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Document 62017CC0324

Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 11 avril 2019.
Procédure pénale contre Ivan Gavanozov.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2014/41/UE – Décision d’enquête européenne en matière pénale – Article 5, paragraphe 1 – Formulaire figurant à l’annexe A – Section J – Absence de voies de recours dans l’État membre d’émission.
Affaire C-324/17.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:312

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 11 avril 2019 ( 1 )

Affaire C‑324/17

Procédure pénale

contre

Ivan Gavanozov

[demande de décision préjudicielle formée par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2014/41/UE – Décision judiciaire d’enquête européenne – Procédures et garanties dans l’État membre d’émission – Motifs de fond à l’origine de l’émission de la décision d’enquête européenne – Absence de voies de recours dans l’État membre d’émission – Autonomie procédurale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Article 14 de la directive 2014/41 – Notion de “personne concernée” – Personne visée par une accusation pénale et mesures de collecte de preuve appliquées vis-à-vis d’une personne tierce »

I. Introduction

1.

L’ouverture des frontières au sein de l’Union européenne a inévitablement eu pour effet de faciliter la dimension transfrontière de la criminalité, voire de créer de nouvelles possibilités de criminalité. Un tel phénomène nécessite que le cadre légal dans lequel s’effectuent les enquêtes et, en particulier, les pouvoirs d’investigation dont disposent les autorités judiciaires des États membres puissent s’affranchir des frontières nationales.

2.

Ainsi, les États membres se sont efforcés de mettre en place une coopération judiciaire notamment en matière de preuves ( 2 ).

3.

Si la judiciarisation croissante des procédures d’entraide entre les autorités des États membres a permis d’accroître l’efficacité de la coopération en matière d’obtention de preuves, il n’en demeure pas moins que, comme l’a souligné le législateur de l’Union, le cadre juridique européen était devenu, du fait, notamment, de l’accumulation d’instruments spécifiques, tout à la fois trop fragmenté et trop complexe ( 3 ). Destinée à remplacer les instruments de coopération en matière de preuve, la directive 2014/41 vise tant à simplifier le cadre légal d’obtention des preuves dans les procédures d’enquête qu’à améliorer l’effectivité de ces dernières.

4.

La directive 2014/41 a un champ d’application générique et particulièrement large au regard des textes qu’elle vise à remplacer. Ainsi, il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive que la décision d’enquête européenne est une décision judiciaire qui a été émise ou validée par une autorité judiciaire d’un État membre (ci-après l’« État d’émission ») afin de faire exécuter une ou plusieurs mesures d’enquête spécifiques dans un autre État membre (ci‑après l’« État d’exécution ») en vue d’obtenir des preuves conformément à ladite directive.

5.

En outre, les autorités des États membres sont, en principe, tenues d’exécuter les décisions d’enquête européenne sur la base du principe de reconnaissance mutuelle, et ce conformément au cadre établi par la directive 2014/41 ( 4 ).

6.

Dès lors que les mesures d’enquête ordonnées par les autorités compétentes aux fins d’obtention de preuves en matière pénale peuvent s’avérer particulièrement intrusives en ce qu’elles sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes visées, la législation de l’Union doit impérativement trouver un équilibre entre l’efficacité et la célérité des procédures d’enquête, d’une part, et la protection des droits des personnes concernées par ces mesures d’enquête, d’autre part.

7.

Si la présente affaire invite la Cour à interpréter pour la première fois la directive 2014/41, elle lui offre surtout la possibilité de prendre position sur cet équilibre délicat, mais primordial.

8.

Ainsi, les questions préjudicielles portent, en substance, sur l’article 14 de cette directive et sur les recours permettant de contester les motifs de fond des mesures d’enquête indiquées dans la décision judiciaire portant émission d’une décision d’enquête européenne.

9.

Nous exposerons, dans les présentes conclusions, les raisons pour lesquelles, premièrement, nous estimons que l’article 14 de la directive 2014/41 s’oppose à la législation d’un État membre qui ne permet pas à un témoin visé par des mesures d’enquête, telles qu’une perquisition, une saisie et une audition, d’introduire un recours afin de contester les motifs de fond à l’origine de ces mesures d’enquête, ou d’obtenir réparation. Dans ces circonstances, nous considérons également que cette disposition, lue à la lumière des droits fondamentaux, s’oppose à ce qu’une autorité nationale émette une décision d’enquête européenne.

10.

Deuxièmement, nous sommes d’avis que, en l’absence de voies de recours prévues par le droit national dans le cadre des procédures nationales similaires, l’article 14 de la directive 2014/41 ne peut être invoqué par un particulier devant une juridiction nationale afin de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne.

11.

Troisièmement, nous pensons que la notion de « personne concernée » au sens de la directive 2014/41 inclut, d’une part, un témoin concerné par des mesures d’enquête demandées dans une décision d’enquête européenne, dès lors que le domicile de celui-ci ferait l’objet d’une perquisition et d’une saisie et que ce témoin ferait l’objet d’une audition, et, d’autre part, la personne visée par une accusation pénale, lorsque la mesure de collecte de preuves décidée dans la procédure dont elle est l’objet vise un tiers.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

12.

L’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 5 ) est rédigé de la manière suivante :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. »

13.

Conformément à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, « [l]e respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».

14.

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte prévoit ce qui suit :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [c]onvention [...] de sauvegarde des droits de l’[h]omme et des libertés fondamentales[ ( 6 )], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. »

2. La directive 2014/41

15.

Les considérants 2, 11, 12, 18, 19, 22 et 39 de la directive 2014/41 précisent :

« (2)

En vertu de l’article 82, paragraphe 1, [TFUE], la coopération judiciaire en matière pénale dans l’Union doit être fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires, communément considéré comme la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière pénale dans l’Union depuis le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999.

[...]

(11)

Une décision d’enquête européenne devrait être choisie lorsque l’exécution d’une mesure d’enquête semble proportionnée, adéquate et applicable au cas en question. L’autorité d’émission devrait par conséquent vérifier si la preuve recherchée est nécessaire et proportionnée aux fins de la procédure, si la mesure d’enquête choisie est nécessaire et proportionnée aux fins de l’obtention de la preuve concernée, et si une décision d’enquête européenne devrait être émise aux fins d’associer un autre État membre à l’obtention de cette preuve. [...]

(12)

Lorsqu’elle émet une décision d’enquête européenne, l’autorité d’émission devrait accorder une attention particulière au plein respect des droits consacrés par l’article 48 de la [Charte]. La présomption d’innocence et les droits de la défense dans une procédure pénale sont des pierres angulaires des droits fondamentaux reconnus par la [C]harte dans le domaine de la justice pénale. Toute limitation de l’exercice de ces droits par une mesure d’enquête ordonnée conformément à la présente directive devrait pleinement respecter les exigences établies à l’article 52 de la [C]harte en ce qui concerne son caractère nécessaire et proportionné et les objectifs auxquels elle devrait répondre, notamment le besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[...]

(18)

Comme dans d’autres instruments de reconnaissance mutuelle, la présente directive n’a pas pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits et principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 [TUE] et par la [C]harte. Afin de bien préciser ce point, une disposition spécifique est insérée dans le texte.

(19)

La création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union est fondée sur la confiance mutuelle et la présomption que les autres États membres respectent le droit de l’Union et, en particulier, les droits fondamentaux. Cette présomption est toutefois réfragable. Par conséquent, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’exécution d’une mesure d’enquête indiquée dans la décision d’enquête européenne porterait atteinte à un droit fondamental de la personne concernée et que l’État d’exécution méconnaîtrait ses obligations concernant la protection des droits fondamentaux reconnus dans la [C]harte, l’exécution de la décision d’enquête européenne devrait être refusée.

[...]

(22)

Les voies de recours permettant de contester une décision d’enquête européenne devraient être au moins égales à celles qui sont prévues dans le cadre d’une procédure nationale à l’encontre de la mesure d’enquête concernée. Conformément à leur droit national, les États membres devraient veiller à ce que ces voies de recours soient applicables, notamment en informant en temps utile toute partie intéressée des possibilités de recours. Dans les cas où des objections à l’encontre de la décision d’enquête européenne sont soulevées par une partie intéressée dans l’État d’exécution en ce qui concerne les motifs de fond sous-tendant l’émission de la décision d’enquête européenne, il est souhaitable que les informations relatives à cette contestation soient transmises à l’autorité d’émission et que la partie intéressée en soit dûment informée.

[...]

(39)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes inscrits à l’article 6 [TUE] et dans la [C]harte, notamment son titre VI, dans le droit international et les accords internationaux auxquels l’Union ou l’ensemble des États membres sont parties, y compris la [CEDH], et dans les constitutions des États membres dans leur champ d’application respectif. [...] »

16.

Aux termes de l’article 1er de la directive 2014/41 :

« 1.   La décision d’enquête européenne est une décision judiciaire qui a été émise ou validée par une autorité judiciaire d’un État membre [...] afin de faire exécuter une ou plusieurs mesures d’enquête spécifiques dans un autre État membre [...] en vue d’obtenir des preuves conformément à la présente directive.

La décision d’enquête européenne peut également être émise pour l’obtention de preuves qui sont déjà en possession des autorités compétentes de l’État d’exécution.

[...]

4.   La présente directive n’a pas pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques inscrits à l’article 6 [TUE], y compris les droits de la défense des personnes faisant l’objet d’une procédure pénale, et il n’est porté atteinte à aucune des obligations qui incombent aux autorités judiciaires à cet égard. »

17.

L’article 5, paragraphe 1, de cette directive indique que « [l]a décision d’enquête européenne prévue dans le formulaire figurant à l’annexe A est complétée, signée, et son contenu est certifié comme étant exact et correct par l’autorité d’émission ».

18.

L’article 6 de ladite directive prévoit :

« 1.   L’autorité d’émission ne peut émettre une décision d’enquête européenne que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

l’émission de la décision d’enquête européenne est nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures visées à l’article 4, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie ; et

[...]

2.   Dans chaque cas, le respect des conditions visées au paragraphe 1 est vérifié par l’autorité d’émission.

3.   Lorsque l’autorité d’exécution a des raisons de penser que les conditions visées au paragraphe 1 n’ont pas été respectées, elle peut consulter l’autorité d’émission sur l’importance d’exécuter la décision d’enquête européenne. Après cette consultation, l’autorité d’émission peut décider de retirer la décision d’enquête européenne. »

19.

L’article 11 de la directive 2014/41, sous le chapitre III, intitulé « Procédure et garanties pour l’État d’exécution », prévoit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 1[er], paragraphe 4, la reconnaissance ou l’exécution d’une décision d’enquête européenne peut être refusée dans l’État d’exécution lorsque :

[...]

f)

il existe des motifs sérieux de croire que l’exécution de la mesure d’enquête indiquée dans la décision d’enquête européenne serait incompatible avec les obligations de l’État d’exécution conformément à l’article 6 [TUE] et à la [C]harte ;

[...]

4.   Dans les cas visés au paragraphe 1, [sous] a), b), d), e) et f), avant de décider de ne pas reconnaître ou exécuter, en tout ou partie, une décision d’enquête européenne, l’autorité d’exécution consulte l’autorité d’émission par tout moyen approprié et, le cas échéant, demande à l’autorité d’émission de fournir sans tarder toute information nécessaire.

[...] »

20.

En vertu de l’article 14 de cette directive :

« 1.   Les États membres veillent à ce que des voies de recours équivalentes à celles ouvertes dans le cadre d’une procédure nationale similaire soient applicables aux mesures d’enquête indiquées dans la décision d’enquête européenne.

2.   Les motifs de fond qui sont à l’origine de l’émission de la décision d’enquête européenne ne peuvent être contestés que par une action intentée dans l’État d’émission, sans préjudice des garanties des droits fondamentaux dans l’État d’exécution.

3.   Lorsque cela ne nuit pas à la confidentialité d’une enquête au titre de l’article 19, paragraphe 1, l’autorité d’émission et l’autorité d’exécution prennent les mesures appropriées pour veiller à ce que des informations soient fournies sur les possibilités de recours prévues par le droit national lorsque celles-ci deviennent applicables et en temps utile afin de garantir leur exercice effectif.

4.   Les États membres veillent à ce que les délais de recours soient identiques à ceux qui sont prévus dans le cadre de procédures nationales similaires et qu’ils s’appliquent de manière à garantir aux personnes concernées la possibilité d’exercer un recours effectif.

5.   L’autorité d’émission et l’autorité d’exécution s’informent mutuellement des recours formés contre l’émission, la reconnaissance ou l’exécution d’une décision d’enquête européenne.

6.   Un recours ne suspend pas l’exécution de la mesure d’enquête, à moins que cela ne soit prévu dans le cadre de procédures nationales similaires.

7.   L’État d’émission tient compte du fait que la reconnaissance ou l’exécution d’une décision d’enquête européenne ait été contestée avec succès conformément à son droit national. Sans préjudice des règles de procédure nationales, les États membres veillent à ce que, dans une procédure pénale dans l’État d’émission, les droits de la défense et l’équité de la procédure soient respectés dans le cadre de l’évaluation des éléments de preuve obtenus au moyen de la décision d’enquête européenne. »

21.

Aux termes de l’article 24 de ladite directive :

« 1.   Lorsqu’une personne qui se trouve sur le territoire de l’État d’exécution doit être entendue comme témoin ou expert par les autorités compétentes de l’État d’émission, l’autorité d’émission peut émettre une décision d’enquête européenne en vue d’entendre le témoin ou l’expert par vidéoconférence ou par un autre moyen de transmission audiovisuelle, conformément aux paragraphes 5 à 7.

[...]

2.   Outre les motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution visés à l’article 11, l’exécution d’une décision d’enquête européenne peut être refusée si :

a)

le suspect ou la personne poursuivie ne donne pas son consentement ; ou

b)

l’exécution d’une telle mesure d’enquête dans un cas particulier serait contraire aux principes fondamentaux du droit de l’État d’exécution.

[...] »

22.

Selon l’article 34, paragraphes 1 à 3, de la directive 2014/41 :

« 1.   Sans préjudice de leur application entre États membres et États tiers ni de leur application temporaire en vertu de l’article 35, la présente directive remplace, à partir du 22 mai 2017, les dispositions correspondantes des conventions suivantes, applicables entre les États membres liés par la présente directive :

a)

la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l’Europe du 20 avril 1959, ainsi que les deux protocoles additionnels à celle-ci, et les accords bilatéraux conclus en vertu de l’article 26 de ladite convention ;

b)

la convention d’application de l’accord de Schengen[ ( 7 )] ;

c)

la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne et le protocole à celle-ci[ ( 8 )].

2.   La décision-cadre [2008/978] est remplacée par la présente directive pour les États membres liés par la présente directive. Les dispositions de la décision-cadre [2003/577] sont remplacées pour les États membres liés par la présente directive pour ce qui concerne le gel d’éléments de preuve.

Pour les États membres liés par la présente directive, les références faites à la décision-cadre [2008/978] et, pour ce qui concerne le gel d’éléments de preuve, à la décision-cadre [2003/577], s’entendent comme faites à la présente directive.

3.   Outre la présente directive, les États membres ne peuvent conclure ou continuer d’appliquer des conventions ou accords bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres États membres après le 22 mai 2017 que dans la mesure où ces conventions et accords permettent de renforcer encore les objectifs de la présente directive et contribuent à simplifier ou à faciliter davantage les procédures d’obtention de preuves et pour autant que le niveau de garanties prévu dans la présente directive soit respecté. »

23.

L’article 36, paragraphe 1, de cette directive indique que « [l]es États membres prennent les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 22 mai 2017 ».

B.   Le droit bulgare

24.

Conformément à l’article 160, paragraphe 1, du nakazatelno‑protsesualen kodeks (code de procédure pénale), la perquisition et la saisie peuvent être effectuées s’il existe des motifs suffisants de croire que, dans un lieu déterminé, se trouvent certaines choses (des documents, des objets, des ordinateurs et autres) qui contiennent des éléments d’information pertinents pour la procédure.

25.

En vertu de l’article 107, paragraphe 2, du code de procédure pénale, lu en combinaison avec l’article 13 de ce code, l’audition d’un témoin qui n’a pas été entendu auparavant durant la phase préliminaire de la procédure pénale est effectuée sur le fondement d’une décision juridictionnelle. Quant à la perquisition et la saisie, elles sont effectuées durant la phase juridictionnelle de la procédure en vertu d’une décision juridictionnelle.

26.

Les décisions juridictionnelles ordonnant des mesures de collectes de preuve, comme la perquisition, la saisie et l’audition de témoin, ne peuvent être contestées ni par les parties à la procédure ni par les personnes concernées par ces mesures et ne sont soumises à aucun contrôle.

27.

Aucun contrôle indirect, c’est-à-dire un contrôle effectué conjointement avec le jugement pénal, de ces décisions n’est possible.

28.

Premièrement, en vertu de l’article 318 du code de procédure pénale, le jugement pénal est vérifié uniquement sur le fondement d’un recours formé par le procureur ou par le prévenu. Les personnes dont les locaux font l’objet d’une perquisition ou dont les biens font l’objet d’une saisie, d’une part, et les personnes entendues comme témoin, d’autre part, n’ont pas le droit de demander, en même temps que la vérification du jugement pénal, la vérification de la légalité de la décision juridictionnelle visant, respectivement, à effectuer une perquisition ou une saisie et à autoriser l’audition.

29.

Deuxièmement, en vertu de l’article 305 du code de procédure pénale, lu en combinaison avec l’article 301 de ce même code, la décision que rendent les juges du fond en première instance ne porte que sur la culpabilité du prévenu et non sur l’existence ou non de motifs justifiant l’émission d’une décision de perquisition, de saisie ou d’audition de témoin. Quant au jugement en deuxième instance, il ne porte que sur les questions examinées en première instance. En particulier, la juridiction de deuxième instance vérifie la manière dont les mesures d’enquête ont été effectuées, et notamment le respect des règles procédurales, sans contrôler le caractère suffisant des motifs de la décision ordonnant les mesures d’enquête.

30.

L’article 2 du zakon za otgovornostta na darzhavata i obshtinite za vredi (loi relative à la responsabilité de l’État et des communes pour les dommages causés) ( 9 ) prévoit le paiement d’une indemnisation en cas de dommages résultant de certains actes juridictionnels dirigés contre le prévenu et dont il est établi qu’ils ne sont pas licites.

31.

Les actes portant émission d’une décision visant à effectuer une perquisition, une saisie ou à réaliser une audition de témoin ne sont pas dirigés contre le prévenu et il n’est légalement pas possible d’établir leur illégalité. Ces hypothèses ne figurent donc pas parmi celles dans lesquelles une indemnisation est due.

32.

Le zakon za evropeyskata zapoved za razsledvane (loi sur la décision d’enquête européenne) ( 10 ) transpose la directive 2014/41 dans l’ordre juridique bulgare.

33.

La juridiction de renvoi précise que, si l’article 18 de la loi sur la décision d’enquête européenne prévoit des voies de recours concernant l’exécution par les autorités bulgares d’une décision d’enquête européenne adoptée par les autorités judiciaires d’un autre État membre, en revanche, cette loi ne prévoit pas de voie de recours dans le cadre de la procédure d’émission d’une telle décision.

III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

34.

Les autorités judiciaires bulgares reprochent à M. Ivan Dimov Gavanozov d’avoir dirigé une organisation criminelle, ayant également impliqué trois autres personnes, dans le but de contourner l’imposition et le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en établissant et en utilisant des documents inexacts, ainsi qu’en déduisant irrégulièrement la TVA acquittée en amont. En particulier, il est reproché à M. Gavanozov d’avoir importé en Bulgarie, par l’intermédiaire de sociétés écrans, du sucre provenant d’autres États membres (acquisition intracommunautaire), dont la République tchèque, auprès du fournisseur, la société X, représentée par le témoin, Y, sucre qu’il a par la suite vendu sans documents sur le marché interne, et ce sans liquider ni payer de taxe. Selon les documents en possession des autorités judiciaires, M. Gavanozov aurait réalisé une exportation de sucre par une livraison intracommunautaire vers la Roumanie. Le montant total de la TVA non liquidée et non payée s’élèverait à 1128664,49 leva bulgares (BGN) (577085,85 euros).

35.

Durant la phase préliminaire de la procédure, aucune mesure d’enquête visant à collecter des preuves n’a été adoptée à l’égard de la société X ni du témoin Y.

36.

Il a cependant été établi que des contacts personnels et professionnels avaient eu lieu entre M. Gavanozov et Y, contacts menés soit avec l’aide d’un interprète soit en anglais, dans la mesure où ces deux personnes ne connaissaient pas la langue maternelle de l’autre. Toutefois, il est également apparu que M. Gavanozov avait signé un contrat de représentation exclusive avec la société X, dont le témoin Y était le représentant, ce contrat étant rédigé uniquement en langue bulgare.

37.

Afin de préciser l’étendue des rapports entre M. Gavanozov et Y, la juridiction de renvoi, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), a ordonné le rassemblement de nouvelles preuves.

38.

Ainsi, ce dernier a décidé de faire effectuer une perquisition et une saisie dans les locaux de la société X afin d’établir si le contrat produit par le témoin Y figure parmi les documents de cette société et s’il existe des documents établis en lien avec l’exécution de ce contrat. Il a également décidé de faire effectuer une perquisition et une saisie au domicile de Y afin d’établir si celui-ci y conserve des documents concernant l’activité incriminée et de faire entendre ce témoin par vidéoconférence, étant donné qu’il ne souhaite pas comparaître en Bulgarie afin d’être entendu.

39.

Dans la mesure où les locaux de la société X et le domicile de Y se situent sur le territoire de la République tchèque, le juge de renvoi a décidé d’émettre une décision d’enquête européenne visant à demander aux autorités judiciaires tchèques d’effectuer ces mesures d’enquête.

40.

Au stade de l’adoption de cette décision, le juge de renvoi indique avoir rencontré des difficultés pour remplir, dans le formulaire type de la décision d’enquête européenne, figurant à l’annexe A de la directive 2014/41, la section J ( 11 ), consacrée aux voies de recours.

41.

À cet égard, le juge de renvoi a précisé dans la décision de renvoi que le droit bulgare ne prévoit aucune voie de recours contre l’adoption de ces mesures d’enquête.

42.

Il a indiqué également que, selon lui, la législation bulgare n’est pas conforme à l’article 14 de la directive 2014/41 et ne répond pas au principe d’effectivité dans la mesure où les personnes concernées par des mesures de collecte de preuves ne disposent d’aucun recours contre les actes ordonnant de telles mesures.

43.

Dans ces conditions, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 14 de la directive 2014/41 s’oppose-t-il à une loi et à une jurisprudence nationales qui ne permettent, ni par le biais d’un recours direct contre la décision juridictionnelle ni par le biais d’une demande séparée en condamnation à des dommages et intérêts, de contester les motifs de fond de la décision juridictionnelle portant émission d’une décision d’enquête européenne qui a pour objet la réalisation d’une perquisition dans un bien immeuble résidentiel et dans un bien immeuble d’entreprise et d’une saisie d’objets déterminés, ainsi que l’organisation d’une audition de témoin ?

2)

L’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41 accorde-t-il, de manière directe et immédiate, à la personne concernée le droit de contester la décision juridictionnelle portant émission d’une décision d’enquête européenne, bien que le droit national ne prévoie pas de voie procédurale en ce sens ?

3)

La personne visée par une accusation pénale est-elle, à la lumière de l’article 14, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, sous a), et avec l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2014/41, une personne concernée au sens de l’article 14, paragraphe 4, de la même directive, lorsque la mesure de collecte de preuves vise un tiers ?

4)

La personne qui habite ou qui utilise un bien immeuble dans lequel sont effectuées la perquisition et la saisie ou la personne qui sera entendue en tant que témoin est-elle une personne concernée au sens de l’article 14, paragraphe 4, lu en combinaison avec le paragraphe 2, de la directive 2014/41 ? »

IV. Notre analyse

A.   Sur la recevabilité

44.

Les gouvernements tchèque et autrichien ont, explicitement et implicitement, soulevé l’irrecevabilité des questions préjudicielles au motif que, la décision de renvoi ayant été émise au moment de l’expiration du délai de transposition de la directive 2014/41, cette dernière n’était pas encore transposée en République tchèque ni en République de Bulgarie et qu’une application directe de cette directive n’est pas possible.

45.

À cet égard, nous remarquons, tout d’abord, que la décision de renvoi étant datée du 23 mai 2017, elle est postérieure à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2014/41 fixée à l’article 36, paragraphe 1,de celle-ci au 22 mai 2017.

46.

Ensuite, la directive 2014/41 a été transposée tant en République de Bulgarie qu’en République tchèque au cours de la procédure devant la Cour. Ainsi, le juge de renvoi a fait parvenir à la Cour, pendant la procédure devant elle, une copie de la loi de transposition ainsi qu’une lettre d’accompagnement. En outre, à l’issue de l’expiration du délai de transposition, la République tchèque a communiqué à la Commission européenne les mesures de transposition de la directive 2014/41 ( 12 ).

47.

Enfin, l’interprétation sollicitée par le juge de renvoi est non seulement pertinente, mais également nécessaire pour ce dernier.

48.

En effet, les mesures de perquisition, de saisie et d’audition du témoin Y envisagées par le juge de renvoi ont trait à une procédure en cours en Bulgarie et visent à déterminer si M. Gavanozov a effectivement commis une fraude à la TVA.

49.

Par ailleurs, les questions préjudicielles posées à la Cour portent sur une disposition du droit de l’Union et, dans la mesure où elles permettront au juge de renvoi de déterminer comment remplir la section J, elles répondent à un besoin objectif exprimé par ce dernier.

50.

Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont, selon nous, recevables.

B.   Sur le fond

1. Sur la première question préjudicielle

51.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 14 de la directive 2014/41 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit aucune voie de recours permettant de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne ayant pour objet la réalisation d’une perquisition, la saisie de certains objets et l’organisation d’une audition de témoin.

52.

À cet égard, force est de constater que les exigences de cette directive en matière de voies de recours démontrent que, pour le législateur de l’Union, de telles voies de recours doivent nécessairement être prévues par les États membres.

53.

Ainsi, il découle de l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive, aux termes duquel « [l]e transfert des éléments de preuve peut être suspendu, dans l’attente d’une décision concernant un recours [...] », que l’existence de recours a été pleinement envisagée par ce législateur.

54.

Plus encore, en exigeant à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2014/41 que « des voies de recours équival[ant] à celles ouvertes dans le cadre d’une procédure nationale similaire soient applicables aux mesures d’enquête indiquées dans la décision d’enquête européenne », il est, à nos yeux, évident que, contrairement à ce que soutient le gouvernement tchèque, le législateur de l’Union a supposé l’existence de recours contre des mesures d’enquête dans le cadre de procédures nationales ( 13 ) et a imposé aux États membres de prévoir, en matière de décision d’enquête européenne, des recours équivalents.

55.

Dès lors, quand bien même l’article 14, paragraphe 1, de cette directive ne contraint pas les États membres à prévoir des voies de recours supplémentaires par rapport à celles qui existent dans le cadre d’une procédure nationale similaire ( 14 ), cette disposition les oblige, à tout le moins et par un « jeu de miroirs », à instaurer des voies de recours applicables aux mesures d’enquête indiquées dans une décision d’enquête européenne qui soient équivalentes à celles ouvertes dans le cadre d’une procédure nationale similaire ( 15 ).

56.

Cette interprétation de la directive 2014/41 est, selon nous, d’autant plus justifiée que, dans le cadre d’une enquête pénale, les mesures d’enquête, ordonnées par les autorités compétentes dans le but légitime de recueillir des éléments de preuves, peuvent être intrusives et porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes visées reconnus, notamment, par la Charte. En outre, compte tenu des particularités des sanctions pénales, le processus donnant lieu à de telles sanctions doit, dans son intégralité, nécessairement être entouré de garanties spécifiques afin que les droits fondamentaux des personnes impliquées dans la procédure soient respectés ( 16 ).

57.

Par conséquent, la nécessité d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des droits fondamentaux par les juridictions nationales ( 17 ), maintes fois soulignée ( 18 ), est d’autant plus prégnante dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale et la possibilité de contester les motifs de fond à l’origine d’une décision d’enquête européenne revêt, dès lors, une importance toute particulière.

58.

Enfin, cette interprétation n’est pas remise en cause par le fait que les mesures de collecte de preuves visent un tiers ayant le statut de témoin.

59.

En effet, force est de constater que, à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2014/41, le législateur de l’Union n’a pas limité l’obligation de respecter les droits fondamentaux aux droits de la défense des personnes faisant l’objet d’une procédure pénale.

60.

Par ailleurs, si certaines dispositions de cette directive telles que l’article 6, paragraphe 1, sous a), mettent l’emphase sur les droits du « suspect ou de la personne poursuivie », d’autres dispositions de cette directive, dont, notamment, l’article 5, paragraphe 1, sous c), l’article 13, paragraphe 2, ainsi que les articles 14 et 22, se réfèrent à la notion de « personne concernée ».

61.

En outre, l’article 11, paragraphe 1, sous f), de la directive 2014/41, lu à la lumière du considérant 19 de celle-ci, et l’article 14 de ce texte prévoient que les garanties énoncées par le législateur de l’Union, en termes de recours ou de motifs de non-exécution ou de non-reconnaissance, le sont au bénéfice de la « personne concernée », et non au bénéfice du « suspect » ou de la « personne poursuivie ».

62.

Or, le recours à des expressions différentes est, selon nous, loin d’être anodin, et ce d’autant plus que, dans le cadre de la directive 2014/41, les mesures d’enquête visées dans une décision d’enquête européenne peuvent concerner tant le « suspect » ou « la personne poursuivie » que des tiers et, dès lors, porter atteinte à leurs droits.

63.

Dans le cadre de l’enquête au principal à l’encontre de M. Gavanozov, Y est un témoin, mais il est concerné par les mesures d’enquête envisagées, visant à rassembler des preuves contre M. Gavanozov. Ainsi, la perquisition et la saisie auraient lieu à son domicile et il ferait l’objet d’une audition.

64.

Il s’ensuit que la notion de « personne concernée », au sens de la directive 2014/41, se réfère également à un témoin, tel que Y, qui ferait l’objet de mesures d’enquête demandées dans une décision d’enquête européenne.

65.

Or, il ressort de l’exposé du droit national et des condamnations répétées de la République de Bulgarie par la Cour européenne des droits de l’homme, mises en exergue dans la décision de renvoi ( 19 ), que le droit bulgare ne prévoit aucune voie de recours permettant à un témoin de contester les motifs de fond de mesures d’enquête dans le cadre de procédures nationales, telles qu’une perquisition et une saisie, ni d’obtenir, de manière effective, une quelconque réparation dans le cadre d’un recours en indemnité ( 20 ).

66.

En outre, la transposition en droit bulgare de la directive 2014/41 n’a pas, selon les indications fournies par le juge de renvoi ( 21 ), introduit la possibilité pour un témoin, tel que Y, visé par une perquisition, une saisie et une audition, de contester les motifs de fond à l’origine de ces mesures d’enquête.

67.

Deux conclusions doivent, selon nous, être tirées de l’ensemble de ces considérations.

68.

En premier lieu, nous en déduisons que la réglementation bulgare n’est pas conforme à l’article 14 de la directive 2014/41.

69.

En second lieu, cette disposition, lue à la lumière des droits fondamentaux, s’oppose à ce qu’une autorité, en l’occurrence bulgare, puisse émettre une décision d’enquête européenne.

70.

En effet, dès lors que la directive 2014/41 prévoit des garanties ( 22 ), telles qu’un recours permettant de contester les motifs de fond à l’origine des mesures d’enquête visées dans une décision d’enquête européenne, en l’absence de telles garanties, le mécanisme de la décision d’enquête européenne ne peut pas être enclenché.

71.

Cette position découle, premièrement, de l’interprétation de la section J.

72.

En dépit des divergences entre les différentes versions linguistiques de cette section J ( 23 ), nous estimons que celle-ci, interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la directive 2014/41 ( 24 ), requiert, en vertu de son paragraphe 1, que l’autorité d’émission indique à son homologue de l’État d’exécution si un recours a été formé contre l’émission de la décision d’enquête européenne visée par le formulaire figurant à l’annexe A de cette directive et, au titre de son paragraphe 2, qu’elle fournisse les informations relatives aux voies de recours ainsi qu’aux possibilités d’assistance dans l’État d’émission.

73.

À ce titre, d’une part, nous relevons que l’utilité, pour l’État d’exécution, de l’information selon laquelle un recours contre une décision d’enquête européenne, au sens de n’importe quelle décision d’enquête européenne, aurait déjà été introduit dans l’État d’émission ne nous apparaît pas, loin s’en faut, avec évidence.

74.

En revanche, dans l’hypothèse d’une mesure d’enquête ne nécessitant pas de confidentialité ( 25 ), un éventuel recours contre la décision d’enquête européenne constitue une information importante pour l’État d’exécution dans la mesure où le succès d’un tel recours pourrait remettre en cause cette mesure d’enquête.

75.

D’autre part, la section J, paragraphe 2, lue en combinaison avec l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41, implique que les autorités de l’État d’exécution puissent aviser la personne visée par les mesures d’enquête de la possibilité de contester les motifs de fond qui sont à l’origine de l’émission de la décision d’enquête européenne dans l’État d’émission et, le cas échéant, lui fournir des renseignements quant à l’assistance juridique ou linguistique dont elle peut bénéficier dans cet État ( 26 ).

76.

Au demeurant, la nécessité de renseigner, dans la section J, paragraphe 2, les informations relatives aux voies de recours dans l’État d’émission est également garante de l’effectivité des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution des décisions d’enquête européenne et, en particulier, du motif énoncé à l’article 11, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

77.

Or, en l’absence de recours prévus dans l’État d’émission, le formulaire figurant à l’annexe A de ladite directive ne peut être rempli, le cadre complet de la décision d’enquête européenne ne peut être fourni ( 27 ) et cette décision ne peut ni être formulée ni, a fortiori, prospérer.

78.

Deuxièmement, la réglementation bulgare et le déficit de protection des droits fondamentaux qu’elle induit empêchent l’application du mécanisme de reconnaissance mutuelle qui est au cœur de la décision d’enquête européenne.

79.

La reconnaissance mutuelle repose sur la prémisse de l’existence, entre les États membres, d’une confiance mutuelle entendue comme « la certitude que tous les citoyens européens ont accès à un système judiciaire satisfaisant aux exigences de qualité les plus élevées» ( 28 ). Par conséquent, elle exige que les États membres considèrent, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union ( 29 ) et elle implique que « les États membres peuvent être tenus [...] de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres» ( 30 ).

80.

Nous remarquons cependant que l’usage du verbe « pouvoir » par la Cour n’induit aucune obligation et que le considérant 19 de la directive 2014/41 se réfère au caractère réfragable d’une telle présomption ( 31 ).

81.

En l’espèce, compte tenu des constats répétés de violation des articles 3, 8 et 13 de la CEDH par la République de Bulgarie, de l’absence de modifications des dispositions du code de procédure pénale, du fait que le juge de renvoi lui-même doute du respect des droits fondamentaux par la réglementation bulgare et de l’absence d’introduction d’un recours lors de la transposition de la directive 2014/41, il est évident, selon nous, que la présomption de respect des droits fondamentaux par cet État membre en la matière ne peut être établie.

82.

En effet, l’impossibilité, en Bulgarie, pour un tiers visé par des mesures d’enquête telles que des perquisitions ou des saisies, portant par essence atteinte au droit au respect de la vie privée, de contester les motifs de fond à l’origine de ces mesures est, comme l’a jugé la Cour européenne des droits de l’homme à de nombreuses reprises, un défaut manifeste de protection effective du droit au respect de la vie privée ( 32 ).

83.

Si la présomption qu’un État membre respecte les droits fondamentaux ne peut être établie, la confiance mutuelle ne peut être exigée des autres États membres, de sorte que la reconnaissance mutuelle ne peut être mise en œuvre et profiter à cet État membre.

84.

Nous ajoutons que, dans une telle situation, la possibilité, mise en exergue par le gouvernement hongrois, pour l’État d’exécution de se prévaloir de l’article 11 de la directive 2014/41, n’est pas suffisante.

85.

Outre que le recours aux motifs de non-exécution ou de non-reconnaissance est une exception, d’interprétation stricte ( 33 ), au principe d’exécution des décisions d’enquête européenne découlant de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2014/41, le recours à l’article 11, paragraphe 1, sous f), de cette directive requiert, conformément au considérant 19 de ladite directive, une appréciation au cas par cas afin de renverser la présomption de respect des droits fondamentaux.

86.

Or, nous pensons que, si l’appréciation de l’effectivité des recours peut justifier, au cas par cas, l’application de l’article 11, paragraphe 1, sous f), de la directive 2014/41, l’absence de toute possibilité de recours pourrait, comme le souligne à juste titre le gouvernement autrichien, conduire à un usage systématique de cette disposition, mettant en cause l’intérêt pratique de la décision d’enquête européenne.

87.

Par ailleurs, dans des circonstances telles que celles prévalant en République de Bulgarie, l’application de l’article 11, paragraphe 1, sous f), de la directive 2014/41 engendre un risque non négligeable de non-reconnaissance ou de non-exécution à géométrie variable entre les États membres et fait, in fine, peser une responsabilité très importante sur les autorités d’exécution qui peuvent s’exposer à une violation des dispositions de la CEDH ( 34 ).

88.

Enfin, l’interprétation de la directive 2014/41 que nous proposons se concilie avec la nécessaire effectivité du mécanisme de la décision d’enquête européenne.

89.

En effet, le législateur de l’Union a entouré la mise en application de la décision d’enquête européenne de garanties visant à protéger les droits des personnes concernées par les mesures d’enquête. Dès lors, si un État membre choisit de ne pas transposer la directive 2014/41 à cet égard, de ne pas instaurer ces garanties et, par conséquent, de ne pas respecter l’équilibre issu de cette directive entre le caractère intrusif des mesures d’enquête et la possibilité de les contester, il ne peut bénéficier du mécanisme de la décision d’enquête européenne.

90.

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous pensons que, d’une part, l’article 14 de la directive 2014/41 s’oppose à la réglementation bulgare et que, d’autre part, cet article, lu à la lumière des droits fondamentaux, s’oppose à ce qu’une autorité bulgare émette une décision d’enquête européenne.

2. Sur la deuxième question préjudicielle

91.

Par sa deuxième question, le juge de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41 peut être invoqué par un particulier devant une juridiction nationale afin de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne, en l’absence de voies de recours prévues à cet effet par le droit national.

92.

Il nous semble que, partant de la prémisse de l’existence, dans les États membres, de recours permettant de contester les motifs de fond ayant présidé à l’émission d’une décision d’enquête européenne, le législateur de l’Union vise, à travers l’article 14, paragraphe 2, de cette directive, à éviter que ces motifs soient contestés dans l’État d’exécution et contrôlés par une juridiction de ce dernier ( 35 ).

93.

Dans ces conditions, l’article 14, paragraphe 2, de ladite directive ne crée pas, en tant que tel, dans l’État d’émission, ni a fortiori dans l’État d’exécution, un recours permettant de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne.

94.

Il n’en demeure pas moins que, en vertu des dispositions combinées de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/41, l’existence d’un tel recours est, dans le système de la décision d’enquête européenne, une obligation à la charge des États membres.

95.

Or, une telle obligation ne saurait rester lettre morte au motif que cette directive n’a pas été correctement transposée.

96.

À cet égard, nous rappelons que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte ( 36 ).

97.

Ainsi, il n’est pas exclu que la personne concernée par les mesures d’enquête puisse, dans l’hypothèse où l’État d’émission n’aurait prévu aucun recours pour contester les motifs de fond qui sont à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne, mais aurait institué des recours aux fins de contester les motifs de fond dans des procédures internes similaires, se prévaloir de l’équivalence postulée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2014/41.

98.

Néanmoins, si le droit national ne prévoit aucun recours prévu dans le cadre des procédures d’enquêtes nationales similaires, l’effet direct de cette disposition ne pourrait justifier la création ex nihilo d’un recours contre une mesure d’enquête européenne.

99.

Si une telle circonstance justifie, à plus forte raison, qu’une autorité bulgare ne puisse, en l’absence de toute possibilité de recours, émettre de décision d’enquête européenne, elle devrait donner lieu à l’introduction par la Commission d’un recours en constatation de manquement pour transposition incorrecte de la directive.

100.

Partant, nous considérons que l’article 14 de la directive 2014/41 ne peut être invoqué par un particulier devant une juridiction nationale afin de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne, en l’absence de voies de recours prévues par le droit national dans le cadre des procédures nationales similaires.

3. Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

101.

Par ses troisième et quatrième questions préjudicielles, le juge de renvoi demande, en substance, à la Cour si la personne visée par une accusation pénale est une « personne concernée » au sens de la directive 2014/41, alors que les mesures de collecte de preuves visent un tiers et si ce tiers, en l’occurrence la personne qui habite ou qui utilise un bien immeuble dans lequel sont effectuées la perquisition et la saisie ou la personne qui sera entendue en tant que témoin, est également « une personne concernée » au sens de cette directive.

102.

La juridiction de renvoi ayant également précisé que, en cas de réponse affirmative à la deuxième question, l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41 constituerait le fondement mettant une voie de recours à la disposition des personnes concernées, compte tenu de la réponse que nous proposons d’apporter à la deuxième question préjudicielle, la réponse à ces questions préjudicielles n’apparaît pas, a priori, nécessaire.

103.

Toutefois, l’interprétation de la notion de « personne concernée » au sens de la directive 2014/41 est, à notre sens, utile pour que le juge de renvoi puisse déterminer les exigences de ce texte.

104.

À cet égard, comme l’a souligné à juste titre la Commission, cette directive n’a ni pour objet ni pour effet d’harmoniser le cadre juridique des mesures d’enquête et des voies de recours afférentes au sein des États membres. Par conséquent, l’aménagement de ces voies de recours relève de l’autonomie procédurale de chacun des États membres.

105.

À cet égard, il apparaît néanmoins que, ladite directive prévoyant des garanties au bénéfice des personnes concernées par les mesures d’enquête, la notion de « personne concernée » doit faire l’objet d’une interprétation autonome au titre de la directive 2014/41.

106.

S’agissant de la personne visée par des mesures d’enquête, mais ayant le statut de tiers dans le cadre de la procédure pénale, il nous suffit de souligner qu’il résulte des points 58 à 64 des présentes conclusions qu’elle relève de la notion de « personne concernée » au sens de l’article 14 de la directive 2014/41.

107.

S’agissant de la personne visée par l’accusation pénale, mais non par les mesures de collecte de preuve figurant dans la décision d’enquête européenne, dès lors que ces mesures peuvent affecter ses intérêts dans le cadre de la procédure en cause, en ce que, par exemple, les éléments recueillis peuvent servir de preuve à son encontre, elle constitue, également, une « personne concernée » au sens de cette directive.

V. Conclusion

108.

Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie) de la manière suivante :

1)

L’article 14 de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale, doit être interprété en ce sens que, en l’absence de toute possibilité prévue par la réglementation d’un État membre, telle que la réglementation bulgare, de contester les motifs de fond d’une mesure d’enquête visée par une décision d’enquête européenne, il s’oppose à cette réglementation et à ce qu’une autorité de cet État membre émette une décision d’enquête européenne.

2)

L’article 14 de la directive 2014/41 ne peut être invoqué par un particulier devant une juridiction nationale afin de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne, en l’absence de voies de recours prévues par le droit national dans le cadre des procédures nationales similaires.

3)

La notion de « personne concernée » au sens de la directive 2014/41 inclut un témoin faisant l’objet de mesures d’enquête demandées dans une décision d’enquête européenne ainsi que la personne visée par l’accusation pénale, mais non par les mesures d’enquête visées dans une décision d’enquête européenne.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Dans un premier temps, par l’acte du Conseil, du 29 mai 2000, établissant, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne (JO 2000, C 197, p. 1), et le protocole à la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne, établi par le Conseil conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne (JO 2001, C 326, p. 2), puis, dans un second temps, par la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil, du 22 juillet 2003, relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve (JO 2003, L 196, p. 45), et la décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil, du 18 décembre 2008, relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales (JO 2008, L 350, p. 72).

( 3 ) Voir considérant 5 de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale (JO 2014, L 130, p. 1).

( 4 ) Dans la lignée des conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 ainsi que de l’adoption par le Conseil européen du « Programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens » (JO 2010, C 115, p. 1) et conformément à l’article 82, paragraphe 1, TFUE, la directive 2014/41 repose sur le principe de reconnaissance mutuelle. Aux termes de son considérant 38, l’objectif de ce texte est la reconnaissance mutuelle des décisions prises aux fins de l’obtention de preuves et, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, les États membres doivent exécuter une décision d’enquête européenne sur la base du principe de reconnaissance mutuelle.

( 5 ) Ci-après la « Charte ».

( 6 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH ».

( 7 ) Convention du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 (JO 2000, L 239, p. 19).

( 8 ) Voir note en bas de page 2 des présentes conclusions.

( 9 ) DV no 60, du 5 août 1988.

( 10 ) DV no 16, du 20 février 2018.

( 11 ) Ci-après la « section J ».

( 12 ) Le détail de ces mesures peut être consulté à l’adresse Internet suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/NIM/?uri=celex:32014L0041.

( 13 ) Cette position est, nous semble-t-il, partagée par le gouvernement autrichien et par la Commission.

( 14 ) Nous notons tout de même que, en vertu du considérant 22 de cette directive, les États membres ont la possibilité de prévoir des voies de recours supplémentaires permettant de contester une décision d’enquête européenne.

( 15 ) Cette interprétation est corroborée par le considérant 22 de la directive 2014/41, lequel, conformément à la jurisprudence de la Cour, est susceptible de préciser le contenu de cette directive [voir arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:377, point 42)]. Il en résulte, selon nous, que, si ladite directive oblige les États membres à prévoir des recours équivalant à ceux prévus à l’égard de mesures internes similaires, elle ne porte, en principe et sous réserve du respect du principe d’effectivité, pas atteinte à la compétence des États membres de mettre en place de tels recours pour les mesures d’enquête portant atteinte à un droit fondamental.

( 16 ) Voir Hagueneau-Moizard, C., Gazin F., et Leblois-Happe J., Les fondements du droit pénal européen, Larcier, Bruxelles, 2015, p. 55.

( 17 ) À cet égard, nous rappelons que, selon la Cour, il appartient notamment aux juridictions nationales de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent de ce droit [voir arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 50 et jurisprudence citée)].

( 18 ) Nous renvoyons, à cet égard, au considérant 12 ainsi qu’à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2014/41. Cette exigence doit être différenciée de l’obligation pesant sur l’Union de respecter les droits fondamentaux lorsqu’elle met en œuvre la compétence pénale dévolue par le traité.

( 19 ) Dans la décision de renvoi, après l’exposé du droit national, il est précisé que, à la suite des arrêts de la Cour EDH du 26 juillet 2007, Peev c. Bulgarie (CE:ECHR:2007:0726JUD006420901), et du 22 mai 2008, Iliya Stefanov c. Bulgarie (CE:ECHR:2008:0522JUD006575501), la République de Bulgarie s’est engagée à modifier le droit national afin de permettre un contrôle juridictionnel a posteriori de l’acte juridictionnel visant à effectuer une perquisition et une saisie, contrôle initié par les personnes concernées par la perquisition et la saisie. Il ressort également de la décision de renvoi que ces modifications du droit bulgare n’ont pas encore été adoptées.

( 20 ) Il est vrai que la possibilité de contester les motifs de fond de mesures d’enquête en matière pénale diffère de la possibilité de demander réparation d’un dommage causé par de telles mesures. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que la possibilité d’obtenir réparation dans l’hypothèse où une perquisition ou une saisie aurait été illégalement décidée ou exécutée fait partie intégrante du droit à un recours effectif au sens de l’article 13 de la CEDH. Quant à l’analyse du droit bulgare, le rôle et l’importance du recours en réparation ne doivent pas être sous-estimés, dès lors que, comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme, en l’absence de recours permettant de contester la légalité des perquisitions et des saisies effectuées, la possibilité d’un recours en réparation est primordiale [Cour EDH, 22 mai 2008, Iliya Stefanov c. Bulgarie (CE:ECHR:2008:0522JUD006575501, § 59), et 19 janvier 2017, Posevini c. Bulgarie (CE:ECHR:2017:0119JUD006363814, § 84)].

( 21 ) Ainsi, le juge de renvoi a, par lettre, informé la Cour de la transposition de cette directive et lui a expressément indiqué à cet égard que, si l’article 18 de la loi sur la décision d’enquête européenne prévoit une voie de recours concernant l’exécution par les autorités bulgares d’une décision d’enquête européenne adoptée par les autorités judiciaires d’un autre État membre, cette loi ne prévoit pas de voie de recours dans le cadre de la procédure d’émission d’une telle décision.

( 22 ) La possibilité de contester les motifs de fond à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne reconnue à l’article 14 de la directive 2014/41 et, plus largement, les garanties prévues à cette disposition ne sont pas les seules garanties instaurées par le législateur de l’Union. Ainsi, le fait que, par définition, une décision d’enquête européenne est une décision judiciaire qui a été émise ou validée par une autorité judiciaire d’un État membre constitue une garantie en soi. Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive prévoit que, dans le cadre des droits de la défense, un suspect ou une personne poursuivie peuvent être à l’origine de l’émission d’une décision d’enquête européenne. En outre, si l’article 1er, paragraphe 4, de ladite directive rappelle que cette dernière n’a pas pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux, diverses obligations pesant tant sur l’État d’émission que sur l’État d’exécution ont pour objet de garantir le respect des droits fondamentaux. En particulier, l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41 précise qu’une décision d’enquête ne peut être émise que si elle est nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures dans lesquelles une telle décision peut s’insérer, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie. En vertu de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, lorsque l’autorité d’exécution a des raisons de penser que cette condition n’a pas été respectée, elle peut consulter l’autorité d’émission sur l’importance d’exécuter la décision d’enquête européenne. Après cette consultation, l’autorité d’émission peut décider de retirer la décision d’enquête européenne. Enfin, en vertu de l’article 11 de ladite directive, l’État d’exécution peut refuser de reconnaître ou d’exécuter une décision pour différents motifs, dont la contrariété au principe non bis in idem ou le respect des obligations de cet État en matière de droits fondamentaux.

( 23 ) La version en langue française de la section J précise : « Veuillez indiquer si un recours a déjà été formé contre l’émission d’une décision d’enquête européenne [...]. De manière similaire, la version en langue anglaise indique : « Please indicate if a legal remedy has already been sought against the issuing of an EIO [...] ». En revanche, il ressort de la version en langue espagnole de la section J que « Sírvase indicar si ya se ha interpuesto algún recurso contra la emisión de la OEI [...] » (italique ajouté par nos soins).

( 24 ) Voir arrêt du 29 avril 2015, Léger (C‑528/13, EU:C:2015:288, point 35).

( 25 ) Contrairement, par exemple, aux mesures de saisie ou de perquisition, lesquelles nécessitent, pour être efficaces, un effet de surprise et doivent rester confidentielles avant d’être exécutées.

( 26 ) Cette obligation d’information mise à la charge des États membres est également exprimée au considérant 22 de la directive 2014/41.

( 27 ) Nous soulignons sur ce point que, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2014/41, la décision d’enquête européenne prévue dans le formulaire figurant à l’annexe A est complétée, signée, et son contenu est certifié comme étant exact et correct par l’autorité d’émission. En outre, selon l’article 16, paragraphe 2, sous a), de cette directive, l’autorité d’exécution informe l’autorité d’émission, immédiatement et par tout moyen disponible, du fait qu’il lui est impossible de prendre une décision sur la reconnaissance ou l’exécution en raison du fait que le formulaire prévu à l’annexe A est incomplet ou manifestement incorrect. Il s’ensuit que le formulaire figurant à l’annexe A de ladite directive formalise la décision d’enquête européenne et que les informations qui y sont requises ont pour objet d’éclairer l’État d’exécution quant aux mesures d’enquête sollicitées, à l’enquête dans laquelle elles s’insèrent ainsi qu’à leur environnement juridique.

( 28 ) Voir programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne (JO 2005, C 53, p. 1) (partie III, point 3.2.). Voir, également, arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 35 et jurisprudence citée).

( 29 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 36 et jurisprudence citée).

( 30 ) Arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 37 et jurisprudence citée).

( 31 ) D’autres textes adoptés récemment dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice font référence à une présomption de respect, par les États membres, des droits fondamentaux, comme, notamment, le considérant 34 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation (JO 2018, L 303, p. 1).

( 32 ) Voir Cour EDH, 15 octobre 2013, Gutsanovi c. Bulgarie (CE:ECHR:2013:1015JUD003452910, § 67 et § 208 à 212) ; 16 février 2016, Govedarski c. Bulgarie (CE:ECHR:2016:0216JUD003495712, § 38 à 40 et § 72 à 75) ; 31 mars 2016, Stoyanov et autres c. Bulgarie (CE:ECHR:2016:0331JUD005538810, § 114 à 116), et 9 juin 2016, Popovi c. Bulgarie (CE:ECHR:2016:0609JUD003965111, § 49, 89 et 93). À cet égard, nous rappelons, à toutes fins utiles, que, ainsi qu’il ressort des explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17), le droit à un recours effectif garanti à l’article 47, premier alinéa, de la Charte se fonde sur l’article 13 de la CEDH. Or, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le sens et la portée des droits qu’elle reconnaît sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention et la circonstance, mentionnée dans les explications relatives à la Charte, que la protection en droit de l’Union est plus étendue puisqu’elle garantit un droit à un recours effectif devant un juge, est dénuée de pertinence en l’espèce.

( 33 ) Voir, par analogie, jurisprudence relative au mandat d’arrêt européen et, en particulier, arrêts du 25 juillet 2018, AY (Mandat d’arrêt – Témoin) (C‑268/17, EU:C:2018:602, point 52), et du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 41).

( 34 ) Nous rappelons, à cet égard, que, compte tenu de l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M. S. S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 358, 360 et 367), un tel risque de condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme est loin d’être incertain et qu’il a été envisagé et pris au sérieux par le législateur de l’Union dans le cadre de l’article 11, paragraphe 1, sous f), de la directive 2014/41.

( 35 ) Voir exposé des motifs de l’initiative du Royaume de Belgique, de la République de Bulgarie, de la République d’Estonie, du Royaume d’Espagne, de la République d’Autriche, de la République de Slovénie et du Royaume de Suède en vue d’une directive du Parlement européen et du Conseil concernant la décision d’instruction européenne en matière pénale (document no 9288/10, add 1, du 3 juin 2010, disponible à l’adresse Internet suivante : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9288-2010-ADD-1/fr/pdf) (p. 14).

( 36 ) Voir notamment arrêt du 21 novembre 2018, Ayubi (C‑713/17, EU:C:2018:929, point 37 et jurisprudence citée).

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