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Document 62019CJ0662

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 14 octobre 2021.
NRW. Bank contre Conseil de résolution unique.
Pourvoi – Union économique et monétaire – Union bancaire – Redressement et résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Conseil de résolution unique (CRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Fixation de la contribution ex ante pour l’année 2016 – Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Acte attaquable – Acte confirmatif.
Affaire C-662/19 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:846

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 octobre 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Union économique et monétaire – Union bancaire – Redressement et résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Conseil de résolution unique (CRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Fixation de la contribution ex ante pour l’année 2016 – Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Acte attaquable – Acte confirmatif »

Dans l’affaire C‑662/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 septembre 2019,

NRW.Bank, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes J. Seitz, J. Witte et D. Flore, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme H. Ehlers ainsi que par MM. J. Kerlin et P. A. Messina, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, S. Schelo, T. Klupsch et S. Ianc, Rechtsanwälte,

partie défenderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A. Sikora-Kalėda et M. J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée initialement par MM. D. Triantafyllou et K.-P. Wojcik ainsi que par Mme A. Steiblytė, puis par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme A. Prechal, M. F. Biltgen, Mme L. S. Rossi et M. N. Wahl (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, NRW.Bank demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2019, NRW.Bank/CRU (T‑466/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:445), par lequel celui-ci a rejeté son recours visant à l’annulation, d’une part, de la décision du Conseil de résolution unique (CRU) dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (FRU) (SRB/ES/SRF/2016/06) (ci-après la « première décision litigieuse »), et, d’autre part, de la décision du CRU dans sa session exécutive du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour l’année 2016 au FRU, complétant la première décision litigieuse (SRB/ES/SRF/2016/13) (ci-après la « seconde décision litigieuse » et, ensemble avec la première décision litigieuse, les « décisions litigieuses »), en ce qu’elles la concernent.

Le cadre juridique

Le règlement (UE) no 806/2014

2

L’article 54, paragraphe 1, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), prévoit :

« Le CRU en session exécutive :

a)

prépare toutes les décisions à adopter par le CRU en session plénière ;

b)

prend toutes les décisions pour mettre en œuvre le présent règlement, sauf disposition contraire du présent règlement. »

3

L’article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 dispose :

« Les contributions visées aux articles 69, 70 et 71 sont perçues auprès des entités visées à l’article 2 par les autorités de résolution nationales et transférées au [FRU] conformément à l’accord [entre les États membres participants]. »

4

L’article 69 dudit règlement, intitulé « Niveau cible », énonce, à son paragraphe 1 :

« Au terme d’une période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 ou, autrement, à compter de la date d’application du présent paragraphe en vertu de l’article 99, paragraphe 6, les moyens financiers disponibles du [FRU] atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants. »

5

L’article 70 du règlement no 806/2014, intitulé « Contributions ex ante », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2.   Chaque année, le CRU, après consultation de la [Banque centrale européenne (BCE)] ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

Chaque année, le calcul de la contribution de chaque établissement s’appuie sur :

a)

une contribution forfaitaire, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participants ; et

b)

une contribution en fonction du profil de risque, fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190)], tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.

Le rapport entre la contribution forfaitaire et la contribution en fonction du profil de risque est défini avec le souci d’une répartition équilibrée des contributions entre les différents types de banques.

En tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, calculées en vertu des points a) et b), ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible. »

Le règlement délégué (UE) 2015/63

6

L’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive [2014/59] en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44), prévoit :

« Les passifs suivants sont exclus du calcul des contributions visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive [2014/59] :

[...]

b)

les passifs créés par un établissement qui est membre d’un système de protection institutionnel (SPI) au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 8), de la directive [2014/59] et qui a été autorisé par l’autorité compétente à appliquer l’article 113, paragraphe 7, du [règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)], via un accord conclu avec un autre établissement qui est membre du même SPI ;

[...]

f)

dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement, les passifs de l’établissement intermédiaire envers la banque initiatrice, une autre banque de développement ou un autre établissement intermédiaire, et les passifs de la banque de développement initiatrice envers ses bailleurs de fonds, dans la mesure où le montant des prêts de développement gérés par cet établissement ou cette banque couvre le montant de ces passifs. »

7

L’annexe I du règlement délégué 2015/63, intitulée « Procédure de calcul des contributions annuelles des établissements », expose la formule, les procédures et les étapes de calcul de ces contributions. L’étape 6 de ce calcul, intitulée « Calcul des contributions annuelles », est ainsi détaillée :

« 1. L’autorité de résolution rééchelonne l’indicateur composite final FCIn résultant de l’étape 5 sur l’échelle définie à l’article 9, en appliquant la formule suivante :

Image

où les arguments des fonctions minimum et maximum sont les valeurs de tous les établissements contribuant au dispositif de financement pour la résolution pour lesquels l’indicateur composite final est calculé.

2. L’autorité de résolution calcule la contribution annuelle de chaque établissement n, sauf en ce qui concerne les établissements relevant de l’article 10 et la partie forfaitaire des contributions des établissements auxquels les États membres appliquent l’article 20, paragraphe 5, comme étant égale à :

Image

où :

p, q indexe les établissements ;

Target désigne le niveau cible annuel déterminé par l’autorité de résolution conformément à l’article 4, paragraphe 2, moins la somme des contributions calculées conformément à l’article 10 et moins la somme Bn des montants forfaitaires qui peuvent être payés au titre de l’article 20, paragraphe 5 ;

désigne le total du passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts de l’établissement n, tel qu’ajusté conformément à l’article 5 et sans préjudice de l’application de l’article 20, paragraphe 5. »

Le règlement d’exécution (UE) 2015/81

8

L’article 5 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 (JO 2015, L 15, p. 1), dispose :

« 1.   Le CRU communique aux autorités de résolution nationales concernées ses décisions sur le calcul des contributions annuelles des établissements agréés sur leurs territoires respectifs.

2.   Après réception de la communication visée au paragraphe 1, chaque autorité de résolution nationale notifie à chaque établissement agréé dans son État membre la décision du CRU sur le calcul de la contribution annuelle due par cet établissement. »

Les antécédents du litige

9

Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 9 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

10

NRW.Bank est la banque de développement du Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne). Elle poursuit essentiellement trois types d’activités, à savoir des activités de développement, des activités auxiliaires de développement et d’autres activités.

11

Au cours de l’année 2015, avant l’entrée en vigueur du règlement no 806/2014 et en application de la directive 2014/59, telle que complétée par le règlement délégué 2015/63, l’autorité de régulation allemande, la Bundesanstalt für Finanzmarktstabilisierung (Autorité fédérale de stabilisation des marchés financiers, Allemagne) (ci-après la « FMSA ») a fixé la contribution ex ante de la requérante pour l’année 2015 au titre de l’article 103 de cette directive, tout en considérant qu’il fallait exclure du calcul de cette contribution aussi bien les activités de développement de la requérante que ses activités auxiliaires de développement.

12

Au cours de l’année 2016, dans le formulaire intitulé « Contributions ex ante au [FRU] – Formulaire de déclaration pour la période de contribution 2016 », établi par le CRU et transmis par la FMSA à la requérante, cette dernière a, dans un premier temps, déclaré comme devant être exclue du calcul de sa contribution ex ante pour l’année 2016, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, la somme de tous ses engagements liés à ses activités de développement et à ses activités auxiliaires de développement. Toutefois, après avoir été informée que, selon le CRU, les activités auxiliaires de développement ne devaient pas être exclues de ce calcul, elle a déposé un formulaire de déclaration corrigé selon lequel seule la valeur totale des engagements liés à ses activités de développement devait être exclue.

13

Par la première décision litigieuse, le CRU a, dans sa session exécutive du 15 avril 2016, établi, sur le fondement de l’article 54, paragraphe 1, sous b), et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, le montant de la contribution ex ante de chacune des entités visées à l’article 2 de ce règlement, dont la requérante, pour l’année 2016.

14

Par avis de perception du 22 avril 2016, reçu par la requérante le 25 avril 2016, la FMSA a informé cette dernière que le CRU avait fixé sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2016, et lui a indiqué le montant à payer.

15

Par la seconde décision litigieuse, le CRU a, dans sa session exécutive du 20 mai 2016, procédé à l’ajustement des contributions ex ante au FRU pour l’année 2016 et a majoré la contribution de la requérante.

16

Par avis de perception du 10 juin 2016, reçu par la requérante le 13 juin 2016, la FMSA a informé cette dernière qu’elle devait acquitter le montant de la majoration visée au point précédent du présent arrêt et résultant de la seconde décision litigieuse.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2016, la requérante a introduit un recours visant à contester le montant de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2016 en ce que les activités auxiliaires de développement n’avaient pas été privilégiées et que, par conséquent, sa contribution avait été fixée à un niveau excessif. À l’appui de ce recours, elle s’est prévalue, en substance, de la méconnaissance de l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59, de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et des règlements d’exécution de ces textes ainsi que de l’illégalité de ces derniers.

18

Par décisions des 10 et 11 janvier 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d’intervention de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne au soutien du CRU.

19

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, sans statuer sur les moyens invoqués par la requérante, a rejeté le recours comme étant irrecevable et a condamné cette dernière aux dépens.

Les conclusions des parties

20

La requérante demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué et la décision du CRU fixant sa contribution annuelle au FRU pour 2016 ;

à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

de condamner le CRU aux dépens.

21

Le CRU demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi comme étant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

de condamner la requérante à supporter les dépens du pourvoi et de la procédure devant le Tribunal, et

dans l’hypothèse où la Cour considérerait le pourvoi comme étant fondé, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal en vue d’un jugement final et de réserver les dépens du pourvoi.

22

Le Conseil demande à la Cour, dans l’hypothèse où elle annulerait l’arrêt attaqué, qu’il soit constaté qu’aucun élément ne permet de remettre en cause la légalité ou la validité du règlement d’exécution 2015/81.

23

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

24

À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE ainsi que de l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, et, le second, d’une violation du droit d’être entendu.

Argumentation des parties

25

Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 60 de son règlement de procédure en jugeant qu’elle n’avait pas respecté le délai pour former un recours en annulation. Ce moyen comporte quatre branches, la première étant avancée à titre principal et les trois suivantes à titre subsidiaire.

26

Par les première et deuxième branches du premier moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans la mesure où le délai de recours a été respecté quelle que soit l’appréciation portée sur la seconde décision litigieuse.

27

À cet égard, la requérante fait valoir, d’une part, que la seconde décision litigieuse constitue une nouvelle décision sur le fond et n’est pas purement confirmative de la première décision litigieuse. Les décisions litigieuses détermineraient pour la requérante des contributions annuelles qui ne sont pas les mêmes de sorte que sa situation juridique a été modifiée par la seconde décision litigieuse. En outre, cette dernière serait fondée sur de nouveaux éléments, tels que l’appréciation modifiée d’un indicateur partiel essentiel, et ne constituerait pas la rectification d’une simple erreur de calcul.

28

D’autre part, la requérante soutient que, à supposer même que la seconde décision litigieuse n’ait pas entièrement remplacé la première décision litigieuse, mais l’ait modifiée, son recours contre la seconde décision litigieuse n’était pas tardif. Dans ce cadre, elle reproche notamment au Tribunal de ne pas avoir analysé l’incidence de l’arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, EU:C:2007:608), portant sur la modification des règlements, ni indiqué les raisons pour lesquelles les principes découlant de celui-ci ne seraient pas applicables en l’espèce, alors qu’il en résulte que la modification d’un acte, même définitif, fait courir un nouveau délai de recours tant en ce qui concerne la disposition modifiée que pour l’ensemble des dispositions de cet acte.

29

Le CRU fait valoir que la requérante conteste essentiellement l’examen des faits par le Tribunal et que son argumentation est irrecevable. Il ajoute que la seconde décision litigieuse ne se fonde sur aucun fait nouveau en rapport avec l’objet du litige, à savoir l’exclusion des passifs liés aux activités auxiliaires de développement du calcul des contributions ex ante au FRU pour l’année 2016. Le calcul des contributions établies dans cette décision rectifierait une faute de frappe accidentelle quant à l’indicateur SPI concernant l’appartenance à un système de protection institutionnel dans la formule de calcul, sans impliquer l’appréciation de faits nouveaux ni une nouvelle évaluation juridique, de sorte que ladite décision constituerait un acte confirmatif en ce qui concerne l’objet du litige. Par conséquent, la circonstance que les décisions litigieuses établissent des montants de contribution différents pour la requéranten’altérerait pas la conclusion selon laquelle, en ce qui concerne l’objet du litige, la seconde décision litigieuse confirme la première décision litigieuse.

30

S’agissant de l’argumentation portant sur la jurisprudence issue de l’arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, EU:C:2007:608), le CRU estime qu’elle est irrecevable car dénuée d’arguments spécifiques dirigés contre l’arrêt attaqué. En outre, cette jurisprudence porterait sur un acte législatif d’application générale, de sorte qu’elle ne serait pas pertinente s’agissant d’une décision individuelle. Enfin, la requérante n’aurait ni allégué ni prouvé que les parties non modifiées de la première décision litigieuse forment un ensemble avec les parties modifiées par la seconde décision litigieuse.

31

Le Conseil et la Commission, ayant, de même que devant le Tribunal, limité leurs observations à l’invalidité, à l’interprétation et à l’application de la réglementation pertinente et, en particulier, du règlement d’exécution 2015/81, se sont limités à faire respectivement valoir que ce règlement et les décisions du CRU n’étaient entachés d’aucune illégalité, sans prendre position sur le premier moyen.

Appréciation de la Cour

32

Il y a lieu de rappeler, s’agissant de la première décision litigieuse, que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir établi que les décisions litigieuses n’avaient été ni publiées ni notifiées à la requérante qui n’en était pas destinataire, a indiqué que, dans un tel cas, le délai de recours ne court qu’à partir du moment où l’intéressé a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, à condition qu’il en demande le texte intégral dans un délai raisonnable. Dans ce cadre, le Tribunal a constaté que la requérante avait eu connaissance de l’existence de cette décision par la réception d’un avis de perception, le 25 avril 2016, et qu’elle avait présenté sa demande de consultation de son dossier à la FMSA le 22 août 2016, soit presque quatre mois à compter du jour où elle a reçu cet avis de perception. Le Tribunal a ajouté que la manière dont la FMSA avait mis en œuvre les décisions litigieuses n’était pas susceptible de laisser penser que la seconde décision litigieuse avait remplacé la première décision litigieuse. Le Tribunal en a déduit que le recours, introduit le 23 août 2016, était tardif en ce qui concerne la première décision litigieuse.

33

S’agissant de la seconde décision litigieuse, le Tribunal a souligné que la requérante reprochait, en substance, au CRU d’avoir violé certaines dispositions de la réglementation applicable, en ce qu’il n’avait pas exclu du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2016 les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement. À cet égard, le Tribunal a relevé que la seconde décision litigieuse ne contenait aucun élément nouveau et que le CRU n’avait nullement réexaminé l’appréciation, déjà opérée dans le cadre de l’adoption de la première décision litigieuse, de la question de savoir s’il convenait ou non d’exclure du calcul de la contribution de la requérante les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement et que la requérante n’avait pas présenté, au CRU ou à la FMSA, une demande tendant à un réexamen de ladite question, qui serait fondée sur des faits nouveaux et substantiels. Le Tribunal en a déduit que le recours contre la seconde décision litigieuse était irrecevable au motif que cette décision était, eu égard à l’objet du litige, purement confirmative de la première décision litigieuse et que la requérante n’avait soulevé aucun moyen ou argument contre la seconde décision litigieuse.

34

En premier lieu, il convient d’écarter les objections du CRU quant à la recevabilité de l’argumentation de la requérante.

35

Ainsi, premièrement, il convient de rappeler que l’examen de la question de savoir si la décision contestée revêt un caractère purement confirmatif d’une décision antérieure constitue une opération de qualification juridique des faits que la Cour est compétente pour contrôler dans le cadre d’un pourvoi. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées [arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 77 et jurisprudence citée].

36

Deuxièmement, il est vrai que, selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance du Tribunal ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34, ainsi que ordonnance du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, non publiée, EU:C:2019:89, point 28). Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt ou l’ordonnance en question (arrêt du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO, C‑63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, point 49 et jurisprudence citée).

37

Force est toutefois de constater que, en l’occurrence, l’argumentation de la requérante n’est ni générale ni imprécise. Au contraire, il ressort clairement du pourvoi qu’elle reproche au Tribunal, d’une part, d’avoir commis une erreur de droit dans la qualification de la seconde décision litigieuse comme étant purement confirmative de la première décision litigieuse et, partant, dans l’appréciation du caractère tardif du recours et, d’autre part, de ne pas avoir pris en compte ses arguments relatifs à l’arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, EU:C:2007:608).

38

En second lieu, quant à la qualification de la seconde décision litigieuse, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours en annulation, prévu à l’article 263 TFUE, est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 44 et jurisprudence citée).

39

En outre, il résulte d’une jurisprudence également constante que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, en ce qu’ils ne produisent pas de tels effets juridiques, échappent au contrôle juridictionnel prévu à cet article (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 45 et jurisprudence citée).

40

Afin de déterminer si un acte produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, il convient de s’attacher, notamment, à la substance même de cet acte (arrêts du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 51 et 52, ainsi que du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 40 et jurisprudence citée).

41

Il y a lieu de rappeler sur ce point que, selon la jurisprudence de la Cour, un acte est purement confirmatif d’un acte précédent lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier (arrêts du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 69 ainsi que jurisprudence citée, et du 15 novembre 2018, Estonie/Commission, C‑334/17 P, non publié, EU:C:2018:914, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

42

En l’occurrence, les décisions litigieuses déterminent le montant de la contribution ex ante de chacune des entités visées à l’article 2 du règlement no 806/2014. Il ressort du dossier soumis à la Cour que, pour l’année 2016, après le calcul des contributions au FRU pour chacune de ces entités, le CRU a procédé à un nouveau calcul de ces contributions dans la mesure où l’indicateur SPI concernant l’appartenance à un système de protection institutionnel visé à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2015/63 avait été incorrectement calculé. La rectification de cette erreur de calcul a engendré un nouveau calcul de la contribution ex ante pour l’année 2016 pour tous les établissements, même non membres d’un SPI, et le montant de la contribution ex ante au FRU pour l’année 2016 établi dans la seconde décision litigieuse reflète les modifications engendrées par ce nouveau calcul.

43

Par conséquent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 87 de ses conclusions, la seconde décision litigieuse contient un élément nouveau par rapport à la première décision litigieuse dans la mesure où la valeur de l’indicateur SPI utilisée dans la seconde décision litigieuse est différente de celle utilisée dans la première décision litigieuse.

44

En outre, bien que les décisions litigieuses aient une identité d’objet, en ce qu’elles établissent les contributions ex ante au FRU pour l’année 2016, la substance de ces décisions est différente dès lors que les montants des contributions qu’elles établissent sont différents.

45

Partant, en imposant à la requérante de verser une contribution ex ante au FRU dont le montant diffère de celui établi dans la première décision litigieuse, la seconde décision litigieuse modifie la situation juridique de la requérante de sorte que l’annulation de cette décision ne se confondrait pas avec l’annulation de la première décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte/Commission, 26/76, EU:C:1977:167, point 4).

46

Le CRU soutient toutefois que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la seconde décision litigieuse était confirmative de la première décision litigieuse en ce qui concerne l’objet du litige, dès lors que la requérante fait valoir que le CRU a commis une erreur en n’excluant pas les passifs liés aux activités auxiliaires de développement du calcul de ses contributions ex ante au FRU pour l’année 2016, alors que, dans le calcul de ces contributions, la prise en compte des passifs liés aux activités auxiliaires n’a pas été modifiée.

47

À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une disposition d’un acte est modifiée, le recours est à nouveau ouvert, non seulement contre cette seule disposition, mais aussi contre toutes celles qui, même non modifiées, forment avec elle un ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil, C‑299/05, EU:C:2007:608, points 29 et 30).

48

Or, contrairement à ce que soutient le CRU, les éléments non modifiés du calcul ayant donné lieu, dans la première décision litigieuse, à l’établissement des contributions ex ante au FRU pour l’année 2016 forment un ensemble avec l’élément modifié de ce calcul, à savoir l’indicateur SPI, aux fins de l’adoption de la seconde décision litigieuse.

49

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que le montant des contributions ex ante au FRU dépend de deux éléments. D’une part, le montant total des contributions individuelles est fonction du niveau cible défini à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. D’autre part, conformément à l’article 70, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, le calcul de ces contributions dépend pour chaque établissement de sa taille, établie en fonction de son passif, et du niveau de risque de ses activités (voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, points 77 à 79). Dans ce cadre, les articles 6 à 12 du règlement délégué 2015/63 déterminent les modalités d’appréciation du passif des établissements et de leur profil de risque.

50

Il ressort des modalités de calcul des contributions individuelles figurant à l’annexe I de ce règlement et, en particulier, de l’étape 6 de ce calcul que, après avoir déterminé le passif et le facteur de risque d’un établissement au regard des différents indicateurs prévus par la réglementation, le CRU répartit le montant correspondant au niveau cible annuel entre les différents établissements.

51

Par conséquent, s’il est vrai que certains indicateurs tels que l’indicateur SPI ne s’appliquent qu’à certains établissements en ce qu’ils ont une influence sur la détermination du passif ou du facteur de risque de ces établissements à l’exclusion d’autres établissements, il n’en demeure pas moins que, le niveau cible étant réparti entre tous les établissements, la modification d’un tel indicateur modifie le montant des contributions des établissements concernés par cet indicateur et affecte nécessairement les contributions de tous les établissements.

52

Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 47 du présent arrêt, la modification de l’un des éléments du calcul de la contribution ex ante au FRU, tel que l’indicateur SPI, fait naître un nouveau délai de recours permettant de contester non seulement cet élément du calcul de cette contribution, mais également tous les autres éléments de ce calcul.

53

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le caractère non intentionnel de l’erreur dans la prise en compte de l’indicateur SPI. En effet, le caractère intentionnel ou non de l’erreur à l’origine de l’adoption d’un acte modifiant un acte antérieur est indifférent afin de déterminer, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 39, 40 et 41 du présent arrêt, si cet acte modificatif contient un élément nouveau par rapport à cet acte antérieur et produit des effets juridiques.

54

Il découle de l’ensemble de ces considérations que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la seconde décision litigieuse était purement confirmative de la première décision litigieuse eu égard à l’objet du litige et que, pour cette raison, le recours était irrecevable.

55

Par conséquent, il y a lieu d’accueillir les première et deuxième branches du premier moyen et, sur ce fondement, d’annuler l’arrêt attaqué dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres branches de ce moyen ni sur le second moyen.

Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

56

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant celui-ci pour qu’il statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

57

En l’occurrence, le Tribunal ayant rejeté le recours de la requérante comme étant irrecevable et, par conséquent, n’ayant pas examiné les moyens invoqués par cette dernière à l’appui de son recours, le litige n’est pas en état d’être jugé. Il convient, dès lors, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

Sur les dépens

58

L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2019, NRW.Bank/CRU (T‑466/16, non publié, EU:T:2019:445), est annulé.

 

2)

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

 

3)

Les dépens sont réservés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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