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Document 62001CJ0314

Euroopa Kohtu otsus (kuues koda), 18. märts 2004.
Siemens AG Österreich ja ARGE Telekom & Partner versus Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger.
Eelotsusetaotlus: Bundesvergabeamt - Austria.
Direktiiv 89/665/EMÜ.
Kohtuasi C-314/01.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2004:159

Arrêt de la Cour

Affaire C-314/01


Siemens AG Österreich et ARGE Telekom & Partner
contre
Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger



(demande de décision préjudicielle, formée par le Bundesvergabeamt (Autriche))

«Marchés publics – Directive 89/665/CEE – Procédures de recours en matière de passation de marchés publics – Effets d'une décision de l'instance responsable des procédures de recours annulant la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas révoquer une procédure de passation de marché – Restriction du recours à la sous-traitance»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 20 novembre 2003
    
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 mars 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites – Questions générales ou hypothétiques – Vérification par la Cour de sa propre compétence

(Art. 234 CE)

2.
Rapprochement des législations – Procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux – Directive 89/665 – Obligation pour les États membres de prévoir une procédure de recours – Clause d'un appel d'offres incompatible avec la réglementation communautaire – Obligation de prévoir la possibilité d'invoquer cette incompatibilité dans le cadre d'une procédure de recours

(Directive du Conseil 89/665, art. 1er, § 1, et 2, § 7)

1.
La procédure instituée par l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux. Dans le cadre de cette coopération, le juge national saisi du litige, qui est le seul à avoir une connaissance directe des faits au principal et qui devra assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, est, certes, le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour.
Il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la Cour, en cas de besoin, d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence et, en particulier, de déterminer si l’interprétation du droit communautaire qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal, de telle sorte que la Cour ne soit pas amenée à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques. S’il apparaît que la question posée n’est manifestement pas pertinente pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer.

(cf. points 33-35)

2.
La directive 89/665, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et, en particulier, ses articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 7, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où une clause de l’appel d’offres est incompatible avec la réglementation communautaire en matière de marchés publics, l’ordre juridique interne des États membres doit prévoir la possibilité d’invoquer cette incompatibilité dans le cadre des procédures de recours visées par la directive 89/665.

(cf. point 50 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
18 mars 2004(1)


«Marchés publics – Directive 89/665/CEE – Procédures de recours en matière de passation de marchés publics – Effets d'une décision de l'instance responsable des procédures de recours annulant la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas révoquer une procédure de passation de marché – Restriction du recours à la sous-traitance»

Dans l'affaire C-314/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Bundesvergabeamt (Autriche) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Siemens AG Österreich,ARGE Telekom & Partner

et

Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1),

LA COUR (sixième chambre),



composée de M. V. Skouris, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et R. Schintgen (rapporteur), et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. L.A. Geelhoed,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

pour ARGE Telekom & Partner, par Me M. Öhler, Rechtsanwalt,

pour le Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger, par Me G. Lansky, Rechtsanwalt,

pour la Bietergemeinschaft EDS/ORGA, par Me R. Regner, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d'agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. M. Nolin, en qualité d'agent, assisté de Me R. Roniger, Rechtsanwalt,

ayant entendu les observations orales du Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger, représenté par Me T. Hamerl, Rechtsanwalt, du gouvernement autrichien, représenté par M. M. Fruhmann, et de la Commission, représentée par M. M. Nolin, assisté de Me R. Roniger, à l'audience du 18 septembre 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 novembre 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par ordonnance du 11 juillet 2001, parvenue à la Cour le 9 août suivant, le Bundesvergabeamt a posé, en application de l’article 234 CE, quatre questions préjudicielles sur l’interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1, ci-après la «directive 89/665»).

2
Ces questions ont été posées dans le cadre d’un litige opposant les sociétés Siemens AG Österreich (ci-après «Siemens») et ARGE Telekom & Partner (ci-après «ARGE Telekom») au Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger (union des caisses de sécurité sociale autrichiennes, ci-après le «Hauptverband»), en sa qualité de pouvoir adjudicateur, au sujet d’une procédure d’adjudication d’un marché public de fournitures et de services.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3
L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 dispose:

«Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application des directives 71/305/CEE, 77/62/CEE et 92/50/CEE […], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l’article 2 paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.»

4
L’article 2 de la directive 89/665 précise, à cet égard, les obligations qui pèsent sur les États membres. Aux termes des paragraphes 1, 6 et 7 dudit article:

«1.     Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:

a)
de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher d’autres dommages d’être causés aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché public en cause ou de l’exécution de toute décision prise par les pouvoirs adjudicateurs;

b)
d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

c)
d’accorder des dommages-intérêts aux personnes lésées par une violation.

[…]

6.       Les effets de l’exercice des pouvoirs visés au paragraphe 1 sur le contrat qui suit l’attribution d’un marché sont déterminés par le droit national.

En outre, sauf si une décision doit être annulée préalablement à l’octroi de dommages-intérêts, un État membre peut prévoir que, après la conclusion du contrat qui suit l’attribution d’un marché, les pouvoirs de l’instance responsable des procédures de recours se limitent à l’octroi des dommages-intérêts à toute personne lésée par une violation.

7.       Les États membres veillent à ce que les décisions prises par les instances responsables des procédures de recours puissent être exécutées de manière efficace.»

5
La directive 92/50 édicte des règles communes de participation aux procédures de passation des marchés publics de services, au nombre desquelles figure la possibilité de sous-traiter une part du marché à des tiers. Ainsi, aux termes de l’article 25 de cette directive:

«Dans le cahier des charges, le pouvoir adjudicateur peut demander au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, la part du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous-traiter à des tiers.

Cette communication ne préjuge pas la question de la responsabilité du prestataire de services principal.»

6
La directive 92/50 fixe également des critères de sélection qualitative permettant de déterminer les candidats admis à participer à la procédure d’adjudication d’un marché public de services. L’article 32 de cette directive est libellé comme suit:

«1.     La capacité des prestataires de fournir les services peut être évaluée en vertu notamment de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.

2.       La capacité technique du prestataire de services peut être justifiée d’une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité et l’utilisation des services à fournir:

[...]

c)
l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise du prestataire de services, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité;

[...]

h)
l’indication de la part du marché que le prestataire de services a éventuellement l’intention de sous-traiter.

3.       Le pouvoir adjudicateur précise, dans l’avis ou dans l’invitation à soumissionner, celles de ces références qu’il entend obtenir.

[…]»

La réglementation nationale

7
Les directives 89/665 et 92/50 ont été transposées en droit autrichien par le Bundesgesetz über die Vergabe von Aufträgen (Bundesvergabegesetz) 1997 (loi fédérale de 1997 sur la passation des marchés publics, BGBl. I, 1997/56, dans sa version publiée au BGBl. I, 2000/125, ci-après le «BVergG»).

8
L’article 31 du BVergG, relatif aux prestations à effectuer par des entreprises sous-traitantes, prévoit:

«1.     Les documents relatifs à l’appel d’offres doivent comprendre des dispositions relatives à l’admissibilité de prestations effectuées par des entreprises sous-traitantes. La sous-traitance de l’ensemble du marché est interdite, à l’exception des contrats d’achat et de la sous-traitance à des entreprises du même groupe. Dans le cas de marchés de construction immobilière, la sous-traitance d’une partie prépondérante des prestations formant l’objet de l’entreprise n’est pas autorisée. [...]. Le pouvoir adjudicateur doit s’assurer que les entreprises sous‑traitantes de l’adjudicataire effectuent elles-mêmes la partie prépondérante du marché qui leur a été confié. Dans des cas exceptionnels, dûment motivés, la sous-traitance d’une partie prépondérante du marché peut être prévue par le pouvoir adjudicateur dans les documents relatifs à l’appel d’offres. La sous‑traitance de prestations partielles n’est en outre admissible que pour autant que l’entreprise sous-traitante dispose de la capacité nécessaire aux fins de l’exécution de sa partie.

2.       Dans les documents relatifs à l’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur doit inviter le soumissionnaire à indiquer, dans son offre, la partie du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous-traiter à des tiers. La responsabilité de l’adjudicataire n’est pas affectée par cette indication.»

9
L’article 40, paragraphe 1, du BVergG, qui concerne la révocation de l’appel d’offres, dispose:

«À l’intérieur du délai de remise des offres, l’appel d’offres doit être révoqué en cas de raisons impérieuses, notamment lorsque, avant l’expiration du délai de présentation des offres, des éléments sont portés à la connaissance du pouvoir adjudicateur, qui, s’ils avaient été connus plus tôt, auraient exclu un tel appel d’offres ou auraient abouti à un appel d’offres substantiellement différent.»

10
Les articles 52 et suivants du BVergG portent sur l’examen des offres. L’article 52, paragraphe 1, énonce:

«Avant de procéder au choix de l’offre à laquelle sera attribué le marché, le pouvoir adjudicateur, en se fondant sur les résultats de l’examen, éliminera sans délai les offres suivantes:

[…]

9)
offres de soumissionnaires ayant convenu avec d’autres soumissionnaires des ententes préjudiciables au pouvoir adjudicateur, qui sont contraires aux bonnes mœurs ou enfreignent le principe de la concurrence;

[...]»

11
L’article 113 du BVergG détermine les compétences du Bundesvergabeamt (office fédéral des adjudications). Il prévoit à ses paragraphes 2 et 3:

«2.     En vue de mettre fin aux violations de la présente loi fédérale et de ses règlements d’application, le Bundesvergabeamt est compétent, jusqu’à l’attribution du marché, pour

1)
prescrire des mesures provisoires et

2)
annuler des décisions illégales de l’entité adjudicatrice du pouvoir adjudicateur.

3.       Après l’attribution du marché ou après la clôture de la procédure de passation de marché, le Bundesvergabeamt est compétent pour constater que, du fait d’une infraction à la présente loi fédérale ou à ses règlements d’application, le marché n’a pas été attribué au mieux-disant. […]»

12
Aux termes de l’article 117, paragraphes 1 et 3, du BVergG:

«1.     Le Bundesvergabeamt annule, par voie de décision administrative et en tenant compte de l’avis rendu par la commission de conciliation dans cette affaire, une décision du pouvoir adjudicateur intervenue dans le cadre d’une procédure de passation de marché, lorsque la décision en cause

1)
est contraire aux dispositions de la présente loi fédérale ou de ses règlements d’application et

2)
a une influence essentielle sur l’issue de la procédure d’adjudication.

[…]

3.       Après l’attribution du marché, le Bundesvergabeamt, en respectant les conditions énoncées au paragraphe 1, constate uniquement si l’illégalité alléguée est réelle ou non.»

13
En vertu de l’article 125, paragraphe 2, du BVergG, une demande de dommages‑intérêts, laquelle doit être introduite devant les juridictions civiles, n’est recevable que si une constatation du Bundesvergabeamt au titre de l’article 113, paragraphe 3, de cette même loi est intervenue auparavant. La juridiction civile, appelée à statuer sur une telle demande de dommages-intérêts, ainsi que les parties à l’instance devant le Bundesvergabeamt sont liées par cette constatation.

14
Aux termes de l’article 879, paragraphe 1, de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil général):

«Un contrat est nul lorsqu’il enfreint une interdiction légale ou est contraire aux bonnes mœurs.»


Le litige au principal et les questions préjudicielles

15
Le 21 septembre 1999, le Hauptverband a annoncé dans le supplément au Journal officiel des Communautés européennes qu’il envisageait de lancer une procédure de passation de marché en deux phases portant sur la conception, l’élaboration et la réalisation d’un système de traitement électronique de données fondé sur des cartes à puce, y compris la livraison, l’initialisation, la personnalisation, la distribution et l’élimination des cartes dans toute l’Autriche, l’installation et la maintenance de terminaux par secteurs ainsi que l’appui à l’unité de traitement électronique des données du système, l’appui à l’unité du centre d’appels, à la gestion des cartes et aux autres services nécessaires au fonctionnement dudit système.

16
Le 22 février 2000, le Hauptverband a décidé d’inviter cinq des six groupements de candidats qui avaient participé à la première phase de la procédure à présenter une offre et d’éliminer le sixième candidat. Le point 1.8 de l’appel d’offres du 15 mars 2000, qui reprend les termes du point 1.9 de l’avis de marché du 21 septembre 1999, indiquait:

«La sous-traitance de parties du marché n'est admise que dans la limite maximale de 30 % des prestations et pour autant que le soumissionnaire ou le groupement de soumissionnaires conserve les prestations caractéristiques du contrat, à savoir la gestion du projet, la conception du système, le développement, la réalisation, la livraison et le fonctionnement des composants centraux du système global spécifiques au projet, le développement, la livraison et la gestion des cartes selon leur cycle de vie ainsi que le développement des terminaux.»

17
Il résulte de l’ordonnance de renvoi que cette clause, qui accentue la responsabilité personnelle du fournisseur des cartes, a été retenue afin d’assurer la bonne exécution du marché sur le plan technique.

18
Trois des quatre groupements de soumissionnaires ayant présenté une offre, à savoir Siemens, ARGE Telekom et Debis Systemhaus Österreich GmbH (ci-après «Debis»), comprenaient le fournisseur de cartes Austria Card, Plastikkard und Ausweissysteme GmbH (ci-après «Austria Card»), lequel devait assurer la livraison des cartes. Le quatrième groupement, auquel n’appartenait pas Austria Card, était la Bietergemeinschaft EDS/ORGA (ci-après «EDS/ORGA»), constituée des entreprises Electronic Data Systems (EDS Austria) GmbH, Electronic Data Systems (EDS Deutschland) GmbH et ORGA Kartensysteme GmbH.

19
Par lettre du 18 décembre 2000, les trois premiers groupements de soumissionnaires ont été informés que le Hauptverband envisageait d’attribuer le marché à EDS/ORGA.

20
Après avoir vainement tenté d’engager une procédure de conciliation auprès de la Bundesvergabekontrollkommission (commission fédérale de contrôle des adjudications), les trois groupements évincés du marché ont exercé des recours devant le Bundesvergabeamt en vue d’obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision du Hauptverband d’attribuer le marché à EDS/ORGA et, à titre subsidiaire, la révocation de l’appel d’offres.

21
Par décision du 19 mars 2001, le Bundesvergabeamt a rejeté, comme irrecevables, l’ensemble des recours dont il était saisi pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, dans la mesure où les offres des demandeurs auraient dû, en tout état de cause, être éliminées par le Hauptverband en application de l’article 52, paragraphe 1, du BVergG, au motif que l’appartenance d’Austria Card aux trois groupements de soumissionnaires concernés était de nature à fausser la libre concurrence du fait de l’échange d’informations et des négociations sur les termes des offres que cette triple appartenance rendait possibles.

22
Il résulte du dossier que cette décision du Bundesvergabeamt a été annulée par un arrêt du Verfassungsgerichtshof (Autriche) du 12 juin 2001, au motif que les trois groupements en cause avaient été lésés dans leur droit constitutionnel à une procédure devant le juge légal, dans la mesure où le Bundesvergabeamt, avant de prendre sa décision, avait omis de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

23
Les 28 et 29 mars 2001, Debis et ARGE Telekom ont introduit une deuxième série de recours devant le Bundesvergabeamt, dans lesquels ils demandaient notamment l’annulation de la décision du Hauptverband portant refus de révoquer l’appel d’offres ainsi que, par voie de mesure provisoire, l’interdiction d’attribuer le marché durant un délai de deux mois calculé à compter de l’introduction de la procédure, s’agissant du recours introduit par Debis, ou jusqu’à ce que le Bundesvergabeamt ait statué à titre principal, s’agissant du recours formé par ARGE Telekom.

24
Par décision du 5 avril 2001, le Bundesvergabeamt, statuant sur les demandes de mesures provisoires, a interdit au Hauptverband d’attribuer le marché jusqu’au 20 avril 2001.

25
Par décision du 20 avril 2001, le Bundesvergabeamt a fait droit aux demandes principales de Debis ainsi que d’ARGE Telekom et, en application de l’article 113, paragraphe 2, point 2, du BVergG, il a annulé la décision du Hauptverband de ne pas révoquer l’appel d’offres. Il a en substance motivé sa décision en indiquant que l’appel d’offres comportait un critère de sélection illicite, dans la mesure où l’interdiction de sous-traiter énoncée au point 1.8 de celui-ci méconnaît le droit du soumissionnaire, tiré de la réglementation communautaire telle qu’interprétée par la Cour (voir, notamment, arrêt du 2 décembre 1999, Holst Italia, C‑176/98, Rec. p. I‑8607), de pouvoir également recourir à un sous-traitant pour justifier ses capacités d’exécution du marché concerné. En l’occurrence, si l’appel d’offres n’avait pas énoncé cette condition, les groupements évincés auraient pu recourir à un sous-traitant pour la livraison des cartes.

26
Malgré cette décision, le Hauptverband a décidé, le 23 avril 2001, d’attribuer le marché à EDS/ORGA. Considérant que les effets de la mesure provisoire adoptée le 5 avril 2001 par le Bundesvergabeamt avaient expiré le 20 avril 2001 sans que celle-ci ait été prorogée et que la décision du 20 avril 2001 de ce dernier ne contenait qu’une indication difficilement compréhensible relative à l’«annulation d’une non-révocation», le Hauptverband a estimé qu’il n’avait pas été décidé d’une manière juridiquement contraignante que sa décision d’attribuer le marché au groupement de soumissionnaires le mieux-disant n’aurait pas été valide ou aurait dû être annulée.

27
Le Hauptverband a, en outre, décidé de saisir le Verfassungsgerichtshof d’un recours tendant à l’annulation de la décision du Bundesvergabeamt du 20 avril 2001. Il résulte du dossier transmis par la juridiction de renvoi et des observations déposées devant la Cour que, dans un premier temps, par ordonnance du 22 mai 2001, le Verfassungsgerichtshof a rejeté la demande du Hauptverband tendant à faire reconnaître au recours de ce dernier un effet suspensif à l’égard de cette décision, au motif que, en tout état de cause, le marché litigieux avait déjà été attribué et que, dans un second temps, par arrêt du 2 mars 2002, il a annulé ladite décision, au motif qu’il était logiquement impossible d’annuler une décision de ne pas faire et que les recours engagés à cette fin par Debis et ARGE Telekom auraient dû être déclarés irrecevables.

28
Le 30 avril 2001, Siemens a saisi le Bundesvergabeamt d’un nouveau recours tendant à l’annulation de plusieurs décisions prises par le Hauptverband postérieurement à sa décision d’attribuer le marché à EDS/ORGA, en faisant valoir en substance que l’annulation, par ladite juridiction, de la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas révoquer la procédure de passation de marché frappait d’illégalité la décision du Hauptverband d’attribuer le marché, car celle-ci serait intervenue dans le cadre d’une seconde procédure d’adjudication, laquelle n’aurait pas fait l’objet des publications requises.

29
Le 17 mai 2001, ARGE Telekom a également introduit des recours en annulation à l’encontre de onze décisions prises par le Hauptverband après que celui-ci eut décidé de ne pas révoquer la procédure d’adjudication litigieuse nonobstant la décision du Bundesvergabeamt du 20 avril 2001.

30
Considérant que la solution de cette troisième série de litiges nécessite l’interprétation de plusieurs dispositions de la directive 89/665, le Bundesvergabeamt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
Faut-il interpréter les dispositions de la directive 89/665 […], en particulier l’article 2, paragraphe 1, sous b), lu au besoin conjointement avec l’article 2, paragraphe 7, en ce sens qu’une décision d’une instance nationale de recours, au sens de l’article 2, paragraphe 8, de la directive 89/665 […], ayant pour objet l’annulation de la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas révoquer la procédure de passation de marché, a pour effet juridique de clore d’emblée la procédure de passation de marché en question sans que le pouvoir adjudicateur doive encore poser lui-même un acte, si l’ordre juridique interne n’offre aucune base juridique permettant une exécution efficace et forcée de la décision de l’instance de recours contre le pouvoir adjudicateur?

2)
Découle-t-il des dispositions de la directive 89/665 […], en particulier de l’article 2, paragraphe 7, lu au besoin conjointement avec les dispositions de la directive 92/50 […], en particulier l’article 25 et l’article 32, paragraphe 2, sous c), ou d’une autre disposition du droit communautaire, en particulier au regard du principe de l’effet utile qui préside à l’interprétation du droit communautaire, qu’une disposition de l’appel d’offres, qui, du fait de l’interdiction de sous-traiter des éléments essentiels du marché en dépit de la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier de l’arrêt [Holst Italia, précité], empêche le soumissionnaire d’établir, en produisant comme preuve le contrat intervenu avec le sous‑traitant, qu’il dispose effectivement des moyens de tiers et le prive donc du droit d’invoquer les moyens de tiers pour établir sa capacité et d’établir qu’il dispose effectivement des moyens de tiers, est à ce point manifestement contraire au droit communautaire qu’un contrat conclu à la suite d’un tel appel d’offres doit être considéré comme nul, en particulier si l’ordre juridique interne comporte de toute façon des dispositions frappant de nullité les contrats contraires à la loi?

3)
Découle-t-il des dispositions de la directive 89/665 […], en particulier de l’article 2, paragraphe 7, ou d’une autre disposition du droit communautaire, en particulier au regard du principe de l’effet utile qui préside à l’interprétation du droit communautaire, qu’un contrat conclu au mépris des termes d’une décision d’une instance nationale de recours, au sens de l’article 2, paragraphe 8, de la directive 89/665 […], ayant pour objet l’annulation de la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas révoquer la procédure de passation de marché, est nul, en particulier si l’ordre juridique interne comporte de toute façon des dispositions frappant de nullité les contrats contraires aux bonnes moeurs ou à la loi et que, d’autre part, l’ordre juridique interne n’offre aucune base juridique permettant l’exécution efficace et forcée de la décision de l’instance de recours contre le pouvoir adjudicateur?

4) a)
Faut-il interpréter les dispositions de la directive 89/665 […], en particulier l’article 2, paragraphe 1, sous b), lu au besoin conjointement avec l’article 2, paragraphe 7, en ce sens que, si l’ordre juridique interne n’offre par ailleurs aucune base juridique permettant l’exécution efficace et forcée de la décision de l’instance de recours contre le pouvoir adjudicateur, l’instance de recours a le pouvoir, par application directe de l’article 2, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 7, de contraindre le pouvoir adjudicateur, dans une injonction susceptible d’exécution forcée, de faire annuler la décision illégale bien que, dans la procédure relative aux recours des soumissionnaires au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 […], l’ordre juridique interne permette seulement aux instances de recours de prononcer à l’égard des décisions des pouvoirs adjudicateurs des annulations qui ne sont pas susceptibles d’exécution forcée?

b)
Si la quatrième question, sous a), appelle une réponse affirmative: dans un tel cas, l’instance de recours tire-t-elle de l’article 2, paragraphe 7, de la directive 89/665 […], lu au besoin conjointement avec d'autres dispositions du droit communautaire, la compétence pour menacer elle-même, par voie d’astreintes, les pouvoirs adjudicateurs d’amendes évaluées en bonne justice ou les membres de l’organe de direction du pouvoir adjudicateur d’amendes et de peines de réclusion et même pour les leur infliger afin d'assurer l’exécution des injonctions au cas où les pouvoirs adjudicateurs ou les membres de l’organe de direction du pouvoir adjudicateur ne se conforment pas aux injonctions de l’instance de recours?»


Sur la recevabilité du renvoi préjudiciel

31
Il ressort de l’ensemble des questions posées par la juridiction de renvoi que celle-ci doute de la compatibilité avec la directive 89/665 des règles de procédure contenues dans la réglementation autrichienne relative aux marchés publics, en ce qu'elles ne seraient pas suffisantes pour garantir, de manière efficace, l’exécution des décisions prises par l’instance responsable des procédures de recours, puisque, dans l’affaire au principal, nonobstant la décision du Bundesvergabeamt du 20 avril 2001 annulant la décision du Hauptverband de ne pas révoquer l’appel d’offres, le marché litigieux a néanmoins été attribué à EDS/ORGA.

32
Or, il est constant que, par arrêt du 2 mars 2002, le Verfassungsgerichtshof a annulé la décision du Bundesvergabeamt du 20 avril 2001.

33
À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que la procédure instituée par l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Lourenço Dias, C‑343/90, Rec. p. I‑4673, point 14, et du 12 juin 2003, Schmidberger, C-112/00, Rec. p. I‑5659, point 30, et la jurisprudence citée).

34
Dans le cadre de cette coopération, le juge national saisi du litige, qui est le seul à avoir une connaissance directe des faits au principal et qui devra assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, est, certes, le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts Lourenço Dias, précité, point 15; du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C‑390/99, Rec. p. I‑607, point 18, et Schmidberger, précité, point 31).

35
Il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la Cour, en cas de besoin, d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence et, en particulier, de déterminer si l’interprétation du droit communautaire qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal, de telle sorte que la Cour ne soit pas amenée à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques. S’il apparaît que la question posée n’est manifestement pas pertinente pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer (arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21; Lourenço Dias, précité, point 20; Canal Satélite Digital, précité, point 19, et du 30 septembre 2003, Inspire Art, C‑167/01, non encore publié au Recueil, points 44 et 45).

36
À la lumière de ce qui précède, il convient d’examiner si les questions posées par la juridiction de renvoi sont restées pertinentes pour la solution des litiges au principal, alors même que le Verfassungsgerichtshof a annulé la décision du Bundesvergabeamt du 20 avril 2001.

37
À cet égard, il ressort de l’ordonnance de renvoi que c’est la circonstance que cette décision du 20 avril 2001 n’était pas susceptible d’exécution forcée en droit autrichien qui a, pour l’essentiel, motivé la présente demande de décision préjudicielle, de sorte que, depuis l’annulation de ladite décision, ces questions sont devenues purement hypothétiques, ainsi que le souligne d’ailleurs le Verfassungsgerichtshof dans son arrêt du 2 mars 2002.

38
Il convient toutefois d’admettre qu’il n’est pas exclu qu’une réponse à la deuxième question, qui concerne incidemment la portée de l’arrêt Holst Italia, précité, conserve un intérêt pour la solution des litiges au principal, notamment dans le cas où ceux-ci, après une constatation d’illégalité de la procédure d’adjudication, effectuée par le Bundesvergabeamt au titre de l’article 113, paragraphe 3, du BVergG, devraient trouver leur prolongement devant le juge civil, lequel, selon la législation autrichienne, est l’instance compétente pour statuer sur une demande de dommages-intérêts après l’attribution d’un marché.

39
Compte tenu de ce qui précède, il convient de ne pas répondre aux première, troisième et quatrième questions et de limiter la réponse de la Cour à la deuxième question.


Sur la deuxième question

40
Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 2, paragraphe 7, de la directive 89/665, lu en combinaison avec les articles 25 et 32, paragraphe 2, sous c), de la directive 92/50, doit être interprété en ce sens qu’un contrat conclu à l’issue d’une procédure de passation d’un marché public de fournitures et de services, dont la régularité serait affectée par l'incompatibilité d'une disposition de l’appel d’offres avec le droit communautaire, doit être considéré comme nul dès lors que le droit national applicable frappe de nullité les contrats contraires à la loi.

41
Cette question repose sur la prémisse selon laquelle une disposition de l’appel d’offres qui interdit le recours à la sous-traitance pour des parties importantes d’un marché est contraire à la directive 92/50, telle qu’interprétée par la Cour dans son arrêt Holst Italia, précité.

42
À cet égard, il convient de rappeler que la directive 92/50, qui vise à éliminer les entraves à la libre circulation des services lors de la passation des marchés publics de services, envisage expressément, à son article 25, la possibilité pour le soumissionnaire de sous-traiter une part du marché à des tiers, puisque cette disposition prévoit que le pouvoir adjudicateur peut demander à ce soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, la part dudit marché qu’il entend sous-traiter. En outre, quant aux critères de sélection qualitative, l’article 32, paragraphe 2, sous c) et h), de ladite directive prévoit expressément la possibilité de justifier de la capacité technique du prestataire de services par l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise de ce prestataire, dont celui-ci disposera pour l’exécution du service, ou encore par l’indication de la part du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous-traiter.

43
Ainsi que la Cour l’a jugé aux points 26 et 27 de l’arrêt Holst Italia, précité, il résulte tant de l’objet que du libellé de ces dispositions qu’une personne ne peut être écartée d’une procédure de passation d’un marché public de services au seul motif qu’elle entend mettre en œuvre, pour exécuter le marché, des moyens qu’elle ne détient pas en propre, mais qui appartiennent à une ou plusieurs entités autres qu’elle-même. Cela implique qu’il est loisible à un prestataire qui ne remplit pas à lui seul les conditions minimales exigées pour participer à la procédure d’adjudication d’un marché public de services de faire valoir auprès du pouvoir adjudicateur les capacités de tiers auxquels il compte faire appel si le marché lui est attribué.

44
Toutefois, selon la Cour, il appartient au prestataire qui entend faire état des capacités d’organismes ou d’entreprises auxquels il est directement ou indirectement lié, en vue d’être admis à participer à une procédure d’appel d’offres, d’établir qu’il a effectivement la disposition des moyens de ces organismes ou entreprises qui ne lui appartiennent pas en propre et qui sont nécessaires à l’exécution du marché (arrêt Holst Italia, précité, point 29).

45
Ainsi que l’a relevé à bon droit la Commission des Communautés européennes, la directive 92/50 ne s’oppose pas à une interdiction ou à une restriction du recours à la sous-traitance pour l’exécution de parties essentielles du marché lorsque précisément le pouvoir adjudicateur n’a pas été en mesure de vérifier les capacités techniques et économiques des sous-traitants lors de l’examen des offres et de la sélection du soumissionnaire le mieux-disant.

46
Il découle de ce qui précède que la prémisse sur laquelle est fondée la deuxième question ne s’avérerait exacte que s’il était établi que le point 1.8 de l’appel d’offres interdit, lors de la phase de l’examen des offres et de la sélection de l’adjudicataire du marché, le recours par ce dernier à la sous-traitance pour des prestations essentielles du contrat. En effet, une personne faisant valoir les capacités techniques et économiques de tiers auxquels elle compte faire appel si le marché lui est attribué ne peut être écartée que si elle n’est pas en mesure d’établir qu’elle a effectivement la disposition de ces capacités.

47
Or, il apparaît que le point 1.8 de l'appel d'offres ne concerne pas la phase d'examen et de sélection de la procédure de passation du marché, mais la phase d'exécution de celui-ci, et vise à éviter précisément que l'exécution des parties essentielles du marché soit confiée à des entités dont le pouvoir adjudicateur n'a pas pu vérifier les capacités techniques et économiques lors de la sélection de l'adjudicataire. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si tel est bien le cas.

48
S’il devait s’avérer qu’une clause de l’appel d’offres est effectivement contraire à la directive 92/50, en particulier en ce qu’elle interdit illégalement le recours à la sous-traitance, il suffirait alors de rappeler que, en vertu des articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 7, de la directive 89/665, les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les décisions adoptées par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible, dans l’hypothèse où ces décisions auraient méconnu la réglementation communautaire en matière de marchés publics.

49
Il en découle donc que, dans l’hypothèse où une clause de l’appel d’offres est incompatible avec la réglementation communautaire en matière de marchés publics, l’ordre juridique interne de l’État membre considéré doit prévoir la possibilité d’invoquer cette incompatibilité dans le cadre des procédures de recours visées par la directive 89/665.

50
En conséquence, il convient de répondre à la deuxième question que la directive 89/665 et, en particulier, ses articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 7, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où une clause de l’appel d’offres est incompatible avec la réglementation communautaire en matière de marchés publics, l’ordre juridique interne des États membres doit prévoir la possibilité d’invoquer cette incompatibilité dans le cadre des procédures de recours visées par la directive 89/665.


Sur les dépens

51
Les frais exposés par le gouvernement autrichien et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesvergabeamt, par ordonnance du 11 juillet 2001, dit pour droit:

La directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et, en particulier, ses articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 7, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où une clause de l’appel d’offres est incompatible avec la réglementation communautaire en matière de marchés publics, l’ordre juridique interne des États membres doit prévoir la possibilité d’invoquer cette incompatibilité dans le cadre des procédures de recours visées par la directive 89/665.

Skouris

Gulmann

Puissochet

Schintgen

Colneric

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: l'allemand.

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