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Document 62015CJ0660

Arrêt de la Cour (première chambre) du 8 mars 2017.
Viasat Broadcasting UK Ltd contre Commission européenne.
Pourvoi – Aide d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Mesure des autorités danoises en faveur du radiodiffuseur danois de service public TV2/Danmark – Compensation des coûts inhérents à l’exécution des obligations de service public – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur.
Affaire C-660/15 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:178

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mars 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Aide d’État — Article 107, paragraphe 1, TFUE — Article 106, paragraphe 2, TFUE — Mesure des autorités danoises en faveur du radiodiffuseur danois de service public TV2/Danmark — Compensation des coûts inhérents à l’exécution des obligations de service public — Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur»

Dans l’affaire C‑660/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 décembre 2015,

Viasat Broadcasting UK Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes M. Honoré et S. E. Kalsmose-Hjelmborg, advokater,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme L. Grønfeldt ainsi que par MM. L. Flynn et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Royaume de Danemark, représenté par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me R. Holdgaard, advokat,

TV2/Danmark A/S, établie à Odense (Danemark), représentée par Me O. Koktvedgaard, advokat,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. E. Regan, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev et C. G. Fernlund, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 novembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Viasat Broadcasting UK Ltd (ci-après « Viasat ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2015, Viasat Broadcasting UK/Commission (T‑125/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:687), par lequel celui-ci a rejeté son recours dirigé contre la décision 2011/839/UE de la Commission, du 20 avril 2011, concernant les mesures prises par le Danemark (C 2/03) à l’égard de TV2/Danmark (JO 2011, L 340, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »), par laquelle la Commission européenne, tout en reconnaissant le caractère d’aide d’État de différentes mesures prises par le Royaume de Danemark au profit de TV2/Danmark (ci-après « TV2 »), a décidé que celles-ci devaient être regardées comme compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

Les antécédents du litige

2

Le Tribunal a présenté, aux points 1 à 17 de l’arrêt attaqué, les antécédents du litige, dans les termes suivants :

« 1.

Le présent recours a pour objet une demande d’annulation partielle de la décision [litigieuse] en ce qu’elle constate que [les mesures prises par le Royaume de Danemark à l’égard de TV2], bien qu’elles constituent des aides d’État, sont néanmoins compatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Il est introduit par [Viasat], qui est une société de radiodiffusion commerciale active sur le marché danois et une concurrente directe de la société de radiodiffusion danoise TV2/Danmark A/S (ci-après “TV2 A/S”).

2.

TV2 A/S a été créée afin de remplacer, avec effets comptable et fiscal au 1er janvier 2003, l’entreprise étatique autonome [TV2], établie en 1986, par la Lov no 335 om ændring af lov om radio-og fjernsynsvirksomhed [(loi no 335 modifiant la loi relative au service de la radiodiffusion), du 4 juin 1986]. TV2 A/S est, comme l’était son prédécesseur TV2, la deuxième station de télévision publique au Danemark, la première étant Danmarks Radio (ci-après “DR”).

3.

TV2 A/S, tout comme, antérieurement, TV2, est chargée d’une mission de service public consistant à produire et à diffuser des programmes de télévision nationaux et régionaux. Cette diffusion peut se faire notamment par des installations radio, par satellite ou par câble. Des règles en matière d’obligations de service public de TV2 A/S et TV2 sont fixées par le ministre de la Culture danois.

4.

Outre les radiodiffuseurs publics, des radiodiffuseurs commerciaux sont présents sur l’ensemble du marché danois de la télévision. Il s’agit, notamment, d’une part, [de Viasat] et, d’autre part, de l’ensemble formé des sociétés SBS TV A/S et SBS Danish Television Ltd (ci-après “SBS”).

5.

TV2 a été constituée à l’aide d’un prêt étatique à intérêts et son activité devait, à l’instar de celle de DR, être financée à l’aide du produit de la redevance payée par tous les téléspectateurs danois. Le législateur danois a, toutefois, décidé que, contrairement à DR, TV2 aurait aussi la possibilité de bénéficier, notamment, du produit de l’activité publicitaire.

6.

À la suite d’une plainte déposée, le 5 avril 2000, par la société SBS Broadcasting AS/TvDanmark, un autre radiodiffuseur commercial présent sur le marché danois, le système de financement de TV2 a fait l’objet d’un examen par la Commission des Communautés européennes dans sa décision 2004/217/CE, du 19 mai 2004, concernant les mesures prises par le Danemark en faveur de [TV2] (JO 2006, L 85, p. 1, rectificatif au JO 2006, L 368, p. 1, ci-après la “décision TV2 I”). Cette décision couvrait la période allant de 1995 à 2002 et portait sur les mesures suivantes : les ressources tirées de la redevance, les transferts des fonds chargés du financement de TV2 (Fonds TV2 et Radiofonden), des sommes accordées ad hoc, l’exonération de l’impôt sur les sociétés, l’exemption du paiement des intérêts et du remboursement du capital des prêts accordés à TV2 lors de sa constitution, la garantie de l’État pour les prêts de fonctionnement ainsi que les conditions favorables de paiement de la redevance pour la fréquence de transmission nationale (ci-après, prises ensemble, les “mesures concernées”). Enfin, l’enquête de la Commission a porté également sur l’autorisation accordée à TV2 d’émettre sur des fréquences locales en réseau et sur l’obligation de tous les propriétaires d’antennes communales de diffuser les programmes de service public de TV2 sur leurs installations.

7.

Au terme de l’examen des mesures concernées, la Commission a conclu qu’elles constituaient des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (devenu article 107, paragraphe 1, TFUE). Cette conclusion était fondée sur l’appréciation selon laquelle le régime de financement de TV2, qui visait à compenser le coût de ses prestations de service public, ne remplissait pas la deuxième et la quatrième des quatre conditions établies par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg [(C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les “conditions Altmark”)].

8.

La Commission a en outre décidé que les aides accordées entre 1995 et 2002 par le Royaume de Danemark à TV2, sous forme de redevances et d’autres mesures décrites dans la décision TV2 I, étaient compatibles avec le marché intérieur conformément à l’article 86, paragraphe 2, CE (devenu article 106, paragraphe 2, TFUE), à l’exception d’un montant de 628,2 millions de couronnes danoises (DKK) qu’elle a qualifié de surcompensation (considérant 163 et article 1er de la décision TV2 I). Elle a ainsi ordonné la récupération, par le Royaume de Danemark, de ce montant, avec intérêts, auprès de TV2 A/S (article 2 de la décision TV2 I) qui avait remplacé entre-temps TV2 (voir point 2 ci-dessus).

9.

Étant donné que la récupération de l’aide visée par l’article 2 de la décision TV2 I a rendu TV2 A/S insolvable, le Royaume de Danemark a notifié à la Commission, par lettre du 23 juillet 2004, un projet de recapitalisation de cette société. Ce projet prévoyait, pour ce qui est des mesures financées par l’État, d’une part, un apport en capital de 440 millions de DKK et, d’autre part, la conversion en capital d’un prêt étatique de 394 millions de DKK. Par sa décision C (2004) 3632 final, du 6 octobre 2004, dans l’affaire en matière d’aides d’État N 313/2004, relative à la recapitalisation de [TV2 A/S] (JO 2005, C 172, p. 3, ci-après la “décision sur la recapitalisation”), la Commission a conclu que les deux mesures envisagées en faveur de TV2 A/S étaient “nécessaires pour reconstituer le capital dont TV2 [A/S], après sa transformation en société anonyme, [avait] besoin pour pouvoir accomplir sa mission de service public” (considérant 53 de la décision sur la recapitalisation). Par conséquent, la Commission a décidé que tout élément d’aide d’État qui pourrait être lié à la recapitalisation prévue de TV2 A/S était compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 86, paragraphe 2, CE (considérant 55 de la décision sur la recapitalisation).

10.

La décision TV2 I a fait l’objet de quatre recours en annulation introduits, d’une part, par TV2 A/S (affaire T‑309/04) et par le Royaume de Danemark (affaire T‑317/04) et, d’autre part, par les concurrents de TV2 A/S, à savoir [Viasat] (affaire T‑329/04) et SBS (affaire T‑336/04).

11.

Par arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission [(T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457)], le Tribunal a annulé la décision TV2 I. [Au point 124 de cet arrêt], le Tribunal a considéré que c’était à bon droit que la Commission avait conclu que la mission de service public confiée à TV2 correspondait à la définition de services d’intérêt économique général de la radiodiffusion [...]. Toutefois, il a également constaté l’existence de plusieurs illégalités entachant la décision TV2 I, qui ont, en définitive, entraîné l’annulation de celle-ci.

12.

Ainsi, premièrement, en examinant la question de savoir si les mesures visées par la décision TV2 I engageaient des ressources étatiques, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas motivé sa décision s’agissant de la prise en considération, de facto, comme des ressources d’État, des recettes publicitaires des années 1995 et 1996 [(arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, points 160 à 167)]. Deuxièmement, le Tribunal a constaté que l’examen, par la Commission, de la question de savoir si les deuxième et quatrième conditions Altmark étaient remplies ne s’appuyait pas sur une analyse sérieuse des conditions juridiques et économiques concrètes au regard desquelles le montant de la redevance revenant à TV2 avait été déterminé. Par conséquent, la décision TV2 I était entachée d’un défaut de motivation sur ce point [(arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, points 224 à 233)]. Troisièmement, le Tribunal a constaté que les conclusions de la Commission relatives à l’appréciation de la compatibilité de l’aide au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE, en particulier à l’existence d’une surcompensation, étaient, elles aussi, entachées d’un défaut de motivation. Selon le Tribunal, ce défaut de motivation trouvait son explication dans l’absence d’examen sérieux des conditions concrètes, juridiques et économiques, ayant présidé à la détermination du montant de la redevance revenant à TV2 durant la période d’enquête [(arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, points 192 et 197 à 203)].

13.

La décision sur la recapitalisation a fait l’objet de deux recours en annulation, introduits par SBS et par [Viasat]. Par deux ordonnances rendues le 24 septembre 2009, le Tribunal a constaté que, compte tenu de l’annulation de la décision TV2 I et du lien étroit existant entre l’obligation de récupération de l’aide découlant de cette décision et les mesures faisant l’objet de la décision sur la recapitalisation, il n’y avait plus lieu de statuer dans les affaires précitées [(ordonnances du 24 septembre 2009, SBS TV et SBS Danish Television/Commission, T‑12/05, non publiée, EU:T:2009:357, et du 24 septembre 2009, Viasat Broadcasting UK/Commission, T‑16/05, non publiée, EU:T:2009:358)].

14.

À la suite de l’annulation de la décision TV2 I, la Commission a réexaminé les mesures concernées. À cette occasion, elle a consulté le Royaume de Danemark et TV2 A/S et a, par ailleurs, reçu des observations des parties tierces.

15.

La Commission a présenté le résultat de son nouvel examen des mesures concernées dans la [décision litigieuse], qui fait l’objet du présent recours, ainsi que d’un autre recours introduit par TV2 A/S [(affaire TV2/Danmark/Commission, T‑674/11, EU:T:2015:684)], sur laquelle le Tribunal s’est prononcé par arrêt de ce jour.

16.

La [décision litigieuse] porte sur les mesures accordées à TV2 entre 1995 et 2002. Cependant, dans son analyse, la Commission a également tenu compte des mesures de recapitalisation prises en 2004 à la suite de la décision TV2 I.

17.

Dans la [décision litigieuse], la Commission a maintenu sa position quant à la qualification des mesures concernées d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en faveur de TV2 (considérant 153 de la [décision litigieuse]). Dans un premier temps, elle a considéré que les recettes publicitaires pour les années 1995 et 1996 constituaient des ressources d’État (considérant 90 de la [décision litigieuse]) et, dans un second temps, en vérifiant l’existence d’un avantage sélectif, elle a conclu que les mesures concernées ne remplissaient pas la deuxième et la quatrième conditions Altmark (considérant 153 de la [décision litigieuse]). En revanche, alors que dans la décision TV2 I elle avait conclu que la somme de 628,2 millions de DKK constituait une surcompensation incompatible avec l’article 86, paragraphe 2, CE, dans la [décision litigieuse], la Commission a estimé que cette somme était une réserve de fonds propres appropriée pour TV2 A/S (considérant 233 de la [décision litigieuse]). Dans le dispositif de la [décision litigieuse], elle a donc déclaré ce qui suit :

Article premier

Les mesures prises par le Danemark entre 1995 et 2002 en faveur de [TV2], sous la forme des ressources tirées de la redevance et des autres mesures faisant l’objet de la présente décision, sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE]”. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2012, Viasat a demandé l’annulation partielle de la décision litigieuse.

4

Viasat a conclu à l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État octroyées à TV2 en soulevant deux moyens. Le premier était tiré d’une erreur de droit commise par la Commission qui, en appréciant la compatibilité des mesures concernées avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, n’aurait pas tenu compte des deuxième et quatrième conditions Altmark. Le second moyen était tiré d’un manquement de la Commission à son obligation de motivation en ce que cette institution aurait, sans en donner les motifs, retenu que l’article 106, paragraphe 2, TFUE s’appliquait en l’espèce, alors que les deuxième et quatrième conditions Altmark n’étaient pas remplies.

5

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours, dans la mesure où celui-ci tendait à l’annulation de la décision litigieuse en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2 par l’intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d’État, et a rejeté ce recours pour le surplus.

6

Par son arrêt du 24 septembre 2015, TV2/Danmark/Commission (T‑674/11, EU:T:2015:684), le Tribunal a, sur le recours de TV2, annulé la décision litigieuse en tant que celle-ci avait qualifié d’aide d’État les recettes publicitaires des années 1995 et 1996, perçues par TV2.

Les conclusions des parties

7

Viasat demande à la Cour :

à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué en ce que celui-ci a rejeté son recours et la décision litigieuse ainsi que de condamner la Commission aux dépens des instances devant le Tribunal et devant la Cour et

à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

8

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner Viasat aux dépens des deux instances.

9

Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

10

TV2 A/S demande à la Cour :

à titre principal, de rejeter le pourvoi ;

à titre subsidiaire, de maintenir les effets de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse, et

de condamner Viasat à supporter ses dépens.

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

11

À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, par lettre du 3 janvier 2017, Viasat a demandé à la Cour la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de sa demande, Viasat fait valoir que les conclusions de M. l’avocat général déforment certains de ses arguments et soulèvent des arguments distincts qui n’ont pas été débattus entre les parties.

12

Il convient de rappeler que, conformément à l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, cette dernière peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

13

Toutefois, ce statut et ce règlement ne prévoient pas la possibilité, pour les parties intéressées de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir arrêt du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 30 et jurisprudence citée).

14

À cet égard, il résulte de l’article 252, second alinéa, TFUE que l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui requièrent son intervention, étant entendu que la Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par leur motivation. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec lesdites conclusions ne peut, quelles que soient les questions examinées dans celles-ci, constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (voir arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, points 60 et 61 et jurisprudence citée).

15

Cela étant, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet des débats entre les parties.

16

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

Argumentation des parties

17

Par son premier moyen, Viasat fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que, dans le cadre de l’appréciation par la Commission de la proportionnalité des mesures concernées au regard des exigences posées par l’article 106, paragraphe 2, TFUE, en particulier celles selon lesquelles, d’une part, l’application des règles des traités doit faire échec à l’accomplissement de la mission impartie et, d’autre part, la mise en œuvre de cette mission ne doit pas affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union européenne, cette institution n’était pas tenue de prendre en considération le fait que ces mesures ne répondaient pas aux deuxième et quatrième conditions Altmark. Selon ces conditions, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation pour l’accomplissement du service public doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente et cette compensation doit être déterminée sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée, aurait encourus pour exécuter la mission de service public en cause.

18

Viasat soutient qu’il ressort de la formulation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE que l’exigence selon laquelle l’application des règles des traités, notamment des règles de concurrence, doit faire échec à l’accomplissement de la mission doit être interprétée en ce sens qu’elle renvoie aux autres dispositions du traité. Ainsi, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité d’aides d’État au regard de cet article 106, paragraphe 2, ces autres dispositions devraient être préalablement examinées. Dès lors, en l’espèce, dans ce cadre, il aurait convenu de vérifier si chacune des conditions Altmark faisait échec ou non à l’accomplissement de la mission de service public impartie à TV2. Si cet examen avait eu lieu, la Commission aurait conclu que l’adoption, au profit de TV2, de mesures répondant aux deuxième et quatrième conditions Altmark n’aurait pas fait échec à l’accomplissement de cette mission.

19

Aussi, pour s’assurer du respect des exigences relatives à l’échec de l’accomplissement de la mission en cause et de l’absence d’atteinte au développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union, la Commission aurait dû demander au Royaume de Danemark de prouver que le respect des deuxième et quatrième conditions Altmark aurait empêché l’accomplissement de la mission d’intérêt économique général impartie à TV2.

20

La Commission, le Royaume de Danemark ainsi que TV2 A/S considèrent que le moyen n’est pas fondé.

Appréciation de la Cour

21

Par son premier moyen, Viasat soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue, dans le cadre de son appréciation au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de prendre en considération les deuxième et quatrième conditions Altmark afin de vérifier si le respect desdites conditions aurait empêché l’accomplissement par TV2 de la mission qui lui avait été impartie.

22

À cet égard, il convient de rappeler que pour qu’une mesure nationale puisse être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 39 et jurisprudence citée).

23

Ces conditions étant cumulatives, une mesure étatique ne peut être qualifiée d’aide d’État si l’une d’elles fait défaut. Par contre, si toutes lesdites conditions sont réunies, cette mesure constitue une aide d’État et, partant, sauf dérogations prévues par les traités, est incompatible avec le marché intérieur.

24

En ce qui concerne le troisième critère de qualification d’une mesure en tant qu’aide d’État, il est de jurisprudence constante que sont considérées comme des aides les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, notamment, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 34).

25

Il convient toutefois de rappeler que la Cour a précisé que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 87).

26

Conformément aux points 88 à 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), pour qu’une telle intervention puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public. Quatrièmement, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations.

27

Dans l’hypothèse où les conditions mentionnées au point précédent ne seraient pas remplies, la mesure étatique en cause conférerait un avantage sélectif à l’entreprise qui en est bénéficiaire et, si, par ailleurs, les autres critères énoncés à l’article 107, paragraphe 1, TFUE étaient remplis, cette mesure constituerait une aide en principe incompatible avec le marché intérieur.

28

Quant à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, cette disposition prévoit que les entreprises chargées de la gestion des services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités et, notamment, aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie et que le développement des échanges ne doit être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

29

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le libellé même de l’article 106, paragraphe 2, TFUE montre que des dérogations aux règles du traité ne sont permises que si elles sont nécessaires à l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 54, et du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 106).

30

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas nécessaire que l’équilibre financier ou la viabilité économique de l’entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général soient menacés. Il suffit que, en l’absence des droits litigieux, il soit fait échec à l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise ou que le maintien de ces droits soit nécessaire pour permettre à leur titulaire d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables (voir arrêt du 15 novembre 2007, International Mail Spain, C‑162/06, EU:C:2007:681, point 35 et jurisprudence citée).

31

En permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité, l’article 106, paragraphe 2, TFUE vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu’instrument de politique économique ou fiscale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 55).

32

Ainsi qu’il a été exposé au point 21 du présent arrêt, Viasat considère que la Commission était tenue de vérifier, dans le cadre de son appréciation au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, si le respect des deuxième et quatrième conditions Altmark aurait empêché l’accomplissement par TV2 de la mission qui lui avait été impartie.

33

À cet égard, il y a lieu de relever que, pour procéder à l’examen d’une mesure au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission n’a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, à examiner le respect des conditions posées par la jurisprudence Altmark, en particulier ses deuxième et quatrième conditions.

34

Comme l’a exactement jugé le Tribunal au point 63 de l’arrêt attaqué, le contrôle du respect des conditions posées par cette jurisprudence intervient en amont, c’est-à-dire lors de l’examen de la question de savoir si les mesures en cause doivent être qualifiées d’aides d’État. Cette question est en effet préalable à celle consistant à vérifier, le cas échéant, si une aide incompatible est néanmoins nécessaire à l’accomplissement de la mission impartie au bénéficiaire de la mesure en cause, au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

35

En revanche, il n’y a plus lieu de faire application des conditions posées par la jurisprudence Altmark lorsque la Commission, ayant constaté qu’une mesure devait être qualifiée d’aide, notamment, en ce que l’entreprise bénéficiaire n’est pas en mesure de passer le test de la comparaison avec une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, examine si cette aide est susceptible d’être justifiée au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

36

Cette dernière disposition, étant précisée par le protocole (no 26) sur les services d’intérêt général (JO 2010, C 83, p. 308) ainsi que, s’agissant du domaine en cause en l’espèce, par le protocole (no 29) sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (JO 2010, C 83, p. 312), elle ne saurait être interprétée de manière isolée au regard de son seul libellé, sans qu’il soit tenu compte des précisions apportées par lesdits protocoles.

37

Or, la conclusion figurant au point 35 du présent arrêt est corroborée, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, par les termes du protocole no 29, lequel énonce que « les dispositions des traités sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte ».

38

Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a considéré, dans l’arrêt attaqué, que l’article 106, paragraphe 2, TFUE n’impose pas à la Commission de prendre en considération les deuxième et quatrième conditions Altmark pour décider si une aide d’État est compatible avec le marché intérieur en vertu de cette disposition.

39

Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen tiré d’une violation de l’article 296 TFUE

Argumentation des parties

40

Par son second moyen, Viasat critique les points 103 et 104 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant son moyen en annulation fondé sur la violation par la Commission, dans la décision litigieuse, de son obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE.

41

Viasat fait également grief au Tribunal d’un défaut de réponse aux moyens soulevés dans la requête en première instance.

42

La Commission estime que le second moyen est en partie irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

Appréciation de la Cour

43

Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147 et jurisprudence citée).

44

À cet égard, il convient de relever que, au point 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse en observant que « le silence de la décision à propos du rôle que jouent la deuxième et la quatrième conditions Altmark dans l’appréciation de la compatibilité des mesures concernées avec le marché intérieur n’est pas dû à une erreur de raisonnement de la Commission ou à un défaut de motivation entachant la [décision litigieuse], mais au fait que cette décision applique un cadre d’analyse différent de celui que privilégie [Viasat] ».

45

Ainsi que Viasat l’a admis, la décision litigieuse ne serait insuffisamment motivée que si la Commission avait été tenue d’appliquer le cadre d’analyse qui, selon Viasat, résulte de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

46

Or, il découle du point 37 du présent arrêt que l’article 106, paragraphe 2, TFUE n’imposait pas à la Commission de prendre en considération les deuxième et quatrième conditions Altmark pour décider si une aide d’État est compatible avec le marché intérieur en vertu de cette disposition. Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la décision litigieuse était suffisamment motivée.

47

Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 58 de ses conclusions, le grief tiré d’un défaut de réponse aux moyens soulevés dans la requête en première instance n’est pas suffisamment développé pour que les autres parties au pourvoi puissent y répondre ou que la Cour puisse se prononcer à son sujet. Il est donc irrecevable.

48

Partant, le second moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

49

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

50

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51

La Commission et TV2 A/S ayant conclu à la condamnation de Viasat aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner au paiement de leurs dépens.

52

En vertu de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi par l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

53

Le Royaume de Danemark, en tant que partie intervenante devant le Tribunal, supporte ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Viasat Broadcasting UK Ltd est condamnée au paiement des dépens de la Commission européenne et de TV2/Danmark A/S.

 

3)

Le Royaume de Danemark supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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