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Document 62019CC0666

Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 6 octobre 2021.
Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd contre Commission européenne.
Pourvoi – Dumping – Importations d’aspartame originaire de la République populaire de Chine – Règlements n° 1225/2009 et 2016/1036 – Champ d’application ratione temporis – Article 2, paragraphe 7 – Statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché – Refus – Article 2, paragraphe 10 – Ajustements – Charge de la preuve – Article 3 – Détermination du préjudice – Devoir de diligence de la Commission européenne.
Affaire C-666/19 P.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:827

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 6 octobre 2021 ( 1 )

Affaire C‑666/19 P

Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Dumping – Importations d’aspartame originaire de Chine – Applicabilité ratione temporis du règlement (UE) 2016/1036 – Article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 1225/2009 – Détermination de la valeur normale sur la base du prix pratiqué dans l’Union pour le produit similaire – Article 2, paragraphe 10, du règlement (CE) no 1225/2009 – Ajustements aux fins de la détermination de la marge de dumping – Ajustements aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice »

Table des matières

 

I. Cadre juridique

 

II. Antécédents du litige

 

III. Procédure devant le Tribunal et arrêt attaqué

 

IV. Procédure devant la Cour et conclusions des parties

 

V. Analyse

 

A. Le règlement 2016/1036 est-il applicable ratione temporis à la présente affaire ?

 

1. Arguments des parties

 

2. Appréciation

 

B. Sur le deuxième moyen du pourvoi

 

1. Arguments des parties

 

2. Appréciation

 

a) Sur la recevabilité

 

b) Sur le fond

 

1) Sur la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi

 

2) Sur la première branche du deuxième moyen du pourvoi

 

C. Sur le troisième moyen du pourvoi

 

1. Arguments des parties

 

2. Appréciation

 

a) Sur la recevabilité

 

b) Sur le fond

 

1) Sur la troisième branche du troisième moyen du pourvoi

 

2) Sur la première branche du troisième moyen du pourvoi

 

3) Sur la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi

 

4) Sur la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi

 

D. Sur le quatrième moyen du pourvoi

 

1. Arguments des parties

 

2. Appréciation

 

VI. Sur les dépens

 

VII. Conclusion

1.

Par le présent pourvoi, Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (ci-après l’« arrêt attaqué ») ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2016/1247 de la Commission (ci-après le « règlement litigieux ») ( 3 ), instituant un droit antidumping de 55,4 % sur les importations de sa production d’aspartame.

2.

Le présent pourvoi offre à la Cour l’occasion d’examiner dans quelle mesure la Commission européenne peut, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, déterminer la valeur normale non pas en utilisant la méthode principale prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil ( 4 ), c’est-à-dire sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché (ci-après un « pays analogue »), mais en utilisant une méthode subsidiaire, c’est-à-dire sur la base du prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire. La présente affaire soulève également la question de la faculté, ou de l’obligation, pour la Commission, d’opérer des ajustements non seulement pour déterminer la marge de dumping, mais également pour établir l’existence d’un préjudice.

I. Cadre juridique

3.

L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, qui correspond à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil ( 5 ), énonce :

« Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris [l’Union], ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

[...] »

4.

L’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, qui correspond à l’article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036, dispose :

« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. [...] »

5.

Aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article 3 du règlement no 1225/2009, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », qui correspondent aux paragraphes 2 et 3 de l’article 3 du règlement 2016/1036 :

« 2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)

du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché [de l’Union] ; et

b)

de l’incidence de ces importations sur l’industrie [de l’Union].

3.   En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans [l’Union]. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examiner s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie [de l’Union] ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. »

II. Antécédents du litige

6.

Le 30 mai 2015, à la suite d’une plainte déposée le 16 avril 2015 par le seul producteur d’aspartame de l’Union, à savoir Ajinomoto Sweeteners Europe SAS, devenue Hyet Sweet SAS, la Commission a ouvert une enquête antidumping concernant les importations, dans l’Union, d’aspartame originaire de Chine.

7.

L’aspartame est un édulcorant produit sous la forme de cristaux blancs inodores de différentes tailles, au goût semblable à celui du sucre, mais avec un pouvoir sucrant accru et une valeur calorique nettement inférieure. Il est principalement utilisé en remplacement du sucre dans les industries des boissons sans alcool, des produits alimentaires et des produits laitiers ( 6 ).

8.

Le 25 février 2016, la Commission a adopté le règlement provisoire.

9.

Le 28 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement litigieux, par lequel elle a institué des droits antidumping définitifs sur les importations d’aspartame produit par plusieurs sociétés chinoises, y compris, ainsi que je l’ai mentionné au point 1 des présentes conclusions, un droit de 55,4 % sur les importations d’aspartame produit par Changmao Biochemical Engineering.

III. Procédure devant le Tribunal et arrêt attaqué

10.

Le 21 octobre 2016, Changmao Biochemical Engineering a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux.

11.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours.

12.

La Cour m’ayant invité à me limiter, dans les présentes conclusions, à l’examen des deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi, qui mettent en cause l’appréciation portée par le Tribunal sur les deuxième et troisième moyens invoqués devant lui, je résumerai ci-après l’appréciation portée par le Tribunal sur ces seuls deux moyens.

13.

En premier lieu, le Tribunal a rejeté le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036 en calculant la valeur normale sur la base des prix pratiqués par le seul producteur de l’Union pour le produit similaire sur le marché de l’Union, plutôt que sur la base des prix à l’exportation d’un producteur du pays analogue envisagé, à savoir le Japon. Selon le Tribunal, il ressort du premier alinéa de cette disposition que, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la Commission ne peut écarter la règle générale énoncée à cette disposition (en vertu de laquelle la valeur normale doit être déterminée sur la base du prix dans un pays analogue, ou sur la base du prix pratiqué à partir de ce pays vers d’autres pays), en se fondant sur une « autre base raisonnable », que dans le cas où cette règle générale ne peut être appliquée. Tel est le cas lorsque les informations disponibles au moment du choix ne sont pas fiables et risquent d’aboutir à un choix de pays analogue inapproprié et déraisonnable. En l’espèce, les données communiquées par le producteur japonais n’étaient pas fiables et les parties intéressées s’étaient inquiétées du choix du Japon comme pays analogue. En outre, étant donné la rareté des producteurs d’aspartame dans des pays analogues et la difficulté de trouver un producteur ayant la volonté de coopérer, la Commission n’avait pas manqué de la diligence requise dans sa recherche de pays analogues.

14.

En second lieu, le Tribunal a rejeté le troisième moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 10, l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 ainsi que le principe de bonne administration en refusant de procéder aux ajustements nécessaires aux fins de garantir une comparaison équitable des prix. Premièrement, selon le Tribunal, la Commission n’a pas violé l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement en refusant de procéder aux ajustements aux fins de la détermination de la marge de dumping. En effet, Changmao Biochemical Engineering n’a pas démontré que les différences alléguées de coûts de production entre le producteur de l’Union et elle-même affectaient les prix et leur comparabilité, ce qui justifierait des ajustements. En outre, aucune des dispositions invoquées par Changmao Biochemical Engineering n’obligeait la Commission à procéder à des ajustements aux fins de la détermination de la marge de préjudice. Deuxièmement, le Tribunal a rejeté l’allégation de Changmao Biochemical Engineering selon laquelle la Commission lui aurait imposé une charge de la preuve déraisonnable en exigeant qu’elle démontre que les différences alléguées de coûts de production affectaient les prix et leur comparabilité, alors qu’elle n’avait pas accès aux données relatives à l’industrie de l’Union. En effet, selon le Tribunal, les données relatives au producteur de l’Union avaient été communiquées à Changmao Biochemical Engineering et cette dernière supportait la charge de la preuve d’un effet sur les prix.

IV. Procédure devant la Cour et conclusions des parties

15.

Par le présent pourvoi, Changmao Biochemical Engineering conclut à ce qu’il plaise à la Cour : annuler l’arrêt attaqué ; statuer définitivement sur le litige et annuler le règlement litigieux pour autant qu’il concerne Changmao Biochemical Engineering, et condamner la Commission et Hyet Sweet à supporter ses dépens. À titre subsidiaire, Changmao Biochemical Engineering conclut à ce qu’il plaise à la Cour : renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur la seconde branche du premier moyen soulevé en première instance, relative à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement 2016/1036, ou, à titre encore plus subsidiaire, pour qu’il statue sur les autres moyens soulevés en première instance, et réserver les dépens.

16.

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner Changmao Biochemical Engineering aux dépens.

V. Analyse

17.

Changmao Biochemical Engineering invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi. Comme je l’ai mentionné au point 12 ci-dessus, la Cour m’a invité à me limiter, dans les présentes conclusions, à examiner les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi.

18.

Toutefois, une question préalable se pose à propos de l’applicabilité ratione temporis du règlement 2016/1036, sur lequel est fondé le règlement litigieux ( 7 ). En effet, le règlement 2016/1036, qui a abrogé et remplacé le règlement no 1225/2009, est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le vingtième jour suivant le 30 juin 2016 ( 8 ). Ainsi, le règlement 2016/1036 est entré en vigueur avant l’adoption, le 28 juillet 2016, du règlement litigieux, mais après les faits faisant l’objet de l’enquête. La question se pose donc de savoir si la Commission et le Tribunal ( 9 ) ont commis une erreur en appliquant le règlement 2016/1036 plutôt que le règlement no 1225/2009. Une question pour réponse écrite en ce sens a été adressée aux parties, qui y ont répondu dans le délai imparti par la Cour. Par conséquent, j’examinerai si le règlement 2016/1036 était applicable ratione temporis (section A) avant d’analyser les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi (sections B, C et D).

A. Le règlement 2016/1036 est-il applicable ratione temporis à la présente affaire ?

1.   Arguments des parties

19.

Changmao Biochemical Engineering soutient que les règles matérielles du règlement no 1225/2009 régissaient l’adoption du droit antidumping dans la présente affaire, car c’est ce règlement qui était en vigueur à la date des faits sous‑jacents, de leur appréciation définitive dans le document d’information générale, ainsi que des observations de Changmao Biochemical Engineering sur ce document. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur en se référant au règlement 2016/1036 dans le règlement litigieux.

20.

En revanche, la Commission considère que c’est le règlement 2016/1036 qui régissait, en l’espèce, l’adoption du droit antidumping. Cela résulterait, selon elle, d’une jurisprudence ancienne mais constante de la Cour, qui ne ferait aucune distinction entre les règles matérielles et procédurales, et du fait que le règlement 2016/1036 constitue une simple codification du règlement no 1225/2009 et des modifications apportées à ce dernier. La Commission fait également valoir qu’il découle de l’arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a. (C‑272/12 P, EU:C:2013:812, point 28), que la Cour ne saurait examiner d’office l’applicabilité ratione temporis de règles matérielles.

2.   Appréciation

21.

D’emblée, je tiens à souligner que les dispositions du règlement 2016/1036 dont la violation est alléguée dans la présente affaire ( 10 ) sont identiques aux dispositions correspondantes du règlement no 1225/2009. Ainsi, si la Cour devait juger que la Commission et le Tribunal ont commis une erreur dans la détermination du règlement applicable, cela n’aurait aucune incidence sur la solution du litige. Cependant, il me semble important de déterminer quel est le règlement applicable à la présente affaire, sans quoi l’arrêt de la Cour pourrait être fondé sur un règlement qui n’est pas applicable ratione temporis.

22.

J’examinerai en premier lieu si, contrairement à ce que soutient la Commission, la Cour peut examiner d’office si le règlement 2016/1036 est applicable ratione temporis à la présente affaire et, en second lieu, si ce règlement est applicable ou non.

23.

Premièrement, j’estime que la Cour peut examiner d’office l’applicabilité ratione temporis du règlement 2016/1036.

24.

Certes, selon la jurisprudence de la Cour, si certains moyens peuvent, voire doivent, être soulevés d’office, un moyen portant sur la légalité au fond de la décision litigieuse ne peut, en revanche, être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant ( 11 ).

25.

Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour que le juge de l’Union ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées ( 12 ). Ainsi, le juge de l’Union a la faculté et, le cas échéant, l’obligation de relever d’office certains moyens de légalité interne. Le Tribunal et le Tribunal de la fonction publique ont déjà jugé qu’il en va ainsi du moyen tiré d’une méconnaissance du champ d’application de la loi ( 13 ).

26.

Il convient de se référer, notamment, à l’arrêt du 16 septembre 2013, Wurster/EIGE, dans lequel le Tribunal de la fonction publique a examiné d’office l’applicabilité ratione temporis des dispositions générales d’exécution concernant le personnel d’encadrement intermédiaire de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes ( 14 ), adoptées après la signature par la requérante d’un contrat d’agent temporaire, mais avant qu’elle ait achevé la période d’essai dont ces dispositions générales d’exécution augmentaient la durée. Le Tribunal de la fonction publique a considéré que les dispositions générales d’exécution n’étaient pas applicables ratione temporis ( 15 ).

27.

Ainsi, par analogie, j’en conclus que la Cour peut examiner d’office si le règlement 2016/1036 est applicable ratione temporis à la présente affaire.

28.

Deuxièmement, je suis d’avis que le règlement 2016/1036 n’est pas applicable ratione temporis à la présente affaire.

29.

Selon une jurisprudence constante, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. En revanche, les règles de l’Union de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué ( 16 ). En d’autres termes, si les règles de procédure sont généralement considérées comme étant d’application immédiate aux situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur, les règles matérielles sont généralement considérées comme ne s’appliquant pas à ces situations, sauf dispositions contraires.

30.

Il n’est pas contesté que les dispositions du règlement 2016/1036 dont la violation est alléguée dans la présente affaire ( 17 ) prévoient des règles matérielles ( 18 ). En outre, aucune disposition du règlement 2016/1036 n’indique que celui-ci s’applique aux situations acquises antérieurement à son entrée en vigueur.

31.

Dès lors, il résulte de la jurisprudence citée au point 29 des présentes conclusions que les dispositions du règlement 2016/1036 dont la violation est alléguée ne sont pas applicables à la présente affaire.

32.

Ma conclusion au point 31 des présentes conclusions n’est pas remise en cause par les arrêts du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258), du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372), et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), sur lesquels se fonde la Commission pour soutenir qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre les règles procédurales et matérielles, de sorte que toute nouvelle règle, même matérielle, devrait s’appliquer immédiatement aux situations acquises antérieurement à son entrée en vigueur.

33.

Certes, dans l’arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, points 129 à 140), la Cour a jugé que le règlement (UE) no 1168/2012 du Parlement européen et du Conseil ( 19 ), qui a prorogé le délai de trois mois imparti à la Commission pour statuer sur une demande visant à obtenir le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché, était applicable ratione temporis alors qu’il était entré en vigueur après que le délai de trois mois avait expiré dans ce cas particulier, sans que la Commission se soit prononcée sur la demande des producteurs-exportateurs chinois ( 20 ). Toutefois, la situation dans la présente affaire diffère de celle examinée dans cet arrêt. Premièrement, à la différence du règlement 2016/1036, le règlement no 1168/2012 contient des dispositions transitoires. Il indique expressément qu’il s’applique « à toute enquête [...] en cours à partir du 15 décembre 2012 » ( 21 ) – date à laquelle l’enquête était encore en cours dans cette affaire. Deuxièmement, le règlement no 1168/2012, en ce qu’il proroge le délai de trois mois précité, peut être considéré comme une règle de procédure. À ce titre, il devrait, conformément à la jurisprudence citée au point 29 des présentes conclusions, s’appliquer immédiatement à des situations acquises. Ainsi, les points 135 et 136 de cet arrêt, où la Cour constate que la situation des producteurs-exportateurs chinois n’a été définitivement fixée qu’à l’entrée en vigueur du règlement leur imposant des droits antidumping, ne sauraient être invoqués pour soutenir, comme le fait, en substance, la Commission, que l’institution de droits antidumping est régie par la réglementation, quelle qu’elle soit, en vigueur à la date de leur adoption.

34.

Il est également vrai que, dans l’arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, points 121 à 129), la Cour a constaté que les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale ( 22 ) étaient applicables ratione temporis alors qu’elles étaient entrées en vigueur après l’adoption d’un projet d’aide ( 23 ). Toutefois, ces lignes directrices indiquaient expressément qu’elles s’appliquaient aux aides non notifiées mises à exécution avant leur adoption, ce qui était le cas des mesures d’aide en cause. Ainsi, la situation dans la présente affaire se distingue de celle examinée dans cet arrêt, étant donné que, à la différence des lignes directrices en cause dans cet arrêt, le règlement 2016/1036 ne contient aucune disposition transitoire.

35.

Enfin, il est vrai que, dans l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709, points 43 à 59), la Cour a jugé le règlement (CE) no 70/2001 ( 24 ) de la Commission applicable ratione temporis alors qu’il avait été adopté après la notification de l’aide en cause ( 25 ). Toutefois, je souligne que, pour parvenir à cette conclusion, la Cour s’est fondée, aux points 52 et 53 de cet arrêt, sur le fait que la notification d’un projet d’aide ne crée pas une situation définitivement constituée puisqu’elle a seulement vocation à permettre à la Commission d’assurer un contrôle préventif des aides d’État. À l’évidence, il n’y a pas d’exigence de notification dans le domaine du droit antidumping. Ainsi, cet arrêt ne saurait être invoqué pour soutenir, comme le fait la Commission, que l’imposition de droits antidumping est régie par les règles matérielles en vigueur à la date de leur adoption.

36.

En tout état de cause, je souligne que, même si la Cour était d’accord avec la Commission pour considérer que les règles matérielles du droit de l’Union s’appliquent immédiatement aux situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur, il ne s’ensuivrait pas que le règlement 2016/1036 serait applicable ratione temporis à la présente affaire.

37.

En effet, selon moi, la situation dans la présente affaire ne peut pas être considérée comme « acquise » à la date d’entrée en vigueur du règlement 2016/1036. La période prise en considération pour déterminer si les conditions d’imposition de droits antidumping étaient réunies courait effectivement jusqu’au 31 mars 2015 ( 26 ). Les faits sont donc antérieurs à l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036. En outre, la détermination de ces faits a été achevée avant l’entrée en vigueur de ce règlement, étant donné que l’information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de recommander l’imposition de mesures définitives, la présentation d’observations relatives à cette information et l’audience sont toutes antérieures à l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036 ( 27 ). En d’autres termes, les faits étaient définitivement établis avant l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036.

38.

L’approche figurant au point 37 des présentes conclusions est conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle le respect des principes gouvernant l’application de la loi et des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime impose l’application des règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause quand bien même ces règles ne seraient plus en vigueur au moment où une institution de l’Union adopte un acte ( 28 ).

39.

Cette approche est également conforme à la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, lorsque les faits sur lesquels a porté l’enquête antidumping sont antérieurs à l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036, mais que l’imposition de mesures antidumping est postérieure à l’entrée en vigueur de ce règlement, la situation est régie par les règles de procédure prévues par le règlement 2016/1036 et par les règles matérielles prévues par le règlement no 1225/2009 ( 29 ).

40.

J’en conclus que le règlement 2016/1036 n’est pas applicable ratione temporis à la présente affaire et que c’est à tort que le Tribunal s’est référé, au point 1 de l’arrêt attaqué, à ce règlement en tant que réglementation applicable.

41.

Je rappelle toutefois que, comme je l’ai mentionné au point 21 des présentes conclusions, étant donné que les dispositions du règlement no 1225/2009 dont la violation est alléguée dans la présente affaire sont identiques à celles du règlement 2016/1036, cette conclusion n’a pas d’incidence sur la solution du litige.

42.

Néanmoins, je me référerai ci-après, dans mon analyse des deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi, non pas au règlement 2016/1036, mais au règlement no 1225/2009.

B. Sur le deuxième moyen du pourvoi

1.   Arguments des parties

43.

Par son deuxième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que le Tribunal a dénaturé les faits et commis une erreur de droit en jugeant que, en s’abstenant de demander et d’examiner une liste détaillée des exportations du producteur-exportateur japonais, la Commission n’a violé ni l’article 2, paragraphe 7, sous a), ni l’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036, ni le principe de bonne administration, et qu’elle n’a pas non plus manqué à son devoir de diligence. Le deuxième moyen du pourvoi est divisé en trois branches.

44.

Par la première branche du deuxième moyen du pourvoi, Changmao Biochemical Engineering soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 113, 115, 116, 128 et 129 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a violé ni l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036, ni le principe de bonne administration, et qu’elle n’a pas non plus manqué à son devoir de diligence en déterminant la valeur normale sur la base des données de l’industrie de l’Union alors même qu’elle n’avait pas demandé au producteur‑exportateur japonais de communiquer des données transaction par transaction concernant ses ventes à l’exportation. Pour Changmao Biochemical Engineering, il ressort de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036 que, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale ne peut être déterminée sur la base des données de l’industrie de l’Union que si le prix intérieur dans un pays analogue et le prix à l’exportation au départ de ce pays ne sont pas fiables. Or, dans la présente affaire, il ne peut être exclu que certaines transactions à l’exportation du producteur‑exportateur japonais aient été rentables, et donc fiables, étant donné que, s’agissant des ventes à l’exportation de ce producteur, la Commission ne disposait que de données agrégées, et non pas transaction par transaction. Ainsi, le Tribunal aurait dénaturé les faits en considérant, au point 113 de l’arrêt attaqué, que toutes les ventes à l’exportation de ce producteur étaient nettement déficitaires. Il s’ensuit que la Commission ne pouvait pas déterminer la valeur normale sur la base des données de l’industrie de l’Union.

45.

Par la deuxième branche du deuxième moyen, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 125 et 126 de l’arrêt attaqué, que, en s’abstenant de demander au producteur‑exportateur japonais des données transaction par transaction et d’examiner ces informations, elle n’a pas manqué à l’obligation qui lui incombe, en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036, de « vérifi[er] dans la mesure du possible [l’exactitude] » des renseignements fournis par les parties intéressées.

46.

Par la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi, Changmao Biochemical Engineering soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, qu’il incombait à la requérante d’apporter la preuve que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si les ventes à l’exportation du producteur-exportateur japonais avaient été prises en compte. Au contraire, il appartiendrait à la Commission d’examiner d’office toutes les informations disponibles.

47.

La Commission soutient que le deuxième moyen du pourvoi est inopérant dans son ensemble, dès lors qu’il ne remet pas en cause la conclusion du Tribunal, aux points 112 et 114 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les données communiquées par le producteur-exportateur japonais n’étaient pas fiables et qu’il n’explique pas pourquoi des données supplémentaires demandées à ce producteur ne présenteraient pas les mêmes lacunes.

48.

À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi, telle que résumée au point 46 des présentes conclusions, est dénuée de fondement et que, par conséquent, les première et deuxième branches de ce moyen, telles que résumées aux points 44 et 45 des présentes conclusions, sont inopérantes.

49.

À titre encore plus subsidiaire, la Commission soutient que les première et deuxième branches du deuxième moyen du pourvoi, telles que résumées aux points 44 et 45 des présentes conclusions, sont soit inopérantes (première branche, en ce qu’elle est tirée d’une dénaturation des faits au point 113 de l’arrêt attaqué), soit irrecevables (deuxième branche), et que, en tout état de cause, elles sont non fondées.

2.   Appréciation

50.

Par son deuxième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que c’est à tort que le Tribunal a conclu que la Commission n’avait violé ni l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, ni le principe de bonne administration, et qu’elle n’avait pas non plus manqué à son devoir de diligence en déterminant la valeur normale en utilisant des données de l’industrie de l’Union, alors même qu’elle n’avait pas demandé au producteur-exportateur japonais de communiquer des données transaction par transaction concernant ses ventes à l’exportation.

51.

Comme je l’ai exposé aux points 44 à 46 des présentes conclusions, le deuxième moyen est divisé en trois branches. La première branche, dirigée contre les points 113, 115, 116, 128 et 129 de l’arrêt attaqué, est tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 et du principe de bonne administration, ainsi que d’une violation du devoir de diligence de la Commission. La deuxième branche, dirigée contre les points 125 et 126 de l’arrêt attaqué, est tirée d’une violation de l’article 6, paragraphe 8, de ce règlement. Par la troisième branche, dirigée contre les points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, Changmao Biochemical Engineering soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’il incombait à la requérante d’apporter la preuve que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si les ventes à l’exportation du producteur‑exportateur japonais avaient été prises en compte.

a)   Sur la recevabilité

52.

La Commission conteste la recevabilité de la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi, au motif que ce moyen n’aurait pas été soulevé en première instance.

53.

Devant le Tribunal, Changmao Biochemical Engineering a fait valoir que, en déterminant la valeur normale sur la base des données de l’industrie de l’Union, la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 et a manqué à son devoir de diligence. Elle n’a pas soutenu que, ce faisant, la Commission aurait violé l’article 6, paragraphe 8, dudit règlement. En fait, cette dernière disposition n’est nullement mentionnée dans les écrits de Changmao Biochemical Engineering devant le Tribunal.

54.

En outre, les points 102 à 130 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal examine et rejette le moyen résumé au point 53 des présentes conclusions, ne fait pas référence à l’article 6, paragraphe 8, du règlement no 1225/2009. Singulièrement, les points 125 et 126 de cet arrêt, contre lesquels la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi est dirigée, ne font nullement référence à cette disposition.

55.

Ainsi, je considère que la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi est irrecevable.

b)   Sur le fond

56.

J’examinerai la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi avant d’apprécier la première branche de ce moyen.

1) Sur la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi

57.

D’emblée, je relève que, en vertu de la règle du « droit moindre » énoncée à l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement no 1225/2009, « le montant du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union ». Par conséquent, la marge de préjudice est utilisée pour déterminer le taux du droit antidumping lorsque la marge de dumping est supérieure à la marge de préjudice. Dans la présente affaire, le droit antidumping imposé à Changmao Biochemical Engineering a été fixé au niveau de la marge de préjudice (55,4 %) parce qu’il était inférieur à la marge de dumping (124 %) ( 30 ).

58.

Pour écarter l’argument de Changmao Biochemical Engineering selon lequel la valeur normale aurait dû être déterminée en utilisant les prix à l’exportation du producteur‑exportateur japonais plutôt que les données de l’industrie de l’Union, le Tribunal s’est fondé, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, sur le fait que Changmao Biochemical Engineering n’avait pas démontré que, si la valeur normale avait été calculée comme elle l’avait proposé, la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice et que, partant, le droit antidumping qui lui avait été imposé aurait été fixé sur la base de la marge de dumping.

59.

Comme je l’ai mentionné au point 51 des présentes conclusions, par la troisième branche de son deuxième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que les points 117 et 118 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit.

60.

Comme le soutient la Commission, dans l’hypothèse où la Cour ne constaterait aucune erreur de droit dans ces points, la première branche du deuxième moyen devrait être rejetée comme étant inopérante. En effet, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que Changmao Biochemical Engineering était tenue de démontrer que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si la valeur normale avait été calculée sur la base des prix à l’exportation du producteur-exportateur japonais, ce que, ce n’est pas contesté, Changmao Biochemical Engineering n’a pas fait, la question de savoir si la valeur normale pouvait ou non être calculée de cette manière sans violer l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 et le principe de bonne administration ni manquer au devoir de diligence de la Commission, serait dénuée de pertinence. C’est pourquoi, comme je l’ai mentionné au point 56 des présentes conclusions, j’examinerai la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi avant d’apprécier la première.

61.

Je suis d’avis que la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi est fondée, mais qu’elle doit néanmoins être rejetée comme étant inopérante.

62.

Je considère que, lorsque le droit antidumping est fixé sur la base de la marge de préjudice, un producteur s’étant vu imposer un droit antidumping peut contester le calcul de la marge de dumping quand bien même il n’aurait pas démontré que, si la marge de dumping avait été calculée comme il le propose, elle aurait été inférieure à la marge de préjudice et que, partant, le droit antidumping aurait été fixé sur la base de la marge de dumping. Ainsi, à mon avis, le point 118 de l’arrêt attaqué comporte une erreur de droit et la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi est fondée pour les raisons exposées ci‑après.

63.

Premièrement, il est vrai que, dans certains cas, le requérant a été contraint, pour contester le calcul de la marge de dumping, de démontrer que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si elle avait été calculée comme il l’avait proposé.

64.

Il convient de se référer, à cet égard, à l’arrêt du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, EU:C:1988:464, point 24). Dans cet arrêt, la Cour a rejeté le moyen tiré, en substance, d’une erreur dans le calcul de la marge de dumping au motif que a) le droit antidumping avait été fixé sur la base de la marge de préjudice de 21 %, alors que b) la marge de dumping s’élevait à 33,6 %, de sorte que c) l’erreur alléguée qui aurait abouti à une réduction de 1,5 % de la marge de dumping « n’aurait aucune influence sur le taux du droit antidumping ».

65.

Il convient également de se référer à l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62, point 111). Dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté le moyen tiré d’une erreur dans le calcul de la marge de préjudice (consistant, en substance, en l’absence de prise en compte, par la Commission, des ventes des producteurs de l’Union à des sociétés liées) en considérant que : a) les droits antidumping imposés aux requérantes avaient été fixés sur la base de la marge de dumping de 25,7 % et non de la marge de préjudice de 57 % ( 31 ) ; b) l’erreur alléguée dans le calcul de la marge de préjudice concernait tout au plus 10 % des ventes totales de l’industrie de l’Union ; de sorte que c) il aurait fallu que les prix de vente pratiqués par ces sociétés liées aux producteurs de l’Union soient totalement disproportionnés par rapport aux autres ventes prises en compte dans le cadre du calcul de la marge de préjudice pour que cette dernière soit ramenée à un niveau inférieur à celui de la marge de dumping. La Cour n’a pas relevé d’erreur de droit dans ce raisonnement. Elle a par ailleurs jugé que, par voie de conséquence, les autres moyens contestant la détermination du préjudice devaient être déclarés inopérants ( 32 ).

66.

De même, dans l’arrêt du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil (T‑410/06, EU:T:2010:70, points 94 à 98), le Tribunal a rejeté comme étant inopérant le moyen tiré d’une erreur dans le calcul de la marge de sous-cotation des prix de référence de 66 % au motif que, sans cette erreur, la marge de sous-cotation des prix de référence aurait été soit de 20,5 % (selon le Conseil), soit de 17,3 % (selon la partie requérante), et qu’elle aurait donc toujours été supérieure à la marge de dumping de 9,7 %, sur la base de laquelle le droit antidumping imposé à la requérante avait été fixé ( 33 ).

67.

Je relève cependant que, dans les arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, EU:C:1988:464), et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62) – mais non dans l’arrêt du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil (T‑410/06, EU:T:2010:70) –, il était évident que, en l’absence de l’erreur alléguée dans le calcul de la marge de préjudice, cette dernière ne serait pas descendue au‑dessous de la marge de dumping (ou que, sans l’erreur alléguée dans le calcul de la marge de dumping, cette dernière ne serait pas descendue au-dessous de la marge de préjudice). En effet, dans ces deux premiers arrêts, l’erreur alléguée était faible et/ou l’écart entre la marge de dumping et la marge de préjudice était significatif.

68.

Deuxièmement, il est vrai que, dans l’arrêt du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil (C‑133/87 et C‑150/87, EU:C:1990:115, point 38), sur lequel s’appuie le Tribunal au point 118 de l’arrêt attaqué, la Cour a rejeté le moyen tiré de ce que le Conseil avait commis une erreur en calculant le droit antidumping sur la seule base du préjudice causé par les ventes réalisées par les producteurs japonais, sans prendre en compte le préjudice causé par les ventes réalisées par les fabricants japonais d’équipements d’origine (Original equipment manufacturers, ci-après les « OEM »). Ce moyen a été rejeté au motif que la requérante, le fabricant japonais Ricoh, « n’[avait] pas démontré que [la façon de procéder du Conseil consistant à exclure les ventes réalisées par les OEM] avait affecté le montant du droit antidumping institué, ni dans quelle mesure ce montant aurait été différent si les ventes réalisées par les OEM avaient également été prises en compte ».

69.

Je relève toutefois que, dans l’arrêt mentionné au point 68 des présentes conclusions, le droit antidumping avait été fixé sur la base de la marge de préjudice ( 34 ), et que la requérante contestait précisément la détermination du préjudice. Ainsi, ce que la Cour exigeait de la requérante était une démonstration que, sans l’erreur alléguée, le droit antidumping aurait été moins élevé et non pas une démonstration que, sans cette erreur, le droit aurait été fixé sur la base de la marge de dumping, plutôt que de la marge de préjudice.

70.

Troisièmement, je souligne qu’il existe de nombreux exemples de situations dans lesquelles le juge de l’Union a examiné des moyens tirés d’une erreur dans le calcul de la marge de dumping alors que la requérante n’avait pas démontré que, sans l’erreur alléguée, la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice. Il convient, par exemple, de faire référence à l’arrêt du 15 septembre 2016, PT Musim Mas/Conseil (T‑80/14, non publié, EU:T:2016:504). Alors que le droit antidumping imposé à la requérante avait été fixé sur la base de la marge de préjudice ( 35 ), le Tribunal a examiné le moyen tiré de ce que le Conseil et la Commission avaient commis une erreur en construisant la valeur normale sur la base des coûts de production de la principale matière première tels que reflétés par les prix internationaux publiés, sans exiger de la requérante qu’elle démontre que, si la valeur normale n’avait pas été calculée de cette manière, la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice.

71.

Quatrièmement, je relève que, dans l’arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139, points 162 à 169), le Tribunal, se référant à l’arrêt du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil (T‑410/06, EU:T:2010:70, point 94), mentionné au point 66 des présentes conclusions, a jugé recevable un moyen contestant le calcul de la marge de préjudice alors même que la requérante n’avait pas précisé dans quelle mesure, sans l’erreur alléguée, la marge de préjudice aurait été inférieure à la marge de dumping. Selon le Tribunal, par ce moyen, la requérante mettait plus généralement en cause la détermination de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité, conditions essentielles pour pouvoir imposer un droit antidumping, et dont l’appréciation erronée était donc « [susceptible] de conduire à l’annulation du règlement d’exécution attaqué, sans qu’il soit besoin de s’interroger [...] sur la question de savoir si la marge de préjudice aurait été inférieure à la marge de dumping » ( 36 ).

72.

Cinquièmement, je souligne qu’exiger des producteurs-exportateurs auxquels ont été imposés des droits antidumping qu’ils démontrent que, sans l’erreur alléguée dans le calcul de la marge de dumping, cette dernière aurait été inférieure à la marge de préjudice reviendrait, comme le soutient Changmao Biochemical Engineering, à imposer aux producteurs-exportateurs une lourde charge de la preuve dont, compte tenu de la complexité des calculs à effectuer, ils pourraient ne pas être en mesure de s’acquitter. Il en irait ainsi même si les producteurs-exportateurs devaient seulement démontrer que, sans l’erreur alléguée, la marge de dumping aurait pu être inférieure à la marge de préjudice ( 37 ), compte tenu de la difficulté de définir à quelles conditions ou dans quelles circonstances tel serait le cas.

73.

J’en conclus que le Tribunal a commis une erreur en jugeant, au point 118 de l’arrêt attaqué, qu’il incombait à Changmao Biochemical Engineering de prouver que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si celle‑là avait été calculée comme elle l’avait proposé. Ainsi, la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi est fondée.

74.

Toutefois, comme je l’ai mentionné au point 61 des présentes conclusions, la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi doit néanmoins être rejetée comme étant inopérante. En effet, pour rejeter le deuxième moyen invoqué devant lui, le Tribunal ne s’est pas fondé uniquement sur le fait que Changmao Biochemical Engineering n’avait pas démontré que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice si la valeur normale avait été calculée comme elle l’avait proposé. Le Tribunal s’est également appuyé, aux points 111 à 116 de l’arrêt attaqué, sur le fait que les informations disponibles au moment du choix n’étaient pas fiables et risquaient d’aboutir à un choix de pays analogue inapproprié et déraisonnable.

2) Sur la première branche du deuxième moyen du pourvoi

75.

Par la première branche de son deuxième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 et le principe de bonne administration et qu’elle a manqué à son devoir de diligence en déterminant la valeur normale sur la base des données de l’industrie de l’Union, alors même qu’elle n’avait pas demandé au producteur‑exportateur japonais de communiquer des données transaction par transaction concernant ses ventes à l’exportation.

76.

J’estime que la première branche du deuxième moyen du pourvoi est dépourvue de fondement.

77.

S’agissant, en premier lieu, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, je relève que le premier alinéa de cette disposition énonce que, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, la valeur normale est en principe déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, c’est-à-dire selon la méthode du pays analogue.

78.

Cependant, selon la jurisprudence, la Commission ne peut écarter l’application de la règle générale, énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 pour la détermination de la valeur normale des produits en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, en se fondant sur une autre base raisonnable, que dans le cas où cette règle générale ne peut pas être appliquée ( 38 ).

79.

Dans la présente affaire, la valeur normale a été calculée, dans le règlement provisoire, sur la base des informations reçues d’un producteur ayant coopéré dans un pays tiers à économie de marché, à savoir le Japon (ci-après le « producteur japonais »). Ce producteur était Ajinomoto Co., Japon ( 39 ). En effet, la production mondiale d’aspartame se concentrait dans quelques pays, à savoir la Chine, la France, le Japon et la Corée du Sud et, si le seul producteur sud-coréen connu a refusé de coopérer, le producteur japonais y a consenti ( 40 ).

80.

Or, dans le règlement litigieux, la valeur normale a été calculée sur « une autre base raisonnable », comme le prévoit l’article 2, paragraphe 7, sous a), premier alinéa, du règlement no 1225/2009. Elle a été déterminée sur la base des prix du seul producteur de l’Union pour le produit similaire sur le marché de l’Union, à savoir Ajinomoto Sweeteners Europe SAS, devenue Hyet Sweet, qui était une filiale du producteur japonais ( 41 ). Les raisons pour lesquelles la Commission a, dans le règlement litigieux, décidé de ne pas utiliser les données communiquées par le producteur japonais étaient que : a) ce producteur était le seul producteur actif sur le marché japonais, en concurrence avec les importations en provenance de Chine et de Corée, et b) qui plus est, les marges bénéficiaires du producteur japonais variaient considérablement selon le type et l’importance de l’acheteur, sans que l’enquête ait mis en lumière une quelconque raison justifiant l’écart important entre les marges bénéficiaires ( 42 ).

81.

Aux points 105 à 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission n’a pas violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 en calculant la valeur normale sur la base des prix du seul producteur de l’Union sur le marché de l’Union. En effet, selon le Tribunal : a) les données communiquées par le producteur japonais n’étaient pas fiables, à cause des variations considérables et injustifiables des marges bénéficiaires de ce producteur ; b) comme le montre le tableau no 15 de la réponse du producteur japonais au questionnaire de la Commission, tandis que toutes les ventes intérieures de ce producteur étaient rentables, toutes ses ventes à l’exportation étaient nettement déficitaires, et c) les parties intéressées s’étaient inquiétées du fait que le Japon avait été choisi comme pays analogue.

82.

L’argument de Changmao Biochemical Engineering est que la Commission a demandé au producteur japonais de communiquer des données transaction par transaction sur ses ventes intérieures, mais pas sur ses ventes à l’exportation. Dès lors, selon Changmao Biochemical Engineering, il ne saurait être exclu que certaines ventes à l’exportation de ce producteur puissent être rentables. Il s’ensuit que la Commission n’a pas démontré que les données communiquées par le producteur japonais n’étaient pas fiables et qu’il n’était pas possible de les utiliser pour calculer la valeur normale. Changmao Biochemical Engineering conclut que, en calculant la valeur normale non pas sur la base des prix à l’exportation du producteur japonais, mais sur la base des données de l’industrie de l’Union, la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 et que les points 113, 115 et 116 de l’arrêt attaqué comportent une erreur de droit.

83.

Changmao Biochemical Engineering ne conteste donc pas que, comme je l’ai exposé aux points 77 et 78 des présentes conclusions, la méthode de détermination de la valeur normale sur la base des prix dans l’Union est une méthode subsidiaire qui ne peut être utilisée que lorsqu’il n’est pas possible d’utiliser la méthode principale. Ce que Changmao Biochemical Engineering conteste, c’est la conclusion du Tribunal selon laquelle, dans la présente affaire, il n’était pas possible d’utiliser les données du producteur japonais (et que, partant, la valeur normale ne pouvait pas être calculée sur cette base).

84.

La Commission rétorque que le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

85.

À mon avis, le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 doit être rejeté comme étant non fondé et non comme étant inopérant. J’expliquerai ci‑après pourquoi je suis en désaccord avec la position de la Commission selon laquelle ce moyen est inopérant, avant d’exposer les raisons pour lesquelles il n’est pas fondé.

86.

Selon la Commission, le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 est inopérant car, premièrement, Changmao Biochemical Engineering ne conteste pas la conclusion du Tribunal selon laquelle les informations fournies par le producteur japonais n’étaient pas fiables, deuxièmement, elle ne conteste qu’un seul des trois motifs qui ont conduit le Tribunal à rejeter le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, à savoir celui exposé au point 113 de l’arrêt attaqué, et non ceux énoncés aux points 112 et 114 de ce même arrêt, et, troisièmement, les points 124 à 128 dudit arrêt suffisent à étayer le constat d’absence de violation réalisé par le Tribunal.

87.

Or, premièrement, s’il est vrai, comme le fait valoir la Commission, que Changmao Biochemical Engineering ne soutient pas que les données fournies par le producteur japonais sont inexactes, elle soutient, en revanche, que ces données sont incomplètes, en ce que le producteur japonais a communiqué à la Commission des données agrégées sur ses ventes à l’exportation, plutôt que des données transaction par transaction relatives à ces ventes. Il me semble que, contrairement à ce que soutient la Commission, Changmao Biochemical Engineering conteste ainsi la fiabilité des données communiquées par le producteur japonais au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement no 1225/2009.

88.

Deuxièmement, il est vrai que, comme le soutient la Commission, Changmao Biochemical Engineering conteste uniquement le point 113 de l’arrêt attaqué, et non pas les points 112 et 114 de cet arrêt. Toutefois, les points 112 et 113 n’exposent pas des motifs distincts pour lesquels le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur en refusant de calculer la valeur normale sur la base des données communiquées par le producteur japonais. Les deux points font référence aux variations inexpliquées des marges bénéficiaires du producteur japonais. Quant au point 114 de l’arrêt attaqué, il se limite à reproduire des observations formulées par des parties intéressées au cours de la procédure administrative, sans que ni la Commission ni le Tribunal y souscrivent. Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, le fait que Changmao Biochemical Engineering conteste le point 113 de l’arrêt attaqué, mais non les points 112 et 114 de cet arrêt, n’implique pas que le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 soit inopérant.

89.

Troisièmement, je relève que, contrairement à ce que soutient la Commission, Changmao Biochemical Engineering conteste le point 128 de l’arrêt attaqué.

90.

Toutefois, comme je l’ai mentionné au point 85 des présentes conclusions, je suis d’accord avec la Commission pour dire que le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 n’est pas fondé.

91.

Premièrement, en effet, il n’était, à mon sens, pas nécessaire que la Commission obtienne des données transaction par transaction concernant les ventes à l’exportation du producteur japonais afin de considérer les données communiquées par ce producteur comme n’étant pas fiables et risquant d’aboutir à un choix de pays analogue inapproprié et déraisonnable.

92.

Selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement no 1225/2009, un pays tiers à économie de marché approprié est choisi « compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix ».

93.

Certes, dans l’arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, points 31 et 32), la Cour a jugé que la notion d’« informations fiables disponibles », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement no 1225/2009, ne se limite pas aux informations fournies par le plaignant ou par les parties intéressées, étant donné que la Commission est tenue d’examiner d’office toutes les informations disponibles.

94.

Je souligne toutefois que, selon la jurisprudence, la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la détermination de la disponibilité des données, puisque les moyens d’enquête prévus le sont à titre facultatif et qu’ils sont d’autant plus difficiles à mettre en œuvre lorsqu’ils concernent des données relatives à des pays tiers. En effet, l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009 dispose que des enquêtes peuvent être effectuées dans les pays tiers sous réserve, notamment, de « l’accord des entreprises concernées ». En outre, l’article 6, paragraphe 8, de ce règlement prévoit que la vérification de l’exactitude des renseignements doit être faite « dans la mesure du possible » ( 43 ).

95.

Dans la présente affaire, s’il est constant que, au cours de la procédure administrative, la Commission n’a ni demandé ni reçu des données transaction par transaction sur les ventes à l’exportation du producteur japonais et sur les marges bénéficiaires réalisées sur ces ventes, elle disposait néanmoins de données agrégées sur les ventes à l’exportation de ce producteur. Le fait que la Commission n’ait pas estimé nécessaire de demander des données transaction par transaction relève de son pouvoir, mentionné au point 94 des présentes conclusions, de déterminer la fiabilité des informations déjà en sa possession.

96.

En outre, la situation dans la présente affaire diffère de celle examinée dans l’arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158), où la Cour a constaté que le Conseil et la Commission avaient commis une erreur en calculant la valeur normale sur la base des prix pratiqués dans l’Union, dès lors qu’ils n’avaient pas fait preuve de toute la diligence requise pour déterminer si la valeur normale pouvait être calculée sur la base des prix pratiqués dans un pays analogue. Dans cette affaire, la Commission s’était limitée à envoyer un seul questionnaire à deux sociétés thaïlandaises et avait déduit de leur absence de réponse l’impossibilité de déterminer la valeur normale à partir des prix pratiqués dans n’importe quel pays tiers ayant une économie de marché : elle avait omis d’examiner si l’un des trois autres pays tiers à économie de marché, dont les importations dans l’Union étaient nettement plus importantes que celles en provenance de Thaïlande, pouvait être retenu comme pays analogue ( 44 ). En revanche, dans la présente affaire, il n’a pas été allégué devant le Tribunal que la Commission aurait omis d’enquêter sur des pays tiers à économie de marché autres que le Japon ( 45 ).

97.

Deuxièmement, et surtout, Changmao Biochemical Engineering n’a pas établi que le choix de la Commission de calculer la valeur normale sur la base des données de l’industrie de l’Union était dépourvu de plausibilité.

98.

En effet, selon la jurisprudence, dans le cadre d’un grief contestant la méthode de détermination de la valeur normale, la partie requérante ne saurait se borner à invoquer une méthode de détermination de la valeur normale alternative à celle choisie par la Commission, mais doit apporter des éléments suffisants de nature à priver de plausibilité les appréciations sur lesquelles repose ce choix, le juge de l’Union ne pouvant substituer ses propres appréciations à celles de la Commission ( 46 ).

99.

En premier lieu, dans la présente affaire, Changmao Biochemical Engineering soutient simplement, dans le cadre du pourvoi, qu’« il ne peut être exclu » que « certaines » transactions à l’exportation du producteur japonais soient rentables et que, partant, elles puissent être utilisées pour calculer la valeur normale. Changmao Biochemical Engineering ne soutient pas, ni, a fortiori, n’établit, que toutes les transactions à l’exportation du producteur japonais, ou la majorité d’entre elles, sont rentables, ce qui pourrait remettre en cause le choix de la Commission de calculer la valeur normale non pas sur la base des prix à l’exportation du producteur japonais, mais sur celle des données de l’industrie de l’Union. Changmao Biochemical Engineering n’a donc pas démontré que la conclusion de la Commission selon laquelle les données concernant les ventes à l’exportation du producteur japonais n’étaient pas fiables était dépourvue de plausibilité.

100.

J’en conclus que la première branche du deuxième moyen du pourvoi doit être rejetée comme n’étant pas fondée dans la mesure où elle est tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009.

101.

En deuxième lieu, s’agissant du manquement au devoir de diligence de la Commission, je rappelle que, selon la jurisprudence, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement no 1225/2009, la Commission doit examiner les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale du produit en cause a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable ( 47 ). Ainsi, il me semble que le moyen tiré d’une violation du devoir de diligence de la Commission doit être rejeté comme n’étant pas fondé pour les mêmes raisons que le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009.

102.

En troisième lieu, s’agissant de la violation du principe de bonne administration, je rappelle que la Commission est tenue, en vertu de ce principe, d’examiner avec toute la diligence et l’impartialité requises les éléments de preuve apportés et de tenir compte de tous les éléments pertinents ( 48 ). Ainsi, de nouveau, le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration doit être rejeté comme n’étant pas fondé pour les mêmes raisons que le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009.

103.

J’en conclus que la première branche du deuxième moyen du pourvoi doit être rejetée comme n’étant pas fondée et que, partant, ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.

C. Sur le troisième moyen du pourvoi

1.   Arguments des parties

104.

Par son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, en considérant, aux points 141 à 144, 151 à 153 et 155 à 162 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant d’opérer les ajustements demandés par la requérante aux fins du calcul de la marge de dumping, le Tribunal a dénaturé les faits et violé les dispositions suivantes : l’article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036 ; l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) ( 49 ) (ci-après l’« accord antidumping ») ; l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036 et l’article 6.2 de l’accord antidumping, dans la mesure où ces dispositions établissent les droits de la défense de Changmao Biochemical Engineering ; les articles 12.2.1 et 12.2.2 de l’accord antidumping ; l’article 6.4 du même accord, et l’article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036, et a méconnu le principe de bonne administration et le devoir de diligence de la Commission.

105.

Le troisième moyen du pourvoi est divisé, en substance, en quatre branches.

106.

Dans la première branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que le Tribunal a dénaturé les faits en considérant, aux points 141 à 144 de l’arrêt attaqué, que Changmao Biochemical Engineering n’a pas fourni d’éléments de preuve étayant son allégation selon laquelle il existait des différences de coûts de production entre le producteur de l’Union et le producteur chinois, et que ces différences affectaient la comparabilité des prix.

107.

Dans la deuxième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que le Tribunal a violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036 en considérant, aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué, que les demandes d’ajustements des producteurs-exportateurs chinois qui n’ont pas obtenu le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché ne peuvent pas porter sur les coûts réels en Chine.

108.

Dans la troisième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a jugé, aux points 143 et 144 de l’arrêt attaqué, qu’il incombait à Changmao Biochemical Engineering de prouver que les différences au niveau des facteurs énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à j), du règlement 2016/1036, telles que les différences de coûts de production, affectaient la comparabilité des prix. Cela résulterait, selon elle, du libellé de l’article 2, paragraphe 10. Toute autre solution imposerait une charge de la preuve déraisonnable aux producteurs originaires d’un pays n’ayant pas une économie de marché lorsque la valeur normale est calculée sur la base des données de l’industrie de l’Union.

109.

Dans la quatrième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, en jugeant, aux points 155 à 160 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne lui a pas imposé une charge de la preuve déraisonnable en exigeant la preuve que les différences de coûts de production se traduisaient en différences de prix, le Tribunal a violé les dispositions suivantes : l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping, tel qu’interprété par les décisions de l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036 et l’article 6.2 de l’accord antidumping, dans la mesure où ces dispositions établissent les droits de la défense de Changmao Biochemical Engineering ; les articles 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord, et a méconnu le principe de bonne administration et le devoir de diligence de la Commission. En outre, ce serait à tort que le Tribunal a refusé, au point 207 de l’arrêt attaqué, d’ordonner à la Commission, par une mesure d’organisation de la procédure ou une mesure d’instruction, de produire l’analyse l’ayant conduite à conclure, au considérant 70 du règlement litigieux, qu’il n’existait pas de différences entre le produit concerné et le produit similaire qui transparaîtraient systématiquement dans les prix.

110.

La Commission considère que le troisième moyen du pourvoi doit être écarté.

111.

Selon la Commission, la première branche du troisième moyen du pourvoi doit être rejetée dès lors que, en substance, le pourvoi n’indique pas les faits ou les éléments de preuve que le Tribunal aurait dénaturés ni ne démontre que les différences de coûts de production se traduisaient en différences de prix.

112.

Quant à la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi, la Commission soutient qu’elle est irrecevable dans la mesure où elle n’a pas été invoquée devant le Tribunal. En tout état de cause, elle serait inopérante dès lors que les points 151 à 153 de l’arrêt attaqué ne prévoiraient qu’une motivation subsidiaire, la motivation principale étant exposée aux points 137 à 150 de cet arrêt. Enfin, elle ne serait pas fondée étant donné que, notamment, l’origine des données utilisées pour opérer l’ajustement est indifférente. Ce qui importe, c’est que l’ajustement ne prive pas d’effet utile l’article 2, paragraphe 7, du règlement 2016/1036.

113.

Selon la Commission, la troisième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée, dès lors que le libellé de l’alinéa introductif de l’article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036, le libellé de l’article 2, paragraphe 10, sous k), de ce règlement et la jurisprudence indiquent clairement que l’exigence de démontrer un effet sur les prix et la comparabilité des prix s’applique à tous les facteurs énumérés à l’article 2, paragraphe 10, dudit règlement.

114.

La Commission soutient que la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi est irrecevable dans la mesure où elle est tirée d’une violation des dispositions suivantes : l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping ; l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036 et l’article 6.2 de l’accord antidumping, dans la mesure où ces dispositions établissent les droits de la défense de Changmao Biochemical Engineering, ainsi que les articles 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord. En effet, la violation de ces dispositions n’a pas été invoquée en première instance. En tout état de cause, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée d’une violation de ces dispositions. Enfin, s’agissant du surplus de la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi, à savoir la demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction formulée par Changmao Biochemical Engineering, la Commission soutient qu’elle est inopérante et qu’en tout état de cause, elle n’est pas fondée.

2.   Appréciation

115.

Par son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, en jugeant que la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant d’opérer les ajustements que la requérante avait demandés aux fins du calcul de la marge de dumping, le Tribunal a dénaturé les faits et violé l’article 2, paragraphe 10, l’article 9, paragraphe 4, l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009, l’article 2.4 et d’autres dispositions de l’accord antidumping, ainsi que le principe de bonne administration, et qu’il a méconnu le devoir de diligence de la Commission.

116.

Comme je l’ai exposé aux points 105 à 109 des présentes conclusions, le troisième moyen du pourvoi est divisé en quatre branches. La première branche, dirigée contre les points 141 à 144 de l’arrêt attaqué, est tirée de ce que le Tribunal aurait dénaturé les faits en considérant que Changmao Biochemical Engineering n’a pas apporté la preuve qu’il existait des différences de coûts de production qui affectaient la comparabilité des prix. La deuxième branche, dirigée contre les points 151 à 153 de cet arrêt, est tirée d’une violation par le Tribunal de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 en ce qu’il a considéré que des demandes d’ajustements présentées par des producteurs originaires d’un pays n’ayant pas une économie de marché ne peuvent porter sur les coûts réels dans ce pays. Par la troisième branche, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que, aux points 143 et 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 et a imposé aux producteurs de pays n’ayant pas une économie de marché une charge de la preuve déraisonnable en exigeant d’eux qu’ils démontrent que les différences de coûts de production ont affecté les prix et leur comparabilité. La quatrième branche est dirigée contre les points 155 à 160 de l’arrêt attaqué et est tirée de ce que, en exigeant de Changmao Biochemical Engineering qu’elle démontre un effet sur la comparabilité des prix alors qu’elle n’avait pas accès aux données de l’industrie de l’Union, le Tribunal aurait violé les articles 2.4, 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de l’accord antidumping, l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009, le principe de bonne administration et aurait méconnu le devoir de diligence de la Commission. La quatrième branche du troisième moyen du pourvoi est également dirigée contre le refus du Tribunal, au point 207 de l’arrêt attaqué, d’ordonner une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction.

a)   Sur la recevabilité

117.

La Commission soulève l’irrecevabilité de l’intégralité de la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi et d’une partie de la quatrième branche de ce moyen.

118.

En premier lieu, la Commission fait valoir que la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi est irrecevable en tant que moyen nouveau.

119.

Selon moi, cette exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

120.

Premièrement, Changmao Biochemical Engineering n’a invoqué devant la Cour aucun argument qu’elle n’avait pas avancé devant le Tribunal.

121.

En effet, dans la deuxième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 en refusant d’opérer les ajustements demandés au motif qu’une demande d’ajustement présentée par un producteur‑exportateur chinois ne bénéficiant pas du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché ne peut pas porter sur les coûts réels en Chine. Changmao Biochemical Engineering relève, à cet égard, qu’elle a demandé à la Commission d’opérer un ajustement en utilisant non pas ses propres coûts de production, mais les coûts dans l’Union.

122.

Devant le Tribunal, dans le cadre de son troisième moyen, tiré de ce que la Commission a violé, notamment, l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 en refusant d’opérer les ajustements demandés, Changmao Biochemical Engineering a soutenu que le fait, pour un producteur-exportateur chinois, de ne pas avoir obtenu le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché n’empêchait pas ce producteur de demander des ajustements. Selon Changmao Biochemical Engineering, si ces ajustements ne pouvaient être opérés en utilisant les propres coûts de ce producteur, ils pouvaient néanmoins porter sur d’autres paramètres en Chine que les prix et les coûts, tels que l’utilisation d’un procédé de production différent dans ce pays.

123.

Deuxièmement, selon la jurisprudence, un requérant est recevable à faire valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé, qu’il ait ou non invoqué ces moyens devant le Tribunal ( 50 ). Tel est le cas dans la présente affaire, dès lors que la question de savoir si un producteur-exportateur qui n’a pas bénéficié du statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché peut néanmoins demander des ajustements, et sur quels paramètres, est abordée aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué.

124.

En second lieu, la Commission soulève l’irrecevabilité de la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi dans la mesure où elle est tirée d’une violation de l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping, des articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord ainsi que de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009. Selon la Commission, la violation d’aucune de ces dispositions n’a été invoquée devant le Tribunal.

125.

J’estime qu’il y a lieu de faire droit à cette exception d’irrecevabilité. En effet, la violation d’aucune des dispositions énumérées au point 124 des présentes conclusions n’a été invoquée devant le Tribunal en ce qui concerne le refus de la Commission de procéder aux ajustements demandés par Changmao Biochemical Engineering.

126.

Toutefois, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi demeure recevable dans la mesure où elle est tirée d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de diligence de la Commission, et dans la mesure où elle conteste le refus du Tribunal d’ordonner une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction.

127.

J’en conclus que la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi est recevable et que la quatrième branche de ce moyen est irrecevable en ce qu’elle est tirée d’une violation de l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping, des articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord, et de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009.

b)   Sur le fond

128.

J’examinerai la troisième branche du troisième moyen du pourvoi, puis la première branche de ce moyen, la quatrième branche et, enfin, la deuxième branche.

1) Sur la troisième branche du troisième moyen du pourvoi

129.

En vertu de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, il faut procéder à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. L’alinéa introductif de cette disposition énonce que, « dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation [...] ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte, dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité ».

130.

Selon la jurisprudence, si une partie demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, elle doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. La charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), de ce règlement doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir ( 51 ).

131.

Dans la présente affaire, le considérant 48 du règlement litigieux indique que Changmao Biochemical Engineering a demandé à la Commission d’opérer des ajustements aux fins du calcul de la marge de dumping en raison de différences de coûts de production entre le producteur chinois et le producteur de l’Union. Selon le considérant 49 de ce règlement, la Commission a rejeté cette demande d’ajustement au motif que Changmao Biochemical Engineering n’avait pas étayé son allégation et, en particulier, qu’elle n’avait pas produit d’éléments de preuve pour démontrer que « les acheteurs [payaient] systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause de la différence [dans les coûts de production] ».

132.

Aux points 143 et 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il incombait à Changmao Biochemical Engineering de démontrer que les différences de coûts de production se traduisaient en différences de prix, ce qu’elle n’avait pas fait, et que, partant, la Commission n’avait pas violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 en rejetant ses demandes d’ajustement.

133.

Dans la troisième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit.

134.

J’estime que la troisième branche du troisième moyen n’est pas fondée.

135.

Premièrement, cette conclusion découle du libellé de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009. Je ne souscris pas à l’argument de Changmao Biochemical Engineering selon lequel la partie qui demande un ajustement ne doit démontrer un effet sur les prix et la comparabilité des prix que si l’ajustement est demandé au titre du point k) de cette disposition pour « d’autres facteurs non [prévus] aux points a) à j) », et non pas lorsque l’ajustement est demandé au titre de différences relatives aux facteurs énumérés aux points a) à j). Certes, le point k) indique expressément qu’il doit être « démontré que [les différences relatives aux facteurs] affectent la comparabilité des prix », alors que les points a) à j) ne sont pas expressément formulés ainsi ( 52 ). Toutefois, je relève que l’alinéa introductif de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, cité au point 129 des présentes conclusions, prévoit qu’il doit être « démontré » que les différences constatées dans les « facteurs »« affectent les prix et, partant, leur comparabilité ». L’alinéa introductif englobe tous les facteurs énumérés aux points a) à k). Je note également que le point k) exige la démonstration que les différences relatives à d’autres facteurs « affectent la comparabilité des prix comme l’exige [ce] paragraphe » ( 53 ). Ainsi, le point k) indique lui‑même que cette démonstration est requise dans tous les cas où un ajustement est demandé au titre du paragraphe 10, quel que soit le facteur en cause.

136.

Deuxièmement, cette conclusion est conforme à la jurisprudence du Tribunal selon laquelle il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité. Par exemple, dans l’arrêt du 29 avril 2015, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (T‑558/12 et T‑559/12, non publié, EU:T:2015:237, point 114), le Tribunal a jugé que le Conseil et la Commission devaient refuser un ajustement en raison des différences constatées dans des facteurs dont il n’est pas démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité ( 54 ). De même, dans l’arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 138), le Tribunal a considéré qu’il incombait aux producteurs‑exportateurs demandant un ajustement pour le montant correspondant au droit à l’importation de 14 % appliqué par les autorités du pays analogue d’apporter les éléments de preuve démontrant que ce droit à l’importation affectait réellement le niveau des prix constituant la valeur normale et la possibilité de comparer ces prix aux prix à l’exportation.

137.

Troisièmement, je ne souscris pas à l’argument de Changmao Biochemical Engineering selon lequel, en lui imposant de démontrer un effet sur les prix et la comparabilité des prix, le Tribunal lui aurait imposé une charge de la preuve déraisonnable parce que la valeur normale a été calculée en utilisant des données fournies par le producteur de l’Union, auxquelles, en tant que producteur‑exportateur chinois, Changmao Biochemical Engineering n’avait pas accès.

138.

Je relève que cet argument a été examiné et rejeté par le Tribunal aux points 155 à 159 de l’arrêt attaqué, ce que Changmao Biochemical Engineering conteste dans le cadre de la quatrième branche de son troisième moyen. Je l’aborderai cependant ici, sans quoi l’analyse de la troisième branche du troisième moyen serait incomplète.

139.

Certes, selon la jurisprudence, une personne sollicitant un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 et à laquelle il incombe d’établir la nécessité de l’ajustement sollicité ne doit pas avoir à faire face à une charge de la preuve déraisonnable ( 55 ). Tel n’est cependant pas le cas dans la présente affaire, pour les raisons suivantes.

140.

Je souligne que l’exigence de l’alinéa introductif de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, selon laquelle il doit être démontré que les différences constatées dans les facteurs énumérés aux points a) à k) de cette disposition affectent les prix et, partant, leur comparabilité, ne comporte aucune réserve. Il s’ensuit que cette preuve doit être apportée quelle que soit la méthode utilisée pour calculer la valeur normale, et donc même lorsqu’elle est calculée en utilisant les données relatives à l’industrie de l’Union. À défaut, la Commission pourrait être tenue, sur demande, d’opérer un ajustement qui n’affecte pas les prix et leur comparabilité, et qui, partant, aboutit à créer une asymétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation.

141.

En outre, contrairement à ce que soutient Changmao Biochemical Engineering, on ne saurait considérer que les producteurs‑exportateurs chinois n’ont pas accès aux données utilisées pour calculer la valeur normale et le prix à l’exportation lorsque ces données ont été communiquées à la Commission par un producteur du pays analogue ou, comme c’est le cas dans la présente affaire, par un producteur de l’Union.

142.

Je précise que, en vertu de l’article 6, paragraphe 7, du règlement no 1225/2009, les exportateurs peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête et que, en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du même règlement, ils peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives. Certes, la prise de connaissance des renseignements et l’information finale ne s’appliquent qu’aux renseignements qui ne sont pas confidentiels au sens de l’article 19 dudit règlement ( 56 ). Cependant, dans la présente affaire, il ressort du considérant 40 du règlement litigieux que la Commission a communiqué les données relatives au producteur de l’Union à Changmao Biochemical Engineering.

143.

Je relève également que, comme le soutient la Commission, Changmao Biochemical Engineering ne prétend pas, à l’appui de son argument selon lequel le Tribunal lui aurait imposé une charge de la preuve déraisonnable, que la Commission ne lui aurait pas communiqué les données nécessaires pour demander un ajustement (à l’exception d’une affirmation générale et non étayée dans son pourvoi, selon laquelle « les exportateurs d’un pays n’ayant pas une économie de marché ne disposent pas des données relatives aux prix du producteur analogue »). À l’appui de cet argument, Changmao Biochemical Engineering fait plutôt valoir, notamment, que le producteur de l’Union n’a pas produit toutes les informations nécessaires pour permettre une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation.

144.

Certes, Changmao Biochemical Engineering conteste également le refus du Tribunal d’ordonner à la Commission, par une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction, de produire l’analyse l’ayant conduite à conclure, au considérant 70 du règlement litigieux, qu’il n’existait pas de différences entre le produit concerné et le produit similaire qui transparaîtrait systématiquement dans les prix. Néanmoins, je relève que Changmao Biochemical Engineering allègue, à cet égard, non seulement que la Commission aurait (selon ses propres termes) « retenu » des informations nécessaires pour opérer des ajustements, mais, surtout, que la Commission pourrait simplement ne pas avoir recueilli ces informations, en particulier les factures et les contrats de l’industrie de l’Union. Il me semble donc que, en contestant le refus du Tribunal d’ordonner la production de l’analyse susmentionnée, Changmao Biochemical Engineering cherche pour l’essentiel à déterminer si la Commission a recueilli des informations suffisantes, plutôt qu’à démontrer que la Commission ne lui a pas communiqué suffisamment d’informations.

145.

J’en conclus que la troisième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée.

2) Sur la première branche du troisième moyen du pourvoi

146.

Aux points 141 à 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, en refusant d’opérer les ajustements demandés par Changmao Biochemical Engineering, la Commission n’a pas violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, étant donné que la requérante n’avait fourni aucun élément de preuve à l’appui de sa demande et qu’elle n’avait pas démontré que les différences alléguées de coûts de production se traduisaient en différences de prix.

147.

Dans la première branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, ce faisant, le Tribunal a dénaturé les faits.

148.

Je considère que la première branche du troisième moyen du pourvoi doit être rejetée.

149.

Selon la jurisprudence, il appartient au requérant d’indiquer avec précision les preuves qui ont été dénaturées et d’exposer les erreurs d’appréciation qui auraient été commises ( 57 ).

150.

Dans la présente affaire, bien que Changmao Biochemical Engineering énumère, dans son pourvoi, les éléments de preuve invoqués dans le cadre de la procédure administrative, elle n’explique pas avec précision en quoi les différences alléguées au niveau de chacun des facteurs pertinents affectent les prix et la comparabilité des prix, ni, par conséquent, en quoi le Tribunal aurait dénaturé les faits en jugeant, au point 143 de cet arrêt, qu’elle n’avait pas démontré que les différences de coûts de production se traduisaient en différences de prix.

151.

Je précise également que, contrairement à ce que soutient Changmao Biochemical Engineering, il n’existe aucune contradiction entre, d’une part, le considérant 49 du règlement litigieux, qui indique que Changmao Biochemical Engineering n’a pas démontré d’effet sur les prix et la comparabilité des prix, et, d’autre part, le considérant 76 de ce règlement, selon lequel les importations chinoises faisant l’objet d’un dumping étaient sous‑cotées de 21,1 % par rapport aux prix de l’Union. En effet, la sous-cotation constatée par la Commission signifie que l’industrie de l’Union a subi un préjudice, sans qu’il existe la moindre indication que cette sous-cotation aurait été causée par les différences de coûts de production, ce qui justifierait un ajustement.

152.

Partant, il y a lieu d’écarter la première branche du troisième moyen du pourvoi.

3) Sur la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi

153.

Aux points 155 à 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’a pas imposé à Changmao Biochemical Engineering une charge de la preuve déraisonnable en exigeant qu’elle démontre que les différences alléguées de coûts de production se traduisaient en différences de prix alors qu’elle n’avait pas accès aux données relatives à l’industrie de l’Union.

154.

Dans la quatrième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, ce faisant, le Tribunal a violé l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping, les articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord, l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009, ainsi que le principe de bonne administration, et qu’il a méconnu le devoir de diligence de la Commission. En outre, Changmao Biochemical Engineering soutient que le Tribunal a commis une erreur en refusant, au point 207 de l’arrêt attaqué, d’ordonner à la Commission, par une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction, de produire l’analyse l’ayant conduite à rejeter ses demandes d’ajustement.

155.

Comme je l’ai exposé aux points 124 à 127 des présentes conclusions, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi est en partie irrecevable. Toutefois, dans un souci d’exhaustivité, j’expliquerai ci-après pourquoi, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi est recevable dans son ensemble, elle devrait néanmoins la rejeter comme étant non fondée.

156.

Premièrement, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée d’une violation de l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping et des articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de cet accord.

157.

Selon une jurisprudence constante, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée. Ce n’est que dans deux situations exceptionnelles, qui découlent de la volonté du législateur de l’Union de limiter lui-même sa marge de manœuvre dans l’application des règles de l’OMC, que la Cour a admis qu’il appartient au juge de l’Union, le cas échéant, de contrôler la légalité d’un acte de l’Union et des actes pris pour son application au regard des accords OMC. Il s’agit, en premier lieu, de l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de ces accords et, en second lieu, du cas dans lequel l’acte du droit de l’Union en cause renvoie expressément à des dispositions précises des mêmes accords ( 58 ).

158.

Aucun article du règlement no 1225/2009 ne renvoie à une quelconque disposition spécifique des accords OMC. Cependant, selon la jurisprudence, l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 met en œuvre l’article 2.4 de l’accord antidumping, dont il reprend en substance les dispositions ( 59 ).

159.

Néanmoins, l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 ne reprend pas expressément l’exigence, prévue à l’article 2.4, dernière phrase, de l’accord antidumping, selon laquelle « les autorités indiqueront aux parties en question quels renseignements sont nécessaires pour assurer une comparaison équitable et la charge de la preuve qu’elles imposeront à ces parties ne sera pas déraisonnable » ( 60 ). Il me semble donc qu’il n’y a pas eu de volonté claire du législateur de l’Union de donner exécution à l’obligation particulière que comporte la dernière phrase de l’article 2.4 de l’accord antidumping. Il s’ensuit que la légalité du règlement litigieux ne saurait être contrôlée au regard de la dernière phrase de l’article 2.4 de l’accord antidumping ( 61 ).

160.

Par ailleurs, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si des dispositions spécifiques du règlement no 1225/2009 mettent en œuvre les articles 6.2, 6.4, 12.2.1 ou 12.2.2 de l’accord antidumping et si, par conséquent, la légalité du règlement litigieux peut être contrôlée au regard de ces dispositions, j’estime que le moyen tiré d’une violation des articles 6.2, 6.4, 12.2.1 ou 12.2.2 de l’accord antidumping ne saurait prospérer. En effet, je ne perçois pas la pertinence des articles 12.2.1 et 12.2.2, relatifs aux avis au public concernant l’imposition de mesures antidumping, ou de l’article 6.2, qui concerne les rencontres avec des parties adverses. Quant à l’article 6.4, qui précise que les autorités permettront aux parties intéressées de prendre connaissance de tous les renseignements pertinents qui ne seraient pas confidentiels, je relève que, comme je l’expose aux point 143 et 161 des présentes conclusions, Changmao Biochemical Engineering ne soutient pas que la Commission ne lui a pas communiqué les informations nécessaires pour demander des ajustements.

161.

Deuxièmement, à mon avis, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée d’une violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009. Comme je l’ai mentionné au point 142 des présentes conclusions, en vertu de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009, les exportateurs peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels, « compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles ». J’ai cependant expliqué au point 143 des présentes conclusions que, dans la présente affaire, Changmao Biochemical Engineering ne soutient pas, à l’appui de son moyen tiré d’une violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009, que la Commission ne lui a pas communiqué les informations nécessaires pour demander des ajustements. À l’appui de ce moyen, elle fait plutôt valoir que la Commission n’a notamment pas recueilli toutes les informations nécessaires pour déterminer s’il y a lieu de faire droit ou non à de telles demandes. Ce manquement, à le supposer établi, ne saurait constituer une violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1225/2009.

162.

Troisièmement, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée d’une violation du devoir de diligence de la Commission. Selon la jurisprudence citée au point 102 des présentes conclusions, la Commission était tenue d’examiner avec toute la diligence et l’impartialité requises les éléments de preuve produits par Changmao Biochemical Engineering à l’appui de ses demandes d’ajustement. Cependant, comme je l’ai établi aux points 148 à 152 des présentes conclusions, le Tribunal n’a pas dénaturé les faits en considérant, aux points 141 à 144 de l’arrêt attaqué, que Changmao Biochemical Engineering n’avait pas démontré que les différences alléguées de coûts de production affectaient les prix et leur comparabilité.

163.

Quatrièmement, j’estime que la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée d’une violation du principe de bonne administration. Selon la jurisprudence, il découle du principe de bonne administration que la charge de la preuve que la Commission impose aux producteurs-exportateurs demandant un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 ne peut pas être déraisonnable ( 62 ). Cependant, j’ai exposé aux points 139 à 144 des présentes conclusions les raisons pour lesquelles, en exigeant de Changmao Biochemical Engineering qu’elle démontre que les différences alléguées de coûts de production ont affecté les prix et leur comparabilité, la Commission ne lui a pas imposé une charge de la preuve déraisonnable.

164.

Cinquièmement, la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée en ce qu’elle est tirée de ce que c’est à tort que le Tribunal a refusé, au point 207 de l’arrêt attaqué, d’ordonner à la Commission, par une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction, de produire l’analyse l’ayant conduite à conclure, au considérant 70 du règlement litigieux, qu’il n’existait pas de différences entre le produit concerné et le produit similaire qui transparaîtrait systématiquement dans les prix. Selon la jurisprudence, s’agissant de l’appréciation par le Tribunal de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de souligner que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi ( 63 ). En outre, comme je l’ai montré aux points 148 à 152 des présentes conclusions, aucune dénaturation des faits n’a été établie dans la présente affaire.

165.

J’en conclus que la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée dans son intégralité.

4) Sur la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi

166.

Aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les producteurs-exportateurs chinois qui ne bénéficient pas du statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché peuvent présenter des demandes d’ajustement, mais que ces demandes ne peuvent pas « porter sur les coûts réels en Chine », sauf à priver d’effet l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009.

167.

Dans la deuxième branche de son troisième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, ce faisant, le Tribunal a violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009.

168.

Je suis d’avis que, bien que la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi soit fondée, elle doit néanmoins être rejetée comme étant inopérante. J’exposerai ci-après les raisons pour lesquelles je considère qu’elle est fondée, avant d’exposer les raisons pour lesquelles elle est inopérante.

169.

Selon la jurisprudence, le but de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 est d’éviter la prise en considération des prix et des coûts dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché ( 64 ).

170.

L’argument de la Commission est que, si un ajustement devait être opéré en raison des différences de coûts de production entre la Chine et l’Union, cela priverait d’effet l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, car les coûts de production en Chine sont liés au statut de pays n’ayant pas une économie de marché de la Chine et sont faussés.

171.

À mon avis, cette argumentation ne saurait prospérer.

172.

Certes, dans l’arrêt du 29 avril 2015, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, le Tribunal a considéré qu’aucun ajustement ne pouvait être opéré en raison de différences d’efficacité et de productivité entre les producteurs-exportateurs chinois qui s’étaient vu imposer des droits antidumping et le producteur du pays analogue, car les premiers n’avaient pas bénéficié du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché et que les données les concernant ne pouvaient donc pas être prises en considération aux fins de la détermination de la valeur normale ( 65 ). Devant la Cour, les producteurs-exportateurs chinois ont fait valoir que le fait d’opérer des ajustements liés aux différences d’efficacité et de productivité ne priverait pas d’effet l’utilisation de la méthode du pays analogue, car leur consommation moindre de matières premières et d’électricité ainsi que leur productivité plus élevée par employé (par rapport à celles du producteur du pays analogue) n’avaient rien à voir avec les prix et les coûts ou les forces s’exerçant sur le marché en Chine ( 66 ). L’avocat général Mengozzi a proposé de rejeter cet argument, au motif qu’« une entreprise qui n’a pas bénéficié du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché ne saurait se prévaloir de différences concernant la productivité et l’efficacité pour demander des ajustements de la valeur normale », dès lors que la productivité et l’efficacité « sont fonction de plusieurs facteurs [...] dont on peut raisonnablement présumer qu’ils sont influencés, du moins indirectement, par des paramètres qui ne sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché » ( 67 ). La Cour n’a toutefois pas statué sur le refus du Conseil et de la Commission de procéder aux ajustements demandés ( 68 ).

173.

Il est également vrai que, dans l’arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209), le Tribunal a jugé qu’aucun ajustement ne pouvait être opéré au titre de différences liées au processus de production et à l’accès aux matières premières entre la Chine et le pays analogue, étant donné que, premièrement, la Chine n’était pas, au moment des faits, considérée comme une économie de marché et que, deuxièmement, la requérante, producteur‑exportateur chinois, n’avait pas introduit de demande en vue d’obtenir le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché. Ainsi, selon le Tribunal, rien n’indiquait que l’approvisionnement en nickel ou le processus de production d’une entreprise opérant dans des conditions qui ne sont pas celles d’une économie de marché n’étaient pas influencés par des paramètres qui n’étaient pas la résultante des forces qui s’exercent sur le marché ( 69 ). Devant la Cour, les producteurs‑exportateurs chinois ont fait valoir que le Tribunal aurait dû examiner si les ajustements demandés auraient eu pour conséquence de réintroduire dans la valeur normale des coûts influencés par des paramètres qui n’étaient pas la résultante des forces qui s’exercent sur le marché, ce que le Tribunal n’a pas fait ( 70 ). La Cour a rejeté cet argument comme étant inopérant, au motif que les producteurs‑exportateurs chinois n’avaient pas contesté expressément la constatation factuelle du Tribunal selon laquelle il n’apparaissait pas que les ajustements demandés portaient sur des facteurs qui étaient la résultante des forces s’exerçant sur le marché ( 71 ).

174.

Cependant, je relève que ni dans l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), ni dans l’arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C‑436/18 P, EU:C:2019:643), la Cour n’a examiné au fond la question de savoir si les producteurs-exportateurs chinois qui n’ont pas bénéficié du statut de société évoluant dans les conditions d’une économie de marché peuvent demander des ajustements au titre des différences dans les processus de production ainsi que dans la consommation des matières premières et dans l’accès à celles-ci entre la Chine et le pays analogue.

175.

Je relève également que Changmao Biochemical Engineering soutient, sans être contredite par la Commission, que la situation dans la présente affaire diffère de celle qui a donné lieu à l’arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C‑436/18 P, EU:C:2019:643), parce que, dans la présente affaire, les ajustements interviendraient non pas par référence aux propres coûts de production du producteur-exportateur chinois ou aux coûts de la production en Chine, mais par référence aux coûts de production dans l’Union. L’argument de Changmao Biochemical Engineering est, en substance, que la détermination de la valeur normale conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 ne s’oppose pas à ce que la Commission fasse droit à des demandes d’ajustements lorsque la Commission n’utilise pas de données du marché chinois dans la détermination du montant des ajustements.

176.

Changmao Biochemical Engineering explique que, dans la présente affaire, elle n’a pas demandé à la Commission d’opérer des ajustements par référence à ses propres coûts de production. Premièrement, elle a demandé à la Commission, lorsque l’industrie de l’Union et elle-même utilisaient des matières premières et des ressources différentes, soit de réduire la valeur normale, soit d’augmenter son prix à l’exportation d’un montant égal à la différence entre a) le coût de la matière première ou de la ressource utilisée par l’industrie de l’Union et b) le coût dans l’Union de la matière première ou de la ressource correspondante utilisée par elle‑même ( 72 ). Deuxièmement, Changmao Biochemical Engineering a demandé à la Commission, lorsque des coûts n’ont été supportés que par l’industrie de l’Union, et non pas par elle-même, d’opérer des ajustements à hauteur de ces coûts. Changmao Biochemical Engineering souligne que, dans les deux cas, la Commission n’aurait pas tenu compte de ses propres coûts de production ni des coûts réels en Chine pour procéder aux ajustements demandés. Ainsi, selon Changmao Biochemical Engineering, l’article 2, paragraphe 7, du règlement no 1225/2009 ne s’opposait pas à ce que la Commission opère ces ajustements.

177.

À mon avis, ce n’est que lorsque les coûts de production propres des producteurs-exportateurs chinois ou les coûts de production en Chine sont utilisés pour déterminer le montant de l’ajustement et que ces coûts sont ainsi introduits dans le calcul de la valeur normale que l’article 2, paragraphe 7, du règlement no 1225/2009 s’oppose à ce que la Commission fasse droit aux demandes d’ajustements des producteurs-exportateurs chinois qui ne se sont pas vu accorder le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché. En revanche, lorsque les coûts de production en Chine ne sont utilisés que pour établir l’existence de différences au niveau des facteurs énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), dudit règlement, l’article 2, paragraphe 7, de ce règlement ne s’oppose pas à ce que la Commission fasse droit aux demandes d’ajustements de ces producteurs‑exportateurs.

178.

En effet, si les producteurs‑exportateurs chinois étaient empêchés de demander des ajustements lorsque la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009, quand bien même aucune donnée du marché chinois ne serait utilisée pour calculer le montant des ajustements, ces producteurs-exportateurs seraient effectivement empêchés de demander des ajustements lorsque la valeur normale est déterminée conformément à cette disposition. Toutefois, il ne ressort pas de la jurisprudence citée au point 169 des présentes conclusions, selon laquelle le but de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009 est d’éviter la prise en considération des prix et des coûts dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché, que la valeur normale ne peut faire l’objet d’aucun ajustement lorsqu’elle est établie conformément à cette disposition. Bien au contraire, rien, dans ce règlement, n’indique que l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement prévoirait une dérogation généralisée à l’exigence d’opérer des ajustements sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement, à des fins de comparabilité ( 73 ).

179.

En outre, la solution proposée au point 177 des présentes conclusions est conforme à la conclusion du Tribunal, aux points 607 et 608 de l’arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278), selon laquelle l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 doit être interprété à la lumière de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement, de sorte que les ajustements opérés ne doivent pas introduire ou réintroduire un élément de distorsion du régime chinois dans le calcul de la valeur normale déterminée sur la base de la méthode du pays analogue.

180.

Dans l’arrêt mentionné au point 179 des présentes conclusions, le Tribunal a conclu que la valeur normale pouvait être ajustée en appliquant le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 12 % applicable, en droit chinois, à l’exportation du produit concerné en provenance de Chine, au motif, en substance, que cet élément ne faisait pas l’objet d’une distorsion ( 74 ). Certes, la situation dans cet arrêt diffère de celle de la présente affaire puisque, dans cet arrêt, l’ajustement n’avait pas été demandé par les producteurs-exportateurs chinois ( 75 ). Il n’en reste pas moins que, selon cet arrêt, un ajustement peut être opéré en utilisant un élément du système chinois, pour autant, toutefois, que cet élément ne crée pas de distorsions, mais soit la résultante des forces du marché.

181.

Il s’ensuit que c’est à tort que le Tribunal a conclu, au point 153 de l’arrêt attaqué, que les demandes d’ajustement présentées par des producteurs‑exportateurs chinois qui ne bénéficient pas du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché ne peuvent pas porter sur les coûts réels en Chine. À mon avis, de telles demandes ne peuvent être rejetées que lorsque les données relatives aux coûts réels en Chine sont utilisées pour déterminer le montant d’un ajustement et non lorsque ces données sont invoquées pour établir l’existence de différences de coûts entre la Chine et le pays analogue.

182.

La deuxième branche du troisième moyen du pourvoi est donc fondée.

183.

Toutefois, comme je l’ai mentionné au point 168 des présentes conclusions, elle doit être rejetée comme étant inopérante pour les deux motifs suivants.

184.

Premièrement, il me semble que, pour que la Commission fasse droit aux demandes d’ajustement qui portent sur les coûts réels en Chine, les producteurs‑exportateurs chinois qui les présentent doivent démontrer que les coûts spécifiques en cause sont la résultante normale des forces du marché, même lorsque les données relatives à ces coûts ne sont utilisées que pour établir l’existence de différences au niveau des facteurs énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement no 1225/2009. Cette conclusion découle de la jurisprudence citée au point 130 des présentes conclusions, selon laquelle la charge de prouver que des ajustements spécifiques doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir.

185.

Or, dans la présente affaire, Changmao Biochemical Engineering n’a pas, à mon avis, démontré que l’utilisation de matières premières et de ressources différentes, ou les coûts supportés uniquement par l’industrie de l’Union ( 76 ), sont la résultante normale des forces du marché. Elle a simplement décrit les différences dans les matières premières et les ressources utilisées, et dans le processus de raffinage entre la Chine et l’Union, sans expliquer pourquoi ces éléments ne seraient pas affectés par le statut de pays n’ayant pas une économie de marché de la Chine.

186.

Deuxièmement, les motifs figurant aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué sont des motifs subsidiaires, étant donné que, au point 144 de cet arrêt, le Tribunal a déjà constaté que, en refusant les ajustements demandés par Changmao Biochemical Engineering, la Commission n’a pas violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, au motif que cette entreprise n’a pas démontré que les différences alléguées de coûts de production se traduisaient en différences de prix. En témoigne l’emploi des termes « en toute hypothèse » au point 151 de l’arrêt attaqué.

187.

Ainsi, bien qu’elle soit fondée, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

188.

Pour être exhaustif, je dois ajouter qu’il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009 doit également être rejeté. À l’appui de ce moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, si la Commission avait procédé aux ajustements demandés, la marge de dumping serait descendue au-dessous de la marge de préjudice sur la base de laquelle le droit antidumping a été fixé. Toutefois, étant donné que, à mon avis, la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant de procéder à ces ajustements, il n’y a pas de violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009.

189.

J’en conclus que le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

D. Sur le quatrième moyen du pourvoi

1.   Arguments des parties

190.

Par son quatrième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, en jugeant, aux points 148 et 150 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant d’opérer les ajustements demandés aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, le Tribunal a violé l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement 2016/1036, tel que modifié, et l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement, et a méconnu le devoir de diligence de la Commission. Selon Changmao Biochemical Engineering, les différences de coûts de production entre le producteur de l’Union et les producteurs-exportateurs chinois justifiaient non seulement des ajustements aux fins de la détermination de la marge de dumping, mais également, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, et/ou de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, des ajustements aux fins de la détermination de la marge de préjudice.

191.

La Commission fait valoir que le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté, car (notamment) l’article 2, paragraphe 10, et l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement 2016/103 ne font aucune référence à des ajustements.

2.   Appréciation

192.

Dans le règlement litigieux, la Commission a rejeté la demande de Changmao Biochemical Engineering tendant à ce que des ajustements soient opérés aux fins de la détermination non pas de la marge de dumping, mais de la marge de préjudice, en raison des différences de coûts de production entre le producteur de l’Union et les producteurs‑exportateurs chinois. La raison pour laquelle la Commission a rejeté ces demandes était, en substance, que ces différences ne se traduisaient pas nécessairement par des différences de prix ou n’affectaient pas nécessairement la comparabilité des prix ( 77 ).

193.

Aux points 148 et 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que, en refusant d’opérer les ajustements demandés aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, la Commission n’a violé ni l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009, ni l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, ni l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement.

194.

Par son quatrième moyen, Changmao Biochemical Engineering soutient que, ce faisant, le Tribunal a violé ces dispositions, méconnu le devoir de diligence de la Commission et violé le principe de bonne administration.

195.

J’estime que ce moyen du pourvoi doit être rejeté. Bien que, à mon avis, il soit fondé en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, du règlement no 1225/2009, il est néanmoins inopérant dans son ensemble. J’exposerai ci-après les raisons pour lesquelles il est partiellement fondé avant d’expliquer pourquoi il est inopérant.

196.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009, pour pouvoir instituer des droits antidumping, les importations faisant l’objet d’un dumping doivent causer un préjudice à l’industrie de l’Union. Selon l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, la détermination de l’existence d’un préjudice comporte un examen objectif « du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de [l’Union] ». L’article 3, paragraphe 3, du même règlement dispose que, « en ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie [de l’Union] ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites ».

197.

Certes, l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, ou toute autre disposition du règlement no 1225/2009 n’indique pas que la Commission doit procéder à des ajustements aux fins de la détermination de la marge de préjudice. Il n’existe pas d’équivalent, dans ce contexte, à l’article 2, paragraphe 10, dudit règlement, selon lequel des ajustements doivent être opérés aux fins de la détermination de la marge de dumping.

198.

Cependant, selon la jurisprudence, l’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping, inscrite à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie ( 78 ).

199.

Il me semble que, lorsque des ajustements sont nécessaires pour garantir le caractère équitable de la comparaison entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union dans l’Union, la Commission doit être considérée comme ayant l’obligation d’opérer ces ajustements. Cela permettrait de rétablir la symétrie entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire, de même que, selon la jurisprudence, un ajustement de la valeur normale opéré conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement no 1225/2009 rétablit la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation d’un produit, assurant ainsi la comparabilité des prix ( 79 ).

200.

Bien qu’aucune disposition du règlement no 1225/2009 ne prévoie expressément que la Commission doive procéder à des ajustements afin d’assurer une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union dans l’Union, cette obligation peut, à mon sens, être fondée sur l’article 3, paragraphe 2, sous a) et paragraphe 3, dudit règlement, dans la mesure où cette disposition exige une comparaison équitable.

201.

Certes, ainsi que le fait valoir la Commission, le Tribunal n’a commis aucune erreur en considérant, au point 149 de l’arrêt attaqué, que l’arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil (T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46), portait sur une violation des droits de la défense des parties requérantes et un défaut de motivation du règlement litigieux. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal n’a pas examiné le bien-fondé de l’allégation selon laquelle l’ajustement du prix à l’exportation, opéré dans le cadre du calcul de la sous-cotation des prix, était inapproprié ( 80 ).

202.

Toutefois, il convient de se référer à l’arrêt du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil (277/85 et 300/85, EU:C:1988:467, points 65 et 66), dans lequel le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en opérant, dans le cadre de l’évaluation du préjudice, un ajustement pour tenir compte des différences entre les modèles importés du produit concerné (des machines à écrire électroniques) et les modèles de l’Union les plus proches ( 81 ).

203.

De même, dans l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234, points 172 à 189), le Tribunal a conclu que le calcul de la sous-cotation par la Commission était contraire à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009, parce que la Commission avait comparé les prix des ventes de l’industrie de l’Union aux premiers acheteurs indépendants du produit similaire avec les prix CAF (coût, assurance, fret) du producteur‑exportateur chinois. Selon le Tribunal, l’obligation de comparer les prix au même stade commercial imposait à la Commission d’utiliser non pas les prix CAF du producteur‑exportateur chinois, mais les prix des ventes de ce producteur‑exportateur aux premiers acheteurs indépendants. Ainsi, la Commission aurait dû opérer les ajustements correspondants, ce qu’elle n’a pas fait ( 82 ).

204.

Partant, c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 148 de l’arrêt attaqué, qu’aucune des dispositions du règlement no 1225/2009 citées par Changmao Biochemical Engineering (à savoir l’article 2, paragraphe 10, l’article 3, paragraphes 2 et 3, et l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement) n’obligeait la Commission à procéder à des ajustements aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice. À mon sens, l’article 3, paragraphe 2), sous a), et paragraphe 3, du règlement no 1225/2009 impose à la Commission de le faire. Le quatrième moyen du pourvoi est donc fondé en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2), sous a), et paragraphe 3, de ce règlement.

205.

Néanmoins, comme je l’ai mentionné au point 195 des présentes conclusions, le quatrième moyen du pourvoi doit, à mon sens, être rejeté comme étant inopérant.

206.

En effet, il me semble que, si la Commission est considérée comme étant tenue d’opérer les ajustements nécessaires dans le cadre de l’évaluation du préjudice, les principes qui régissent les demandes d’ajustement formulées dans le cadre de la détermination du dumping devraient s’appliquer. Ainsi, par analogie avec la jurisprudence citée au point 130 des présentes conclusions, la partie qui demande un ajustement aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. Elle doit notamment prouver que les différences de coûts de production (par exemple) se traduisent par des différences de prix.

207.

Or, au point 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que Changmao Biochemical Engineering n’avait pas démontré que les différences de coûts de production entre la Chine et l’Union se traduisaient par des différences de prix. Je souligne que le point 160 de l’arrêt attaqué porte spécifiquement sur la demande de Changmao Biochemical Engineering tendant à ce que soient opérés des ajustements aux fins de la détermination de la marge de sous-cotation. En effet, le libellé de ce point reproduit celui du considérant 70 du règlement litigieux, où la Commission indique la raison pour laquelle elle rejette les demandes d’ajustement formulées par Changmao Biochemical Engineering aux fins de la détermination de la marge de sous-cotation.

208.

Changmao Biochemical Engineering n’a pas contesté le point 160 de l’arrêt attaqué dans le cadre de son quatrième moyen, qui porte sur la légalité des ajustements opérés aux fins de la détermination de la marge de sous-cotation. Elle n’a contesté ce point que dans le cadre de son troisième moyen, qui porte sur les ajustements opérés en vue de la détermination de la marge de dumping.

209.

Ainsi, bien qu’il soit fondé, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant inopérant.

210.

J’en conclus que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VI. Sur les dépens

211.

Selon l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

212.

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui est applicable aux pourvois en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans la présente affaire, Changmao Biochemical Engineering a succombé et la Commission a conclu en ce sens. Il convient donc de condamner Changmao Biochemical Engineering à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

VII. Conclusion

213.

Je propose donc à la Cour de statuer de la manière suivante :

rejeter le pourvoi, et

condamner Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) T‑741/16, non publié, EU:T:2019:454.

( 3 ) Règlement d’exécution du 28 juillet 2016 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’aspartame originaire de la République populaire de Chine (JO 2016, L 204, p. 92).

( 4 ) Règlement du 30 novembre 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51).

( 5 ) Règlement du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21). Le règlement 2016/1036 a abrogé et remplacé le règlement no 1225/2009.

( 6 ) Voir considérants 19 à 22 du règlement d’exécution (UE) 2016/262, du 25 février 2016, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d’aspartame originaire de la République populaire de Chine (JO 2016, L 50, p. 4) (ci-après le « règlement provisoire ») et considérant 18 du règlement litigieux.

( 7 ) Voir préambule (« vu le [règlement 2016/1036] ») et considérant 142 du règlement litigieux.

( 8 ) Article 25 du règlement 2016/1036.

( 9 ) Point 1 de l’arrêt attaqué.

( 10 ) Énumérées aux notes en bas de page 18 et 19 des présentes conclusions.

( 11 ) Arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie (C‑467/15 P, EU:C:2017:799, point 15). Voir, également, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:3, points 62 et 63).

( 12 ) Arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C‑301/19 P, EU:C:2021:39, point 58).

( 13 ) Arrêts du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission (T‑576/93 à T‑582/93, EU:T:1994:93, point 35), du 12 juin 2019, RV/Commission (T‑167/17, EU:T:2019:404, points 60 et 65), du 31 janvier 2008, Valero Jordana/Commission (F‑104/05, EU:F:2008:13, point 53), du 21 février 2008, Putterie‑De‑Beukelaer/Commission (F‑31/07, EU:F:2008:23, point 52) [non annulé sur ce point par l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer (T‑160/08 P, EU:T:2010:294, point 67)], du 23 septembre 2009, Neophytou/Commission (F‑22/05 RENV, EU:F:2009:120, point 56), du 13 avril 2011, Vakalis/Commission (F‑38/10, EU:F:2011:43, points 28, 38 et 40), et du 16 septembre 2013, Wurster/EIGE (F‑20/12 et F‑43/12, EU:F:2013:129, point 84).

( 14 ) Arrêt du 16 septembre 2013, Wurster/EIGE (F‑20/12 et F‑43/12, EU:F:2013:129, point 84).

( 15 ) Le motif pour lequel ces dispositions générales d’exécution ont été considérées comme étant non applicables ratione temporis était non pas qu’elles s’appliquaient rétroactivement, mais qu’elles étaient applicables à compter du jour suivant celui de leur adoption. En outre, la situation de la requérante était définitivement établie avant l’adoption des dispositions générales d’exécution, étant donné qu’elle remplissait déjà toutes les conditions d’éligibilité au poste lors de son recrutement et que la période d’essai affectait uniquement la durée de son contrat (arrêt du 16 septembre 2013, Wurster/EIGE, F‑20/12 et F‑43/12, EU:F:2013:129, points 93 à 97).

( 16 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647, points 49 et 50, et jurisprudence citée).

( 17 ) À savoir l’article 2, paragraphe 7, sous a) et c), l’article 2, paragraphe 10, l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, l’article 6, paragraphe 8, et l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement.

( 18 ) Étant donné que j’estime que la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi est irrecevable en ce qu’elle est tirée d’une violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du même règlement (voir point 127 des présentes conclusions).

( 19 ) Règlement du 12 décembre 2012 modifiant le règlement no 1225/2009 (JO 2012, L 344, p. 1).

( 20 ) Dans cette affaire, le règlement no 1168/2012 est néanmoins entré en vigueur avant l’adoption du règlement instituant les mesures antidumping.

( 21 ) Article 2 du règlement no 1168/2012.

( 22 ) JO 1998, C 74, p. 9.

( 23 ) Elles sont néanmoins entrées en vigueur avant l’adoption des décisions par lesquelles la Commission a considéré les mesures d’aide en cause comme étant incompatibles avec le marché intérieur.

( 24 ) Règlement du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO 2001, L 10, p. 33).

( 25 ) Le règlement no 1370/2007 est néanmoins entré en vigueur avant l’adoption de la décision par laquelle la Commission a considéré l’aide comme partiellement compatible avec le marché intérieur.

( 26 ) La période d’enquête et la période considérée aux fins de l’évaluation du préjudice couraient jusqu’au 31 mars 2015 (voir considérant 3 du règlement litigieux).

( 27 ) L’information finale a eu lieu le 2 juin 2016, les observations ont été présentées le 13 juin 2016 et une audience a eu lieu le 5 juillet 2016 (voir points 7 à 9 de l’arrêt attaqué).

( 28 ) Arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 40). Voir, également, arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 76), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 54).

( 29 ) Arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644, points 41 et 42). Voir, également, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission (T‑228/17, EU:T:2019:619, point 2).

( 30 ) Considérant 131 du règlement litigieux.

( 31 ) La situation examinée dans l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62) est donc l’inverse de celle examinée dans la présente affaire (où le droit antidumping a été fixé sur la base de la marge de préjudice et non pas sur la base de la marge de dumping).

( 32 ) Arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 153 à 158). Voir, également, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2011:245, points 254, 277 et 278).

( 33 ) Il convient aussi de faire référence à l’arrêt du 21 mars 2012, Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening e.a./Conseil (T‑115/06, non publié, EU:T:2012:136, points 35, 36 et 45 à 47).

( 34 ) Voir considérants 27, 107 et 114 du règlement (CEE) no 535/87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO 1987, L 54, p. 12).

( 35 ) Considérant 215 du règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2).

( 36 ) Arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139, point 168). Mise en italique par mes soins.

( 37 ) Voir, à cet égard, point 194 de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), où le Tribunal a jugé qu’« il ne saurait être exclu que, si la sous-cotation du prix avait été calculée correctement, la marge de préjudice de l’industrie de l’Union aurait été établie à un niveau inférieur à celui de la marge de dumping » (mise en italique par mes soins).

( 38 ) Arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, point 26).

( 39 ) Voir considérant 17, sous e), et considérants 45 et 46 du règlement provisoire.

( 40 ) Voir considérants 42 à 46 du règlement provisoire. Voir, également, considérant 29 du règlement litigieux.

( 41 ) Voir considérants 2, 26, 32 et 33 du règlement litigieux.

( 42 ) Voir considérant 31 du règlement litigieux.

( 43 ) Voir, à cet égard, arrêts du 23 septembre 2015, Schroeder/Conseil et Commission (T‑205/14, EU:T:2015:673, point 44), du 23 septembre 2015, Hüpeden/Conseil et Commission (T‑206/14, non publié, EU:T:2015:672, point 45), et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278, point 198). (Je relève qu’un pourvoi est pendant contre le dernier arrêt).

( 44 ) Arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, points 33 et 34).

( 45 ) Je rappelle que peu de pays produisent de l’aspartame, qu’un seul autre pays tiers, la Corée du Sud, aurait pu être choisi comme pays analogue, et que le seul producteur sud-coréen connu a refusé de coopérer (voir point 79 des présentes conclusions).

( 46 ) Arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644, point 191). Voir, également, par analogie, arrêts du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil (T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62), et du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission (T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, points 241 et 242). (Je relève qu’un pourvoi est pendant contre le dernier arrêt.)

( 47 ) Arrêts du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, point 22), du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573, point 51), et du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C‑436/18 P, EU:C:2019:643, point 31).

( 48 ) Arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 104).

( 49 ) JO 1994, L 336, p. 103.

( 50 ) Arrêts du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission (C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 55), et du 28 février 2018, Commission/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑301/16 P, EU:C:2018:132, point 90).

( 51 ) Arrêts du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil (255/84, EU:C:1987:203, point 33), du 10 mars 1992, Canon/Conseil (C‑171/87, EU:C:1992:106, point 32), du 16 février 2012, Conseil/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 58), du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil (C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 83), et du 9 juillet 2020, Donex Shipping et Forwarding (C‑104/19, EU:C:2020:539, point 60).

( 52 ) À l’exception, toutefois, de l’article 2, paragraphe 10, sous d), point i), du règlement no 1225/2009, qui indique qu’un ajustement peut être opéré au titre des différences des stades commerciaux lorsqu’« il est établi que le prix à l’exportation [...] est pratiqué à un stade commercial différent par rapport à la valeur normale et que la différence a affecté la comparabilité des prix, ce qui est démontré par l’existence de différences constantes et nettes dans les fonctions et les prix des vendeurs correspondant aux différents stades commerciaux sur le marché intérieur du pays exportateur » (mise en italique par mes soins).

( 53 ) Mise en italique par mes soins.

( 54 ) Je relève que, bien que cet arrêt ait été annulé par la Cour dans l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), cette annulation était fondée, en substance, sur la violation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement no 1225/2009, sans que la Cour ait examiné le second moyen du pourvoi, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement.

( 55 ) Arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278, point 580). Voir, également, arrêts du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 77 et 78), et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 137).

( 56 ) Conformément à l’article 6, paragraphe 7, et à l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009.

( 57 ) Arrêts du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission (C‑469/15 P, EU:C:2017:308, point 48), du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 70), et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 56).

( 58 ) Arrêts du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale (C‑351/04, EU:C:2007:547, points 29 et 30), du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 38 à 41), du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, points 85 à 87), et du 9 juillet 2020, Donex Shipping et Forwarding (C‑104/19, EU:C:2020:539, point 46).

( 59 ) Arrêts du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 73), et du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644, point 250). Voir, également, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928, point 37).

( 60 ) Arrêts du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 77), et du 6 septembre 2013, Godrej Industries et VVF/Conseil (T‑6/12, EU:T:2013:408, point 51).

( 61 ) Conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Donex Shipping et Forwarding (C‑104/19, EU:C:2020:159, points 46 à 49).

( 62 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 56 des présentes conclusions.

( 63 ) Arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission (C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, point 47), du 14 septembre 2016, Ori Martin et SLM/Commission (C‑490/15 P et C‑505/15 P, non publié, EU:C:2016:678, point 108), du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission (C‑702/19 P, EU:C:2020:857, point 28), et du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU (C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 98).

( 64 ) Arrêts du 22 octobre 1991, Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 10), du 29 mai 1997, Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 9), du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573, point 48), et du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 106).

( 65 ) Arrêt du 29 avril 2015, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (T‑558/12 et T‑559/12, non publié, EU:T:2015:237, point 111 ). Voir également points 115 et 116 de cet arrêt.

( 66 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928, point 93).

( 67 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928, points 107 et 108).

( 68 ) Arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 73).

( 69 ) Arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, points 63 et 64).

( 70 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C‑436/18 P, EU:C:2019:643, point 49).

( 71 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C‑436/18 P, EU:C:2019:643, points 51 et 52).

( 72 ) Supposons, par exemple, que l’industrie de l’Union utilise une matière première A, tandis que Changmao Biochemical Engineering utilise une matière première B, supportant ainsi des coûts de production inférieurs. Selon Changmao Biochemical Engineering, la Commission aurait dû soit réduire la valeur normale, soit augmenter son prix à l’exportation d’un montant égal à la différence entre a) le coût de la matière première A dans l’Union et, b) le coût de la matière première B non pas en Chine, mais dans l’Union.

( 73 ) Arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278, point 605).

( 74 ) Arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278, points 602 à 610). Je précise que, dans cette affaire, la valeur normale a été calculée à partir des prix dans un pays analogue, à savoir l’Inde, alors que le prix à l’exportation utilisé était le prix à l’exportation réel pratiqué par les producteurs‑exportateurs chinois échantillonnés, et qu’un ajustement a été opéré au titre de la différence de TVA entre les ventes à l’exportation en provenance de Chine vers l’Union (donnant lieu à une taxe à l’exportation de 17 % grevant l’exportation, dont 5 % étaient par la suite remboursés) et la TVA sur les ventes intérieures en Inde (où les taxes avaient été exclues du prix intérieur). Le Tribunal a jugé que, si des ajustements ne pouvaient pas réintégrer des facteurs liés à des paramètres qui, en Chine, n’étaient pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché, tel n’était pas le cas en l’occurrence. En effet, selon le Tribunal, la raison pour laquelle le régime de la TVA chinois créait des distorsions était uniquement la manière dont la Chine appliquait la TVA à l’exportation, en prévoyant le remboursement de cette TVA pour certains produits et pas pour d’autres. (De nouveau, je relève que cet arrêt est frappé d’un pourvoi).

( 75 ) Considérant 79 du règlement d’exécution (UE) 2018/140 de la Commission, du 29 janvier 2018, instituant un droit antidumping définitif, portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et clôturant l’enquête sur les importations de certains articles en fonte originaires de l’Inde (JO 2018, L 25, p. 6).

( 76 ) Voir point 176 des présentes conclusions.

( 77 ) Considérants 64 à 74 du règlement litigieux.

( 78 ) Arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176).

( 79 ) Arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, EU:T:2021:278, point 593).

( 80 ) Arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil (T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 93).

( 81 ) Voir, également, arrêt du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, EU:C:1988:464, point 36).

( 82 ) Voir, également, arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704, points 50 à 71).

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