Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52000AC0080

Avis du Comité économique et social sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur «L'industrie du transport aérien en Europe: du marché unique aux défis mondiaux»»

JO C 75 du 15.3.2000, p. 4–10 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52000AC0080

Avis du Comité économique et social sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur «L'industrie du transport aérien en Europe: du marché unique aux défis mondiaux»»

Journal officiel n° C 075 du 15/03/2000 p. 0004 - 0010


Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur 'L'industrie du transport aérien en Europe: du marché unique aux défis mondiaux'"

(2000/C 75/02)

La Commission européenne a décidé, le 20 mai 1999, conformément aux dispositions de l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 21 décembre 1999 (rapporteur: M. von Schwerin).

Lors de sa 369e session plénière des 26 et 27 janvier 2000 (séance du 26 janvier 2000), le Comité a adopté l'avis suivant par 116 voix pour et 3 abstentions.

1. Introduction

1.1. Dans sa communication "L'industrie du transport aérien en Europe: du marché unique aux défis mondiaux", la Commission examine la situation de l'industrie européenne des transports, la nécessité d'améliorer en permanence les performances et la compétitivité des entreprises européennes de transport aérien et la libéralisation qui a eu lieu ces dix dernières années dans ce secteur.

1.2. La communication a pour objectif d'évaluer les progrès réalisés dans ce domaine et de déterminer les mesures qui pourraient contribuer à améliorer la compétitivité.

1.3. D'après la Commission, les compagnies aériennes européennes ont développé des politiques novatrices pour faire face à la croissance du marché et aux défis de la concurrence. Au cours de ces dix dernières années, elles ont amélioré sensiblement leur productivité, à tel point que le secteur est désormais créateur d'emplois. Cependant, elles souffrent toujours d'une grande segmentation structurelle et vulnérabilité financière par rapport à leurs principaux concurrents, notamment nord-américains.

1.4. La libéralisation et la mondialisation du marché aiguisent la concurrence et imposent des efforts de restructuration importants aux entreprises.

1.5. La Commission a autorisé l'octroi d'aides d'État à titre de mesures exceptionnelles visant à soutenir l'effort de réorganisation des transporteurs nationaux pendant la période de transition vers un marché unique libéralisé. Cette phase transitaire est désormais terminée.

1.6. Pour aider le secteur du transport aérien à élaborer une stratégie, la Commission européenne propose les orientations suivantes:

"La Commission met en oeuvre tous les moyens dont elle dispose pour garantir l'intégration du marché européen. Elle veille notamment à l'application du droit communautaire de la concurrence pour éviter que des interventions des pouvoirs publics nationaux ou des alliances ou fusions anticoncurrentielles ne conduisent à une nouvelle segmentation du marché. L'observation des comportements des organismes publics et privés, la transparence de la législation communautaire ainsi qu'une définition et une diffusion de meilleures pratiques dans des domaines tels que les obligations de service public sont des éléments marquants à cet égard.

La suppression des entraves techniques au commerce, notamment en intensifiant le processus d'harmonisation des règles de sécurité par la création d'une Autorité européenne de la sécurité aérienne et en encourageant les activités de l'OACI dans le domaine de l'environnement favorisera le développement de l'industrie.

La segmentation du marché intérieur résulte aussi du défaut d'ouverture sur l'extérieur. Les restrictions en matière de propriété et les accords bilatéraux entravent le processus de restructuration des entreprises à l'échelle européenne et l'instauration d'une concurrence loyale avec les compagnies des pays participant à des accords de ciel ouvert. Ces données économiques ajoutées aux éléments juridiques plaident en faveur d'une ouverture réelle du marché, qui permettrait d'intégrer les alliances dans un cadre européen équitable."

1.7. La Commission conduit un projet de création d'une base de données complète sur les compagnies aériennes européennes. Cette base permettra d'améliorer la quantité et la qualité des informations et des analyses disponibles sur les capacités, le trafic, les résultats financiers, la productivité, la structure du secteur et l'organisation des liaisons, les aéroports et l'emploi, qui sont nécessaires au développement d'une politique de sauvegarde de la compétitivité des compagnies. Ces informations seront mises à la disposition du public sur le site Internet de la Commission. Grâce à cette base, la Commission sera en mesure de suivre l'évolution du secteur en général et des tarifs aériens en particulier.

2. Contenu essentiel de la Communication de la Commission

2.1. La Commission estime que le secteur du transport aérien se caractérise par une croissance élevée, mais cyclique et une rentabilité incertaine. La croissance économique est le moteur de la demande. Ces dernières années, le secteur a enregistré une forte croissance du volume des produits offerts et vendus. Selon les dernières études de marché effectuées, la demande mondiale dans ce secteur continuera à augmenter fortement dans les vingt prochaines années, à un rythme d'environ 5 % par an. Il conviendra toutefois de prendre en considération les facteurs importants qu'il est impossible d'anticiper, tels que la crise financière et économique dans le sud-est asiatique.

2.2. La Commission examine les résultats des entreprises européennes de transport aérien au regard de la situation mondiale et arrive à la conclusion que si les plus grandes compagnies européennes et américaines sont de taille similaire, en revanche, le secteur européen des transports aériens est caractérisé par l'existence d'un second niveau composé de compagnies de taille relativement réduite intervenant sur le marché mondial. Ceci explique en partie la faible rentabilité des entreprises européennes, car la taille de l'entreprise est un élément déterminant sur le marché mondial des transports aériens.

2.3. Pour ce qui concerne la structure du secteur européen, la Commission remarque que l'ouverture d'un marché auparavant protégé de la concurrence se traduit généralement, dans un premier temps, par l'accroissement du nombre de sociétés intervenant sur ce marché. Dans un second temps, le marché se consolide, c'est-à-dire que le nombre d'entreprises diminue et que la taille de celles qui restent augmente. Le secteur du transport aérien a connu ce processus aux États-Unis, tandis que le marché européen semble être encore dans la première phase. Ainsi en 1993, 132 compagnies aériennes européennes exploitaient des liaisons régulières intéressantes du point de vue commercial; en 1998, on en dénombrait 164.

2.3.1. Pour établir une comparaison des marchés européen et nord-américain de transport aérien, il convient de tenir compte de certains écarts structurels importants. Par exemple, en Europe, les distances moyennes entre les villes sont plus courtes et la concurrence des autres modes de transport, notamment de la route et du rail, est bien plus forte qu'aux États-Unis. Mais même si ces éléments expliquent en partie la différence de structure, la Commission est frappée de constater que le marché intérieur européen, qui équivaut à moins d'un tiers du marché de l'Amérique du Nord, est composé d'un nombre bien plus élevé de compagnies (90 contre 37 aux États-Unis) exploitant des avions de grande capacité. En revanche, les transporteurs européens sont d'une taille moyenne bien inférieure, aussi bien du point de vue du nombre d'aéronefs (27 avions en moyenne contre 111 aux États-Unis) que de leur part de marché. Dans ce contexte, la Commission parle d'une segmentation du marché européen.

2.4. Un élément fondamental du changement structurel est l'apparition d'un nouveau mode d'exploitation à la disposition des compagnies, la desserte en étoile, à laquelle de nombreuses compagnies font désormais appel. L'abaissement du nombre de trajets directs permet de concentrer les flux de trafic, d'utiliser des aéronefs de plus grande taille et d'atteindre des coefficients de remplissage plus élevés. Certaines compagnies proposent des vols bon marché. Les coûts sont considérablement réduits grâce à une programmation innovatrice des vols, fondée sur l'absence de correspondances intercompagnies, de possibilité de choisir son siège, de service de restauration à bord ainsi que sur une classe de service unique, l'utilisation d'aéroports secondaires non saturés et l'exploitation d'une flotte homogène d'aéronefs récents et performants sur le plan de la consommation de carburant.

2.5. En ce qui concerne la productivité, la Commission constate que dans la période allant de 1990 à 1996, les dix plus grandes compagnies aériennes européennes ont enregistré en moyenne une croissance de 53 % du rendement par salarié (rapport RKT/effectifs) et une baisse de 13 % du coût d'exploitation par unité de production (rapport coût/TKD). La productivité des dix plus grandes compagnies américaines reste cependant supérieure, ce qui signifie qu'il faut poursuivre les efforts de restructuration.

2.6. La Commission est d'avis que les compagnies aériennes sont confrontées à des situations de plus en plus complexes. Elles doivent notamment répondre à une demande continue d'accroissement du nombre des destinations et des fréquences, ce qui implique une capacité d'innovation certaine et de larges moyens financiers. Pour survivre et se développer dans cet environnement de plus en plus concurrentiel, les compagnies aériennes européennes doivent se restructurer en permanence pour améliorer leur rendement et leur compétitivité. L'intensification de la concurrence découle en grande partie des mesures de libéralisation prises par la Communauté européenne. Ce processus n'a cependant pas conduit à l'instauration d'une concurrence sur tous les marchés. Dans son rapport publié en 1996 sur l'impact du troisième paquet de mesures de libéralisation, la Commission a constaté d'une part que 64 % des liaisons communautaires étaient exploitées en situation de monopole, bien que beaucoup de ces lignes fussent nouvelles ou de moindre importance, et d'autre part que les tarifs en classe affaires n'avaient pas diminué.

2.7. Dans sa communication intitulée "L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs"(1) publiée en 1994, la Commission explique que les utilisateurs des transports aériens en Europe paient un prix élevé principalement en raison du manque d'infrastructures et de leur coût. En vu de remédier à ce problème, la Commission a, ces dernières années, pris des initiatives ciblées sur les infrastructures, consistant notamment:

- à adopter la Directive 96/97/CE sur la libéralisation de l'accès des entreprises de pays tiers au marché des services d'assistance au sol dans les aéroports communautaires;

- à élaborer une nouvelle directive relative aux redevances aéroportuaires, qui est en instance d'adoption;

- à renforcer la structure d'Eurocontrol afin de remédier au problème de la segmentation des systèmes de gestion du trafic aérien;

- à jouer un rôle actif dans la création d'une autorité européenne de la sécurité aérienne (ou European Air Safety Authority - EASA);

- à se pencher sur le problème de la protection de l'environnement et de son interaction avec la compétitivité des entreprises du secteur.

2.8. Compte tenu de l'intégration croissante des marchés, la Commission pense que les entreprises de transport doivent se transformer en sociétés compétitives de taille mondiale pour s'assurer de bons résultats à terme. On s'aperçoit déjà que la relation entre les transporteurs nationaux et les compagnies régionales évolue au-delà de la simple conclusion d'accords commerciaux vers des formes plus élaborées d'intégration comme le franchisage ou la prise de contrôle directe au moyen d'acquisitions. Il y a eu en outre constitution de quatre alliances stratégiques (STAR ALLIANCE, ONE WORLD, WINGS et QUALIFLYER) au niveau mondial, auxquelles participent des compagnies de transport aérien européennes.

2.9. La Commission affirme qu'il n'existe pas encore de liberté de prestation de services entre un État membre et un pays tiers, à cause de la persistance d'accords bilatéraux. Une des conséquences particulièrement néfaste des accords bilatéraux réside dans le fait que les compagnies européennes ne peuvent normalement pas programmer de vols vers des pays tiers au départ d'un État membre quelconque: les liaisons doivent être effectuées au départ du territoire de l'État membre dont elles relèvent obligatoirement. C'est un déséquilibre qui handicape nettement les compagnies européennes dans le cas du marché transatlantique: les transporteurs américains peuvent exploiter des liaisons au départ de n'importe quel aéroport des États-Unis vers un grand nombre d'aéroports de l'Union. C'est pourquoi il est vital d'achever le marché unique des transports aériens et de le doter d'une ouverture réelle sur l'extérieur. De l'avis de la Commission, il faut que des accords liant la Communauté dans son ensemble et des pays tiers soient négociés aussi bien au niveau multilatéral que bilatéral. La Commission poursuivra ses efforts en vue de la création d'un espace aérien commun avec les États-Unis. En outre, la situation du secteur des transports aériens doit être examinée lors de la prochaine phase de négociations dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (GATS) de l'OMC, qui a débuté en 1999.

2.10. La Commission examine ensuite la libéralisation du transport aérien européen de ces dix dernières années. Dès 1996, la Commission avait étudié cette évolution dans sa communication sur "L'impact du troisième paquet de mesures de libéralisation du transport aérien"(2) et constaté que le processus de libéralisation avait transformé le cadre économique de l'activité de transport aérien en permettant l'instauration d'une concurrence de plus en plus forte. Durant les trois premières années qui ont suivi le lancement du processus, la concurrence s'est accrue progressivement, en raison notamment de l'augmentation considérable du nombre des compagnies. La libéralisation a toutefois eu manifestement des retombées positives pour les consommateurs. Il se peut cependant que certaines failles dans le processus en atténuent les effets, à savoir offrir aux voyageurs des services de meilleure qualité à un prix moindre. Le rapport met en lumière le problème des limitations de capacité et du coût élevé des infrastructures, ainsi que l'évolution décevante et contradictoire des prix. Si les compagnies offrent de plus en plus de tarifs promotionnels, les écarts de prix au km demeurent importants dans l'ensemble de l'Union. On enregistre même des augmentations de prix sur les destinations lucratives. L'évolution du marché confirme cette tendance.

2.11. La Commission critique le fait que la profusion des tarifs, la surréservation, le nombre de sièges offerts au tarif promotionnel le plus répandu, la multiplication des programmes de fidélisation, les accords de partage de codes et les alliances constituent un ensemble de facteurs qui compliquent la comparaison des offres concurrentes pour le consommateur. Pour conserver la confiance de celui-ci dans un environnement de plus en plus concurrentiel, il faut faire en sorte que le marché soit transparent. La Commission a commandé une étude pour évaluer le besoin d'information des passagers s'ils veulent pouvoir faire des choix rationnels.

2.12. La location d'aéronefs immatriculés en dehors de la Communauté est un autre sujet de préoccupation. La Commission a constaté que les États membres n'appliquent pas de manière uniforme les dispositions sur les licences des transporteurs aériens. C'est pourquoi elle envisage, en collaboration avec les États membres, d'élaborer des orientations sur la manière d'interpréter la disposition relative à la location de courte durée d'aéronefs immatriculés dans des pays tiers.

2.13. La Commission a effectué une étude sur l'incidence de la réglementation et de certaines pratiques commerciales sur les conditions de concurrence. Dans ce contexte, un certain nombre de compagnies a été invité à donner son appréciation sur le processus de libéralisation et ses faiblesses. D'après les conclusions de l'étude, toutes s'accordent à reconnaître le bon fonctionnement du système actuel. Cependant, certains sujets de préoccupations ressortent, dont les suivants:

- les créneaux horaires sont insuffisants pour permettre à une nouvelle arrivée de soutenir la concurrence des compagnies bien établies;

- seules les grandes compagnies aériennes sont en mesure de proposer des programmes de fidélisation. L'obstacle majeur réside dans le fait que ces programmes sont intéressants pour les compagnies qui ont un réseau étendu et offrent donc aux voyageurs plus d'opportunités d'accumuler et d'utiliser des points. À l'opposé, les compagnies de taille modeste ont peu intérêt à mettre en place de tels systèmes, car leur réseau est trop restreint pour les rendre attrayants.

2.14. La Commission examine l'incidence des mouvements actuels dans le domaine social et constate qu'à la suite de l'adoption de mesures de restructuration par les compagnies aériennes entre 1988 et 1996, le nombre total d'actifs dans le secteur de l'aviation civile a augmenté pour passer de 435400 à 489700 et que les perspectives d'emploi restent bonnes.

2.14.1. L'un des traits marquants de la période étudiée est la diffusion de nouvelles formes d'emploi permettant une gestion plus souple des effectifs. Les conditions d'emploi ont changé, en particulier pour les salariés nouvellement recrutés: la plupart sont engagés pour une durée déterminée et sont moins payés que les employés déjà en place, selon un système de rémunération à deux vitesses. Par ailleurs, les systèmes de rémunération fondés sur les résultats ont tendance à remplacer ceux basés sur l'ancienneté pour certaines catégories d'employés. Mais cette évolution n'est pas propre au secteur du transport aérien. Au sein des compagnies nationales, la sécurité de l'emploi demeure une réalité pour les salariés ayant plus d'ancienneté. De plus, à travail égal, le niveau des salaires reste supérieur à celui de compagnies plus petites.

3. Observations du Comité

3.1. Le Comité se félicite du débat détaillé qui s'est engagé sur les problèmes rencontrés par le transport aérien. Les évaluations et analyses de la communication de la Commission sont très souvent pertinentes. Renforcer la compétitivité des compagnies aériennes européennes, notamment vis-à-vis des compagnies américaines, et supprimer leurs handicaps structurels sont des objectifs auxquels l'on ne peut que totalement souscrire.

3.2. Le Comité regrette que la Commission considère le transport aérien indépendamment de tout lien avec d'autres modes de transport et estime qu'il est urgent que la Commission engage un débat sur l'interconnexion de ces divers modes de transports. Le Comité estime qu'il faut aller dans le sens d'une plus grande interconnexion entre le transport aérien et le rail, pour des raisons environnementales, puisque cela permettrait de réduire considérablement les vols à courte distance. L'usager lui-même pourrait bénéficier d'améliorations considérables grâce à l'intermodalité des transports si l'on pouvait lui garantir qu'il atteigne sa destination dans un laps de temps plus court, de manière plus confortable et à moindre coût.

3.3. Le Comité aimerait qu'il soit davantage tenu compte des droits des passagers dans le transport aérien. Malheureusement, la Commission n'aborde ces droits que de façon marginale. Il est particulièrement important d'améliorer les droits des passagers pour les vols avec partage de code. Au regard du phénomène croissant de surréservation et de retard dans le transport aérien, il faudrait réclamer d'urgence que le règlement proposant de renforcer le système de compensation pour refus d'embarquement ou pour d'autres inconvénients dans les transports aériens réguliers entre enfin en vigueur. Les droits des passagers doivent être clairement établis sur le plan juridique. Il doit être possible pour les passagers de demander réparation auprès des responsables pour un refus d'embarquement, un retard ou tout autre inconvénient subi. Il conviendra cependant de ne pas négliger le fait que les compagnies aériennes ne sont pas les seules responsables des retards et que l'une des causes principales est à rechercher dans l'organisation de la sécurité aérienne en Europe.

3.4. Le Comité constate que la Commission n'examine le transport par charter ou le trafic touristique que de façon marginale. Manifestement, la Commission n'établit aucune distinction entre les vols charters et les vols réguliers bien que les vols charters soient en partie soumis à d'autres conditions que les vols réguliers et qu'ils représentent un pourcentage significatif du transport aérien civil. C'est précisément parce qu'il devient de plus en plus difficile, après la libéralisation du secteur des transports, d'établir une distinction entre les vols réguliers et les vols charters que le Comité recommande d'examiner de manière plus approfondie les conditions des vols charters et des vols touristiques, qui se différencient des conditions des vols réguliers.

3.5. La Commission aurait dû, de l'avis du Comité, se pencher davantage sur les perspectives d'avenir du transport aérien et les problèmes auxquels l'on peut s'attendre.

3.6. D'une part, la Commission regrette la forte segmentation du secteur des transports aériens et d'autre part demande un accroissement de la concurrence, ce qui est contradictoire. L'existence d'un grand nombre de compagnies aériennes n'est pas négatif en soi et peut encourager la concurrence. Manifestement, la Commission estime que le nombre de compagnies aériennes européennes qui exploitent des lignes à gros porteurs est trop élevé et espère une consolidation du marché. Mais on peut se demander à partir de quel nombre, quelle taille, quelle grandeur de flotte et quelle part de marché la Commission estime que la structure des compagnies aériennes européennes deviendra compétitive et favorisera la compétitivité.

3.7. Le Comité se félicite que la Commission considère que la phase de transition pendant laquelle des aides d'État ont été accordées est achevée et qu'il s'agissait de mesures accordées à titre exceptionnel pour soutenir la réorganisation des transporteurs nationaux pendant la phase de transition vers un marché unique libéralisé. Ces compagnies ont eu largement l'occasion, depuis le début de la libéralisation, de s'adapter aux nouvelles conditions de concurrence. Il convient donc de ne plus accorder d'aides d'État, car elles peuvent entraîner - et ont déjà entraîné - des distorsions de concurrence.

3.8. Le Comité se félicite de l'intention de la Commission de créer une base de données complète sur les compagnies aériennes européennes, qui donnerait par exemple des indications sur les prix, les conditions de sécurité et les qualifications du personnel, et de mettre ces informations à la disposition du public sur Internet. Étant donné que les diverses organisations du transport aérien [OACI(3), CEAC(4), AITA(5), AEA(6)] et leurs bureaux nationaux devraient en fait déjà disposer des données à rassembler, il serait judicieux, pour éviter toute dépense inutile, de se servir de ces données et de créer la base de données en accord avec ces organisations et leurs bureaux nationaux. Le Comité estime que dans la création de cette banque de données, il faut s'assurer que les données mises à disposition du public sont fiables et permettent une véritable comparaison des offres dans le transport aérien.

3.9. La Commission décrit les dessertes en étoile comme un nouveau mode d'exploitation des compagnies aériennes et un aspect très important du changement structurel. L'abaissement du nombre de trajets directs permettrait de concentrer les flux de trafics, d'utiliser des aéronefs de plus grande taille et d'atteindre des coefficients de remplissage plus élevés. Mais la desserte en étoile n'est pas un nouveau mode d'exploitation. Contrairement aux États-Unis, le trafic aérien en Europe s'est développé très tôt dans chaque pays à partir d'un aéroport national puisque c'était la seule manière d'augmenter suffisamment la fréquentation des lignes internationales à longue distance. À la connaissance du Comité, il n'y a pas eu dans l'UE de suppression d'un nombre significatif de lignes directes existantes entre des destinations secondaires. Le Comité, dans le souci de sauvegarder la mobilité des usagers, estime qu'il est important qu'il n'y ait pas de recul dans la desserte des destinations secondaires qui présentent un intérêt technique pour les transports.

3.10. La Commission ne considère pas d'un oeil assez critique la politique de concurrence pratiquée par certaines compagnies. Les coûts externes des compagnies aériennes sont comparables entre eux. C'est pourquoi il convient de prévoir des contrôles plus stricts pour toutes les entreprises qui pratiquent en toute conscience une politique de salaires inférieurs, de recrutement de collaborateurs non qualifiés, de dégradation des conditions sociales, au mépris des dispositions en matière de sécurité telles que celles concernant les intervalles d'entretien, pour en retirer des avantages concurrentiels. Pour garantir un niveau minimum de qualité et de sécurité dans le transport aérien, il faut notamment fixer et faire respecter au niveau communautaire des normes minimales de formation pour le personnel navigant(7) par exemple, conformément aux prescriptions techniques des autorités conjointes de l'aviation [les JAR-OPS(8)]. Cependant, tous les autres membres du personnel des compagnies aériennes doivent également bénéficier d'une formation minimum et d'une formation continue afin de garantir un service "transport aérien" de bonne qualité. Certaines compagnies aériennes ne disposent toujours pas d'aéronefs récents et performants sur le plan de la consommation de carburant mais exploitent de vieux avions acquis à bas prix, afin de réaliser des économies sur les coûts de financement. Cela entraîne une augmentation des émissions sonores et de la consommation en carburant, et donc de la pollution de l'environnement. En tout cas, le Comité estime qu'il faut empêcher que les compagnies aériennes ne réalisent des économies aux dépens de la sécurité des avions et donc à ceux des passagers et de leur équipage. À son avis, il faut instaurer au sein de l'UE une réglementation harmonisée du temps de travail des équipages, qui autorise en même temps une flexibilité suffisante pour répondre aux exigences des entreprises sans que la sécurité en soit négligée pour cela.

3.11. Le fait qu'avant 1996, environ 64 % des lignes communautaires n'étaient assurées que par une compagnie est essentiellement dû à la moindre rentabilité de ces lignes. Le potentiel de marché n'était pas suffisant pour permettre l'activité d'une autre compagnie. L'intervention de l'État serait donc un erreur sur le plan de la politique de marché.

3.12. La Commission prétend que les tarifs en classe affaires n'ont pas baissé, ce que le Comité conteste. En effet, il existe désormais de nombreux tarifs "affaires". Les nouveaux tarifs flexibles inférieurs aux tarifs normaux permettent aussi aux hommes d'affaires de choisir entre différents niveaux de prix, ce qui a permis d'enregistrer aussi une baisse des prix moyens des vols dans la classe affaires. C'est un fait confirmé dans une étude récente réalisée par la British Aerospace Consultancy à la demande de la Commission.

3.13. La Commission constate, et c'est parfaitement justifié, que le manque d'infrastructures et leurs coûts ont contribué à augmenter les coûts dans le transport aérien européen par rapport à ses concurrents. De nouvelles études comparatives prouvent une nouvelle fois la véracité de cette affirmation. À cet égard, la Commission pourrait contribuer à améliorer la situation en prenant des mesures appropriées, par exemple par le biais des redevances aéroportuaires(9).

3.14. Le Comité ne peut que soutenir pleinement la Commission dans son intention de renforcer la structure d'Eurocontrol pour remédier au problème de la segmentation des systèmes de gestion du trafic aérien. De l'avis du Comité, il conviendrait d'accélérer les négociations pour l'entrée de l'UE dans l'organisation Eurocontrol. Cette adhésion entraînerait l'obligation de transposer les décisions d'Eurocontrol, qui seraient prises en collaboration avec l'UE, dans la législation communautaire.

3.15. Le Comité estime que l'organisation de la sécurité aérienne qui se fait au niveau national en Europe et le grand nombre de systèmes de sécurité aérienne ne sont plus adaptés et que la procédure décisionnelle doit absolument être revue. Les divers systèmes de sécurité aérienne, qui ne sont pas uniformisés, doivent être remplacés par un système harmonisé au niveau communautaire. Le Comité propose d'attribuer à Eurocontrol les compétences nécessaires pour fixer au sein de l'UE des standards unitaires pour les systèmes de sécurité aérienne concernant les techniques à appliquer et de créer des normes unitaires concernant les procédures à respecter. La condition principale d'une amélioration rapide dans le domaine de la sécurité aérienne est l'introduction d'une technique unitaire sur l'ensemble du territoire de l'UE et une meilleure coopération des autorités nationales en la matière. Il doit être possible de réduire à court terme les retards dus à des problèmes de sécurité aérienne sans recourir à une autorité européenne centrale de la sécurité aérienne. Cependant, le Comité considère qu'une autorité européenne centrale de la sécurité aérienne est un objectif à long terme judicieux et soutient dès lors sa mise en place. Pour augmenter la flexibilité des compagnies aériennes européennes, le Comité estime qu'il serait intéressant d'envisager la participation d'organisations du secteur privé tant que cela ne se fait pas au détriment de la qualité.

3.15.1. Le Comité se félicite également de la participation active de la Communauté dans la création de l'Autorité européenne de la sécurité aérienne (ou European Air Safety Authority, EASA); il reste à savoir si l'EASA aura également des compétences en matière de sécurité aérienne.

3.15.2. Une étude d'Eurocontrol donne les chiffres suivants en ce qui concerne les problèmes de navigation aérienne: en 1998, 28 % (contrôle de la circulation aérienne en vol) + 4 % (contrôle de la circulation aérienne au sol) soit 32 % de tous les retards directs étaient imputables à des problèmes de sécurité aérienne. Si l'on répartit de façon proportionnelle les 37 % de retards subis dans les correspondances, il convient d'ajouter 19 % à ces 32 %. Cela signifie que la sécurité aérienne est responsable de 50 à 51% de tous les retards contre 13 + 8 % (soit 20 à 21 %) pour les compagnies aériennes. Eurocontrol craint que les chiffres ne soient encore pires pour 1999.

3.16. Le Comité soutient la Commission dans son intention de se pencher sérieusement sur le problème des nuisances sonores et de la pollution de l'environnement causé par le transport aérien. Des efforts qui seront réalisés dans ce domaine dépendront non seulement la responsabilisation en matière environnementale mais aussi l'acceptation du transport aérien par le grand public. La pollution de l'environnement a pris depuis longtemps une grande importance dans le transport aérien. Malheureusement, les divergences des normes locales, par exemple celles relatives aux émissions de gaz d'échappement, empêchent jusqu'ici le développement technologique ciblé de nouveaux réacteurs. La création d'une taxe sur le kérosène n'est pas un moyen approprié, tant qu'elle n'est pas appliquée au niveau mondial à tous les États membres de l'OACI, afin d'empêcher les distorsions de concurrence.

3.17. Les inconvénients que la Commission entrevoit dans la segmentation du secteur peuvent être contrebalancés par le développement d'effets de synergie générés grâce à la formation d'alliances internationales.

3.18. Le Comité ne peut faire siennes les affirmations de la Commission sur le droit de la concurrence en ce qui concerne les alliances dans le secteur du transport aérien. En effet, de telles alliances peuvent permettent de mieux cibler les besoins des usagers, et notamment d'élargir le réseau coordonné de destinations qui leur est proposé, ce qui est plus avantageux pour les usagers que l'offre de compagnies isolées. Du point de vue de la concurrence, les alliances doivent donc être envisagées comme un phénomène positif. Il faut cependant s'assurer que les petites compagnies aériennes ne soient pas exclues du marché en raison d'un abus de position dominante.

3.19. Dans son examen des diverses alliances transatlantiques, la commission de la concurrence de l'UE se base sur un critère de trajet qui ne se justifie pas étant donné les conditions de concurrence qui prévalent à l'heure actuelle. Par contre, les autorités nord-américaines envisagent à juste titre le marché dans sa globalité, étant donné que la plus grande partie des passagers n'empruntent les trajets que la Commission examine d'un oeil critique que pour faire escale. Il est donc indispensable d'harmoniser les politiques de concurrence européennes et américaines.

3.20. Étant donné l'objectif de la Commission de conclure un accord dit de ciel ouvert entre l'Europe et les États-Unis, le Comité est d'avis qu'il serait judicieux d'attendre que les négociations soient achevées avant que soit examinée la compatibilité des alliances transatlantiques avec la législation communautaire sur la concurrence.

3.21. Le Comité partage les motivations qui poussent la Commission à entamer des négociations avec les États-Unis pour conclure un accord de ciel ouvert. Les compagnies aériennes américaines se trouvent injustement favorisées par les contrats bilatéraux qui existent actuellement puisque contrairement aux compagnies européennes, elles peuvent programmer leurs vols à partir de n'importe quel aéroport aux États-Unis vers pratiquement n'importe quel aéroport européen. Par contre, les compagnies aériennes européennes, du fait de l'existence de ces contrats bilatéraux, ne peuvent programmer leurs vols vers les États-Unis qu'à partir des aéroports de leur pays d'origine. Cette inégalité de traitement doit impérativement être supprimée lors des négociations avec les États-Unis sur un accord de ciel ouvert.

3.22. Le nouveau cycle de négociations engagé dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services (GATS) devrait être mis à profit pour mieux intégrer le transport aérien dans les négociations et créer un environnement harmonisé dans ce secteur, par exemple en matière de survol, d'attribution de créneaux horaires, de services d'assistance au sol. Il serait ensuite possible de tendre à une libéralisation progressive du fret aérien.

3.23. Pour ce qui concerne la transparence du marché, le transport aérien ne devrait pas être soumis à des réglementations plus strictes que d'autres secteurs économiques. La concurrence qui existe entre les transporteurs professionnels suffit déjà largement à assurer la transparence nécessaire sur le marché.

3.24. L'affrètement complet ("wet-lease") d'aéronefs de pays tiers est parfois nécessaire pour des raisons de flexibilité de l'entreprise. Le Comité soutient l'adoption de lignes directrices européennes précisant que l'affrètement complet d'aéronefs n'est autorisé que dans des cas exceptionnels et pour une période limitée. Cependant, il convient que l'aéronef affrété remplisse les exigences de sécurité et de protection de l'environnement minimales en vigueur dans l'UE afin d'exclure tous les abus. À cet effet, il conviendrait de réfléchir à une procédure d'autorisation réalisable.

3.25. Le problème d'attribution des créneaux horaires dans les aéroports décrit par la Commission est l'une des conséquences des problèmes de capacité que rencontrent ces mêmes aéroports. Ce ne sont pas seulement les compagnies nouvellement arrivées qui en souffrent mais aussi les compagnies bien établies, qui n'ont plus aucune possibilité de croissance. La solution du problème doit passer par l'augmentation de la capacité des aéroports mais le besoin de disposer de mécanismes d'attribution des créneaux horaires se fera, bien sûr, toujours sentir. La Commission a annoncé qu'elle établira un rapport sur le problème et le CES espère qu'il aura la possibilité d'élaborer un avis sur ce rapport. Le Comité est toutefois d'avis que l'égalité des chances doit être garantie pour toutes les compagnies aériennes.

3.26. Les compagnies aériennes européennes doivent elles aussi pouvoir proposer à leurs clients des programmes de fidélisation si elles veulent survivre face à la concurrence mondiale, étant donné que toutes les grandes compagnies y ont recours et que le fait de ne pouvoir les mettre en place que de façon limitée représenterait un handicap concurrentiel certain.

4. Conclusions

4.1. Le Comité, par souci de qualité des services et de sécurité, estime qu'il est urgent de fixer au niveau communautaire des normes minimales de formation et de formation continue pour tout le personnel des compagnies aériennes, et de veiller au respect de ces normes.

4.2. Il est indispensable, de l'avis du Comité, d'harmoniser les systèmes de sécurité aérienne en Europe et de renforcer Eurocontrol. Le Comité estime qu'Eurocontrol devrait se voir accorder les compétences nécessaires pour fixer des normes en matière de sécurité aérienne nationale considérant les techniques à appliquer et les procédures à respecter. Les systèmes de sécurité aérienne nationaux doivent être organisés comme des entreprises commerciales. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera possible d'arriver à réduire les retards imputables aux conditions de sécurité.

4.3. Il convient selon le Comité d'accorder davantage d'importance au respect des mesures de sécurité dans le transport aérien étant donné que tout porte à croire que ce secteur prendra encore plus d'importance dans les prochaines années.

4.4. Les Comité se félicite que la Commission se propose d'examiner les aspects environnementaux du transport aérien dans une prochaine communication. Elle devrait également se pencher sur l'amélioration des connexions entre les divers modes de transport en Europe, notamment sur une meilleure connexion entre le transport aérien et le rail. L'intermodalité des transports permettrait d'apporter de nombreuses améliorations dans le domaine environnemental, pour le plus grand bénéfice des consommateurs.

4.5. Le Comité estime que les droits des passagers doivent être clairement établis sur le plan juridique. Il doit être possible pour les passagers de demander réparation auprès des responsables pour un refus d'embarquement, un retard ou tout autre inconvénient subi. Le règlement renforçant le système de compensation pour tout préjudice subi par l'usager doit enfin entrer en vigueur.

4.6. Le Comité est pleinement favorable à la conclusion d'un accord de ciel ouvert entre l'UE et les États-Unis afin de supprimer le handicap dont souffrent les compagnies aériennes européennes par rapport aux compagnies américaines.

4.7. Cela permettrait, de l'avis du Comité, tant d'atteindre les objectifs fixés par la Commission que de servir les intérêts des consommateurs, des salariés et des employeurs en Europe dans le cadre d'un dialogue social qui devra se poursuivre à l'avenir.

Bruxelles, le 26 janvier 2000.

La Présidente

du Comité économique et social

Beatrice Rangoni Machiavelli

(1) COM(94) 218 final - JO C 110 du 5.2.1995, p. 22.

(2) COM(96) 514 final du 22 octobre 1996.

(3) Organisation de l'Aviation Civile Internationale.

(4) Commission européenne de l'aviation civile.

(5) Association du transport aérien international.

(6) Association des compagnies européennes de navigation aérienne.

(7) Avis du CES sur la "Proposition de directive du Conseil relative aux exigences de sécurité et à l'attestation de compétence professionnelle pour le personnel de cabine de l'aviation civile", JO C 214 du 10.7.1998, p. 37.

(8) Joint Aviation Requirement Operation.

(9) Avis du CES sur l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, JO C 301 du 13.11.1995, p. 28.

Top