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Document 62015TJ0510

Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 2 février 2017.
Roberto Mengozzi contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale TOSCORO – Indication géographique protégée antérieure “Toscano” – Motif absolu de refus – Article 142 du règlement (CE) no 40/94 – Articles 13 et 14 du règlement (CEE) no 2081/92 – Déclaration de nullité partielle.
Affaire T-510/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:54

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

2 février 2017 ( *1 )

«Marque de l’Union européenne — Procédure de nullité — Marque de l’Union européenne verbale TOSCORO — Indication géographique protégée antérieure “Toscano” — Motif absolu de refus — Article 142 du règlement (CE) no 40/94 — Articles 13 et 14 du règlement (CEE) no 2081/92 — Déclaration de nullité partielle»

Dans l’affaire T‑510/15,

Roberto Mengozzi, demeurant à Monaco (Monaco), représenté par Me T. Schuffenecker, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Schifko et Mme S. Crabbe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent,

partie intervenante,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva Toscano IGP, établi à Florence (Italie), représenté par Me F. Albisinni, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 5 juin 2015 (affaire R 322/2014‑2), relative à une procédure de nullité entre le Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva Toscano IGP et M. Mengozzi,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2015,

vu la décision du président de la septième chambre du Tribunal du 15 janvier 2016 admettant la République italienne à intervenir au soutien des conclusions de l’EUIPO,

vu le mémoire en intervention de la République italienne déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2016,

vu les observations du requérant déposées au greffe du Tribunal le 14 avril 2016,

vu la réattribution de l’affaire à la septième chambre,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 17 juin 2002, le requérant, M. Roberto Mengozzi, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1)].

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TOSCORO.

3

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 29 : « Huile et graisses comestibles ; huiles comestibles végétales et notamment huiles d’olive ; crèmes alimentaires et notamment crèmes de noix, crèmes d’artichauts au jus de truffe, crèmes d’olives vertes et noires ; champignons en sauce et champignons secs » ;

classe 30 : « Café, extraits de cafés et préparations à base de café ; succédanés du café et extraits de succédanés du café ; thé, extraits de thé et préparations à base de thé ; cacao et préparations à base de cacao, chocolat, produits de chocolat, confiserie, sucreries ; sucre ; édulcorants naturels ; produits de boulangerie, pain, levure, articles de pâtisserie ; biscuits ; gâteaux, desserts, poudings ; glaces comestibles, produits pour la préparation de glaces comestibles ; miel et succédanés du miel ; céréales pour le petit déjeuner, riz, pâtes alimentaires, produits alimentaires à base de riz, farine ou de céréales, également sous forme de plats cuisinés ; produits pour aromatiser ou assaisonner les aliments, sauces à salade, vinaigre, mayonnaise, pizza, sauces et notamment sauces tomates et sauces végétales ».

4

Le 17 novembre 2003, le signe verbal TOSCORO a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 002752509.

5

L’enregistrement de la marque contestée a été publié au Bulletin des marques communautaires no 2004/001, du 5 janvier 2004.

6

Le 10 décembre 2012, l’intervenant, le Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva Toscano IGP, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), g), et k), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

7

La demande en nullité s’appuyait sur l’indication géographique protégée (IGP) « Toscano », enregistrée dans l’Union européenne au titre du règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208, p. 1) [remplacé par le règlement (CE) no 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 2006, L 93, p. 12), lui-même remplacé par le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1)]. L’enregistrement de l’IGP « Toscano » a été accordé pour le produit « huile d’olive » par le règlement (CE) no 644/98 de la Commission, du 20 mars 1998, complétant l’annexe du règlement (CE) no 1107/96 relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement no 2081/92 (JO 1998, L 87, p. 8).

8

La demande en nullité était formulée en ce qui concerne tous les produits visés par la marque contestée.

9

Le 29 novembre 2013, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité pour certains produits relevant des classes 29 (« huile et graisses comestibles » ; « huiles comestibles végétales et notamment huiles d’olive ») et 30 (« produits pour aromatiser ou assaisonner les aliments, sauces à salade »).

10

Le 27 janvier 2014, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’annulation. L’intervenant a également formé un recours incident contre cette décision.

11

Par décision du 5 juin 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement accueilli les recours du requérant et de l’intervenant. En premier lieu, elle a indiqué que l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 n’était pas applicable au cas d’espèce dans la mesure où cette disposition n’était pas en vigueur à la date de dépôt de la marque contestée. En second lieu, renvoyant à l’article 142 du règlement no 40/94, la chambre de recours a considéré que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 2081/92 étaient directement applicables au cas d’espèce. Sur cette base, compte tenu des similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit, elle a conclu que l’usage du signe TOSCORO était constitutif d’une évocation de l’IGP en cause pour certains produits relevant de la classe 29 (« huile et graisses comestibles », « huiles comestibles végétales et notamment huiles d’olive » et « crèmes d’olives vertes et noires ») et qu’il y avait lieu d’annuler la marque contestée en ce qui concerne ces produits.

Conclusions des parties

12

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a considéré que la marque contestée était nulle pour les produits « huile et graisses comestibles », « huiles comestibles végétales et notamment huiles d’olive » et « crèmes d’olives vertes et noires » ;

déclarer la validité de la marque contestée et la maintenir sur le registre des marques de l’Union européenne pour les produits précités ;

condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

13

L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner le requérant aux dépens.

14

La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

En droit

15

À l’appui du recours, le requérant soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012. Le deuxième moyen est pris d’une erreur d’appréciation dans l’analyse de la similitude des signes en conflit dans le cadre de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 15 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), du 15 avril 1994 (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après l’« accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3).

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012

16

Le requérant précise qu’il ne conteste pas l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 au cas d’espèce. Il considère cependant que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation dans l’application de cette disposition. En particulier, le requérant met en avant que le terme « toscano » se référerait à une personne habitant la région de Toscane, en Italie. Dès lors, l’IGP en cause serait descriptive de tous les produits provenant de cette région et le terme « toscano » serait générique, par exemple pour l’huile d’olive. Le requérant indique que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012 prévoit que les IGP « ne peuvent pas devenir génériques ». Dans ce cadre, le terme « toscoro », qui n’évoquerait en aucune manière la région de Toscane, ne pourrait être confondu avec l’IGP en cause pour l’huile d’olive ou des produits similaires.

17

L’EUIPO, soutenu par la République italienne, et l’intervenant contestent les arguments du requérant.

18

À titre liminaire, il y a lieu de relever que les termes « ne peuvent pas devenir génériques », cités par le requérant comme étant ceux de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, renvoient en fait à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012, qui prévoit que « [l]es appellations d’origine protégées et les indications géographiques ne peuvent pas devenir génériques ».

19

Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui [voir arrêt du 29 mars 2012, Omya/OHMI – Alpha Calcit (CALCIMATT), T‑547/10, non publié, EU:T:2012:178, point 19 et jurisprudence citée].

20

Or, en l’espèce, alors que le requérant invoque, au soutien de son moyen, l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, il cite les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du même règlement. Par ailleurs, à aucun endroit de sa requête le requérant ne précise clairement en quoi les dispositions invoquées auraient dû être appliquées par la chambre de recours ni pourquoi, dans ce contexte, elle aurait méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009, également invoqué par le requérant. En outre, ainsi qu’il ressort clairement du point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 était inapplicable au cas d’espèce. Il ressort également de la décision attaquée que la chambre de recours a fait application des dispositions pertinentes du règlement no 2081/92 et non pas de celles du règlement no 1151/2012, invoqué par le requérant devant le Tribunal. Dès lors, comme le soutient l’EUIPO dans ses écritures, l’exposé du premier moyen ne satisfait pas aux conditions posées à l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure.

21

À titre surabondant, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 et que, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments de preuve présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 24 juin 2014, Unister/OHMI (Ab in den Urlaub), T‑273/12, non publié, EU:T:2014:568, point 43 et jurisprudence citée]. Des éléments de fait qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’EUIPO ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’EUIPO avait dû les prendre en considération d’office [voir arrêt du 6 février 2013, Maharishi Foundation/OHMI (MÉDITATION TRANSCENDANTALE), T‑426/11, non publié, EU:T:2013:63, point 36 et jurisprudence citée]. En outre, en vertu de l’article 188 du règlement de procédure, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

22

Or, comme le relève l’EUIPO dans ses écritures, le requérant n’a jamais avancé, devant les instances de l’EUIPO, que l’IGP en cause serait devenue générique ni évoqué, à cet égard, les dispositions du règlement no 1151/2012 qu’il a invoquées devant le Tribunal. Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer que les faits avancés devant le Tribunal auraient dû être pris en considération d’office par l’EUIPO, ce que ne prétend d’ailleurs pas le requérant.

23

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant irrecevable.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation dans l’analyse de la similitude des signes en conflit

24

Le requérant soutient que, même si l’IGP n’est pas devenue générique, ce qu’il n’admet pas, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation dans son analyse de la similitude des signes en conflit dans le cadre de l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. Sur le plan phonétique, le terme « toscoro » se prononcerait, au moins en anglais, en italien et en espagnol, avec une emphase sur la dernière syllabe. Le terme « toscano » se prononcerait, au moins en anglais, avec une emphase sur la syllabe du milieu. Les signes en conflit seraient donc différents à cet égard. Ils seraient également différents sur le plan visuel, compte tenu de leur orthographe respective. Enfin, sur le plan conceptuel, le terme « toscoro » serait un terme inventé, alors que l’IGP en cause véhiculerait le concept d’huile d’olive de Toscane. Les signes en conflit seraient, sur ce plan également, différents. La chambre de recours n’aurait pas dû segmenter la marque contestée et l’IGP en cause. Le requérant indique par ailleurs que l’IGP en cause ne serait pas renommée. Dans ce contexte, le consommateur moyen ne confondra pas les signes en conflit et le requérant conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée évoquera l’IGP en cause. Le requérant ajoute que la chambre de recours aurait commis des erreurs d’appréciation, d’une part, en rejetant son argument selon lequel l’EUIPO aurait enregistré des marques très semblables à l’IGP en cause et, d’autre part, en considérant que la crème d’olive était comparable à l’huile d’olive.

25

L’EUIPO, soutenu par la République italienne, et l’intervenant contestent les arguments du requérant.

26

À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre du deuxième moyen, le requérant conteste, d’une part, la comparaison des signes en conflit menée par la chambre de recours et, d’autre part, la conclusion selon laquelle l’huile d’olive et les crèmes d’olives vertes et noires seraient des produits du même type.

27

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre de recours n’a pas fait application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. En effet, après avoir considéré que l’article 7, paragraphe 1, sous k), du règlement no 207/2009 était inapplicable au cas d’espèce (point 21 de la décision attaquée), elle a précisé que cette disposition avait en fait simplement codifié les règles découlant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 2081/92 qui étaient, quant à eux, directement applicables au cas d’espèce en vertu de l’article 142 du règlement no 40/94. La chambre de recours a ajouté que, si elle était tenue de retenir la même cause de nullité absolue que celle invoquée par la partie au litige, elle était également tenue de la retenir conformément à la législation en vigueur à la date de dépôt de la marque contestée (points 27 et 28 de la décision attaquée). Or, le requérant ne remet pas en cause, devant le Tribunal, le raisonnement suivi par la chambre de recours à cet égard.

28

Sur la question de la réglementation applicable au litige, il convient de rappeler que l’article 142 du règlement no 40/94, tel qu’applicable au cas d’espèce, prévoit que « [l]es dispositions du règlement […] no 2081/92 […], et notamment l’article 14, ne sont pas affectées par le présent règlement ». L’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 2081/92, tel qu’applicable au cas d’espèce, dispose notamment que, « [l]orsqu’une […] indication géographique est enregistrée conformément [à ce] règlement, la demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 et concernant le même type de produit est refusée, à condition que la demande d’enregistrement de la marque soit présentée après la date de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 2, [du même règlement] ». L’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 2081/92 prévoit quant à lui que « [l]es marques enregistrées contrairement au premier alinéa [de cette disposition] sont annulées ».

29

Il en découle que l’EUIPO est tenu d’appliquer le règlement no 40/94 de façon à ne pas affecter la protection accordée aux IGP par le règlement no 2081/92. En particulier, l’EUIPO doit, au titre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 2081/92, refuser l’enregistrement de toute marque qui se trouverait dans l’une des situations visées à l’article 13 du même règlement et concernant le même type de produit et, si la marque a déjà été enregistrée, en déclarer la nullité [voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Consorzio per la tutela del formaggio Grana Padano/OHMI – Biraghi (GRANA BIRAGHI), T‑291/03, EU:T:2007:255, points 53 à 56].

30

En l’espèce, la chambre de recours a appliqué l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2081/92, qui dispose que « [l]es dénominations enregistrées sont protégées contre toute […] usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation” ou d’une expression similaire ». Compte tenu des similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit, elle a conclu que l’usage du signe TOSCORO était constitutif d’une évocation de l’IGP en cause pour certains produits relevant de la classe 29.

31

La notion d’évocation, reprise à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2081/92, recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation (arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, C‑87/97, EU:C:1999:115, point 25, et du 26 février 2008, Commission/Allemagne, C‑132/05, EU:C:2008:117, point 44). À cet égard, la Cour a tenu compte de la parenté phonétique et visuelle qui pouvait exister entre les dénominations de vente. La Cour a également relevé qu’il devait, le cas échéant, être tenu compte de la « proximité conceptuelle » existant entre des termes relevant de langues différentes. Enfin, la Cour a jugé qu’il pouvait y avoir évocation d’une dénomination protégée même en l’absence de tout risque de confusion entre les produits concernés, ce qui importe étant, notamment, que ne soit pas créée dans l’esprit du public une association d’idées quant à l’origine du produit ni qu’un opérateur ne profite de manière indue de la réputation d’une IGP (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, points 33, 35 et 45 et jurisprudence citée).

32

Par ailleurs, compte tenu des objectifs du règlement no 2081/92, qui consistent notamment à assurer la protection des consommateurs (arrêt du 25 juin 2002, Bigi, C‑66/00, EU:C:2002:397, point 31), il y a lieu de prendre en compte l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, points 24 et 25). Il convient également de rappeler que ce consommateur perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35). Enfin, compte tenu des signes en conflit, le consommateur est celui de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).

33

S’agissant de la comparaison des signes en conflit, les arguments du requérant reposent essentiellement, en substance, sur le fait que les signes sont différents et que, en conséquence, la marque contestée n’évoque pas l’IGP en cause.

34

Toutefois, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, le début de chaque signe est identique, à savoir l’élément « tosc ». Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, en principe, le consommateur prête normalement davantage attention au début d’un signe qu’à sa fin [arrêts du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, EU:T:2005:102, points 64 et 65, et du 15 juillet 2015, Westermann Lernspielverlag/OHMI – Diset (bambinoLÜK), T‑333/13, non publié, EU:T:2015:490, point 26].

35

En outre, la lettre finale des deux signes en conflit est également identique, à savoir la lettre « o ».

36

Ainsi, les signes en conflit, composés chacun de sept lettres et de trois syllabes, ont en commun cinq lettres placées de façon identique.

37

Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que les signes en conflit présentaient une forte similitude sur le plan visuel, et ce nonobstant la différence constituée par la présence respective des éléments « or » et « an ». En effet, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, cette différence, qui concerne deux lettres situées au milieu des signes en conflit, ne compense pas la similitude importante relevée précédemment et qui concerne le début et la fin desdits signes.

38

De même, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que les signes en conflit présentaient une forte similitude sur le plan phonétique. En effet, les signes en conflit ont en commun leurs première et dernière syllabes. La différence qui concerne leur syllabe du milieu n’est pas susceptible de remettre en cause la similitude importante qui existe entre les signes, comme l’a correctement relevé la chambre de recours. S’agissant du fait avancé par le requérant selon lequel les signes en conflit se prononceraient, en anglais, avec une emphase différente, il ne saurait remettre en cause la similitude phonétique qui existe entre eux ni le fait que, dans d’autres langues, ils se prononcent avec une accentuation tonique identique.

39

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu’il existe une parenté visuelle et phonétique entre les signes en conflit.

40

L’argument du requérant, à le supposer établi, visant à soutenir que le terme « toscoro » serait un terme inventé, sans signification particulière, alors que l’IGP en cause véhiculerait le concept d’huile d’olive de Toscane, ne saurait amener à conclure à l’absence d’évocation de l’IGP en cause par la marque contestée. En effet, outre le fait que cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la parenté visuelle et phonétique des signes en conflit, le lien qui existe entre une IGP et le produit protégé est inhérent à la nature même des IGP et ne saurait conduire à affaiblir la protection qui leur est accordée par le droit de l’Union.

41

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et, en particulier, de la parenté visuelle et phonétique qui existe entre les signes en conflit, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en retenant que le terme « toscoro » pourrait évoquer l’IGP « Toscano », lorsque le consommateur sera mis en présence de produits du même type que celui visé par ladite IGP. En effet, les similitudes visuelle et phonétique seront de nature à amener le consommateur à avoir à l’esprit, comme image de référence, l’huile d’olive bénéficiant de l’IGP « Toscano », lorsqu’il sera en présence d’un produit du même type revêtu de la dénomination « toscoro » (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2008, Commission/Allemagne, C‑132/05, EU:C:2008:117, point 48).

42

S’agissant des produits concernés, le requérant ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, qui, au demeurant, n’est pas entachée d’erreur d’appréciation, selon laquelle l’huile d’olive est incluse dans les produits « huile et graisses comestibles » et « huiles comestibles végétales et notamment huiles d’olive » visés par la marque contestée et relevant de la classe 29. Ces produits sont donc du même type que l’huile d’olive protégée par l’IGP en cause.

43

Le requérant conteste, en revanche, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée évoquerait l’IGP en cause pour les produits « crèmes d’olives vertes et noires », relevant également de la classe 29.

44

Il y a lieu de rappeler que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 2081/92, tel qu’applicable au cas d’espèce, prévoit le refus d’enregistrement de toute marque qui se trouverait dans l’une des situations visées à l’article 13 du même règlement et concernant le même type de produit. Le produit en cause ne doit donc pas être nécessairement identique au produit qui fait l’objet de l’IGP, mais doit partager avec lui certaines caractéristiques communes.

45

À cet égard, il convient de relever que les crèmes d’olive, d’une part, et l’huile d’olive, d’autre part, partagent une caractéristique importante, à savoir être des denrées alimentaires provenant de l’olive. Leur ingrédient principal est donc identique. Il y a par ailleurs lieu de rejeter l’assertion, manifestement non fondée, du requérant selon laquelle, en substance, les crèmes d’olive seraient essentiellement des « produits cosmétiques ». En effet, outre le fait que cette assertion n’est pas étayée, elle est en contradiction avec l’intitulé et la note explicative relative aux produits de la classe 29 de la classification de Nice, qui visent essentiellement des produits comestibles. De plus, la chambre de recours a retenu à juste titre, sans que le requérant apporte d’élément circonstancié à cet égard, que la notion de « crèmes d’olive » était suffisamment vague pour inclure des crèmes produites à partir d’huile d’olive et qu’il existerait, dès lors, une proximité certaine entre les crèmes d’olive et l’huile d’olive. Il y a d’ailleurs lieu de relever, à cet égard, que les éléments produits par l’intervenant devant l’EUIPO, notamment dans le cadre de ses observations datées du 5 juillet 2013, montrent que certaines préparations culinaires en pot, préparées à base d’olive, incluent comme ingrédient de l’huile d’olive, le cas échéant bénéficiant de l’IGP en cause. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en retenant que les crèmes d’olive étaient des produits du même type que l’huile d’olive protégée par l’IGP en cause.

46

Les autres arguments du requérant ne sont pas susceptibles de remettre en cause ces conclusions.

47

S’agissant du fait selon lequel l’EUIPO aurait enregistré des marques très semblables à l’IGP en cause, il y a lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre, en vertu du règlement no 40/94, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, comme l’a indiqué à juste titre la chambre de recours, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65). Par ailleurs, à supposer que, par ses arguments, le requérant invoque, en fait, une violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que le respect de ce principe doit se concilier avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet et avoir lieu dans chaque cas concret (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 77). Or, pour les motifs qui précèdent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation. Il s’ensuit que le requérant ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours dans la décision attaquée, des décisions antérieures de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 39]. En outre, il convient de souligner que les décisions de l’EUIPO invoquées par le requérant renvoyaient à des signes différents de ceux visés dans la présente affaire.

48

Pour ce qui est de l’argument du requérant selon lequel l’IGP en cause ne serait pas renommée, et à supposer qu’un tel argument soit recevable devant le Tribunal, il est inopérant dès lors que, comme le relève l’EUIPO dans ses écritures, la renommée d’une IGP n’est pas une condition de sa protection.

49

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 15 de l’accord ADPIC

50

Le requérant soutient que la marque contestée remplit les conditions posées à l’article 15 de l’accord ADPIC et l’IGP en cause celles de l’article 22 dudit accord. Les deux régimes d’enregistrement s’excluant mutuellement, selon le requérant, la marque contestée devrait continuer à être inscrite sur le registre des marques de l’Union.

51

L’EUIPO, soutenu par la République italienne, et l’intervenant contestent les arguments du requérant.

52

Il y a lieu de rappeler que, au titre de l’article 188 du règlement de procédure, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

53

Or, comme le relève à juste titre l’EUIPO dans ses écritures, l’article 15 de l’accord ADPIC, lu en combinaison avec l’article 22 du même accord, n’a jamais été invoqué par le requérant devant les instances de l’EUIPO.

54

Il en résulte que le troisième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

55

Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions.

Sur les dépens

56

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57

Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

58

Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de l’EUIPO et de l’intervenant, conformément aux conclusions de ces derniers.

59

La République italienne supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

M. Roberto Mengozzi est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et le Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva Toscano IGP.

 

3)

La République italienne supportera ses propres dépens.

 

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 février 2017.

Signatures


( *1 ) * Langue de procédure : l’anglais.

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