l’Union européenne, 25.7.2018 et 5.9.2018

    Base juridique

    Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

     

     

    Compétence

    Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

    Adoption en section spécialisée

    7.9.2018

    Adoption en session plénière

    19.9.2018

    Session plénière no

    537

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    140/3/7

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît la forte valeur ajoutée européenne des programmes sur lesquels sont concentrées les principales augmentations de dépenses dans la proposition de la Commission relative au cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Le Comité s’interroge cependant sur le fait que ces augmentations se font au prix de coupes importantes dans la politique de cohésion (- 10 %) et la politique agricole commune (PAC) (- 15 %), en raison des efforts déployés pour réduire le budget de l’Union européenne, qui s’élève actuellement à 1,16 % du revenu national brut (RNB) de l’EU-27 et sera ramené à seulement 1,11 % dans le CFP après 2020.

    1.2.

    L’Union doit faire face à d’importants défis, notamment l’élimination des conséquences sociales et politiques négatives de la crise, et les risques extérieurs liés à l’instabilité géopolitique et au nationalisme économique. Elle devrait s’efforcer de déployer son potentiel économique et politique considérable pour promouvoir des politiques sociales, économiques et d’emploi avancées, axées sur la croissance et qui garantissent une répartition équitable des gains de croissance, répondre à l’urgence de lutter contre le changement climatique et financer la transition vers une Europe durable (dans le contexte de l’article 3 du traité sur l’Union européenne), ainsi que pour exploiter les possibilités offertes par la montée en puissance de l’intelligence artificielle, la numérisation et l’industrie 4.0. Tout cela nécessite un effort budgétaire plus important. Conformément à la position du Parlement européen (1), le CESE propose que les dépenses et les recettes atteignent 1,3 % du RNB. Le CESE estime que le montant des engagements proposé, fixé à 1,11 % du RNB, est trop modeste pour pouvoir concrétiser de manière crédible les priorités politiques de l’Union européenne.

    1.3.

    Dans le prolongement de l’avis du CESE relatif au document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne (2), le CESE réaffirme que les européens ont besoin de plus d’Europe (et d’une Europe de meilleure qualité) si l’on veut surmonter la crise politique que traverse l’Union européenne. Il existe un décalage croissant entre, d’une part, les pouvoirs et les ressources financières dont dispose actuellement l’Union européenne, et d’autre part, les préoccupations et les attentes des européens.

    1.4.

    Le CESE reconnaît les améliorations que la proposition de la Commission introduit en matière de structure, de flexibilité et de capacité à promouvoir les synergies, ainsi que l’augmentation du pourcentage des recettes provenant des ressources propres de l’Union. Cela est toutefois insuffisant. Concernant les recettes, la proposition de la Commission relative au CFP après 2020 ne tient compte que d’une partie des suggestions du groupe de haut niveau sur les ressources propres (HLGOR) et du Parlement européen, qui préconisent un éventail plus large de sources supplémentaires de ressources propres.

    1.5.

    Tout en comprenant les raisons qui sous-tendent la proposition de la Commission relative au CFP 2021-2027, le CESE exprime néanmoins son désaccord avec celle-ci lorsqu’elle envisage de réduire l’enveloppe du Fonds européen de développement régional (FEDER) de 12 %, et la dotation du Fonds de cohésion de 46 %, à prix constants, par rapport aux budgets actuels.

    1.6.

    Le Comité exprime son désaccord avec la diminution de 6 %, en termes réels, de l’engagement proposé pour le Fonds social européen (FSE+), compte tenu en particulier de la proclamation récente (en novembre 2017), par l’ensemble des institutions, du socle européen des droits sociaux et de l’objectif de création d’emplois de qualité. Comme il l’avait déjà indiqué dans son récent avis sur le financement du socle européen des droits sociaux (3), le CESE aurait espéré que les principes du socle et sa mise en œuvre indispensable, notamment en ce qui concerne l’emploi, constituent l’une des lignes directrices de la proposition d’allocation des engagements prévus dans le prochain CFP. Il conviendrait de créer un programme spécifique pour aider les États membres à mettre en œuvre la déclaration de Göteborg sur le socle européen des droits sociaux afin de les soutenir dans leurs efforts de réforme visant à stimuler la création d’emplois de qualité dans le cadre du développement durable.

    1.7.

    Le CESE considère que le financement des politiques de cohésion (c’est-à-dire le FEDER, le Fonds de cohésion et le FSE) devrait être maintenu dans le CFP 2021-2027, au moins avec les mêmes ressources, à prix constants, comme dans le cadre financier actuel.

    1.8.

    Le CESE accueille favorablement la mention, par la Commission, des investissements stratégiques essentiels, qui sont la clé de la prospérité future de l’Europe et lui permettront de jouer un rôle moteur dans la réalisation des objectifs mondiaux de développement durable (ODD). Néanmoins, le CESE est fermement convaincu que les ODD et, plus particulièrement, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, auraient dû être davantage mis en avant, dans la mesure où ce dernier constitue indubitablement pour l’Union européenne une stratégie globale pour les années à venir.

    1.9.

    Le CESE reconnaît les augmentations substantielles des engagements relatifs à l’environnement et à l’action pour le climat (+ 46 %). Toutefois, ayant approuvé le programme des Nations unies pour le développement durable à l’horizon 2030 et soutenant les objectifs de l’Union visant à contribuer à la transition vers une économie à faible intensité de carbone d’ici à 2050, le Comité constate également le manque d’ambition cette part du budget consacrée à la transition vers le développement durable et à la lutte contre le changement climatique.

    1.10.

    De l’avis du Comité, bien que la mise en place, au sein du budget de l’Union européenne, d’un mécanisme de stabilisation des investissements pour les États membres de la zone euro touchés par des chocs spécifiques au pays constitue un pas dans la bonne direction, les engagements prévus, tant en ce qui concerne les garanties de prêts que les subventions pour le paiement d’intérêts relatifs aux prêts susmentionnés, sont bien trop faibles pour faire la différence en cas de crise. Ce programme unique et limité du budget éventuel pour la zone euro ne fait partie d’aucune des stratégies de réforme de l’Union économique et monétaire (UEM) mentionnées par le CFP pour l’après-2020.

    1.11.

    Le CESE s’interroge sur les réductions proposées (– 15 % en termes réels pour l’EU-27, y compris le FED, entre la période 2014-2020 et la période 2021-2027) dans les engagements prévus pour la PAC. Ces réductions rendront impossible la mise en œuvre d’un modèle de développement rural durable, l’un des objectifs globaux de la nouvelle réforme de la PAC, ainsi que d’autres objectifs définis dans la récente communication de la Commission sur l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture.

    1.12.

    Le CESE félicite la Commission européenne pour sa proposition d’un ensemble de nouvelles ressources propres. Cela dit, il estime également que les propositions actuelles ne sont pas susceptibles de déboucher sur des ressources propres autonomes, transparentes et équitables suffisamment élevées. Le CESE est cependant favorable à une mise en œuvre rapide d’une réforme cohérente du système de manière à accroître la part des recettes provenant des ressources propres et à faire en sorte que les méthodes de perception des recettes complètent et renforcent les objectifs politiques de l’Union européenne. Cette réforme devrait se faire sur la base des recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres et du Parlement européen. Le Comité attire l’attention des institutions européennes sur le fait que veiller à ce que toutes ces ressources propres deviennent opérationnelles au cours de la période 2021-2027 sera complexe.

    1.13.

    Le CESE se félicite de la suppression proposée des rabais (ou «chèques») accordés aux pays qui ont largement contribué au financement du budget de l’Union européenne.

    1.14.

    Le CESE soutient la proposition selon laquelle l’octroi de fonds de l’Union européenne aux États membres doit être conditionné au respect du principe de l’état de droit, l’un des piliers fondamentaux du corpus de valeurs de l’Union en vertu de l’article 2 du traité sur l’Union européenne, et estime que cette condition pourrait être étendue aux autres principes liés à l’état de droit inscrits dans les traités de l’Union européenne. Il demande dès lors à la Commission et au Parlement européen d’étudier cette possibilité.

    1.15.

    Le Comité se félicite du soutien apporté à l’investissement grâce à la garantie InvestEU et à la participation prévue d’autres partenaires tels que des banques et institutions nationales de développement ou des institutions financières internationales [comme, par exemple, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)], mais déplore que le niveau des ressources soit juste suffisant pour garantir le maintien des niveaux antérieurs de prêts de la BEI (4) et ne tienne pas compte de l’important déficit d’investissement de l’Union européenne. Le Comité réclame également la mise en œuvre de changements dans le fonctionnement d’InvestEU afin de veiller à ce que les pays dont les revenus sont les plus faibles bénéficient de fonds relativement plus élevés. Les programmes de l’Union européenne devraient avoir notamment pour objectif clair de favoriser la convergence plutôt que les divergences.

    1.16.

    Le CESE se dit préoccupé par l’interprétation rigide des conditions du pacte de stabilité et de croissance et d’autres conditions macroéconomiques, ainsi que des exigences en matière de cofinancement pour les fonds de la politique de cohésion, qui complique l’accès à ce financement, lorsqu’il est nécessaire, pour les États membres de l’Union européenne qui en ont le plus besoin.

    1.17.

    Le Comité se réjouit des importantes augmentations proposées pour les programmes de recherche et de développement dans le domaine de l’économie et de la société numériques, et souligne la nécessité d’une stratégie bien définie pour relier l’innovation à une politique industrielle européenne durable fondée sur des emplois de haute qualité, notamment en facilitant la collaboration entre la recherche universitaire, le secteur industriel, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

    1.18.

    Le CESE se félicite des modifications proposées en lien avec les augmentations substantielles, en termes réels, des crédits alloués aux programmes relevant des instruments «migration et gestion des frontières» et «voisinage et monde». L’adoption d’une politique commune en matière d’asile, fondée sur le respect du droit international et la solidarité envers les réfugiés et entre États membres, est indispensable, et une politique européenne en matière de migration s’impose elle aussi de toute urgence. Le CESE insiste pour que ces questions bénéficient d’une attention particulière lors de la mise en œuvre du CFP.

    1.19.

    Le Comité rappelle que le semestre européen devrait être au centre de la mise en œuvre des budgets de l’Union européenne, grâce à une utilisation optimale de la flexibilité du nouveau CFP. Une participation renforcée des partenaires sociaux et de la société civile au semestre européen sera nécessaire pour garantir une mise en œuvre plus efficace et plus démocratique des orientations du semestre européen et établir une connexion entre les sphères nationale et européenne.

    1.20.

    Le Comité invite instamment les institutions de l’Union européenne et les gouvernements des États membres à intensifier les travaux en rapport avec le CFP pour l’après-2020, afin qu’il puisse être approuvé, selon le calendrier prévu, avant les prochaines élections européennes.

    2.   Proposition de la Commission relative au cadre financier pluriannuel 2021-2027

    2.1.

    Le présent avis du CESE porte sur le train de mesures présenté par la Commission européenne le 2 mai 2018. Ce dernier comprend une communication sur le CFP (5), quatre propositions de règlements du Conseil (6) et une proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres (7).

    2.2.

    Il est proposé de fixer le plafond des engagements à 1 135 milliards d’EUR pour la période 2021-2027 [aux prix constants de 2018, compte tenu du Fonds européen de développement (FED)], soit 1,11 % du RNB, ce qui représente une augmentation par rapport au plafond fixé pour la période 2014-2020, qui était de 1 082 milliards d’EUR (sans compter la contribution du Royaume-Uni), soit 1,16 % du RNB (sans le Royaume-Uni). Pour la même période, il est proposé de faire passer le plafond des paiements à 1 105 milliards d’EUR (aux prix constants de 2018, FED inclus), équivalant à 1,08 % du RNB, alors qu’il s’élevait précédemment à 1 045 milliards d’EUR, soit 0,98 % du RNB.

    2.3.

    Parmi les modifications proposées, les ressources allouées aux programmes relevant de certaines rubriques devraient être considérablement augmentées en termes réels par rapport au CFP 2014-2020 (EU-27 + FED): + 43 % (166,3 milliards d’EUR, soit 14,7 % du budget total, dont 13,1 milliards d’EUR pour le programme InvestEU) pour la rubrique «marché unique, innovation et numérique», + 210 % (30,8 milliards d’EUR, soit 2,72 % du budget total) pour la rubrique «migration et gestion des frontières» et + 14 % (108,9 milliards d’EUR, soit 9,6 % du budget total) pour la rubrique «voisinage et monde». En revanche, les coupes seront importantes, en termes réels, pour les rubriques «cohésion et valeurs» (– 12 % pour le pôle «développement régional et cohésion», dont l’enveloppe passe à 242,2 milliards d’EUR, et — 10 % pour la politique de cohésion, dont la dotation est ramenée à 330,6 milliards d’EUR) et «ressources naturelles et environnement» (– 16 % pour arriver à 336,6 milliards d’EUR, soit 29,7 % du budget total), surtout en ce qui concerne la politique de cohésion (– 10 %) et la PAC (– 15 %).

    2.4.

    Quant aux recettes, le train de mesures comporte des propositions d’éléments supplémentaires à envisager dans le cadre du système des ressources propres de l’Union, tandis que la proposition de décision du Conseil prévoit un relèvement du plafond pour les appels annuels de ressources propres à 1,29 % du RNB pour les paiements et à 1,35 % du RNB pour les engagements, afin de répondre aux besoins de financement accrus découlant de l’intégration du Fonds européen de développement et de financer de nouvelles priorités, tout en garantissant une marge de sécurité suffisante pour permettre à l’Union européenne de s’acquitter de ses obligations financières.

    2.5.

    Outre l’augmentation proposée, la Commission préconise de modifier la structure du financement de l’Union européenne. La part des ressources propres traditionnelles devrait diminuer légèrement pour passer de 15,8 % à 15 %, et celle des contributions nationales existantes devrait baisser de 83 % à 72 % grâce à une réduction prévue des contributions en fonction du revenu national brut de 71 % à 58 %. Une réforme de la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée devrait entraîner une augmentation de la part de cette ressource de 11,9 % à 14 %. De nouvelles ressources propres seront mises en place, fondées notamment sur le système d’échange de quotas d’émission, sur la nouvelle assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés — dès que celle-ci pourra être introduite progressivement — et sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés. Ces nouvelles ressources pourraient représenter 12 % du budget total de l’Union européenne.

    2.6.

    La Commission européenne propose que, pour pouvoir bénéficier des fonds des politiques de cohésion, les États membres soient tenus de respecter certaines conditions macroéconomiques, de procéder à des réformes structurelles et de se conformer aux exigences du pacte de stabilité et de croissance. La réalisation de cette dernière condition au cours des années précédentes est l’un des critères à respecter pour pouvoir bénéficier de l’aide du nouveau mécanisme de stabilisation des investissements. En outre, afin d’atténuer les importantes réductions préconisées dans les ressources consacrées aux politiques de cohésion et à la PAC, la Commission propose d’augmenter le pourcentage de cofinancement des projets par les États membres.

    2.7.

    La proposition de règlement relatif à la protection du budget en cas en cas de défaillance généralisée de l’état de droit vise à sanctionner les mesures prises par un État membre qui affectent ou pourraient affecter les principes de la bonne gestion financière ou la protection des intérêts financiers de l’Union, en particulier celles qui mettent en péril l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les sanctions peuvent prendre la forme d’une réduction ou d’une suspension des paiements de l’Union européenne et des engagements financiers avec l’État membre concerné. Les sanctions seront adoptées sur la base d’une proposition de la Commission, que le Conseil peut rejeter à la majorité qualifiée.

    3.   Observations générales

    Contexte politique et objectifs généraux

    3.1.

    Compte tenu des enjeux et des risques, internes et externes, auxquels elle devra faire face dans les dix prochaines années, l’Union aura besoin d’une stratégie politique claire et d’un budget solide. Dans le droit fil d’un précédent avis sur le «Document de réflexion de la Commission sur l’avenir des finances» (8) et de la résolution du Parlement européen (9), le CESE suggère dès lors de porter à 1,3 % du RNB les engagements pour la période 2021-2027.

    3.1.1.

    La crise économique et financière et sa gestion par les décideurs politiques européens ont marqué de leur empreinte de nombreux pays européens, engendrant une perte de compétitivité, un ralentissement économique, de la pauvreté, des inégalités et des ruptures de la cohésion sociale, mais aussi des disparités entre pays.

    3.1.2.

    La méfiance des citoyens à l’égard des institutions démocratiques nationales et européennes entraîne une montée des mouvements politiques qui remettent en question les valeurs et les principes démocratiques ainsi que l’Union elle-même. Quelques-uns de ces mouvements politiques font aujourd’hui partie des gouvernements de certains États membres de l’Union européenne (ou sont susceptibles d’y entrer dans un avenir proche) et sont à l’origine du résultat du référendum sur le Brexit.

    3.1.3.

    Le voisinage de l’Union européenne est fortement touché, entre autres, par le nombre croissant de gouvernements antidémocratiques et/ou autoritaires, la guerre en Syrie et ses implications régionales et mondiales, la grave instabilité politique et les conflits armés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au Sahel, ainsi que par la pression démographique africaine et les mouvements migratoires vers l’Europe qui en découlent.

    3.1.4.

    L’une des conséquences de cette situation est le flux de réfugiés et de migrants qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. L’adoption d’une politique commune en matière d’asile, fondée sur le respect du droit international et la solidarité envers les réfugiés et entre États membres, est indispensable. Il est également urgent de mettre en place une politique migratoire européenne. Ces questions ainsi que le renforcement de la coopération au développement, en particulier avec les pays d’Afrique, devront bénéficier d’un traitement préférentiel dans le cadre du CFP 2021-2027. Ces besoins sont largement pris en compte dans la proposition de la Commission, avec toutefois une prédominance des aspects liés à la sécurité.

    3.1.5.

    Les décisions et la rupture unilatérale d’accords internationaux majeurs par le gouvernement actuel des États-Unis contribuent à l’instabilité géopolitique mondiale et sont en conflit avec de nombreuses politiques européennes, notamment la politique commerciale, la politique de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, la politique de voisinage, la promotion de la paix et l’interdiction des armes nucléaires, le multilatéralisme dans les relations internationales et le soutien du système des Nations unies.

    3.1.6.

    L’Europe doit faire face à ces risques en tirant le meilleur parti de ses capacités et en développant son potentiel dans des domaines tels que la recherche, l’innovation et le développement technologique, son capital humain, la compétitivité de ses entreprises et son économie, ainsi que ses capacités d’exportation. Elle devrait également maximiser et concrétiser, en son sein et dans le monde, ses valeurs démocratiques et le plein respect de l’état de droit, les valeurs qui caractérisent les sociétés justes, égalitaires et solidaires, et la défense de la paix et du multilatéralisme dans les relations internationales. Pour chacun de ces éléments, il faut également de solides budgets européens.

    3.1.7.

    La Commission et le Parlement européen ont présenté des propositions de réforme de l’Union européenne et de l’UEM qui, dans une mesure plus ou moins grande, promeuvent une intégration plus poussée. L’issue de ce processus est incertaine. Le marché unique n’est pas encore achevé, ce qui, en combinaison avec le ralentissement des innovations et l’inadéquation croissante des compétences, met en péril la compétitivité européenne. Le Conseil européen a adopté, à Göteborg, une déclaration sur le socle européen des droits sociaux. La réalisation de tous ces objectifs demandera un engagement financier important de la part de l’Union européenne et de ses États membres ainsi qu’un engagement politique à investir de manière efficace et efficiente les fonds disponibles. Le succès de cette démarche dépend de la participation active des partenaires sociaux et de la société civile organisée au processus décisionnel.

    3.1.8.

    Le principal risque économique pour l’avenir de l’Europe est le déficit d’investissement et le retard pris sur les leaders mondiaux en matière d’innovations et de commercialisation de ces dernières. Le taux d’investissement par rapport au produit intérieur brut (PIB) est bien en deçà de son niveau d’avant la crise.

    3.1.9.

    Promouvoir l’investissement pour créer des emplois durables et de qualité, améliorer la productivité et moderniser l’économie et les entreprises, stimuler l’industrie et les innovations, promouvoir la convergence entre les États membres, gérer les transitions verte et numérique, développer le socle des droits sociaux, renforcer la cohésion sociale et éradiquer la pauvreté, respecter les objectifs et les engagements des accords de Paris ainsi que les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies: tels devraient être les principaux buts visés pour parvenir à un modèle européen de développement durable. À cet effet, un solide budget 2021-2027 est nécessaire, avec des programmes sur mesure contribuant au maximum à la valeur ajoutée européenne.

    3.1.10.

    Eu égard à ce qui précède et à d’autres éléments, le CESE estime que l’Union européenne a besoin de budgets ambitieux, qui soient les instruments de politiques visant à développer une stratégie claire pour le renforcement de l’Union, avec davantage d’intégration et de démocratie, un soutien accru aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne, une augmentation de l’aide accordée aux entreprises pour relever les défis environnementaux et numériques, une dimension sociale plus forte et un soutien accru à la vie rurale. Ce n’est qu’ainsi que l’Union européenne pourra contenir et vaincre les forces centrifuges internes et affronter les risques géopolitiques externes.

    Le volet «dépenses» du nouveau CFP

    3.2.

    Toutefois, la proposition de la Commission semble excessivement axée sur le maintien du statu quo, incarnant un décalage entre, d’une part, l’ampleur et la teneur des nouveaux défis posés à l’Union européenne et ses ambitions en la matière, et, d’autre part, les ressources disponibles pour les réaliser.

    3.3.

    L’article 3 du traité sur l’Union européenne dispose que l’Union européenne doit promouvoir une croissance durable et respectueuse de l’environnement. L’urgence de la lutte contre le changement climatique est désormais une priorité absolue, y compris pour le CESE, et il s’agit d’un cadre d’action mondial s’appliquant non seulement aux pouvoirs publics, mais également aux acteurs économiques, aux travailleurs et aux citoyens. En conséquence, il y lieu d’organiser une vaste transition économique, sociale et environnementale et, surtout, de la financer (10).

    3.4.

    Le CESE approuve les changements apportés dans la structure du budget, avec la réorganisation des rubriques et la consolidation des programmes, ainsi que l’amélioration des mécanismes de flexibilité qui permettront de disposer d’un CFP plus souple tout en préservant la stabilité offerte par ce dernier.

    3.5.

    Tout en comprenant les raisons qui sous-tendent la proposition de la Commission relative au CFP 2021-2027, le CESE exprime néanmoins son désaccord avec celle-ci lorsqu’elle envisage de réduire l’enveloppe du Fonds européen de développement régional (FEDER) de 12 %, et la dotation du Fonds de cohésion de 46 %, à prix constants, par rapport aux budgets actuels.

    3.5.1.

    Des éléments suggèrent que la crise a abouti à la réapparition de divergences en matière de revenu par habitant, en particulier entre le Nord et le Sud (11). Bien que la proportion de la population de l’EU-27 vivant dans les régions «moins développées» (avec un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne de l’Union européenne) diminue depuis 2010, la part de la population de l’EU-27 vivant dans des régions «en transition» (ayant un PIB par habitant compris entre 75 % et 90 % de la moyenne de l’Union européenne) a augmenté. Cependant, cette évolution s’explique en partie par le fait que la part de population de l’EU-27 vivant dans les régions «développées» n’a cessé de baisser en raison des conséquences de la crise (12). Ainsi, si convergence il y a, les revenus ne convergent pas toujours vers le haut. Des investissements publics supplémentaires sont nécessaires dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’inclusion sociale, en particulier aux niveaux local et régional, et ils devraient bénéficier de l’application de la règle d’or recommandée par le Comité dans plusieurs de ses avis récents: les dépenses d’investissement, notamment celles promouvant une croissance durable à long terme, ne sont pas comptabilisées lorsque l’on évalue le respect des objectifs de déficit du pacte de stabilité et de croissance, de manière à garantir la viabilité à long terme des finances publiques.

    3.5.2.

    Dans ce contexte, le CESE constate que les conditions économiques et sociales varient considérablement d’une région à l’autre, certaines divergences étant apparues ces dernières années, même dans des pays relativement riches. Cela devrait se refléter dans la politique de cohésion grâce à de nouveaux indicateurs sociaux, tels que l’emploi et le taux d’activité des groupes cibles, ainsi que des mesures de la pauvreté et de l’inclusion sociale, en plus du PIB relatif par habitant.

    3.6.

    Le CESE exprime son désaccord avec la proposition de coupes réelles des crédits d’engagement pour le Fonds social européen Plus (- 6 % en termes réels au cours de la période 2021-2027 par rapport à la période 2014-2020). La diminution réelle sera plus importante étant donné que la garantie pour la jeunesse sera incluse dans le FSE+. Ce fonds devrait en fait rester stable, au moins en termes réels, par rapport aux valeurs de 2020, étant donné qu’il fournit les principales ressources financières permettant à l’Union européenne de soutenir la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, essentiel pour renforcer la dimension sociale de l’Union européenne et favoriser une convergence des normes sociales vers le haut. Les taux minimums de cofinancement national ne devraient pas augmenter, car cela empêcherait certains États membres d’investir dans certaines régions et les possibilités de valeur ajoutée européenne seraient ainsi gaspillées. La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux peut également favoriser une plus grande résilience parmi les États membres de la zone euro et, partant, améliorer le fonctionnement de l’UEM. À cet effet, les actions conjointes des partenaires sociaux aux niveaux européen, national et régional sont indispensables. Le CESE regrette dès lors que celles-ci ne soient pas explicitement mentionnées dans le projet de règlement, alors qu’elles sont reconnues dans la période de programmation actuelle, et invite la Commission à rétablir la disposition en question.

    3.7.

    Le CESE considère que le financement des politiques de cohésion (c’est-à-dire le FEDER, le Fonds de cohésion et le FSE) devrait être maintenu dans le CFP 2021-2027, au moins avec les mêmes ressources, à prix constants, comme dans le cadre financier actuel.

    3.8.

    Comme il l’a déjà indiqué dans son avis sur «L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture» (13), le CESE estime nécessaire de procéder à une nouvelle réforme de la PAC qui, tout en conservant ses deux piliers, les réorienterait en concentrant bien plus largement l’aide directe sur les agriculteurs et les éleveurs, les petites et moyennes entreprises et les exploitations familiales, et prévoirait que les fonds destinés au développement rural soient mis à profit pour promouvoir un modèle de développement durable qui tienne compte des engagements énoncés dans les accords de Paris et les ODD des Nations unies. Le financement des infrastructures sociales dans les communautés rurales par l’intermédiaire du Fonds européen agricole pour le développement rural a constitué un élément majeur des politiques actives de l’Union européenne pour lutter contre le dépeuplement des zones rurales et a servi aux habitants des zones rurales, les agriculteurs comme les petites entreprises et les communautés. En raison des coupes budgétaires considérables que la Commission propose pour la PAC (- 15 %), il est difficile de progresser dans cette direction ou de réaliser les objectifs définis dans la communication de la Commission sur l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture.

    3.9.

    Le CESE accueille favorablement la proposition de création d’un mécanisme de stabilisation pour la zone euro dans le cadre du budget de l’Union européenne. Ce mécanisme visera à protéger les dépenses d’investissement dans les États membres de la zone euro en cas de chocs touchant spécifiquement certains pays et mettant leurs budgets publics sous pression. Il s’agit d’une réforme nécessaire pour rendre l’UEM plus résiliente et éviter le déclenchement d’une dynamique de divergence entre les États membres.

    3.9.1.

    Toutefois, le Comité estime que ce mécanisme, tel qu’il est proposé, ne garantira pas une stabilisation suffisante en cas de crise. Il ne permettrait d’octroyer qu’un nombre limité de prêts adossés («back-to-back») aux États membres concernés. Le montant de 30 milliards d’EUR est insuffisant pour permettre l’octroi de prêts à plus d’un pays simultanément (14). De même, les subventions d’un montant maximal de 600 millions d’EUR par an, accordées pour le paiement des intérêts de ces prêts à faible taux, ne procureraient qu’un soulagement négligeable aux États membres et ne garantirait donc pas une stabilisation suffisante de la zone euro. Une première étape vers une plus grande capacité de stabilisation serait de prévoir une marge plus importante pour les engagements de paiement, ce qui demanderait un relèvement du plafond des contributions.

    3.9.2.

    Le CESE déplore que les propositions de la Commission sur le prochain CFP ne comportent pas de dispositions sur la réforme de l’UEM et de sa gouvernance et sur l’incidence budgétaire d’une telle réforme, notamment en ce qui concerne la création du Fonds monétaire européen, ou les services ou avantages qui concernent les citoyens, tels que l’assurance chômage, qui vient compléter celle des États membres en temps de crise.

    3.10.

    Le Fonds InvestEU s’appuie sur l’ancien Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), avec la même contribution annuelle et des estimations identiques s’agissant de ses effets sur l’investissement total. Ses investissements seront répartis entre quatre volets d’action (les infrastructures durables, la recherche, l’innovation et la numérisation, les PME, et les investissements sociaux et les compétences), qui vont tous dans la bonne direction. Le CESE est particulièrement favorable au quatrième volet, car celui-ci facilitera le financement de projets dans des secteurs cruciaux comme les compétences, l’éducation, la formation, le logement social, l’innovation sociale, et l’intégration des migrants, des réfugiés et des personnes vulnérables. Il y a lieu de saluer cet engagement à garantir les crédits provenant de la BEI et éventuellement d’autres établissements bancaires publics, mais cela sera juste suffisant pour permettre de maintenir des niveaux de crédit antérieurs, alors que certains États membres au revenu par habitant relativement bas ne pourront toujours pas en bénéficier. Il conviendra de redoubler d’efforts pour combler le déficit d’investissement de l’Union européenne.

    3.11.

    Le principal objectif des politiques de cohésion est de promouvoir une convergence économique et sociale vers le haut entre les États membres. La définition de conditions rigides peut empêcher les États membres et les régions qui en ont le plus besoin — c’est-à-dire les plus pauvres ou les plus endettés — d’accéder aux fonds des politiques de cohésion. Les propos tenus par le Comité dans son avis sur le CFP 2014-2020 (15) restent valables: «[…] le CESE… est hostile à la proposition d’appliquer une conditionnalité macroéconomique à l’octroi des fonds destinés à la politique de cohésion». Le CESE préconise toutefois une mise en œuvre de la politique de cohésion dans le cadre des orientations définies par le semestre européen, prévoyant une participation accrue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, tant au niveau national qu’à l’échelon européen.

    3.12.

    Les exigences de cofinancement du FEDER, du Fonds de cohésion et du FSE, appliquées de manière rigide, ont empêché certains pays qui avaient le plus besoin de ces fonds de les utiliser pendant la politique d’austérité extrême, et ont ainsi favorisé les divergences. Aujourd’hui, elles continuent de limiter, dans certains pays, l’accès à ces fonds, et cela pourrait être davantage le cas à l’avenir, si le CFP pour l’après-2020 prévoit une augmentation du pourcentage de cofinancement des États membres. Le CESE prône un assouplissement des critères de cofinancement, afin que la situation économique et financière de chaque État membre soit prise en considération et qu’il soit également tenu compte de ce qui est dit plus haut dans ce chapitre sur les dépenses d’investissement par rapport aux objectifs du pacte de stabilité et de croissance.

    3.13.

    Eu égard à l’expérience concernant certaines réformes structurelles imposées ou encouragées au cours de la période d’austérité extrême, il semble logique d’être méfiant à l’égard de toute proposition visant à subordonner l’accès aux fonds de la politique de cohésion à la mise en œuvre des réformes précitées de manière générique. Le CESE ne s’oppose pas aux réformes, mais juge essentiel de préciser à quel type de réformes il est fait référence. Dans plusieurs avis, et tout récemment dans celui sur la politique économique de la zone euro (2018) (16), le CESE défend des réformes structurelles qui améliorent la croissance de la productivité, la sécurité de l’emploi et la protection sociale, tout en favorisant l’investissement et en renforçant les négociations collectives, dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux et du dialogue social.

    3.14.

    Le Comité accueille favorablement les propositions visant à accroître sensiblement le budget des programmes pour la recherche et l’innovation et pour le développement de l’économie et de la société numériques, car ils peuvent constituer la base d’une augmentation solide et durable de la productivité, des salaires et du niveau de vie. Il serait essentiel de définir une stratégie claire visant à relier l’innovation à une politique industrielle européenne, au bénéfice de tous les États membres, en particulier ceux dont le niveau de développement est le plus bas. La participation des partenaires sociaux et de la société civile est indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique industrielle efficace et bien connectée aux systèmes d’innovation. En outre, le contexte actuel exige également qu’un accent fort et marqué soit mis sur la recherche dans les sociétés, la démocratie, la culture et la transformation sociale.

    3.15.

    Il importe également de souligner l’augmentation de 92 % du financement d’Erasmus+, l’un des programmes ayant le plus contribué à l’identité européenne (dont la dotation passe à 26 368 millions d’EUR pour la période 2021-2027).

    3.16.

    Le CESE se réjouit de l’augmentation des fonds alloués à la coopération internationale et à l’aide humanitaire, mais se déclare préoccupé par la reconfiguration de l’action extérieure, désormais axée sur la sécurité et la pression migratoire — s’éloignant d’une approche et d’une définition de priorités à plus long terme, ascendantes, fondées sur les besoins et prises en charge par les pays eux-mêmes, ce qui risque d’exclure les régions les plus vulnérables. Le CESE demande que l’on s’engage à soutenir les efforts déployés par les pays partenaires pour mettre en œuvre leurs propres programmes en vue de réaliser les objectifs de développement durable (ODD).

    Financements et ressources propres dans le nouveau CFP

    3.17.

    Avec le nouveau CFP, la Commission propose d’apporter certains changements au mode de financement du budget de l’Union, mais ceux-ci sont modestes par rapport aux propositions du HLGOR et à celles du Parlement européen, et eu égard aux besoins en matière de financement des dépenses nécessaires. La nouvelle proposition induit un changement graduel vers la fin de la dépendance financière de l’Union vis-à-vis des États membres et un passage très progressif à l’autosuffisance financière. À cette fin, un petit nombre de nouvelles sources de recettes sont proposées.

    3.18.

    La proposition relative au CFP est modeste et peu ambitieuse, alors que nous avons besoin d’un effort résolu en vue de la réalisation d’un programme cohérent. Il faudrait commencer par tenir compte des propositions du HLGOR et du Parlement européen concernant toute une série de ressources propres supplémentaires, en vue d’une réorientation importante du budget vers le recours aux ressources propres au cours de la période couverte par le prochain CFP.

    3.19.

    Le CESE rappelle la position exprimée dans son avis relatif au document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne (17), à savoir qu’il souscrit à l’analyse reprise dans le rapport final — «Financement futur de l’Union européenne» — du groupe de haut niveau sur les ressources propres (18), présidé par M. Mario Monti. Il est particulièrement important que, dans le CFP post-2020, les nouvelles recettes consistent en une majorité de ressources propres autonomes, transparentes et équitables. Celles-ci seraient directement versées au budget de l’Union européenne, sans passer par les États membres, mais sans augmenter la pression fiscale ni faire peser davantage encore le fardeau sur les citoyens les plus défavorisés et sur les petites et moyennes entreprises.

    3.20.

    Comme souligné dans son avis sur le document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE susmentionné, certaines des nouvelles ressources proposées dans le rapport du groupe de haut niveau sur les ressources propres auraient une valeur ajoutée européenne sur le plan des recettes en ce qu’elles seraient perçues au niveau le plus adéquat tant pour déterminer des assiettes fiscales transnationales que pour lutter contre les effets sur l’environnement au niveau mondial: l’impôt sur les sociétés (ACCIS) (19), et plus particulièrement sur les multinationales, les transactions financières, les carburants et les émissions de dioxyde de carbone.

    3.21.

    Comme l’indique le HLGOR, une ressource propre basée sur l’impôt sur les sociétés a «l’avantage de contribuer à un meilleur fonctionnement du marché unique». Dans le même temps, l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés simplifie et harmonise les règles en vigueur dans l’Union européenne et limite la portée des mesures de concurrence fiscale dommageables.

    3.22.

    Une taxe sur les services numériques adéquatement conçue pourrait refléter la valeur ajoutée européenne, étant donné que le lieu utilisé à des fins fiscales peut être tout à fait distinct de l’endroit où se déroulent les transactions, mais il s’agirait d’une solution provisoire.

    3.23.

    Le Comité attire l’attention des institutions européennes sur le fait que veiller à ce que toutes ces ressources propres deviennent opérationnelles au cours de la période 2021-2027 sera complexe.

    3.24.

    Les contributions reposant sur l’amélioration des normes environnementales et la lutte contre le changement climatique sont également porteuses de valeur ajoutée européenne et sont étroitement liées à l’objectif stratégique européen relatif à un modèle de développement durable. Par ailleurs, seules des taxes communes sur l’énergie et les dommages causés à l’environnement peuvent garantir une concurrence équitable au sein du marché unique. Dans ce contexte, la Commission propose des contributions liées aux déchets plastiques non recyclés et au système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Il convient de rechercher des sources de recettes dans des taxes sur d’autres types de pollutions, qui entraînent des coûts dépassant les frontières d’un seul État membre. Citons par exemple la taxation des carburants routiers et des billets d’avion, comme l’a suggéré le Parlement européen et le HLGOR, et l’introduction d’une taxe carbone. Il conviendrait de progresser rapidement en prenant des décisions sur ces nouvelles sources de recettes et en les mettant en œuvre, en cohérence avec les priorités politiques plus larges de l’Union européenne.

    3.25.

    La Commission propose en outre une simplification de la ressource propre existante fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont la complexité actuelle est liée aux différences de taux de TVA entre les pays. Une simplification allant dans le sens d’un taux unique dans l’ensemble des États membres serait la bienvenue. La proposition actuelle entraînera une faible augmentation des recettes. Toutefois, la contribution fondée sur la TVA restera essentiellement similaire à celle liée aux niveaux de RNB, étant donné qu’elle reflète l’activité économique générale dans un État membre plutôt que des objectifs politiques spécifiques de l’Union européenne.

    3.26.

    La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne offre l’occasion de limiter progressivement — jusqu’à éliminer totalement — le système de rabais qui s’était développé pour réduire également les paiements du Royaume-Uni et de certains autres États membres. Il y a lieu de s’en réjouir, tout comme de la décision d’intégrer dans le budget de l’Union 90 % des recettes douanières, eu égard à la diminution des frais liés à la perception des droits de douane dans les États membres. Les bénéfices réalisés par la BCE (seigneuriage) pourraient apporter une petite contribution supplémentaire. Il semble toutefois que, globalement, ces nouvelles formes de ressources propres soient insuffisantes et trop incertaines pour justifier l’espoir qu’elles permettront une réduction significative des contributions fondées sur le RNB.

    4.   Observations spécifiques

    4.1.

    Le CESE soutient la proposition qui conditionne l’octroi de fonds de l’Union européenne aux États membres au respect du principe de l’état de droit, l’une des valeurs fondamentales de l’Union en vertu de l’article 2 du traité, pourvu que sa mise en œuvre ne pénalise pas les citoyens ou les entreprises bénéficiant actuellement de ces fonds. Étant donné que le budget est le principal instrument de mise en œuvre de toutes les politiques de l’Union, le Comité considère que cette conditionnalité pourrait être étendue aux autres principes liés à l’état de droit inscrits dans les traités de l’Union européenne, et demande à la Commission et au Parlement européen d’étudier cette possibilité.

    4.2.

    Il conviendrait de faire preuve d’un maximum de souplesse pour encourager l’interconnexion des programmes de dépenses au bénéfice mutuel des politiques et des financements. L’on pourrait ainsi recourir à la PAC et à Horizon 2020 pour la modernisation technologique de l’agriculture dans les zones rurales essentielles et l’agriculture durable, aux programmes de recherche, de développement et d’innovation (RDI) et en faveur des universités, à Erasmus+ et à d’autres programmes similaires pour les jeunes, aux politiques d’investissement et de cohésion, ou encore au Fonds social européen et à un nouveau programme de développement du socle européen des droits sociaux, proposé par le CESE dans le présent avis, pour promouvoir la convergence entre les États membres, etc. Le CESE déplore dès lors la proposition de remplacer la règle «n+3» par la règle «n+2» (20) et invite la Commission à reconsidérer sa position.

    4.3.

    Les évaluations actuelles de la mise en œuvre du plan Juncker (plan d’investissement pour l’Europe) mettent en doute les allégations relatives à ses effets en matière d’augmentation des investissements aux niveaux prévus initialement, encore inférieurs aux niveaux requis pour réduire de manière significative le déficit d’investissement par rapport à la période antérieure à 2008. Plusieurs des États membres les plus pauvres ne bénéficient pas encore suffisamment de ce plan. Des mécanismes appropriés doivent être mis en place pour corriger cette tendance, qui augmente les disparités entre les États membres. Il conviendrait d’encourager la possibilité de combiner des financements provenant de différents fonds, par exemple le Fonds de cohésion et InvestEU.

    4.4.

    Le renforcement de la cohésion sociale est indissociable de la restauration de la confiance des citoyens européens. Le développement du socle européen des droits sociaux pourrait contribuer largement à ces deux objectifs, notamment en soutenant et en guidant les États membres qui procèdent à des réformes visant à créer d’emplois durables, de qualité élevée et à haute valeur ajoutée. Le CESE propose la mise en place d’un programme spécifique pour le socle européen des droits sociaux au sein du CFP 2021-2027 sur la base des engagements pris par les États membres qui ont rédigé la déclaration de Göteborg. Le Fonds social européen+ permettrait de le financer, selon un système d’indicateurs qui pourraient inclure, entre autres, les taux d’activité et de chômage, la scolarisation et l’échec scolaire, le PIB par habitant, des indicateurs de pauvreté et d’inclusion sociale, tant ceux à caractère général, comme pour les indicateurs régionaux, que ceux qui ont trait à certains groupes sociaux défavorisés.

    4.5.

    Le semestre européen devrait jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des budgets de l’Union, en tirant le meilleur parti de la souplesse du nouveau CFP — par exemple, pour assurer un lien étroit entre la politique de cohésion et d’autres politiques dans des domaines tels que l’innovation, les investissements et la création d’emplois. À cette fin, les mécanismes de participation de la société civile et des partenaires sociaux dans le cadre du semestre européen doivent être correctement mis en œuvre de manière que ces acteurs puissent faire le lien entre leur sphère nationale et l’échelon européen. En soutenant la mise en œuvre du semestre européen, la Commission et le Conseil seraient associés directement à des questions de politique nationale. Il convient de veiller à ce que ni les droits sociaux, ni les droits des travailleurs, ni ceux des consommateurs ne soient restreints par des mesures financées par des fonds de l’Union européenne.

    4.6.

    La priorité doit être donnée aux efforts que les institutions européennes et les gouvernements nationaux, accompagnés par les organisations de la société civile, doivent fournir afin d’accroître l’enveloppe du cadre financier pluriannuel pour l’après-2020 et de rééquilibrer leurs priorités conformément aux propositions avancées dans le présent avis. Le CESE les invite instamment à intensifier leurs travaux afin que le CFP puisse être approuvé, selon le calendrier prévu, avant les prochaines élections européennes.

    Bruxelles, le 19 septembre 2018.

    Le président du Comité économique et social européen

    Luca JAHIER


    (1)  Résolution du Parlement européen du 14 mars 2018 sur le prochain cadre financier pluriannuel: préparation de la position du Parlement sur le CFP post-2020 [2017/2052(INI)], corapporteurs: Jan Olbrycht et Isabelle Thomas, paragraphe 14.

    (2)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

    (3)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 1.

    (4)  Banque européenne d’investissement.

    (5)  COM(2018) 321 final.

    (6)  COM(2018) 322 final/2, COM(2018) 326 final, COM(2018) 327 final, COM(2018) 328 final.

    (7)  COM(2018) 325 final.

    (8)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

    (9)  Résolution du Parlement européen du 14 mars 2018 sur le prochain cadre financier pluriannuel — Préparation de la position du Parlement sur le CFP post-2020 [2017/2052(INI)], corapporteurs: Jan Olbrycht et Isabelle Thomas, paragraphe 14.

    (10)  Voir également les avis du Comité économique et social européen sur le Pacte européen «finance-climat», rapporteur: Rudy De Leeuw (NAT/735) et sur le Plan d’action en faveur de la finance durable, rapporteur: Carlos Trias Pintó (ECO/456). Non encore publié.

    (11)  ETUI/ETUC (2018), Benchmarking Working Europe, ETUI, Bruxelles.

    (12)  Darvas, Z. et Moes, N. (2018), How large is the proposed decline in EU agricultural and cohesion spending? Publication sur le blog Bruegel, 4 mai 2018.

    (13)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69.

    (14)  Voir Claeys, G. (2018), New EMU stabilisation tool within the MFF will have minimal impact without deeper EU budget reform, blog Bruegel, 9 mai 2018. Selon cette analyse, 30 milliards d’EUR représentent environ un tiers du montant prêté à l’Irlande pendant la crise.

    (15)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 32.

    (16)  JO C 197 du 8.6.2018, p. 33.

    (17)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

    (18)  Financement futur de l’Union européenne. Rapport final et recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres, décembre 2016.

    (19)  Accueillie favorablement par le CESE dès 2011, dans son avis concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (JO C 24 du 28.1.2012, p. 63) et en 2017 dans son avis concernant une assiette commune (consolidée) pour l’impôt sur les sociétés (JO C 434 du 15.12.2017, p. 58).

    (20)  Une partie d’un engagement budgétaire est dégagée d’office par la Commission si elle n’a pas été utilisée ou si aucune demande de paiement n’a été reçue à la fin de la deuxième année suivant celle de l’engagement budgétaire (n+2). Source: Commission européenne.


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