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Document 62022CC0727

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 21 mars 2024.


Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:266

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 21 mars 2024 ( 1 )

Affaire C‑727/22

Friends of the Irish Environment CLG

contre

Government of Ireland e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement – Projet Ireland 2040 – National Planning Framework (cadre national de planification) – National Development Plan (plan de développement national) – Plans et programmes financiers ou budgétaires – Identification, description et évaluation de solutions de substitution raisonnables – Incidences sur l’environnement des solutions envisagées »

I. Introduction

1.

La directive 2001/42/CE ( 2 ) régit l’évaluation environnementale dans le cadre de la procédure d’adoption de plans et de programmes. Bien que la Cour ait déjà été sollicitée à de très nombreuses reprises à ce sujet, il reste toujours des questions importantes en suspens. Le présent renvoi préjudiciel porte sur deux de ces questions, à savoir, d’une part, la signification de l’exclusion des plans et programmes financiers ou budgétaires du champ d’application de cette directive, ainsi que, d’autre part, l’évaluation des incidences sur l’environnement des solutions de substitution par rapport au plan ou au programme adopté en définitive. En particulier, la question de l’évaluation des solutions de substitution présente également un enjeu au regard d’autres actes du droit de l’environnement de l’Union prévoyant eux aussi la prise en considération d’autres solutions.

2.

Les questions susvisées se posent dans le contexte d’un recours introduit par une association de défense de l’environnement contre deux mesures prises dans le cadre de la planification du développement national de l’Irlande. Les parties s’opposent sur le point de savoir si la première de ces mesures relève de l’exclusion susvisée et si les incidences des solutions de substitution sur l’environnement ont été étudiées à suffisance dans le cadre de l’évaluation environnementale de la seconde.

II. Le cadre juridique

3.

Selon la déclaration de l’Union lors de l’approbation du protocole à la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, relatif à l’évaluation stratégique environnementale, signé à Kyiv le 21 mai 2003 ( 3 ), ce protocole est mis en œuvre par la directive 2001/42 qui, bien qu’ayant été adoptée avant la conclusion des négociations sur ledit protocole, anticipait déjà celui-ci dans son considérant 7.

4.

Les objectifs de la directive 2001/42 sont notamment énoncés à son article 1er :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

5.

La notion de « plans et programmes » est définie à l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :

élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives[.] »

6.

L’obligation d’effectuer une évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement est énoncée à l’article 3 de la directive 2001/42 :

« 1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)

qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive [2011/92/UE ( 4 )] pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)

pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE[ ( 5 )].

[...]

8.   Les plans et programmes suivants ne sont pas couverts par la présente directive :

les plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile,

les plans et programmes financiers ou budgétaires.

9.   La présente directive ne s’applique pas aux plans et programmes cofinancés au titre des périodes de programmation en cours [...] concernant respectivement les règlements (CE) no 1260/1999 [du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO 1999, L 161, p. 1)] et (CE) no 1257/1999 [du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80)]. »

7.

L’article 5 de la directive 2001/42 définit le contenu de l’évaluation environnementale et prévoit la prise en considération de solutions de substitution :

« 1.   Lorsqu’une évaluation environnementale est requise en vertu de l’article 3, paragraphe 1, un rapport sur les incidences environnementales est élaboré, dans lequel les incidences notables probables de la mise en œuvre du plan ou du programme, ainsi que les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d’application géographique du plan ou du programme, sont identifiées, décrites et évaluées. Les informations requises à cet égard sont énumérées à l’annexe I.

2.   Le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément au paragraphe 1 contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes, du contenu et du degré de précision du plan ou du programme, du stade atteint dans le processus de décision et du fait qu’il peut être préférable d’évaluer certains aspects à d’autres stades de ce processus afin d’éviter une répétition de l’évaluation.

[...] »

8.

L’annexe I de la directive 2001/42 énumère les informations requises au titre de l’article 5 de cette directive :

« Les informations à fournir en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous réserve des paragraphes 2 et 3 dudit article sont les suivantes :

[...]

h)

une déclaration résumant les raisons pour lesquelles les autres solutions envisagées ont été sélectionnées, et une description de la manière dont l’évaluation a été effectuée, y compris toute difficulté rencontrée (les déficiences techniques ou le manque de savoir-faire) lors de la collecte des informations requises ;

[...] »

III. Les faits et la demande de décision préjudicielle

9.

La demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un pourvoi formé devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande) contre les deux branches du projet Ireland 2040 adopté par le gouvernement irlandais le 16 février 2018 et « confirmé » par une décision ultérieure du 29 mai 2018. Le projet Ireland 2040 comprend deux mesures : le National Planning Framework (cadre national de planification, ci-après le « NPF »), qui, de manière très abstraite, décrit les objectifs de développement de l’Irlande, et le National Development Plan (plan de développement national, ci-après le « NDP »), qui contient des déclarations relatives au financement par l’État de certains projets dans ce contexte.

10.

Lors de sa publication, le projet Ireland 2040 a été décrit, dans son avant‑propos, comme visant à établir un plan unifié et cohérent pour l’affectation et le développement des sols au sein du pays et la High Court (Haute Cour, Irlande) l’a décrit comme étant « une stratégie d’aménagement du territoire à l’échelle globale formulant des objectifs généraux de développement du pays pour la période allant jusqu’à 2040 ».

11.

Le projet de NPF, accompagné du SEA Environmental Report (rapport sur les incidences environnementales élaboré dans le cadre de l’évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement, SEA étant l’acronyme de « strategic environmental assessment », qui signifie « évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement »), a été publié le 26 septembre 2017. Dans son avant-propos, le NPF est décrit comme étant « un cadre de planification aux fins de l’orientation des investissements en matière de développement au cours des prochaines années » et comme définissant « un ensemble d’objectifs nationaux et de principes clés qui donneront lieu à des plans plus détaillés et plus précis ». Le NPF ne prévoit pas expressément tous les détails pour l’ensemble du territoire national, mais « permet à chaque région de jouer le rôle principal dans la planification et le développement de ses communautés ».

12.

Il est également indiqué dans l’avant-propos du NPF que le NDP, qui a été publié conjointement au NPF, est un document qui « va de pair » avec ce dernier, le NDP étant décrit comme étant une « stratégie sur dix ans en matière d’investissements de capitaux publics pour un montant de près de 116 milliards d’euros ». Le NDP est un plan d’investissement destiné à assurer et à soutenir la mise en œuvre du NPF par l’investissement de capitaux, ce plan définissant la manière dont le financement sera mis à disposition aux fins de la mise en œuvre de certains projets considérés comme essentiels pour atteindre les résultats stratégiques recensés dans le NPF. Le NDP énumère les importants travaux d’infrastructure qu’il propose de financer, tels que les infrastructures ferroviaires, routières et aéroportuaires. Il n’aborde pas les questions relatives à la planification ou au développement.

13.

Friends of the Irish Environment CLG conteste la validité de l’adoption des deux plans, car cette association estime que les exigences de la directive 2001/42 n’ont pas été respectées. S’agissant du NPF, elle fait valoir que les solutions de substitution raisonnables ont fait l’objet d’un traitement insuffisant par rapport aux exigences de cette directive.

14.

Selon la Supreme Court (Cour suprême), la question préalable qui se pose logiquement est celle de savoir si le NPF et/ou le NDP constituent « un plan ou un programme » au sens de la directive 2001/42. Les parties défenderesses font valoir que, même si le NPF a fait l’objet d’une évaluation aux fins de cette directive, cette évaluation n’a pas été effectuée en vertu d’une obligation juridique. Elles soutiennent par ailleurs que, par sa nature de « politique budgétaire », le NDP est exclu du champ d’application de ladite directive.

15.

La procédure est désormais pendante en troisième instance devant la Supreme Court (Cour suprême), laquelle a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, en ce sens qu’une mesure que l’exécutif d’un État membre n’a adoptée ni en vertu d’une obligation légale ou administrative ni sur la base d’une mesure réglementaire, administrative ou législative est susceptible de constituer un plan ou un programme visé par ladite directive lorsque le plan ou le programme ainsi adopté définit un cadre dans lequel la réalisation de certains projets pourra être autorisée ou refusée à l’avenir et satisfait ainsi au critère de l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive ?

2

a)

Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’article 3, paragraphes 8 et 9, de ladite directive, en ce sens qu’un plan ou un programme qui contient des règles spécifiques, bien que qualifiées d’“indicatives”, pour l’allocation de fonds destinés à la réalisation de certains projets d’infrastructure, en vue de soutenir la stratégie d’aménagement du territoire prévue par un autre plan, qui constitue lui‑même la base d’une stratégie future d’aménagement du territoire, est lui‑même susceptible de constituer un plan ou un programme au sens de la directive 2001/42 ?

b)

En cas de réponse affirmative à la [deuxième question, sous a)], le fait qu’un plan a pour objectif d’allouer des ressources signifie-t-il qu’il doit être assimilé à un plan budgétaire au sens de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 2001/42 ?

3

a)

Convient-il d’interpréter l’article 5 de la directive 2001/42, lu conjointement avec l’annexe I de cette directive, en ce sens que, lorsqu’une évaluation environnementale est requise en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, il convient, dans le rapport sur les incidences environnementales prévu à l’article 5 de ladite directive, lorsque des solutions de substitution raisonnables par rapport à une option privilégiée sont identifiées, de procéder sur une base comparable à une évaluation de l’option privilégiée et des solutions de substitution raisonnables ?

b)

En cas de réponse affirmative à la [troisième question, sous a)], l’exigence posée par la directive 2001/42 est-elle satisfaite lorsque les solutions de substitution raisonnables sont évaluées sur une base comparable préalablement au choix de l’option privilégiée, mais que, par la suite, c’est uniquement au regard de l’option privilégiée que le projet de plan ou de programme est évalué et qu’ensuite une évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement (ESIE) est effectuée de manière plus approfondie ? »

16.

Friends of the Irish Environment, l’Irlande, la République tchèque et la Commission européenne ont présenté des observations écrites et ont été entendues en leurs plaidoiries à l’audience du 8 novembre 2023.

IV. Analyse juridique

17.

Dans la suite des présentes conclusions, nous nous concentrerons sur les deuxième et troisième questions préjudicielles, la jurisprudence ayant entre‑temps fourni une réponse à la première ( 6 ). La Cour a en effet reconnu que peuvent également satisfaire à la condition selon laquelle elles doivent être « exigé[e]s par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives », conformément à l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42, les mesures dont l’adoption ne résulte d’aucune obligation.

18.

La deuxième question préjudicielle vise à déterminer si l’une des deux mesures en cause, à savoir le NDP, réunit les conditions dans lesquelles une évaluation est requise en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 (voir section A). La troisième question préjudicielle porte sur l’évaluation des solutions de substitution prévue à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive dans le contexte de l’adoption de l’autre mesure, à savoir le NPF (voir section B).

A.   Sur la deuxième question préjudicielle, relative à l’allocation de fonds

19.

La deuxième question préjudicielle porte sur la qualification du NDP. La Supreme Court (Cour suprême) cherche à savoir s’il constitue ou non un plan ou un programme au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 (voir section A, sous 1) et, le cas échéant, s’il relève des « plans et programmes financiers ou budgétaires » exclus du champ d’application de cette directive en vertu de l’article 3, paragraphe 8, second tiret, de ladite directive (voir section A, sous 2).

1. Le NDP en tant que cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir

20.

Si la deuxième question préjudicielle, sous a), a bien trait à l’article 3, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 3, paragraphes 8 et 9, de la directive 2001/42, la Supreme Court (Cour suprême) cherche en réalité à savoir, d’après l’exposé des motifs relatifs à cette question ( 7 ), si l’exclusion prévue à l’article 3, paragraphe 8, de cette directive est susceptible de s’appliquer ou si le NDP n’est en tout état de cause soumis à aucune évaluation du fait qu’il ne définit aucun cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ladite directive.

21.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, les plans et programmes élaborés pour certains secteurs doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale dès lors qu’ils définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir.

22.

À cet égard, la Supreme Court (Cour suprême) fonde son argumentation notamment sur la dépendance historique (« path dependency ») ( 8 ) du développement des infrastructures visé par l’allocation de fonds au titre du NDP. En effet, le financement de certaines mesures en matière d’infrastructures est susceptible de déterminer quels autres projets d’infrastructure dépendant de ces mesures pourront être réalisés, certains projets d’infrastructure secondaires étant ainsi exclus de fait.

23.

Par exemple, le financement de la construction d’une autoroute entre deux lieux, au détriment d’un projet de ligne ferroviaire, permettra de créer ou de renforcer d’autres liaisons routières et, partant, de densifier le réseau routier. En revanche, il est possible que les conditions de réalisation de certains autres projets ferroviaires ne soient alors pas réunies, ceux-ci ne pouvant être reliés au réseau ferroviaire en l’absence de la ligne ferroviaire envisagée. En outre, les projets d’infrastructure ont une influence sur certaines autres mesures, telles que l’aménagement de zones d’habitation ou la décision, pour une entreprise, de s’implanter en un lieu donné.

24.

Bien que l’allocation de fonds puisse ainsi influer sur certains projets, il existe deux raisons de douter que le NDP, par ce moyen, définisse le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir. D’une part, il est permis de douter du caractère obligatoire du NDP et, d’autre part, l’allocation de fonds ne relève pas, en soi, des prescriptions susceptibles de s’inscrire dans le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir.

a) Sur le caractère obligatoire des plans et programmes

25.

Comme le souligne à juste titre l’Irlande, la Cour a jugé que seules définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée les mesures qui revêtent à tout le moins un caractère obligatoire pour les autorités compétentes dans le domaine de la délivrance de telles autorisations ( 9 ). En effet, seuls les actes de nature obligatoire sont susceptibles de limiter la marge de manœuvre dont disposent ces autorités et d’exclure ainsi des modalités de la mise en œuvre des projets pouvant s’avérer plus favorables à l’environnement, raison pour laquelle de tels actes doivent être soumis à une évaluation environnementale ( 10 ). Au contraire, des dispositions de valeur purement indicative ( 11 ) ou qui n’exercent qu’une certaine influence sur la localisation de projets ( 12 ) ne définissent pas le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée.

26.

C’est la raison pour laquelle l’Irlande estime que le NDP ne revêt pas un caractère suffisamment obligatoire pour définir le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée.

27.

Va dans ce sens le fait que, dans sa question préjudicielle, la Supreme Court (Cour suprême) considère le NDP comme une mesure qui contient des règles qualifiées d’« indicatives » pour l’allocation de fonds destinés à la réalisation de certains projets d’infrastructure. En effet, si le NDP énumère une longue liste de projets ainsi que les fonds censés leur être alloués, ce n’est qu’à des fins d’illustration. En tout état de cause, l’allocation de fonds est subordonnée à la délivrance d’une autorisation ainsi qu’au respect de toutes les autres lois environnementales en vigueur ( 13 ).

28.

Bien sûr, en ce sens, même l’allocation non obligatoire de fonds à certaines mesures en matière d’infrastructures est susceptible d’influer sur l’élaboration d’autres mesures en matière d’infrastructures ainsi que d’autres projets, et c’est ce sur quoi Friends of the Irish Environment fonde sa position. Certaines mesures en matière d’infrastructures et de développement seront ou non mises à l’étude selon que l’on peut ou non compter sur la réalisation de l’une ou l’autre des mesures dont elles dépendent et pour lesquelles ces fonds ont été alloués.

29.

Par conséquent, il serait conforme à l’objectif de la directive 2001/42 que de tels effets soient eux aussi soumis à une évaluation environnementale. En effet, cette directive vise à garantir que les incidences d’une mesure sur l’environnement soient étudiées et prises en considération avant toute décision ( 14 ).

30.

Cependant, l’effet de déclarations non obligatoires concernant l’allocation de fonds n’est en rien différent de celui d’autres déclarations non contraignantes en matière de planification et de programmes qui ne sont encore soumis à aucune évaluation environnementale.

31.

Par exemple, lorsqu’un gouvernement annonce son intention de mettre en place les conditions pour la réalisation de certaines mesures en matière d’infrastructures, mais qu’une telle annonce ne revêt pas encore de caractère obligatoire pour les autorités, l’on ne saurait y voir à ce stade des prescriptions susceptibles d’être d’ores et déjà soumises à une évaluation environnementale. En effet, cette évaluation devrait plutôt avoir lieu dans le cadre de la procédure censée aboutir à la mise en place des conditions pour la réalisation des mesures en question.

32.

Il est vrai que de telles déclarations font douter que toutes les options sont encore envisageables au moment où est effectuée l’évaluation environnementale ( 15 ), car elles donnent à tout le moins l’impression qu’une décision a déjà été prise. Néanmoins, dans une société démocratique, il doit être possible de débattre des intentions et des objectifs sans que les contributions soient d’emblée soumises à une évaluation environnementale. C’est en cela que la définition d’un cadre se distingue du débat y afférent.

33.

Si les juridictions nationales devaient confirmer le caractère non obligatoire de l’allocation de fonds, l’on ne saurait en tout état de cause considérer que le NDP définit le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir.

b) Sur le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée

34.

Par ailleurs, même s’il devait s’avérer qu’elle revêt un caractère obligatoire, l’allocation de fonds, par sa nature même, ne définit pas, en soi, le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée.

35.

Selon une jurisprudence constante, il convient d’entendre par « cadre », dans ce contexte, les actes qui définissent des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné et qui établissent de ce fait un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ( 16 ). La Cour a récemment précisé que ces critères et ces modalités englobent la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement de tels projets, ou l’allocation de ressources liée à ces projets ( 17 ).

36.

À première vue, il semblerait que l’allocation de fonds puisse faire partie du cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir, car elle a trait à l’allocation de ressources. Toutefois, l’on ne saurait déduire en définitive de la précision apportée par la Cour que l’allocation de fonds s’inscrit dans le cadre visé à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42.

37.

Comme le relève à juste titre la Commission, la Cour reprend à cet égard mot pour mot l’énoncé, à l’annexe II, point 1, premier tiret, de la directive 2001/42, de critères permettant de déterminer l’ampleur probable des incidences notables sur l’environnement. Dans ce contexte, le critère de l’allocation de ressources fait référence à l’objectif d’une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles visé au considérant 1 de cette directive ainsi qu’à l’article 191, paragraphe 1, troisième tiret, TFUE. Il s’agit donc de ressources telles que l’eau, le sol ou les matières premières ( 18 ) dont l’allocation a un impact direct sur l’environnement. Au contraire, l’allocation de ressources financières ne présente qu’un lien indirect avec des incidences potentiellement notables sur l’environnement.

38.

Ainsi, l’évaluation porte non pas sur le financement du projet, mais uniquement sur les mesures concernant sa localisation, sa nature, sa taille et les conditions de son fonctionnement, ou l’allocation de ressources naturelles liée à ce projet. Il conviendrait même plutôt d’éviter, en tant que répétition inutile de l’évaluation ( 19 ) au sens du considérant 9 et de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/42, une évaluation en parallèle de la décision de financement dont il est loin d’être certain qu’elle apportera des éléments supplémentaires.

39.

D’après les informations dont nous disposons, il semblerait que le NDP ne définisse pas de règles ou de procédures de contrôle autonomes englobant la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement de tels projets, ou l’allocation de ressources naturelles liée à ces projets. Au contraire, les projets qu’il énumère sont soumis à des procédures de planification et d’autorisation propres ( 20 ) dans le cadre desquelles une évaluation des incidences sur l’environnement peut avoir lieu. Par ailleurs, d’après la question préjudicielle posée, l’allocation des fonds au titre du NDP vise à soutenir la stratégie d’aménagement du territoire prévue par un autre plan, à savoir le NPF, lequel a, quant à lui, fait l’objet d’une évaluation environnementale.

c) Conclusion intermédiaire

40.

Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle, sous a), que des mesures non obligatoires ou l’allocation de ressources financières pour des projets d’infrastructure ne définissent pas un cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 et, partant, ne sont soumises à aucune évaluation environnementale préalable au titre de cette disposition.

2. Sur la portée de l’exclusion des plans et programmes financiers ou budgétaires

41.

Dès lors que, d’après les considérations relatives à la deuxième question préjudicielle, sous a), l’allocation de fonds ne définit pas, en soi, un cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, il n’y a en principe pas lieu de déterminer si un plan ou un programme ayant pour objectif d’allouer des ressources financières échappe au champ d’application de la directive 2001/42 au motif qu’il relève de la notion de « plans et programmes financiers ou budgétaires » au sens de l’article 3, paragraphe 8, de cette directive.

42.

Par conséquent, il y a simplement lieu de faire observer à cet égard que l’exclusion des plans et programmes financiers ou budgétaires du champ d’application de la directive 2001/42 concerne uniquement le contenu de ces plans ou de ces programmes qui revêt un tel caractère. Comme l’explique à juste titre la Commission, dès lors que la mesure en cause contient d’autres prescriptions qui ne revêtent pas un caractère financier ou budgétaire, celles-ci sont susceptibles de faire l’objet d’une évaluation environnementale, pour autant qu’elles définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets peut être autorisée. Dans le cas contraire, les États membres pourraient aisément contourner l’obligation d’effectuer une évaluation environnementale ( 21 ) en combinant des plans ou programmes soumis à cette évaluation avec des mesures financières ou budgétaires.

B.   Sur la troisième question préjudicielle, relative à l’évaluation de solutions de substitution par rapport au NPF

43.

La troisième question préjudicielle concerne l’ampleur de l’évaluation des solutions de substitution par rapport à l’autre branche du projet Ireland 2040, à savoir le NPF. Par sa troisième question, sous a), la Supreme Court (Cour suprême) cherche à savoir s’il convient, dans le rapport sur les incidences environnementales prévu à l’article 5 de la directive 2001/42, de procéder sur une base comparable à une évaluation de l’option privilégiée et des solutions de substitution raisonnables lorsque celles-ci ont été identifiées. En cas de réponse affirmative, la troisième question préjudicielle, sous b), vise à déterminer s’il peut néanmoins y avoir une différence entre la comparaison des solutions de substitution et l’évaluation, plus approfondie, de l’option retenue. Nous répondrons conjointement à ces deux sous-questions.

44.

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/42, un rapport sur les incidences environnementales est élaboré, dans lequel les incidences notables probables de la mise en œuvre du plan ou du programme, ainsi que les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d’application géographique du plan ou du programme, sont identifiées, décrites et évaluées.

45.

Il s’ensuit que le rapport sur les incidences environnementales doit également inclure les solutions de substitution raisonnables. Cependant, l’on pourrait, comme l’Irlande, comprendre cette disposition en ce sens que seules doivent être identifiées, décrites et évaluées les incidences notables probables de l’option privilégiée sur l’environnement. Va également dans ce sens le fait que les autres dispositions de la directive 2001/42 ont trait à l’évaluation environnementale du plan ou du programme concerné et non à l’évaluation des solutions de substitution raisonnables.

46.

Toutefois, la Commission souligne que, d’après au moins la version en langue néerlandaise de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/42, les incidences notables des solutions de substitution sur l’environnement doivent elles aussi être identifiées, décrites et évaluées. En tout état de cause, l’évaluation des solutions de substitution, qui est prévue dans toutes les versions linguistiques, peut inclure l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement, ce qui supposerait qu’elles soient identifiées et décrites.

47.

Une telle prise en considération des incidences des solutions de substitution sur l’environnement est conforme à l’objectif de la directive 2001/42 qui, d’après son considérant 4 et son article 1er, a pour objet de contribuer, au travers de l’évaluation environnementale, à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes. Une évaluation des solutions de substitution qui ne tiendrait pas compte de leurs incidences sur l’environnement ne serait pas conforme à cet objectif.

48.

Au contraire, la prise en compte de considérations environnementales revêt une importance particulière pour le choix d’une option parmi différentes solutions. Comme le souligne la Commission, la raison pour laquelle la directive 2001/42 a été adoptée est précisément qu’on a constaté, dans le cadre de l’autorisation de projets au titre de la directive 85/337, que certaines options plus favorables à l’environnement étaient souvent exclues du fait de l’existence d’exigences antérieures ( 22 ). Ainsi, l’évaluation environnementale doit à tout le moins garantir que les États membres n’adoptent de telles exigences que s’ils sont conscients de l’existence de solutions de substitution plus respectueuses de l’environnement.

49.

Par conséquent, les incidences sur l’environnement des solutions de substitution raisonnables doivent également être identifiées, décrites et évaluées dans le rapport sur les incidences environnementales.

50.

Néanmoins, la portée de cette obligation est limitée, conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/42, aux informations qui peuvent être raisonnablement exigées. À cet égard, il s’agit déjà de la deuxième fois que l’article 5 de cette directive invoque la notion de « raison » puisque, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, seules les solutions de substitution raisonnables doivent faire l’objet d’une évaluation. De ce fait, cette notion joue le rôle d’un filtre censé éviter que ne soient dispensés des efforts disproportionnés aux fins de l’évaluation.

51.

Il convient de commencer par identifier les solutions de substitution raisonnables pour lesquelles une évaluation plus approfondie entre en ligne de compte. À cette fin, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/42 cite les objectifs et le champ d’application géographique du plan ou du programme à titre de points de repère. En règle générale, les solutions de substitution qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs du plan ou du programme ou qui sortent de son champ d’application géographique ne sont pas raisonnables et n’appellent pas d’évaluation plus approfondie.

52.

Toutefois, les autorités compétentes doivent veiller à ne pas indûment restreindre le cadre de l’évaluation en définissant les objectifs ou le champ d’application géographique du plan ou du programme de telle sorte que certaines solutions de substitution potentiellement raisonnables seraient exclues d’emblée.

53.

La même idée sous-tend l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/42. Aux termes de cette disposition, il convient de tenir compte du stade atteint par le plan ou le programme dans le processus de décision et du fait qu’il peut être préférable d’évaluer certains aspects à d’autres stades de ce processus afin d’éviter une répétition de l’évaluation. Par exemple, dans le cadre d’un plan portant sur la création d’un grand axe routier, on peut se demander si la création d’une liaison ferroviaire doit faire l’objet d’une étude en tant que solution de substitution raisonnable. Cependant, une telle évaluation est superflue si la décision à l’origine du projet de construction découle d’un plan d’ensemble dans le cadre duquel ces deux solutions ont déjà fait l’objet d’une comparaison.

54.

S’agissant des informations permettant d’identifier des solutions de substitution raisonnables, l’annexe I, sous h), de la directive 2001/42 précise que les informations à fournir dans le rapport sur les incidences environnementales doivent inclure une déclaration résumant seulement les raisons pour lesquelles les autres solutions envisagées ont été sélectionnées. Ces informations doivent permettre de comprendre pourquoi les solutions de substitution envisagées sont considérées comme raisonnables par rapport à d’autres solutions, c’est-à-dire comment ces solutions de substitution raisonnables ont été identifiées.

55.

Or, la notion de « déclaration résumant » ces raisons ne fait pas référence à la description et à l’évaluation des solutions de substitution raisonnables. Partant, elle ne saurait être invoquée pour restreindre la portée desdites informations.

56.

Au contraire, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/42 énonce les informations qui, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes, du contenu et du degré de précision du plan ou du programme et des autres aspects cités au point 53 des présentes conclusions, peuvent être raisonnablement exigées.

57.

Néanmoins, l’un des critères les plus importants pour le contenu du rapport sur les incidences environnementales fait défaut : l’inclusion des incidences sur l’environnement doit notamment permettre de démontrer que le plan ou le programme est compatible avec les exigences substantielles pertinentes du droit de l’environnement ( 23 ). En effet, toute incidence sur l’environnement contraire aux dispositions du droit de l’environnement serait en tout état de cause notable ( 24 ).

58.

À cet égard, il convient de penser, s’agissant de l’évaluation d’autres solutions, à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43, par exemple, lequel est applicable dès lors qu’un projet ou programme porte atteinte à un site Natura 2000. Dans un tel cas, le rapport sur les incidences environnementales doit permettre de démontrer qu’il n’existe aucune solution alternative imposant une charge moindre sur ce site ( 25 ). Des évaluations similaires sont notamment prévues à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 92/43, à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE ( 26 ) ainsi qu’à l’article 4, paragraphe 7, sous d), de la directive 2000/60/CE ( 27 ).

59.

La directive 2001/42, quant à elle, ne prévoit pas de critères substantiels en ce qui concerne le choix d’une solution. Partant, elle n’impose pas aux autorités compétentes de sélectionner l’option qui affecte le moins l’environnement. Comme indiqué plus haut ( 28 ), l’évaluation environnementale vise uniquement à ce que la décision concernant le choix de la solution soit prise compte tenu des incidences notables potentielles sur l’environnement.

60.

En sus des indications contenues à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/42, deux autres aspects sont déterminants pour l’identification des informations qui peuvent être raisonnablement exigées, pour autant que le choix d’une option parmi différentes solutions ne dépende pas d’exigences substantielles imposées par d’autres actes. Premièrement, ces informations doivent rendre possible une comparaison entre l’option privilégiée et les solutions de substitution au regard des arguments pertinents pour la prise de décision. Deuxièmement, lesdites informations doivent permettre la prise en compte des considérations environnementales pertinentes dans le cadre de cette comparaison.

61.

Dès lors que le choix de la solution repose avant tout, par exemple, sur des considérations liées aux coûts, il convient à tout le moins d’identifier et de décrire les coûts de toutes les solutions de substitution raisonnables dans une mesure qui fasse clairement apparaître les coûts des différentes options les unes par rapport aux autres. Cependant, il faut aussi qu’apparaissent clairement, le cas échéant, les effets négatifs sur l’environnement d’une solution qui présente un avantage par rapport aux autres en matière de coûts dès lors que le choix d’une autre option permettrait d’éviter ces effets. À défaut, il ne serait pas possible de tenir compte à suffisance de ces considérations environnementales lors du choix d’une option parmi les solutions envisagées.

62.

Ces exigences n’excluent pas que l’option privilégiée fasse l’objet d’une évaluation environnementale plus approfondie que les autres solutions envisagées. Tel sera notamment le cas lorsque, même compte tenu des incidences sur l’environnement, l’option privilégiée, par ses avantages, l’emporte assez nettement sur les solutions de substitution envisagées. Dans un tel cas, le fait de disposer d’informations détaillées au sujet des solutions de substitution envisagées ne servirait aucune fonction spécifique, alors que les informations relatives aux incidences de l’option privilégiée sur l’environnement sont importantes pour la mise en œuvre future du plan ou du programme.

63.

En revanche, si les avantages et les inconvénients des différentes options présentent un poids similaire, il devient plus difficile de justifier la décision concernant le choix de la solution. Dans un tel cas, il est possible qu’il faille inclure dans le rapport sur les incidences environnementales des informations plus détaillées en ce qui concerne les solutions de substitution raisonnables, même si cela requiert un travail considérable.

64.

S’agissant des informations contenues dans le rapport sur les incidences environnementales litigieux, il n’est pas possible de déterminer s’il a été tenu compte d’éventuelles exigences substantielles prévues par d’autres actes ou si celles-ci étaient même pertinentes pour la prise de décision. Par ailleurs, il apparaît que le chapitre du rapport sur les incidences environnementales litigieux relatif aux solutions de substitution explicite effectivement les solutions de substitution envisagées ainsi que la décision sélectionnant l’option privilégiée et contient des informations au sujet de ses incidences sur l’environnement, mais que ces informations se réduisent essentiellement à une matrice dans laquelle figurent uniquement des indicateurs évalués à l’aide de « plus » et de « moins » ( 29 ). Ce rapport n’explique pas d’où sont issus ces indicateurs ni dans quelle mesure ils ont été pris en considération dans le cadre du choix de la solution.

65.

Cette manière de procéder découle peut-être du fait que le NPF présente un niveau d’abstraction élevé, en ce sens qu’il ne prévoit aucun projet concret, ainsi que des connaissances préalables du public concerné.

66.

Néanmoins, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si, dans ce contexte, les motifs ayant conduit au choix de l’option privilégiée et les incidences sur l’environnement des solutions de substitution envisagées ont été présentés de manière compréhensible (ce qui, selon Friends of the Irish Environment, n’est pas le cas).

67.

Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question préjudicielle que, conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/42, le rapport sur les incidences environnementales doit inclure les informations relatives aux solutions de substitution raisonnables envisagées par rapport au plan ou au programme adopté qui sont nécessaires aux fins de :

vérifier que les exigences en matière d’évaluation des solutions de substitution imposées par d’autres actes ont été respectées et

comprendre les raisons pour lesquelles le plan ou le programme a été adopté plutôt que les solutions de substitution envisagées, compte tenu de leurs incidences respectives sur l’environnement.

V. Conclusion

68.

En conséquence, nous proposons à la Cour de répondre aux deuxième et troisième questions de la demande de décision préjudicielle de la manière suivante :

1)

Des mesures non obligatoires ou l’allocation de ressources financières pour des projets d’infrastructure ne définissent pas un cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, et, partant, ne sont soumises à aucune évaluation environnementale préalable au titre de cette disposition.

2)

Conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/42, le rapport sur les incidences environnementales doit inclure les informations relatives aux solutions de substitution raisonnables envisagées par rapport au plan ou au programme adopté qui sont nécessaires aux fins de :

vérifier que les exigences en matière d’évaluation des solutions de substitution imposées par d’autres actes ont été respectées et

comprendre les raisons pour lesquelles le plan ou le programme a été adopté plutôt que les solutions de substitution envisagées, compte tenu de leurs incidences respectives sur l’environnement.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).

( 3 ) JO 2008, L 308, p. 35, approuvé par la décision 2008/871/CE du Conseil, du 20 octobre 2008, concernant l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale à la convention de la CEE-ONU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo en 1991 (JO 2008, L 308, p. 33). Le Conseil a approuvé la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991, par décision du 15 octobre 1996 (document du Conseil 8931/96 du 17 juillet 1996). Cette convention est reproduite au Journal officiel de l’Union européenne sous les références JO 1992, C 104, p. 7.

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 124, p. 1), qui abroge et remplace la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40).

( 5 ) Directive du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193).

( 6 ) Voir, notamment, arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, points 35 à 52).

( 7 ) Voir, notamment, demande de décision préjudicielle (points 32 à 35).

( 8 ) Voir l’utilisation de ce terme à la section 3.1 de l’annexe I de la communication COM(2011) 815 final de la Commission, du 23 novembre 2011, intitulée « Examen annuel de la croissance 2012 », ainsi qu’à l’appendice A, ESRS 2, AR 1, sous d), de l’annexe I, ESRS E4, du règlement délégué (UE) 2023/2772 de la Commission, du 31 juillet 2023, complétant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes d’information en matière de durabilité (JO L, 2023/2772, p. 142).

( 9 ) Arrêts du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, point 77), et du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 49).

( 10 ) Arrêt du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 50).

( 11 ) Arrêts du 12 juin 2019, Terre wallonne (C‑321/18, EU:C:2019:484, point 44) ; du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, point 76), et du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 49).

( 12 ) Arrêt du 22 février 2022, Bund Naturschutz in Bayern (C‑300/20, EU:C:2022:102, point 69).

( 13 ) « National Development Plan 2021‑2030 » du gouvernement irlandais, dans sa version du 4 octobre 2021, disponible à l’adresse suivante : https://www.gov.ie/en/publication/774e2-national-development-plan-2021‑2030/ (p. 50).

( 14 ) Voir arrêt du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 58).

( 15 ) Voir article 8, paragraphe 1, du protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale à la convention de la CEE-ONU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière signée à Espoo en 1991 ; article 6, paragraphe 4, et article 7 de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (JO 2005, L 124, p. 4), approuvée par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2005, L 124, p. 1), ainsi que article 6, paragraphe 4, de la directive 2011/92.

( 16 ) Arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:816, point 49) ; du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, point 67), et du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 38).

( 17 ) Arrêt du 22 février 2022, Bund Naturschutz in Bayern (C‑300/20, EU:C:2022:102, point 62).

( 18 ) Dans son arrêt du 26 septembre 2013, IBV & Cie (C‑195/12, EU:C:2013:598, point 74), par exemple, la Cour a considéré que le bois de chauffage constitue une ressource naturelle.

( 19 ) Voir aussi nos conclusions dans l’affaire Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑567/10, EU:C:2011:755, point 42) ainsi que dans l’affaire D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:561, point 65).

( 20 ) Voir note en bas de page 13 des présentes conclusions.

( 21 ) En ce qui concerne le risque de contournement, voir arrêts du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, points 48 et 70), ainsi que du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, point 32).

( 22 ) Arrêt du 9 mars 2023, An Bord Pleanála e.a. (Site de St Teresa’s Gardens) (C‑9/22, EU:C:2023:176, points 57 et 58 ainsi que jurisprudence citée), et nos conclusions antérieures dans les affaires jointes Terre wallonne et Inter-Environnement Wallonie (C‑105/09 et C‑110/09, EU:C:2010:120, point 32 et jurisprudence citée).

( 23 ) En ce qui concerne la directive 2011/92, voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 2020, Land Nordrhein-Westfalen (C‑535/18, EU:C:2020:391, point 81), et du 24 février 2022, Namur-Est Environnement (C‑463/20, EU:C:2022:121, point 52).

( 24 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:32, points 54 et 55) ainsi que dans l’affaire Namur-Est Environnement (C‑463/20, EU:C:2021:868, point 45), et, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » e.a. (C‑375/21, EU:C:2023:173, point 50).

( 25 ) Voir arrêts du 26 octobre 2006, Commission/Portugal (C‑239/04, EU:C:2006:665, points 36 à 39) ; du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a. (C‑399/14, EU:C:2016:10, point 74), et du 16 juillet 2020, WWF Italia Onlus e.a. (C‑411/19, EU:C:2020:580, point 40).

( 26 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), telle que modifiée par le règlement (UE) 2019/1010 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019 (JO 2019, L 170, p. 115).

( 27 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1), telle que modifiée par la directive 2014/101/UE de la Commission, du 30 octobre 2014 (JO 2014, L 311, p. 32).

( 28 ) Voir point 47 des présentes conclusions.

( 29 ) Strategic Environmental Assessment, Environmental Report, Ireland 2040 – Our Plan (Évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement, Rapport sur les incidences environnementales, Irlande 2040 – Notre plan), septembre 2017, chapitre 7, p. 121 à 132, disponible à l’adresse suivante : https://www.npf.ie/wp-content/uploads/2017/09/Environmental-Report-%E2%80%93-Ireland-2040.pdf (consulté le 22 février 2024).

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