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Document 62022TO0460
Order of the General Court (Fifth Chamber) of 18 October 2023.#Somniare, Unipessoal, Lda and Others v European Commission.#State aid – Madeira Free Zone – Aid scheme implemented by Portugal – Decision finding that the scheme does not comply with Decisions C(2007) 3037 final and C(2013) 4043 final, declaring it to be incompatible with the internal market, and ordering the recovery of aid paid under that scheme – Obligation to state reasons – Concept of ‘existing aid’ within the meaning of Article 1(b)(ii) of Regulation (EU) 2015/1589 – Reasonable time – Recovery – Legitimate expectations – Legal certainty – Right to a fair hearing – Action manifestly lacking any foundation in law.#Cases T-460/22, T-461/22, T-464/22, T-550/22, T-551/22 and T-553/22.
Ordonanța Tribunalului (Camera a cincea) din 18 octombrie 2023.
Somniare, Unipessoal, Lda și alții împotriva Comisiei Europene.
Ajutoare de stat – Zona liberă Madeira – Schemă de ajutoare pusă în aplicare de Portugalia – Decizie prin care se constată neconformitatea schemei cu Deciziile C(2007) 3037 final și C(2013) 4043 final, prin care se declară această schemă incompatibilă cu piața internă și prin care se dispune recuperarea ajutoarelor plătite în temeiul acesteia – Obligația de motivare – Noțiunea de «ajutor existent» în sensul articolului 1 litera (b) punctul (ii) din Regulamentul (UE) 2015/1589 – Termen rezonabil – Recuperare – Încredere legitimă – Securitate juridică – Dreptul la un proces echitabil – Acțiuni vădit nefondate.
Cauzele T-460/22, T-461/22, T-464/22, T-550/22, T-551/22 și T-553/22.
Ordonanța Tribunalului (Camera a cincea) din 18 octombrie 2023.
Somniare, Unipessoal, Lda și alții împotriva Comisiei Europene.
Ajutoare de stat – Zona liberă Madeira – Schemă de ajutoare pusă în aplicare de Portugalia – Decizie prin care se constată neconformitatea schemei cu Deciziile C(2007) 3037 final și C(2013) 4043 final, prin care se declară această schemă incompatibilă cu piața internă și prin care se dispune recuperarea ajutoarelor plătite în temeiul acesteia – Obligația de motivare – Noțiunea de «ajutor existent» în sensul articolului 1 litera (b) punctul (ii) din Regulamentul (UE) 2015/1589 – Termen rezonabil – Recuperare – Încredere legitimă – Securitate juridică – Dreptul la un proces echitabil – Acțiuni vădit nefondate.
Cauzele T-460/22, T-461/22, T-464/22, T-550/22, T-551/22 și T-553/22.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2023:691
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
18 octobre 2023 (*)
« Aides d’État – Zone franche de Madère – Régime d’aides mis à exécution par le Portugal – Décision constatant la non-conformité du régime aux décisions C(2007) 3037 final et C(2013) 4043 final, déclarant ce régime incompatible avec le marché intérieur et ordonnant la récupération des aides versées en application de celui-ci – Obligation de motivation – Notion d’“aide existante” au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement (UE) 2015/1589 – Délai raisonnable – Récupération – Confiance légitime – Sécurité juridique – Droit à un procès équitable – Recours manifestement dépourvus de tout fondement en droit »
Dans les affaires T‑460/22, T‑461/22, T‑464/22, T‑550/22, T‑551/22 et T‑553/22,
Somniare, Unipessoal, Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes S. Gemas Donário et S. Soares, avocates,
partie requérante dans l’affaire T‑460/22,
Stratsirius, Unipessoal, Lda, établie à Funchal, représentée par Mes Gemas Donário et Soares,
partie requérante dans l’affaire T‑461/22,
Horizon Industry Solutions SA, établie à Genève (Suisse), représentée par Mes Gemas Donário et Soares,
partie requérante dans l’affaire T‑464/22,
Sapateia SA, établie à Genève, représentée par Mes Gemas Donário et Soares,
partie requérante dans l’affaire T‑550/22,
Augustea Oceanbulk Maritime Malta ltd., établie à Floriana (Malte), représentée par Mes Gemas Donário et Soares,
partie requérante dans l’affaire T‑551/22,
Thorn Investments LTD, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Mes Gemas Donário et Soares,
partie requérante dans l’affaire T‑553/22,
contre
Commission européenne, représentée par MM. I. Barcew et P. Caro de Sousa, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, J. Martín y Pérez de Nanclares et Mme M. Stancu, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 20 juillet, 5 et 6 septembre 2022,
– les observations des parties sur l’arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère) (T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567), déposées au greffe du Tribunal le 19 décembre 2022 et le 30 mars 2023 dans le cadre de la réplique et de la duplique,
– les décisions des 21 et 24 octobre 2022 ainsi que des 13, 16 et 18 janvier 2023 de ne pas suspendre les présentes procédures dans l’attente de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑736/22 P, Portugal/Commission,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Somniare, Unipessoal, Lda, Stratsirius, Unipessoal, Lda, Horizon Industry Solutions SA, Sapateia SA, Augustea Oceanbulk Maritime Malta ltd. et Thorn Investments LTD, demandent l’annulation de la décision (UE) 2022/1414 de la Commission, du 4 décembre 2020, relative au régime d’aides SA.21259 (2018/C) (ex 2018/NN) mis en œuvre par le Portugal en faveur de la zone franche de Madère (Zona Franca da Madeira – ZFM) – Régime III (JO 2022, L 217, p. 49, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le régime de la zone franche de Madère (Portugal, ci-après la « ZFM ») prend la forme de divers avantages fiscaux accordés dans le cadre du Centro Internacional de Negócios da Madeira (centre international d’affaires de Madère), du Registo Internacional de Navios da Madeira (registre international des navires de Madère) et de la Zona Franca Industrial (zone franche industrielle).
3 Ce régime a initialement été approuvé en 1987 par la décision de la Commission européenne du 27 mai 1987 rendue dans l’affaire N 204/86 [SG(87) D/6736] en tant qu’aide à finalité régionale compatible avec le marché unique. Sa prorogation a ensuite été autorisée par la décision de la Commission du 27 janvier 1992 rendue dans l’affaire E 13/91 [SG(92) D/1118], puis par la décision de la Commission du 3 février 1995 rendue dans l’affaire E 19/94 [SG(95) D/1287].
4 Le régime qui lui a succédé (ci-après le « régime II ») a été autorisé par une décision de la Commission du 11 décembre 2002 rendue dans l’affaire N 222A/01 (ci-après la « décision de 2002 »).
5 Sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13, ci‑après les « lignes directrices de 2007 »), un troisième régime (ci‑après le « régime III ») a été autorisé par la décision de la Commission du 27 juin 2007 rendue dans l’affaire N 421/2006 (ci-après la « décision de 2007 »), pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013. La Commission a autorisé ce régime en tant qu’aide au fonctionnement compatible avec le marché intérieur visant à promouvoir le développement régional et la diversification de la structure économique de Madère, en tant que région ultrapériphérique au sens de l’article 299, paragraphe 2, CE (devenu article 349 TFUE).
6 Le régime III prend la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu applicable aux personnes morales (ci-après l’« IRPM ») sur les bénéfices résultant d’activités effectivement et matériellement réalisées à Madère (3 % de 2007 à 2009, 4 % de 2010 à 2012 et 5 % de 2013 à 2020), d’une exonération de taxes municipales et locales ainsi que d’une exonération de l’impôt sur la transmission de biens immobiliers pour la création d’une entreprise dans la ZFM, jusqu’à des montants d’aide maximaux basés sur les plafonds de la base d’imposition applicables à la base imposable annuelle des bénéficiaires. Ces plafonds sont fixés en fonction du nombre de postes de travail maintenus par le bénéficiaire au cours de chaque exercice. Dans certaines conditions, les sociétés enregistrées dans la zone franche industrielle de la ZFM peuvent bénéficier d’une réduction supplémentaire de 50 % de l’IRPM.
7 L’accès au régime III a été restreint aux activités qui figuraient sur une liste incluse dans la décision de 2007. De plus, toutes les activités d’intermédiation financière et d’assurances et les activités auxiliaires financières et d’assurances ainsi que toutes les activités du type « services intragroupe » (centres de coordination, trésorerie et distribution), en tant que « services fournis à des entreprises, principalement », ont été exclues du champ d’application du régime III.
8 Une version modifiée du régime III a été autorisée par la décision de la Commission du 2 juillet 2013 rendue dans l’affaire SA.34160 (2011/N) (ci-après la « décision de 2013 »), pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Celle-ci maintient les mêmes conditions que celles prévues par le régime III, sous réserve d’une augmentation de 36,7 % des plafonds de la base imposable à laquelle est applicable la réduction de l’IRPM.
9 Par la suite, la prorogation jusqu’au 30 juin 2014 du régime III modifié a été autorisée par la décision rendue par la Commission le 26 novembre 2013 dans l’affaire SA.37668 (2013/N). La prorogation dudit régime jusqu’à la fin de l’année 2014 a été autorisée par la décision de la Commission du 8 mai 2014 rendue dans l’affaire SA.38586 (2014/N).
10 Le 12 mars 2015, la Commission a engagé, sur le fondement de l’article 108, paragraphe 1, TFUE et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), un exercice de surveillance du régime III portant sur les années 2012 et 2013.
11 Par lettre du 6 juillet 2018, la Commission a informé la République portugaise de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard du régime III (JO 2019, C 101, p. 7, ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle »).
12 Cette procédure a été ouverte en raison des doutes de la Commission concernant, d’une part, l’application des exonérations fiscales sur les revenus provenant d’activités effectivement et matériellement réalisées dans la région autonome de Madère (ci-après la « RAM ») et, d’autre part, le lien entre le montant de l’aide et la création ou le maintien de postes de travail effectifs à Madère.
13 À l’issue de ladite procédure, la Commission a adopté la décision attaquée, dont le dispositif est libellé comme suit :
« Article premier
Le régime d’aides “Zone Franche de Madère (ZFM) – Régime III”, dans la mesure où il a été mis en œuvre par le Portugal en violation de la décision [de 2007] et de la décision [de 2013], a été illégalement mis à exécution par le Portugal en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], et est incompatible avec le marché intérieur.
Article 2
Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er ne constituent pas des aides si, au moment de leur octroi, elles satisfont aux conditions définies dans un règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (UE) 2015/1588, applicable au moment où l’aide est octroyée.
Article 3
Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui, au moment de leur octroi, satisfont aux conditions prévues dans les décisions visées à l’article 1er ou dans un règlement adopté en vertu de l’article 1er du règlement […] 2015/1588 sont compatibles avec le marché intérieur, à concurrence de l’intensité d’aide maximale applicable à ce type d’aide.
Article 4
1. Le Portugal est tenu de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er.
[...]
4. Le Portugal est tenu d’abroger le régime d’aides incompatible dans la mesure visée à l’article 1er et d’annuler tous les paiements en cours concernant les aides, avec effet à compter de la date de notification de la présente décision.
Article 5
1. La récupération des aides octroyées au titre du régime prévu à l’article 1er est immédiate et effective.
2. Le Portugal veille à ce que la présente décision soit exécutée dans un délai de huit mois à compter de la date de notification.
[…] »
Conclusions des parties
14 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
16 Les parties ayant été entendues, le Tribunal décide de joindre les affaires T‑460/22, T‑461/22, T‑464/22, T‑550/22, T‑551/22 et T‑553/22 aux fins de la présente ordonnance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
Sur le recours à l’article 126 du règlement de procédure
17 Au soutien de leur recours, les requérantes avancent six moyens tirés, premièrement, d’erreurs de droit en ce que la Commission a constaté que le régime III avait été mis en œuvre par la République portugaise en violation des décisions de 2007 et de 2013, deuxièmement, d’une violation du délai raisonnable, troisièmement, d’une violation de l’obligation de motivation, quatrièmement, d’une violation du droit à un procès équitable, cinquièmement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et, sixièmement, d’une violation du principe de sécurité juridique.
18 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
19 À cet égard, le rejet du recours par voie d’ordonnance motivée adoptée sur le fondement de l’article 126 du règlement de procédure non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait, lorsque, à la lecture du dossier d’une affaire, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincu du caractère manifestement dépourvu de tout fondement en droit du recours et considère, de surcroît, que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir d’éléments nouveaux susceptibles d’infléchir sa conviction.
20 En l’espèce, le Tribunal constate que les moyens dont se prévalent les requérantes soulèvent des questions similaires ou identiques à celles sur lesquelles le Tribunal a déjà statué dans l’arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère) (T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567).
21 Les parties ayant été invitées à présenter leurs observations sur l’arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère) (T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567), dans le cadre de la réplique et de la duplique, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
22 Par leur troisième moyen, qu’il convient d’examiner d’emblée, les requérantes font valoir que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne le constat selon lequel la République portugaise aurait méconnu les conditions relatives, d’une part, à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM et, d’autre part, à la création ou au maintien de postes de travail, énoncées dans les décisions de 2007 et de 2013.
23 En ce qui concerne la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM, les requérantes estiment que les motifs de fait et de droit invoqués dans la décision attaquée sont descriptifs et vagues.
24 L’insuffisance de motivation de la décision attaquée serait démontrée par le fait que, lors de la récupération des aides octroyées aux requérantes au titre du régime III, les autorités portugaises auraient déterminé la proportion des bénéfices issus de leurs activités effectivement et matériellement réalisées à Madère selon une méthode forfaitaire fondée sur la proportion de leurs travailleurs établis dans la RAM.
25 En ce qui concerne la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail, les requérantes estiment que la Commission n’a pas suffisamment motivé dans quelle mesure le régime III a pu être maintenu sans que la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail soit satisfaite. Pendant toute la durée de validité du régime de la ZFM, la Commission n’aurait ainsi pas expliqué quels emplois étaient éligibles, ni fait connaître sa conception de la mise en œuvre de cette condition, ni exigé de la République portugaise qu’elle introduise une quelconque clarification dans le texte de l’article 36 de l’Estatuto dos Benefícios Fiscais (statut des avantages fiscaux).
26 En outre, en indiquant que le régime III est destiné à compenser les surcoûts liés à l’exercice d’une activité dans une région ultrapériphérique, la Commission resterait silencieuse sur le fait que les plafonds prévus par le régime III n’augmentent pas proportionnellement par rapport au nombre d’emplois créés ou maintenus par les bénéficiaires. De plus, les requérantes n’auraient pas eu accès à plusieurs documents échangés entre la Commission et la République portugaise au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, qui auraient permis de pallier l’insuffisance de motivation dont cette décision serait entachée.
27 Les requérantes en concluent que ces incohérences et ces contradictions dans la position de la Commission ne sont pas suffisamment motivées dans la décision attaquée, qui est donc incohérente et confuse. En outre, l’ordre de récupération souffrirait des mêmes défauts.
28 La Commission conteste cette argumentation.
29 Selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 43 et jurisprudence citée). Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 82 et jurisprudence citée).
30 En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement au terme duquel, aux considérants 167 et 179 de la décision attaquée, elle a estimé que l’application par la République portugaise du régime III en ce qui concerne les conditions relatives, d’une part, à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM et, d’autre part, à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, violait les décisions de 2007 et de 2013.
31 En premier lieu, au soutien de sa conclusion selon laquelle la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM avait été méconnue, la Commission a indiqué, aux considérants 153 et 154 de la décision attaquée, que les lignes directrices de 2007, et plus particulièrement leurs points 6 et 76, énoncent que des aides au fonctionnement peuvent être octroyées exceptionnellement dans les régions bénéficiant de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE [devenu article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE], telles que la RAM dont le statut de région ultrapériphérique est reconnu par la Commission, à condition qu’elles soient justifiées par leur contribution au développement régional et par leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu’elles visent à pallier.
32 Ainsi que cela ressort du considérant 156 de la décision attaquée, les aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques ont été conçues pour compenser les coûts additionnels supportés par les entreprises de ces régions dus aux handicaps dont souffrent ces dernières, tels que ceux énumérés au considérant 155 de la décision attaquée. À cet égard, la Commission a également rappelé, au considérant 157 de la décision attaquée, que l’appréciation de la compatibilité du régime III, dans la décision de 2007, avait été réalisée sur la base des coûts additionnels supportés par les entreprises exerçant leur activité dans la RAM, et non en dehors de celle-ci.
33 Or, aux considérants 158 et 160 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, pour les autorités portugaises, la réduction de l’IRPM ne devait pas être géographiquement limitée aux bénéfices issus d’activités réalisées dans la RAM mais qu’elle pouvait être appliquée à des bénéfices issus d’activités réalisées en dehors de cette région.
34 Tenant compte de la finalité des aides au fonctionnement à finalité régionale, la Commission a conclu, au considérant 167 de la décision attaquée, que la mise en œuvre du régime III en ce qui concerne la condition relative à l’origine des bénéfices n’était pas conforme aux décisions de 2007 et de 2013.
35 Par ailleurs, au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a également rappelé le contexte dans lequel la décision de 2007 a été adoptée en indiquant que, lors de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de ladite décision autorisant le régime III, la République portugaise n’avait pas contesté que les réductions d’impôt prévues par ce régime étaient limitées aux activités réalisées à Madère.
36 À cet égard, comme cela ressort du considérant 226 de la décision attaquée, la Commission « avait demandé l’introduction dans le projet de loi notifié par [la République portugaise] le 28 juin 2006 d’une disposition expresse selon laquelle les réductions d’impôt ne s’appliqueraient qu’aux bénéfices résultant d’activités menées à Madère » et la République portugaise a refusé de procéder à cette introduction au motif « qu’une telle disposition n’était pas nécessaire, car la restriction en cause découlait de la base juridique de la ZFM ».
37 Ces éléments, même s’ils n’ont pas été portés à la connaissance des requérantes, doivent être considérés comme faisant indissociablement partie du régime d’aides notifié et, à ce titre, être pris en considération aux fins d’apprécier si la Commission a méconnu son obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 45). Il doit en être d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, c’est précisément sur la base de ces informations que la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard du régime III, tel que notifié.
38 En outre, il a été jugé que, dans leur sens habituel, les termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère » ne peuvent être interprétés comme visant des activités réalisées en dehors de la RAM, même par des sociétés enregistrées dans la ZFM [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 129]. Cette interprétation s’imposant avec un degré suffisant d’évidence, la conclusion selon laquelle le régime III avait été mis en œuvre en violation de cette condition n’exigeait pas une motivation supplémentaire.
39 En deuxième lieu, au soutien de sa conclusion selon laquelle la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail aurait été méconnue, la Commission a indiqué, en substance, aux considérants 168 et 174 de la décision attaquée, que cette condition était une condition d’accès au régime III et que, en tant que paramètre du calcul du montant de l’aide, elle devait reposer sur une méthode objective, vérifiable et éprouvée, telle que celle des définitions des postes de travail en « unité de travail par année » (UTA) et « équivalent temps‑plein » (ETP). Selon la Commission, il s’agissait du meilleur moyen d’inclure, sans discrimination, tous les types de relations et de contrats de travail, le temps de travail effectif du salarié dans l’entreprise de la ZFM étant calculé de manière objective et vérifiable.
40 Or, aux considérants 175 et 176 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, pour les autorités portugaises, constituait un « poste de travail » aux fins de l’application du régime III, tout emploi, de quelque nature juridique qu’il soit, indépendamment du nombre d’heures, de jours et de mois de travail actif par année, déclaré par les bénéficiaires, sans que ces autorités puissent vérifier le temps effectivement consacré par le titulaire du poste à son emploi ni convertir ce temps en ETP.
41 Ainsi, en considérant que le régime III, qu’elle avait autorisé, avait été mis en œuvre selon des modalités substantiellement différentes de celles prévues dans le projet de régime d’aides notifié par la République portugaise et, de ce fait, substantiellement différentes de celles prises en considération pour apprécier la compatibilité de ce régime, la Commission a estimé que le régime III, tel que mis en œuvre, ne pouvait pas être considéré comme étant autorisé et, ainsi, se voir reconnaître la qualification de régime d’aides existant. En conséquence, aux considérants 180, 211 et 228 ainsi qu’à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a qualifié le régime III, tel que mis en œuvre, d’« aide illégale » et, partant, d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), versée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
42 En troisième lieu, en ce qui concerne la motivation de l’ordre de récupération, la Commission a clairement exposé, tout d’abord, aux considérants 213 et 214 de la décision attaquée, comment les autorités portugaises devaient distinguer, parmi les bénéficiaires des avantages fiscaux prévus par le régime III, ceux qui avaient bénéficié de l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur de ceux qui seraient en mesure de prouver, notamment, avoir reçu une aide dans le respect des conditions prévues par les décisions de 2007 et de 2013 autorisant ce régime.
43 Ensuite, au cas où un bénéficiaire de l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur serait identifié, la Commission a précisé, au considérant 216 de la décision attaquée, la méthode selon laquelle le montant de l’aide à récupérer devait être calculé.
44 Enfin, aux considérants 220 à 227 de la décision attaquée, la Commission a examiné si les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, invoqués par la République portugaise et un nombre réduit de parties intéressées, s’opposaient à l’adoption d’une décision de récupération. Dans ce cadre, elle a notamment indiqué, au considérant 225 de la décision attaquée, que le fait qu’elle avait approuvé le régime III ne permettait pas de conclure qu’elle avait donné des assurances précises, inconditionnelles et concordantes concernant le fait que le régime III, mis à exécution selon des modalités substantiellement différentes de celles notifiées par la République portugaise, serait considéré comme une aide compatible avec le marché intérieur.
45 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, par une telle motivation, la Commission a permis aux intéressés de connaître les justifications de la conclusion à laquelle elle était parvenue et au Tribunal d’exercer son contrôle.
46 Est sans incidence sur ce constat l’allégation selon laquelle, en pratique, les autorités portugaises ont quantifié le montant des aides à récupérer auprès de chaque bénéficiaire selon une méthode forfaitaire. En effet, un tel reproche vise les modalités de récupération des aides concernées, qui sont soumises au contrôle des seules juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C‑320/09 P, non publié, EU:C:2011:858, point 162).
47 Eu égard à ce qui précède, la Commission n’a donc pas méconnu l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
48 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas justifié sa prétendue inaction pour clarifier les conditions d’application de la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail pendant la durée de validité du régime de la ZFM.
49 En effet, la Commission n’était soumise à aucune obligation de motivation à cet égard, une telle explication n’ayant pas à être fournie dans la perspective d’établir la violation, par la République portugaise, de la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail prévue dans les décisions de 2007 et de 2013.
50 Il découle également de ce qui précède que l’allégation des requérantes, selon laquelle la Commission a qualifié le régime III, tel que mis en œuvre, d’« aide appliquée de façon abusive » au sens de l’article 1er, sous g), du règlement 2015/1589, repose sur une lecture erronée de la motivation de la décision attaquée. Au demeurant, il résulte de l’article 1er, sous g), de ce règlement que la qualification du régime III, tel que mis en œuvre, d’« aide appliquée de façon abusive » aurait présupposé que ce soient les bénéficiaires qui utilisent l’aide en violation des décisions de 2007 et de 2013 par lesquelles ce régime avait été approuvé (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, point 181).
51 Or, en l’espèce, la violation des décisions de 2007 et de 2013 n’est pas attribuable aux bénéficiaires, au sens de l’article 1er, sous g), du règlement 2015/1589, mais aux autorités portugaises qui ont mis en œuvre le régime III selon des modalités substantiellement différentes de celles prises en considération pour apprécier la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur, raison pour laquelle la Commission a qualifié le régime III, tel que mis en œuvre, d’« aide illégale » et, partant, d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589.
52 Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit en ce que la Commission a constaté que le régime III avait été mis en œuvre par la République portugaise en violation des décisions de 2007 et de 2013
Sur l’objet du premier moyen
53 Par leur premier moyen, les requérantes font, en substance, valoir que les autorités portugaises ont correctement interprété et mis en œuvre le régime III, tel qu’autorisé par la Commission à l’occasion des décisions de 2007 et de 2013 et, partant, que la Commission a commis des erreurs de droit en estimant que, d’une part, la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM et, d’autre part, la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, toutes deux introduites par le régime II, n’avaient pas été correctement appliquées par les autorités portugaises dans le cadre de la mise en œuvre du régime III.
54 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une partie requérante estime que la Commission a, à tort, considéré que les modalités de versement d’aides individuelles au titre d’un régime d’aides préalablement autorisé n’étaient pas conformes à cette autorisation préalable, l’argumentation de cette partie doit être comprise comme critiquant le fait que la Commission a refusé de reconnaître auxdites aides la qualification juridique d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, à savoir celles de régimes d’aides ou d’aides individuelles autorisées par la Commission ou le Conseil de l’Union européenne [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 100].
55 Par conséquent, il convient de comprendre le premier moyen comme visant, en substance, à contester le fait que, aux considérants 150 à 180 et 228 de la décision attaquée, la Commission n’a pas assimilé le régime III, tel que mis en œuvre, à une « aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, dont la compatibilité aurait dû être appréciée dans le cadre de l’examen permanent des régimes d’aides existants, prévus à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, mais l’a qualifié, au considérant 180 de la décision attaquée, d’« aide illégale » et, partant, d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
Sur le bien-fondé du premier moyen
56 En ce qui concerne, en premier lieu, la condition relative à l’origine des bénéficies auxquels s’applique la réduction de l’IRPM, les requérantes soutiennent que l’interprétation de cette condition retenue par la Commission dans la décision attaquée est incompatible avec la finalité du régime de la ZFM en tant que centre international d’affaires, car ce régime aurait été conçu dans le but de promouvoir et d’attirer les investissements étrangers dans la RAM, sans toutefois limiter l’exercice de l’activité découlant de ces investissements à ladite région.
57 L’interprétation de cette condition par la Commission ne découlerait pas non plus du libellé de la législation portugaise instituant le régime III, qu’elle a approuvé par ses décisions de 2007 et de 2013, laquelle prévoyait que des activités économiques à caractère international étaient susceptibles de bénéficier de l’application de ce régime.
58 Ainsi, l’exigence selon laquelle les activités des entreprises titulaires d’une licence dans la ZFM doivent être réalisées effectivement et matériellement dans la RAM serait satisfaite par toute entreprise dont le centre de décision est situé dans cette région et pour autant que l’activité y est effectivement réalisée, avec un siège social, du personnel qui lui est propre et des ressources adéquates.
59 En ce qui concerne, en second lieu, la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, elle aurait été introduite par le régime II dans le but de lutter contre l’érosion de la base d’imposition des personnes morales et contre l’évasion fiscale. Son objectif historique aurait donc été d’éviter qu’une entreprise n’abuse du régime de la ZFM et non pas de promouvoir l’emploi dans la RAM, qui n’aurait pas connu de problème de chômage comme cela aurait été le cas des îles Canaries (Espagne).
60 Il en découlerait que cette condition n’aurait pas pour objet d’assurer une stricte compensation des coûts résultant de la réalisation d’une activité économique dans la RAM, ce qui serait également confirmé par le fait que la structure de l’avantage fiscal en cause ne serait pas proportionné au nombre de travailleurs employés par une entreprise titulaire d’une licence pour opérer dans la ZFM.
61 En outre, cette condition ne s’appliquerait pas aux autres avantages accordés dans le cadre du régime III, qui seraient donc accordés quel que soit le nombre d’emplois créés. Une telle divergence n’aurait aucune signification si l’objectif du régime III était d’encourager la création d’emplois.
62 De plus, en l’absence de définition par la Commission de la méthode de calcul du nombre de postes de travail créés ou maintenus dans la RAM, il conviendrait de se référer au droit portugais, lequel permettrait notamment de comptabiliser toute relation de travail quelle que soit leur nature, leur forme ou le nombre d’heures de travail effectif, comme une unité entière. En tout état de cause, le régime III étant une aide au fonctionnement au sens de la section 5 des lignes directrices de 2007 et non une aide à l’investissement au sens de la section 4 desdites lignes directrices, la méthode de calcul en UTA du nombre d’emplois créés ou maintenus, mentionnée exclusivement dans cette dernière section, ne saurait être applicable aux aides au fonctionnement.
63 La Commission conteste cette argumentation.
– Sur la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM
64 L’argumentation des requérantes implique de déterminer si, en dépit du libellé du régime III ainsi que des décisions de 2007 et de 2013, qui subordonnent l’octroi des aides autorisées à la condition que les bénéfices des sociétés enregistrées dans la ZFM soient issus d’activités « effectivement et matériellement réalisées à Madère », les autorités portugaises pouvaient, sans violer ces décisions, octroyer les aides prévues par ce régime également pour des bénéfices issus d’activités réalisées en dehors de la RAM.
65 À cet égard, il est de jurisprudence constante que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union européenne ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir arrêt du 27 janvier 2022, Zinātnes parks, C‑347/20, EU:C:2022:59, point 42 et jurisprudence citée).
66 Or, les termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère », dans leur sens habituel, ne peuvent être interprétés comme visant des activités réalisées en dehors de la RAM, même par des sociétés enregistrées dans la ZFM.
67 Une telle conclusion est corroborée par le contexte de la décision attaquée ainsi que par les objectifs poursuivis par la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État et, en particulier, celle applicable aux aides à finalité régionale.
68 Tout d’abord, il ressort des décisions autorisant les régimes II et III que, au cours des procédures administratives ayant abouti à celles-ci, la Commission et les autorités portugaises ont toujours partagé l’interprétation à donner aux termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère ». Or, le juge de l’Union ne saurait ignorer cet élément pour définir avec précision le champ d’application d’un régime d’aides notifié, même s’il n’a pas été porté à la connaissance des requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 45).
69 Il ressort en effet de la décision de 2002 que, au cours de la procédure administrative ayant abouti à celle-ci, les autorités portugaises ont indiqué que les « avantages fiscaux ser[aie]nt limités aux activités effectivement et matériellement réalisées à Madère, ce qui permettra[it] d’exclure les activités qui seraient exercées hors de Madère ».
70 De même, ainsi que cela a été rappelé au point 36 ci-dessus et comme cela ressort du considérant 226 de la décision attaquée, la Commission « avait demandé l’introduction dans le projet de loi notifié par [la République portugaise] le 28 juin 2006 d’une disposition expresse selon laquelle les réductions d’impôt ne s’appliqueraient qu’aux bénéfices résultant d’activités menées à Madère » et la République portugaise a refusé de procéder à cette introduction au motif « qu’une telle disposition n’était pas nécessaire, car la restriction en cause découlait de la base juridique de la ZFM ».
71 Ensuite, les termes des décisions de 2007 et de 2013, à supposer qu’ils puissent être considérés comme ambigus, doivent être interprétés en conformité avec leurs bases juridiques, à savoir, respectivement, l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE [devenu article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE] et l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, ainsi qu’avec les lignes directrices de 2007.
72 Or, toutes les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 20 et jurisprudence citée).
73 De plus, comme l’a relevé à juste titre la Commission aux considérants 153 et 154 de la décision attaquée, les lignes directrices de 2007, et plus particulièrement leurs points 6 et 76, énoncent que des aides au fonctionnement peuvent être octroyées exceptionnellement dans les régions bénéficiant de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE [devenu article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE], telles que la RAM dont le statut de région ultrapériphérique est reconnu par la Commission, à condition qu’elles soient justifiées par leur contribution au développement régional et par leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu’elles visent à pallier.
74 Or, ainsi que cela ressort du considérant 156 de la décision attaquée, les aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques ont été conçues pour compenser les coûts additionnels supportés par les entreprises de ces régions dus aux handicaps dont souffrent ces dernières, tels que ceux énumérés au considérant 155 de la décision attaquée. Cela implique que seules les activités affectées par les handicaps, et donc les surcoûts propres à ces régions, doivent être susceptibles de bénéficier de telles aides au fonctionnement.
75 Ainsi peuvent être exclues du bénéfice de ces mêmes aides les activités exercées en dehors desdites régions qui, de ce fait, ne sont pas affectées par ces surcoûts, et cela même si elles sont exercées par des sociétés établies dans ces mêmes régions.
76 Enfin, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 157 de la décision attaquée, l’appréciation de la compatibilité du régime III, dans la décision de 2007, a été réalisée sur la base des coûts additionnels supportés par des entreprises exerçant leur activité dans la RAM, et non en dehors de celle-ci.
77 Il ressort, en effet, des considérants 44 à 53 de la décision de 2007 que la Commission a pris appui sur une étude, fournie par les autorités portugaises, quantifiant les « surcoûts encourus par le secteur privé dans la [RAM] ». De plus, les surcoûts pris en considération, à savoir notamment les frais de transport, de stock, de ressources humaines, de financement ou de commercialisation, sont ceux auxquels sont exposées les activités exercées effectivement et matériellement dans la RAM, et non les activités exercées en dehors de celle-ci par des sociétés enregistrées dans cette région. Enfin, ce constat est corroboré par le fait que, au considérant 48 de la décision de 2007, la Commission a appréhendé les surcoûts en cause en pourcentage de la seule valeur ajoutée brute du secteur privé ou du seul produit intérieur brut de la RAM.
78 En conséquence, en plus de ne pas trouver de fondement dans le libellé et le contexte des décisions de 2007 et de 2013, l’interprétation large des termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère », soutenue par les requérantes, s’avère contraire non seulement aux objectifs poursuivis par l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE et par l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, qui ont servi de fondement juridique, respectivement, aux décisions de 2007 et de 2013, mais également aux lignes directrices de 2007.
79 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission a pu conclure, au considérant 167 de la décision attaquée, que le régime III, tel que mis en œuvre, en ce qui concernait la condition tenant à l’origine des bénéfices auxquels la réduction de l’IRPM était appliquée, était contraire auxdites décisions.
80 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation des requérantes selon laquelle, en interprétant les termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère » comme ne visant pas les activités exercées en dehors de cette région par des sociétés enregistrées dans la ZFM, la Commission aurait insuffisamment pris en considération le fait que le régime III a pour objectif essentiellement de promouvoir l’investissement étranger dans la RAM ainsi que l’internationalisation de son économie.
81 En effet, l’argumentation des requérantes se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle le régime III aurait uniquement accessoirement pour objectif de compenser les coûts additionnels propres à cette région.
82 Or, ainsi que cela a déjà été relevé aux points 66 à 77 ci-dessus, il ressort sans ambiguïté tant du libellé des décisions de 2007 et de 2013 que des objectifs de la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État à finalité régionale, sur laquelle ces décisions sont fondées, que la compensation à due proportion des coûts additionnels propres à la RAM constitue un élément central ayant conduit la Commission à constater la compatibilité du régime III.
83 En tout état de cause, cette interprétation de la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM n’empêche pas les sociétés enregistrées dans la ZFM de fournir des prestations de services à des clients situés en dehors de la RAM, mais elle vise simplement à garantir que les bénéfices issus d’activités effectivement et matériellement réalisées en dehors de la RAM ne puissent pas être pris en compte dans la base imposable à laquelle s’applique la mesure fiscale en cause.
84 Au vu de ce qui précède, la Commission n’a commis aucune erreur de droit dans l’interprétation de la condition, prévue dans les décisions de 2007 et de 2013, selon laquelle les réductions de l’IRPM prévues par le régime III ne pouvaient porter que sur les bénéfices résultant d’activités « effectivement et matériellement réalisées à Madère ».
– Sur la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM
85 Les requérantes font essentiellement grief à la Commission d’avoir, à tort, imposé à la République portugaise de recourir aux méthodes ETP et UTA, à l’exclusion de la notion de « poste de travail » au sens du droit portugais, pour vérifier la satisfaction de la condition tenant à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM.
86 Toutefois, cette argumentation procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.
87 En effet, la conclusion selon laquelle le régime III, tel que mis en œuvre, méconnaît les décisions de 2007 et de 2013 n’est pas fondée sur le fait que les autorités portugaises auraient omis de recourir aux méthodes ETP et UTA pour vérifier si la condition tenant à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM était remplie. Cette conclusion repose sur le constat, figurant au considérant 176 de la décision attaquée, que la méthode retenue par les autorités portugaises pour calculer le nombre de postes de travail créés ou maintenus dans la RAM ne permettait pas de vérifier la réalité et la permanence des postes de travail déclarés par les bénéficiaires dudit régime.
88 Or, cette conclusion est étayée à suffisance de droit par les considérants 28 et 175 de la décision attaquée, selon lesquels, en application de la méthode retenue par les autorités portugaises, constituait un poste de travail aux fins de l’application du régime III tout emploi, de quelque nature juridique qu’il soit, indépendamment du nombre d’heures, de jours et de mois de travail actif par année, déclaré par les bénéficiaires, y compris les emplois à temps partiel ou ceux de membres de conseil d’administration qui exercent leur activité dans plus d’une société bénéficiaire du régime III.
89 La décision attaquée n’étant pas fondée sur le constat que les autorités portugaises auraient omis de recourir aux méthodes ETP et UTA pour calculer le nombre de postes de travail, les arguments des requérantes tendant à reprocher à la Commission d’avoir imposé, à tort, le recours à de telles méthodes doivent être écartés.
90 En outre, doit également être écarté l’argument des requérantes découlant du fait que la création ou le maintien de postes de travail dans la RAM ne constituerait pas la finalité principale du régime III.
91 En effet, d’une part, comme la Commission l’a relevé, à juste titre, au considérant 169 de la décision attaquée, il ressort expressément de la décision de 2007 (voir, en particulier, son considérant 64) et de la décision de 2013 (voir, en particulier, son considérant 28) que cette condition était une condition d’accès au régime III et qu’elle constituait un paramètre de calcul des montants de l’aide versée en vertu du régime de la ZFM, tel que notifié par la République portugaise et approuvé par ces deux décisions [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 160].
92 À cet égard, l’argument des requérantes, selon lequel les plafonds de la base d’imposition à laquelle s’applique la réduction de l’IRPM n’augmentent pas de manière proportionnelle au nombre d’emplois créés, n’établit pas que la création ou le maintien de postes de travail ne constitueraient pas la finalité principale du régime III. En effet, aux considérants 60 et 61 de la décision de 2007, la Commission a apprécié la proportionnalité des aides prévues par le régime III spécifiquement au regard du nombre d’emplois créés et, après avoir constaté que l’avantage en cause diminuait avec le nombre d’emplois créés, elle a conclu qu’il était proportionné aux handicaps qu’il vise à pallier.
93 D’autre part, ainsi que cela a déjà été relevé au point 72 ci-dessus, les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Cette exigence implique que l’interprétation des conditions d’octroi d’un régime d’aides autorisé par la Commission ne saurait demeurer à l’entière discrétion de l’État membre concerné, au prétexte notamment du respect du principe d’autonomie institutionnelle et procédurale.
94 Il doit en aller d’autant plus ainsi que, en l’espèce, il ne saurait être valablement soutenu que l’obligation de recourir à un mode de calcul objectif du temps de travail effectivement consacré par chaque titulaire d’un poste de travail ouvrant droit au bénéfice du régime III interférerait avec le droit portugais. En effet, cette obligation de recourir à un mode de calcul objectif n’empêche pas que toute forme de relation de travail prévue par le droit portugais puisse être prise en considération. De plus, ladite obligation de recourir à un tel mode de calcul s’impose aux seules fins de l’appréciation de la compatibilité du régime III ainsi que de la bonne exécution des décisions de 2007 et de 2013.
95 Enfin, ne saurait non plus prospérer l’argument tiré, en substance, du fait que la Commission aurait tardé à faire connaître son point de vue sur la méthode utilisée par les autorités portugaises aux fins du calcul du nombre de postes de travail créés ou maintenus par les sociétés enregistrées dans la ZFM.
96 Il suffit, en effet, de constater qu’une telle argumentation n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation effectuée par la Commission quant à la non-conformité du régime III, tel que mis en œuvre, aux décisions de 2007 et de 2013 et, partant, la qualification juridique de ce régime d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
97 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, au considérant 179 de la décision attaquée, que le régime III, tel que mis en œuvre, violait la condition de création et de maintien de postes de travail dans la RAM.
98 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, c’est à juste titre que la Commission a constaté que le régime III, tel que mis en œuvre, ne respectait pas plusieurs conditions requises par les décisions de 2007 et de 2013.
99 Ce régime ayant été mis à exécution en méconnaissance des décisions de 2007 et de 2013, de sorte qu’il a été substantiellement modifié par rapport au régime autorisé par lesdites décisions, c’est également à juste titre que, au considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une aide nouvelle illégale (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie, C‑467/15 P, EU:C:2017:799, point 48).
100 Il en découle que le premier moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du délai raisonnable par la Commission dans l’adoption de la décision attaquée
101 Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que la décision attaquée a été adoptée dans un délai déraisonnable, en violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).
102 En tenant compte de l’obligation pour la Commission d’examiner, de contrôler et de soumettre des rapports adéquats pour apprécier la bonne mise en œuvre d’une aide autorisée, il apparaît que l’inaction de cette institution pendant vingt années, entre les premières étapes de l’examen de la mise en œuvre des aides accordées dans le cadre du régime de la ZFM et l’adoption de la décision attaquée, serait injustifiée.
103 Selon les requérantes, la Commission connaissait, à tout le moins depuis la décision de 2002, le contexte juridique du régime. Or, avant l’adoption de la décision attaquée, elle ne se serait pas prononcée sur le caractère prétendument incorrect de la méthode d’octroi des avantages en question. Au contraire, elle serait restée inactive quant à la possibilité de modifier la méthode d’octroi des aides en cause ou, en cas de doutes sérieux, de la suspendre jusqu’à ce qu’elle prenne une décision. De plus, la Commission aurait approuvé, pendant plusieurs années, le maintien et la mise en œuvre de divers régimes de la ZFM.
104 En outre, les requérantes ajoutent que, premièrement, le temps écoulé pour adopter la décision d’ouverture de la procédure formelle, deuxièmement, la durée de cette procédure et, troisièmement, le temps écoulé entre l’adoption de la décision attaquée et sa publication constituent une violation de leur droit à obtenir une décision dans un délai raisonnable. En particulier, l’appréciation de la compatibilité du régime III avec le marché intérieur aurait pris plus de sept années, ce qui dépasserait les limites du raisonnable.
105 Dans ce contexte, les requérantes indiquent que leur droit à un procès équitable a été méconnu du fait qu’elles n’ont pas obtenu une décision en temps utile. En effet, au regard du temps utilisé par la Commission pour adopter la décision attaquée, les délais de vingt-cinq jours, d’une part, pour faire part de ses observations à l’administration fiscale portugaise et, de deux mois, d’autre part, pour introduire le présent recours seraient insuffisants pour leur permettre d’assurer sa défense.
106 La Commission conteste cette argumentation.
107 À cet égard, la Cour a déjà jugé, dans le cadre d’une affaire introduite par une entreprise bénéficiaire d’un régime d’aides d’État illégal déclaré incompatible par la Commission qui en également ordonné la récupération, que le non-respect du principe du délai raisonnable était, à défaut d’une violation des droits de la défense, sans incidence sur la validité de la procédure administrative menée sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 1er février 2017, Portovesme/Commission, C‑606/14 P, non publié, EU:C:2017:75, point 40).
108 Or, en l’occurrence, les requérantes ne peuvent se prévaloir des droits de la défense dans le cadre d’une procédure menée sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 83, et du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 69). Elles ne se prévalent pas non plus d’une atteinte aux droits procéduraux qu’elles auraient tirés du statut de « partie intéressée » à la procédure ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, à laquelle elles n’indiquent d’ailleurs pas avoir participé.
109 Ainsi, l’éventuelle violation par la Commission de son obligation résultant de l’article 41, deuxième alinéa, de la Charte de traiter les affaires dans un délai raisonnable doit, le cas échéant, trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif [voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié, EU:T:2012:11, point 175, et du 16 octobre 2014, Portovesme/Commission, T‑291/11, EU:T:2014:896, point 73 (non publié)].
110 Néanmoins, comme l’allégation tirée d’un dépassement du délai raisonnable est, en substance, invoquée également à l’appui des cinquième et sixième moyens, tirés de violations des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, le bien‑fondé de cette argumentation sera examiné ci-après.
111 Enfin, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH pour critiquer le caractère raisonnable du délai ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, dès lors que cette convention ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 14 septembre 2017, K., C‑18/16, EU:C:2017:680, point 32 et jurisprudence citée). Au demeurant, cette disposition concerne le déroulement des procédures juridictionnelles et non celui des procédures administratives.
112 S’agissant du caractère prétendument insuffisant du délai de recours contre la décision attaquée, il convient d’observer que les requérantes ont été en mesure d’introduire leur recours dans le respect du délai de deux mois, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours. En outre, ce délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne, ce qui a précisément pour objectif de garantir aux intéressés un laps de temps suffisant pour former un recours à l’encontre des actes publiés et, partant, le respect du droit à une protection juridictionnelle effective, tel qu’il est consacré à l’article 47 de la Charte (arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C‑625/11 P, EU:C:2013:594, point 34).
113 Enfin, l’argument tiré du fait que la Commission n’a adopté aucune mesure d’injonction de suspendre ou de récupérer provisoirement l’aide ne saurait prospérer.
114 En effet, au stade de l’ouverture de l’exercice de surveillance portant sur des aides ou des régimes d’aides autorisés, il ne saurait être considéré que la Commission devait faire preuve d’une diligence particulière, dans la mesure où le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, impliquait que la République portugaise veille à ne pas mettre à exécution le régime III en violation des décisions de 2007 et de 2013 autorisant celui-ci. En outre, au stade de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui a entraîné l’obligation de suspendre le régime III, tel que mis en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 53), les requérantes ne font pas valoir que tous les critères prévus à l’article 13, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 concernant les injonctions de récupération étaient réunis.
115 Il en découle que le deuxième moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime
116 Par leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que, en ordonnant à la République portugaise de procéder à la récupération des aides versées en violation des décisions de 2007 et de 2013, la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime.
117 Premièrement, les requérantes auraient légitimement placé leur confiance dans le texte de la loi nationale et, surtout, dans l’action de contrôle et de surveillance de la Commission, qui n’aurait pas pu ignorer comment le régime III était mis en œuvre et aurait dû imposer qu’il soit modifié, par exemple, en ordonnant la suspension du versement de toute aide illégale. Or, la Commission serait resté inactive pendant vingt années puisqu’elle n’avait pas considéré que le régime de la ZFM était mis en œuvre en violation des décisions autorisant celui-ci.
118 Deuxièmement, la Commission aurait approuvé le régime III, sans aucune modification, en 2007, puis en 2013, alors qu’elle aurait pourtant estimé que la loi portugaise instituant ce régime n’était pas claire.
119 Troisièmement, les requérantes auraient agi en tant qu’opérateurs économiques diligents en s’assurant que la procédure d’octroi de l’aide avait été respectée.
120 Quatrièmement, les requérantes n’auraient pas eu accès aux informations échangées entre la Commission et la République portugaise au cours des procédures administratives ayant conduit à l’adoption des décisions de 2007 et de 2013, de sorte que celles-ci ne sauraient leur être opposées.
121 Dans ces conditions, il serait permis d’en déduire que la finalité du régime III était d’encourager l’exercice d’activités internationales, ouvertes sur le marché extérieur, ce que la Commission aurait toujours su. Cela serait corroboré par le fait que le régime III n’avait pas pour objet de couvrir les surcoûts découlant du caractère ultrapériphérique de la RAM et que les avantages n’augmentaient pas proportionnellement par rapport au nombre de postes de travail créés ou maintenus. En outre, les holdings avaient accès au régime sans aucun plafond et indépendamment de l’existence d’emplois.
122 La Commission conteste cette argumentation.
123 En ce qui concerne l’obligation faite par la décision attaquée à la République portugaise de procéder à la récupération des aides versées au titre du régime III en violation des décisions de 2007 et de 2013, il convient de rappeler que la suppression d’une aide illégale et incompatible par voie de récupération, est la conséquence logique de la constatation de l’incompatibilité de cette aide. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure, faisant perdre au bénéficiaire l’avantage dont il a effectivement bénéficié par rapport à ses concurrents [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Commission/Espagne (TNT en Castille-La Manche), C‑704/19, non publié, EU:C:2021:342, point 48 et jurisprudence citée].
124 Contribue à ce même objectif le paiement, par le bénéficiaire d’une aide illégale déclarée incompatible, d’intérêts courant à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition de ce bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération, ainsi que cela ressort de l’article 16, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, lu conjointement avec le considérant 25 dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 42).
125 De plus, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la Commission est toujours tenue d’ordonner la récupération d’une aide qu’elle déclare incompatible avec le marché intérieur, sauf si une telle récupération va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union (arrêt du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 124).
126 S’agissant du principe général de protection de la confiance légitime, il y a lieu de rappeler que le droit de se prévaloir de celui-ci suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 97 et jurisprudence citée).
127 Il en découle d’emblée que le fait que des assurances auraient été éventuellement données par les autorités portugaises n’a, en tout état de cause, pas pu faire naître une quelconque confiance légitime chez les requérantes, à défaut de trouver leur origine dans le comportement des autorités compétentes de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 104 et jurisprudence citée).
128 De plus, dans le domaine des aides d’État, il est de jurisprudence constante que, compte tenu du caractère impératif du contrôle de ce type d’aides opéré par la Commission au titre de l’article 108 TFUE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle‑ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à cet article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 98 et jurisprudence citée).
129 Or, en l’occurrence, les requérantes ne démontrent pas que, s’agissant des aides versées en violation des décisions de 2007 et de 2013, qui, de ce fait, l’ont été en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission leur aurait fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, mais également conformes aux normes applicables, de nature à faire naître une attente légitime dans leur esprit, comme l’exige la jurisprudence.
130 En effet, lorsqu’un régime d’aides n’a pas été notifié à la Commission, l’inaction alléguée de celle-ci est dépourvue de signification (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, EU:C:2004:701, point 52, et ordonnance du 7 décembre 2017, Aughinish Alumina/Commission, C‑373/16 P, non publiée, EU:C:2017:953, point 54). Ainsi, en l’absence de notification préalable à la Commission du régime III, tel que mis en œuvre, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir, au soutien de leur moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, d’une quelconque inaction de la part de la Commission.
131 Est également dépourvu de pertinence le fait que le régime III, tel que notifié, a été approuvé à deux reprises par la Commission étant donné que, comme cela a été rappelé au point 41 ci-dessus, ce régime a été mis en œuvre selon des modalités substantiellement différentes de celles prévues par le projet de régime d’aides notifié par la République portugaise. Dès lors, ce régime ayant été mis en œuvre sans notification ni autorisation de la Commission, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission d’avoir méconnu l’article 108, paragraphe 1, TFUE qui concerne le contrôle des régimes d’aides existants.
132 Dans ce cadre, pour les motifs déjà exposés au point 114 ci-dessus, l’argument tiré du fait que la Commission n’a adopté aucune mesure d’injonction de suspendre ou de récupérer provisoirement l’aide ne saurait prospérer.
133 Par ailleurs, les requérantes ne sauraient prétendre avoir agi comme des opérateurs économiques diligents au motif qu’elles se sont prétendument assurées que la procédure d’octroi des aides concernées avait été respectée. En effet, le Tribunal a constaté, aux points 79 et 97 ci-dessus, que les critiques de la Commission relatives à l’interprétation et à la mise en œuvre des deux conditions en cause étaient fondées et, partant, que la procédure d’octroi des aides concernées n’avait pas été respectée.
134 De plus, le fait que la partie requérante dans l’affaire T‑553/22 se prévale de la prétendue absence de publication des décisions de 2007 et de 2013 autorisant le régime III, qualifié d’« aide d’État » en principe incompatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, révèle, nonobstant le fait que la violation de ces décisions est attribuable aux autorités portugaises, qu’elle n’a pas agi comme un opérateur économique diligent en cherchant à s’assurer que ce régime était bien mis en œuvre dans le respect des conditions prévues par ces décisions. En effet, les décisions de 2007 et de 2013 ont bien été publiées au Journal officiel de l’Union européenne, sous la forme d’une communication succincte, conformément à l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, avec l’indication que le texte de ces décisions était disponible sur le site Internet de la Commission.
135 En outre, en ce qui concerne plus particulièrement la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de son libellé clair et précis, son interprétation ne laissait pas de place au doute, la compensation à due proportion des coûts additionnels propres à la RAM constituant un élément central ayant conduit la Commission à constater la compatibilité du régime III avec le marché intérieur.
136 Dès lors, l’argumentation des requérantes, qui se fonde sur la prémisse selon laquelle le régime III aurait pour objectif de promouvoir l’investissement étranger dans la RAM ainsi que l’internationalisation de son économie, est erronée et ne saurait fonder une quelconque confiance légitime s’opposant à la récupération des aides versées au titre de ce régime III, tel que mis en œuvre.
137 Quant à la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, il y a lieu de rappeler que cette condition est une condition d’accès au régime III et que, en tant que paramètre du calcul du montant de l’aide, elle doit reposer sur des méthodes objectives et vérifiables (voir point 39 ci-dessus). En outre, l’appréciation de la proportionnalité du régime III, par rapport aux surcoûts que ce régime était censé compenser, a été effectuée à la lumière de cette condition.
138 Dans ce contexte, l’allégation selon laquelle les holdings auraient accès au régime III sans aucun plafond et indépendamment de l’existence d’emplois doit être écartée comme étant inopérante étant donné qu’il ne ressort pas des écritures des parties qu’elles se trouveraient dans cette situation.
139 Dès lors, nonobstant le fait que les décisions de 2007 et de 2013 n’imposent pas l’application d’une méthode déterminée de calcul du nombre de postes de travail créés ou maintenus dans la RAM par chaque bénéficiaire, ainsi que le reconnaît la Commission, il n’en demeure pas moins que ces décisions exigeaient l’utilisation d’une méthode objective à même de permettre de vérifier la réalité et la permanence des postes de travail déclarés par les bénéficiaires du régime III.
140 Or, dans la mesure où la méthode utilisée par les autorités portugaises, décrite au point 40 ci-dessus, ne remplissait manifestement pas cette condition et où ces autorités n’ont pas proposé une autre méthode objective permettant une vérification de la réalité et de la permanence des postes de travail déclarés par les bénéficiaires, à la seule fin de la récupération des aides versées au titre du régime III, tel que mis en œuvre, la Commission, au considérant 216 de la décision attaquée, a exigé que le calcul du montant de l’aide à récupérer soit effectué conformément à la méthode UTA.
141 Dans ces circonstances, le fait d’avoir imposé le recours à une telle méthode, qui relève seulement de l’obligation pour la Commission de fournir à l’État membre concerné les indications lui permettant de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, le montant des aides à récupérer, ne saurait méconnaître le principe de protection de la confiance légitime des bénéficiaires.
142 Au vu de ce qui précède, aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être constatée et, partant, le cinquième moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique
143 Par leur sixième moyen, les requérantes font valoir que, en ordonnant à la République portugaise de procéder à la récupération des aides versées en violation des décisions de 2007 et de 2013, la Commission a violé le principe de sécurité juridique.
144 La Commission aurait soudainement remis en cause les modalités de mise en œuvre des aides versées au titre du régime III que les bénéficiaires pensaient respecter depuis des années. Selon elles, les conditions prévues dans les décisions de 2007 et de 2013 n’avaient pas eu la portée qu’elles revêtent désormais dans la décision attaquée.
145 La Commission conteste cette argumentation.
146 S’agissant du principe de sécurité juridique, qui se distingue du principe de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 83), il convient de relever que, en matière d’aides d’État, les arguments visant à s’opposer à l’obligation de récupération sur le fondement d’une violation du principe de sécurité juridique ne sont accueillis que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles [voir, en ce sens, arrêts du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 106, et du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T‑95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 204].
147 À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’examiner une série d’éléments afin de rechercher l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique, notamment l’absence de clarté du régime juridique applicable (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 77) ou l’inaction de la Commission pendant une période prolongée sans justification (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, EU:C:1987:502, points 14 et 15, et du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, points 106 et 107).
148 S’agissant, en premier lieu, de l’allégation de défaut de clarté des décisions de 2007 et de 2013, il y a lieu de rappeler que tant le libellé de ces décisions que le contexte dans lequel elles s’insèrent mais également les objectifs poursuivis par la réglementation applicable aux aides à finalité régionale ne laissaient pas de place au doute quant à l’interprétation de la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM.
149 De même, en ce qui concerne la condition relative à la création ou au maintien d’emplois dans la RAM, il ressort des décisions de 2002, de 2007 et de 2013 que l’accès aux avantages fiscaux prévus par le régime II, dans le prolongement duquel s’inscrit le régime III, était limité aux sociétés qui créaient une activité réellement nouvelle et satisfaisaient à des conditions d’éligibilité particulières, reposant sur le nombre de nouveaux emplois créés à titre permanent (et pendant les six premiers mois d’activité) par celles-ci (voir section II de la décision de 2002). Ainsi, le plafond d’assiette faisant l’objet de l’avantage fiscal au titre de l’IRPM dépendait du nombre d’emplois créés par le bénéficiaire (voir section II de la décision de 2002 ; considérants 18, 19 et 60 de la décision de 2007 ; considérants 10 et 11 de la décision de 2013).
150 Or, une telle condition ne saurait être interprétée autrement que comme visant à la création d’emplois par les entreprises concernées, calculée sur la base d’emplois à temps plein.
151 Toute autre interprétation aurait pour conséquence de décorréler l’intensité du soutien aux entreprises prévu par le régime III de la contribution de celles-ci à la création d’activités réellement nouvelles dans la RAM, alors même que cet objectif est une des conditions d’accès à ce régime et que l’appréciation de la proportionnalité dudit régime par la Commission a été effectuée à la lumière de cette condition.
152 En particulier, l’interprétation retenue par les autorités portugaises de cette condition a permis, en effet, à des entreprises créant ou maintenant des emplois à temps partiel de bénéficier sans justification des avantages fiscaux correspondant à la création ou au maintien d’emplois à temps plein et, de manière plus générale, à plusieurs entreprises employant à temps partiel le même salarié de bénéficier chacune des avantages fiscaux correspondant à la création ou au maintien d’emplois à temps plein.
153 De surcroît, force est de constater que ni la décision de 2002, ni celles de 2007 et de 2013 ne peuvent être comprises comme permettant de tenir compte d’emplois ne correspondant pas à des emplois à temps plein, aux fins de la détermination du plafond d’assiette faisant l’objet de l’avantage fiscal au titre de l’IRPM.
154 Par ailleurs, pour les mêmes raisons, il ne saurait utilement être soutenu que l’absence de pratique décisionnelle de la Commission ou de jurisprudence du juge de l’Union concernant les notions de « maintien ou création d’emplois » ou d’« activités effectivement et matériellement réalisées à Madère » dans le cadre d’un régime d’aides en faveur d’une région ultrapériphérique devrait conduire à estimer que les requérantes pouvaient avoir confiance dans le fait que le régime III, tel que mis en œuvre, était conforme aux décisions de 2007 et de 2013.
155 S’agissant, en second lieu, de l’allégation de l’existence de périodes d’inaction prolongées de la Commission permettant aux entreprises concernées de se prévaloir du principe de sécurité juridique, il importe de rappeler que cette institution est tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’examen d’aides d’État et qu’elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Il convient d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 81 et 82).
156 Or, premièrement, en ce qui concerne le temps écoulé depuis l’approbation du régime I, il suffit de constater que celui-ci ne prévoyait pas que l’octroi des aides aux entreprises enregistrées dans la ZFM était subordonné au respect des deux conditions en cause dans les présentes affaires puisque celles-ci ont été introduites dans le régime de la ZFM seulement à l’occasion de l’approbation du régime II.
157 Deuxièmement, en ce qui concerne le temps écoulé entre les décisions de 2007 et de 2013, d’une part, et l’engagement, le 12 mars 2015, de l’exercice de surveillance du régime III, voire la décision d’ouverture de la procédure formelle, signifiée à la République portugaise le 6 juillet 2018 et publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 15 mars 2019, d’autre part, celui-ci ne saurait être considéré comme étant déraisonnable.
158 En effet, tout d’abord, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, la Commission n’était pas liée par des délais spécifiques, tels que ceux prévus au chapitre II de ce règlement, relatif à la procédure concernant les aides notifiées (voir, en ce sens, ordonnance du 20 janvier 2021, KC/Commission, T‑580/20, non publiée, EU:T:2021:14, point 26).
159 Ensuite, s’agissant des exercices de surveillance portant sur des aides ou des régimes d’aides autorisés, comme en l’espèce, il ne saurait être considéré que la Commission devait faire preuve d’une diligence particulière, dans la mesure où le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose aux États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union.
160 Dans le domaine des aides d’État, comme il est indiqué au point 114 ci‑dessus, cela implique, en particulier, que ces États doivent veiller à ne pas mettre à exécution des aides ou des régimes d’aides en violation de décisions d’autorisation préalable, tout particulièrement lorsque, comme en l’espèce, la compréhension des conditions de mise à exécution de ces aides ou de ces régimes d’aides est initialement partagée par la Commission et l’État membre concerné, comme cela a été constaté aux points 68 et 69 ci-dessus.
161 Enfin, eu égard à la description de la procédure préalable à la décision d’ouverture de la procédure formelle, effectuée aux considérants 1 et 2 de la décision attaquée, aucune inaction de la Commission pendant une période prolongée et dépourvue de justification ne peut être identifiée en l’espèce.
162 Troisièmement, en ce qui concerne la durée de vingt-neuf mois de la procédure formelle d’examen, celle-ci ne peut pas non plus être considérée comme déraisonnable, compte tenu, ainsi que cela ressort des considérants 3 à 9 et 96 de la décision attaquée, de la nécessité pour la Commission de traiter la demande des autorités portugaises portant sur la confidentialité de la décision d’ouverture de cette procédure, de demander plusieurs fois à ces autorités la communication d’informations manquantes ainsi que de traiter les observations du très grand nombre de parties intéressées ayant pris part à la procédure.
163 En ce sens, la procédure ayant débouché sur la décision attaquée se distingue nettement de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dont les requérantes ne peuvent donc valablement se prévaloir.
164 Même prises ensembles, les périodes tant préalables que postérieures à la décision d’ouverture de la procédure formelle ne peuvent être considérées comme déraisonnables dès lors que les requérantes – comme toutes les entreprises ayant bénéficié du régime III, tel que mis en œuvre – ont été dûment mises en mesure de prendre connaissance, au plus tard le 15 mars 2019, de la décision d’ouverture de la procédure formelle par sa publication au Journal officiel de l’Union européenne et des risques de récupération auxquels elles s’exposaient.
165 De surcroît, pour les requérantes qui ont continué à bénéficier des avantages fiscaux prévus par le régime III, tel que mis en œuvre, après la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle et, à ce titre, ont fait l’objet d’une correction de liquidation d’impôts, aucune sécurité juridique s’opposant à la récupération des aides versées au cours de cette période ne saurait leur être reconnue.
166 Dès lors, aucune violation du principe de sécurité juridique ne saurait être constatée. Par conséquent, le sixième moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit à un procès équitable
167 Par leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que, compte tenu du fait que les projets de correction de liquidation d’impôts adoptés par les autorités portugaises en exécution de la décision attaquée sont inattaquables en droit interne, leur droit à un procès équitable serait méconnu s’il devait être considéré qu’elles n’ont pas qualité pour agir contre la décision attaquée devant le Tribunal.
168 La Commission conteste cette argumentation.
169 À cet égard, il suffit de constater que cette argumentation ne concerne pas la légalité de la décision attaquée, à l’encontre de laquelle les requérantes ont d’ailleurs pu introduire un recours, ce qui suffit à démontrer que leur droit à un recours effectif, énoncé à l’article 47 de la Charte, qui, selon les explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17), correspond au droit à un procès équitable tel qu’il découle de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, n’a pas été affecté.
170 Quant à l’absence alléguée de voie de recours contre les projets de correction de liquidation d’impôts dont elles sont destinataires, il importe de rappeler que le contentieux relatif aux mesures nationales de récupération d’une aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur relève du seul juge national (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C‑69/13, EU:C:2014:71, point 34 et jurisprudence citée).
171 En outre, la Cour a expressément jugé qu’un tel contrôle, par le juge national, de ces mesures émises par les autorités nationales d’un État membre pour la récupération d’une aide et l’éventuelle annulation de celles-ci devaient être considérés comme la simple émanation du principe de protection juridictionnelle effective constituant, conformément à la jurisprudence de la Cour, un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Commission/Allemagne, C‑527/12, EU:C:2014:2193, point 45 et jurisprudence citée).
172 Il s’ensuit qu’il appartient au juge national, s’il est saisi, de se prononcer sur le caractère attaquable des projets de correction de liquidation d’impôts dont les requérantes allèguent être destinataires et d’apprécier si les aides octroyées aux requérantes au titre du régime III l’ont été conformément aux décisions de 2007 et de 2013 autorisant celui-ci, le cas échéant après avoir posé une question préjudicielle à la Cour au titre de l’article 267 TFUE.
173 Dès lors, le quatrième moyen doit être écarté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
174 Au vu de tout ce qui précède, les présents recours doivent être rejetés dans leur ensemble sur le fondement de l’article 126 du règlement de procédure comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.
Sur les dépens
175 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne :
1) Les affaires T‑460/22, T‑461/22, T‑464/22, T‑550/22, T‑551/22 et T‑553/22 sont jointes aux fins de l’ordonnance.
2) Les recours sont rejetés comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.
3) Somniare, Unipessoal, Lda, Stratsirius, Unipessoal, Lda, Horizon Industry Solutions SA, Sapateia SA, Augustea Oceanbulk Maritime Malta ltd. et Thorn Investments LTD sont condamnées aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 18 octobre 2023.
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Le greffier |
Le président |
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V. Di Bucci |
J. Svenningsen |
* Langue de procédure : le portugais.