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Document 62008CJ0362

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 26 janvier 2010.
Internationaler Hilfsfonds eV contre Commission européenne.
Pourvoi - Accès aux documents des institutions - Règlement (CE) nº 1049/2001 - Recours en annulation - Notion d’‘acte attaquable’ au sens de l’article 230 CE.
Affaire C-362/08 P.

European Court Reports 2010 I-00669

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:40

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 janvier 2010 ( *1 )

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) no 1049/2001 — Recours en annulation — Notion d’‘acte attaquable’ au sens de l’article 230 CE»

Dans l’affaire C-362/08 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 7 août 2008,

Internationaler Hilfsfonds eV, établie à Rosbach (Allemagne), représentée par Mes H. Kaltenecker et R. Karpenstein, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par Mmes P. Costa de Oliveira et S. Fries ainsi que par M. T. Scharf, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, Mmes R. Silva de Lapuerta et C. Toader, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Schiemann (rapporteur), M. Ilešič, J. Malenovský, U. Lõhmus et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 juin 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 septembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Internationaler Hilfsfonds eV (ci-après «IH») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 5 juin 2008, Internationaler Hilfsfonds/Commission (T-141/05, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation d’une décision de la Commission des Communautés européennes, du , lui refusant l’accès à certains documents détenus par cette dernière (ci-après l’«acte litigieux»).

Le cadre juridique

2

Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), a pour objet de définir les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE.

3

Intitulé «Bénéficiaires et champ d’application», l’article 2 dudit règlement reconnaît, à son paragraphe 1, à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre un droit d’accès aux documents des institutions, «sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement».

4

Sous l’intitulé «Exceptions», l’article 4 du même règlement prévoit à son paragraphe 3:

«L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.»

5

L’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001 est libellé comme suit:

«Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. […]»

6

L’article 6 du même règlement, intitulé «Demande d’accès», énonce à son paragraphe 1:

«Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article [314 CE] et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande.»

7

En ce qui concerne le traitement des demandes initiales, l’article 7, paragraphes 1 et 2, dudit règlement dispose:

«1.   Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au paragraphe 2 du présent article.

2.   En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle-ci révise sa position.»

8

S’agissant du traitement des demandes confirmatives, l’article 8, paragraphes 1 et 3, du règlement no 1049/2001 prévoit:

«1.   Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au Médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles [230 CE] et [195 CE].

[…]

3.   L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative, et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au Médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité CE.»

Les faits à l’origine du litige

9

IH est une organisation non gouvernementale de droit allemand active dans le domaine de l’aide humanitaire. Le 28 avril 1998, elle a signé, avec la Commission, le contrat dénommé «LIEN 97-2011» (ci-après le «contrat») en vue du cofinancement d’un programme d’aide médicale qu’elle organisait au Kazakhstan.

10

Le 1er octobre 1999, la Commission a résilié unilatéralement ledit contrat et, le , elle a informé IH de sa décision, prise à la suite de cette résiliation, de recouvrer une certaine somme payée à IH dans le cadre de l’exécution de ce contrat.

11

Le 9 mars 2002, IH a présenté à la Commission une demande tendant à obtenir l’accès aux documents relatifs au contrat.

12

Par lettre du 8 juillet 2002, la Commission a envoyé à IH une liste des documents contenus dans quatre dossiers (ci-après la «lettre du »). Dans cette lettre, en se référant à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, elle a rejeté la demande d’IH en tant que celle-ci visait certains des documents contenus dans les trois premiers dossiers et l’ensemble des documents contenus dans le quatrième dossier.

13

Par lettre du 11 juillet 2002, adressée au président de la Commission, IH a demandé à bénéficier d’un accès complet aux documents relatifs au contrat.

14

Par lettre du 26 juillet 2002, signée par le directeur de la direction «Europe, Caucase et Asie centrale» au sein de l’Office de coopération EuropeAid (ci-après la «lettre du »), la Commission a répondu à cette demande dans les termes suivants:

«Je fais référence à votre lettre du 11 juillet 2002 au Président Prodi, à laquelle il m’a été demandé de répondre.

[…]

Dans la dernière lettre que vous avez reçue de la Commission, qui est datée du 8 juillet 2002 et fait suite à votre demande tendant à connaître le contenu des dossiers relatifs au contrat […], un inventaire dudit contenu a été mis à votre disposition. Sur la base de cet inventaire, vous avez été prié d’informer les services de la Commission des documents dont vous souhaitiez avoir la copie.

À la suite d’une telle demande, vous pouvez bénéficier d’un accès immédiat aux documents qui ne sont soumis à aucune restriction. Quant à l’accès aux documents soumis à restriction, tels que visés à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il est normalement décidé au cas par cas.

Je réitère l’attention et la priorité que les services de la Commission accordent à votre demande.»

15

Le 26 août 2002, IH a consulté les documents auxquels la Commission avait accepté de lui donner accès.

16

Par la suite, la Commission et IH ont tenté de trouver une solution amiable en ce qui concerne le recouvrement de la somme réclamée par la Commission au titre du contrat. Toutefois, au début du mois d’octobre de l’année 2003, la Commission et IH ont constaté qu’elles n’étaient pas en mesure de parvenir à une telle solution amiable.

17

Le 6 octobre 2003, IH a saisi le Médiateur européen d’une plainte dénonçant le refus de la Commission de lui accorder un accès complet aux documents relatifs au contrat. Cette plainte a été enregistrée sous la référence 1874/2003/GG (ci-après la «plainte déposée par IH»).

18

Le 15 juillet 2004, le Médiateur a adressé à la Commission un projet de recommandation dans lequel il constatait que cette dernière n’avait pas traité correctement la demande d’accès complet aux documents relatifs au contrat présentée par IH et invitait cette institution à procéder à un nouvel examen de cette demande. En outre, il a recommandé à la Commission de permettre un accès auxdits documents, à moins qu’elle ne soit en mesure de démontrer que le refus d’accès à ceux-ci correspond à l’une des exceptions prévues par le règlement no 1049/2001.

19

Les 12 et , la Commission a adressé au Médiateur un avis circonstancié, rédigé en anglais, suivi d’une version de celui-ci en allemand (ci-après l’«avis circonstancié»). Dans cet avis, elle affirmait notamment ce qui suit:

«La Commission accepte le projet de recommandation du Médiateur européen et elle a réexaminé la demande d’[IH] visant à obtenir un accès au dossier [afférent au contrat]. Elle a réexaminé la question de savoir si les documents figurant dans les classeurs nos 1, 2 et 3 auxquels l’accès avait été refusé ainsi que l’ensemble des documents du classeur no 4 devaient être divulgués en tout ou en partie conformément aux dispositions du règlement […] no 1049/2001.»

20

À la suite de ce réexamen, la Commission a accepté de divulguer cinq des documents dont elle avait antérieurement refusé l’accès à IH et a joint des copies de ceux-ci à l’avis circonstancié.

21

En ce qui concerne le reste des documents visés par la demande d’accès, elle a toutefois maintenu son refus d’accorder un tel accès à IH.

22

Le Médiateur a transmis à IH des copies des versions anglaise et allemande de l’avis circonstancié, respectivement les 18 et , en invitant cette dernière à formuler des observations à ce propos, ce qu’elle a fait le .

23

Le 14 décembre 2004, le Médiateur a adopté une décision définitive concernant la plainte déposée par IH. En conclusion, le Médiateur a fait, au point 3.1 de sa décision, un commentaire critique quant à la pratique administrative de la Commission dans le cas d’espèce. À ce titre, il a constaté que le fait que celle-ci n’a pas fourni de raisons valables susceptibles de justifier son refus d’accorder à IH l’accès à plusieurs documents relatifs au contrat constitue un cas de mauvaise administration. Toutefois, ayant considéré que le Parlement européen ne pouvait pas prendre de mesures susceptibles d’appuyer sa position et celle d’IH dans l’affaire dont il était saisi, le Médiateur n’a pas jugé utile d’adresser un rapport spécial au Parlement et, au point 3.5 de sa décision, il a décidé de clore la procédure relative à ladite plainte.

24

Le 22 décembre 2004, en se fondant sur les conclusions de ladite décision définitive, IH a adressé au président de la Commission une demande d’accès complet aux documents relatifs au contrat libellée dans les termes suivants:

«[…] j’ai l’honneur de vous soumettre par la présente une demande formelle [visant] à permettre à [IH] un accès non restreint aux dossiers de la Commission concernant le [contrat], y inclus tous les documents dont l’accès a été refusé jusqu’à présent par vos services. Je vous prie de bien vouloir donner les instructions nécessaires en vue de convenir […] d’une date prochaine pour faire suite à cette demande […]

Pour soutenir cette demande, je [me réfère] à la décision du Médiateur […] du 14 décembre 2004 […]

J’espère qu’aucune action en justice ne sera nécessaire et que vous donnerez des instructions à vos services [pour] garantir un accès intégral aux dossiers en question. […]

J’ai noté le 21 janvier 2005 comme date à laquelle j’espère pouvoir recevoir une réponse de votre part.

[…]»

25

Le 21 janvier 2005, en réponse à cette demande, la Commission a adressé à IH une lettre rédigée comme suit:

«Je vous remercie de votre lettre du 22 décembre 2004 […], par laquelle vous demandez l’accès aux documents [afférents au contrat], conformément au règlement [no] 1049/2001 […].

La Commission n’ayant pas encore pris une position définitive [à l’égard] de la décision du Médiateur du 14 décembre 2004, veuillez noter que votre demande sera traitée dans les meilleurs délais.

Je vous remercie d’avance de votre compréhension et vous prie de recevoir […] mes meilleures salutations.»

26

Par l’acte litigieux, signé par le directeur de la direction «Appui aux opérations» au sein de l’Office de coopération EuropeAid, la Commission a, le 14 février 2005, répondu à la demande présentée par IH le dans les termes suivants:

«Je vous remercie de votre lettre du 22 décembre 2004 […], par laquelle vous demandez l’accès aux documents [afférents au contrat], conformément au règlement [no] 1049/2001 […].

En date [du] 21 janvier 2005, je vous ai informé que la Commission devait prendre une position définitive [à l’égard] de la décision du Médiateur du avant de répondre à votre demande.

La Commission ayant pris une position [à l’égard] de ladite décision selon laquelle cette institution ne partage pas l’interprétation faite par le Médiateur concernant [l’article 4, paragraphes 1, sous b), et 3, second alinéa,] du règlement mentionné ci-dessus et concernant le règlement [(CE) no] 45/2001 [du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000,] relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires [et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1)], a décidé de ne pas donner accès aux documents qui — selon la Commission — tombent sous le régime des exceptions prévues dans ledit règlement, telles qu’invoquées dans la communication de la Commission au Médiateur du .

J’ai donc le regret de devoir vous informer [que], excepté les documents mis à disposition lors de l’accès de votre client au dossier [afférent au contrat] le 26 [août] 2002 et les [cinq] documents que la Commission a annexés à ladite communication au Médiateur — dont le contenu a été transmis […] —, la Commission n’a pas l’intention de mettre à votre disposition d’autres documents […]»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

27

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2005, IH a introduit un recours en annulation contre l’acte litigieux.

28

Par acte séparé, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le 26 juin 2005, IH a déposé ses observations sur cette exception.

29

Au soutien de ladite exception d’irrecevabilité, la Commission faisait notamment valoir que l’acte litigieux se borne à confirmer une décision prise au cours du mois de juillet de l’année 2002, contenue dans ses lettres des 8 et 26 juillet 2002, décision qui n’a fait l’objet d’aucun recours introduit par IH dans les délais requis. Partant, ledit acte ne constituerait pas un acte attaquable dans le cadre d’un recours en annulation introduit au titre de l’article 230 CE.

30

Dans un premier temps, le Tribunal, aux points 72 à 75 de l’arrêt attaqué, a qualifié la lettre du 8 juillet 2002 de réponse initiale à une demande d’accès aux documents afférents au contrat, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

31

Dans un deuxième temps, le Tribunal a, aux points 76 à 79 de l’arrêt attaqué, qualifié la lettre du 26 juillet 2002 de réponse à une demande confirmative, au sens de l’article 8 dudit règlement, adressée à la Commission par IH le .

32

Dans un troisième temps, le Tribunal a, au point 81 de l’arrêt attaqué, constaté que, à défaut d’avoir été attaquée dans les délais, la décision contenue dans la lettre du 26 juillet 2002 était déjà devenue définitive à la date de l’introduction du recours d’IH.

33

Au regard de la jurisprudence selon laquelle est irrecevable un recours en annulation formé contre une décision purement confirmative d’une décision antérieure qui n’a pas été attaquée dans les délais prévus à cet effet, le Tribunal a, par conséquent, examiné si l’acte litigieux constitue un acte purement confirmatif de la décision du 26 juillet 2002.

34

Dans ce contexte, il s’est fondé, au point 82 de l’arrêt attaqué, sur la jurisprudence selon laquelle une décision est purement confirmative d’une décision antérieure si elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur et si elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur. Il a cité à cet égard l’arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission (23/80, Rec. p. 3709, point 18), l’ordonnance du Tribunal du , BEUC/Commission (T-84/97, Rec. p. II-795, point 52), et l’arrêt du Tribunal du , AICS/Parlement (T-365/00, Rec. p. II-2719, point 30).

35

À cet égard, le Tribunal a d’abord, aux points 83 à 92 de l’arrêt attaqué, examiné si les éléments invoqués par IH étaient susceptibles de constituer un «élément nouveau» au sens de cette jurisprudence. Il a conclu que ni les conclusions du Médiateur dans sa décision du 14 décembre 2004 ni les développements et les résultats de l’enquête menée par celui-ci dans le cadre du traitement de la plainte déposée par IH ne constituent des éléments nouveaux susceptibles de distinguer l’acte litigieux de la lettre du .

36

Le Tribunal a ensuite vérifié si l’acte litigieux avait été précédé d’un «réexamen», au sens de la jurisprudence citée au point 34 du présent arrêt, de la situation d’IH. Il a écarté cette possibilité aux points 93 à 100 de l’arrêt attaqué.

37

Par conséquent, le Tribunal a, au point 102 de l’arrêt attaqué, considéré comme fondé l’argument de la Commission selon lequel l’acte litigieux est purement confirmatif et, par conséquent, il a fait droit à l’exception d’irrecevabilité soulevée par cette dernière.

38

Enfin, à titre surabondant, le Tribunal a précisé, aux points 103 à 110 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que l’acte litigieux ne constitue pas un acte purement confirmatif de la lettre du 26 juillet 2002, il ne saurait davantage être considéré comme un acte attaquable, au motif qu’il devrait alors être qualifié de réponse initiale, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE.

39

En se fondant sur l’ensemble de ces considérations, le Tribunal a, par l’arrêt attaqué, rejeté le recours d’IH comme irrecevable.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

40

Par son pourvoi, IH demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué;

de statuer définitivement sur le fond et d’annuler l’acte litigieux, ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue une nouvelle fois sur celle-ci, et

de condamner la Commission aux dépens.

41

La Commission demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable ou comme dénué de fondement, et

de condamner IH aux dépens.

42

Par acte parvenu au greffe de la Cour le 21 octobre 2009, IH a suggéré à la Cour d’ordonner la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 61 du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci.

Sur la demande tendant à la réouverture de la procédure orale

43

La Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C-42/07, Rec. p. I-7633, point 31 et jurisprudence citée).

44

En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de cette dernière ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général.

45

Or, dans sa demande, IH se borne à faire valoir que les conclusions de M. l’avocat général seraient fondées sur une interprétation erronée du règlement no 1049/2001.

46

La Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose en l’occurrence de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le litige dont elle est saisie et que celui-ci ne doit pas être examiné au regard d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.

47

Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la procédure orale.

Sur le pourvoi

48

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée devant lui par la Commission au motif que l’acte litigieux ne constitue pas un acte attaquable.

49

IH invoque trois moyens à l’appui de son pourvoi. Le premier moyen est tiré d’une qualification erronée de la décision contenue dans la lettre du 26 juillet 2002 en tant que réponse à une demande confirmative, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001. Les deuxième et troisième moyens, qui concernent l’acte litigieux, sont tirés, respectivement, d’une qualification erronée dudit acte comme acte purement confirmatif de ladite décision et d’une qualification erronée de cet acte comme réponse initiale, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du même règlement.

50

Il convient d’abord d’examiner ensemble les deuxième et troisième moyens.

51

Selon une jurisprudence constante, ne sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, notamment, arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C-131/03 P, Rec. p. I-7795, point 54 et jurisprudence citée).

52

Il découle également d’une jurisprudence bien établie concernant la recevabilité des recours en annulation qu’il convient de s’attacher à la substance même des actes attaqués ainsi qu’à l’intention de leurs auteurs pour qualifier ces actes. À cet égard, constituent en principe des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme d’une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, à l’exclusion notamment des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, qui n’ont pas de tels effets, ainsi que des actes purement confirmatifs d’un acte antérieur non attaqué dans les délais (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C-521/06 P, Rec. p. I-5829, point 42).

53

En ce qui concerne le règlement no 1049/2001, il convient de relever que les articles 7 et 8 de celui-ci, en prévoyant une procédure en deux temps, ont pour objectif de permettre, d’une part, un traitement rapide et facile des demandes d’accès aux documents des institutions concernées ainsi que, d’autre part, de manière prioritaire, un règlement amiable des différends pouvant éventuellement surgir. Pour les cas dans lesquels un tel différend ne peut pas être résolu entre les parties, le paragraphe 1 dudit article 8 prévoit deux voies de recours, à savoir un recours juridictionnel et le dépôt d’une plainte auprès du Médiateur.

54

Ladite procédure, en ce qu’elle prévoit la présentation d’une demande confirmative, permet notamment à l’institution concernée de réexaminer sa position avant de prendre une décision définitive de refus susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union. Une telle procédure permet de traiter avec davantage de promptitude les demandes initiales et, en conséquence, de répondre le plus souvent aux attentes du demandeur, tout en permettant à cette institution d’adopter une position circonstanciée avant de refuser définitivement l’accès aux documents visés par le demandeur, notamment si ce dernier réitère sa demande de divulgation de ceux-ci nonobstant un refus motivé de ladite institution.

55

Pour déterminer si un acte peut faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 230 CE, c’est à son contenu, davantage qu’à sa présentation formelle, qu’il convient de s’attacher (voir arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9).

56

Il convient par ailleurs de souligner que le règlement no 1049/2001 octroie un droit d’accès très large aux documents des institutions concernées, le bénéfice d’un tel droit n’étant pas subordonné, en application de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, à une justification de la demande. En outre, en vertu de l’article 4, paragraphe 7, de celui-ci, les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 de cet article ne sauraient s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document.

57

Il s’ensuit qu’une personne peut former une nouvelle demande d’accès portant sur des documents auxquels l’accès lui a été précédemment refusé. Une telle demande oblige l’institution concernée à examiner si le refus d’accès antérieur demeure justifié au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps.

58

Il convient de constater, à cet égard, que l’acte litigieux constitue, à la lumière tant de son contenu, qui évoque explicitement une «position définitive» de la Commission, que du contexte dans lequel il est intervenu, un refus définitif, par la Commission, de divulguer la totalité des documents demandés par IH. Ce refus a mis fin à une longue série de démarches accomplies de manière continue par cette dernière durant près de trois années, rappelées aux points 11 à 26 du présent arrêt, visant à obtenir l’accès aux documents afférents au contrat et comprenant plusieurs demandes présentées par IH à cette fin.

59

Ainsi qu’il a été dit au point 57 du présent arrêt, il était loisible à IH de présenter de nouvelles demandes d’accès auxdits documents sans que la Commission puisse lui opposer les refus d’accès antérieurs.

60

De même, dans des circonstances telles que celles du présent litige, la Commission ne saurait utilement prétendre que IH aurait dû, après avoir reçu communication de l’acte litigieux, formuler une nouvelle demande et attendre que cette institution lui oppose un nouveau refus pour que celui-ci puisse être considéré comme un acte définitif et, donc, attaquable. En effet, indépendamment du fait que, dans l’acte litigieux, la Commission n’a pas informé IH de son droit de présenter une demande confirmative, une telle démarche de la part de cette dernière ne saurait aboutir au résultat souhaité par elle, eu égard au fait que la Commission avait, ainsi qu’il ressort de l’avis circonstancié et de la divulgation de cinq documents dans le cadre de la procédure engagée devant le Médiateur, examiné en détail la demande d’accès présentée par IH et avait clairement et définitivement arrêté sa position en ce qui concerne le refus d’accès aux documents sollicités.

61

Exiger qu’une telle démarche soit entreprise serait par ailleurs contraire à l’objectif de la procédure établie par le règlement no 1049/2001, qui vise à garantir un accès rapide et facile aux documents des institutions concernées.

62

À la lumière de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que c’est à tort que le Tribunal a considéré que l’acte litigieux ne constitue pas un acte attaquable, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE. En effet, il ressort des considérations qui précèdent que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, le recours contre un tel acte est recevable.

63

Il s’ensuit que les deuxième et troisième moyens invoqués par IH au soutien de son pourvoi sont fondés. Sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen, il y a donc lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours de première instance

64

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

65

Toutefois, la Cour n’est pas en mesure, à ce stade de la procédure, de statuer sur le fond du recours introduit par IH devant le Tribunal. Cet aspect du litige implique en effet l’examen de moyens et d’éléments qui n’ont pas été débattus devant le Tribunal, celui-ci s’étant prononcé sur une exception d’irrecevabilité formulée par acte séparé. L’affaire n’est par conséquent pas, quant au fond du litige, en état d’être jugée. En revanche, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au cours de la procédure de première instance.

66

Pour les motifs énoncés aux points 51 à 62 du présent arrêt, ladite exception d’irrecevabilité, tirée de ce que l’acte litigieux n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, doit être rejetée.

67

En conséquence, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il examine le recours d’IH tendant à l’annulation de l’acte litigieux.

Sur les dépens

68

En vertu de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69

Le pourvoi étant accueilli et la Cour ayant rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, il y a lieu de condamner celle-ci à supporter les dépens afférents au pourvoi ainsi que ceux de première instance afférents à l’exception d’irrecevabilité, conformément aux conclusions d’IH, et de réserver les dépens pour le surplus.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 5 juin 2008, Internationaler Hilfsfonds/Commission (T-141/05), est annulé.

 

2)

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission des Communautés européennes devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes est rejetée.

 

3)

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il statue sur les conclusions d’Internationaler Hilfsfonds eV tendant à l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 14 février 2005, lui refusant l’accès à certains documents détenus par cette dernière.

 

4)

La Commission européenne est condamnée aux dépens de la présente instance ainsi qu’à ceux de première instance afférents à l’exception d’irrecevabilité.

 

5)

Les dépens sont réservés pour le surplus.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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